M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission budgétaire est essentielle, car elle traduit la reconnaissance de la nation à l’égard de celles et de ceux qui se sont engagés pour la défense de notre pays et de ses valeurs.

L’extension du bénéfice de la campagne double au profit des anciens combattants en Afrique du Nord dont les droits à pension ont été liquidés avant le 19 octobre 1999 est une très bonne nouvelle, qui concernerait 5 500 personnes. Il s’agit d’une vieille revendication du monde combattant, qui trouve donc aujourd’hui une issue favorable.

Je suis également satisfait de l’élargissement, à compter du 1er juillet 2016, du dispositif en faveur des conjoints survivants de grands invalides de guerre, ainsi que de la création d’une allocation viagère de reconnaissance des conjoints et ex-conjoints non remariés survivants d’anciens membres des troupes supplétives en Algérie, dont le montant annuel s’élèverait à 3 415 euros.

Malheureusement, l’énumération des mesures allant dans le bon sens s’arrête là. Je regrette que les crédits alloués à cette mission connaissent une baisse de 125 millions d’euros, alors que la programmation triennale prévoyait une diminution de 114 millions d’euros seulement.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interpeller sur plusieurs sujets.

Premièrement, la retraite du combattant est toujours bloquée à 48 points d’indice. Pour la quatrième année consécutive, elle ne sera pas revalorisée. La valeur du point de pension militaire d’invalidité étant bloquée à 13,97 euros, son montant s’élève à 670,56 euros par an.

Il s’agit donc à nouveau d’un budget en rupture avec la dynamique enclenchée voilà près de dix ans par l’ancienne majorité.

La pension de retraite du combattant a augmenté de près de 30 % sur la période 2007-2012. Attribuée aux titulaires de la carte du combattant, elle n’avait été revalorisée que de 10 % entre 1978 et 2007.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Alain Marc. Alors qu’elle s’élevait à 37 points PMI en 2007, la retraite du combattant a été portée à 48 points au 1er juillet 2012. Malgré un contexte budgétaire difficile, le gouvernement de François Fillon n’avait jamais abandonné cette dynamique. Je souhaite qu’elle soit poursuivie.

Je rappelle que la valeur du point PMI est indexée sur celle du point d’indice de la fonction publique, qui est actuellement gelée, ainsi que sur l’indice des prix. Le seul moyen de revaloriser la retraite du combattant consiste donc à continuer à augmenter le nombre de points PMI, en le faisant passer de 48 à 50 au 1er juillet 2016.

Deuxièmement, le monde combattant est attaché à l’ONACVG et à ses délégations départementales. Quid de cet office dans le cadre de la modernisation de l’action publique et quelles sont les garanties apportées en termes de maillage territorial ?

Monsieur le secrétaire d'État, des inquiétudes se font jour ici et là, notamment dans les zones rurales, et l’on entend dire que les offices départementaux pourraient disparaître, pour être intégrés au sein des services des cabinets des préfets.

Pour bien connaître le directeur départemental de l’ONACVG de l’Aveyron, je peux vous dire qu’il réalise un travail absolument remarquable, non seulement en organisant des cérémonies patriotiques, mais plus encore en tissant des relations étroites avec les associations d’anciens combattants. Personne ne comprendrait la disparition de ces délégations départementales, dont l’existence revêt aujourd'hui une dimension hautement symbolique et se trouve plus que jamais justifiée par le contexte.

Troisièmement, l’aide différentielle aux conjoints survivants a été remplacée, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, par une aide complémentaire aux conjoints survivants. Cela permet aux veuves de bénéficier d’un revenu mensuel égal au seuil de pauvreté tel qu’établi par l’INSEE, soit 987 euros par mois.

Or, depuis juin 2015, les nouvelles demandes d’aide complémentaire sont traitées comme les demandes de secours traditionnelles : l’octroi est facultatif et il doit s’agir de couvrir une dépense à caractère exceptionnel.

Dès 2016, toutes les bénéficiaires de l’aide complémentaire de solidarité devraient entrer dans le droit commun des aides sociales. Aucune garantie de revenu stable ne leur sera plus assurée, ce qui constitue un recul pénalisant.

À titre d’exemple, en l’absence de justificatif de dépense à caractère exceptionnel, les veuves qui percevaient jusqu’alors l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, subiront une perte de 187 euros par mois, soit de 2 244 euros par an.

Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous assurer un revenu stable et décent à ces femmes souvent seules, faibles et démunies ?

Enfin, s’agissant de la médaille militaire, je tiens à souligner que de nombreux anciens combattants répondent aux critères d’attribution et attendent depuis des années de se la voir décerner. Pourquoi la grande chancellerie limite-t-elle chaque année le nombre d’attributions ? Donnons à ces anciens soldats ce qui leur revient !

Pour conclure, je veux rendre hommage aux associations qui défendent inlassablement les droits de ceux qui se sont battus pour leur pays et qui, quotidiennement, participent au renforcement du lien précieux entre l’armée et la nation. Elles sont les gardiennes d’une mémoire que nous voulons tous vivante !

Eu égard aux efforts consentis, et malgré quelques lacunes, les membres du groupe Les Républicains voteront en faveur de l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en ces temps empreints d’émotion et d’inquiétude eu égard aux menaces extérieures et intérieures, nous pouvons constater un rapprochement de notre population et de nos forces de sécurité, gendarmes, policiers et militaires.

Nos militaires ont combattu pour notre liberté. Ce fut le cas hier en Indochine, au Maroc, en Tunisie, en Algérie ; c’est encore le cas aujourd’hui sur les différents théâtres d’opérations extérieures.

Nous leur rendons hommage chaque année, à l’occasion des cérémonies commémoratives, devant les monuments aux morts, et tout particulièrement en cette période où nous honorons les poilus de la guerre de 1914-1918.

Georges Clemenceau parlait en ces termes des poilus à la tribune de l’Assemblée nationale, le 20 novembre 1917 : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Ils veulent qu’aucune de nos pensées ne se détourne d’eux, qu’aucun de nos actes ne leur soit étranger. Nous leur devons tout, sans aucune réserve. »

Nous leur devons tout sans aucune réserve : c’est pourquoi, chaque année, lors de l’examen du budget des anciens combattants, nous essayons de respecter le droit de ceux-ci à la reconnaissance et à la réparation.

Mais les budgets des anciens combattants se suivent et se ressemblent : après avoir diminué de 5,4 % en 2015, les crédits baissent encore de 4,9 % dans le présent projet de loi de finances.

Monsieur le secrétaire d’État, s’il est vrai que le nombre de ressortissants éligibles à la retraite du combattant et bénéficiant d’une pension militaire est en diminution chaque année, on aurait pu espérer que Bercy vous permette, au moins une fois, de bénéficier d’un budget constant. Cela permettrait de prendre en compte les principales revendications, maintes fois soulevées, concernant la retraite du combattant et le plafond de la rente mutualiste.

La retraite du combattant, qui avait augmenté de 30 % entre 2007 et 2012, passant de 37 à 48 points d’indice, est en effet bloquée depuis 2012. La rente mutualiste, dont le plafond a été porté à 125 points de PMI en 2007, n’a pas augmenté depuis cette date.

De plus, le mode de calcul de la valeur du point d’indice PMI, qui sert de base au calcul de la retraite militaire et de la rente mutualiste, pénalise les bénéficiaires de celles-ci, en raison de l’écart grandissant entre la valeur du point d’indice de la fonction publique, qui sert de référence, et l’évolution du taux de l’inflation.

Monsieur le secrétaire d’État, nous pouvons toutefois saluer les quatre mesures nouvelles que vous avez souhaité rendre prioritaires en 2016 pour renforcer les droits et accompagner les plus démunis : extension du bénéfice de la campagne double, augmentation de la dotation de l’ONACVG, mise en place d’un nouveau dispositif d’aide pour les conjoints survivants d’anciens membres des formations supplétives et attribution de la majoration spéciale aux conjoints survivants de grands invalides de guerre.

Malgré ces mesures, appréciées il est vrai des anciens combattants, il reste encore des dossiers souvent évoqués lors de nos rencontres avec le monde combattant.

Dernièrement, les membres de l’Union départementale des associations d’anciens combattants des Deux-Sèvres ont ainsi indiqué aux parlementaires du département qu’ils regrettent notamment la suppression de l’aide complémentaire spécifique aux conjoints survivants. Cette aide différentielle, créée en 2007, avait pour vocation d’aider les conjoints survivants dont les revenus se situaient en dessous du seuil de pauvreté. À la suite d’un contentieux survenu en 2014, l’allocation différentielle aux conjoints survivants a été remplacée par l’aide complémentaire spécifique aux conjoints survivants. Même si ce dispositif est plus large, plus individualisé, mieux adapté aux besoins, il inquiète toutefois les associations, qui n’ont pas reçu la garantie ni l’engagement que le seuil de pauvreté constituera un minimum. Elles craignent que ce secours ne soit globalisé avec les aides exceptionnelles déjà octroyées au regard de situations personnelles et que cela n’entraîne la baisse des dotations.

Ils demandent aussi le maintien de l’exonération de l’impôt sur le revenu de la retraite du combattant et de la demi-part supplémentaire pour les contribuables de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte du combattant, mesures qui sont apparues quelque peu compromises à une certaine époque. L’adoption, par l’Assemblée nationale, de l’amendement visant à abaisser à soixante-quatorze ans l’âge à partir duquel cette demi-part est accordée sera de nature à les rassurer.

Ils regrettent également que de nombreux anciens combattants ne puissent se voir attribuer la médaille militaire, alors qu’ils remplissent les conditions requises.

Ils demandent enfin le maintien des offices départementaux en tant qu’échelons de proximité. Ils craignent en effet que la réorganisation des services de l’État, à partir des périmètres des grandes régions, ne fasse aussi évoluer l’organisation des offices sur notre territoire.

S’il est vrai que vous nous avez rassurés sur ce point lors de votre audition par la commission, nous constatons parfois qu’après le départ à la retraite d’un directeur d’office, son poste est pourvu en intérim par un département voisin. C’est actuellement le cas dans mon département, mais j’ose espérer qu’il ne s’agit que d’une solution transitoire.

Respecter le droit à réparation des anciens combattants est une obligation qui doit nous guider en permanence et ne pas s’éteindre. C'est la raison pour laquelle la nation doit aussi reconnaître la valeur militaire des hommes et des femmes qui sont engagés aujourd’hui dans différentes opérations extérieures.

Si notre pays reconnaît, outre les blessures physiques, les atteintes psychiques subies par nos soldats, certains estiment toutefois que les moyens mis en place pour les soutenir sont insuffisants et inadaptés, notamment en raison de l’absence de prise en charge dans la durée lorsque les troubles se déclenchent plusieurs mois après la fin des engagements.

Nous pourrions aussi évoquer les problèmes rencontrés en matière de reconversion professionnelle après la fin de la période d’activité militaire.

L’expression de notre reconnaissance tient également à notre capacité à sensibiliser la jeunesse aux valeurs qui nous animent et nous rassemblent. La journée défense et citoyenneté, le service militaire volontaire, les cadets de la défense restent des dispositifs privilégiés pour initier les jeunes non seulement aux enjeux de défense et de sécurité, mais aussi à l’engagement civique. Il faut continuer à développer ces initiatives pertinentes. C’est ce que vous nous proposez de faire au travers de ce projet de budget. Je tenais, monsieur le secrétaire d’État, à vous en remercier. Notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.