compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Christian Cambon.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des onze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 103 bis de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Candidatures à une mission commune d’information

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

4

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2016

Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Question préalable (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances pour 2016 (projet n° 255, rapport n° 262).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé, voilà moins d’une semaine, l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2016, nous nous retrouvons une dernière fois pour clore l’automne budgétaire par l’examen en nouvelle lecture de ce même projet de loi ainsi que du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Puisque c’est cet après-midi notre dernière rencontre de l’année et que nous avons déjà passé près d’un mois à débattre de ces deux textes en première lecture, je ne reviendrai pas sur leur contenu, que vous connaissez bien. Je profiterai de cette intervention, quasiment ma dernière de l’année, pour dresser plutôt un bilan des douze mois écoulés.

Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle était la situation l’an dernier à la même époque : on nous disait que le déficit allait augmenter, que les impôts ne rentraient pas dans les caisses de l’État, que nous ne serions pas en mesure de baisser les impôts, comme nous l’avions annoncé ; on affirmait même que la Commission européenne allait nous sanctionner de façon imminente.

Aujourd’hui, après douze mois de travail, quelle est la situation ? Le déficit poursuit sa baisse : nous anticipons que, après être passé de 4,3 % du PIB en 2013 à 3,9 % en 2014, il s’établira à 3,8 % pour 2015, et nous sommes largement confiants sur notre capacité à atteindre cet objectif. Pour 2016, sous une hypothèse de 1,5 % de croissance et de 1 % d’inflation, nous prévoyons qu’il tombera à 3,3 % du PIB.

Le déficit public, le déficit de l’État et le déficit de la sécurité sociale sont au plus bas depuis 2008 ! Résultat : la dette sociale a commencé à refluer dès cette année et la dette publique devrait être quasiment stabilisée l’an prochain.

La dépense publique, quant à elle, continue à progresser, comme il est normal dans une économie en croissance et dont les besoins en santé, en pensions de retraite et en formation sont importants ; mais elle augmente à un rythme historiquement bas, car nous finançons les nouveaux moyens par des économies sur les dépenses non prioritaires.

En un mot, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation de nos finances publiques s’améliore. Il ne s’agit pas de tomber dans le triomphalisme, car la route vers l’assainissement complet de notre situation financière est encore longue ; d’autre part, comme chaque année, de nombreux aléas pèsent sur la réalisation de notre objectif de déficit. Néanmoins, nous pouvons tous nous accorder sur les chiffres ; or les chiffres montrent clairement que notre situation budgétaire s’améliore.

Ce constat dressé, je prévois que nous aurons un désaccord sur la responsabilité du Gouvernement dans cette amélioration ; c’est là le débat parlementaire normal. Permettez-moi seulement de vous rappeler les mesures que nous avons prises au cours de l’année pour respecter notre engagement de réduction du déficit.

Dès le printemps, comme nous constations que des risques pesaient sur la tenue de cet engagement, nous avons décidé de réaliser 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour tenir notre promesse. Dans le même temps, nous avons dû mobiliser en urgence des moyens nouveaux pour assurer la sécurité des Français. La solution de facilité aurait été de les financer par la dette, mais ce n’est pas le choix que nous avons fait : nous les avons financés par des économies supplémentaires, pour ne pas augmenter la dépense totale.

J’en viens aux impôts.

L’an dernier, nous avons connu des écarts à nos prévisions de recettes, liés à la dégradation du contexte macroéconomique, mais dans lesquels certains voyaient le signe évident d’un prétendu exil fiscal. Aujourd’hui que nous anticipons des plus-values par rapport à nos prévisions du printemps, nous n’entendons plus parler d’exil fiscal ! Aujourd’hui comme hier, je le répète, il n’y a aucun lien entre un écart à la prévision et un prétendu exil fiscal des plus fortunés : un tel écart n’est rien de plus que la traduction de cette vérité que les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir… (Sourires.) En tout cas, là encore, les chiffres ne mentent pas : ils montrent clairement que les impôts rentrent dans les caisses de l’État – c’est un fait.

Dans le même temps, nous avons commencé à mettre en œuvre les baisses d’impôts que nous avons promises. Ainsi, pour la production et l’emploi, 7 milliards d’euros d’allégements supplémentaires seront consentis en 2016. Pour les ménages, en particulier pour les classes modestes et moyennes, les impôts auront baissé de 5 milliards d’euros en 2015 et 2016.

Ce que nous avons promis, nous l’avons tenu : les impôts ont baissé en 2015, et ils continueront de baisser en 2016. Au reste, l’évolution du taux des prélèvements obligatoires le prouve : il passera de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,5 % en 2016.

Enfin, on prétendait l’an dernier que la Commission européenne était sur le point de prononcer des sanctions contre notre pays. Quel est le bilan, un an après ? Non seulement aucune sanction ne nous a été infligée et nous respectons strictement la recommandation transmise en début d’année, mais la France a réaffirmé son rôle de pays majeur de l’Union européenne, par le rôle qu’elle a joué dans la résolution de la crise grecque – pour lequel je tiens à rendre hommage à Michel Sapin – et, plus généralement, par la réponse que nous apportons à tous les défis que l’Europe rencontre aujourd’hui.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan de la politique menée en 2015 en matière de finances publiques. Il vous revient à présent de vous prononcer en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2016. En cas de rejet du texte, le Gouvernement demandera à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur ce budget. Je vous invite donc à ne pas laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et à accepter le texte qu’elle a adopté vendredi dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien peur que le Sénat ne vous suive pas dans vos préconisations, monsieur le secrétaire d’État…

La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 10 décembre dernier n’est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2016, ce qui ne vous étonnera pas compte tenu des divergences de fond qui opposent la majorité sénatoriale et la majorité gouvernementale sur la conduite des finances publiques. Ces divergences de fond sont résumées dans le texte de la motion tendant à opposer la question préalable que la commission des finances a examinée ce matin.

Premièrement, le projet de loi de finances pour 2016 ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes pourtant nombreuses qui entourent la prévision de croissance pour l’année prochaine.

Deuxièmement, même si vous venez d’évoquer la Commission européenne, la réduction de notre déficit structurel est inférieure aux recommandations du Conseil de l’Union européenne. Par ailleurs, les efforts d’économies de l’État et de ses opérateurs ne sont pas « documentés », selon les propres termes de la Commission européenne.

Troisièmement, c’est un fait indéniable, le projet de loi de finances pour 2016 entraîne une hausse sensible des effectifs de l’État, qui, je tiens à le préciser, n’est que très partiellement due au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays. En effet, si nous avions approuvé les propositions du Gouvernement pour accroître les effectifs dans les secteurs de la justice, de la police, de la gendarmerie et des douanes, nous constatons une augmentation sensible des effectifs publics en dehors même de ces missions prioritaires.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est faux !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais si ! Le projet de loi de finances initial prévoyait la création nette de plus de 8 000 postes avant même les événements dramatiques du 13 novembre et les annonces du Président de la République qui se sont traduites par les amendements du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Dans son rapport sur le budget de l’État en 2014, la Cour des comptes avait d’ailleurs pointé la hausse de ces effectifs.

En tous les cas, cette hausse des effectifs, hors missions de sécurité, traduit selon nous l’incapacité du Gouvernement à arbitrer entre les missions de l’État. Rappelez-vous, mes chers collègues, que nous avons eu ce débat en séance.

En outre, nous estimons que l’augmentation des effectifs liée aux nouvelles mesures de sécurité devrait être compensée par une réduction équivalente des effectifs dans d’autres domaines d’activité.

Quatrième divergence de fond : aucun effort significatif n’a été observé sur le temps de travail et la masse salariale de l’État, contrairement aux souhaits exprimés par le Sénat. La commission des finances a pourtant réalisé un travail approfondi sur cette question dans le cadre de l’enquête demandée à la Cour des comptes sur la gestion de la fonction publique de l'État. Je rappelle que cette masse salariale représente 40 % des dépenses de l’État. Nous devrions donc nous interdire toute mesure nouvelle en la matière, afin de contenir le dynamisme de la dépense publique. C’était l’objet d’un certain nombre d’amendements du Sénat.

Cinquièmement, le Sénat avait adopté une position très raisonnable et responsable par rapport à la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales qui est prévue dans le projet de loi de finances. La Haute Assemblée avait en effet accepté une telle baisse, à condition qu’en soient exclues l’ensemble des mesures nouvelles qui ont été imposées au Sénat en vertu des fameuses « normes ». Pour le calcul des sommes à retrancher, le Sénat s’est appuyé sur les chiffres de la CCEN, la Commission consultative d'évaluation des normes.

Toutes les études montrent que la nouvelle baisse des dotations aux collectivités sera dangereuse pour l’investissement public local. Selon les dernières statistiques de l’emploi, la baisse significative de la dépense publique locale a ainsi engendré une dégradation de l’emploi, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Enfin, le projet de loi de finances ne comprend aucune mesure de nature à remédier à la hausse de la fiscalité qui pèse sur les ménages et les familles depuis 2012, notamment au travers du quotient familial. Selon les termes mêmes du Premier ministre, cette hausse des impôts a créé « une forme de rupture entre les Français et l’impôt ». (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.) Je précise que la formule n’est pas de moi !

Pour toutes ces raisons de fond, la commission mixte paritaire a échoué. Cela étant, il faut reconnaître que l’Assemblée nationale a tout de même conservé certains apports du Sénat. Cela montre tout l’intérêt pour notre assemblée d’aller jusqu’au bout de la discussion des projets de loi de finances et de ne pas s’arrêter à l’examen de leur première partie.

Pour revenir sur les dispositions du texte de manière plus détaillée, j’indique que, sur les cent quarante-deux articles encore en discussion en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté dans les mêmes termes trente-huit articles modifiés ou introduits par le Sénat. Elle a également confirmé la suppression de six articles et modifié vingt-six articles en conservant une partie des apports de notre assemblée. Je ne pourrai pas mentionner tous les articles concernés ; je vous renvoie donc à mon rapport écrit, qui est très détaillé. En revanche, je peux citer quelques exemples.

L’Assemblée nationale a ainsi repris l’article 3 bis A relatif au taux de TVA applicable à la vente de certains produits de protection hygiénique, introduit notamment sur l’initiative de nos collègues du groupe RDSE, qui recentre la baisse du taux de TVA à 5,5 % sur les seuls produits de protection hygiénique féminine.

Elle a également confirmé l’extension de l’article 7 bis relatif au suramortissement des coopératives, tout en précisant le mode de répartition entre les associés coopérateurs.

À l’article 11, l’Assemblée nationale a repris une mesure adoptée sur l’initiative de la commission des finances visant à rendre éligibles au FCTVA les dépenses d’investissement réalisées dans le cadre du plan France très haut débit, tout en prévoyant son application dès 2015, ainsi que nous l’avions initialement prévu dans le cadre du collectif budgétaire.

À l’article 14, elle a conservé certains apports du Sénat. Je pense en particulier aux taxes affectées aux chambres d’agriculture et à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Fait significatif, elle a également conservé l’article 37 bis, qui a été introduit à la suite d’un travail très approfondi de la commission des finances et qui instaure une déclaration automatique des revenus des particuliers par les plateformes en ligne, tout en la transformant en obligation de remise aux utilisateurs d’un récapitulatif annuel de leurs revenus. À nos yeux, ce n’est sans doute pas suffisant, mais il s’agit là d’un premier pas vers la déclaration effective de revenus, qui, sous couvert de petits compléments de revenu, cachent parfois une activité professionnelle à part entière. Mes chers collègues, je me dois de préciser que cette mesure nous réunit très au-delà de la majorité sénatoriale et suis heureux que nous commencions à avancer sur le sujet.

L’Assemblée nationale a confirmé l’essentiel des modifications apportées par le Sénat à l’article 43 sur les aides fiscales en faveur des départements d’outre-mer et notamment la prolongation jusqu’en 2025 des dispositifs fiscaux pour les collectivités d’outre-mer.

Elle a aussi adopté l’article 34 sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, tel qu’il a été modifié sur l’initiative de la commission des finances.

À l’article 47, l’Assemblée nationale a confirmé le rétablissement de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des terrains Natura 2000.

Elle a par ailleurs confirmé la suppression de plusieurs articles, notamment l’article 46 ter relatif au mécanisme de livraison à soi-même dans le logement social, l’article 47 septies interdisant la revente de tabac et l’article 58 quinquies qui exclut du bénéfice de la péréquation des communes faisant l’objet d’un arrêté de carence.

Enfin, elle a adopté conformes plusieurs articles introduits par le Sénat, dont l’article 3 quater sur le renforcement des amendes pour les importations illégales de produits du tabac et l’article 34 quinquies étalant sur quatre années l’imposition des primes versées par l’État aux sportifs médaillés des jeux Olympiques.

Évidemment, sur d’autres points – ils sont nombreux –, nos divergences persistent, y compris avec vous, monsieur le secrétaire d’État. Nous avons une réelle différence d’approche sur la réforme de l’impôt sur le revenu. L’Assemblée nationale est d’ailleurs revenue aux intentions initiales du Gouvernement en la matière. Contrairement aux engagements du Gouvernement, elle a également augmenté la fiscalité, en particulier les impôts sur les opérateurs de télécommunications pour financer l’audiovisuel public.

L’Assemblée nationale a également maintenu la taxe sur les transactions financières intrajournalières à l’article 8 quater, ou encore l’article 34 bis créant une réduction dégressive de CSG. Introduit à la suite du fameux amendement Ayrault, cet article, dont le financement est incertain, n’a manifestement pas fait l’objet d’une opposition de la part du Gouvernement, puisqu’il a été rétabli par l’Assemblée nationale.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pourquoi dites-vous cela ? Vous savez bien que la Gouvernement s’y est opposé !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai, mais cet article n’a pas fait l’objet d’une seconde délibération.

Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas suivi certaines propositions pourtant utiles du Sénat. Je pense en particulier à l’extension du dispositif d’amortissement accéléré des robots industriels aux ETI, qui figure à l’article 6, à la suppression de taxes à faible rendement, qui figure à l’article 8, à l’assouplissement du dispositif Dutreil en faveur de la transmission des entreprises ou encore à la décote Duflot pour les terrains affectés au ministère de la défense, qui figure à l’article 21 ter.

Enfin, s’agissant des missions budgétaires, l’Assemblée nationale a rétabli les plafonds de huit missions dont les crédits avaient été rejetés par le Sénat et supprimé l’ensemble des amendements de réduction de crédits que nous avions votés, malgré un certain nombre de mesures introduites par le Sénat.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En définitive, même si le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale n’est pas satisfaisant et ne correspond absolument pas à nos orientations, vous constatez, mes chers collègues, que la navette aura été utile. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, après s’être réunie ce matin, considère que, même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une nouvelle navette ne serait sans doute pas de nature à faire beaucoup évoluer les choses, en particulier sur les points de désaccord majeurs. Elle a donc choisi de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec regrettable mais prévisible de la commission mixte paritaire, qui n’est pas parvenue à s’accorder jeudi dernier sur un texte commun, nous sommes amenés à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2016.

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez, la politique économique du Gouvernement recueille le soutien de la grande majorité des membres du groupe RDSE. L’effort de redressement des finances publiques, la limitation des dépenses et la réduction du déficit sont bien réels et, comme vous l’avez répété, seront poursuivis.

En première lecture, notre groupe a défendu pas moins de soixante amendements et est parvenu à en faire adopter certains d’entre eux, dont l’amendement emblématique portant réduction du taux de TVA sur les produits de protection hygiénique. Cette dernière mesure a d’ailleurs été reprise par l’Assemblée nationale, ce dont nous nous félicitons. Les députés ont également repris les dispositions introduites au Sénat par le Gouvernement relatives aux nouvelles mesures de sécurité, de justice et de défense, qui ont été prises à la suite des événements tragiques du 13 novembre.

Dans son discours devant le Congrès du Parlement à Versailles, le Président de la République a déclaré que le pacte de sécurité l’emportait sur le pacte de stabilité. Pour autant, la prévision de déficit resterait inchangée à 3,3 % du PIB, en raison d’une moindre contribution française au budget de l’Union européenne. Malgré la priorité donnée à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, le Gouvernement parvient à ne pas remettre en cause le sérieux budgétaire. Voilà une bonne nouvelle de nature à satisfaire, je le crois, la plupart des parlementaires responsables.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2016 entérine la baisse de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu en faveur des foyers fiscaux modestes. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour la redistribution, même si l’on peut regretter que cette mesure conduise une toujours moindre proportion de ménages à s’acquitter d’une contribution qui devrait selon nous être un impôt universel et citoyen, conformément aux principes érigés il y a un siècle et à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous ne pourrons éviter encore longtemps la grande réforme fiscale qui permettra de revenir aux fondamentaux, notamment à une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu, afin que chacun contribue selon ses moyens.

Le projet de loi de finances pour 2016 entraînera également une nouvelle baisse des dotations aux collectivités territoriales. Le montant de la dotation globale de fonctionnement, dont la refonte a finalement été reportée à l’année prochaine, baissera ainsi de plus de 10 %. C’est un effort toujours plus important qui est demandé aux collectivités, alors même qu’elles assurent l’essentiel de l’investissement public. Espérons que ces mesures n’auront pas de conséquences néfastes sur l’activité, au moment où tout le monde s’accorde à dire que la reprise économique reste plus que jamais précaire.

En tant qu’élus de territoires ruraux, nous déplorons le manque d’attention persistant envers ces territoires, qui connaissent souvent des situations économiques difficiles et sont menacés de dépeuplement. Le monde rural et agricole, auquel le Sénat est très sensible, constitue les racines de ce pays. Il est donc primordial que le reste de la population conserve un lien étroit avec eux.

La santé de notre agriculture est un élément fondamental de sécurité et de souveraineté. C’est pourquoi les attaques portées contre les dispositifs de solidarité tels que la baisse des affectations au Fonds national de gestion des risques en agriculture sont de notre point de vue un très mauvais signal, qui renforce le sentiment d’abandon trop souvent ressenti dans ces territoires.

Avec les marges de manœuvre certes limitées qui sont les nôtres, nous avons fait valoir les préoccupations des élus et des acteurs privés qui composent ces territoires. Cette nouvelle lecture sera, espérons-le, l’occasion de faire à nouveau entendre ces préoccupations.

Comme nous le savons tous, notre pays traverse une situation particulièrement difficile : les chiffres de l’emploi et de l’économie – nous l’avons vu lors des élections régionales – ont véritablement fait vaciller les fondements des formations politiques traditionnelles. Plus que jamais, nous devons être à la hauteur des défis qui se présentent et savoir répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens : les derniers résultats électoraux nous l’imposent et nous rappellent qu’il y a véritablement urgence !

En première lecture, la majorité des membres du RDSE n’avait pas approuvé le texte élaboré par la majorité sénatoriale, auquel manquaient près d’un tiers des missions. Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes relativement réfractaires aux postures trop partisanes. Par conséquent, la majorité de notre groupe devrait adopter la même position à l’issue de cette nouvelle lecture et s’opposera majoritairement à l’adoption de la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. En entendant votre intervention, monsieur le secrétaire d’État, j’ai eu l’impression que vous repreniez tout l’argumentaire de l’excellent service de communication de Bercy, un service qui fonctionne au demeurant très bien.

Pour moi, le projet de loi de finances pour 2016 n’est fait que de faux-semblants :…

M. Vincent Delahaye. … on fait semblant de réduire le déficit ; on fait semblant d’avoir des prévisions réalistes et raisonnables ; on fait semblant de baisser les impôts ; on fait semblant de dégager des économies ; on fait semblant de maîtriser la dette.

M. Vincent Delahaye. Prenons le déficit de 2015, à 73 milliards d’euros.

Monsieur le secrétaire d’État, si vous voulez bien m’écouter…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous écoute ! Mais je ne suis pas le service de communication de Bercy !

M. Vincent Delahaye. Entre 2014 et 2015, le déficit a progressé de 3 milliards d’euros. En 2016, il reste au même niveau qu’en 2015, soit un niveau élevé : entre 70 milliards et 80 milliards d’euros. Cela représente tout de même un quart de nos recettes – ce n’est pas rien ! –, et c’est un déficit nettement plus élevé que le déficit moyen durant les années 2000, qui se situait autour de 50 milliards d’euros. On est donc en droit de considérer que l’on fait semblant de réduire les déficits.

Par ailleurs, vous annoncez des prévisions raisonnables et réalistes. La Cour des comptes les juge atteignables s’agissant de la croissance, mais très optimistes pour l’inflation, la masse salariale et les investissements.

Si vous dites aux Français que leurs salaires augmenteront de 2,8 % en 2016, puisque la masse salariale doit augmenter de 2,8 %, pensez-vous que beaucoup vous croiront ?