Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. Joël Labbé. … qui vise à renforcer ce principe. Ce texte prend des précautions bienvenues lorsqu’il indique, dans son alinéa 6, que les normes nouvelles doivent entraîner une simplification ou une suppression uniquement dans le cas où elles constituent une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales.

La proposition d’élaborer une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité, des offices préventionnistes et des architectes des bâtiments de France est, selon nous, intéressante. Elle pourra permettre une application plus lisible des différentes normes sur l’ensemble du territoire national, d’une façon objective et non plus subjective, en fonction du regard du fonctionnaire ou de l’organisme chargé de les appliquer.

Les écologistes seront vigilants si le Gouvernement traduit effectivement la présente résolution en actes réglementaires. Ainsi, concernant l’assainissement collectif, je comprends parfaitement l’objectif visé, mais la possibilité d’une application laxiste de la délivrance de permis de construire sur la foi de simples délais déclaratifs de mise en conformité m’inquiète. Il faudra faire preuve de fermeté dans ce domaine !

De la même manière, j’aimerais bien connaître la définition des actes de « faible importance » qui seraient exclus du contrôle de légalité en matière d’urbanisme. Ne faut-il pas renforcer les effectifs chargés du contrôle, puisqu’il semble que le contrôle effectif des actes soit insuffisant, plutôt qu’exclure du cadre du contrôle un grand nombre d’actes administratifs au risque qu’ils ne respectent pas la loi, malgré leur toute relative « moindre importance » ? Le respect de la loi ne peut être à géométrie variable. Certes, malheureusement, tel est trop souvent le cas dans les faits, mais nous ne pouvons nous en accommoder !

Ces réserves posées, au regard de l’esprit d’authentique simplification qui inspire ce texte très attendu, je voterai cette proposition de résolution au nom de mon groupe. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Puisqu’il me reste quinze secondes de temps de parole, j’en profite pour indiquer que l’un de nos futurs axes de travail pourrait être le droit à l’expérimentation encadrée en matière d’urbanisme. J’ai eu l’occasion de visiter un endroit regroupant tous les types d’habitats alternatifs – yourtes, cabanes, habitats en paille et terre –, installés sans véritable autorisation, mais extrêmement respectueux de l’esprit de la COP 21. Sur de telles questions, je réclame le droit à l’expérimentation, mais il sera nécessaire d’en débattre de nouveau. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de résolution vient au bon moment, et notre groupe la votera, parce qu’elle va dans le bon sens.

Notre pays a une administration particulièrement compétente et efficace, au point que nous pourrions envisager de l’exporter si cela pouvait permettre de rééquilibrer notre balance commerciale ! (Sourires.) Cette administration est même tellement compétente qu’elle a pris le pouvoir : les plus hauts responsables de ce pays sont en effet le plus souvent issus des grands corps de l’État…

Cela dit, pour la plupart d’entre nous, nous sommes des élus locaux – pour l’instant, on nous en laisse encore le droit ! –, ce qui fait que nous pouvons émettre des avis assez pertinents en matière d’urbanisme ou d’assainissement, grâce à l’expérience acquise dans nos collectivités. Demain, les choses seront certainement différentes. (M. Patrick Abate applaudit.)

Mes chers collègues, notre administration est tellement compétente qu’elle ne peut pas s’empêcher de travailler – nous devrions nous en réjouir, et nous le faisons souvent –, dans des domaines qui nous tiennent particulièrement à cœur.

Même si elle concerne des questions qui s’éloignent un peu des sujets abordés par cette résolution, je vous invite vivement, mes chers collègues, à lire ce chef-d’œuvre de notre administration qu’est la circulaire du 22 décembre 2015 concernant l’application de la loi NOTRe. J’ai fait un peu de droit dans ma vie, d’abord comme étudiant, puis au barreau pendant quelques décennies. Je pensais que les circulaires n’avaient d’impact que sur les services de l’État. Or celle-ci explique quels sont les transferts de compétences ou les évolutions qui sont acceptables.

Il faut donc que vous lisiez tous cette excellente circulaire, parce qu’elle prolonge la loi NOTRe et en précise l’esprit. En matière de liaisons aériennes, vous apprendrez ainsi que le département ne peut plus intervenir, sauf si la liaison présente « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », mais que la région peut organiser ce type de transport. C’est donc une circulaire qui dit ce qui est licite, et on essaiera ensuite d’imposer cette vision à nos collectivités au moyen du contrôle de légalité !

Si c’est à cela que se résume l’évolution positive en matière de réglementation et de normes qui nous est annoncée par l’exécutif, monsieur le secrétaire d’État, je considère que l’on peut faire beaucoup mieux ! En tout cas, c’est un nouveau fossé qui sépare les déclarations publiques de l’action. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, je pourrais m’arrêter là, mais je vais faire totalement abstraction de l’excellent document que l’on m’avait préparé pour vous livrer la suite de ma réflexion.

Nous avons le tort, les uns et les autres, de confondre le problème de la réglementation avec celui des normes. De la réglementation et des textes d’application des lois, il en faut. Cependant, comme nous le disons souvent, moins on a de textes, mieux on les applique – je sais que je m’adresse à un excellent juriste, monsieur le secrétaire d’État. À l’inverse, plus on fabrique de textes, moins on les applique, soit parce que l’administration ne les connaît plus, soit parce que le législateur, lorsqu’il adopte de nouvelles lois, ne tient pas compte des textes antérieurs. Nous finissons ainsi par vivre dans un système d’insécurité juridique.

Nous avons tous, dans nos communes, dans nos intercommunalités, dans nos départements, dans nos régions, la volonté de développer des projets. Pour rendre service à la nation, il faudrait mettre en lumière, dans le cas d’un dossier concret de développement, toute la mécanique administrative qui est imposée à la collectivité pour réaliser son projet, qui prend souvent des années, notamment avec la multiplication des commissions.

Nous voulons tous simplifier les choses. Le Gouvernement a fait des efforts, reconnaissons-le, même si nous ne sommes pas d’accord avec ses conclusions dans le cadre de la réforme territoriale. Pour simplifier, on pourrait déjà supprimer toute une série d’agences et de structures intermédiaires qui font perdre du temps et de l’argent, de même que les commissions administratives des préfectures, qui nous posent des problèmes insurmontables ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Mézard. Ainsi, chaque année, en tant que président d’agglomération, je dois désigner un élu pour siéger à la commission « chauves-souris ». (Sourires.) Pour rassurer M. Labbé, je précise que je suis tout à fait favorable à la protection de ces animaux... Toutefois, dans un département comme le mien, une quarantaine d’élus et de fonctionnaires se réunissent pour discuter du devenir et de la protection des chauves-souris. (Nouveaux sourires.) Je me permets de penser qu’un seul fonctionnaire pourrait accomplir cette tâche ! Cet exemple est caricatural, mais nous pouvons tous être d’accord sur le constat.

Pour conclure, je félicite les auteurs de cette résolution, en faveur de laquelle nous voterons, mais je pense qu’il faut faire beaucoup plus. Enfin, monsieur le secrétaire d’État, cessez de prendre des circulaires qui ont un caractère impératif à l’égard de ceux qui n’en sont pas les destinataires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivons les débats consacrés cette semaine à la simplification des normes, et j’en suis très heureux.

Tout comme Jean-Marie Bockel, je me réjouis que le Sénat ait adopté hier la proposition de loi constitutionnelle que j’ai présentée. Ce texte est, je le crois, important. Il fixe à l’État l’obligation de compenser aux collectivités territoriales le coût induit par toute norme qu’il édicte à leur égard. Il s’agit d’une claire affirmation du principe « prescripteur-payeur ». Cette règle me semble indispensable pour responsabiliser l’État central. Elle est la condition pour endiguer la profusion de normes et de dépenses, rétablir une relation de confiance entre l’échelon local et national et favoriser un changement de culture normative.

Cependant, la simplification normative doit être appréhendée par les deux bouts : en amont, par l’inscription dans la Constitution d’un cadre robuste contre le zèle normatif ; en aval, par le toilettage régulier des normes excessivement complexes.

C’est pourquoi le groupe de travail sur la simplification des normes créé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a entamé une tâche aride, difficile, même frustrante, mais ô combien nécessaire : la simplification du stock de normes applicables aux collectivités territoriales.

Comme cela vient d’être dit, le législateur n’est ni l’unique ni le principal responsable de l’inflation normative. Cette mission de simplification s’est concentrée aussi sur la matière réglementaire. En effet, sur plus de 400 000 normes applicables aux collectivités territoriales, on ne dénombre que 8 000 lois – même si c’est déjà beaucoup ! La plupart de nos partenaires européens ont pris la mesure de l’inflation réglementaire et admis la nécessité d’y mettre un terme.

Ainsi, ils ont expérimenté des dispositifs innovants. Au Royaume-Uni, le principe « pour une norme créée, une norme supprimée » impose au gouvernement de compenser la création d’une norme applicable aux entreprises par la suppression d’une autre... et maintenant de deux autres !

M. Claude Nougein. Il faut aller plus loin !

M. Rémy Pointereau. En Italie, le mécanisme dit « de la guillotine réglementaire » repose sur la fixation d’une échéance au-delà de laquelle une norme est présumée supprimée, sauf à ce que l’administration la justifie.

Au Danemark, enfin, les prescripteurs de normes se déplacent auprès des acteurs de terrain pour évaluer avec eux les effets de la réglementation et les possibilités de simplification.

Ces dispositifs ont permis à ces pays d’atteindre des résultats significatifs. Pour ne prendre qu’un seul exemple, la charge administrative a diminué de 25 % au Danemark, selon l’OCDE. La France doit donc à son tour intensifier son action en faveur de la simplification réglementaire, afin de restaurer les marges d’action des acteurs locaux et de favoriser l’esprit d’initiative dans nos territoires.

Plus précisément, c’est à la simplification de la réglementation applicable en matière d’urbanisme et de construction que le groupe de travail s’est attelé, de nombreux rapports ayant depuis longtemps dénoncé l’anarchie normative qui règne dans ce domaine.

D’ailleurs, l’urbanisme était considéré comme un « champ de simplification prioritaire » par Éric Doligé dans son rapport sur la simplification des normes de 2011, et comme un « foyer de blocage ou de lenteur » par Alain Lambert et Jean Claude Boulard dans leur rapport sur la lutte contre l’inflation normative de 2013.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Rémy Pointereau. La complexité des règles d’urbanisme est également soulignée par les élus locaux eux-mêmes. À cet égard, je ne reviendrai pas en détail sur la consultation conduite par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont les résultats ont été rappelés par le président Jean-Marie Bockel tout à l’heure : deux tiers des élus souhaitent que le droit de l’urbanisme soit allégé.

Pour atteindre ses objectifs, le groupe de travail a adopté une méthode innovante, associant les élus. Ainsi, j’ai réuni les maires de mon département, dont les observations ont nourri nos travaux.

Nos élus ont à cette occasion rappelé la nécessité de lever plusieurs obstacles : la complexité des dossiers d’urbanisme ; l’enchevêtrement des documents d’urbanisme ; les difficultés d’application de certaines normes d’accessibilité, de sécurité et de protection du patrimoine ; les retards induits par les études préalables pour les opérations d’aménagement ; le problème de la mise aux normes européennes des équipements d’assainissement collectif.

Afin de remédier à ces difficultés, le groupe de travail a souhaité donner une traduction concrète à certaines préconisations formulées dans les rapports précités.

À titre d’illustration, il a semblé opportun de faire suite aux propositions formulées par Éric Doligé, s’agissant notamment de la création des zones d’aménagement concerté.

Dans le même ordre d’idées, nous avons trouvé pertinent d’appuyer une recommandation faite par Alain Lambert et Jean-Claude Boulard quant à la nécessité d’ajuster la réglementation parasismique dans les zones présentant un très faible risque. Constatant le caractère excessif de cette réglementation, ils ont attribué dans leur rapport le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes parasismiques là où la terre n’a jamais tremblé » (Sourires.), ce qui a conduit le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN, à s’autosaisir de cette question.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est de la démagogie !

M. Rémy Pointereau. Être à l’écoute des élus locaux et faire aboutir les préconisations des spécialistes de la simplification normative : voilà, en somme, le double esprit qui a présidé à l’élaboration de cette proposition de résolution. Il s’agit non pas de démagogie, monsieur Bosino, mais d’une réalité.

Je souhaite que le Sénat, en adoptant cette proposition, envoie au Gouvernement un signal fort pour l’encourager à simplifier la réglementation des domaines de l’urbanisme et de la construction.

Des annonces ont d’ailleurs été faites dans ce sens à l’issue du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul. Le Gouvernement s’est notamment engagé à harmoniser les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes, à alléger certains contrôles dans les plus petits établissements recevant du public et à simplifier les normes parasismiques dans les zones de sismicité faible et modérée.

Ces engagements doivent être pleinement concrétisés, de sorte que les élus locaux disposent enfin du cadre juridique protecteur qu’ils sont en droit d’attendre.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de veiller à l’avenir de cette résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rappelons en préambule que la norme est un outil, et non une fin en soi. Souvenons-nous de cette vérité simple, exprimée en son temps par Portalis : « Les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois. »

Certes, monsieur Bosino, des règles sont indispensables pour assurer la sécurité et réguler la vie en société, mais force est de constater que leur accumulation finit par en détraquer le bon fonctionnement. Nous avons besoin de pouvoir agir avec souplesse, réactivité, inventivité, alors que l’accumulation des règles paralyse, ralentit et tétanise toute initiative.

Au dernier classement du Forum économique mondial, la France occupait la cent vingt et unième place sur cent quarante-huit pour le poids des contraintes administratives. L’OCDE estime, quant à elle, que notre frénésie réglementaire aurait un coût annuel de 80 milliards d’euros.

Aujourd’hui, quelque 400 000 normes réglementaires s’imposent aux seules collectivités locales. En quatre ans, de 2011 à 2015, le coût induit par les normes nouvelles a été évalué à plus d’un milliard d’euros !

Ce que MM. Lambert et Boulard appellent l’« incontinence normative » dans leur excellent rapport de 2013 est un obstacle considérable à l’initiative et, surtout, à l’efficacité de l’action publique, a fortiori, comme le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation le rappelait, dans un contexte de crise économique et de baisse des ressources de nos collectivités. Les normes deviennent un véritable casse-tête pour les élus et, ce qui est inadmissible, un empêchement de faire !

Face à ce constat, la simplification des normes et la jugulation d’un flux toujours plus important sont primordiales. Aussi, le président du Sénat, Gérard Larcher, a fait à juste titre de la simplification des normes l’une des priorités de notre institution, qui, depuis plusieurs années, a pleinement pris la mesure de ce problème.

À cet égard, il convient de saluer ici l’excellent travail de nos collègues Éric Doligé, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à l’origine de la loi de 2013 portant création du Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Pourtant, si les pouvoirs de ce dernier ont bien été élargis, il faut aussi souligner que les saisines en urgence ou en extrême urgence sont utilisées à outrance, empêchant les élus membres de ce conseil de mener correctement leur travail de fond sur ces normes.

Le Conseil national ne peut, à lui seul, réaliser l’évaluation de la totalité des normes. Aussi, il a préconisé la mise en place d'une procédure de déclassification des normes existantes, confiée non seulement au législateur, mais aussi aux administrations elles-mêmes ; l’un de nos brillants collègues le rappelait tout à l’heure.

De même, le CNEN recommande de limiter la surtransposition des directives européennes, recommandation qui devrait devenir pour nous, mes chers collègues, un principe à suivre obligatoirement.

Nous le savons, les normes représentent un coût financier considérable. La circulaire datant de juillet 2013 et instaurant la règle « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » a été publiée à la suite de l’annonce d’un « choc de simplification » par le Président de la République. Or, en 2014, l’instance d’évaluation des normes a examiné 303 projets, dont le coût a été évalué à environ 1,4 milliard d’euros en année pleine. Cette tendance montre bien que le « choc de simplification » peine, pour le moment, à se traduire dans les faits.

En octobre 2014, le Premier ministre – qu’il en soit félicité ! – a enjoint les ministères de compenser toute charge financière liée à une nouvelle norme par un allégement équivalent. Au moment des vœux inaugurant cette nouvelle année, nous attendons avec impatience les résultats de cette prescription.

L’enquête réalisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation auprès des maires est très significative : sur 4 200 réponses, quelque 61 % des élus considèrent la simplification des normes sur l’urbanisme comme prioritaire.

En tant qu’élus locaux, pour la plupart, nous avons tous vécu des moments de très grande solitude et de profond désarroi dans des situations confinant à l’absurde, face à une administration qui justifie trop souvent et inlassablement l’empêchement de faire par des formules du type : « Je comprends bien votre question, madame ou monsieur le maire, mais ce que vous demandez n’est pas possible à cause des règles d’accessibilité, qui ne sont elles-mêmes pas forcément compatibles avec les règles de sécurité ou le PLU. »

Citons quelques exemples. Les normes de construction parasismiques concernent aujourd’hui 21 000 communes, contre 5 000 auparavant. Comme Rémy Pointereau l’a rappelé, MM. Lambert et Boulard ont, en 2013, attribué le « troisième prix des normes absurdes » aux « normes sismiques là où la terre n’a jamais tremblé ».

Rappelons également l’empilement des documents d’urbanisme – le SCOT, le PLU, le PLH, le plan de déplacement, le plan climat-énergie –, la nécessité de réaliser parfois trois études distinctes avant d’entreprendre des travaux en zone humide, l’excès ubuesque de surprotection, qui conduit parfois – je l’ai vécu – des commissions de sécurité à exiger un contrôle de l’avis du contrôleur.

Je pourrais aussi évoquer l’incompatibilité de la norme et des usages – dans les crèches ou les unités d’Alzheimer, il faut s’assurer de l’impossibilité de sortie, alors même qu’il est nécessaire de disposer d’issues de secours ouvrables à tout moment –, l’étonnante réglementation sur l’implantation des classes mobiles, fréquentes dans nos communes – à ce sujet, notre collègue Éric Doligé a, à juste titre, suggéré que l’autorisation d’implantation de classes mobiles soit non pas renouvelable chaque année, mais valable pour la durée du chantier –, ou encore l’insupportable complexité des procédures de ZAC – le délai actuel de 3 à 5 ans, alors que l’on nous presse de produire des logements, détourne les maires de cet outil très pertinent d’aménagement, qui oblige à avoir une vraie vision du développement de notre commune, appuyée sur une démarche de concertation. Mes chers collègues, en ces matières comme en tout, le mieux est l’ennemi du bien !

Enfin, j’évoquerai les situations invraisemblables provoquées par l’évolution des textes de loi et de réglementation, en prenant l’exemple, très révélateur, d’une commune de mon département. Entre le lancement de la procédure de révision de son PLU et la date définitive d’approbation de celui-ci, le contexte réglementaire a bougé trois fois, pour finalement revenir à la situation initiale.

Manque de chance, cette commune avait achevé l’enquête publique sur la révision de son PLU au moment de la promulgation de la loi ALUR, qui était d’application immédiate. Elle a donc dû relancer la révision de son PLU, réaliser une étude supplémentaire pour intégrer les nouvelles dispositions et, surtout, répondre à l’étonnement justifié des habitants, qui ne comprenaient pas pourquoi le maire recommençait un travail qu’il n’avait pas achevé.

À peine six mois plus tard, la loi d’avenir pour l’agriculture a apporté son lot de modifications et de nouveautés sur le sujet. Enfin, la loi Macron a assoupli ces dispositions, pour que, peu ou prou, l’on revienne aux dispositions applicables avant l’adoption de la loi ALUR.

Mes chers collègues, nous marchons sur la tête !

M. Charles Revet. C’est vrai !

Mme Françoise Gatel. Cessons de constater avec désespérance cette incontinence normative, car, disons-le clairement, les législateurs que nous sommes sont responsables de cette surréglementation,…

M. Charles Revet. Il faut le dire !

Mme Françoise Gatel. … comme l’est aussi l’administration au travers des normes qu’elle édicte.

C’est pourquoi je salue l’excellente initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de son président, ainsi que le non moins excellent travail de notre collègue, Rémy Pointereau, dont je connais la détermination. Nous devons vraiment agir et cesser de gémir.

Simplifier ne veut pas dire déréglementer ! En revanche, simplifier doit être pour nous une ardente obligation. La loi doit avoir pour objet de permettre d’agir et de résoudre des questions au lieu d’empêcher de faire, car cela n’a jamais supprimé une question ou un problème.

Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe de l’UDI-UC votera cette excellente proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, soyons beaux joueurs ! La proposition de loi constitutionnelle ayant été approuvée, monsieur Pointereau, je suis sûr qu’il ne fait aucun doute dans votre esprit que nous sommes à quelques semaines du vote en termes identiques de cet important texte par l’Assemblée nationale et de l’organisation du référendum nécessaire à son entrée en vigueur. (Sourires. – M. Rémy Pointereau s’esclaffe.)

Néanmoins, bien que je m’incline devant l’importance de cette procédure de révision constitutionnelle, je n’hésiterai pas à porter un jugement plus que positif sur cette proposition de résolution.

En effet, j’ai eu la chance de travailler avec Alain Richard, Alain Lambert, Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur sur le renforcement du CNEN, et je mesure l’ampleur et le caractère ingrat de la tâche qu’a confiée le président du Sénat à Jean-Marie Bockel et à la délégation aux collectivités territoriales. Si les choses bougent, comme je le soutiens, le Sénat, notamment sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, y est incontestablement pour beaucoup.

Soucieux d’éviter les répétitions, je ne reviendrai pas sur les observations de la Cour des comptes, qui sont loin d’être neutres. Cette instance regrette l’insuffisante coordination entre le secrétariat général du Gouvernement et le CNEN, dont M. le secrétaire d'État a rappelé hier que la saisine avait été considérablement allégée.

Je veux simplement évoquer la thèse défendue hier par M. le secrétaire d'État au sujet de l’interprétation facilitatrice. M. Vallini s’est adressé aux sénatrices et sénateurs pour leur dire que quelque chose était en train de changer en France. Peut-être les élus locaux que nous sommes ne l’ont-ils pas encore totalement perçu, mais M. Vallini a tenu à nous le faire savoir, les circulaires destinées aux préfets n’imposent plus à ces derniers une stricte lecture des textes. Il s’agit désormais de circulaires interprétatives, qui leur laissent un pouvoir d’appréciation, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État relative au droit souple.

M. Vallini nous dira tout à l’heure ce qu’il pense de la ligne aérienne desservant le Cantal, dont il a été beaucoup question lors de la discussion de la loi NOTRe. En tout cas, pour moi, un préfet digne de ce nom devrait considérer que, si la région ne reprend pas cette compétence, rien ne saurait empêcher le département de le faire au nom de la solidarité territoriale.

Cet excellent exemple concret nous amène à saluer un certain nombre d’avancées en matière d’urbanisme. Sans trop allonger mon propos, je voudrais tout de même rappeler – en effet, biscuit avalé n’a plus de goût ! (Sourires.) – et saluer les mesures prises dans la foulée du comité interministériel de Vesoul sur les ruralités. Vous le savez, chers collègues qui connaissez les territoires, pour la première fois, de l’ordre est remis dans la réglementation sur les plans locaux d’urbanisme. Pour la première fois, un PLU doit tenir compte du projet du maire ou des élus. Pour la première fois, il cesse d’être soumis au carcan de l’urbanisme réglementaire, qui empêchait de mettre en œuvre le projet des élus ! (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je voudrais saluer ces mesures, comme je tiens à saluer les progrès observés du côté du Conseil d’État, sur l’initiative de Cécile Duflot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela aussi, on l’a oublié ! Ces progrès ont permis de lutter contre les recours abusifs en matière de permis de construire, conformément aux préconisations de la commission Labetoulle.

Je voudrais insister particulièrement sur le fait que le droit à l’expérimentation, version Joël Labbé ou version Rémy Pointereau, introduit une possibilité de différenciation.

Je tiens à le dire, saluant au passage Jean-Jacques Hyest, lors des débats sur la loi NOTRe, nous avons défendu le schéma régional d’aménagement du territoire, appelé désormais le SRADDET. Nous avons tenu à ce que cet outil, dont l’échelle est régionale et qui a une portée prescriptive – c’est l’une des grandes modifications apportées par le texte – permette de prendre en compte les spécificités du territoire, ses enjeux, économiques, sociaux et environnementaux, afin de savoir précisément adapter – je n’ai pas peur du mot – la règle.

Je le rappelle, le droit souple, ce n’est pas nous qui l’avons inventé ; c’est le Conseil d’État qui a forgé la notion. Et il a rappelé que si le droit n’est pas toujours aussi souple qu’on pourrait le souhaiter, nous n’y sommes pas pour rien. L’administration y est certes pour quelque chose, mais il ne faut pas oublier le rôle du législateur. Aussi, osons cette différenciation dans l’application !

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État, que les conférences territoriales de l’action publique, les CTAP, vont déjà permettre cette adaptation des politiques publiques aux territoires. Je plaide, quant à moi, pour la simplification. Je vais jusqu’à dire que les SCOT ne couvrent même pas 20 % du territoire national et que l’on peut s’en passer ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)