M. Rémy Pointereau. Exactement !

M. René Vandierendonck. On peut très bien fonctionner avec des schémas régionaux d’aménagement du territoire, qui engagent l’essentiel et qui sont à la bonne échelle. En effet, quand il s’agit de traiter de problématiques d’étalement urbain, de préservation des terres agricoles, d’assainissement, d’hydrologie, quand il faut lutter contre un certain nombre de pollutions, il n’y a pas besoin de SCOT, car les SRADDET sont à la bonne échelle.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. René Vandierendonck. Si vous saviez le temps que les élus de la région Nord-Pas-de-Calais passent, dans le cadre d’un exercice qu’ils appellent « l’inter-SCOT », à essayer de se coordonner, vous vous rendriez compte que l’heure est venue de simplifier ! Je conclus donc en disant : « Continuons à simplifier ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour le maire que je suis, l’ensemble des points qui constitue la résolution dont nous débattons aujourd’hui semblent si évidents que je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est largement partagée sur toutes les travées de l’assemblée représentant les collectivités locales. Aussi formulerai-je, avant toute chose, une interrogation : comment en sommes-nous arrivés là ?

Comment, durant ces décennies, avons-nous laissé prospérer ce labyrinthe de détours et de culs-de-sac qui constitue un parcours du combattant réglementaire dont tout semble donner à penser qu’il vise à ralentir la progression des élus vers la satisfaction des besoins de leur territoire ?

L’écrasante majorité des membres des gouvernements qui proposent les lois et l’écrasante majorité des parlementaires qui votent ces dernières ont exercé les fonctions de maires ou d’élus municipaux. Tous ont donc eu à affronter ces obstacles, qui vont des tracasseries administratives et coûteuses à l’application d’une réglementation souvent excessive et parfois – disons le mot – absurde.

J’y vois une explication : la fâcheuse inclination de notre époque à vouloir placer sous tutelle chacune des entreprises conduites par les personnes physiques ou morales, au lieu de fixer des objectifs et de laisser aux élus le soin de mettre en œuvre leurs propres solutions.

Je pense que cette mise en garde s’adresse directement à nous-mêmes, nous, législateurs et donc prescripteurs de normes. Osons dresser un bilan impartial de la poursuite de certains objectifs parfaitement louables, mais qui se concrétisent sur le terrain en contraintes insurmontables, à l’instar des exigences liées à la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme.

Ces normes d’urbanisme étouffent le développement de nos territoires, notamment en milieu rural. Et la morosité du secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, ne s’explique pas par la seule baisse des dotations ou le mauvais climat économique de notre pays. Elle a également pour origine les obstacles sans cesse plus nombreux qui séparent une délibération d’une inauguration.

Les diverses compatibilités auxquelles les PLU doivent se soumettre forment un étau qui se resserre chaque fois un peu plus. Ajoutons-y la liste des études obligatoires, souvent redondantes, et nous obtenons une illustration typique du mal français.

Les conséquences sont fâcheuses. Je vais en donner une illustration : j’évoquais à l’instant la « grenellisation » des plans locaux d’urbanisme. Comment comprendre qu’il soit désormais fait obligation à un maire de réduire de façon drastique son enveloppe foncière, abandonnant ainsi toute forme d’urbanisation et de développement sur des secteurs qui viennent de faire l’objet d’investissements lourds de la commune pour être viabilisés ?

Nous avons tous ici eu à connaître d’innombrables situations dans lesquelles des citoyens, des entrepreneurs ou des agriculteurs sont révoltés par des règles dont les bénéfices supposés ne leur profiteront jamais, mais dont ils sont les premiers à subir les rigidités.

Les décideurs locaux doivent donc reprendre un peu du poids que la légitimité du suffrage universel leur procure. Sinon, à quoi bon avoir inscrit le principe de décentralisation dans notre Constitution ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

J’en viens au rééquilibrage qui doit, à mon sens, s’opérer face aux agents de l’État dont les conséquences laissées à leur pouvoir d’appréciation font naître des disparités d’un département à un autre, ainsi qu’un climat de perpétuelle incertitude. D’où mon soutien à l’alinéa de la résolution proposant l’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité, de protection du patrimoine et de contrôle des obligations sanitaires.

Prenons le cas des architectes des Bâtiments de France : je pense que, finalement, ils nous sauront gré d’avoir mieux défini leur mission et d’atténuer les facteurs de frictions susceptibles de naître avec les élus locaux.

Je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution excellemment rédigée par notre collègue Jean-Marie Bockel, à qui je veux rendre hommage, ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales, qui a mené un travail de concertation aussi dense que rigoureux.

Mes chers collègues, nous avons l’ardente obligation de redonner de l’air à nos territoires. Maintenant, monsieur le secrétaire d'État, la balle est dans le camp du Gouvernement. Puisque celui-ci prêche la réforme et la simplification, il lui reste plus d’un an pour mener à bien ce chantier pour lequel, soyez-en sûr, vous n’aurez cette fois à souffrir aucune contestation de la part des élus locaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.

M. Cédric Perrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’introduire mon propos par le diagnostic établi par le Conseil d’État en 1991 : « La surproduction normative, l’inflation des prescriptions et des règles ne sont pas des chimères, mais une réalité ». Cette réalité, nous la subissons tous au quotidien. Dans ce rapport, la haute juridiction démontrait déjà l’existence d’une véritable « logorrhée législative et réglementaire ».

D’autres travaux récents sont venus illustrer ce constat : en 2007, le rapport d’Alain Lambert ; en 2011, le rapport d’Éric Doligé ; en 2012, le rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Et sur le plan international, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, consacrait en 2010 une étude relative aux moyens permettant de « mieux légiférer en France ».

Pourtant, plus de vingt-cinq ans après le rapport du Conseil d’État, le constat est le même et il se révèle particulièrement préoccupant pour les collectivités territoriales.

Cela a été rappelé à de nombreuses reprises, cette inflation législative est incompréhensible pour nos concitoyens, parce qu’elle se traduit par des dépenses obligatoires nouvelles, mais aussi parce qu’elle va de pair avec des procédures complexifiées et des délais toujours plus longs. Dans les petites communes, notamment, des aberrations sont quotidiennement constatées. Nous les subissons tous.

Deux propositions concernent la rédaction d’une charte nationale pour harmoniser les niveaux d’exigence en matière de sécurité et d’architecture.

Cette harmonisation est urgente. Tous les maires peuvent en attester. À ce titre, prenons l’exemple d’une commune de mon département, qui compte moins de 400 habitants. Son église, de style roman, dont les premières pierres furent posées au XIIe siècle, figure sur la liste des monuments historiques. Conséquence regrettable de cette prestigieuse qualification, la covisibilité entre l’église et les constructions situées dans un périmètre de 500 mètres donne lieu à des obligations superfétatoires.

Ainsi, un propriétaire âgé s’est vu refuser la pose d’une porte de garage séquentielle, alors même que sa propriété est très éloignée de l’édifice et qu’elle se situe dans un lotissement moderne. Rassurez-vous, la pose d’une porte de garage en bois avec une petite porte lui a été autorisée, ce qui lui impose de sortir systématiquement de son véhicule pour le stationner !

Une autre proposition concerne l’établissement d’une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité. On ne peut douter de l’utilité d’une telle mesure quand on apprend que seuls 22 % des actes reçus ont été effectivement contrôlés en 2012. Au-delà de ce constat, c’est aussi la question de la formation et des compétences techniques des agents municipaux qui se pose. Nombre d’entre eux sont démunis face à la multiplication des normes et à la complexité qui en découle.

Chaque préparation de délibération est redoutée, par crainte qu’elle ne soit « retoquée ». Exclure du contrôle de légalité certains actes secondaires permettra à nos agents de se concentrer sur l’essentiel.

La proposition visant à simplifier la réglementation applicable aux PLU et à réduire le nombre de documents d’urbanisme concourt également à cet objectif : les SRCE, SCRCAE, SRADDT, SRADDET, PGRI, etc., sont autant d’acronymes derrière lesquels se cache un empilement normatif qui nourrit l’exaspération de nos agents. On exige d’eux le respect des réglementations, alors même que celles-ci n’ont pas la même valeur juridique.

J’ai recueilli à cet égard les témoignages d’agents et d’élus de mon département. « On marche sur la tête », m’ont-ils confié, appelant à plus de souplesse. Ils ont raison. Comment justifier des divergences d’appréciation et d’exigence d’un département à un autre ? Comment justifier le zèle dont font parfois preuve certains fonctionnaires qui surajoutent des obligations aux normes en vigueur ?

En ce sens, un autre secteur a été à juste titre désigné comme prioritaire pour la simplification : la mise en accessibilité des établissements recevant du public, un secteur que 36 % des élus ayant répondu au questionnaire proposé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ont en effet mentionné.

Au degré de complexité des dispositions s’ajoute dans ce domaine l’imprévisibilité des avis rendus par les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité. Sur le terrain, les situations s’enlisent. Il est urgent d’agir pour faciliter et promouvoir les actions engagées, et pour enfin harmoniser le degré d’exigence d’un territoire à l’autre.

Ainsi, notre objectif, avec la proposition de résolution, est de faciliter le quotidien des élus locaux et des administrés en relâchant l’étau normatif qui entrave l’action locale. Nous en parlons tous dans nos circonscriptions, nos mairies, nos conseils municipaux. Aussi, ici au Sénat, faisons-le et simplifions enfin ! Une fois de plus, notre assemblée s’inscrira ainsi dans sa mission de représentant des collectivités territoriales, en proposant des mesures réglementaires significatives et, surtout, de bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme hier après-midi, nous voici de nouveau réunis autour du sujet des normes, excessives, contraignantes, coûteuses, qui pèsent sur les collectivités territoriales.

Plus précisément, nous discutons aujourd'hui d’une proposition de résolution visant à simplifier et à alléger les normes réglementaires en matière d’urbanisme et de construction, proposition qui émane de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, que préside Jean-Marie Bockel et dont le premier vice-président, Rémy Pointereau, est chargé de la simplification des normes – de la « lutte » contre les normes, suis-je tenté de dire.

Les éléments de ce débat sont connus : nous avons eu l’occasion d’en parler beaucoup hier ; nous le faisons souvent et depuis longtemps, notamment dans cet hémicycle et dans nos départements respectifs.

Je commencerai mon propos en disant, comme je l’ai fait hier, et, comme l’ont fort opportunément rappelé Mme Bataille et MM. Bosino et Labbé, que la norme est utile et même souvent indispensable. Elle est nécessaire dans un État de droit et dans une société qui se veut développée, par exemple dans les domaines de la santé et de l’environnement, ou encore dans le domaine qu’évoquait hier Jean-Pierre Vial, celui de l’accessibilité, notamment aux handicapés, des bâtiments publics.

Grâce à des normes parfois contraignantes, mais c’est leur nature de l’être, des progrès considérables ont été accomplis depuis quelques années en matière de protection de l’environnement, de santé publique et en faveur des handicapés.

C’est le premier élément : il ne faut donc pas complètement « diaboliser » la nécessité, dans nos sociétés, d’avoir des normes parfois contraignantes et, c’est vrai, parfois coûteuses aussi.

M. Charles Revet. Tout est dans la mesure !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour le second élément, je reprendrai ce qui a été dit hier par Jean-Pierre Vial, mais aussi par Jean-Marie Bockel : qui est à l’origine de la prolifération des normes ? Le Parlement.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai.

M. Jean-Marie Bockel. Absolument !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Toutefois, la responsabilité incombe aussi aux gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui vous proposent, mesdames, messieurs les sénateurs, comme ils proposent aux députés, de plus en plus de lois, et des lois de plus en plus longues. Ce constat a été dressé depuis longtemps par le Conseil d'État, par le Conseil constitutionnel – par Jean-Louis Debré notamment, mais pas seulement.

Que ce débat, au-delà des clivages partisans, nous permette donc aussi de faire notre examen de conscience ; le mot est un peu fort, mais sachons reconnaître les responsabilités des uns et des autres dans ce problème, qui est réel.

J’en viens aux solutions, car tout problème a une solution, et c'est aussi le cas de celui que pose, incontestablement, la prolifération normative.

Monsieur Mézard, vous êtes président de la communauté d’agglomération du Bassin d’Aurillac, où je me trouvais récemment et où l’on m’a en effet parlé de l’aéroport. À ce titre, vous avez à nommer des délégués ou des représentants dans de nombreuses commissions, notamment celle qui s’occupe des chauves-souris.

J’ai été président du conseil général de l’Isère et j’avais moi-même à nommer des délégués, comme peut-être M. Savin d’ailleurs (M. Michel Savin sourit.), dans telles ou telles commissions qui s’occupaient, elles aussi, des chauves-souris et d’autres animaux dignes, évidemment, de notre sollicitude. (Sourires.)

M. Savin se souviendra peut-être que j’ai dû patienter pendant des années pour obtenir la réalisation d’un pont dans mon propre canton, entre Tullins et Saint-Quentin-sur-Isère, à cause de la protection des tritons crêtés rendue nécessaire par une norme. (Nouveaux sourires.)

M. Michel Savin. C’est vrai !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Il a fallu surmonter de nombreux obstacles, et, le jour où j’ai enfin cru parvenir au but, on m’a expliqué que le chantier devait être retardé, parce qu’il allait sinon s’ouvrir en pleine période de nidification des hirondelles…

Je connais donc bien ces sujets, qui sont exaspérants.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. André Vallini, secrétaire d'État. J’ai aussi été maire de ma petite ville natale et j’ai moi aussi, monsieur Perrin, eu à respecter la réglementation qui interdit, parce que l’église de Tullins est classée, de construire dans un rayon de 500 mètres. C’est tant mieux d’ailleurs pour la protection du patrimoine, même s’il y a parfois des excès de la part des fameux ABF. Nous sommes donc tous d’accord sur le constat et, tous, nous partageons la même volonté d’agir.

Les gouvernements successifs, là encore de droite comme de gauche, ont essayé d’agir, mais j’ai plutôt tendance à défendre celui auquel j’appartiens, et c'est la raison pour laquelle je vais vous dire que l’actuel gouvernement agit, peut-être pas mieux que les autres, mais en tout cas beaucoup plus que ce n’était le cas depuis une quinzaine d’années, à l’instigation et sous la pression, au bon sens du terme, du Sénat, notamment des membres de la délégation sénatoriale présidée par Jean-Marie Bockel.

L’action résolue engagée par le Gouvernement s’inscrit dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, comme l’a rappelé Mme Gatel.

Le dispositif repose sur le Conseil national d’évaluation des normes, présidé par votre ancien collègue Alain Lambert, ainsi que sur deux circulaires, l’une du 17 juillet 2013, l’autre du 9 octobre 2014.

Un premier bilan des effets de la nouvelle impulsion qu’a donnée le Gouvernement à la lutte contre les normes peut être dressé, en premier lieu sur le flux. Je sais que les chiffres sont toujours sujets à contestation, notamment dans ce domaine, et je n’en citerai donc pas. Je tiens simplement à dire que la DGCL, qui assure le secrétariat du CNEN, est formelle : l’objectif de « zéro charge nouvelle » a été atteint en 2015. Chaque fois qu’une norme a été créée ou que l’« aggravation » d’une norme existante a été décidée, l’administration a été tenue d’obtenir un allégement d’un montant équivalent.

La tendance est donc claire et le résultat net. On ne doit bien sûr pas s’en satisfaire : il faut aller plus loin. Pour accentuer encore en 2016 cette tendance favorable, que personne ne conteste au CNEN, nous allons, à la demande notamment d’Alain Lambert, améliorer les évaluations des conséquences financières des textes présentés au CNEN, car celles-ci ne sont pas suffisamment détaillées. Je disais hier à cette tribune que les administrations centrales se contentent encore trop souvent, en guise de concertation avec les associations d’élus, d’une note d’information ou d’un message électronique.

Cela doit changer, et des directives ont été données en ce sens. Une circulaire a été envoyée par le Premier ministre le 12 octobre dernier à tous les membres du Gouvernement pour leur rappeler que les évaluations financières doivent être aussi précises que possible.

Après le flux, le stock fait lui aussi l’objet de toute notre attention. Une mission d’inspection a d’abord été mandatée en 2015 pour faire ressortir les normes les plus contestables et discuter de leur bien-fondé. Elle a rendu son rapport, avec une liste de 76 propositions regroupées par thématiques, dont celle de l’urbanisme.

J’ai en outre réuni à six reprises des ateliers thématiques à mon cabinet avec les associations d’élus, auxquelles j’avais demandé de nous envoyer des « praticiens » au quotidien de la norme, c'est-à-dire des DGS, les directeurs généraux des services, et des DST, les directeurs des services techniques. Les élus sont évidemment très compétents et dénoncent à juste titre la prolifération des normes, mais ce sont les DGS et les DST qui ont à appliquer celles-ci, avec difficulté, au jour le jour.

À la suite de ces ateliers thématiques, une dizaine de propositions ont été formulées après chaque réunion et deux séries de simplification ont été actées ces derniers mois.

Tout d’abord, comme M. Vandierendonck l’a rappelé, la loi NOTRe a intégré seize mesures de simplification, dont douze étaient issues du rapport de votre collègue Éric Doligé, à qui j’ai rendu hommage hier, ce que je fais de nouveau volontiers cet après-midi. Je ne les citerai pas, mesdames, messieurs les sénateurs, car vous les connaissez.

Ensuite, M. Vandierendonck et Mme Bataille l’ont dit, le 14 septembre dernier, lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu à Vesoul, dix-huit mesures de simplification de normes existantes ont été annoncées, notamment dans le domaine de la gestion des bâtiments publics et l’urbanisme.

Pour aller plus loin en 2016, deux évolutions importantes ont été décidées par le Premier ministre.

La première concerne le renforcement du dispositif gouvernemental. Nous avons obtenu qu’une équipe du SGMAP, le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, soit dédiée au suivi de l’allégement des normes. Des fonctionnaires – il en faut, bien sûr, y compris pour simplifier – sont désormais chargés de suivre la mise en œuvre des simplifications.

En effet, une chose est de dire que l’on va alléger et simplifier une norme et l’acter dans un comité interministériel, ou même dans une loi comme la loi NOTRe, une autre chose est de vérifier que l’allégement et la simplification ne se perdent pas dans les sables de l’administration centrale. Grâce à la SGMAP, notre équipe de suivi est donc renforcée.

La seconde évolution, qui est importante, découle d’une demande formulée par Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau dans la proposition de loi simplifiant les conditions de saisine du Conseil national d’évaluation des normes. Le 20 mai dernier, je vous avais expliqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette proposition de loi ne convenait pas parce qu’elle visait à modifier un décret, mais j’avais pris l’engagement devant vous que j’obtiendrais la modification de celui-ci.

Cela a pris beaucoup de temps, j’en conviens, mais je puis vous dire que pas une semaine ne s’est passée sans que ne m’inquiète de savoir où en était le décret modifié. Il est resté longtemps dans certains bureaux ; il est ensuite resté très longtemps au Conseil d'État ; enfin, la semaine dernière, nous avons obtenu la publication de ce décret : alors que, auparavant, il fallait réunir cent maires, ce qui est beaucoup, même si ces derniers sont désormais 35 945 en France, désormais, un seul maire peut saisir le CNEN d’une modification, d’un allégement, voire d’une suppression de norme s’il le souhaite.

Après le flux et le stock des normes en vigueur, tous deux trop importants, j’en viens au troisième point, que j’ai déjà évoqué hier après-midi et qui est peut-être le plus important : les conditions d’application des normes. Les élus locaux, quand on les interroge, se plaignent bien évidemment de l’excès de normes, mais surtout de la difficulté qu’ils ont à les appliquer, du manque de conseils…

M. Rémy Pointereau. De l’interprétation !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … et de l’interprétation qui est parfois faite de ces normes par l’administration.

Voilà le troisième chantier auquel le Premier ministre m’a demandé de m’attaquer. Sur un conseil judicieux du sénateur Jean-Claude Boulard, expert en la matière, j’ai suggéré au Premier ministre, voilà quelques semaines, d’adresser aux préfets et à tous les chefs de services déconcentrés de l’État une circulaire qui leur prescrive une interprétation facilitatrice des normes ou plutôt, comme diraient les Québécois, un accommodement raisonnable – je trouve la formule plus imagée encore –…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … dans leur application, en fonction des réalités du terrain et de la collectivité locale à laquelle elles doivent être appliquées.

Le Premier ministre a bien voulu signer cette circulaire, qui sera adressée aux préfets dans les prochains jours. On m’avait dit que ce serait fait en décembre, or nous sommes en janvier : je vais donc à nouveau m’inquiéter de savoir si les préfets vont bientôt la recevoir.

Je vous invite d’ailleurs instamment à faire connaître cette circulaire aux élus locaux lors des cérémonies de vœux auxquelles nous participons tous dans nos départements. Vous pourrez leur faire savoir qu’ils auront désormais la possibilité non seulement de saisir le CNEN, pourquoi pas par votre intermédiaire, mais aussi de rappeler aux préfets qu’ils ont reçu du Premier ministre une circulaire qui leur demande d’interpréter de façon facilitatrice telle ou telle norme.

J’en viens maintenant plus précisément à votre proposition de résolution. Elle invite en premier lieu le Gouvernement à remplacer par un décret la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation.

Je ne suis pas certain que faire remonter dans la hiérarchie des normes ce principe de compensation permette de maîtriser très efficacement et rapidement l’inflation normative. Ce qui compte en la matière, vous le savez bien, c’est d’abord la volonté politique, que le Sénat et le Gouvernement ont en commun.

Cette volonté doit aussi s’appliquer à changer la culture de l’administration française. Trop souvent encore, nos hauts fonctionnaires considèrent qu’agir, c’est forcément édicter, réglementer, légiférer. Nous devons aujourd’hui faire comprendre à l’administration qu’agir, ce peut être inciter plutôt que réglementer, ce peut être conseiller plutôt que légiférer.

J’évoquais hier une autre idée de Jean-Claude Boulard, que partage d’ailleurs Alain Lambert – tous deux ont accompli un travail remarquable à ce sujet –, l’idée d’un guide ou d’un référentiel des bonnes pratiques, qui pourrait, dans de nombreux domaines, se substituer à des normes trop contraignantes. Il faut réfléchir à quelques domaines dans lesquels de telles méthodes pourraient être expérimentées.

J’évoquais hier le sujet des cantines : vous savez que la réglementation dans ce domaine est très précise et tatillonne ; je me souviens d’avoir évoqué, lors d’un conseil des ministres où je présentais un bilan d’étape de mon action contre les normes, les réglementations imposant des longueurs et diamètres différents aux quenelles servies dans les cantines selon qu’il s’agisse d’écoles maternelles, d’écoles primaires ou de collèges. Or il existe, dans nos départements, de nombreux restaurants scolaires fréquentés à la fois par des élèves d’écoles maternelles, d’écoles primaires et de collèges : c’est un casse-tête pour l’intendant chargé de la gestion d’un tel restaurant !

Il faut donc faire confiance en premier lieu au bon sens des fonctionnaires qui se trouvent au plus près de la réalité vécue par nos concitoyens. Il faut en outre, par exemple dans ce domaine, préférer un référentiel de bonnes pratiques à des normes tatillonnes…

M. Charles Revet. Il y en a beaucoup !

M. André Vallini, secrétaire d'État. En effet, il y en a beaucoup.

… et quasiment impossibles à appliquer. Je vous soumets donc cette idée ; il peut y en avoir d’autres.

Nous avons réfléchi hier, avec le sénateur Jean-Pierre Vial et l’ensemble d’entre vous, à une autre évolution possible, à savoir une administration différenciée de nos territoires. J’ai écouté attentivement les discours des uns et des autres ; tous, vous avez affirmé qu’il faut adapter les normes à nos réalités locales.

C’est déjà possible, et ce le sera plus encore demain grâce à la loi NOTRe. En effet, à l’article 1er de cette loi, il est prévu que les régions peuvent formuler des propositions d’évolution des lois et règlements, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant leurs domaines de compétence. Ce pouvoir d’adaptation, dont les régions disposent depuis le début de ce mois, respecte le principe d’égalité républicaine, auquel nous sommes tous très attachés, dès lors que deux conditions sont remplies.

La première d’entre elles est que la modulation locale dans l’application d’une norme législative devra reposer soit sur une différence objective de situation entre territoires ou collectivités, soit sur une raison d’intérêt général.

La seconde condition est que la différence de traitement doit être en rapport direct avec les finalités de la législation dans le cadre de laquelle le législateur décide de confier aux collectivités territoriales un pouvoir réglementaire.

Sous ces deux réserves, les régions pourront adapter la législation qui s’applique à l’ensemble du pays aux réalités de leur territoire.