M. Jacques Mézard. Il ne manquait plus que cela !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Enfin, comme le sénateur Vandierendonck l’a rappelé, nous n’avons pas encore assez mesuré le rôle facilitateur que joueront les conférences territoriales de l’action publique, ou CTAP, pour adapter l’organisation des administrations locales aux réalités de nos territoires. Ce rôle apparaîtra plus clairement au fil des mois et des années à venir : en effet, les CTAP pourront, dans chaque région, décider la délégation de telle ou telle compétence, ici à un département, là à une communauté d’agglomération ou à une communauté de communes.

Votre proposition de résolution invite en second lieu le Gouvernement à engager plusieurs mesures de simplification. Avec mon cabinet et les services de l’administration, nous avons beaucoup travaillé sur ce point. Le Gouvernement est très intéressé par ces propositions. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs été engagées dès le comité interministériel aux ruralités de Vesoul, le 14 septembre dernier. Je pense notamment à l’établissement, en concertation avec les élus locaux, d’une charte nationale d’harmonisation des niveaux d’exigence en matière de sécurité et de prévention.

De même, vous proposez d’alléger ou de supprimer les normes parasismiques. Voilà un sujet, parmi d’autres, que connaît parfaitement Jean-Claude Boulard. Il m’en a d’ailleurs saisi et j’ai commencé à faire bouger les choses, ce qui n’est pas facile. Il existe dans notre pays des territoires où la terre n’a jamais tremblé, où la géologie indique qu’elle ne devrait pas trembler avant longtemps et où, pourtant, les normes parasismiques s’imposent,…

Mme Françoise Gatel. Tout à fait !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … engendrant un coût supplémentaire dans la construction des bâtiments.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je m’en préoccupe donc, presque chaque semaine. En tout cas, mon cabinet est là pour ça.

M. Charles Revet. Il y a urgence, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je négocie actuellement avec le ministère de l’environnement, monsieur le sénateur, ce qui n’est pas facile… (Rires et applaudissements sur plusieurs travées.) Celui-ci a en effet, dans beaucoup de domaines, sa façon de voir les choses…

Mme Isabelle Debré. Le cabinet ou la ministre ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Si j’osais employer une formule un peu facile, je dirais : comme il est compliqué de simplifier, dans notre pays ! (Marques d’approbation sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Vous proposez également, mesdames, messieurs les sénateurs, de simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme : cela aussi a été annoncé lors du comité interministériel de Vesoul.

D’autres propositions, telles que l’exclusion du contrôle de légalité d’actes de faible importance ou l’ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques, ont également été engagées lors de ce comité interministériel. J’ai ici la liste que je vous avais promise hier de toutes les mesures de simplification et d’allégement qui sont en cours d’examen ou de réalisation.

Mme Isabelle Debré. Oh là là !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je ne vous en ferai pas la lecture intégrale – cela ne mérite pas d’être mentionné in extenso à la tribune – mais, par exemple, la mesure n° 9 concerne l’harmonisation des dispositions concurrentes – je dis bien « concurrentes » – concernant l’inclinaison de la pente des bordures de piscine. (Rires.) On en est là !

M. Charles Revet. Eh oui ! C’est pour cela qu’il faut changer les choses !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Mon travail, travail de bénédictin ou de Romain, selon la période que l’on préfère, consiste à descendre ainsi dans le détail des choses, afin que les mesures concernant l’inclinaison des pentes de piscine soient harmonisées, car les réglementations ne sont pas les mêmes selon l’administration concernée.

On peut également mentionner, dans le même domaine, l’obligation de vidange des bassins de piscine, qui sera ramenée à une par an au lieu de deux : cela représente tout de même une économie importante pour une commune de faible importance qui a la chance d’avoir une piscine, car une telle vidange coûte cher.

Tout cela paraît quelque peu lointain aux administrations centrales et à leurs hauts fonctionnaires, qui sont excellents, que le monde entier nous envie et que je rencontre régulièrement ; néanmoins, ces sujets concrets sont vécus au quotidien par les élus.

Comme vous le savez, je me rends chaque semaine dans un département, et notamment dans ceux d’entre eux qui sont les plus éloignés des agglomérations urbaines et qui se sentent, à écouter leurs élus, quelque peu délaissés par Paris. J’y vais justement pour leur expliquer que ce n’est pas le cas, que le Gouvernement se préoccupe de leur vie quotidienne, et pour les écouter. Je pars ainsi demain en Vendée pour deux jours et je serai à nouveau la semaine prochaine en Lozère. Or partout, on me parle de problèmes aussi concrets que ceux que je viens d’évoquer : mon travail est bien là, dans le suivi des mesures les plus concrètes et les plus pragmatiques, de ces mesures qui vous intéressent, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que représentants constitutionnels des communautés locales.

En conclusion, si la présente résolution, comme je le pressens, est adoptée, le Gouvernement étudiera très attentivement chacune des propositions qui y sont faites. Par ailleurs, puisque nous partageons dans ce domaine le même objectif, j’allais dire la même philosophie, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée sur son adoption. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Bonne nouvelle !

M. le président. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction

Le Sénat,

Vu l’article 34–1 de la Constitution,

I) Considérant que l’objectif de limitation des charges et contraintes pesant sur les collectivités territoriales du fait de la réglementation doit être considéré comme prioritaire ;

Considérant que le Gouvernement a lui-même posé, par la circulaire du Premier ministre du 17 juillet 2013 relative à la mise en œuvre du gel de la réglementation, le principe : « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » ;

Considérant que l’adoption d’un texte plus impératif qu’une circulaire est nécessaire pour assurer la pleine application de ce principe et l’ancrer dans la culture administrative ;

Invite le Gouvernement à fixer par un décret les conditions dans lesquelles toute introduction d’une norme réglementaire constituant une contrainte ou une charge pour les collectivités territoriales doit s’accompagner de la suppression ou de l’allégement d’une contrainte ou d’une charge équivalente ;

II) Considérant en outre que la situation financière des collectivités territoriales doit conduire à intensifier l’effort de simplification des normes existantes, qui peut conduire à des économies significatives ;

Considérant en particulier la demande de simplification des normes relatives à l’urbanisme et à la construction exprimée tant par les élus locaux que par les administrés ;

Invite le Gouvernement à engager les mesures suivantes :

– établir, en concertation avec les élus locaux, une charte nationale harmonisant les niveaux d’exigence des commissions de sécurité et des officiers préventionnistes ;

– établir également, en concertation avec les élus locaux, une telle charte pour les niveaux d’exigence des architectes des bâtiments de France, en prévoyant une règle de minimis ;

– élaborer au niveau national des référentiels fixant les procédures, les critères et les exigences appliqués dans le cadre des missions d’inspection et de contrôle des agences régionales de santé ;

– simplifier le formulaire CERFA 13404 ;

– inciter les communes dont les équipements d’assainissement collectif n’ont pas encore été mis en conformité avec la législation européenne à déterminer les délais et le concessionnaire retenus pour les travaux de mise aux normes, de manière à permettre la délivrance de permis de construire ;

– établir une liste des actes d’urbanisme de faible importance pouvant être exclus du contrôle de légalité ;

– publier une circulaire clarifiant le régime des dérogations et mesures compensatoires en matière d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) ;

– autoriser un ajustement de la périodicité du contrôle des installations électriques dans les ERP, en s’inspirant des règles applicables aux locaux professionnels ;

– permettre que l’installation de classes démontables dans les établissements scolaires ou universitaires faisant l’objet de travaux soit dispensée de formalités pour la durée du chantier ;

– permettre le regroupement en un dossier unique des dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté ;

– limiter à un mois la majoration éventuelle des délais d’instruction de droit commun en matière d’urbanisme ;

– alléger ou supprimer les normes parasismiques pour les bâtiments de catégorie d’importance III dans les zones de sismicité 2 ;

– simplifier la réglementation applicable aux plans locaux d’urbanisme et réduire le nombre de documents d’urbanisme dont les exigences se superposent ; en particulier, éviter le cumul des études exigées pour les projets de travaux en zones humides.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.) – (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à limiter le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à l'urbanisme et à la construction
 

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Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

La commission des finances a proposé la candidature de M. Francis Delattre.

La candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

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Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des lois n° 2010–837 et n° 2010–838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis ce jour un vote favorable (19 voix pour, une voix contre et quatre bulletins blancs) à la reconduction de M. Philippe Wahl dans les fonctions de président du conseil d’administration de La Poste. (Mme Sophie Primas applaudit.)

Acte est donné de cette communication.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (suite)

Instauration d'un Jour de Mémoire

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe UDI–UC, de la proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française, présentée par M. Vincent Delahaye et plusieurs de ses collègues (proposition n° 145, résultat des travaux de la commission n° 272, rapport n° 271).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un Jour de Mémoire pour perpétuer notre histoire, sensibiliser les jeunes aux sacrifices de leurs anciens et aux valeurs républicaines de la nation française
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Vincent Delahaye, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le groupe UDI-UC d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour d’aujourd’hui de la proposition de loi que j’ai déposée. Je tiens aussi à remercier mes collègues, membres non seulement du groupe UDI-UC mais aussi du groupe Les Républicains, qui ont accepté de cosigner cette proposition de loi.

À un moment où notre pays est attaqué sur ses valeurs républicaines, il m’a semblé nécessaire de prendre une initiative qui permette d’inculquer ces valeurs à tous nos jeunes ; il faut en effet, me semble-t-il, leur apprendre ce qui a fait la France et ce que signifie être Français.

Les journées de commémoration, entre autres éléments, devraient théoriquement jouer ce rôle. Dans les faits, on constate que les jeunes s’en désintéressent. Qui plus est, depuis quelques années, les jeunes hommes ont été privés d’un service militaire qui permettait notamment de leur inculquer certaines valeurs républicaines.

J’ai adressé cette proposition de loi au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble des ministres concernés. Je suis heureux d’avoir reçu une réponse de Mme la ministre de l’éducation nationale. Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui n’a pas manqué de saluer mon initiative, a souligné que son ministère avait déjà pris un certain nombre d’initiatives en la matière. Si je remercie Mme la ministre d’apprécier ce texte, je trouve cependant les actions organisées par son ministère largement insuffisantes au regard des enjeux.

Ainsi, Mme la ministre m’indique qu’est organisé depuis 1982 un partenariat entre son ministère et le ministère de la défense en faveur d’actions en direction des jeunes et des enseignants incitant au souvenir des conflits qu’a connus la France depuis 1870. Ce partenariat est un préalable, une aide au travail de mémoire, mais dont les conséquences concrètes me semblent assez floues.

Mme la ministre précise également que des journées mémorielles sont organisées auxquelles des classes sont associées, par exemple la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau le 27 janvier 2015 dernier et la cérémonie de panthéonisation du 27 mai de la même année. Tout le monde s’en souvient, mais il s’agit de deux journées ponctuelles et on ne connaît pas le nombre d’enfants concernés. Or l’action de l’éducation nationale doit s’inscrire dans le temps et deux journées ponctuelles ne sauraient suffire.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est pour cela que c’est dans les programmes !

M. Vincent Delahaye. Mme la ministre mentionne en outre l’association de l’école à la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai, et la Journée du souvenir des victimes de la déportation, le dernier dimanche d’avril. En tant que maire, je participe à ces commémorations et la ville de Massy a une place Victor Schœlcher avec une statue de Toussaint Louverture – je pense que c’est la seule qui existe en France – : je n’ai jamais eu le bonheur de voir des écoles ou des classes participer à ces journées de commémorations ; je le regrette et j’espère qu’il n’en est pas de même ailleurs. Je crains donc que les actions évoquées ne relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une réalité pour les élèves et leurs enseignants.

Mme la Ministre cite la mise en place du nouveau parcours citoyen de l’école élémentaire jusqu’en classe de terminale, dans lequel la participation des élèves aux commémorations serait renforcée. Dont acte, mais comme ce parcours est nouveau, nous n’avons encore aucun recul quant à son efficacité.

Dans un esprit constructif, je pense que ces initiatives sont intéressantes et vont dans le bon sens. Toutefois, elles sont incomplètes et parcellaires ; elles restent trop souvent subordonnées à la bonne volonté des enseignants et circonscrites dans les établissements scolaires. Elles concernent trop peu d’élèves.

On le constate, un travail de mémoire est bien effectué en classe, au sein de l’univers scolaire, mais aucun travail pratique ne permet de le mettre en valeur, de se l’approprier pleinement et de le partager avec la société civile.

Il manque en particulier l’étincelle pour passer du « devoir de mémoire » – je reprends les termes du courrier de Mme la ministre – au « travail de mémoire », pour que les élèves s’approprient notre histoire et qu’elle devienne leur histoire.

Le travail de mémoire proposé en classe existe déjà dans les programmes scolaires. Ce n’est donc pas un travail supplémentaire pour les enfants et les enseignants. Il s’agit de rendre ce travail systématique pour que tous les enfants en bénéficient à trois reprises au cours de leur scolarité, en CM2, en quatrième – et non plus en cinquième, comme je l’envisageais initialement – et en seconde.

En reprenant le programme scolaire de ces années, il me semble que l’on peut trouver matière à des travaux pratiques.

En CM2, au programme d’instruction civique est inscrit le thème suivant : « connaître les symboles républicains et en comprendre le sens » ; en histoire, figurent les points suivants : « la violence du XXe siècle : les deux conflits mondiaux », « l’extermination des juifs et des Tziganes : un crime contre l’humanité », « la construction européenne ».

En quatrième, le programme d’histoire aborde la question des traites négrières et de l’esclavage ; celui d’instruction civique se concentre sur les valeurs de diversité, égalité, sécurité, liberté, droit, justice.

En seconde, l’enseignement moral et civique a pour thème « Égalité et discrimination » ; en histoire, les thématiques étudiées sont : révolutions, libertés, nations à l’aube de l’époque contemporaine, y compris les abolitions de la traite et de l’esclavage et leur application.

On le constate, les programmes scolaires sont riches et le travail de mémoire peut porter sur de nombreux sujets, prendre de multiples formes pour s’adapter aux élèves et aux projets. L’idée, c’est que les élèves ressentent cette journée non pas comme un devoir imposé, mais bien comme l’aboutissement d’un travail constructif, reconnu et valorisé.

Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objectif, c’est que, à trois reprises au cours de leur scolarité, les élèves puissent travailler avec leurs enseignants, dans le cadre des programmes existants – il ne s’agit donc pas d’un ajout –, sur des objets en lien avec cette problématique. Il peut s’agir de chants patriotiques – pas uniquement les hymnes nationaux –,…

M. Jean-Louis Carrère. Le Chant des partisans !

M. Vincent Delahaye. … d’expositions de travaux des élèves, de témoignages d’anciens combattants ou de militaires des OPEX, de visites de mémoriaux, de conférences, de la présence éventuelle de l’armée… De nombreuses possibilités existent. Ce travail serait montré aux élus et au monde combattant lors d’une journée qui ne serait pas un jour férié au cours de laquelle participeraient les élèves, les enseignants, les parents, peut-être d’autres adultes.

La mise en place de ce jour de mémoire peut se faire progressivement, sur la base du volontariat : volontariat des villes et des élus, volontariat des enseignants.

J’ai présenté cette idée à des municipalités et à des enseignants : un certain nombre d’entre eux seraient intéressés et prêts à faire partie des sites pilotes. Je pense toutefois que cette initiative devrait être généralisée à l’ensemble du pays et à l’ensemble des élèves.

Les associations d’anciens combattants que j’ai contactées sont également très ouvertes à cette proposition. Il est vrai que celle-ci a le mérite de chercher à donner plus d’ampleur à nos commémorations, malheureusement la plupart du temps limitées, et à y associer l’ensemble de la jeunesse. Cela me semble répondre à un besoin aigu.

Dans le cadre de cette proposition de loi, j’ai proposé que ce jour de commémorations, qui, je le répète, ne sera pas un jour férié, soit fixé le dernier jeudi du mois de mai. En effet, il est préférable que cet événement ait lieu vers la fin de l’année scolaire, pour permettre aux enseignants de travailler avec leurs élèves et de rendre compte de ce travail.

J’ai bien noté que la proposition de loi semblait à certains incomplète, voire insuffisante (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.), et que le travail de concertation avec les ministères concernés n’avait pas été mené à son terme, loin de là. En tant qu’auteur de ce texte, je suis favorable à son renvoi en commission et non à un vote aujourd’hui, afin de mener une réflexion plus approfondie avec l’ensemble des groupes et des collègues intéressés et de recueillir l’avis des ministères concernés pour aboutir à un texte qui fera, sinon l’unanimité, du moins consensus.

Je me rallierai donc à la position de la commission et voterai la motion tendant au renvoi en commission de ce texte. J’espère qu’il ne s’agira pas d’un enterrement de première classe (Sourires), mais que ce sera au contraire l’occasion de mettre en valeur cette belle idée d’associer l’ensemble des jeunes à ce travail de mémoire. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l'UDI-UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

M. Claude Kern, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Vincent Delahaye d’avoir eu l’initiative de cette proposition de loi. L’examen de ce texte nous donne en effet l’occasion de nous pencher sur ce sujet important, que l’actualité et le rythme effréné de nos travaux relèguent trop souvent dans l’ombre.

Faire partager la mémoire de notre nation est un enjeu crucial, essentiel : c’est assurer la pérennité du « principe spirituel » qu’est notre nation et qu’Ernest Renan définit comme reposant sur deux éléments : « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; [...] le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis ».

L’actualité récente et le malaise qu’elle a parfois suscité montrent à quel point la transmission de notre mémoire nationale auprès de la jeunesse est aujourd’hui urgente et nécessaire. À bien des égards, il nous reste du chemin à faire.

Cette proposition de loi part en effet d’un triste constat : les commémorations officielles ne rencontrent qu’un faible écho auprès de la jeunesse. S’il y a heureusement des exceptions à ce constat, notamment lorsque les jeunes sont invités spécifiquement, les cérémonies ne réunissent de nos jours le plus souvent que les élus, les représentants d’associations et les anciens combattants.

La proposition de loi a le mérite de souhaiter inverser cette tendance, en instaurant un « jour de mémoire », afin de « sensibiliser les élèves aux enjeux liés à la transmission de la mémoire combattante de notre nation ».

Dans sa version initiale, le texte crée un article nouveau dans la partie du code de l’éducation relative à l’organisation du temps et de l’espace scolaires. Il précise que ce « jour de mémoire » est organisé « pendant l’année scolaire, hors période de vacances et jours fériés, le dernier jeudi du mois de mai », et qu’elle concerne en particulier les classes de CM2, de cinquième et de seconde. Les objectifs pédagogiques de la journée sont déterminés par le conseil supérieur des programmes ; le contenu des activités étant « librement déterminé par les enseignants, dans le respect du programme scolaire » et leur mise en œuvre « coordonnée par l’autorité scolaire responsable et les maires ».

Je crois pouvoir affirmer que, tous, dans cette enceinte, nous partageons les objectifs de ce texte, à savoir donner une plus grande place au travail de mémoire dans l’éducation de notre jeunesse. Le débat au sein de la commission de la culture a montré que cette finalité faisait largement consensus. Ce consensus se retrouve dans la politique du Gouvernement : la participation des élèves aux commémorations et aux cérémonies nationales constitue en effet l’une des mesures de la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, décidée à la suite des attentats du mois de janvier 2015.

Malgré le peu de temps imparti, j’ai proposé à la commission quelques modifications, certaines substantielles, du dispositif de la proposition de loi. Il m’a notamment paru préférable d’inscrire cet événement le jour de classe qui précède immédiatement le 11 novembre. En effet, depuis la loi du 28 février 2012, ce jour est celui à l’occasion duquel il est rendu hommage à tous les morts pour la France. Cette journée n’aurait pas été une nouvelle journée de commémoration en elle-même : il se serait agi d’une journée de classe consacrée au travail de mémoire et à la préparation du 11 novembre.

La solution retenue par l’auteur de la proposition de loi – le dernier jeudi du mois de mai – présente l’inconvénient d’avoir lieu dans un mois qui connaît un grand nombre de commémorations, surtout depuis l’instauration d’une Journée nationale de la Résistance le 27 mai.

En effet, toute initiative en matière de mémoire se heurte à cet état de fait : les commémorations et les « journées de » n’ont jamais été aussi nombreuses, mais ont perdu leur caractère rassembleur et unitaire. En 2008, le rapport de la commission Kaspi rappelait que « la multiplication des commémorations diminue l’effet de chacune d’entre elles » et recensait douze commémorations nationales. De nouvelles ont été créées depuis et toutes les tentatives de remédier à l’émiettement commémoratif ont échoué.

L’éducation nationale n’est pas épargnée par la multiplication des injonctions mémorielles et des journées de mobilisation, bien au contraire. Le temps scolaire est scandé par d’autres « journées de », à l’instar de la journée de l’Europe le 9 mai, de la journée de sensibilisation et de mobilisation des élèves des écoles, collèges et lycées pour les droits des femmes et l’égalité hommesfemmes le 8 mars, de la journée de la laïcité le 9 décembre, ou encore de la journée nationale « Non au harcèlement », dont la première a eu lieu le 5 novembre dernier. Toute initiative visant à favoriser le travail de mémoire dans le cadre scolaire devra tenir compte de cet état de fait.

À la suite d’une discussion à la fois longue et constructive, notre commission a préféré ne pas adopter de texte. Les nombreux intervenants ont salué l’intention des auteurs de cette proposition de loi mais n’ont pas manqué de souligner les difficultés que leur texte soulève.

Tout d’abord, la commission a émis des réserves sur la pertinence de légiférer sur un sujet relevant de l’organisation des enseignements scolaires. De plus, elle a considéré qu’une proposition de loi présentée dans le cadre d’un espace réservé, examinée de surcroît dans des délais extrêmement restreints, ne constituait pas le moyen adéquat de traiter des questions mémorielles. Notre commission a estimé qu’un sujet aussi sensible méritait une réflexion et un travail préparatoire plus importants.

Les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont au contraire émis le vœu que l’examen de cette proposition de loi soit l’occasion d’un débat riche et fécond sur les conditions de la transmission de la mémoire nationale dans l’école de la République et sur les moyens de la favoriser. À cet égard, je salue la présence aujourd'hui du secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, M. Jean-Marc Todeschini, ancien membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, que nous avons plaisir à retrouver.

En conséquence, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission, et moi-même vous proposons, avec l’accord du groupe UDI-UC et de l’auteur de la présente proposition de loi, l’adoption d’une motion de renvoi en commission, en application de l’article 44, alinéa 5, de notre règlement. Cette motion, qui ne sera examinée qu’à l’issue de la discussion générale, ne fera pas avorter le débat et nous permettra de retravailler ce sujet de la plus haute importance. Elle nous donnera le temps de la réflexion et de la concertation, selon des modalités qui restent à définir, afin d’aboutir à un large consensus, car ce n’est pas en s’appuyant sur des divisions partisanes que l’on construit une mémoire partagée.

En conclusion, il est important que nous menions aujourd’hui une réflexion sur la transmission de notre mémoire. À l’heure où notre nation est attaquée de l’extérieur comme de l’intérieur, il nous faut nous ressouder autour d’une mémoire commune et la faire partager à ceux qui nous suivent. Le contexte y est favorable. Le centenaire de la Grande Guerre a été l’occasion d’une forte mobilisation, particulièrement dans les établissements scolaires. Il nous faudra la maintenir à l’avenir alors que s’ouvrira bientôt le centenaire de la bataille de Verdun.

Mes chers collègues, il me semble que, plus que jamais, le souvenir des épreuves passées est nécessaire pour aborder avec confiance celles auxquelles nous sommes confrontées, ainsi que pour mesurer le prix de notre sécurité et de nos libertés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Mme Danielle Michel ainsi que MM. Jean-Louis Carrère et Bernard Lalande applaudissent également.)