PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat, et que le respect du temps de parole est impératif, en 2016 comme en 2015 ! (Sourires.)

entreprise pentair et emploi

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour le groupe communiste républicain et citoyen.

Mme Michelle Demessine. L’actualité sociale de ce début d’année nous sidère. En effet, nous assistons simultanément à une nouvelle vague de licenciements dans l’industrie et à la condamnation à neuf mois de prison ferme de ceux qui résistent devant la brutalité de telles décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

L’urgence est-elle vraiment à la criminalisation de la résistance ouvrière face aux multinationales, qui entrent et sortent de notre pays sans avoir à rendre de comptes, en laissant derrière elles dégâts sociaux et industriels ?

La condamnation, à la demande du ministère public, de huit syndicalistes de Goodyear à neuf mois de prison ferme – c’est une première – est scandaleuse ! Ils doivent être relaxés.

J’invite tous ceux qui soutiennent cette condamnation à considérer le bilan humain de la fermeture de cette usine : douze suicides, des centaines de familles brisées, séparées. De quel côté la violence se trouve-t-elle ?

Le 15 décembre dernier, le tocsin a encore sonné dans la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, qui a reçu un beau cadeau de naissance !

La direction du groupe Pentair a annoncé la fermeture de l’usine de Ham, qui compte 132 salariés, ainsi que 49 licenciements à Saint-Ouen-l’Aumône et 25 sur le site d’Armentières. Le groupe se désengage de la France, alors même qu’il s’était rendu acquéreur de ces sites voilà seulement deux ans. Cette décision incompréhensible aurait été prise pour motifs économiques, alors même que tous les objectifs de productivité ont été atteints, voire dépassés, que le taux de marge brute est de 18 % à 20 % et que le carnet de commandes est plein.

Monsieur le Premier ministre, qu’en est-il de la politique de réindustrialisation de notre pays ?

Les principaux clients de Pentair sont AREVA, EDF et DCNS, dont l’État français est actionnaire.

J’ai entendu avec intérêt la réponse faite par M. Macron à l’Assemblée nationale concernant des pistes actuellement envisagées. Une course de vitesse est désormais engagée, car les nouvelles dispositions de la loi Macron, que nous avons combattue, vont bientôt s’appliquer pour la première fois, réduisant largement le temps disponible pour s’opposer à ces mauvais coups. De quels moyens le Gouvernement va-t-il se doter pour y faire face ? N’oublions pas que c’est l’impuissance devant la brutalité sociale qui mène à l’exaspération et aux tensions, et non le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette année 2016.

Madame la sénatrice, je répondrai sur les deux points développés dans votre intervention.

Concernant la société Pentair, le ministre de l’économie, vous l’avez rappelé, s’est déjà exprimé. Ce groupe américain a entamé un processus de réorganisation de ses marques, de ses produits et de ses sites de production à l’échelle internationale. Le projet de restructuration conduisant à la fermeture du site de Ham, à la suppression d’emplois sur celui d’Armentières et au transfert de lignes de production sur d’autres sites du groupe est vécu comme un choc.

Ces annonces sont difficilement acceptables, socialement et sur le plan industriel. Les services de l’État se sont immédiatement mobilisés. Dans votre région, madame la sénatrice, le commissaire au redressement productif, en lien avec les élus, est en première ligne sur ce dossier.

Les équipes d’Emmanuel Macron œuvrent pour apprécier les qualités tant industrielles qu’économiques du site. Le ministre a demandé à son cabinet de recevoir prochainement à Bercy la direction du groupe, pour discuter de sa stratégie à long terme et des implantations de Pentair en France, étudier ensemble les différents scenarii possibles et, éventuellement, trouver des solutions alternatives : il faut en permanence en chercher ! Si la décision de désengagement devait se confirmer, l’entreprise serait soumise, dans le cadre de la loi dite « Florange », à l’obligation de rechercher un repreneur. En tout état de cause, nous ne baissons pas les bras, et toutes les pistes seront explorées.

Concernant Goodyear, il n’appartient évidemment pas au Gouvernement de commenter une décision de justice, mais il lui incombe de rappeler quelques principes et valeurs.

S’agissant des principes, d’abord, la justice, en France, est indépendante. Certains n’arrivent pas à s’y faire, mais c’est la réalité du fonctionnement démocratique de notre pays. Non, le procureur n’est pas le représentant du Gouvernement, contrairement à ce que certains ont pu affirmer hier. Le parquet a pris des réquisitions en toute indépendance. La décision de la juridiction de première instance est indéniablement lourde, mais il faut la respecter : en tant que chef du Gouvernement, je ne peux pas dire autre chose, tout en mesurant pleinement le choc qu’elle représente pour les syndicalistes condamnés, les salariés de l’entreprise et leurs familles.

Sur le plan des valeurs, ensuite, si le combat syndical est toujours respectable, le respect des personnes représente un principe fondamental. Tout n’est pas permis, y compris quand la violence sociale est très forte. Chacun ici connaît la difficulté du dossier Goodyear, qui avait notamment été suivi par Pascale Boistard, alors députée, et peut parfaitement mesurer le désarroi des salariés.

Il faut toujours maintenir le dialogue, même dans les situations les plus tendues, et ne jamais basculer dans la violence. Cela étant, cette dernière peut prendre différentes formes. C’est la raison pour laquelle je n’accepte pas non plus les propos haineux et violents qui ont été tenus par un dirigeant d’entreprise américain ayant envisagé un moment de reprendre le site. Je n’accepte pas les leçons de ce patron. À mes yeux, mettre de l’huile sur le feu, pousser l’autre à la faute ou insulter un pays ou les salariés d’une entreprise n’est pas digne d’un dirigeant.

Je crois savoir que les syndicalistes condamnés font appel. Dans ces moments où les institutions sont bousculées, je vous invite toutes et tous à faire confiance à la justice pour trouver une position d’équilibre permettant de marquer les limites de ce qui est admissible tout en signifiant la légitimité de la revendication syndicale en tant que telle et la nécessité de la respecter. Il n’y aura jamais, dans notre pays, de criminalisation de l’action syndicale. Je n’accepte pas que l’on exprime des soupçons ou des sous-entendus à cet égard, ce que vous n’avez d’ailleurs pas fait, madame la sénatrice.

Le Gouvernement croit au dialogue social, au rôle et à l’apport des partenaires sociaux, tant au niveau national que, au quotidien, à celui de chaque entreprise.

Cette conviction, que je souhaitais réaffirmer devant vous, ne nous dispense pas de trouver des solutions immédiates pour le site concerné. Comme l’ont dit hier Emmanuel Macron et Pascale Boistard, toute l’attention du Gouvernement se concentre aujourd'hui sur le devenir des salariés et la réindustrialisation du territoire d’Amiens.

Vous avez évoqué avec émotion les événements de ces derniers mois, non pour les instrumentaliser, mais simplement pour rappeler les faits, que nous devons garder en permanence à l’esprit. À cet égard, je connais parfaitement les difficultés des salariés. Une solution a été trouvée pour près des deux tiers d’entre eux, et nous devons nous mobiliser pour qu’il en soit ainsi pour chacun des 1 055 salariés licenciés. Nous travaillons avec les élus du territoire d’Amiens à la réindustrialisation de l’ancien site de Goodyear…

M. François Grosdidier. La quatrième année du quinquennat ! Il serait temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … et, plus largement, au développement du bassin d’emploi : 6 millions d’euros ont été mobilisés en ce sens et les efforts devront se poursuivre. Sur de tels dossiers, ce sont la constance, les valeurs, les principes et le travail qui paieront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)

mesures sociales à compter du 1er janvier 2016

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Yves Daudigny. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Depuis 2012, la sécurité sociale a progressé en France. Le redressement des comptes est désormais en bonne voie.

M. Yves Daudigny. Les droits des assurés ont été renforcés, améliorés et simplifiés.

Malgré le contexte économique et budgétaire, mais aussi européen et international, que nous connaissons, ce gouvernement a montré sa capacité à poursuivre et à réaliser les réformes qui sont les bases du progrès social.

M. François Grosdidier. Il n’y a que vous pour le croire !

M. Yves Daudigny. La création de la prime d’activité apporte une aide de solidarité aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles, en même temps qu’elle valorise le travail.

Trois autres mesures entrent en application en ce début d’année.

La mise en œuvre de l’engagement d’assurer à toutes et tous une complémentaire santé se poursuit, avec la généralisation de la mesure à toutes les entreprises et son extension aux plus de soixante-cinq ans.

L’accès aux soins est également renforcé par la généralisation du tiers payant en médecine de ville. Il est déjà pratiqué par la grande majorité des professions de santé en France et appliqué dans presque tous les pays développés. Les retards de soins et les renoncements aux soins sont une réalité dans notre pays. La généralisation du tiers payant permettra de lever la contrainte financière qui en est souvent la cause.

Enfin, la création d’une protection universelle maladie simplifiera les démarches d’affiliation et assurera la continuité des droits tout au long de la vie. Cette réforme instaure « une seule et unique citoyenneté sociale ». Après la création de la couverture maladie universelle en 1999, elle réalise l’ambition initiale de Pierre Laroque d’une assurance sociale universelle.

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir nous préciser les conséquences très concrètes de ces réformes, en particulier de l’entrée en vigueur de la protection universelle maladie, pour l’amélioration de la qualité de vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, il est exact que nous innovons régulièrement pour faire en sorte que notre sécurité sociale, à laquelle nous sommes collectivement attachés, réponde mieux aux attentes de nos concitoyens et aux besoins de la société française d’aujourd'hui.

Depuis le 1er janvier dernier, plusieurs réformes importantes, que vous avez évoquées, sont entrées en vigueur.

La prime d’activité sera versée pour la première fois le 5 février prochain à des millions de nos concitoyens, en particulier à un million de jeunes n’ayant aujourd'hui droit à rien, dès lors qu’ils travaillent pour une rémunération, s’ils vivent seuls, inférieure à 1 500 euros par mois.

De la même façon, la généralisation de la complémentaire santé en entreprise ouvrira à environ un million de Français l’accès à un tel dispositif et permettra une amélioration de leur complémentaire santé pour des millions d’autres, grâce à des contrats de meilleure qualité.

Vous avez également évoqué la mise en place de la protection universelle maladie. Il s’agit d’éviter les ruptures de parcours de soins auxquelles nos concitoyens sont parfois confrontés lorsqu’ils changent de situation.

Depuis le 1er janvier dernier, les parents qui le souhaitent peuvent demander pour leurs enfants, dès l’âge de douze ans, une carte vitale, qui sera le passeport social de ceux-ci pour la vie.

Les femmes qui ne travaillent pas et qui dépendent de leur conjoint pour leur affiliation à la sécurité sociale seront désormais reconnues comme des assurées à part entière. Il n’y aura plus d’ayants droit.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. De la même façon, lorsque l’on perd son emploi ou que l’on subit une rupture dans sa vie personnelle, il ne sera plus nécessaire d’effectuer des démarches pour continuer à être assuré. Vous le voyez, nous prenons en compte les besoins de nos concitoyens au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

croissance économique

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a annoncé un plan d’urgence pour l’emploi, le énième depuis plus de trente ans.

Malheureusement, les seuls résultats de votre politique à ce jour, ce sont l’atonie de la croissance et une très forte hausse du chômage.

Dans un contexte de croissance mondiale, la France se glorifie, si je puis dire, d’une croissance à peine supérieure à 1 %. Ce sont les plus faibles qui paient le prix de cette situation, notamment au travers de l’explosion du chômage de longue durée, qui concerne aujourd’hui plus de 43 % des chômeurs de notre pays. Il ne suffira pas de former ces chômeurs de longue durée : encore faut-il qu’ils puissent ensuite trouver un emploi.

Certes, vous avez annoncé des mesures en faveur des entreprises, comme le pacte de responsabilité, mais celui-ci n’a compensé qu’à hauteur de 20 % la hausse des prélèvements obligatoires subie par les entreprises depuis 2012.

Au-delà de la mise en place d’un énième plan d’urgence qui, en réalité, ne fera que corriger la situation, alors qu’il faudrait réformer notre système, allez-vous enfin reprendre trois idées simples, d’ailleurs souvent soutenues par Mme la ministre du travail : premièrement, instaurer un contrat de travail unique ; deuxièmement, engager une profonde réforme fiscale visant à remplacer les charges pesant sur le travail par des prélèvements sur la pollution et la consommation ; troisièmement, privilégier la négociation au niveau des entreprises, plutôt que le recours systématique à la loi ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Sapin, retenu à Berlin par une réunion européenne.

Je le confirme, la France connaît une reprise de la croissance. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, la croissance aura dépassé 1 % en 2015 : c’est le meilleur chiffre depuis plusieurs années (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), et les prévisions du Gouvernement pour 2016 devraient être respectées.

Une dynamique est enclenchée en matière de création d’emplois : 50 000 emplois ont été créés en 2015, ce qui est supérieur aux chiffres des années antérieures, même si cela ne suffit pas au regard du nombre des nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi. La France connaît une démographie plus forte que celle de la plupart des autres pays européens : le nombre des jeunes entrant sur le marché de travail étant largement supérieur à celui des départs à la retraite, nous avons besoin, pour enregistrer une diminution du chômage, d’une croissance plus forte que nos voisins.

M. François Grosdidier. Ailleurs, la natalité stimule la croissance !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Rassurez-vous, monsieur Grosdidier, vous figurerez au compte rendu ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

La récente décision de la Banque centrale européenne de prolonger et d’amplifier son programme d’achat d’actifs permettra de garantir des conditions de financement favorables non seulement pour l’État, mais aussi pour les acteurs économiques, les entreprises comme les ménages. Les efforts de redressement des comptes publics ont donné des résultats. Nous avons annoncé ce matin un déficit du budget de l’État inférieur de 4 milliards d’euros aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, en diminution de 14 milliards d’euros.

M. le président. Il faut conclure !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il faut avoir confiance : le plan que le Président de la République annoncera lundi prochain offrira de nouveaux outils en vue de retrouver une croissance suffisante pour faire diminuer le chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour la réplique.

Mme Chantal Jouanno. Je ne doutais pas de la réponse : tout va bien !

Je ne doutais pas non plus que vous ne répondriez pas à mes questions, qui étaient pourtant assez précises.

Nous ne devons pas fréquenter les mêmes personnes.

M. Didier Guillaume. C’est possible, en effet !

Mme Chantal Jouanno. Des millions de nos concitoyens vivent dans la difficulté et ne se satisferont pas de votre invitation à la confiance. Des millions de personnes attendent un emploi, des mesures concrètes !

Vous avez fait tout et son contraire depuis que vous êtes au pouvoir ; il me semble que vous devriez être plus modestes ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

chiffres du chômage

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Fournier. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

La France est désormais reléguée en queue de peloton européen en matière de chômage et de création d’emplois. Au total, on compte dans notre pays 6,5 millions de demandeurs d’emploi, soit plus de 10 % de la population active, contre 5,6 % au Royaume-Uni et 6,4 % en Allemagne.

Cette situation catastrophique touche désormais toutes les classes d’âge et toutes les catégories de la population. Il n’y a plus que le Président de la République pour croire à une réelle et significative inversion de la courbe du chômage d’ici à 2017. La seule véritable inflexion que nous constatons, dans cette politique économique désastreuse, consiste en un glissement sémantique : la question de l’emploi est dorénavant urgente, alors qu’elle n’était, jusqu’ici, qu’une priorité…

Mais les recettes restent les mêmes : contrats aidés, embauche de fonctionnaires et, aujourd’hui, plan de formation irréaliste consistant à transférer 500 000 chômeurs vers la catégorie D pour obtenir artificiellement une inversion de courbe à laquelle le chef de l’État a conditionné sa candidature en 2017.

Ce plan d’urgence, dont le coût est évalué à 1 milliard d’euros, n’est ni plus ni moins que l’aveu public de l’échec d’une politique. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de changer de ligne politique, en engageant notre pays sur la voie incontournable de la compétitivité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur de nombreuses travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Bernard Fournier, nous avons bel et bien engagé ce pays sur le chemin de la compétitivité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, au travers de la mise en œuvre du CICE et du pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, nous avons fait en sorte, pour la première fois depuis plus d’une décennie, que nos entreprises retrouvent des marges de compétitivité et de profitabilité…

M. François Grosdidier. Vous plaisantez ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … et que le coût du travail soit inférieur dans notre pays à ce qu’il est en Allemagne. Telle n’était pas la situation que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités.

M. François Grosdidier. Vous avez à peine rétabli ce que vous avez défait !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Par ailleurs, et c’est sans doute une autre différence entre nous, ce gouvernement a la volonté de s’engager sur la formation de ces centaines de milliers de nos compatriotes sortis du système éducatif sans formation, sans qualification et, de fait, sans possibilité d’insertion sur le marché du travail.

Ce faisant, nous relevons un défi fondamental de la politique de l’emploi en France. Nous savons que cela est possible : en 2014 et en 2015, déjà, nous avons mis en place des plans de formation pour les chômeurs de longue durée, et 57 % de ceux qui en ont bénéficié avaient retrouvé un travail six mois après. Notre économie retrouve la capacité de créer des emplois, comme cela a été rappelé à l’instant ; il s’agit désormais de faire en sorte que ces formations soient d’abord ciblées sur les métiers en tension.

M. François Grosdidier. Vous avez fait le contraire pendant trois ans !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Vous êtes nombreux à souligner les difficultés de recrutement qui existent dans certains secteurs de notre économie. Nous devons pouvoir répondre aux besoins des secteurs porteurs d’emplois pour l’avenir que sont, par exemple, la croissance verte et le numérique.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Le Gouvernement prend ses responsabilités ; il ne baisse pas les bras devant le chômage, il se mobilise et vous demande de vous mobiliser aussi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.

M. Bernard Fournier. Votre réponse est tout sauf rassurante, monsieur le secrétaire d’État. Vos mesures, aussi coûteuses qu’inefficaces, ne sont que d’affichage. Elles trahissent également votre refus de prendre en compte les réalités du monde d’aujourd’hui. Recourir aux recettes du passé ne permet pas d’engager de vraies réformes structurelles. Il est urgent de réformer, d’alléger les charges et de revoir le droit du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

collectivités territoriales et application de la loi NOTRe

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.

Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Il s’agit d’obtenir des précisions sur deux sujets : l’application de la loi NOTRe et le flou juridique qui entoure la situation de la métropole de Marseille.

Madame la ministre, le 22 décembre paraissait une circulaire relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l’exercice des compétences des collectivités territoriales. À notre grande surprise, cette circulaire ne se borne pas à donner une interprétation de la loi NOTRe et à formuler des recommandations, puisqu’elle va au-delà du texte voté par le législateur, en introduisant de nouvelles dispositions de droit. C’est ainsi que l’on peut lire, par exemple, que le département ne peut plus participer au financement d’une liaison aérienne, sauf si celle-ci a « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », ou encore que l’intervention des régions pourra être maintenue pour les maisons de santé, tout comme celle des départements au sein des syndicats mixtes des parcs naturels régionaux.

C’est donc en lisant une circulaire destinée aux préfets que les élus – et le législateur lui-même ! – découvrent de nouvelles dispositions normatives. On est loin d’un simple commentaire visant à adapter concrètement le droit aux circonstances locales.

Madame la ministre, pensez-vous vraiment qu’il appartient à une circulaire de répartir les compétences entre collectivités ? Et si cette circulaire est impérative, pouvez-vous nous indiquer comment s’exercera alors le contrôle de légalité ?

Enfin, madame la ministre, vous n’êtes pas sans connaître la situation ubuesque de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui a vu la semaine dernière l’annulation par le juge administratif de l’élection de son président et qui, dans le même temps, est en attente d’une décision du Conseil constitutionnel qui pourrait entraîner une modification de la composition de son assemblée…

Ma question est simple : la métropole Aix-Marseille-Provence a-t-elle, en ce moment même, toujours une existence juridique, ou faut-il considérer que, depuis la décision du tribunal administratif que j’ai évoquée, les six communautés de communes ont de facto retrouvé une existence légale ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de faire des propositions pour sortir au plus vite de cet imbroglio juridique devenu très difficile à vivre pour tous les élus et les 1 800 000 habitants de ce territoire ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la sénatrice, sans doute avons-nous mal présenté la circulaire en question. En effet, à la demande d’un certain nombre de collectivités territoriales, nous n’avons pas seulement listé et défini les nouvelles compétences découlant de la loi NOTRe, mais aussi rappelé un certain nombre de dispositions relatives aux compétences déjà inscrites dans d’autres codes. S’agissant par exemple des parcs naturels régionaux, le code de l’urbanisme définit, dans le champ de leurs compétences, la protection des espaces agricoles et périurbains et la contribution au développement durable. Un certain nombre d’élus locaux nous demandaient de profiter de cette circulaire pour procéder à de tels rappels et apporter des précisions.

En ce qui concerne les maisons de santé, nous avons ainsi rappelé une disposition antérieure à la loi NOTRe : l’intervention des régions est possible, sur le fondement de l’article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les liaisons aériennes, effectivement, lorsque la participation à leur financement relève de la solidarité territoriale, nous devons non seulement assurer la participation de l’État, mais encore rappeler à la région son rôle en la matière et comment la délégation de compétence doit s’organiser. Nous y travaillons d’ailleurs en ce moment et je pense que nous aurons trouvé une solution dans quelques jours.

Concernant la métropole Aix-Marseille-Provence, nous avons pris acte de l’annulation de la délibération par le tribunal administratif. Cependant, le président reste ordonnateur.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Faudra-t-il ou non tenir la prochaine réunion ? Sans doute pas. En tout état de cause, je vous rappelle que c’est un amendement du Sénat qui nous a mis dans cette situation. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela étant, ce n’est pas grave, car il suffit d’attendre les décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Nous pourrons alors à nouveau travailler avec la métropole Aix-Marseille-Provence, qui constitue un projet de grande qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)