Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais remercier l’ensemble des intervenants, comme le président et la rapporteur de la commission d’enquête de la qualité de leur travail.

Je vous livrerai tout d’abord une impression générale, sous forme de clin d’œil : on peut toujours dire qu’une bouteille est à moitié pleine ou à moitié vide. Or j’ai souvent entendu des responsables de très haut niveau de certains groupes de la majorité sénatoriale dire que la bouteille était trop grande !

Je veux dire par là que l’ambition du Gouvernement est certes d’arriver à un ensemble de mesures, aussi bien concernant la fiscalité, que je détaillerai principalement, que d’autres dispositions législatives ou réglementaires sur le comportement, les interdictions, les obligations des uns et des autres. L’essentiel est de les voter, puis de les mettre en œuvre, à un rythme qui réponde à des situations d’urgence, mais aussi qui respecte les contraintes économiques et sociales sur un certain nombre de sujets que vous avez soulevés.

Au préalable, je vous demande d’excuser la ministre Ségolène Royal de ne pas être parmi la nombreuse assistance de cet après-midi. (Sourires.) La ministre est actuellement en train de conclure une réunion de la commission indépendante chargée d’évaluer les tests d’émissions des véhicules, commission qu’elle avait annoncée, puis installée à l’issue de l’affaire dite « Volkswagen ». Cette réunion est concomitante avec votre débat, et je vous prie donc de comprendre, en plus de l’actualité du jour, que sa présence à cette réunion et à la conférence qui est en voie de s’achever était aussi précieuse que celle qu’elle aurait eu plaisir à assurer devant vous.

Après mon audition du 23 juin dernier en commission, je suis heureux de venir devant vous pour examiner les conclusions de votre rapport. Ce dernier a été riche. Il a considérablement clarifié les enjeux liés à la pollution de l’air, définie comme « la contamination de l’environnement intérieur ou extérieur par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère ». Un décès sur huit en serait la conséquence directe. Quant à son coût économique et financier, beaucoup d’entre vous l'ont rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’élèverait à 100 milliards d'euros.

Vous avez souligné l’urgence de prendre en compte toutes les facettes de ce sujet. Ce rapport très complet présente une stratégie globale. Je concentrerai bien sûr mon intervention sur les questions financières, fiscales, budgétaires qui ont été mobilisées par le passé, dans les mois récents, et qui ont marqué la volonté du Gouvernement.

J’aimerais apporter des éléments de réponse à quelques critiques qui ont été émises. Monsieur Husson, vous soulignez que les crédits du ministère de l’écologie ont baissé de 2 % en pleine COP21. Or les moyens d’action en faveur de l’environnement ne se concentrent pas sur les seuls moyens budgétaires d’un ministère ! En tant qu’observateur attentif de ces questions, vous avez mesuré les moyens mis en faveur de la transition énergétique, pour l’isolation des bâtiments, les crédits d’impôt y afférents, ainsi que le fonds constitué pour développer ces investissements. Vous avez constaté comme moi l’augmentation de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dont la plus grande part est consacrée au soutien et à la mise en œuvre des énergies renouvelables.

Puisque vous prônez, à juste titre, une vision d’ensemble, n’examinez pas l’action du Gouvernement à l’aune du seul facteur du volume des crédits d’un ministère. Bien d’autres éléments contribuent financièrement à l’action du Gouvernement dans ce domaine.

Je voudrais également répondre à plusieurs interpellations sur les questions qui nourrissent l’actualité. Je vous l’ai dit, la ministre est aujourd'hui en contact avec la commission indépendante qui évalue, vérifie, effectue des tests de pollution dans des conditions réelles. Vous aurez l’occasion de prendre connaissance des résultats ; des parlementaires assistent d'ailleurs aux réunions de cette commission.

Il y a eu des perquisitions. Nous aurons l’occasion d’en communiquer les résultats. Tout cela confirme la nécessité d’intégrer des tests d’émissions sur route en situation réelle, dans le cadre des normes européennes. Nous reviendrons aussi sur un certain nombre de points qui ont été évoqués en matière de fiscalité, afin d’avancer dans cette direction.

Au mois de juin dernier, j’avais souligné l’importance de la mise en place, à la fin de 2013, de la contribution climat-énergie. Certains ont la mémoire courte… Le précédent gouvernement avait échoué à mettre en place une taxe carbone. Nous sommes parvenus à prendre en compte le coût du carbone dans la consommation des énergies. La réforme a introduit une évolution des tarifs des trois taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel et la taxe intérieure sur le charbon.

Les émissions en carbone de chaque produit énergétique sont prises en compte, selon une trajectoire intégrant une valeur de la tonne de carbone, fixée à 7 euros en 2014, à 14,5 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. J’en conviens, au travers de la valeur du carbone, c’est au réchauffement climatique plus directement qu’à la qualité de l’air que la contribution climat-énergie, ou CCE, donne un prix.

Toutefois, la proposition n° 11 de votre rapport était bien d’assurer la cohérence des objectifs de lutte contre les gaz à effet de serre et de réduction de la pollution de l’air. Sur cette première question, le réchauffement, nous pouvons, je le crois, faire le constat du courage collectif, dans le contexte porteur de la COP21. La loi de finances rectificative pour 2015 a non seulement confirmé un tarif de 22 euros la tonne pour 2016, mais aussi suivi la trajectoire fixée par la loi de transition énergétique d’une tonne à 30,5 euros en 2017.

Cette trajectoire ambitieuse suppose d’accepter que les automobilistes supportent chaque 1er janvier une hausse de fiscalité de l’ordre de 2 centimes d’euro le litre pour l’essence et de 2,5 centimes d’euro le litre pour le gazole. Pour favoriser la bonne acceptabilité de ces hausses, qui donnent un prix croissant au carbone, nous utilisons systématiquement les rendements liés aux hausses de fiscalité pour baisser les impôts.

C’est le cas de la CCE, dont le rendement de 4 milliards d’euros en 2016 finance la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce sera le cas de la contribution climat-énergie en 2017, avec un rendement accru de 1,9 milliard d’euros au total. Cela permettra notamment de mettre fin à la hausse de la fiscalité électrique, tout en assurant la pérennité du financement de la transition énergétique à travers le service public de l’électricité. En effet, la production d’énergies renouvelables fait l’objet d’un soutien budgétaire public puissant au travers du mécanisme de contribution au service public de l’électricité, ou CSPE.

Depuis le 1er janvier 2016, un compte d’affectation spéciale dédié est créé au sein du budget de l’État ; c’était le souhait des parlementaires. Il finance, grâce aux produits de la fiscalité énergétique, les avantages de tarif pour l’achat d’énergie renouvelable, pour un total de dépenses de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. Ces moyens vont croissant, de l’ordre d’un milliard d’euros par an. C’est un effort exceptionnel dans le contexte actuel. Ce dispositif est complété par des mécanismes de soutien plus ciblés, comme celui de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, en faveur de la production de chaleur renouvelable et de la valorisation des déchets, qui représentera environ 500 millions d’euros en 2016.

Néanmoins, la réforme la plus importante – vous l’avez d’ailleurs votée ; peut-être pas tous, certes – contre la pollution de l’air, c’est la convergence progressive entre l’essence et le diesel. C’était votre proposition n° 12. En 2015, un écart de taxation de 15,59 centimes d’euros par litre demeurait en faveur du diesel. Avec le mouvement « plus un, moins un » que nous avons porté et qui a été adopté pour 2016 et pour 2017, nous amorçons une convergence en six ou sept ans.

Nous avons estimé que ce signal était important pour nos industries, dans la perspective d’une « dédiésélisation » de la France, et qu’il ne convenait pas d’y ajouter la même année le principe de déductibilité de la TVA sur l’essence. Le sujet reste évidemment ouvert pour les prochaines années.

Dans le même temps, et cela a été rappelé, nous avons voulu encourager les biocarburants, en différenciant la fiscalité applicable au E5, qui intègre moins de 5 % de bioéthanol, et le E10, qui en intègre jusqu’à 10 %. Encourager les biocarburants, c’est réduire les émissions et utiliser une énergie renouvelable. C’était le deuxième « plus un, moins un », au sein des essences cette fois, qui a été adopté en loi de finances rectificative.

Les émissions polluantes sont par ailleurs soumises à la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Aujourd'hui, dix-huit substances y sont assujetties, dont douze depuis 2013. Il s’agit là d’une véritable imposition incitative, puisqu’elle internalise dans le coût privé des entreprises le coût social de la pollution de l’air.

Les redevables de cette TGAP peuvent déduire de la taxe due les dons effectués aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air. La déduction s’exerce dans la limite de 25 % du montant de taxe due ou de 171 000 euros. La loi de finances pour 2016 prévoit désormais que ce plafond s’appréciera par installation, ce qui aura pour effet de pérenniser le financement de ces associations, conformément à la proposition n° 2 de votre rapport.

Nous avons poursuivi l’encouragement de la méthanisation, qui permet de produire de l’énergie par un processus naturel de dégradation biologique de la matière organique dans un milieu sans oxygène. La méthanisation permet de limiter les émissions de méthane. Les exonérations de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises ont été pérennisées en loi de finances et étendues aux méthaniseurs pionniers. Là encore, le sujet est en débat.

Enfin, dans le domaine de la mobilité, outre le soutien au développement des infrastructures de transport collectif, qui contribue sur le long terme à la réduction des émissions de CO2, l’État intervient directement pour favoriser l’acquisition de véhicules propres au travers du dispositif de bonus-malus automobile – Mme Keller y a fait référence –, financé par un compte d’affectation spéciale dédié, pour un total d’environ 270 millions d’euros en 2016.

Cet outil, initialement ciblé sur la pollution au CO2, a été complété en 2015 d’un volet de lutte contre les particules fines, au travers d’une prime en faveur de la conversion des vieux véhicules diesel en véhicules propres. Cette prime, qui permet de bénéficier d’une aide totale de 10 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule électrique, est reconduite pour toute l’année 2016 et s’applique désormais pour les vieux véhicules dès dix ans d’âge, et non plus quinze ans.

Les véhicules polluants sont soumis au malus automobile, qui est une taxe assise sur le nombre de grammes de CO2 émis par kilomètre, ainsi qu’à la taxe additionnelle sur les certificats d’immatriculation reposant sur un barème par gramme de CO2 croissant selon les émissions du véhicule par kilomètre. Elle est due lors des renouvellements de certificats, donc lors des achats d’occasion.

Le malus annuel ou la taxe sur les véhicules de société tiennent également compte des émissions de polluants.

J’ai donc le sentiment que nous avons mis à profit les rendez-vous budgétaires et fiscaux que sont les lois financières à l’automne pour avancer comme jamais – j’ose le dire – sur le chantier que vous aviez contribué à clarifier.

Au-delà des enjeux qui me concernent plus directement, tout le Gouvernement est mobilisé. À la suite de l’épisode de pollution de l’air du mois de mars 2015 et à la parution de votre rapport, un plan d’action pour améliorer la qualité de l’air a été annoncé par ma collègue Ségolène Royal le 30 septembre 2015. Il prévoit, notamment, de modifier l’arrêté interministériel de 2014 concernant le déclenchement des procédures préfectorales en cas de pollution de l’air ambiant.

Ce matin même, mon collègue Alain Vidalies a soutenu une proposition de loi du député François de Rugy. Sans attendre son adoption définitive, M. Vidalies a annoncé la mise en signature d’un arrêté interministériel permettant de déclencher plus rapidement les mesures d’urgence pour protéger la santé des citoyens et de les maintenir tant que les conditions météorologiques restent défavorables, après consultation des élus locaux.

Enfin, je le rappelle, le Gouvernement a remis un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse au mois d’octobre dernier, et ce n’est pas anodin. Ce document inclut deux indicateurs qui prennent en compte directement les politiques publiques permettant de réduire les émissions de particules polluantes, à savoir l’empreinte carbone et le taux d’artificialisation des sols. Sur le premier, la France fait mieux que la moyenne européenne. Sur le second, elle est dans la moyenne européenne, mais fait mieux que nos trois principaux voisins : l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni. C’est une démarche de transparence, qui a vocation à accompagner nos réformes.

Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer la COP21. La France a mis tout son poids dans la négociation pour parvenir à un accord ambitieux, visant notamment à réduire les émissions à l’échelle de la planète, afin de limiter la hausse de température dans les années à venir. Le ministère des finances y a pris sa part, en particulier pour le volet relatif au financement de la lutte contre le réchauffement climatique.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ma présentation a été concentrée sur les aspects budgétaires et fiscaux de ce vaste sujet. Ils constituent un élément essentiel de l’action du Gouvernement contre la pollution de l’air, mais, nous en avons tous conscience, ils ne l’épuisent pas. Ce sont bien entendu l’ensemble des moyens de l’État qui sont mobilisés pour agir sur la pollution et la réduire progressivement, afin de laisser un monde et une atmosphère plus propres à nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.

6

Organisme extraparlementaire

Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom de quatre sénateurs, deux titulaires et deux suppléants, pour siéger au Conseil national de la mer et des littoraux.

Conformément à l’article 9 du règlement du Sénat, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été saisie.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

7

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 janvier 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi et un arrêt de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- l’article 34 du décret n° 57-245 du 24 février 1957 (Réparation et prévention des accidents du travail ; 2016-533 QPC) ;

- l’article L. 341-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 (Assurance invalidité ; 2016 534 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 janvier 2016.

À quatorze heures trente : projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 608, 2014-2015) et proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 609, 2014-2015).

Rapport de M. Jérôme Bignon, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 607 tomes I et II, 2014-2015).

Texte de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2014-2015).

Avis de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 581, 2014-2015).

Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 549, 2014-2015).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART