M. Jean-Marie Bockel. Alors que le péril djihadiste se diffuse en Méditerranée, la question libyenne est plus que jamais préoccupante. Depuis près d’un an que Daech a pris Syrte, la situation de la population locale est dramatique. La menace, réelle et imminente, se propage à l’ensemble de la Libye.

Nous ne pouvons laisser prospérer un sanctuaire terroriste à quelques centaines de kilomètres des côtes européennes sans faire courir à nos populations un risque majeur. Le chaos libyen suscite, vous le savez, des flots immenses de réfugiés, avec leur lot de djihadistes infiltrés.

C’est une menace pour la France, pour l’Europe, mais aussi, au sud, pour l’Afrique, qui a déjà fort à faire avec AQMI et Boko Haram.

Plus que jamais une telle situation atteste l’importance de l’opération Sophia en Méditerranée, tout en en révélant aussi les limites. La question d’une intervention militaire, aérienne et au sol, est donc clairement posée : elle serait conduite sous l’égide de l’ONU et soutenue par des alliés européens, comme la France et l’Italie, dans le cadre de l’OTAN. Cette question est sur la table.

Depuis Rome, Laurent Fabius laisse entendre que « cette perspective n’est pas d’actualité ».

Je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que la France soit en attente d’une demande du gouvernement libyen, en dépit de ses difficultés actuelles, pour prendre l’initiative d’une telle opération ou y participer. Je ne doute pas non plus qu’à ce stade, alors que cette crise est aux confins de la politique, de la défense et de la diplomatie, il soit difficile de donner des précisions.

Malgré tout, plusieurs questions se posent. Comment nous préparons-nous à cette perspective ? Avec qui et avec quels objectifs ? Le cas échéant, comment pourrions-nous nous engager sur un nouveau front, avec nos moyens budgétaires et opérationnels actuels ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la Libye est une priorité pour notre diplomatie, en raison des risques pour la stabilité de la région et la sécurité internationale que vous venez de rappeler. Nous devons donc tout faire pour éviter que ce pays ne devienne une zone refuge pour Daech, qui perd du terrain en Syrie et en Irak.

Nous soutenons le processus politique en cours, qui doit parvenir d’urgence à l’installation d’un gouvernement d’union nationale.

Après la signature de l’accord de Skhirat, au Maroc, en décembre dernier, le Premier ministre désigné, M. el-Sarraj, a présenté un gouvernement. Il est regrettable que la chambre des représentants ait refusé d’accorder sa confiance à ce gouvernement d’union nationale. La Libye ne peut pas se permettre de continuer à avancer sans gouvernement. Une nouvelle liste de membres doit donc être soumise avant le 5 février et il est absolument crucial qu’elle permette un accord entre les Libyens.

De son côté, la communauté internationale doit se mobiliser pour appuyer les efforts du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Kobler. Laurent Fabius s’est entretenu avec lui aujourd'hui même, à Rome.

Nous nous tenons prêts à adopter des sanctions contre ceux des Libyens qui continueraient de saper le processus politique mené sous l’égide de l’ONU. Nous travaillons sur ce sujet avec nos partenaires européens et américains. Cela passera également par la sécurisation des ressources financières et pétrolières de la Libye, car il faut empêcher que les terroristes ne mettent la main dessus…

Nous continuerons donc d’agir avec beaucoup de fermeté concernant la situation en Libye. C’est indispensable pour la stabilité de la région et la sécurité de l’Europe.

Comme l’a dit Laurent Fabius ce matin, vous l’avez d’ailleurs rappelé, toute autre perspective n’est pas d’actualité. Il faut une solution politique qui, sous l’égide des Nations unies, permette de rassembler l’ensemble des Libyens dans un gouvernement d’union nationale, avec le soutien de la communauté internationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d’État, je comprends votre réponse. Vous ne pouviez en donner d’autres, dans le contexte actuel. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui évoque une « urgence politique », sait qu’il y aura inéluctablement l’obligation, à un moment ou à un autre, d’aller plus loin. Mais, aujourd'hui, il s’agit d’être prêts, et je ne suis pas sûr que nous le soyons ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

politique d'immigration

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains.

M. François-Noël Buffet. Ces derniers jours ont encore été marqués par des drames liés à l’immigration. Plusieurs personnes ont trouvé la mort au large de la Grèce, tandis que des policiers et, singulièrement, un CRS ont été blessés ce week-end encore à Calais.

De semaine en semaine, la situation se dégrade. À Calais, le nombre de migrants ne fait qu’augmenter et une nouvelle jungle se crée aujourd'hui à Grande-Synthe. On parle de près de 10 000 personnes sur les deux sites. Malgré les 125 conteneurs mis en place pour accueillir 1 500 personnes à Calais et un camp humanitaire qui sera créé à Grande-Synthe, de toute évidence, les moyens mis en œuvre sont très insuffisants pour répondre à la situation. Même si vous traitez l’aspect humanitaire, monsieur le secrétaire d’État – on ne peut vous en faire le reproche –, quatre grands problèmes demeurent.

Le premier, c’est que l’ordre républicain n’est pas assuré. Les sites ne sont pas sécurisés. Le contrôle général des personnes n’est pas assuré. Malgré le nouveau dispositif mis en place, qui ne semble d’ailleurs pas fonctionner, les migrants refusant de se faire enregistrer, les auteurs d’infractions ne sont pas poursuivis devant les tribunaux et ceux qui sont en situation irrégulière demeurent sur le site.

On constate une absence de traitement administratif des situations, l’OFPRA et nos autres services n’assurant que des missions temporaires, et une absence de politique européenne : quand la France prendra-t-elle enfin le leadership pour l’installation effective d’une agence européenne de contrôle des frontières ?

Face à cette situation, les accords du Touquet ne semblent plus du tout adaptés. Avez-vous engagé des discussions avec nos amis britanniques ?

Monsieur le secrétaire d’État, l’heure n’est plus aux annonces : il y a urgence ! Quelles solutions concrètes, à la hauteur des enjeux que je viens de rappeler, êtes-vous en capacité de proposer aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Buffet, vous connaissez bien ces questions. Je trouve donc tout à fait dommageable que vous vous refusiez à souligner le rôle particulier de la France, en l’occurrence de Bernard Cazeneuve, dans la prise de conscience, au niveau européen, des impératifs qui sont les nôtres. Il s’agit notamment de mettre le dispositif FRONTEX à un niveau qui corresponde aux exigences de la crise migratoire que traverse aujourd’hui l’Europe.

Vous le savez aussi, monsieur le sénateur, l’État – en liaison d’ailleurs avec les élus locaux, notamment avec Mme Bouchart, l’une de vos anciennes collègues, qui a récemment quitté le Sénat – a multiplié les initiatives pour répondre à la situation migratoire particulière de Calais.

Nous avons ainsi déployé dans le Calaisis un dispositif policier sans précédent, à la fois pour surveiller la frontière et pour assurer la sécurité des Calaisiens : 17 unités de forces mobiles, appuyées par la BAC, la brigade anticriminalité, et par la police aux frontières, sont déployées. Des travaux de sécurisation très importants ont été conduits, depuis le début du mois de janvier, sur l’ensemble de la zone.

La frontière est aujourd’hui étanche : on ne passe pas, à Calais ! Cela doit être dit, cela doit être su : il n’y a plus de passage ! Les migrants n’ont donc aucune raison de croire qu’ils auront la possibilité de passer en Grande-Bretagne sans l’accord des pouvoirs publics.

M. le ministre de l’intérieur a également donné des instructions très fermes pour que l’action énergique engagée contre les filières d’immigration clandestine se poursuive : 28 filières opérant vers le Royaume-Uni ont été démantelées ; en 2015, 1 754 étrangers se trouvant à Calais en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière.

Enfin – vous l’avez noté, monsieur le sénateur –, afin de répondre à l’urgence sanitaire, le Gouvernement a mis en place des mesures concrètes d’offre de prestations élémentaires, qui viennent s’ajouter aux centres d’accueil de jour : 680 personnes sont aujourd’hui accueillies dans un centre d’accueil provisoire qui compte 1 500 places.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. L’État veille à l’adaptation permanente du dispositif, et déploie aussi son action sur la région de Dunkerque et de Grande-Synthe. Son action y est, là encore, très déterminée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le secrétaire d’État, les migrants étaient 2 000 dans la région de Calais avant l’été 2015, 4 000 au mois de septembre ; ils sont 10 000 aujourd’hui !

M. Bruno Sido. Que fait le Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet. Les moyens mis en œuvre sont donc nettement insuffisants. Il convient, pour régler enfin cette situation, de se doter de dispositifs vraiment pertinents. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

aéroport notre-dame-des-landes

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre ou à son représentant.

Nos concitoyens ont besoin de clarté, de lisibilité et de cohérence, et c’est la force de la puissance publique que d’avoir ces préoccupations majeures sur chaque politique, sur chaque dossier, y compris celui du futur aéroport du Grand Ouest.

M. Yannick Vaugrenard. Ce projet est légitime pour au moins trois raisons, de nature économique, juridique et démocratique.

Légitimité économique, d’abord : l’atout pour le Grand Ouest est évident - pour tous les acteurs économiques, sans exception -, et les terrains ont commencé à être réservés il y a plus de quarante ans. En 2015, l’aéroport actuel a connu la plus forte croissance de l’ensemble des plateformes régionales.

Légitimité juridique, ensuite : les enquêtes d’utilité publique sont closes depuis fort longtemps. Les accords amiables ont été signés avec la quasi-totalité des propriétaires, à la seule exception de quatre d’entre eux. Tous les recours ont été épuisés, et tous ont été rejetés.

Légitimité démocratique, enfin : les grandes villes de l’Ouest et l’ensemble des assemblées départementales ou régionales concernées, toutes tendances politiques confondues, veulent la réalisation de ce projet, conforté par les résultats de chaque élection depuis dix ans.

Depuis de très longs mois, des zadistes agressent, rackettent, font vivre les habitants de ce secteur dans la terreur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Yannick Vaugrenard. J’y ai rencontré des maires désemparés, au bord du découragement.

La sécurité et le droit d’aller et de venir ne sont plus respectés et, plus grave, des risques de comportements d’autodéfense deviennent aussi évidents que dangereux.

Or une ministre indiquait récemment son hostilité au projet d’aéroport et à l’évacuation de la ZAD, la zone d’aménagement différé, avant que le ministre de l’économie ne réaffirme, lui, que le projet devait se faire, à la suite de ce qu’avaient déjà indiqué le Premier ministre et, lors d’un entretien à l’Élysée, le Président de la République.

Monsieur le Premier ministre, qu’en est-il ? Quand, sur ce dossier, la force du droit l’emportera-t-elle ? Quand les travaux commenceront-ils ? Quand cette zone de non-droit sera-t-elle évacuée, pour que soient enfin respectées la sécurité, la liberté et notre vie démocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Bravo ! et applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Éric Doligé. Il est des nôtres !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Vaugrenard, vous avez rappelé les raisons diverses et importantes qui justifient la réalisation de ce projet.

Vous avez également, à juste titre, rappelé le rejet par le tribunal administratif de Nantes, en juillet dernier, de l’ensemble des recours déposés contre les arrêtés préfectoraux autorisant le lancement des travaux du futur aéroport. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Delattre. Et alors ? …

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. L’ensemble de la procédure a bel et bien fait l’objet d’une validation dans le cadre de l’État de droit. La conformité du projet au droit est parfaite tout comme le respect des procédures. Le tribunal de grande instance de Nantes vient d’ailleurs d’ordonner l’expulsion des 14 derniers occupants du site.

J’en profite pour souligner, une fois n’est pas coutume, que 260 occupants ont déjà négocié leur relocalisation à l’amiable.

La réalisation du projet, déclaré d’utilité publique, a donc repris son cours normal, et les collectivités locales – nous l’avons tous noté, et vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur – ont unanimement salué le passage à cette nouvelle étape.

Monsieur le sénateur, je peux vous l’affirmer : l’automne prochain sera le moment décisif s’agissant de l’engagement effectif des travaux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je suis heureux de vous apporter cette information, ou, plus exactement, de vous la confirmer. Toutes les procédures nécessaires auront été mises en œuvre, et l’ensemble des conditions seront satisfaites.

Évidemment – vous l’avez également rappelé, monsieur le sénateur –, des manifestations d’opposants ont lieu. Certaines relèvent du droit de manifestation et n’appellent pas de commentaires ; d’autres s’exercent dans un climat de violence et de menaces, et posent des problèmes d’ordre public auxquels, comme vous le savez, le ministre de l’intérieur a demandé qu’il soit répondu très fermement. (Très bien ! sur certaines travées du groupe Les Républicains.).

Nous condamnons vigoureusement, une fois de plus, les dégradations commises ces derniers jours sur le site du projet aéroportuaire. Tous les démocrates, tous les républicains, quelles que soient leurs opinions par ailleurs, devraient s’associer à cette volonté de faire la clarté : la violence ne saurait être une réponse dans la situation où nous sommes ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. André Reichardt. Oui, et Mme Royal ?

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. Je vous confirme donc, monsieur le sénateur, que le ministre de l’intérieur souhaitera renforcer la présence des forces de l’ordre dans les communes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

politique familiale

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille.

Pour la première fois depuis de nombreuses années, la France n’assure plus le renouvellement de ses générations, avec 20 000 naissances de moins en 2015 par rapport à 2014.

Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : pensez-vous qu’un lien puisse être établi entre les mesures prises par le Gouvernement – augmentation de la fiscalité des ménages conjuguée à la baisse continue du quotient familial, réformes des conditions d’attribution des prestations familiales – et nos présents résultats démographiques ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)

Le cas échéant, envisagez-vous de revenir sur les mesures qui se sont traduites par une baisse de plusieurs milliards d’euros du pouvoir d’achat des familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur Dominique de Legge, votre question est simple : un lien existe-t-il, selon moi, entre la politique familiale conduite par le Gouvernement et la baisse de 20 000 du nombre de naissances au cours de l’année 2015 ?

Ma réponse sera aussi claire que l’est votre question : non ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Loin de moi l’idée de transformer l’hémicycle en salle de cours de sciences de la vie et de la terre, mais la modulation des allocations familiales n’est entrée en vigueur que le 1er juillet 2015. Je peine donc à croire qu’elle ait eu un quelconque impact sur le nombre de naissances en 2015 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Je vous rappelle, monsieur le sénateur, qu’en dépit d’une accélération globale des modes de vie, la durée d’une grossesse est toujours de neuf mois ! (Rires sur les mêmes travées.)

Plus sérieusement, si nous voulons donner un sens aux chiffres, analysons d’abord le taux de fécondité, qu’il ne faut pas confondre avec le taux de natalité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. Tout va bien, alors !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Ne riez pas, monsieur Sido ! Pas vous, pas encore vous !… (Sourires.)

Le taux de fécondité, c’est le nombre d’enfants qu’une femme en âge de procréer met au monde. Ce taux de fécondité est toujours aujourd’hui, en France, de 1,96 enfant par femme, soit le taux de fécondité le plus élevé d’Europe !

En revanche, il y a une vingtaine d’années environ, le nombre de naissances a baissé ; en conséquence, ce sont 300 000 femmes en âge de procréer qui « manquent à l’appel » vingt ou trente ans plus tard. Les femmes en âge de faire des bébés sont donc, tout simplement, moins nombreuses aujourd’hui qu’il y a quinze ans.

Cela a bien entendu un effet sur le nombre de naissances, sans en avoir sur le taux de fécondité. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

Lisez les conclusions de l’INED, l’Institut national d’études démographiques ! Lisez ce qu’écrivent les démographes ! Ce qui compte, c’est le nombre d’enfants mis au monde par famille ! Si l’on rapporte le nombre de naissances au nombre de familles, on ne constate aucune baisse !

Quant à la politique familiale du Gouvernement, elle vise à réorienter les prestations au bénéfice des familles les moins favorisées.

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Vous évoquez souvent les évolutions de la famille. Or la plus importante, c’est aujourd’hui l’augmentation du nombre de familles monoparentales.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Ces familles monoparentales concentrent aujourd’hui la pauvreté ; elles sont notre priorité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme Fabienne Keller. Que faites-vous pour ces familles ?

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.

M. Dominique de Legge. Madame la secrétaire d’État, je vous parle de politique familiale, vous me répondez politique sociale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Visiblement, nous n’avons pas tout à fait la même conception de la politique familiale. Pour vous, elle est en quelque sorte un sous-produit de la politique sociale et un instrument de régulation des comptes sociaux. Pour nous, il s’agit d’un investissement au profit de la Nation tout entière.

Madame la secrétaire d’État, je vous rejoins sur un point : il n’existe pas de corrélation entre le taux de natalité et le volume des aides accordées aux familles.

Mais, en la matière, comme dans le domaine économique, il importe avant tout de créer un climat favorable.

M. Dominique Bailly. Un peu d’amour dans ce monde de brutes ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Dominique de Legge. Ainsi, mes chers collègues, créer un climat favorable au monde économique, c’est respecter les entreprises, au lieu de les taxer ! (Exclamations continues sur les mêmes travées.)

Et je constate, ne vous en déplaise, qu’il a toujours existé, en France, un consensus autour de la politique familiale, quels que soient les gouvernements. Ce consensus, vous l’avez brisé !

M. le président. Il faut conclure !

M. Dominique de Legge. Tous nos indicateurs économiques – taux de chômage, déficit budgétaire, dépense publique – sont au rouge. Voici désormais que le taux de natalité, à son tour, vire au rouge ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.- Huées sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

expansion du virus zika

M. le président. La parole est à M. Félix Desplan, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Félix Desplan. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Madame la ministre, après une croissance fulgurante au Brésil, le virus Zika, que l’OMS a qualifié d’« urgence de santé publique de portée mondiale », a atteint la Guyane et les Antilles. Vous déconseillez aux femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse de se rendre dans ces départements, la relation entre la recrudescence de microcéphalies ou d’autres malformations fœtales ou néonatales graves et une infection par ce virus chez la mère étant possible.

Cette relation n’est pas scientifiquement démontrée. D’autres agents infectieux ou facteurs sont peut-être aussi en cause, et seuls des travaux à partir d’outils sophistiqués pourraient l’établir. Mais le constat est terrible : 150 cas de microcéphalies recensés au Brésil en 2014, plus de 4 000 depuis 2015, essentiellement dans les provinces touchées par le Zika.

Dans nos départements, votre message a suscité une vive inquiétude, d’abord chez les femmes enceintes ou souhaitant le devenir. Elles doivent être informées des précautions à prendre, bénéficier éventuellement d’une aide financière pour acheter les produits nécessaires et adéquats, qui ont un coût. Elles doivent faire l’objet d’une surveillance clinique et biologique renforcée puisque, dans la grande majorité des cas, l’infection par le Zika ne provoque aucun symptôme marquant.

Mettrez-vous en place, madame la ministre, des protocoles particuliers, par exemple, un suivi échographique soutenu ? Vous avez envoyé une équipe sanitaire en Martinique. Ira-t-elle aussi en Guadeloupe ?

L’autre inquiétude vient des professionnels du tourisme.

Après des années de marasme, le tourisme aux Antilles se porte mieux. Il est donc essentiel que soit favorisée une communication maîtrisée, la moins anxiogène possible, sur cette maladie dont les formes et les conséquences sont, hors grossesse, en général bénignes, et qui peut être évitée par des précautions collectives et individuelles que nous connaissons bien pour les avoir développées en luttant contre la dengue, puis le chikungunya.

M. le président. Votre question, mon cher collègue !

M. Félix Desplan. J’ajoute que l’OMS a estimé que la maladie ne justifiait pas que soient imposées des restrictions de voyage ou de commerce. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, nous sommes confrontés au niveau mondial à une épidémie nouvelle, due au virus Zika, laquelle affecte massivement l’Amérique latine et a atteint, en décembre dernier, certains territoires français. Elle touche en effet la Guyane et la Martinique. En revanche, la Guadeloupe et Saint-Martin ne sont pas aujourd’hui en situation d’épidémie - il y a des cas identifiés.

Cette épidémie appelle des réactions fortes, d’abord en direction des populations sur place.

Vous l’avez dit, l’inquiétude qui domine concerne les femmes enceintes. Le fait que l’Organisation mondiale de la santé ait annoncé, hier, qu’elle déclarait l’épidémie de Zika « urgence de santé publique de portée mondiale » va favoriser la recherche et permettre, notamment, de déterminer le lien qui existe entre le Zika et des malformations congénitales de fœtus. D’ici là, nous devons permettre aux femmes enceintes qui vivent dans les territoires touchés d’être suivies, accompagnées et bien prises en charge.

Dès le mois de décembre dernier, monsieur Desplan, un protocole de prise en charge spécifique a été mis en place, en lien avec les professionnels de santé. J’aurai l’occasion de vous le présenter de façon détaillée et précise, puisque je recevrai demain matin, au ministère de la santé, l’ensemble des élus concernés, parlementaires et présidents de région d’outre-mer.

J’ai indiqué, par ailleurs, que je recommandais aux femmes enceintes de ne pas se rendre dans les territoires où sévit l’épidémie, mais pas davantage dans les pays étrangers qu’elle touche. Cette position est partagée par les États-Unis et le Canada. Quant aux autorités du Brésil, elles viennent de recommander aux femmes enceintes de ne pas se rendre dans leur pays pour les jeux Olympiques.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, il y a bien un danger de santé publique, et, sans inquiéter outre mesure, nous travaillons de façon sereine afin d’apporter la meilleure protection à nos concitoyennes partout sur le territoire français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 11 février 2016, de quinze heures à seize heures, et qu’elles seront retransmises sur France 3 et Public Sénat, ainsi que sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, avant de reprendre la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)