M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Montaugé et Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 111-9-… – Les biens culturels extra européens saisis en douane ou reconnus comme sortis illégalement de pays hors de l’Union européenne, peuvent, sous réserve de l’accord des pays d’origine ou de leur non-réclamation, être exposés temporairement, déposés ou dévolus prioritairement dans un musée de France en région reconnu pour sa spécialité en vue de leur conservation et de leur présentation.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement vise à mettre en valeur et, le cas échéant, à conserver les biens culturels extra européens saisis en douane ou reconnus comme sortis illégalement de pays hors de l’Union européenne dont les États d’origine ne réclament pas le retour à l’issue des procédures administratives et de la procédure judiciaire prévues dans le code du patrimoine. Une telle mesure permettrait la valorisation des biens culturels non réclamés en même temps que l’enrichissement des collections des musées de France en région ayant élaboré des projets culturels et scientifiques adéquats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Cet amendement vise à valoriser dans un musée français des biens culturels en provenance d’États étrangers, avec l’accord de l’État d’origine ou en l’absence de réclamation.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. Cet amendement correspond à la proposition n° 16 du rapport rédigé à la demande du Président de la République par Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre, sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé. Cela rejoint aussi les réflexions des sénatrices Sylvie Robert et Bariza Khiari, qui s’intéressent de longue date à la question.

Sur le plan politique, le Gouvernement souscrit pleinement à l’intention des auteurs de l’amendement. Sur le plan juridique, nous considérons qu’il est déjà possible de mettre en œuvre les mesures proposées s’agissant des biens saisis parce qu’exportés illicitement d’un pays extérieur à l’Union européenne, en priorité dans des musées de France territoriaux. Néanmoins, l’objectif étant largement partagé dans cet hémicycle, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Nous avons un doute quant à la rédaction de l’amendement. Pour nous, le fait de conserver ces biens culturels dans les collections des musées français ne pose aucun problème en cas d’accord des pays d’origine. En revanche, il en va différemment dans le cas de la non-réclamation des œuvres. En effet, nous nous trouvons dans une situation internationale très instable – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, puisqu’il existe des États faillis.

Par ailleurs, même si les auteurs de l’amendement ont indiqué que les biens ne pouvaient être considérés comme non réclamés qu’« à l’issue des procédures administratives prévues aux articles L. 112-3 et L. 112-4 et de la procédure judiciaire prévue à l’article L. 112-6 du code du patrimoine », cela n’est pas précisé dans le dispositif même qui nous est proposé.

Par conséquent, on peut avoir un doute sur le fait d’affirmer sans autre précision que ces dispositions valent en cas de non-réclamation des œuvres par les États d’origine. On sait d’évidence que certains États regorgent d’œuvres d’art faisant l’objet de trafics et qu’ils ne sont aujourd’hui pas en mesure, d’un point de vue administratif, de réclamer quoi que ce soit. D’une certaine manière, ces États n’ont pas réellement d’existence en ce moment.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre. La préoccupation qui vient d’être exprimée est juste. Je propose de revoir la rédaction de cet amendement de manière plus approfondie au cours de la navette. Il arrive en effet que certains États disparaissent temporairement avant, parfois, de réapparaître.

Si l’amendement vise à valoriser les biens culturels saisis, il ne doit pas pour autant aboutir à leur captation au détriment des États d’origine, qui, on le souhaite, sont susceptibles de renaître et de retrouver à terme leur patrimoine.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 342, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 12 et 13

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I.- » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Audrey Azoulay, ministre. Le présent amendement a pour objet de rétablir le quantum de peine de prison prévu par l’article L. 114-1 du code du patrimoine pour les faits d’exportation illicite de biens culturels.

Cette sanction est également applicable aux infractions d’importation illicite, d’une part, et aux infractions d’importation, d’exportation, de transit, de vente, d’acquisition et d’échange de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État protégé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, d’autre part.

Je le rappelle, les nouvelles infractions dont il est question ont été adoptées par l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement. Elles sont destinées à lutter plus efficacement contre le trafic illicite de biens culturels, notamment, comme c’est souvent le cas, quand ce trafic illicite est susceptible d’être lié à des opérations de financement du terrorisme.

Aujourd’hui, les peines prévues sont de deux ans de prison et de 450 000 euros d’amende. Or la commission de la culture du Sénat a souhaité les alourdir en portant de deux à cinq ans le quantum de la peine de prison encourue.

L’objectif de la commission est louable, puisqu’il s’agit au premier chef de lutter contre les auteurs des trafics illicites de biens culturels, dont l’action peut bénéficier aux réseaux terroristes.

Néanmoins, je crains que l’on ne fragilise juridiquement le dispositif en cherchant à frapper plus fort. Un tel dispositif sera très large, et pourra être qualifié de disproportionné : il s’appliquera à tous les auteurs d’exportation et d’importation illicite de biens culturels, au-delà des seuls complices d’actes de terrorisme.

Par conséquent, le Gouvernement vous propose de revenir à un quantum de deux ans de prison, ce qui est déjà lourd, mais paraît plus équilibré. Le dispositif actuel permet par ailleurs d’infliger une forte sanction pécuniaire à l’encontre des personnes coupables de trafic de biens culturels.

M. le président. L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

1° Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

dix

2° Remplacer le nombre :

450 000

par le nombre :

7 500 000

La parole est à Mme Sylvie Robert.

M. David Assouline. Elle va encore alourdir les sanctions !

Mme Sylvie Robert. C’est vrai, mon amendement vise à alourdir considérablement les peines prévues ! (Sourires.)

J’ai souhaité le présenter, car M. le rapporteur n’avait pas su me répondre avec précision lorsque je lui avais demandé en commission pourquoi la peine de prison encourue était portée à cinq ans.

Le sujet me tient à cœur. Je considère qu’il s’agit d’un enjeu international très important aujourd’hui. Au passage, j’espère réellement que le rapport du directeur du musée du Louvre, dont j’ai lu avec beaucoup d’attention les préconisations, sera suivi d’effets. Il y a en effet beaucoup de travail à accomplir.

En présentant cet amendement, qui est en quelque sorte un amendement d’appel, je tenais à dire que la peine doit être à la hauteur de l’enjeu. J’avais d’ailleurs trouvé une référence au trafic de stupéfiants. Il faut le savoir, Daech tire des ressources quotidiennes très importantes du trafic de biens culturels. Je souhaitais rappeler ces éléments devant la Haute Assemblée.

Pour autant, mes chers collègues, je retire mon amendement, au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 130 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 342 ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Nous sommes évidemment plus que favorables à l’établissement d’une sanction en cas d’exportation ou de tentative d’exportation d’un bien culturel ou d’un trésor national.

Simplement, nous nous étions rapprochés de la commission des lois du Sénat lors de l’examen du texte en commission pour tenter de déterminer une peine de prison proportionnée au regard de la sanction financière prévue. Il nous a alors semblé qu’une peine de deux ans de prison n’était pas suffisante. Cela étant, cinq ans, c’est peut-être une sanction trop lourde.

Profitons de la navette parlementaire pour que les deux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les deux commissions de la culture, puissent améliorer le dispositif et faire en sorte qu’il existe une vraie proportionnalité entre la sanction pécuniaire et la peine de prison. La cohérence entre les deux est nécessaire.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. J’approuve la position du Gouvernement, qui souhaite sécuriser juridiquement le dispositif. Il ne faudrait pas contribuer à laisser passer encore plus de personnes entre les mailles du filet en modifiant le texte actuel !

Dès lors que la rédaction actuelle du texte n’offre pas une telle sécurité juridique, je préfère que l’on en rediscute dans le cadre de la navette et que l’on conserve le dispositif gouvernemental, d’autant plus que ce dernier a fait l’objet d’une expertise.

Néanmoins, je veux vous alerter sur le fait qu’il faut montrer une grande fermeté sur le sujet.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Bien sûr !

M. David Assouline. Depuis que les ressources pétrolières sont bombardées, le trafic de biens culturels a pour conséquence immédiate d’alimenter directement et abondamment le terrorisme à l’échelon international, ce que M. le ministre des finances a d’ailleurs réaffirmé à plusieurs reprises.

Madame la ministre, il faudrait évaluer à sa juste mesure l’argument concernant la proportionnalité du dispositif. Certains auteurs de trafics considèrent aujourd’hui qu’ils peuvent payer les amendes, car les trafiquants ont généralement de quoi payer.

Si l’on veut réellement criminaliser les trafics illicites et faire en sorte que cela ne s’apparente pas à de la délinquance en col blanc, il faut que les sanctions soient aussi lourdes pour les trafiquants que pour les auteurs, par exemple, d’un vol de voiture ou de mobylette. Comme ces derniers n’ont souvent pas les moyens de payer les amendes, ils sont envoyés en prison !

Je souhaite donc que l’on évalue la proportionnalité des sanctions en matière de trafic de biens culturels. Il ne faut pas que la sanction financière soit lourde sans que la peine de prison soit en adéquation. Les deux sanctions doivent être proportionnées. Je suis favorable à ce que la réflexion se poursuive lors de la navette.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. En complément des propos de mon collègue David Assouline, je souhaiterais que la navette nous permette de mesurer avec précision les effets qu’induit le niveau de la peine encourue, afin que d’autres biens susceptibles de se situer dans le périmètre de la disposition retenue n’en subissent pas les conséquences.

Je pense donc que nous pouvons adopter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18 B, modifié.

(L'article 18B est adopté.)

Article 18 B
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Articles additionnels après l’article 18

Article 18

(Non modifié)

I. – Le 4° de l’article L. 115-1 du code du patrimoine est ainsi rédigé :

« 4° Donne son avis sur les décisions de cession des biens appartenant aux collections des personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d’art contemporain. »

II. – Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« Fonds régionaux d’art contemporain

« Art. L. 116-1. – Le label “fonds régional d’art contemporain”, dit “FRAC”, peut être attribué à la personne morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif qui en ferait la demande, dès lors que celle-ci justifie détenir une collection constituée d’œuvres d’art contemporain :

« 1° Acquises, sauf exception, du vivant de l’artiste, avec des concours publics et sur proposition d’une instance composée de personnalités qualifiées dans le domaine de l’art contemporain ou par dons et legs ;

« 2° Représentatives de la création contemporaine française et étrangère dans le domaine des arts graphiques et plastiques ainsi que des arts appliqués ;

« 3° Destinées à la présentation au public dans et hors les murs, notamment en des lieux non dédiés à l’art ;

« 4° Faisant l’objet d’actions de médiation et d’éducation artistique et culturelle en direction des publics ;

« 5° Portées sur un inventaire.

« Art. L. 116-2. – Le label est attribué par décision du ministre chargé de la culture.

« Dans le cas où le demandeur du label est une personne morale de droit privé à but non lucratif, il doit justifier de l’inscription, dans ses statuts, d’une clause prévoyant l’affectation irrévocable des biens acquis par dons et legs ou avec le concours de l’État ou d’une collectivité territoriale à la présentation au public. Ces biens ne peuvent être cédés, à titre gratuit ou onéreux, qu’aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées, au préalable, à maintenir l’affectation de ces biens à la présentation au public. La cession ne peut intervenir qu’après approbation de l’autorité administrative après avis de la Commission scientifique nationale des collections.

« Les modalités d’attribution et de retrait du label ainsi que les conditions de conservation et de présentation au public des œuvres concernées sont précisées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Article 18
Dossier législatif : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine
Article 18 bis A (Texte non modifié par la commission)

Articles additionnels après l’article 18

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 4 rectifié, 40 rectifié et 448 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 4 rectifié est présenté par Mmes Mélot et Duchêne, MM. Houel et Pellevat, Mmes Cayeux et Garriaud-Maylam, MM. Buffet, Dufaut, Mandelli, Mouiller, Grand, D. Laurent, Trillard et Kennel, Mmes Di Folco et Morhet-Richaud, M. Laufoaulu, Mmes Giudicelli et Imbert, MM. Cornu, Reichardt, B. Fournier et Bouchet, Mme Lopez, MM. Retailleau, G. Bailly et Pointereau, Mme Duranton, MM. Pinton, Masclet et P. Leroy, Mme Deromedi et M. Perrin.

L'amendement n° 40 rectifié est présenté par M. Kern, Mme Joissains, M. Lasserre, Mme Gatel et MM. L. Hervé, Médevielle, Marseille, Guerriau, Luche, Cigolotti et Détraigne.

L'amendement n° 448 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand, Castelli, Collombat, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les biens qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, entrent dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’État, ce certificat précise que ces biens ne peuvent faire l’objet, dans le délai d’un an courant à compter de sa délivrance, d’une vente publique, d’une vente de gré à gré au sens de l’article L. 321-9 du code de commerce ou assimilées que si cette vente est réalisée sur le territoire français. »

La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

Mme Colette Mélot. Madame la ministre, prenant la parole pour la première fois au cours de cette séance, je voudrais vous féliciter au nom du groupe Les Républicains et vous adresser des vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions.

Cet amendement concerne le droit de préemption de l’État sur les œuvres d’art les plus importantes. Le code du patrimoine reconnait à l’État un droit de préemption sur toute vente publique d’œuvres d’art. Ce mécanisme est primordial pour la protection du patrimoine culturel français, comme l’a rappelé une décision récente du Conseil d’État. C’est l’exercice du droit de préemption qui a concouru au maintien d’œuvres célèbres dans le patrimoine français et à l’enrichissement de nos musées.

Cependant, le dispositif mis en place n’est pas suffisamment efficace, puisque le droit de préemption ne peut pas s’appliquer lorsque la vente d’une œuvre d’art est réalisée à l’étranger. La localisation de la vente à l’étranger rend donc totalement inopérant l’exercice du droit de préemption par l’État.

Pour assurer l’effectivité de ce droit, nous proposons de subordonner la délivrance du certificat d’exportation à la réalisation de toute vente publique en France.

La question de la constitutionnalité d’un tel amendement a été soulevée lors de son examen en commission. On notera tout d’abord que le dispositif n’interdit pas la vente de ces œuvres à des étrangers ou leur sortie du territoire. Pour que l’État puisse exercer son droit de préemption, il faut seulement que la vente des pièces les plus importantes soit localisée en France.

En vertu de la jurisprudence constitutionnelle, ces restrictions, pour être acceptables, doivent répondre à un motif d’intérêt général et être proportionnées.

Or, dans le cas présent, la mesure est justifiée par un motif d’intérêt général : garantir de l’effectivité du droit de préemption de l’État pour assurer le maintien de biens culturels en France. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs considéré à plusieurs reprises, notamment en 2011 et en 2014, que le maintien de biens culturels en France présentait un caractère d’intérêt général.

En outre, le dispositif de l’amendement respecte le critère de proportionnalité, car il est limité aux seuls biens les plus significatifs et les plus importants du point de vue de l’art, de l’architecture ou de l’histoire, et figurant sur une liste fixée par décret.

Enfin, le phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art entraîne des conséquences économiques et sociales directes pour les maisons de vente. Le déficit annuel du secteur a atteint environ 250 millions d’euros au cours des dernières années.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 40 rectifié.

M. Yves Détraigne. Mon amendement est identique à celui qui vient d’être parfaitement défendu. Je n’ai rien à ajouter, sinon que je souhaite la bienvenue à la nouvelle ministre de la culture ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 448 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu, ce qui prouve que l’on peut parler de culture et aimer la culture sans nécessairement se montrer bavard ! (Rires sur certaines travées.)

M. le président. L'amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Assouline, Mmes Blondin, Monier et S. Robert, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le propriétaire desdits biens envisage de les céder dans le cadre d’une vente publique dans un délai d’un an à compter de la demande du certificat mentionné au premier alinéa du présent article, celui-ci est délivré sous condition de réalisation de la vente publique ou de la vente de gré à gré au sens de l’article L. 321-9 du code de commerce sur le territoire français. Un décret en Conseil d’État fixe la liste des catégories de biens, qui, eu égard à leur importance particulière pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, relèvent du champ d’application du présent alinéa. »

La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, je tenais tout d’abord à vous saluer et à vous féliciter, ainsi qu’à vous souhaiter courage et bonne chance dans le cadre de vos missions.

Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui vient d’être dit, si ce n’est que le phénomène de délocalisation des ventes d’œuvres d’art à l’étranger, notamment à Londres, New York et Hong-Kong, s’est accéléré au cours des dernières années pour représenter environ 250 millions d’euros par an. Cela a des conséquences économiques, fiscales et sociales directes pour le secteur des maisons de vente.

À Paris, le marché de l’art a été désorganisé. Je crois même que la place de Paris ne représente plus qu’environ 6 % du marché mondial de l’art, et a régressé au cinquième rang mondial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Férat, rapporteur. Ces quatre amendements visent à subordonner la délivrance du certificat d’exportation à l’engagement du propriétaire de ne pas vendre son œuvre à l’étranger au cours de l’année qui suit. Ces dispositions s’appliqueraient à une catégorie intermédiaire de biens situés entre les trésors nationaux et les biens culturels.

Leurs auteurs justifient leur proposition par la volonté de faciliter l’exercice du droit de préemption de l’État. L’argument est intéressant, mais, sur un plan strictement juridique, la mesure contreviendrait au droit européen.

L’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne limite clairement aux seuls « trésors nationaux » le champ de la possibilité de faire obstacle au principe de libre circulation des marchandises. La nouvelle catégorie qu’il est proposé de créer ne relevant pas de cette catégorie des trésors nationaux, rien ne saurait justifier la mise en place de nouvelles conditions pour la délivrance du certificat d’exportation.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles la durée de l’interdiction, pour le propriétaire, de vendre son œuvre à l’étranger se limite à un an. Il est évident que les places étrangères trouveront rapidement une parade.

Je tiens à signaler que, constatant le déclin de la place de Paris face aux maisons de vente aux enchères anglo-saxonnes et asiatiques, la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale a décidé la création d’une mission d’information sur le marché de l’art, présidée par Michel Herbillon et dont Sophie Dessus a été nommée rapporteur.

Cette mission pourrait dégager des solutions au problème soulevé par les amendements que nous examinons. Dans ces conditions, peut-être vaudrait-il mieux lui laisser le temps de travailler sereinement. Peut-être pourrions-nous être associés à ses réflexions…

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Audrey Azoulay, ministre. Ces quatre amendements ont pour objet, dans un souci de protection du patrimoine national, mais aussi d’appui au marché de l’art français, d’assortir la délivrance de certains certificats d’exportation d’un délai d’un an, à compter de cette délivrance, pendant lequel toute vente hors de France ne serait pas autorisée.

Les deux objectifs que l’on cherche ainsi à atteindre sont louables, mais leur combinaison au sein d’un même instrument pose un certain nombre de problèmes, notamment juridiques, relevés par Mme la rapporteur.

Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis préoccupée par le phénomène de délocalisation des ventes d’art vers d’autres places de marché, où sont valorisés des biens culturels issus de notre pays. Mais, quand on examine les chiffres d’affaires en jeu, on constate que ce phénomène concerne surtout l’art contemporain. Or celui-ci n’est pas visé par le dispositif des certificats d’exportation, qui ne sont pas exigés pour les œuvres de moins de cinquante ans. Dès lors, l’adoption de la disposition ne permettrait pas de satisfaire complètement à l’objectif de protection de la place parisienne.

Mme la rapporteur a cité la mission qui a été confiée aux députés Michel Herbillon et Sophie Dessus. Il pourrait effectivement être fort utile que le Sénat soit associé à ses travaux.

Tout comme Mme Férat, je crains que des stratégies de contournement de la législation en matière de certificats d’exportation ne soient susceptibles d’être mises en œuvre, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de protection du patrimoine.

Enfin, se pose la question du respect du droit communautaire, avec une possible entrave à la libre circulation des biens et une atteinte aux droits de propriété, qui pourraient apparaître disproportionnées au regard de l’objectif d’intérêt général visé.

En conclusion, même s’il partage les intentions de leurs auteurs, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.

M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° 4 rectifié est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Je suis évidemment sensible au premier argument avancé par Mme la rapporteur, celui du respect du droit européen, mais les délocalisations hors de l’Union européenne, vers New York ou Hong Kong, notamment, sont nombreuses.

Mettre en place une mission spécifique, à l’instar de l’Assemblée nationale, pourrait être fort intéressant !

Par ailleurs, madame la ministre, j’ai relevé que vous étiez sensible aux arguments que j’ai essayé de développer. À mes yeux, le sujet mérite vraiment d’être approfondi. Il y va de la protection de notre patrimoine ! Je vous remercie donc de m’avoir entendue. Pour l’heure, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.

Monsieur Détraigne, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Détraigne. Non, je vais le retirer également, monsieur le président, en souhaitant que la mission d’information rende rapidement ses conclusions. Il n’est pas rare que l’on nous annonce l’engagement d’une réflexion et que, deux ans ou trois ans plus tard, les choses en soient toujours au même point ! Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire avancer ce dossier !

Mais, pour l’heure, je retire l’amendement.