PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales
 

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Communication d’avis sur deux projets de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 et de l’article 56 de la Constitution, la commission des lois a émis un vote favorable – dix-huit voix pour, zéro contre, deux bulletins blancs ou nuls – à la nomination, par M. le Président de la République, de M. Laurent Fabius comme membre du Conseil constitutionnel.

La commission a également émis un vote favorable –seize voix pour, quatre voix contre, zéro bulletin blanc ou nul – à la nomination, par M. le président du Sénat, de M. Michel Pinault comme membre du Conseil constitutionnel.

Acte est donné de ces communications.

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Modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi organique et d’une proposition de loi dans les textes de la commission

 
 
 

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique (proposition n° 278, texte de la commission n° 390, rapport n° 389, avis n° 357) et de la proposition de loi (proposition n° 279, texte de la commission n° 391, rapport n° 389, avis n° 357), adoptées par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales. Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis la révision constitutionnelle du 28 octobre 1962, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République fonde la légitimité des institutions de la VRépublique.

Après les deux derniers scrutins présidentiels, en 2007 et en 2012, les différents organismes de contrôle veillant à leur bon déroulement ont formulé plusieurs recommandations d’ordre technique, qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique aujourd’hui soumise à votre examen.

En effet, les mesures proposées par le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages convergent. L’adoption de cet ensemble de mesures permettrait de moderniser les modalités d’organisation du scrutin et d’éviter, à l’avenir, les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent des controverses, ne débouchant jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.

C’est donc pour remédier à cette situation que le Gouvernement soutient l’adoption de la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, que l’Assemblée nationale a adoptée le 16 décembre dernier.

L’adoption de ce texte contribuera à renforcer le cadre juridique dans lequel se tiendront la prochaine élection présidentielle et celles qui suivront, en rendant leur organisation incontestable.

Avant d’en venir au détail de ces propositions de loi, je veux saluer l’engagement du rapporteur, Christophe Béchu, ainsi que le travail important réalisé en commission pour contribuer à traduire dans la loi les avancées nécessaires que nombre d’entre nous souhaitaient, voire réclamaient, depuis des années.

En premier lieu, la proposition de loi organique prévoit de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats. Elle comprend deux mesures principales à cet égard.

Tout d’abord, le texte prévoit une modification des modalités de transmission des présentations au Conseil constitutionnel. Le parrainage devra être adressé par l’auteur de la présentation lui-même, et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne, par voie postale ou directement auprès du Conseil constitutionnel, et non en préfecture. Bien évidemment, des dérogations sont prévues pour l’outre-mer et l’étranger. La proposition de loi fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique, le temps, bien sûr, d’élaborer l’interface informatique sécurisée que nécessite un tel dispositif.

Ensuite, le texte prévoit la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat, et non plus seulement des 500 premiers d’entre eux tirés au sort. La procédure actuelle repose en effet sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est rendu public par le Conseil constitutionnel et les autres. Nous souhaitons par conséquent mettre un terme à ce traitement différencié, dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent conduire les élus à assumer leur choix devant les citoyens.

En deuxième lieu, s’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période dite « intermédiaire », qui s’étend de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.

Une telle substitution permettra de simplifier, et par là même de clarifier, une réglementation devenue au fil du temps particulièrement confuse. Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente, en effet, une source de complications aussi bien pour les candidats que pour les chaînes de radio et de télévision, dont certaines en viennent même à préférer tout simplement ne pas organiser de débats du tout entre les candidats. Cela va sans dire, cette situation n’est satisfaisante pour personne, ni pour les candidats, ni pour les électeurs, et elle nuit à la richesse et à la vigueur du débat démocratique.

En troisième lieu, le texte soumis à votre examen prévoit une réforme des horaires encadrant les opérations de vote.

Sur cette question, le Gouvernement milite pour le statu quo, permettant aux communes d’adapter l’horaire de fermeture des bureaux de vote, en choisissant entre 18 heures, 19 heures et 20 heures. En effet, nous pensons aux communes rurales, auxquelles nous ne voulons pas imposer de contraintes trop lourdes, dans la mesure où l’organisation des bureaux de vote ne leur est pas toujours très aisée.

La commission des lois propose que soit retenu le principe d’un horaire de clôture fixé à 19 heures sur l’ensemble du territoire. Cette harmonisation des horaires de fermeture des bureaux de vote aurait l’avantage d’éviter la diffusion prématurée de résultats partiels ou de sondages susceptibles d’altérer la sincérité du scrutin, mais présente l’inconvénient de limiter la participation électorale, en raccourcissant d’une heure la possibilité de voter dans les grandes villes, ce qui n’est pas en phase avec l’objectif que nous partageons tous de renforcer le processus démocratique.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutiendra l’amendement déposé par le sénateur Alain Anziani, au nom du groupe socialiste et républicain, visant à maintenir dans la loi la possibilité offerte aux communes qui le souhaitent de bénéficier d’une dérogation jusqu’à 20 heures.

J’ajoute que cette réforme s’accompagne naturellement d’un maintien de l’embargo sur la divulgation des résultats à 20 heures, pour assurer une meilleure information des citoyens et empêcher que le débat public, en particulier dans l’entre-deux tours, ne s’engage sur la base de données et d’analyses erronées.

Enfin, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France. En d’autres termes, dès lors qu’ils quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, qui à la fois permettra la simplification des listes et garantira leur sincérité.

Par ailleurs, nous approfondirons bientôt la question de la double inscription, à l’occasion du prochain examen d’une proposition de loi transpartisane des députés Pochon et Warsmann, à laquelle le Gouvernement apportera tout son soutien dans la mesure où elle s’inscrit dans l’esprit du texte que nous examinons aujourd’hui.

En conclusion, le Gouvernement salue la décision de votre commission des lois qui, sur l’initiative du rapporteur, Christophe Béchu, a rétabli, pour toute élection, l’obligation de comptabiliser pendant un an avant le scrutin l’ensemble des dépenses et des recettes électorales ayant vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats.

La commission des lois a cependant prévu une durée de six mois pour les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle pour les élections devant avoir lieu après 2017. Sur ce point, en cohérence avec la position que nous avons défendue devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement soutiendra l’amendement du groupe socialiste et républicain visant à rétablir à un an cette durée pour toutes les élections présidentielles, y compris celles qui interviendront après 2017.

En effet, une réduction de six mois de la durée prise en compte aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne et entrerait ainsi en contradiction avec le mouvement de renforcement de la transparence de la vie publique.

Cette proposition de loi constitue une étape supplémentaire dans la démocratisation de nos procédures électorales. Cette démocratisation répond à une demande que les derniers scrutins nous ont rappelée. C’est pourquoi le Gouvernement soutient ce texte avec force et appelle la représentation nationale, par-delà les clivages partisans, à approuver cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe Béchu, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par un regret.

À vrai dire, nous ne devrions pas, cet après-midi, un peu plus d’un an avant la prochaine élection présidentielle, être amenés à examiner, de surcroît selon la procédure accélérée, des textes relatifs aux règles applicables à l’élection présidentielle. Ainsi, c’est dans l’urgence que nous devons légiférer sur un sujet fondamental pour la démocratie, comme nous avions déjà dû le faire juste avant les élections présidentielles de 2007 et de 2012.

Légiférer dans ces conditions n’est pas propice à la sérénité ni à la conduite d’une réflexion approfondie, d’autant que, comme Mme la secrétaire d’État vient de le souligner, les dispositions de la proposition de loi organique et de la proposition de loi que nous examinons s’inspirent, pour l’essentiel, des recommandations émises, dans la foulée de l’élection présidentielle de 2012, par le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission nationale de contrôle la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle et la Commission des sondages.

Néanmoins, la somme de ces recommandations, qui convergent sur un certain nombre de sujets, et la pertinence des remarques soulevées justifient que nous prenions aujourd'hui le temps d’en tirer les leçons, en vue d’introduire les dispositions nécessaires dans la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, laquelle a été adoptée à la suite du référendum du 28 octobre de la même année.

Ce regret exprimé, de quoi s’agit-il ? J’espère que, au sujet des mesures dont nous allons débattre, des consensus se feront jour parmi nous, étant donné que notre discussion portera non pas sur la personnalité du futur Président de la République, mais sur les règles propres à assurer son élection dans les meilleures conditions de transparence et de sérénité. Ces mesures sont de quatre ordres.

La première série de dispositions se rapporte aux parrainages.

Il s’agit d’abord de prévoir la transmission directe des parrainages au Conseil constitutionnel, en sorte que leur collecte ne soit plus assurée par les candidats ou les partis ; l’objectif principal de cette mesure, ainsi que Jean-Jacques Urvoas, alors rapporteur du texte, l’avait bien expliqué devant l’Assemblée nationale, est de prévenir d’éventuelles pressions sur les parrains.

Il s’agit ensuite d’améliorer la transparence des parrainages. Les premières observations du Conseil constitutionnel à ce sujet remontent à 1974 : voilà donc plus de quarante ans que le Conseil constitutionnel invite le législateur à modifier les règles en la matière ! Faut-il, pendant la période de collecte, publier au fil de l’eau le nombre des parrainages, voire les noms des parrains, et convient-il, à l’issue de cette période, d’assurer la transparence totale des parrainages adressés au Conseil constitutionnel, même lorsqu’ils concernent des candidats n’ayant pas atteint le seuil des 500 parrainages ? La commission des lois s’est prononcée en faveur d’une transparence totale au terme de la collecte, mais d’une publication du seul nombre des parrainages tant que cette phase n’est pas terminée, dans le but, là aussi, de réduire les pressions qui pourraient s’exercer sur les parrains potentiels.

Un deuxième ensemble de mesures a trait au temps de parole pendant la période dite intermédiaire.

La campagne présidentielle se décompose en trois temps. La période dite préliminaire, qu’il n’est pas question de modifier, dure aussi longtemps que la liste des candidats ayant réuni 500 parrainages n’a pas été officiellement publiée ; au cours de cette phase s’applique la règle de l’équité, la seule possible puisque, par définition, on ne sait pas encore qui sera candidat. La dernière phase de la campagne, régie par l’article 7 de la Constitution, correspond aux deux tours de scrutin espacés de quinze jours, précédés par la campagne officielle qui débute quinze jours avant le premier tour ; cette période voit s’appliquer le principe de l’égalité entre les candidats, tous devant bénéficier de temps de programmation et d’antenne comparables.

Nos débats porteront sur la période intermédiaire, aujourd’hui régie par la règle de l’égalité. Depuis 2007, cette période dure près de trois semaines, et non plus trois jours. Or il a été souligné, notamment par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, que la nouvelle durée de la période intermédiaire et la multiplicité des candidatures ont entraîné un effet pervers non prévu par le législateur organique en 2006 : la division par deux du temps d’antenne consacré à l’élection présidentielle. Des constitutionnalistes, tel Guy Carcassonne, ont fait observer que l’absence d’un débat de premier tour digne de ce nom tenait en particulier à la difficulté d’organiser celui-ci de manière satisfaisante, compte tenu du nombre des candidats et des règles à respecter.

Dans un premier temps, la commission des lois du Sénat a validé la solution adoptée par l’Assemblée nationale : la substitution d’une équité bonifiée à l’égalité formelle. Néanmoins, je soutiendrai tout à l’heure un amendement de notre collègue Alain Anziani présentant une solution intermédiaire : le maintien du principe de l’égalité, mais assorti, pour tenir compte des préconisations du Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’une réduction d’une semaine de la période intermédiaire.

La troisième série de mesures concerne les horaires de fermeture des bureaux de vote.

L’origine du débat ne réside pas dans une volonté farouche d’uniformisation. Il s’agit de tenir compte d’une réalité signalée par la Commission des sondages : quarante-cinq minutes seulement après la fermeture des premiers bureaux, les techniques d’extrapolation permettent de prévoir le résultat final avec une faible marge d’erreur. Dans ces conditions, la Commission des sondages préconise qu’il ne s’écoule plus deux heures entre la fermeture des premiers bureaux de vote et celle des derniers. Dès lors, il convient soit de déterminer une heure de fermeture unique, soit de limiter à une heure au maximum l’écart entre les horaires de fermeture.

Fixer un horaire unique de fermeture des bureaux de vote nous a semblé constituer la bonne formule. Cela présenterait l’avantage d’une harmonisation des règles, en particulier entre zones rurales et zones urbaines, d’autant plus bienvenue s’agissant d’un scrutin aussi fondamental que l’élection présidentielle. Au demeurant, cette formule a déjà été appliquée, en particulier pour les élections européennes. L’argument selon lequel plus les bureaux de vote restent ouverts tard, plus la participation des électeurs est forte ne résiste pas à l’examen objectif des taux de participation lorsque des bureaux de vote ferment à 22 heures ou du nombre des votants entre 19 et 20 heures dans les grandes villes.

La quatrième série de mesures porte sur la comptabilisation des dépenses de campagne. En la matière, la commission des lois n’a pas souhaité modifier les règles si peu de temps avant la prochaine élection présidentielle : elle préconise donc le maintien à l’année précédant le premier tour du scrutin de la période de comptabilisation des dépenses de campagne.

Toujours est-il que ce débat comporte une dimension impensée, ou indicible ; je veux parler de la question des primaires. Aujourd’hui, on considère que seule une fraction des dépenses d’organisation d’une primaire ouverte a vocation à figurer dans les comptes de campagne du vainqueur, dans la mesure où ces dépenses sont relatives à la vie interne d’un parti politique. En vertu de cette conception, environ 400 000 euros ont été intégrés au compte de campagne pour l’élection présidentielle de 2012 du candidat François Hollande.

Les remarques qui nous ont été adressées insistent sur le caractère un peu bancal de ce système, qui repose sur une construction intellectuelle difficile à défendre. Réduire à six mois la durée de comptabilisation des dépenses de campagne permettrait d’inciter les partis qui souhaitent organiser des primaires ouvertes à le faire avant le commencement de cette période. Une autre solution serait d’élaborer un texte de loi pour encadrer les primaires et leur prise en compte, mais je considère que, en légiférant dans ce domaine, nous porterions atteinte à l’équilibre et à l’esprit de nos institutions.

Mme la présidente. Il vous faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Christophe Béchu, rapporteur. En proposant un dispositif qui ne s’appliquerait pas pour la prochaine élection présidentielle, mais seulement pour les suivantes, nous entendons poser une règle sans savoir qui en bénéficiera ni qui en pâtira ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis de plusieurs articles de la proposition de loi organique ayant des incidences sur le déroulement, dans les médias, de la campagne pour l’élection du Président de la République. Nous avons travaillé avec le triple objectif d’assurer le respect du pluralisme, la liberté éditoriale et la sincérité du scrutin.

Deux articles de la proposition de loi organique ont plus particulièrement retenu notre attention : l’article 4, relatif à l’accès des candidats à l’élection présidentielle aux médias audiovisuels, en particulier pendant la période dite intermédiaire, et l’article 7, qui vise à modifier les horaires des opérations de vote, en prévoyant l’ouverture des bureaux de vote de 8 heures à 19 heures, assortie de la possibilité de repousser leur fermeture à 20 heures.

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale reportait à 19 heures la fermeture des bureaux de vote, actuellement fixée à 18 heures dans de très nombreuses petites communes, en vue de retarder la réalisation des sondages effectués dans les bureaux tests sur le fondement des premiers bulletins dépouillés. De fait, dans cette hypothèse, les fuites sur internet devraient être moindres au cours de la période cruciale qui précède l’annonce des résultats, à 20 heures, mais le risque demeure néanmoins, compte tenu du maintien d’un décalage d’une heure avec la fermeture des bureaux de vote en zones urbaines.

De nombreux membres de notre commission se sont inquiétés des conséquences, pour les petites communes, de cet allongement d’une heure de la durée d’ouverture des bureaux de vote, faisant observer qu’il est déjà très difficile de constituer les bureaux. D’autres collègues se sont interrogés, a contrario, sur les raisons qui pourraient justifier le maintien d’un horaire de fermeture plus tardif dans certaines zones urbaines, faisant valoir que cela pouvait créer de la confusion, dans l’esprit des électeurs, sur l’horaire de fermeture de leur bureau de vote.

La commission des lois a décidé de supprimer la possibilité de prolonger l’ouverture des bureaux de vote jusqu’à 20 heures. Ce choix a le mérite de la cohérence et de la simplicité : si l’on fixe à 19 heures la fermeture de tous les bureaux de vote, les électeurs seront tous traités de la même façon et les risques de fuites seront minimisés.

J’en viens à l’article 4 de la proposition de loi organique, qui a retenu toute notre attention, notamment parce qu’il substitue le principe d’équité au principe d’égalité pendant la période intermédiaire en ce qui concerne les temps de parole des candidats. Il s’agit là d’un sujet très sensible, qui touche à notre conception même de la démocratie et du respect du pluralisme.

Le principe de l’égalité constitue la meilleure garantie pour vivifier notre démocratie. Nous savons tous combien notre pays souffre d’un déficit de renouvellement de ses élites politiques et des idées. Or voici que l’on nous invite à avaliser une évolution qui risque au contraire de favoriser les candidats les plus connus, les mieux installés et bénéficiant déjà de l’attention des médias.

Mes chers collègues, la procédure des parrainages joue déjà le rôle de filtre assurant le sérieux et la représentativité des candidatures. Lorsqu’un candidat a obtenu les parrainages nécessaires, il peut bénéficier du financement public de sa campagne ; rien ne justifie que l’on opère des distinctions entre les candidats remplissant toutes les conditions requises pour concourir.

Reconnaître au Conseil supérieur de l’audiovisuel un pouvoir d’appréciation sur la place à accorder dans les médias à tel ou tel candidat marquerait un recul pour notre vie démocratique, d’autant que le principe d’équité est déjà de règle en dehors de la période de l’élection présidentielle, ce qui nuit au droit d’expression des plus petites formations politiques.

Nous n’ignorons pas que la substitution de l’équité à l’égalité vise à lutter contre la tentation des médias de ne plus couvrir la campagne présidentielle pendant les trois semaines que dure la période intermédiaire. Les données réunies par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui font apparaître une diminution de 50 %, par rapport à 2007, du temps consacré aux prises de parole pendant la période intermédiaire en 2012, témoignent d’une difficulté. Faut-il pour autant modifier les règles pour remédier aux difficultés que rencontrent les médias pour les appliquer ? Les exigences démocratiques ne justifient-elles pas que ce soient plutôt les médias qui réfléchissent à la meilleure façon de rendre compte de la campagne présidentielle dans le respect du principe d’égalité ?

Je constate en outre que certains s’inquiètent des modalités d’application du principe d’équité, compte tenu de la nouvelle obligation d’assurer des « conditions de programmation comparables ». Aujourd’hui, avec le principe d’égalité, il est possible de jouer sur la diversité des formats et des plages horaires. La nouvelle contrainte des conditions de programmation identiques ne va-t-elle pas, en définitive, compliquer encore plus les choses ? N’est-on pas en train de construire une « usine à gaz » ? La question se pose vraiment !

En réalité, nous avons le sentiment qu’aucune véritable réflexion n’a été menée sur la manière de rendre compte d’une campagne présidentielle au XXIe siècle, en tenant compte notamment du développement des nouveaux médias et de la nécessité de proposer de nouveaux formats pour répondre aux nouveaux usages liés à la révolution numérique et au besoin de renouveau de nos compatriotes.

Que dire ensuite des élections primaires organisées par certaines formations politiques, qui ont pour effet d’offrir un surcroît de visibilité aux candidats qui y participent ? L’article 4 de la proposition de loi organique ne visant que la période intermédiaire qui précède la campagne officielle, rien ne garantit le respect du principe d’égalité, ni même celui du principe d’équité, entre les candidats à ces primaires, ni, a fortiori, entre ces derniers et les candidats à l’élection présidentielle n’ayant participé à aucune primaire, alors même que, si l’on en croit de nombreux analystes, les primaires seront plus importantes que le premier tour de l’élection présidentielle.

Pour en revenir au rôle du CSA, que la rédaction actuelle du texte tend à renforcer, nous ne pouvons que nous interroger sur la marge d’appréciation qui sera accordée à cette instance.

Au quatrième alinéa de l’article 4, la référence aux « résultats obtenus aux plus récentes élections » et aux enquêtes d’opinion pour déterminer la représentativité des candidats apparaît pour le moins réductrice.

Le second critère, mentionné au cinquième alinéa du même article, à savoir « la contribution de chaque candidat à l'animation du débat électoral », n’est pas, lui non plus, dénué d’une certaine subjectivité.

Par ailleurs, je ne suis pas sûre que l’on rende ainsi service au CSA, qui voit son rôle changer au fil du temps et devient le garant du pluralisme politique, et même de l’indépendance des rédactions (Mme Corinne Bouchoux approuve.), si j’en crois les termes de la proposition de loi qui sera débattue à l’Assemblée nationale au début du mois de mars prochain.

La commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, présidée par notre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx et dont Jacques Mézard était le rapporteur, nous a rappelé la nécessité de ne pas donner de rôle politique à ces autorités indépendantes. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.) L’application du principe d’équité irait donc à l’encontre des recommandations des travaux du Sénat.