M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Nouvelles organisations intercommunales et harmonisation de la fiscalité locale ».

5

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame Mme Christiane Kammermann membre de la commission permanente pour l’emploi et la formation professionnelle des Français de l’étranger.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

6

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. Je vous invite également à respecter le temps de parole qui vous est imparti.

Pour des raisons d’ordre pratique que chacun peut comprendre, et conformément à la décision de la conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s’il leur reste plus de cinq secondes.

mesures d'urgence suite aux inondations

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour le groupe CRC.

M. Christian Favier. Élu d’un département qui a été particulièrement touché, je veux exprimer toute notre solidarité aux victimes des inondations de ces derniers jours, et saluer le formidable dévouement des agents des services publics dans les 1 300 communes sinistrées, de leurs élus de proximité, des services de secours, des bénévoles associatifs et des simples citoyens qui ont répondu présent.

Après l’urgence, il faut faire face aux conséquences immédiates. Je pense en particulier au relogement de nombreuses familles qui ont tout perdu, aux solutions qu’il va falloir trouver pour toutes ces victimes peu ou pas assez assurées, pour qui la déclaration de l’état de catastrophe naturelle ne réglera pas tout.

Ces inondations nous rappellent que, face à de tels cataclysmes ce sont toujours les plus démunis qui subissent les plus lourdes conséquences.

Aussi, ma question est simple : par-delà les mesures d’urgence déjà prises, quelles sont les dispositions que vous comptez mettre en œuvre, monsieur le ministre de l’intérieur, pour assurer à tous une réelle couverture des risques naturels, pour développer les politiques de prévention nécessaires et pour garantir aux victimes de ces inondations, dans le cadre de la solidarité nationale, une large prise en charge des dégâts qu’elles ont subis ?

En clair, pouvez-vous nous assurer que pas une seule famille ne se retrouvera sans toit à l’issue de ces inondations exceptionnelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, nous avons connu au cours des dernières semaines des intempéries qui ont frappé plusieurs départements, notamment d’Île-de- France, et qui ont occasionné de nombreux dégâts.

Le Premier ministre a eu l’occasion de redire hier, à l’Assemblée nationale, que le bilan était lourd : cinq décès parmi nos concitoyens, quarante et une personnes blessées, des dégâts matériels extrêmement importants pour les collectivités locales et pour les particuliers.

Le Président de la République et le Premier ministre ont donné des instructions très claires au Gouvernement, pour que nous puissions apporter dans les meilleurs délais tout le soutien aux collectivités locales frappées par ces intempéries, en engageant immédiatement le dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. L’ensemble des dossiers ont été présentés aux préfets au cours des derniers jours et sont remontés très vite au niveau central, ce qui nous a permis d’examiner les dossiers de 862 communes. Il reste à étudier ceux de 138 communes.

Le dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été engagé pour l’ensemble de ces communes, ce qui permettra d’enclencher avec les compagnies d’assurance les processus d’indemnisation et de réparation, là aussi dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, le Premier ministre a souhaité que nous mettions en place un fonds d’urgence pour les particuliers, afin que, sans attendre le remboursement par les compagnies d’assurance des travaux de réparation des dégâts occasionnés, nous puissions apporter un concours immédiat, notamment aux familles les plus vulnérables. Celles-ci pourront ainsi rentrer dans leur logement et procéder à l’acquisition des biens dont elles ont besoin pour recommencer à vivre normalement.

Pour ce qui concerne les collectivités locales, les fonds de concours dont elles ont besoin pour restaurer leurs ouvrages d’art ou réparer les voiries pourront être immédiatement sollicités. Il leur sera possible d’obtenir des avances qui pourront atteindre 60 % des sommes engagées. Nous pourrons ainsi apporter un soutien très rapide aux collectivités locales.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement, conformément à votre préoccupation, est totalement mobilisé aux côtés des collectivités locales et des Français, afin qu’il puisse être procédé à la réparation des biens endommagés et que la vie puisse reprendre son cours normal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour la réplique.

M. Christian Favier. Nous ne pouvons que nous féliciter des mesures d’urgence d’ores et déjà prises. Mais nous devons aussi prévoir d’autres dispositifs et nous interroger sur la prévention de tels risques, notamment dans les zones inondables.

En effet, les conséquences de ces crues nous conduisent à nous interroger sur la fragilité de certains de nos territoires. La gestion de telles crises et les investissements nécessaires pour les éviter ne peuvent être de la seule responsabilité des communes. Celles-ci n’en ont pas les moyens aujourd’hui, encore moins qu’hier, du fait des politiques d’austérité qu’elles subissent.

Une intervention forte de l’État reste donc indispensable, à côté de celle des départements et des régions, pour que nous puissions tous vivre dans un environnement sécurisé.

Enfin, à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : une contribution financière de nos concitoyens les plus fortunés mériterait d’être mise en place immédiatement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pense tout particulièrement aux cinquante personnes dont on vient d’apprendre qu’elles contournent l’ISF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

mesures suite aux inondations

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le Premier ministre, avec le recul, nous mesurons toute l’ampleur de la catastrophe qui a touché, en particulier, le département du Loiret, où 241 communes sont sinistrées. C’est pourquoi je vous poserai des questions précises. Les habitants et les élus souhaitent en effet obtenir des réponses précises.

Premièrement, dans quel délai serez-vous en mesure d’examiner les dossiers des communes qui ont demandé à être déclarées en état de catastrophe naturelle, dossiers qui ont été ajournés hier ?

Deuxièmement, il apparaît que les travaux de réfection de voirie, maintenant que l’eau est partie – tout au moins dans un certain nombre de communes –, seront très considérables. Quelle aide l’État pourra-t-il apporter aux communes pour faire face à ces dépenses totalement imprévues ?

Troisièmement, durant des décennies, les moyens affectés à l’entretien des canaux ont été insuffisants. Vous-même, monsieur le Premier ministre, l’avez constaté lors de votre visite à Montargis. Quelles dispositions comptez-vous prendre, afin de répondre à l’urgence d’assurer la sécurité dans ce domaine précis ?

Par ailleurs, l’autoroute A10 est encore inondée et impraticable. Il a sans doute été très imprudent de permettre à des automobiles et à des camions d’accéder à cette voie, alors que l’on pouvait prévoir les inondations.

Enfin, la situation du centre pénitentiaire d’Orléans-Saran nous préoccupe. Avez-vous diligenté une enquête sur les conditions dans lesquelles les études ont été faites ? Quelles dispositions pensez-vous prendre ?

J’ajoute que, à plusieurs de ces questions, se sont associés mes collègues Nicole Bricq et Jeanny Lorgeoux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Éric Doligé. Et nous ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, notre pays, votre département, le Loiret, ainsi que de nombreux autres des régions Centre-Val de Loire et d’Île-de-France ont été touchés par des inondations d’une ampleur exceptionnelle. Chacun doit continuer à faire preuve d’une très grande vigilance. Des phénomènes violents se sont d’ailleurs produits, ces derniers jours, en Alsace et dans les Hauts-de-France.

Je souhaite, comme l’a fait M. Favier à l’instant, saluer de nouveau la mobilisation exceptionnelle de tous ceux qui ont participé aux secours. Je pense, bien sûr, aux agents des services publics de l’État ou des collectivités territoriales qui ont fait la preuve de leur grand professionnalisme et de leur dévouement, mais aussi aux élus locaux, notamment les maires, qui étaient en première ligne.

Je pense évidemment, comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à tous les Français qui se sont mobilisés pour venir en aide aux sinistrés. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) Cette solidarité, chacun a pu le constater, était tout à fait remarquable.

Plus de 1 000 communes ont été touchées par cet épisode. Hier matin, en conseil des ministres, le ministre de l’intérieur et celui des finances ont signé l’arrêté interministériel portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour 782 communes, situées dans 17 départements.

L’épisode de crue ayant duré longtemps, certaines communes n’ont été sinistrées qu’à la toute fin de cet événement. Laissons-leur le temps de faire remonter leurs demandes, en lien avec les services de l’État. Je pense aussi à toutes les communes touchées cette semaine par les orages, notamment dans l’est de la France.

Plusieurs autres décisions de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle seront prises, puisque la situation de 138 communes doit encore être examinée, mercredi prochain, en conseil des ministres. Vous le savez, cette procédure a été modifiée voilà deux ans : les décisions liées à ce type d’événements sont désormais directement prises en conseil des ministres, ce qui fait gagner du temps pour le déclenchement du processus d’indemnisation.

Pour ce qui concerne les dégâts affectant les infrastructures des communes et des départements, telles que les routes et les réseaux d’assainissement, nous mobiliserons le dispositif d’indemnisation des dégâts causés par les calamités publiques. Une mission d’évaluation des dommages sera lancée par les ministres de l’intérieur et de l’environnement, afin de déterminer les montants à prendre en compte. Sans attendre les résultats de cette étude, nous avons demandé que les préfets puissent, sans délai, faire des avances sur ces indemnisations, comme le permet la réglementation.

Vous m’avez interrogé, monsieur le sénateur, sur l’état des canaux, dont j’ai pu me rendre compte lors de ma visite à Montargis. Là aussi, il faut obtenir très rapidement un retour d’expérience et une évaluation. Ségolène Royal s’y est engagée.

Vous m’avez aussi posé une question sur la situation de crise à laquelle a été confronté le centre pénitentiaire d’Orléans-Saran, dont les deux maisons d’arrêt pour hommes ont dû être évacuées. Cette évacuation a eu lieu entre mardi et mercredi derniers dans les meilleures conditions possible. Je veux ici remercier l’ensemble des personnels qui ont permis le bon déroulement de ces opérations, notamment sur le plan de la sécurité.

Les experts de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice sont attendus sur place d’ici à la fin de la semaine pour constater les dégâts, estimer l’ampleur des travaux de remise en état et indiquer les correctifs à apporter.

Pour ce qui concerne les difficultés rencontrées sur l’autoroute A10, et plus généralement dans les réseaux de transport, un retour d’expérience sera établi avec l’ensemble des gestionnaires d’infrastructures, afin d’analyser ce qui n’a pas fonctionné correctement.

Disons-le, s’il y a eu un dysfonctionnement au cours de cette crise, c’est sur cette autoroute. Nous en tirerons les enseignements nécessaires, afin d’adapter les procédures, qui ont en général bien fonctionné, à ce type d’événements.

Vous avez posé plusieurs questions précises, monsieur le sénateur. Soyez assuré que le Gouvernement entend y répondre précisément, rester à votre disposition, être pleinement mobilisé et agir conjointement à l’ensemble des autres services avec sérieux, rapidité et efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

aides financières suite aux inondations

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour le groupe UDI-UC.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux, à mon tour, évoquer le sujet des inondations, qui ont touché de nombreux départements de la région parisienne et du Centre-Val de Loire, en particulier la Seine-et-Marne, le Loiret et le Loir-et-Cher. Ceux-ci portent tous, vous l’aurez remarqué, des noms de fleuve ou d’affluents, même si ce sont souvent des rivières, voire des cours d’eau, qui ont débordé.

Cela nous démontre combien la gestion de la prévention des inondations est un sujet important, comme l’avait fait remarquer mon collègue Yves Pozzo di Borgo pour la Seine.

Je tiens à exprimer ma compassion aux familles des victimes et à tous les sinistrés, et à souligner l’extraordinaire solidarité qui s’est manifestée. Je souhaite saluer ici la mobilisation des préfets et des services de l’État, des pompiers, des gendarmes, des policiers et de l’armée.

Dans le Loir-et-Cher, 153 communes sont touchées, soit plus de la moitié de celles du département. Saluons le rôle des maires et des élus locaux, qui sont les vigies des territoires, en première ligne, aidés par les agents municipaux.

Les dégâts sont colossaux. À Romorantin-Lanthenay, par exemple, commune de Jeanny Lorgeoux, où le Président de la République s’est rendu, la crue a duré une semaine, inondant les maisons de plus de 1,50 mètre d’eau.

Un phénomène naturel survenu dans notre région a, par ailleurs, accentué ces inondations : les forêts de Sologne ou de Marchenoir, en Beauce, ont joué un rôle d’éponge en absorbant dans un premier temps les eaux, pour les relâcher dans un second temps.

L’heure est à la réparation, dans tous les sens du terme.

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

Mme Jacqueline Gourault. Lors du conseil des ministres, hier, l’état de catastrophe naturelle a été déclaré. J’ai cependant deux questions à vous poser, monsieur le ministre de l’intérieur. (Brouhaha ironique sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, chers collègues !

Ma première question porte sur l’articulation entre les aides d’État et celles des collectivités locales. Qui va piloter le système ?

La seconde concerne les personnes indemnisées : particuliers, entreprises, agriculteurs, commerçants, collectivités locales. Comment cibler les aides, afin qu’elles parviennent à ceux qui sont les plus touchés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question très complète, à laquelle je répondrai de façon précise.

Vous avez eu raison d’insister sur la mobilisation de l’ensemble des services publics de l’État et des collectivités locales. Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rendre hommage aux milliers de sapeurs-pompiers qui sont intervenus : 3 600 d’entre eux ont été mobilisés lors des pics de crue dans l’ensemble des communes et des départements concernés, dans le Centre-Val de Loire, à l’est du pays et en Île-de-France.

La participation des militaires de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou a également été très forte, puisque près de 300 d’entre eux ont été mobilisés.

Dans la région de Rambouillet, je l’ai constaté avec le président Larcher, la mobilisation des collectivités locales a également été importante.

Quant à la collaboration entre les services de l’État et ceux des collectivités territoriales pour apporter une aide immédiate aux personnes en détresse, elle a très bien fonctionné.

Des moyens nautiques et aériens exceptionnels ont été mobilisés, afin d’identifier les zones à risque et d’intervenir dans de bonnes conditions de sécurité.

Nous avons la volonté de faire en sorte que la vie puisse reprendre son cours normal, comme vous l’avez souhaité, madame la sénatrice, et ce le plus rapidement possible.

Le dispositif de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a d’ores et déjà permis d’arbitrer sur 862 dossiers. Il en reste 138 à examiner. L’examen de la totalité des dossiers qui nous ont été transmis sera achevé la semaine prochaine, lors du conseil des ministres.

Dans votre département du Loir-et-Cher, madame la sénatrice, 153 communes sont touchées. La totalité des dossiers les concernant ont été pris en compte. Je citerai notamment ceux de Romorantin-Lanthenay et de La-Chaussée-Saint-Victor, commune dont vous avez été maire. La situation de toutes ces communes est donc prise en considération.

Les fonds d’urgence, le Premier ministre vient de le rappeler, ont été débloqués, afin d’apporter un secours immédiat aux personnes les plus en difficulté, sans attendre l’intervention des compagnies d’assurance, et d’accorder des avances aux collectivités locales.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tous ces fonds ont été mobilisés, dans les meilleurs délais, pour que la vie puisse reprendre son cours normal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

situation à la sncf

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Louis Nègre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis plusieurs mois, notre secteur ferroviaire s’enfonce dans la crise. Tous les clignotants sont passés au rouge. La dette de la SNCF s’aggrave de jour en jour : elle atteint 50 milliards d’euros ! Notre industrie ferroviaire, la troisième du monde, est désormais confrontée à un risque de fermeture de sites industriels. Pis encore : la SNCF, qui faisait de la sécurité sa première priorité, vient de subir deux accidents dramatiques, se soldant par de nombreux morts. Enfin, la qualité du service public s’effondre, au point que les citoyens en sont arrivés à créer, comme dans ma région, des associations telles que Les naufragés du TER.

Monsieur le Premier ministre, où sont les neiges d’antan de l’image prestigieuse et de la fiabilité de la SNCF ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

À ce bilan catastrophique, s’ajoute maintenant une tragédie.

Vous avez capitulé, l’État a capitulé, en rase campagne, devant des grévistes ultra minoritaires – moins de 10 % d’après vos propres chiffres –, pour sauver le projet de loi « Travail ».

M. Didier Guillaume. C'est la SNCF qu’on veut sauver !

M. Louis Nègre. Or vous ne sauverez ni ce texte ni malheureusement la SNCF, que vous avez sacrifiée et que vous rendez désormais incapable de faire face à l’ouverture à la concurrence.

En lâchant tout, vous avez cru éteindre l’incendie. Il n’en est rien, et le pays continue à subir une grève « incompréhensible », selon votre propre terme.

Devant ce qui n’est même plus une victoire à la Pyrrhus, devant ces reculades sur tous les fronts, ma question est simple : où est passé l’État ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. François Grosdidier. Que le Premier ministre réponde !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, il y a deux observations que je peux partager avec vous : celle qui concerne la sécurité, parce que nous devons avoir, je crois, cette exigence et que les événements que vous avez cités ne sont pas acceptables, et celle qui a trait à l’objectif d’ouverture à la concurrence. Vous le savez, quand on parle du secteur ferroviaire, il faut, avant de porter des constats définitifs, distinguer le transport de fret et celui de voyageurs.

En matière de fret, la concurrence existe depuis dix ans. Malheureusement – et ce n’est pas uniquement lié à la concurrence –, le fret a perdu la moitié de son activité par rapport aux autres modes de transport, alors même qu’il est ouvert à la concurrence.

Pour les voyageurs, avec les perspectives d’ouverture à la concurrence, nous allons passer, et c'est la grande nouveauté, d’un système réglementaire – par exemple, en matière de temps de travail, tout le monde s’est accommodé du décret dit « RH77 » ; vous pouviez le remettre en cause par simple décret, mais cela n’a jamais été fait – à un système conventionnel.

Nous avions trois objectifs : un décret socle sur les questions de sécurité qui a été publié hier au Journal officiel, la convention de branche qui concerne le privé et le public – je remercie toutes les entreprises ayant permis de parvenir à cet accord, qui a recueilli plus de 30 % de signatures ; on verra bien ce que feront les autres organisations – et l’accord d’entreprise, pour lequel il fallait aussi obtenir au moins 30 % des signatures, ce qui a été fait.

Cette phase est maintenant terminée. J’ai dit hier que je ne comprenais pas et que je considérais comme incompréhensible la poursuite de la grève.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elle est très compréhensible pourtant !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Nous sommes allés jusqu’au bout du dialogue.

M. Jean-Pierre Bosino. Il faut demander aux cheminots !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Je le répète aujourd’hui, il n’y a qu’une seule solution : la reprise du travail.

Le Premier ministre a fait hier des annonces notamment sur la question de la dette, sur l’effort de rénovation qui sera accentué, en particulier sur le réseau, et, en matière de fret, sur la pérennisation des 190 millions d’euros, qui sont attendus par les entreprises : tout cela montre que le Gouvernement a confiance, contrairement à vous, dans l’avenir du ferroviaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. Alain Gournac. Donc, tout va bien !

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour la réplique, pour quelques secondes seulement.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, le compteur indique deux minutes, et c'est sans compter la marge prise par certains collègues ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Éliane Assassi. Les mêmes règles pour tout le monde !

M. Louis Nègre. Monsieur le Premier ministre, M. le secrétaire d’État, n’a pas répondu à ma question, ce que je regrette. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Seul M. Nègre a la parole !

M. Louis Nègre. Vous ne pouviez pas me répondre, monsieur le Premier ministre, car il n’y a plus d’État ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Jean-Louis Carrère. Mais il y a M. Nègre !

M. Louis Nègre. La tyrannie des minorités s’impose, la rue appartient aux casseurs, et il n’y a plus d’autorité. Qui gouverne ce pays ?

Ma conclusion, mes chers collègues, est simple : il est temps que nous arrivions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – Rires moqueurs sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

pantouflage

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adressait à M. le ministre des finances et des comptes publics et concerne les nombreux départs de nos plus hauts fonctionnaires de Bercy pour le secteur privé, ce qu’on appelle le « pantouflage », plus exactement dans les secteurs financier, bancaire ou de la grande distribution.

Il y a quelques semaines, la commission de déontologie de la fonction publique a autorisé le directeur général du Trésor, M. Bruno Bézard, à quitter ses fonctions, parmi les plus stratégiques pour notre pays, puisqu’il était notamment chargé de la gestion de la dette de l’État, pour rejoindre un fonds d’investissement chinois.

Cette commission dite « de déontologie », entièrement composée de fonctionnaires issus des grands corps de l’État, a jugé que cette promotion ne présentait aucune forme de conflit d’intérêts au regard du droit en vigueur.

Au regard du droit en vigueur peut-être, mais au regard de la raison et du bon sens, on peut en douter !

Il y a quelques semaines, le conseiller pour les participations de l’État du ministre des finances quittait le cabinet de celui-ci pour prendre les fonctions de directeur de la stratégie du pôle e-commerce du groupe Casino.

M. Bruno Sido. Les rats quittent le navire !

M. Jean-Claude Requier. Il existe bien évidemment de nombreux précédents : ce n’est pas un phénomène nouveau, c’est même l’une de nos spécialités franco-françaises, fait qui semble s’accélérer et toucher particulièrement le corps des inspecteurs des finances, dont l’exode survient de plus en plus tôt ! Ils seraient plus d’un quart aujourd’hui à exercer dans le secteur bancaire.

Alors, peut-être faudrait-il non pas interdire, mais, à tout le moins, encadrer davantage ces départs du secteur public vers le secteur privé ? Sinon, cela revient en l’état à maintenir un système fait de collusions, de conflits d’intérêts et, trop souvent, d’appât du gain !

Ne serait-il pas utile de rendre publics les avis de la commission de déontologie pour éviter que le secret n’entretienne la suspicion ? Pourquoi ne peut-on envisager que tout départ du secteur privé soit un départ définitif, sans retour possible ? Cela ferait réfléchir à deux fois ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)