Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Vous pointez des lacunes dans le dispositif de consultation des représentants du personnel. En l’état actuel du droit, les membres du comité d’entreprise peuvent demander un certain nombre d’informations. Selon vous, c’est souvent une information comptable qui leur est délivrée, sans réelle discussion. Or les représentants du personnel sont aussi là pour demander et obtenir des éléments complémentaires !

J’ajoute que l’article L. 2323-13 du code du travail, que votre amendement vise à modifier, prévoit déjà que l’employeur doit mettre à disposition du comité d’entreprise, à partir de la base de données unique, des informations sur les sommes reçues par l’entreprise au titre du CICE.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Comme vous l’indiquez à juste titre, la loi Rebsamen a intégré la consultation sur le CICE dans la consultation annuelle sur la stratégie économique et financière de l’entreprise. Nous sommes en effet passés de dix-sept à trois consultations annuelles, sans rien perdre en matière d’informations. Tous les échanges que j’ai en attestent : aucune organisation syndicale ne regrette aujourd’hui cette simplification, toutes la soutiennent même.

Les partenaires sociaux disposent donc des instruments nécessaires au suivi de la bonne utilisation du CICE, puisque c’est intégré dans la partie flux financiers à destination de l’entreprise dans le cadre de la base de données économiques et sociales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. La loi a créé un comité de suivi du CICE, qui a été élargi à l’ensemble des aides publiques aux entreprises. Elle a aussi prévu que les branches puissent suivre l’évolution du CICE, mais très peu se sont intéressées au sujet, notamment à l’échelon régional ; elles se comptent sur les doigts d’une main.

Un travail d’évaluation a été entrepris sous l’égide de France Stratégie, qui rassemble partenaires syndicaux, organisations patronales et quelques parlementaires – députés et sénateurs –, au nombre desquels je suis. On commence seulement à y voir clair ; cela a mis du temps.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, nous disposerons d’une première évaluation exhaustive de l’année 2014, qui portera à la fois sur l’investissement, l’emploi et le pouvoir d’achat au travers des salaires. Les chiffres publiés par l’INSEE nous fournissent déjà des éléments.

Pour reprendre une phrase sur laquelle on a daubé à tort, ça va mieux. Pour la première fois, les créations d’emploi sont au rendez-vous. Surtout, les entreprises ont pu refaire leurs marges et investir. Des indicateurs nous permettent déjà de dire que ça marche.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 629 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 637 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le 1° de l’article L. 2323-17 du code du travail est ainsi rédigé :

« 1° Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l’objet d’une consultation annuelle du comité d’entreprise et d’un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s’ils respectent les modalités de recours ayant reçu l’avis conforme du comité d’entreprise, qui peut saisir l’inspecteur du travail ; ».

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourquoi devrait-on indiquer aux comités d’entreprise et peut-être, demain, aux délégués du personnel ce qu’il en est en matière de recours au travail intérimaire ? Tout simplement parce que la gestion prévisionnelle des emplois et des qualifications fait pleinement partie des missions qui leur ont été dévolues.

Les postes occupés en CDD ou en intérim par des salariés temporairement présents peuvent constituer la première étape du développement de l’entreprise : restructuration de ses effectifs, de la pyramide des âges de son personnel, apport de compétences nouvelles. Toutefois, dès lors qu’une entreprise possède un volant relativement important de personnel temporaire, se pose, à notre avis, la question de la qualité de son organisation interne.

Le recours à l’intérim comme à la formule des CDD, parfois doublé d’un recours massif aux heures supplémentaires, est souvent le signe d’une organisation à flux tendu, au « juste à temps », assez souvent gaspilleuse de capacités de production, notamment des facteurs de production que constituent le travail humain, d’un côté, et les équipements, de l’autre.

Je prendrai ici l’exemple de la société Airbus Nantes. En 2012, devant l’augmentation du nombre de contrats d’intérim, la CGT a engagé une action. Cette mobilisation, en lien avec l’inspection du travail, a conduit à l’embauche de cent salariés. C’est sur ce point que porte notre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Tous les membres de la commission des affaires sociales veulent faire en sorte qu’il y ait moins de CDD et d’intérim et plus de CDI. C’est d’ailleurs tout l’objet de nos débats et d’un certain nombre de mesures qui ont été prises.

En l’occurrence, l’avis conforme que vise à instaurer cet amendement remettrait en cause le pouvoir de direction de l’employeur en instaurant un droit de veto. Aujourd’hui, il existe une information-consultation ; nous pensons qu’il faut nous en tenir là.

Plus largement, demandons-nous pourquoi, alors qu’un CDI coûte 100 et qu’un CDD coûte 160, un certain nombre d’employeurs considèrent qu’il est plus rationnel d’avoir recours à de l’intérim, qui coûte 200. C’est bien que l’environnement juridique du CDI, en particulier ses modalités de rupture, est un frein à l’embauche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous avez votre cohérence, nous avons la nôtre, qui nous a conduits à réintroduire dans le texte un certain nombre de dispositifs afin de lever ces freins. Nous pensons qu’il faut traiter le fond du problème, non en instaurant un veto, comme vous le proposez, mais en mettant en œuvre des mesures un peu puissantes.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, qui vise à prévoir un avis conforme.

Je le répète, le dialogue social a été remis à plat et centré sur les enjeux stratégiques dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Il apparaît donc important de tirer les enseignements de cette loi avant toute chose.

Vous avez évoqué le cas d’Airbus Nantes. Cet exemple montre que nous pouvons être fiers de notre code du travail, qui prévoit que le comité d’entreprise dispose d’un droit d’alerte lorsqu’il constate un recours abusif aux CDD, au portage salarial ou à l’intérim. Il peut alors saisir l’inspection du travail, laquelle peut exiger de l’employeur qu’il présente un plan de résorption de la précarité.

Nous le voyons bien, nous avons un problème. La France est le deuxième pays de l’Union européenne à avoir le plus recours aux CDD de moins d’un mois.

Le rapporteur a fait des propositions, j’en fais une autre. Les organisations syndicales ont mis sur la table la question du bonus-malus sur les cotisations d’assurance chômage, sujet sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer la semaine dernière. J’ai déploré l’échec de la négociation, notamment le fait que les organisations patronales aient refusé d’en discuter. Or cette question doit être examinée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 637 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…- L’article L. 2323-56 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le comité de suivi régional peut décider, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l’aide accordée. Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à renforcer le droit d’alerte économique et sociale du comité d’entreprise sur l’utilisation des aides publiques, plus particulièrement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Actuellement, la loi prévoit que, lorsque le comité d’entreprise constate que tout ou partie du CICE n’a pas été utilisé de manière conforme au code général des impôts, il peut demander des explications à l’employeur. Si le comité d’entreprise n’obtient pas d’explications suffisantes de l’employeur ou si celles-ci confirment une utilisation non conforme du CICE, le comité d’entreprise peut établir un rapport. Ce rapport est transmis à l’employeur et au comité de suivi régional du CICE, qui adresse, lui, un rapport de synthèse annuel au comité national de suivi.

Ce dispositif nous semble insuffisant compte tenu du montant de la créance fiscale mobilisée – plus de 7,7 milliards d’euros en 2015 et de l’ordre de 20 milliards d’euros depuis sa création –, qui justifie que le CICE fasse l’objet d’un examen scrupuleux. C’est d’ailleurs à cette fin que le comité de suivi national et le comité de suivi régional ont été créés par la loi.

Puisqu’il s’agit d’argent public, nous proposons de muscler le dispositif et d’accorder au comité de suivi régional, après avoir entendu l’employeur et les représentants du personnel, la possibilité de suspendre ou de retirer l’aide accordée et, en cas d’utilisation non conforme à la loi, d’en exiger le remboursement. Si nous souhaitons que ce nouveau pouvoir de contrôle et de fonction soit octroyé au comité de suivi régional, c’est parce que la région est compétente en matière de développement économique. De plus, nous espérons ainsi donner un coup de fouet au déploiement de ces comités régionaux, que nous savons très à la peine. En effet, en septembre 2015, seule la région PACA en avait installé un.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le CICE est arrivé après une période de forte augmentation des prélèvements, non seulement sur les ménages, mais aussi sur les entreprises. Certes, il y avait encore la crise, mais ce crédit d’impôt s’inscrit en quelque sorte dans une logique de restitution des sommes prélevées. Cessez donc de considérer que le CICE est un cadeau ou un chèque en blanc ! En outre, les employeurs doivent d’ores et déjà fournir un certain nombre d’informations et de documents sur son utilisation.

Le dispositif que vous proposez pourrait nous conduire sur une voie qui n’est peut-être pas souhaitable. J’ai en tête, par exemple, les contentieux qui naissent au sujet du CIR, ce qui dissuade certaines entreprises d’y recourir.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il y a tellement peu de contrôles !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Laissons le CICE vivre sa vie afin que les entreprises puissent retrouver un peu d’oxygène, soit pour embaucher, soit pour investir. L’investissement finit toujours par créer de l’emploi à terme.

Pour l’heure, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage sans réserve votre objectif d’impliquer les partenaires sociaux dans l’évaluation non seulement du CICE, mais aussi, de façon plus générale, de toutes les orientations stratégiques de l’entreprise.

Comme je l’ai indiqué la semaine dernière au sénateur Watrin, le décret relatif à l’information-consultation sur la stratégie de l’entreprise vient juste d’être publié. Il devrait donner tout son sens à cette consultation et encourager les comités d’entreprise à rendre des avis sur l’utilisation du CICE par l’entreprise, ce qu’ils sont encore trop peu nombreux à faire. Il s’agit pour moi d’un préalable indispensable à la saisine des comités régionaux.

Cela étant, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, car je le trouve prématuré. Discutons-en d’abord avec les partenaires sociaux.

Vous le savez, un comité de suivi du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a été instauré, sur l’initiative du Premier ministre. Présidé par Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, ce comité réunit notamment les partenaires sociaux. J’attends son rapport, mais je ne pense pas que le fait d’accorder un pouvoir de sanction à un comité régional extérieur à l’entreprise soit une réponse adéquate.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai l’amendement présenté par nos collègues du groupe CRC.

Monsieur le rapporteur, vous dites que le CICE est nécessaire pour les entreprises, qu’il leur permet de mieux vivre, que les investissements qu’elles peuvent effectuer grâce à lui créeront plus tard de l’emploi. Vous oubliez un petit détail : les dividendes qu’il permet de distribuer aux actionnaires et l’exil fiscal de certains bénéfices, comme on l’a vu tout à l’heure. Cet argent distribué aux actionnaires ne fait qu’accentuer les inégalités. Par conséquent, l’État donne parfois, pas partout, de l’argent pour accentuer les inégalités.

L’argent du CICE qui sert souvent à assurer des dividendes aux actionnaires pourrait être utilisé par les hôpitaux, par la justice – rendre la justice plus rapide serait bon pour les entreprises et pour l’économie –, par les collectivités locales – ne dites-vous pas qu’elles ont moins de moyens ? Il y avait donc d’autres choix à faire que de donner l’argent aux entreprises.

Cet argent, dont l’utilisation n’est pas contrôlée, dont on ne connaît pas la finalité et dont une partie sert à distribuer des dividendes aux actionnaires, accroît l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. On peut me répondre que ce n’est pas grave. Et pourtant si ! À Paris, par exemple, les gens riches ne se préoccupent pas du montant des loyers ou du prix du mètre carré, ce qui conduit à une augmentation des prix des logements. Le fait que des gens aient beaucoup d’argent nuit à la mixité sociale, empêche les salariés d’habiter près de leur entreprise. Cela a donc des incidences très importantes.

Pour ma part, je soutiens que le CICE doit être conditionné à des résultats et que cet argent serait beaucoup plus utile au ministère de la justice ou aux collectivités locales.

Madame la ministre, reprendre aux entreprises l’argent qui leur a été donné pour créer des emplois quand elles n’en ont pas créé, ce n’est pas une « sanction ». Ce terme que vous avez utilisé est exagéré. C’est simplement respecter le contrat qui avait été fixé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai l’amendement de nos collègues du groupe CRC, car j’ai toujours plaidé pour que le CICE soit ciblé et assorti de contreparties. C’est bien gentil d’informer, de demander l’avis, de le transmettre à un comité régional, qui lui-même rédigera un rapport national, mais, au bout du compte, on va nous expliquer que, de toute façon, le CICE va se transformer en allégements durables de cotisations, fondus avec le pacte de responsabilité. C’est déjà quasiment annoncé…

Ce qu’on observe était, hélas ! prévisible : à défaut d’avoir ciblé les secteurs les plus exportateurs et les plus exposés à la mondialisation et à la concurrence internationale, notre balance commerciale reste déficitaire, notre industrie continue à perdre des emplois – même si cela pourrait s’expliquer par la modernisation – et, plus grave, des parts de marché.

Pour des secteurs qui n’avaient pas besoin du CICE, comme la grande distribution ou d’autres, ce dispositif est effectivement une manne financière. On nous dit que les salaires ont augmenté. Or tel n’est pas le cas des plus bas d’entre eux. En outre, ce sont souvent des primes qui sont versées.

Deux stratégies étaient pourtant possibles.

La première, celle que j’avais préconisée, était une négociation dans l’entreprise, avec accord du comité d’entreprise. On prend tout le temps les sociaux-démocrates en exemple. Or, en social-démocratie, on ne se contente pas de causer encore et toujours : on a des leviers pour décider ! Nous avons à cet égard des marges de progression.

La seconde stratégie était d’augmenter le SMIC. Cette augmentation aurait été absorbée pour une part par le CICE dans les secteurs à forte main-d’œuvre. En outre, cela aurait permis de renforcer les carnets de commandes des entreprises françaises.

Bref, je suis d’accord avec l’amendement : le CICE doit faire l’objet d’un accord du comité d’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste votera contre cet amendement.

Je rappelle que, après le choc fiscal qui a frappé deux fois, sous le précédent Président de la République et au début de ce quinquennat, et qui, d’après l’INSEE, a amputé la croissance de 0,3 ou 0,4 point de PIB, le CICE a permis non seulement aux entreprises de rétablir leurs marges, mais également à l’économie de redémarrer. On le constate aujourd'hui, il y a eu une augmentation salariale, supérieure à l’inflation, de l’ordre de 1,6 %, et 160 000 emplois nets ont été créés au cours des dix-huit derniers mois. On ne peut pas nier l’évidence !

Qu’on sache ce qu’il en est et là où il faut encore faire des efforts, soit ! Le Gouvernement l’a compris il y a déjà deux lois de finances, et les ménages rattrapent ce choc fiscal ; on y est presque. Mais ne dites pas que les inégalités se creusent et ne faites pas comme si l’on ne commençait pas à voir les résultats positifs de l’action du Gouvernement. Nous n’avons pas de suspicions à l’égard du Gouvernement sur ce sujet, ni sur d’autres d’ailleurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Mon argumentation sera la même que celle de Marie-Noëlle Lienemann. Les informations qui nous parviennent sur le CICE montrent que le dispositif aurait en effet dû être ciblé.

Nous ne disons pas que le CICE n’est pas bénéfique aux petits artisans ou aux toutes petites entreprises. Il leur a souvent permis d’investir dans du matériel utile à leur fonctionnement, par exemple une camionnette. En revanche, les grands groupes de la grande distribution ou des secteurs assurantiel et bancaire avaient-ils besoin de cet avantage fiscal très disproportionné par rapport au peu de difficultés qu’ils rencontrent ?

Mme Nicole Bricq. À La Poste, cela a permis de maintenir des emplois !

M. Dominique Watrin. Ce n’est pas moi qui parle, madame Bricq, c’est M. Mulliez, le PDG d’Auchan, la plus grande fortune du Nord-Pas-de-Calais !

Alors que le Nord-Pas-de-Calais est la région qui compte le plus grand nombre de pauvres et de très pauvres, M. Mulliez a déclaré qu’il avait reçu 160 millions d’euros au titre du CICE, mais qu’il n’avait rien réclamé et qu’il n’en avait de toute façon pas besoin. Ce sont donc 160 millions d’euros qui ont été gaspillés.

Si un bilan était effectué entreprise par entreprise, en particulier dans ces secteurs, on verrait bien que le CICE, c’est du gâchis. Si on calcule le coût d’un emploi en faisant le rapport entre le coût global du CICE et le nombre d’emplois créés, même si les chiffres qui nous ont été donnés en la matière me paraissent discutables, on en arrive à une somme comprise entre 130 000 euros et 200 000 euros !

Alors qu’on ne cesse ici de nous parler d’austérité, de nous dire qu’il faut calculer à l’euro près les actions utiles de l’État dans le domaine social, on verse des subventions exorbitantes à de grands groupes qui, en réalité, ne travaillent pas pour l’emploi. Je ne pense pas en effet que les caissières d’Auchan aient été augmentées, même de manière minime.

Mme Nicole Bricq. Ça, c’est vrai !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 631 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 627, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 10 à 15

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 28 à 33

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de loi prévoit que l’employeur pourra avoir recours systématiquement à la visioconférence lors des réunions des comités d’entreprise, à l’exception de deux fois dans l’année.

Ce qui peut, de prime abord, sembler relever de la modernité et de l’adaptation à un monde en évolution pourrait en réalité être un grave coup porté aux intérêts et aux droits des salariés. En effet, si la présence physique des représentants des salariés lors des comités d’entreprise peut sembler anodine à ceux qui ignorent la réalité des relations et des rapports de force au sein du monde du travail, elle est en fait fondamentale.

Être présent physiquement lors des comités d’entreprise est une condition sine qua non au bon suivi des débats et à une réelle prise en compte des éléments présentés, à une forme de coresponsabilité. Suivre ce genre de réunion en visioconférence conduit nécessairement à accroître le manque de considération dont sont déjà victimes les salariés et leurs représentants. Il semble peu responsable, par exemple, de permettre à une entreprise d’organiser un plan de sauvegarde de l’emploi sans la présence physique des représentants du personnel. Or votre projet de loi le permet puisqu’un plan de sauvegarde de l’emploi nécessite à lui seul deux à trois réunions du comité d’entreprise pour être valide.

D’une manière plus générale, les comités d’entreprise des grands groupes permettent aux délégués syndicaux, répartis sur plusieurs sites, de se retrouver en amont de la réunion et de la préparer ensemble afin d’être en mesure de faire face aux propositions de la direction. Ils disposent ainsi d’une avance en matière d’information et d’organisation.

Encore une fois, sous couvert de modernisation, et par méconnaissance profonde des réalités du monde du travail, vous souhaitez introduire un nouveau recul pour les salariés.

Mme la présidente. L'amendement n° 626, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II ter. – La deuxième phrase de l’article L. 2325-5-1 du code du travail est supprimée.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 1015, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Après la première occurrence du mot :

phrases

insérer les mots :

du dernier alinéa

La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 627 et 626.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 1015 est un amendement de coordination.

La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 627 et 626, considérant que le mouvement enclenché dans la loi Rebsamen s’inscrivait dans le temps présent.

Cela étant, cette disposition a un caractère facultatif : nul n’est obligé de recourir à cet outil moderne qu’est la visioconférence. Je suis persuadé, tout comme vous, que rien ne remplace le face-à-face, ou le côte à côte, y compris pour l’employeur, lorsque l’on veut faire aboutir les dossiers.

J’y insiste, c’est une faculté qui est proposée ; il ne s’agit pas d’avoir recours à la visioconférence de manière systématique. Telle qu’elle est rédigée, la loi permet de la souplesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il est impératif de rappeler que nous n’avons pas généralisé la visioconférence : elle ne sera possible que trois fois par an, sauf si les partenaires sociaux décident, par accord, d’y recourir plus souvent. Il n’y a donc aucun déni de démocratie dans la législation actuelle. Le dialogue social, fort heureusement, ne va pas devenir virtuel.

On ne peut pas considérer que ce qui vaut pour le fonctionnement quotidien d’une entreprise internationale ne peut valoir pour ses instances de dialogue social. Nous offrons une possibilité, rien de plus. Il appartient aux acteurs sociaux de décider ce qu’ils veulent faire. Pour ma part, je ne souhaite pas revenir sur l’équilibre qui a été trouvé dans la loi Rebsamen. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 627 et 626.

Quant à l’amendement n° 1015, j’y suis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 627.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 626.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1015.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 984, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au 2° de l’article L. 2323-13, après les mots : « ou à l’assemblée des associés » sont insérés les mots : « , notamment le rapport de gestion prévu à l’article L. 225-102-1 du code de commerce qui comprend les informations relatives à la responsabilité sociale des entreprises ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement vise à mettre en œuvre une préconisation figurant dans le rapport du Conseil économique, social et environnemental sur le développement de la culture du dialogue social, rapport qui m’a été remis au début du mois et sur lequel nous avons eu des échanges la semaine dernière.

Cet amendement tend à prévoir que le rapport comprenant les informations relatives à la responsabilité sociale, qui est une obligation pour les grandes entreprises, sera versé dans la base de données accessible à tous les représentants du personnel. Cette mesure s’inscrit véritablement dans la continuité de toutes celles que nous avons prises depuis le début du quinquennat pour donner un rôle central au comité d’entreprise et pour renforcer la capacité des représentants du personnel à s’approprier les informations stratégiques et à peser sur les décisions. Il s’agit d’une avancée supplémentaire pour la démocratie dans l’entreprise.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite le Sénat à adopter cet amendement.