M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Dominique Watrin. … à laquelle nous souhaitons remédier, nous ne pouvons que voter contre l’article 44.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Mon intervention sera très rapide.

Le groupe socialiste et républicain votera contre cet article 44. Nous avons eu une discussion intéressante, mais sans doute trop courte – nous aurions peut-être pu trouver des compromis si nous avions approfondi le débat. Cela dit, en tout état de cause, il existe une divergence visible dans les discussions que nous avons eues avec le rapporteur.

Par conséquent, nous votons contre cet article et nous espérons une vraie loi sur la médecine du travail.

M. Yves Daudigny. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Nous sommes convaincus que cet article 44 est d’importance, madame la ministre, mais, malheureusement, parmi la quantité d’amendements que nous avons proposés, très peu ont reçu un avis favorable.

Le groupe du RDSE s’abstiendra donc dans sa grande majorité, même si l’un de nos collègues vote, par principe, avec la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’article 44, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 402 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l’adoption 188
Contre 138

Le Sénat a adopté.

Article 44
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Article 44 bis

Article additionnel après l’article 44

M. le président. L’amendement n° 910 rectifié, présenté par MM. Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 44

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article L. 4622-6 du code du travail est complété par les mots : « ou proportionnellement à la masse salariale plafonnée ou proportionnellement au nombre des salariés et à la masse salariale plafonnée ».

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Pour s’acquitter des dépenses afférentes à la mission de santé au travail, les entreprises de moins de 500 salariés et celles qui sont dépourvues de service autonome sont contraintes d’adhérer à un organisme de santé au travail interentreprises, ou SSTI, sous statut associatif.

Actuellement, le coût de l’adhésion à un tel service est juridiquement contraint, puisque celle-ci ne peut légalement reposer sur un autre critère que le nombre des salariés de l’entreprise.

Certes, ce principe d’une cotisation per capita ne fait pas obstacle à ce que chaque SSTI définisse son propre taux de cotisation par salarié ni ne remet en cause la possibilité de différencier les taux des cotisations selon la nature des expositions des salariés et selon qu’un salarié est placé en surveillance médicale renforcée ou en surveillance médicale simple.

Toutefois, dans la réalité, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes, à peine la moitié des services interentreprises de santé au travail établissent la cotisation per capita ; les autres retiennent pour assiette la masse salariale plafonnée ou un système mixte.

Aussi, bien que le mode de calcul de la cotisation soit fixé lors de l’assemblée générale, ces services interentreprises se trouvent dans l’illégalité.

Cet amendement vise donc à laisser plusieurs possibilités : une cotisation fixée par salarié, une cotisation exprimée en pourcentage de la masse salariale et un mode mixte, mélange des deux modes précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement tend à élargir le choix de l’assiette de financement des services interentreprises de santé au travail à la masse salariale plafonnée.

Compte tenu de la liberté d’association dont bénéficient les services interentreprises de santé au travail, et dans la mesure où l’amendement laisse bien une liberté de choix entre plusieurs possibilités d’assiettes de financement, y compris, d'ailleurs, une assiette combinée entre le forfait par salarié et la masse salariale, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le ministère du travail travaille actuellement avec les services de santé au travail pour les emmener tous vers le système per capita.

Ce mouvement vise à unifier quelque peu le paysage des cotisations aux services de santé au travail, où cohabitent, pour l’heure, des systèmes très différents, comme vous l’avez très bien décrit. Par ailleurs, cette question n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Arnell, l'amendement n° 910 rectifié est-il maintenu ?

M. Guillaume Arnell. Le premier signataire de cet amendement, notre collègue Michel Amiel, est un médecin, et il est particulièrement sensible à cette question. Même si je comprends la position de Mme la ministre, je ne veux pas trahir sa volonté.

Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 910 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 44.

Article additionnel après l’article 44
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Article 44 ter

Article 44 bis

La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifiée :

1° À la fin de l’intitulé, les mots : « à la conduite des trains » sont remplacés par les mots : « aux tâches de sécurité » ;

2° Au début, il est ajouté un article L. 2221-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2221-7-1. – Les personnels exerçant, sur le réseau ferré national lorsqu’il est offert une capacité d’infrastructure, les tâches essentielles pour la sécurité ferroviaire énumérées par un arrêté du ministre chargé des transports sont soumis à une vérification de leur aptitude dans les conditions définies par décret en Conseil d’État.

« Le recours à l’encontre des décisions d’inaptitude s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2221-8.

« Un décret définit les conditions dans lesquelles une aptitude délivrée à l’étranger fait l’objet d’une reconnaissance. » – (Adopté.)

Article 44 bis
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Article 45

Article 44 ter

Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant des propositions pour renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail, pour améliorer l’information des étudiants en médecine sur le métier de médecin du travail, la formation initiale des médecins du travail ainsi que l’accès à cette profession par voie de reconversion.

M. le président. L'amendement n° 861 rectifié, présenté par MM. Canevet, Guerriau, Cadic et Bonnecarrère, Mmes Loisier et Joissains, M. Kern, Mme Billon et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Olivier Cadic.

M. Olivier Cadic. Cet article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant des propositions pour renforcer l’attractivité de la carrière de médecin du travail.

La question du manque de médecins du travail est une préoccupation que l’on ne peut que partager, pour améliorer la prise en charge des travailleurs dans le cadre de l’exercice de leurs missions professionnelles.

Toutefois, ce sujet relève d’une question plus large, celle de la démographie médicale. Nous manquons de médecins exerçant en libéral au service de la population, mais aussi de médecins spécialistes dans de trop nombreuses disciplines, au regard des délais d’attente pour obtenir un rendez-vous.

C’est donc une approche bien plus large qu’il faut adopter, pour bien appréhender les réponses à apporter.

Au vu du taux de concrétisation des rapports demandés au Gouvernement – à peine un sur deux est effectivement remis –, il n’est pas utile de solliciter un rapport supplémentaire.

Le Parlement et le Gouvernement doivent être en mesure de formuler des propositions sur la question de la démographie médicale, sans attendre l’hypothétique remise d’un énième rapport gouvernemental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Même si nous souscrivons à l’idée qu’il y a trop de rapports, la commission a renforcé le texte de l’article concernant les motivations du rapport, qui nous a paru important – je renvoie mes collègues au débat que nous avons eu sur le sujet et qui aurait sans doute duré un peu plus longtemps si nous avions alors été plus nombreux.

Il est vraiment nécessaire de réorganiser la médecine du travail et de lui rendre un certain souffle. Cependant, nous l’avons dit, les propositions avancées par le Gouvernement ne nous semblent pas tout à fait opérationnelles.

Tout à l'heure, j’ai indiqué que l’on allait essayer de diminuer les visites multiples, les visites redondantes, qui ne sont pas utiles – vous êtes d’accord sur ce point, madame la ministre. Toutefois, le flux reste le même : le nombre de médecins du travail, en équivalents temps plein, reste quatre fois supérieur à celui des infirmiers, qui sont les piliers de l’équipe pluridisciplinaire, composée, au total, d’environ 3 000 personnes.

Je ne vois pas bien comment on résoudra le problème en basculant massivement vers une équipe pluridisciplinaire, avec des visites aussi longues que celles qu’effectue le médecin.

Même si le nombre d’infirmiers augmente plus vite que le nombre de médecins, avant que les courbes se croisent, on aura le temps de trouver d’autres mesures. C’est un point important, qui mérite réflexion.

J’ai pensé que l’on pouvait faire une exception dans le traitement des demandes de rapport, d'autant plus que, en l’espèce, les préoccupations et les interactions sont interministérielles, puisque le sujet concerne le ministère du travail, le ministère de la santé et le ministère de l’enseignement supérieur. La commission des affaires sociales m’a suivi sur ce point.

Je reconnais que l’article présente une faiblesse, puisqu’il fixe un délai de douze mois à partir de la promulgation de la loi. Je ne sais pas si l’on pourra vous reprocher, dans douze mois, de ne l’avoir pas remis plus tôt. Pour ma part, j’aurais préféré un délai de neuf mois.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Comme Mme Génisson l’a dit tout à l'heure, cette réforme doit être considérée comme transitoire.

On sait que 75 % des médecins salariés en activité ont plus de soixante ans et que le nombre de médecins décroît de 10 % par an. L’enjeu de l’attractivité est donc essentiel. Prévoir un rapport du Gouvernement, c’est aussi mobiliser le ministère chargé de l’enseignement et de la recherche et le ministère chargé de la santé sur l’attractivité de la médecine.

Pour avoir rencontré des médecins du travail, je pense que la réforme que nous proposons permet aussi de renforcer celle-ci. En effet, certains médecins en ont assez d’être des gratte-papier, qui délivrent des certificats à la chaîne. À cet égard, leur permettre de gérer une équipe pluridisciplinaire et d’apporter leur valeur ajoutée, via l’exercice de leur spécialité, me paraît déterminant.

L’enjeu principal de cette réforme est de renforcer l’attractivité et de mobiliser les universités, ainsi que la médecine, en ce sens. Le rapport prévu à l’article 44 ter doit contribuer à cette mobilisation collective.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 861 rectifié est-il maintenu ?

M. Olivier Cadic. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 861 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 44 ter.

(L'article 44 ter est adopté.)

Titre VI

Renforcer la lutte contre le détachement illégal

Article 44 ter
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Article additionnel après l’article 45

Article 45

I. – Le titre VI du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1262-4-1 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de transmettre, par voie dématérialisée, la déclaration mentionnée au deuxième alinéa du présent I sont fixées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« II. – Le maître d’ouvrage vérifie avant le début du détachement que chacun des sous-traitants directs ou indirects de ses cocontractants, qu’il accepte en application de l’article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, et que chacun des prestataires qui détachent des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 se sont acquittés de l’obligation mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1. » ;

2° Après l’article L. 1262-4-3, il est inséré un article L. 1262-4-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 1262-4-4. – Lorsqu’un salarié détaché est victime d’un accident du travail, une déclaration est envoyée à l’inspection du travail du lieu où s’est produit l’accident.

« Cette déclaration est effectuée, dans un délai et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, par :

« 1° L’employeur ou son représentant désigné en application de l’article L. 1262-2-1 lorsque le salarié est détaché selon les modalités mentionnées au 3° de l’article L. 1262-1 ;

« 2° Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage cocontractant d’un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 1262-1 ou à l’article L. 1262-2.

« Art. L. 1262-4-4-1. – (Supprimé)

bis (nouveau) L’article L. 1263-3 du code du travail est ainsi modifié :

1° Les mots : « à l’article L. 3231-2 relatif au salaire minimum de croissance » sont supprimés ;

2° Après les mots : « durée hebdomadaire maximale de travail », sont insérés les mots : « constate le non-paiement total ou partiel du salaire minimum légal ou conventionnel, » ;

3° À l’article L. 1264-1, après la référence : « L. 1262-2-1 », est insérée la référence : «, à l’article L. 1262-4-4 » ;

4° L’article L. 1264-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1264-2. – I. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une amende administrative, dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3 :

« 1° En cas de méconnaissance d’une des obligations mentionnées au I de l’article L. 1262-4-1, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application de l’article L. 1262-2-1 ;

« 2° En cas de méconnaissance de l’obligation mentionnée à l’article L. 1262-4-4 ;

« 3° (Supprimé)

« II. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage de l’obligation mentionnée au II de l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative, dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque l’un des sous-traitants directs ou indirects de ses cocontractants ne s’est pas acquitté de l’obligation mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1. »

II (nouveau). – Le troisième alinéa de l’article L. 8291-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il précise également les modalités d’information des travailleurs détachés sur le territoire national sur la règlementation qui leur est applicable en application de l’article L. 1262-4 au moyen d’un document, rédigé dans une langue qu’ils comprennent, qui leur est remis en même temps que la carte d’identification professionnelle. »

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Voilà des années que nous suivons le dossier des travailleurs détachés. J’étais moi-même élue au Parlement européen quand la directive sur les travailleurs détachés a été votée.

Depuis le début, ce texte porte en germe de graves risques de dumping social. On le voit tous les jours davantage. Régulièrement, les gouvernements essayent de trouver des méthodes techniques, pour mieux contrôler, mieux garantir, mieux responsabiliser les donneurs d’ordre ; c’est ce que fait en particulier le Gouvernement depuis quelques années.

Avec le présent texte, on va encore franchir une étape, mais, je vous le dis tout net, madame la ministre, les solutions prévues ici ne sont pas à la hauteur du problème, qui ne sera pas réglé.

De mon point de vue, il est urgentissime que la France oppose à ses partenaires européens une décision unilatérale de suspension de la directive sur les travailleurs détachés, au motif de l’intérêt national. C’est nécessaire, quand on voit à quel point le dumping social mine la confiance des peuples.

On nous menace, parce que nous allons soutenir le principe d’un SMIC pour routiers. N’allons-nous rien faire contre la concurrence et les dumpings qui tuent les entreprises de routiers en France ? Si la France ne dit jamais non, si elle n’est pas capable de créer un rapport de forces, il ne faudra pas s’étonner que l’Europe soit un jour contestée dans notre pays !

Sur ce sujet, qui est concret, nous pouvons plaider l’intérêt national, puisque nous accueillons au moins 300 000 travailleurs détachés. Au regard des quelque 3 millions de chômeurs que compte notre pays, ce n’est pas rien !

Je ne dis pas qu’il ne doit plus y avoir de travailleurs détachés, mais on peut prévoir une autorisation préalable, qui permette non pas de surveiller les entreprises a posteriori, avec des inspecteurs du travail et des procédures à n’en plus finir, mais de savoir si, dans tel cas très précis, les emplois sont véritablement légitimes et s’il est possible d’éviter le dumping.

De même que l’on a créé, jadis, des montants compensatoires agricoles, il faudrait créer, pour les travailleurs détachés, des montants compensatoires sociaux, notamment afin de comparer les salaires avec les charges et les cotisations, et pas simplement les salaires de base.

Il ne s'agit pas seulement d’efficacité dans la défense du droit du travail et des salariés français : en ce jour particulier où l’on voit que, partout en Europe, des doutes s’expriment sur l’Union européenne, la France doit dire haut et fort qu’elle défend une Europe sans dumping social.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Je vais aller dans le même sens que ma collègue Marie-Noëlle Lienemann.

La construction européenne est ainsi faite que, après avoir été présentée comme le grand projet du XXe siècle, elle est devenue, au fil du temps, source de tensions et de conflits.

Depuis quelques années, comme le montre encore le résultat du référendum tenu en Grande-Bretagne, le divorce s’est accru entre, d’un côté, le projet et les institutions qui le portent, et, de l’autre, les peuples et les opinions publiques.

Pour le plus grand nombre, l’Europe est devenue la quintessence de la technocratie aveugle et sourde, croyant faire le bonheur des peuples contre leur gré ou réformer pour leur bien-être.

Quelques-uns des ultralibéraux bruxellois ont même pensé qu’une réforme généralisée des codes du travail applicables dans les différents pays de l’Union européenne allait rencontrer l’assentiment général. Le résultat des élections municipales italiennes et celui des deux élections législatives espagnoles sont là pour montrer la profonde déconnexion entre cette Europe et les aspirations populaires.

Au nom de la libre circulation des hommes, c’est une brutale mise en concurrence des salariés les uns contre les autres qui s’est en réalité mise en place. C’est à celui qui acceptera le plus bas salaire et les pires conditions pour obtenir de s’insérer dans la boucle de sous-traitance d’un donneur d’ordre.

L’augmentation considérable du nombre de travailleurs détachés dans notre pays en est un symptôme inquiétant. En effet, le nombre de travailleurs détachés a été multiplié par dix en dix ans et il a augmenté de 25 % en un an.

L’article 45 du projet de loi entend renforcer l’arsenal des mesures destinées à lutter contre la fraude au travail détaché.

Si la coresponsabilité entre donneur d’ordre et sous-traitant peut apparaître comme une avancée, le régime de sanctions nous semble, pour l’heure, encore bien timide, pour ne pas dire plus.

Ce n’est pas le droit de timbre de 50 euros maximum prévu à l’article 46 qui va limiter le recours au travail détaché, donc le risque patent de fraude dans les secteurs les plus soumis à ces travers ! Je pense notamment au bâtiment, aux travaux publics ou à l’agriculture.

La lutte contre la fraude au travail détaché appelle bien d’autres leviers que ce projet de loi. Il faudra bien un jour s’attaquer au cœur des questions dont nous allons discuter, en remettant en cause la directive européenne elle-même.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l’article.

Mme Nicole Bricq. De fait, l’année 2015 a vu un gonflement inédit du recours au travail détaché, qui s’est accru de 27 %.

Certes, la législation a évolué, avec, notamment, l’entrée en vigueur de la loi Savary. L’obligation de production de la déclaration de détachement a dû conduire beaucoup d’entreprises pourvoyeuses de salariés détachés à régulariser leur situation. En réalité, une bonne partie de l’augmentation du recours au détachement s’explique sans doute par cette régularisation de la situation de travailleurs déjà présents précédemment.

Il n’est pas question de dire qu’il ne faut pas avoir recours au travail détaché – légal, bien évidemment –, parce que l’on a souvent besoin de faire appel à des compétences extérieures. Reste que c’est le différentiel de charges sociales, pouvant aller d’un à quatre entre la France et un autre pays du continent européen, qui justifie souvent le recours aux travailleurs détachés.

Contrairement aux deux orateurs précédents, je trouve l’article 45 important, car il prolonge et renforce ce qui a déjà été fait à la fois dans la loi Savary, d’initiative parlementaire, et dans la loi Macron, d’initiative gouvernementale. Ces deux textes ont donné des moyens législatifs et réglementaires pour s’attaquer à l’optimisation sociale et à l’intensification du recours à une main-d’œuvre à bas coût.

En imposant la prise en compte par l’employeur des coûts d’hébergement, de nourriture et de transport des salariés détachés, on agit évidemment sur la réduction des écarts de coût du travail. Au reste, madame la ministre, une étude récente de votre ministère, qui a été reprise dans la presse économique, confirme ce mouvement.

Il n’en demeure pas moins qu’il faut déployer des moyens de contrôle et de sanction importants pour parvenir à ce résultat.

Une meilleure solution serait, comme vous l’avez proposé lors d’un conseil à Bruxelles, d’inscrire dans une directive européenne le principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail », donc de parvenir à un accord au niveau européen pour la révision en ce sens de la directive de 1996.

Nous savons que ce chantier n’est pas encore mené à terme, mais la France aura tout de même déjà, avec ce que vous nous proposez à l’article 45 du présent projet de loi, une législation plus solide et plus contraignante en matière de recours au travail détaché.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, sur l’article.

Mme Corinne Bouchoux. Nos compatriotes travailleurs détachés à l’étranger sont généralement contents et plutôt bien traités.

En revanche, la situation des travailleurs détachés étrangers accueillis en France montre que, si l’utopie était belle, on a récolté l’optimisation et la fraude fiscales en voulant la liberté de circulation des capitaux. La mise en place de la possibilité de détachement s’est traduite par des abus en nombre ! Il faut lutter contre ces abus, ce qui nécessite des moyens.

Il y a, selon nous, urgence à agir dans ce domaine, parce que, pendant ce temps, les populismes et la xénophobie montent. Or on a vu, avec l’élection qui vient d’avoir lieu, que la montée des populismes peut parfois mal tourner.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.

M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Je veux simplement formuler quelques observations.

Effectivement, le travail détaché se développe. Toutefois, si notre pays accueille, selon les estimations, près de 300 000 travailleurs détachés venant de l’étranger, le nombre de travailleurs détachés français qui sont à l’étranger est à peu près équivalent : environ 200 000 dans l’Union européenne et quelque 100 000 dans le reste du monde. (Mme Corinne Bouchoux opine.) Il faut avoir cela bien en tête.

Le profil des travailleurs détachés que nous accueillons n’est pas forcément le même que celui des travailleurs français détachés à l’étranger : nous accueillons plus de techniciens, notamment. En effet, je rappelle – c’est un problème qui dépasse le travail saisonnier, même si beaucoup de travailleurs détachés sont des saisonniers – que la désindustrialisation de notre pays nous conduit aujourd'hui à avoir besoin de travailleurs détachés sur des postes très techniques. Nous ne sommes plus capables aujourd'hui de réaliser un viaduc uniquement avec la main-d’œuvre d’entreprises implantées en France !

De même, si les chantiers de STX France, à Saint-Nazaire, veulent honorer les commandes très intéressantes qui nous ont été passées, ils ne peuvent pas se passer des travailleurs détachés et d’un certain nombre de sous-traitants officiant dans ce domaine. (Mme Nicole Bricq approuve.) Il faut bien prendre en compte l’ensemble de ces éléments.

Je souscris aux différentes dispositions de la loi Savary, de la loi Macron et du texte que nous soumet aujourd'hui le Gouvernement et que la commission des affaires sociales a encore renforcées, en introduisant une possibilité d’interdiction de marchés publics pour les fraudeurs aux dispositions sur les travailleurs détachés.

Nous allons tous dans la même direction. Cependant, il faut avoir une vision globale du problème. De ce point de vue, notre rôle, aujourd'hui, est de combattre le travail détaché illégal et les entreprises qui font des montages à l’étranger – j’ai le regret de dire que, parmi celles-ci, il y a aussi des entreprises françaises. Il faut garder les yeux tout à fait ouverts sur le sujet.

Pour lutter contre cette illégalité, il est souhaitable que nous agissions sur les conditions de salaire – c’est fait –, de logement – elles s’améliorent –, mais aussi de charges sociales – c’est là que le bât blesse. Sur ce plan, nous devons travailler à des rapprochements.

Notre cible demeure le travail détaché illégal, que nous devons poursuivre. Nous visons donc les entreprises qui font du travail détaché illégal plus que les travailleurs détachés eux-mêmes.