Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Grand et de Legge, Mmes Imbert, Lamure et Duchêne, M. Pointereau, Mme Giudicelli, MM. Houel, Gilles, Joyandet, Charon, Raison, Laufoaulu et Savin, Mme Micouleau, M. B. Fournier, Mmes Morhet-Richaud et Gruny et M. Panunzi, est ainsi libellé :

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer le mot :

trente

par le mot :

soixante

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Le nouvel article L. 17 du code électoral prévoit que les demandes d’inscription sur les listes électorales en vue de participer à un scrutin sont déposées au plus tard trente jours avant la date de ce scrutin. Il supprime ainsi le caractère annuel de la révision de la liste électorale communale, en instituant une révision permanente des listes électorales.

À titre expérimental, la loi du 13 juillet 2015 avait permis la réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales à l’occasion des élections régionales de décembre 2015. Les électeurs avaient alors eu la possibilité de s’inscrire pour voter à ce scrutin avant le 30 septembre 2015, soit deux mois avant.

Dans ce texte, le délai de trente jours qui est proposé semble trop court, notamment en termes d’examen par la commission de contrôle, de respect des délais de recours et d’édition des listes d’émargement pour une ville comme Paris, pour prendre l’exemple de la plus grosse commune de France.

L’allongement de ce délai à soixante jours ne serait pas préjudiciable à l’implication des citoyens dans le processus électoral et permettrait un meilleur travail de l’ensemble des parties prenantes.

Pour l’ensemble de ces raisons, je propose de fixer ce délai à soixante jours.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, je m’en suis expliqué. Je me suis finalement rallié à la position des auteurs de la proposition de loi de conserver le délai de trente jours essentiellement pour deux raisons.

D’une part, beaucoup d’élections ayant lieu au mois de mars avec le calendrier électoral qui prévaut depuis pas mal d’années, prévoir un délai de deux mois ne permettrait de modifier les délais d’inscription que de quinze jours ou de trois semaines, ce qui est d’un intérêt limité.

D’autre part, malgré les difficultés qu’il y aura au début, si les communes prennent la peine d’informer régulièrement les électeurs de la possibilité de s’enregistrer sur les listes électorales à l’occasion de chaque contact administratif, par exemple lorsqu’ils viennent inscrire leur enfant à l’école ou demander quelque chose, la gestion des flux deviendra progressivement plus régulière. Ce sera même un élément favorable pour la gestion des services communaux. Bien sûr, cela n’empêchera pas un certain afflux à l’approche des périodes électorales, mais il ne faut pas déconnecter cette disposition de l’idée que désormais les inscriptions se feront de manière continue sur toute l’année.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Avec cet amendement, on touche au cœur de ce texte, que nous ne souhaitons pas remettre en cause.

Nous avons prévu un délai de trente jours, parce que nous pensons être en mesure, sur le plan opérationnel, d’assurer l’inscription jusqu’à ce moment. Comme le souligne le rapporteur, une régulation s’effectuera dans la durée. Nous n’avons aucune raison de dégrader le service rendu aux citoyens en leur permettant de s’inscrire tout au long de cette période. Nous souhaitons leur laisser ce bénéfice.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. La position de la commission et du Gouvernement me semble un peu aventureuse. Je rappelle que toute inscription sur une liste électorale est une décision administrative susceptible de recours et que le recours devant le tribunal d’instance est lui-même susceptible d’un pourvoi en cassation.

Lorsqu’une élection nationale suscite dans le dernier mois des centaines de milliers de demandes d’inscription - ce qui se vérifie à chaque élection présidentielle -, alors même que l’actuel renouvellement annuel des listes électorales tombe en décembre pour une élection ayant lieu en avril, il n’est guère réaliste de penser que celles-ci pourront faire l’objet d’un jugement dans des conditions acceptables, même si le nombre de recours est limité. Il est imprudent de penser qu’il puisse être statué en masse sur des litiges relatifs à ces inscriptions en moins de trente jours à la fois en première instance et en cassation.

Au moins dans le cas de l’élection présidentielle, il me semble qu’un délai de quarante-cinq jours serait plus réaliste que le délai de trente jours défendu par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’entends bien les arguments énoncés tant par l’auteur de l’amendement que par M. Richard, qui sont d’ailleurs différents.

Nous sommes en train de discuter d’un texte visant à permettre l’inscription des électeurs au fil de l’eau, toute l’année, qui a donc normalement pour effet de diminuer la concentration des demandes à un moment donné de l’année. La plupart des inscriptions se feront sur la base du fichier de l’INSEE par un certain nombre d’automatismes. D’autres électeurs pourront également se présenter en mairie pour demander leur inscription.

À l’évidence, le mécanisme est beaucoup moins lourd pour les mairies. Surtout, l’objectif est simple : il s’agit de permettre aux gens de continuer à s’inscrire sur les listes électorales en début d’année alors que, dans le cadre de la révision annuelle, leur demande ne pouvait être prise en compte que jusqu’au mois de décembre. Si nous prévoyons un délai de soixante jours, les gens devront avoir au plus tard déposé leur demande au début du mois de janvier, ce qui risque de vider le texte de son objet.

Si nous admettons que c’est un progrès pour les citoyens de s’inscrire en dehors de la procédure annuelle qui existait jusqu’à présent, essayons de réduire le délai. Or si un délai de trente jours est peut-être trop court, je suis sûr qu’un délai de soixante jours est trop long. Je vous suggère de vous en tenir à la position de la commission, sans exclure la possibilité qu’un travail avec les représentants de l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire permette de vérifier que ce délai est effectivement raisonnable compte tenu des recours contentieux.

Cela dit, pour avoir eu l’occasion d’apprécier la rapidité avec laquelle la juridiction se prononce sur ces questions, je ne suis pas aussi inquiet que M. Richard sur sa capacité à absorber des contentieux dans un délai rapide, d’autant plus que les inscriptions seront moins nombreuses que lorsqu’elles avaient lieu au mois de décembre dans une révision annuelle des listes électorales. C’est pourquoi je souhaite vraiment que cet amendement ne soit pas adopté et que l’on s’en tienne à la position de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. C’est votre intervention, monsieur le président de la commission, qui me conduit à prendre la parole.

En commission, j’avais relayé la remarque qui m’est apparue pertinente d’Alain Richard concernant le délai. Vous aviez objecté à M. Richard qu’une décision serait prise en référé dans des délais très rapides et qu’en la circonstance le délai de trente jours pourrait être tenu.

Cela étant, un élément du texte m’échappe au sujet du délai de soixante jours qui ne permettrait pas à quelqu’un qui voudrait s’inscrire sur les listes électorales au mois de janvier de le faire. Autant que je sache, les inscriptions sur les listes électorales étaient closes auparavant au mois de décembre, mais l’inscription au fil de l’eau signifie que l’on peut s’inscrire à tout moment. Le délai de soixante jours, si j’ai bien compris, est celui qui précède la date du scrutin, donc une inscription effectuée au mois de janvier laisse largement le temps aux procédures contentieuses.

Tous ces éléments plaident dans le sens de votre proposition, monsieur le président de la commission, à savoir que la commission mixte paritaire s’accorde sur un délai qui tienne compte des observations qui ont été formulées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Avec cet amendement, nous entrons dans le cœur du sujet. Des problèmes de délais peuvent effectivement se poser si l’inscription est très proche d’une élection. Plusieurs amendements viendront d’ailleurs préciser un certain nombre de délais, en particulier pour le recours administratif préalable obligatoire.

La conjugaison de ces éléments tend à renforcer notre volonté de disposer de la liste électorale la plus actualisée possible, de conserver le délai de trente jours et de réfléchir en commission mixte paritaire à la manière de conjuguer les délais avec les possibilités de recours. Il me paraît plus raisonnable de conserver le cœur de la réforme et de se poser la question des recours exclusivement lorsqu’une élection a lieu dans les trente jours.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Il me semble indispensable de réaffirmer la position du Gouvernement, qui est aussi celle du président de la commission et du rapporteur, et de montrer que nous sommes, si je puis dire, dans les clous.

Le maire statue dans les cinq jours du dépôt, puis dispose de deux jours pour notifier à l’intéressé l’inscription ou le refus d’inscription sur la liste électorale ; ce dernier a sept jours pour saisir le tribunal d’instance, qui a dix jours pour statuer et trois jours pour notifier.

M. Alain Richard. Et le pourvoi en cassation ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif, le délai de trente jours tient parfaitement.

M. Alain Richard. Si l’on accepte des inscriptions irrégulières !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il y en aura aussi avec un délai de soixante jours !

Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.

Mme Lana Tetuanui. Les débats me laissent assez perplexe, à cette heure tardive.

S'agissant des délais, il y a une grande différence entre ce qui se passe en France métropolitaine et la réalité que je connais sur le terrain. J’ai d'ailleurs déposé un amendement à l’article 13 visant également à porter le délai à soixante jours en Polynésie française. À cet égard, je vous invite à venir en Polynésie, et vous constaterez le temps qu’il faut pour relier une commune au fin fond des Tuamotu et Gambier à Papeete pour déposer un recours !

Je soutiendrai cet amendement de mon collègue du groupe Les Républicains, qui va dans le même sens que celui que je présenterai à l’article 13.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Je suis quelque peu étonné que l’on parle d’inscription au fil de l’eau. Aujourd'hui, il est déjà possible de s’inscrire jusqu’au 31 décembre, mais les électeurs se présentent tous un mois avant ! La situation est la même pour les demandes de passeport, que tout le monde pense à déposer un mois ou quinze jours avant de partir en vacances. Par conséquent, cet argument ne tient absolument pas.

Sachez que mon amendement ne tombe pas du ciel. C’est une demande forte de l’AMF, l’Association des maires de France !

À Paris, il faut trois semaines pour constituer une liste électorale. Nous risquons donc d’avoir un certain nombre de problèmes quand il y aura besoin d’une liste électorale pour un candidat.

Le dispositif qui nous est proposé ne réglera pas le problème des embouteillages,…

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Mais si !

M. Jean-Pierre Grand. … car nous savons comment les choses se passent.

Rien ne vous empêche de vous inscrire sur une liste électorale le 1er janvier, simplement vous voterez plus tard ; vous aurez 365 jours d’avance si l’élection a lieu l’année suivante !

Je suis très surpris par certains arguments, à plus forte raison de la part de collègues qui sont également maires. Je peux comprendre que l’on veuille soutenir le Gouvernement, mais tout de même !

Enfin, malgré tout le respect que j’ai pour M. le président de la commission des lois, je trouve étonnant de s’en remettre à la commission mixte paritaire. Si nous arrivons en commission mixte paritaire avec un dispositif déjà voté, nous serons plus forts et nous pourrons négocier sur d’autres points.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Non !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je souhaite formuler deux observations.

Premièrement, la situation actuelle n’a rien à voir avec celle qui nous est décrite. Il n’y a pas d’inscription. Il est simplement précisé qu’une personne est venue déposer un dossier ; cela ne crée aucun droit. On ne peut donc pas déclencher de procédure de révision.

Deuxièmement, moi qui ne suis pas maire d’une grande ville, je voudrais vous lire la lettre qui nous a été envoyée par notre collègue François Baroin, en tant que président de l’AMF. Il n’est pas là ?

M. Jean-Claude Requier. Non, il n’est pas là !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Notre collègue écrit ceci : « Par ailleurs, en ce qui concerne le délai d’inscription sur la liste électorale, afin de tenir compte des contraintes spécifiques des grandes villes, la possibilité pour tout électeur qui souhaite participer à un scrutin de s’inscrire au plus tard trente jours avant le scrutin devrait être reportée à soixante jours. En effet, pour toute grande ville, et tout particulièrement pour Paris, » – on va pleurer ! – « ce délai de trente jours soulèvera de grosses difficultés. Le maire disposant de cinq jours pour traiter les demandes d’inscription et l’INSEE ayant besoin de deux jours pour les intégrer […] Une fois la liste reçue, les communes devront éditer des listes. Cette seule opération nécessite actuellement trois à quatre semaines. » Il termine en nous expliquant grosso modo que ça représente cinq tonnes de papier.

J’imagine que la Ville de Paris, compte tenu du nombre de fonctionnaires dont elle dispose, devrait tout de même parvenir à faire aussi bien que les petites communes rurales…

Franchement, je veux bien que l’AMF nous envoie ses observations. Mais je ne pense pas que ce dont nous parlons ait arrêté la plupart des maires, passés ou présents.

Je comprends qu’on s’interroge, qu’on réfléchisse et qu’on fasse les décomptes ; c’est ce que j’ai moi-même essayé de faire. Mais, honnêtement, si nous revenons sur les délais, je ne vois pas bien à quoi la réforme servira.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le dispositif proposé dans le texte présente une différence fondamentale avec la situation actuelle.

Aujourd'hui, on peut aller en mairie toute l’année, mais le droit ouvert par l’inscription sur la liste électorale ne prend effet qu’une fois le processus de révision engagé, c'est-à-dire après la clôture des inscriptions au 31 décembre, dans la perspective de l’établissement d’une nouvelle liste valable à partir du 28 février.

En revanche, avec le dispositif que nous proposons, les démarches pourront toujours être effectuées tout au long de l’année – sur ce point, vous avez raison : il n’y a pas de changement –, mais l’inscription prendra effet dans les délais extrêmement brefs qui ont été rappelés.

Actuellement, en cas d’élection imprévue, une personne qui vient d’effectuer une démarche pour s’inscrire sur les listes électorales ne peut pas participer au scrutin. Désormais, elle le pourra. Il me paraît important de faire en sorte que les citoyens bénéficient le plus rapidement possible de leurs droits. C’est le sens de notre action.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je suis vraiment surpris. Dans cet hémicycle, on ne cesse de parler de « simplification ».

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Nous la mettons en œuvre !

M. Gérard Bailly. Or s’il y a bien quelque chose qui ne va pas simplifier la charge des élus, c’est bien ce qu’on nous propose ici.

Comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, la situation actuelle est claire. Mais, si j’ai bien compris, on pourra désormais s’inscrire le 1er mars, le 5 mars, le 15 mars ou le 30 mars pour une élection ayant lieu à la fin juin. Mais pour qui prenez-vous les élus ? Avec cette histoire d’inscription glissante, vous allez leur rendre la vie impossible ! Simplifiez donc les choses !

De mémoire, le maire examine avec deux autres personnes – l’une est désignée par l’administration et l’autre par le conseil municipal – la validité d’une inscription sur les listes électorales. En période électorale, le maire qui croisera un administré non inscrit sur les listes électorales va lui demander de s’inscrire, puis il fera pareil avec un autre cinq jours plus tard, et ainsi de suite. Vous imaginez ? La vie des élus sera infernale !

Pour ma part, je voterai l’amendement de notre collègue ; je trouve déjà que soixante jours, c’est très peu… Mais peut-être ai-je mal compris votre proposition ? Dans ce cas, il faut me le dire !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mon cher collègue, je me garderai bien de dire cela. Je souhaite simplement vous exposer ce que j’ai moi-même compris. Si nos interprétations divergent, peut-être faudra-t-il nous départager.

Actuellement, dans nos mairies, nous faisons le travail au mois de décembre. Les demandes arrivent toute l’année, mais les personnes ne sont pas inscrites au fur et à mesure. Il faut attendre la fin de l’année et le passage devant la commission d’inscription sur les listes électorales.

Selon la taille de la commune, ainsi que le nombre de demandes et de radiations, il faut reprendre nom par nom toute la liste électorale, en considérant les personnes décédées, les jeunes qui viennent d’atteindre l’âge de la majorité civile, les nouveaux habitants de la commune, ceux qui en sont partis, etc. On ne peut pas nier que c’est un gros travail ! Or, d’après ce que j’ai compris, ce travail du mois de décembre serait supprimé par la réforme.

En effet, le fichier national de l’INSEE intègre tout ce qui peut se gérer automatiquement au niveau national, et il évite les doubles inscriptions. Ce n’est plus au maire de s’assurer que le nouvel inscrit est bien radié des listes électorales de son ancienne commune. Cela représente une charge en moins pour lui.

En contrepartie, la personne qui effectue une telle démarche – évidemment, cela dépend de la taille de la commune – peut être inscrite immédiatement, sans attendre le mois de décembre et la revue de détail de toute la liste électorale. Les contestations, s’il y en a, seront traitées par le tribunal d’instance au fur et à mesure des inscriptions.

Pour le maire, c’est du travail en moins. Pour le citoyen, c’est la possibilité que sa demande d’inscription sur les listes électorales prenne effet immédiatement. Voilà comment je comprends le texte. Si vous pensez que je fais fausse route, vous pouvez essayer de me le démontrer, mon cher collègue. En tout cas, au sein de la commission, nous avons voulu que les maires aient moins de travail et que les citoyens n’aient plus à attendre la fin de l’année pour savoir s’ils sont inscrits ou non sur les listes électorales de la commune. C’est l’avantage de cette réforme.

À l’Assemblée nationale, la proposition de nos collègues députés Jean-Luc Warsmann et Élisabeth Pochon a fait l’objet d’un vote à l’unanimité. À mon sens, les députés ne sont pas moins amis des maires, voire maires eux-mêmes que nous. S’ils ont fait un tel choix, c’est pour les raisons que j’ai indiquées. Peut-être se sont-ils trompés ; peut-être nous trompons-nous nous-mêmes… Mais, en toute sincérité, je vous le certifie, les arguments que je viens de vous présenter sont les seuls que nous avons retenus.

M. Jean-Pierre Grand. Je ne suis absolument pas d'accord !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 405 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 6
Contre 338

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 29, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigé :

2° L’article L. 17-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 17-1. – Les documents déterminant les contours du périmètre géographique du bureau de vote dont relève l’électeur sont publiés en ligne dans un standard ouvert et aisément réutilisable. » ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement a pour objet de permettre la publication en open data du périmètre géographique des bureaux de vote.

Nous avions déposé un amendement identique lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique. Le rapporteur de ce texte, notre collègue Christophe-André Frassa, et Mme la secrétaire d'État Axelle Lemaire nous avaient alors indiqué qu’un tel dispositif aurait plus sa place dans les textes sur la modernisation des modalités d’inscription sur les listes électorales. Nous pensons que l’heure est venue.

Cette mesure vise à lutter contre la mal-inscription. Elle peut avoir une incidence sur la participation effective le jour du vote. Elle est également utile pour les chercheurs et pour l’organisation des campagnes électorales.

Il s’agit simplement d’obliger les préfectures à publier en ligne, dans un standard ouvert, par exemple sur www.data.gouv.fr, l’ensemble de leurs arrêtés déterminant les limites de leurs bureaux de vote.

L’effet contre la mal-inscription et l’abstention peut être important. Un habitant d’une zone rurale qui déménage peut changer de bureau de vote sans le savoir. Rien ne garantit aujourd'hui qu’il puisse avoir accès en ligne à cette information.

À l’ère du numérique, la mauvaise qualité des informations disponibles est difficilement compréhensible pour le citoyen. Politiquement, il ne serait pas compréhensible que nous refusions toute évolution sur le sujet.

La proposition de loi que nous examinons tend à créer une liste électorale dématérialisée d’ici à 2019. Un refus serait contradictoire avec l’agenda réformateur ambitieux du ministère de l’intérieur sur la question des listes électorales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Comme l’a rappelé notre collègue, un amendement identique a déjà été déposé et rejeté lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique.

La question soulevée ne correspond pas à l’objet du débat d’aujourd'hui.

Faut-il donner un statut particulier aux documents administratifs – car ce sont bien des documents administratifs – visés dans l’amendement ? Je ne pense pas que l’examen de la présente proposition de loi soit le cadre adapté pour en décider.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Les auteurs de cet amendement ont au moins le mérite de soulever un problème qui est réel. Aujourd'hui, pour la connaissance des phénomènes électoraux, il est matériellement impossible d’avoir et de manier les données des périmètres des bureaux de vote.

Je pense que le sujet est en réalité de nature réglementaire. Mais il est vrai que, à la différence d’une profusion de données très accessibles, dont le ministère de l'intérieur et les préfectures en particulier font bénéficier les chercheurs, cette donnée-là est aujourd'hui rigoureusement inaccessible. C’est un énorme handicap pour tout travail de recherche, notamment lorsqu’on veut croiser les données des bureaux de vote avec les données des périmètres IRIS de l’INSEE. Il faudrait que ce dernier chaînon manquant de la connaissance scientifique des votes soit comblé.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je rejoins notre collègue Alain Richard : une telle disposition est de nature réglementaire. À cet égard, j’aimerais bien connaître les critères d’appréciation de la commission pour déclarer qu’un amendement est irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.

On a considéré qu’un de mes amendements visant à modifier un article du code était de nature réglementaire ; il ne sera donc pas examiné. J’ai le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est un travail extrêmement déplaisant, pour la commission des lois, de devoir saisir le président du Sénat pour qu’il déclare irrecevable un amendement dont l’objet ne relèverait pas du domaine de la loi, au sens des articles 34 et 37 de la Constitution. En plus, c’est une nouveauté. Nous n’avions pas l’habitude de faire cela.

M. le président du Sénat nous a demandé d’être vigilants. Comme vous le savez – vous vous êtes vous-même exprimé sur le sujet, mon cher collègue –, on reproche très souvent à nos lois d’enfler au cours de nos travaux parlementaires et de comporter des dispositions qui auraient plus leur place dans un décret, voire dans une circulaire.

Ce travail juridique est effectué par les services de la commission des lois. Le rapporteur se fait sa propre conviction. Ensuite, la commission en débat. Enfin, nous saisissons le président du Sénat. Nous le faisons véritablement à sa demande, pour améliorer ce que nous croyons être la qualité de la loi. Certes, pour les auteurs des amendements, qui s’intéressent évidemment plus au fond de leur proposition qu’à cette préoccupation juridique, c’est généralement une déception.

Je vous prie de nous excuser de faire notre devoir. Bien entendu, cela ne nous empêche pas de demander au Gouvernement de prendre des engagements pour que les choix que nous voulions inscrire dans la loi figurent dans un décret lorsque, sur le fond, ils nous paraissent correspondre à une exigence importante. Je crois qu’il faudrait arriver à convertir ces irrecevabilités en demandes impérieuses formulées à l’égard du Gouvernement.