Mme Annie David. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je rappelle qu’un étudiant sur deux travaille pour financer ses études. Une prime d’installation, dont le montant évoqué tournerait autour de 1 000 à 1 500 euros, ne prend pas, à mon sens, la mesure des besoins imposés par une mobilité géographique. S’agissant des boursiers, l’aide prendra la forme d’une surpondération du critère « géographique ».

Ce dispositif s’apparente, selon moi, à une tentative de régulation et de gestion des flux, loin de l’ambition de la StraNES et de ses objectifs pour une « réelle démocratisation de l’accès aux études supérieures ». Il s’agirait, au contraire, de défendre une réforme qui réponde aux besoins avec un cadre national des diplômes et qui lutte contre les déterminismes sociaux. En licence, 28 % des étudiants sont des enfants de cadres et 26 % des enfants d’ouvriers ; mais, en master, 34 % des étudiants sont des enfants de cadres et 17 % des enfants d’ouvriers.

Mes chers collègues, telles sont les réserves et les inquiétudes qui nous empêcheront de voter en l’état le texte qui nous est proposé ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je crains toujours l’unanimisme fondé sur des ambiguïtés revendiquées.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Léonce Dupont est l’aboutissement synthétique d’une excellente analyse de la situation. Je ne peux, comme d’habitude, que rendre hommage à son travail.

Je ne vous cacherai pas plus longtemps que je ne suis pas convaincu qu’il ait été opportun que ce bon véhicule législatif soit envahi par le contenu de l’accord obtenu le 4 octobre dernier par le Gouvernement avec certaines organisations syndicales et le président de la conférence des présidents d’université. La caractéristique du bernard-l’ermite ou du coucou législatif, c’est de se glisser dans une enveloppe en changeant le texte initial. (Rires sur les travées de l'UDI-UC.)

Je suis convaincu que nous partageons presque tous le même constat sur la situation de l’université française. Elle a une capacité incontestable à former des étudiants de grande qualité, dont un certain nombre d’ailleurs vont ensuite exercer leurs talents à l’étranger, dans des pays heureux d’accueillir ces jeunes brillants qui sont le produit, certes, de leur travail, mais aussi des efforts de la nation française.

Pour autant, les classements internationaux, en vérité discutables, doivent nous alerter sur l’impérieuse nécessité de donner les moyens nécessaires à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Dans le bilan, on ne saurait occulter, comme le souligne le rapport, que 55 % de l’offre de formation supérieure est sélective, en regroupant 65 % des étudiants, et que la place de l’enseignement supérieur privé augmente fortement, représentant 19 % des effectifs, avec une croissance de 45 % en douze ans. Voilà quel est le résultat de la politique menée par les gouvernements successifs !

La réalité, la triste réalité, relevée par le rapport, c’est que ce sont les étudiants issus des classes moyennes et modestes qui remplissent les formations non sélectives. L’ascenseur social, fierté des Républiques précédentes, est en panne. Songez qu’ils ne sont que 34 % à obtenir leur licence en trois ans et 43 % à ne jamais l’obtenir.

Oui, la non-sélection est devenue la sélection par l’échec, c’est-à-dire la pire : celle du temps perdu, de la dévalorisation de soi-même, de la désespérance et aussi du rejet du système social et institutionnel ! L’une des causes fondamentales de cette situation relève de notre responsabilité collective, d’une absence de courage des gouvernements successifs et de nous-mêmes depuis un demi-siècle. En fait, elle relève de notre incapacité à assumer et à expliquer le mot « sélection ». Pour avoir été membre pendant cinq ans du premier CNESER, monsieur le secrétaire d'État, et pour avoir passé onze années de ma vie comme étudiant et enseignant à Paris-I et à Paris-II, j’ai certainement participé à cette incapacité. J’assume donc ma part de responsabilité.

Ce qui est inadmissible, ce n’est pas de sélectionner par le mérite, mais c’est de ne pas donner à chacun sa chance, quelle que soit son origine sociale ou géographique. À force d’assimiler le mot « sélection » à un instrument de lutte des classes, d’aucuns, dont certains syndicats, ont de fait contribué à créer une situation où fractures sociale et territoriale se sont aggravées. Dans ce contexte, remettre sur la table l’idée de la sélection est un élément positif de l’accord du 4 octobre 2016.

Passer au système LMD dans une optique européenne calée sur la tradition anglo-saxonne n’était pas forcément la meilleure solution. Par exemple, nos IUT, pourtant très performants, en font les frais, comme ils subissent les conséquences de l’autonomie des universités.

Je persiste à considérer que la solution logique, de bon sens, est de mettre en place la sélection à l’entrée du master 1. Maintenir un système boiteux au milieu du parcours master est aberrant !

Quant au système découlant de l’accord du 4 octobre 2016, il est malheureusement dans la logique de ce que nous vivons au niveau de l’exécutif ces dernières années : je dis oui et je fais non ; j’avance un pied et je recule l’autre !

M. Loïc Hervé. Excellent ! Bravo !

M. Jacques Mézard. On dit à la fois oui à la sélection et au droit de poursuivre des études. Reconnaissez que c’est tout de même original !

En réalité, ce que nous propose le Gouvernement, suite à l’accord syndicat et président de la CPU, c’est l’affirmation d’un principe de sélection, suivi dans la pratique de l’inverse.

Si ce compromis fait consensus, c’est qu’il permet à chaque partie de revendiquer la sauvegarde de sa doctrine. Comme se plaisait à le dire Édouard Herriot : « Appuyons-nous sur les principes, ils finiront par céder » ! (Sourires.) Mais c’était un optimiste, car, ici, l’exécutif s’appuie sur deux principes contradictoires pour construire une voie dont je crains qu’elle ne soit une impasse !

Comme le relevaient à juste titre les professeurs Beau et Galderisi dans Le Monde du 7 octobre dernier : « Admirons ce paradoxe ubuesque : les équipes pédagogiques auront le droit de ne pas accueillir les étudiants de leur propre université dont elles estiment qu’ils ne possèdent pas les prérequis, mais elles devront accepter d’inscrire dans leurs filières des étudiants refusés ailleurs ! Il n’y a plus de sélection pour tous, mais au contraire l’admission pour chacun, voulue et décidée par l’État contre les universités, au terme d’une combinazione absurde et coûteuse. » Ils ajoutaient : « Ce projet de loi aurait pour effet, s’il était adopté, de retirer aux universités le peu d’autonomie didactique dont elles bénéficiaient encore. Que le recteur décide au nom de l’État d’affecter des étudiants dans des masters contre la volonté des équipes pédagogiques signifie que l’autonomie des universités n’existe plus. »

La réalité, c’est que cet accord, une fois de plus, sera préjudiciable aux étudiants issus de classes défavorisées. Certes, ils auront un diplôme de papier, mais il sera difficilement négociable dans le monde du travail. Là encore, comme pour la réforme territoriale, la fracture entre Paris, les grandes métropoles et les universités puissantes, et les autres s’approfondira.

Un bon accord est celui qui permet à toutes les parties de s’élever, d’où les préoccupations et les interrogations qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi est un texte important. Elle a deux objets qu’il convient de bien distinguer.

Le premier est de déplacer le curseur de la sélection actuellement effectuée entre le master 1 et le master 2 à l’entrée en master 1.

Une fois encore, le mot terrible est lâché : « sélection » ! Un mot qui ne nous fait pas plus peur qu’au rapporteur, car il y a une véritable hypocrisie dans ce débat. Pour certains, l’université ne devrait pas sélectionner. Or que se passe-t-il quand on ne sélectionne pas ? La sélection a tout de même lieu, mais pas comme on le voudrait. D’une part, les meilleurs tentent d’échapper à l’université en se réfugiant dans les grandes écoles. D’autre part, la sélection se fait à l’université par l’échec.

En n’assumant pas le fait que l’université a aussi vocation à sélectionner, on renforce le système français d’un enseignement supérieur à deux vitesses. Alors que chacun sait qu’il faut tendre vers une convergence entre l’université et les grandes écoles, on laisse nombre de jeunes perdre leur temps dans des cursus qui ne leur conviennent pas.

In fine, le paradoxe est frappant : en ne fixant pas nous-mêmes les critères de la sélection, celui du mérite, du travail et de l’excellence, on laisse le champ libre au darwinisme social. En effet, le plus souvent, ce ne sont pas les jeunes les plus défavorisés qui se retrouvent dans les grandes écoles. En revanche, ce sont eux qui, lorsqu’ils sont brillants, peinent à être distingués par un système universitaire réputé non sélectif. Pour eux, la sélection au mérite n’est pas une pénalité, mais est une chance, voire un droit. Oui, il y a un droit à être sélectionné, c’est-à-dire à être valorisé pour sa compétence ! Oui, il y a un droit à sortir du lot !

Cela dit, ne nous trompons pas de combat. Le présent texte n’a pas vocation à instaurer une sélection qui ne lui préexistait pas. Pas du tout ! Il s’agit juste de déplacer le curseur d’une sélection existante.

La problématique est bien connue. Alors que le système LMD a été mis en place en France à partir de 2002, la sélection qui s’opérait traditionnellement à l’entrée des DEA et DESS a perduré. Le résultat est kafkaïen : la sélection s'opère entre le M1 et le M2, ce qui aboutit à une situation intenable à la fois sur le plan pédagogique et sur le plan juridique.

Sur le plan pédagogique, la sélection en M2 revient à couper en deux un cursus conçu comme un tout indissociable de quatre semestres.

Sur le plan juridique, elle a conduit des étudiants ayant validé leur M1 à être refusés dans le M2 de leur choix. Certains de ces étudiants ont attaqué cette décision devant les tribunaux et ont obtenu gain de cause, c'est-à-dire leur inscription forcée.

La situation est évidemment intenable. Pour y remédier temporairement, le décret du 25 mai dernier dispose que la sélection ne peut être opérée en M2 que pour les étudiants s'inscrivant dans un M2 différent de leur M1 ou qui changent d'établissement entre le M1 et le M2. C'est évidemment une rustine destinée à faire passer le cap de la rentrée de 2016 sans trop de heurts. L'intervention du législateur était inévitable et urgente.

Déplacer le curseur de la sélection à l'entrée du master est une mesure de bon sens, qui aurait dû être prise depuis au moins dix ans. Cela n’a pas été le cas, car elle a été couplée à une autre question, qui constitue le second objet du texte : la création d'un droit à la poursuite d'études après la licence.

De fait, le dépôt de la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont a donné un coup de pied dans la fourmilière. Alors que les négociations sur le droit à la poursuite d'études s'enlisaient, l'inscription de ce texte dans la niche du groupe UDI-UC les a débloquées. Un accord qualifié d'« historique » par la ministre de l'éducation nationale a été conclu le 4 octobre dernier entre le Gouvernement et les organisations représentant les étudiants, les personnels et les universités sur le droit à la poursuite d'études. Par l'adoption d'un amendement de Dominique Gillot, l'accord a été intégré à la proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, qui en était le véhicule législatif naturel.

Concrètement, en vertu de cet accord, lorsqu'un étudiant se verra refuser l’accès aux masters de son choix, il pourra demander au rectorat de lui présenter des propositions alternatives. Le rectorat devra alors lui faire trois propositions, dont au moins une dans la région académique où l'étudiant a obtenu sa licence, sauf en l'absence de places disponibles. Des fonds d'aide à la mobilité seront créés pour les étudiants obligés de se déplacer et qui en auront économiquement le plus besoin.

Ce dispositif soulève deux questions de principe et deux questions pratiques.

Sur le plan des principes, on peut se demander s'il n'est pas contradictoire d'entériner le fait que certains masters sont sélectifs pour, en contrepartie, consacrer un droit à la poursuite d'études. Ça l'est potentiellement, mais pas nécessairement.

En l'occurrence, la manière dont ce droit est conçu nous semble de nature à vider la critique de sa substance. En effet, il ne s'agit pas d'un droit opposable, comme en témoignent les garde-fous qui l'accompagnent. Notre rapporteur l'a déjà indiqué : les propositions du rectorat devront correspondre au projet professionnel de l'étudiant ; l'étudiant devra remplir des prérequis ; des places devront être disponibles et le chef d'établissement concerné devra donner son accord explicite au recteur.

Sur le plan des principes toujours, mais cette fois sur un terrain un peu plus philosophique, on peut se demander si la société doit accorder un droit au master. Ce qui revient à s'interroger sur le rôle de l'université : doit-elle seulement préparer à la vie professionnelle ou aussi donner une ouverture culturelle et intellectuelle, même non professionnalisante ? « Les deux, mon capitaine ! », répondrons-nous en bons centristes.

Mais le système proposé pose aussi deux problèmes pratiques : un problème administratif et un problème pédagogique.

D'un point de vue administratif, il faut garantir l'effectivité de ce nouveau droit. Le rectorat aura-t-il les moyens de répondre aux demandes des étudiants qui se verront refuser leurs premiers choix de master ? Les propositions faites par le rectorat satisferont-elles les étudiants ou bien seront-elles de nouveau génératrices de contentieux ? Les fonds d'aide à la mobilité seront-ils suffisants pour ne pas vider le droit de sa substance ?

D'un point de vue pédagogique, il est à craindre que la dynamique du « droit au master » conduise à la constitution d'une filière master à deux niveaux : un niveau sélectif et un niveau non sélectif. C'est la problématique des masters « poubelles ».

Évidemment, on ne peut pas éluder ces questions, mais seule l'expérience permettra d'y répondre. C'est pourquoi notre commission, sous la houlette de notre rapporteur, a incorporé un dispositif d'évaluation.

À la fin de 2019, le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur réalisera une évaluation du droit à la poursuite d'études. L'évaluation portera sur l'impact du droit sur la qualité de l'offre de formation en deuxième cycle ainsi que sur la sécurisation juridique des parcours. C'est fondamental ! C'est une véritable clause de revoyure.

Merci et félicitations à Jean-Léonce Dupont d'avoir eu le courage et la ténacité de vraiment faire bouger les choses sur un sujet aussi important et aussi sensible ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Mmes Corinne Bouchoux et Claudine Lepage applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 2002, les universités françaises se conforment officiellement au système européen licence-master-doctorat. Dans la réalité, elles ont conservé la césure entre la quatrième année – la maîtrise d’autrefois, le master 1 d’aujourd'hui – et la cinquième année – le DEA ou le DESS de naguère, c'est-à-dire le master 2 actuel. À l’issue de la première année de master, les étudiants doivent passer devant un jury ou présenter un dossier pour entrer dans les masters 2 les plus réputés.

Ainsi, depuis quinze ans, dans les masters où la compétition est la plus vive et le nombre de places limitées, les universités ont mis en place une véritable sélection, qu’aucun texte législatif n’autorise. Il convient de souligner qu’il ne s’agit pas là d’un problème de places disponibles, puisque le nombre est pratiquement le même : 130 000 en master 1 et 120 000 en master 2. Non, il s’agit plutôt de l’orientation des étudiants, qui, aujourd'hui, est souvent synonyme de sélection par l’échec !

L’organisation du cycle de master devait donc être sérieusement réformée. Quinze ans après l’instauration en France du LMD, notre système d’enseignement supérieur devait se mettre en cohérence avec le modèle européen. Les deux années de master constituant un seul et même bloc, c’est à l’entrée, en M1 et non en M2, que doit s’opérer l’orientation sélective des étudiants.

Pour sécuriser juridiquement le master, un accord, qu’il convient de saluer, car il n’est pas habituel, a été conclu sous votre impulsion, monsieur le secrétaire d'État, entre les présidents d’université, les syndicats d’enseignants et les organisations étudiantes. C’est cet accord que reprend la présente proposition de loi de Jean-Léonce Dupont, amendée par Dominique Gillot. Cet accord va permettre de concilier deux principes : subordonner l’admission en master à l’obtention d’un concours ou à l’examen d’un dossier, ce qui préservera la qualité des diplômes ; instaurer un droit à la poursuite d’études en master.

La mise en œuvre de cette réforme nécessitera le respect de trois règles : les critères fixant les capacités d’accueil en master devront être précis et transparents ; le fonds d’aide à la mobilité des étudiants devra être financé par des crédits significatifs et pérennes ; la plateforme d’orientation en master devra non pas gérer les propositions faites aux étudiants sur le modèle d’admission post-bac, mais permettre de connaître précisément les formations qui, à la fois, disposent de places disponibles et correspondent peu ou prou au projet professionnel de l’étudiant.

Pour conclure, je voudrais faire une observation, monsieur le secrétaire d'État. Parallèlement à cette réforme des masters, il faudrait refondre le cycle des licences et des formations courtes, du type BTS et DUT, afin de pouvoir développer massivement les licences professionnelles, car les formations bac+3 professionnalisantes constituent une très bonne alternative pour les étudiants qui s’engagent en master par défaut et connaissent un risque élevé d’échec.

Avec cette réforme ambitieuse des masters, la France fait la démonstration qu’elle est capable de surmonter un tabou – la sélection – et de se réformer, dès lors qu’elle est animée par une volonté politique forte, appuyée par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je félicite Jean-Léonce Dupont pour sa proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, proposition de loi juste et pragmatique.

Le système licence-master-doctorat est issu du processus de Bologne et permet la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur. Le parcours de master est constitué de quatre semestres sur deux années consécutives, qui sont normalement indivisibles et où la réussite des deux premiers semestres conditionne seule le passage en seconde année. Or cette procédure est remise en question, ce qui a d'ailleurs été souligné par le Conseil d'État en février dernier.

Le texte proposé par Jean-Léonce Dupont permet de définir clairement et durablement les critères d'admission en deuxième cycle. Les universités qui le souhaitent pourront désormais conditionner l'admission en première année de master à l'examen d'un dossier de candidature et à une épreuve spécifique ou un entretien.

Cette proposition de loi va nous permettre d'alerter le Gouvernement sur un sujet extrêmement lié à la sélection en master. Le taux de réussite en licence, en France, a toujours été le talon d'Achille des études à l'université. Seulement 27 % des inscrits en première année obtiennent leur licence trois ans plus tard. L’université ne fait donc pas de sélection à l'entrée : la sélection a lieu pendant la licence. Malheureusement, c’est une sélection par l’échec. Là est le véritable problème de la sélection à l'université. C'est d'ailleurs, permettez-moi de le dire ici, une cruelle désillusion pour les étudiants et pour le principe de l'éducation républicaine ouverte à tous.

Le véritable échec de l'université est le lycée et notamment l'orientation, qui est quasiment inexistante. Le constat n'est pas nouveau. Il est même frappant de voir que les rapports sur ce sujet, dont le dernier a été rendu par Guy-Dominique Kennel, se répètent au mot près : on y lit des termes tels qu’« orientation par l'échec » ou encore « orientation subie ».

Le système est défaillant et il est devenu incompréhensible, notamment pour les lycéens qui ont des difficultés ou les excellents élèves issus de milieux socialement défavorisés. À titre d'exemple, il est difficile d'y voir clair parmi les trop nombreux opérateurs de l'orientation et leurs acronymes : CIO, ONISEP, PIJ, CRIJ…

La sélection pourrait intervenir comme un moyen d'orientation, et cela dès l'entrée à l'université. Si un étudiant, avec de bons ou de mauvais résultats, se présente à un entretien de manière obligée et non pas parce qu'il s'est lui-même orienté, alors les professeurs d'université verront qu’il s'est trompé d’orientation.

Au fond, la sélection en master n'est pas scandaleuse. C'est l'absence de sélection et d'orientation pour l'entrée à l'université qui l'est. Au collège un peu, mais surtout au lycée, l'orientation doit être prise en compte autant que les cours d'histoire, de français ou de mathématiques. Elle doit être une matière en tant que telle, avec des cours et des explications. Cela obligerait les élèves à s'impliquer, à s'interroger sur leur avenir, à se poser les bonnes questions.

Aujourd'hui, nous sommes les champions du monde des forums de l'orientation, des présentations par des professionnels de l’orientation dans les lycées. Le résultat de tout cela est affligeant.

Sans être hors sujet, il me semble nécessaire, avant d’envisager la problématique du master, de s’interroger sur le fonctionnement du collège et du lycée. Le conseiller d'orientation-psychologue est peu présent, parce qu'il est surchargé de missions. Il ne passe qu'une journée et demie par semaine dans un collège ou un lycée. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Comment voulez-vous qu'un conseiller d'orientation travaille dans de bonnes conditions et puisse connaître le lycéen qu'il a en face de lui, quand on sait que le ratio est d’un conseiller pour 1 300 lycéens ?

Les enseignants ne sont ni formés au conseil en orientation, ni initiés à la diversité des métiers, ni même parfois, et c'en est la conséquence, prêts à exercer cette mission. Bref, l'orientation est un métier, une mission particulière, qui doit prendre une place prépondérante au lycée.

Dès lors, clarifier l'admission en master est une excellente initiative. Il est néanmoins urgent de clarifier l’admission dans le cursus universitaire de façon générale. Je l'ai dit, je le redis, la sélection à l'université doit être vue non pas comme une contrainte mais comme un moyen qui permet de mieux orienter nos lycéens après le bac et d’éviter ainsi ce taux d'échec en licence qui est l'un des plus scandaleux de toute l'Union européenne.

La question de l’orientation scolaire, comme celle de la réussite à l’université, était une promesse faite par le Président de la République, une de plus qu’il n’a pas tenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er

I. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :

1° L’article L. 612-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 612-6. – Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu’à ceux qui peuvent bénéficier de l’article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires.

« Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle. L’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat.

« Cependant, s’ils en font la demande, les titulaires du diplôme national de licence sanctionnant des études du premier cycle qui ne sont pas admis en première année d’une formation du deuxième cycle de leur choix conduisant au diplôme national de master se voient proposer l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.

« Les capacités d’accueil fixées par les établissements font l’objet d’un dialogue avec l’État. » ;

2° (nouveau) Il est ajouté un article L. 612-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612-6-1. – L’accès en deuxième année d’une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation.

« Un décret pris après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l’accès à la première année est ouvert à tout titulaire d’un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l’admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. »

II (nouveau). – Au cours du dernier trimestre 2019, le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur réalise une évaluation de l’application du troisième alinéa de l’article L. 612-6 du code de l’éducation relatif à la poursuite d’études en deuxième cycle. Cette évaluation porte sur l’impact de ces dispositions sur la qualité de l’offre de formation en deuxième cycle ainsi que sur la sécurisation juridique des parcours. Elle est transmise au Parlement au plus tard le 1er mars 2020.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat et Fortassin et Mme Malherbe, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat et Fortassin et Mme Malherbe, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

du diplôme national de licence

par les mots :

des diplômes

et les mots :

l’inscription dans une formation du deuxième cycle en tenant compte de leur projet professionnel et de l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence

par les mots :

par l’établissement dans lequel ils ont obtenu leur licence l’inscription dans une formation du deuxième cycle

II. – Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La proposition d'inscription tient compte des prérequis disciplinaires, du projet professionnel de l'étudiant et de la capacité d'accueil et d'encadrement de la formation du deuxième cycle.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter ces deux amendements.