Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger le ministre de l’agriculture sur la situation de ce secteur. Stéphane Le Foll m’a demandé de vous répondre et de vous prier de bien vouloir excuser son absence : il est retenu ce jour à Bruxelles par le conseil des ministres de l’agriculture européens, où se prennent beaucoup de décisions importantes, y compris sur les sujets que vous avez soulevés.

Oui, le secteur agricole traverse une crise grave, à des degrés divers selon les productions. Dans le secteur des céréales, la crise est en grande partie liée à des aléas climatiques importants, alors que, dans les autres grandes régions productrices du monde, les récoltes ont souvent été abondantes, ce qui maintient des prix bas. Dans d’autres filières, notamment l’élevage, les difficultés sont beaucoup plus structurelles.

Le Gouvernement a toujours répondu aux crises qui ont touché les agriculteurs en agissant sur différents leviers d’action d’urgence, sur les plans fiscal, social ou bancaire.

Sur le plan structurel, le ministre de l’agriculture agit également. On peut notamment citer les batailles menées, et ce depuis la réforme de la PAC en 2013, pour restaurer et mobiliser, quand cela est nécessaire, des outils de régulation des marchés agricoles au niveau européen, afin de faire face à une volatilité accrue dans un contexte international compliqué. Faut-il rappeler que c’est le Gouvernement qui a sauvé un mécanisme de régulation des vignes dont la mort était annoncée à notre arrivée ? Faut-il également rappeler que c’est la France qui a obtenu un mécanisme de régulation de la production de lait dans la crise après la sortie des quotas laitiers, décidée en 2008 ?

Concernant la gestion des risques, le Gouvernement a réformé les outils d’épargne de précaution et engagé un travail de fond sur la question assurantielle. Les premières étapes ont été franchies, avec la création du contrat d’assurance socle. Des choix collectifs devront être faits dans les prochaines années pour repenser la couverture mutualisée du risque, y compris au niveau européen ; c’est précisément ce à quoi Stéphane Le Foll s’attache aujourd’hui à Bruxelles.

Une autre nécessité structurelle est d’assurer une meilleure structuration des filières, notamment le développement de filières territorialisées de qualité, avec la mise en avant de l’origine « France » – j’y travaille en étroite concertation avec Stéphane Le Foll –, ainsi qu’un meilleur partage de la valeur ajoutée pour les producteurs. Là encore, le Gouvernement a apporté un certain nombre de réponses au travers de la loi d’avenir agricole, de la loi consommation, de la loi relative à la transparence récemment, du décret sur l’étiquetage de l’origine et des projets alimentaires territoriaux. Les opérateurs, notamment les producteurs, doivent se saisir de l’ensemble de ces outils pour renforcer leur poids collectif : c’est un enjeu majeur.

Enfin, le ministre de l’agriculture vous rappelle l’importance de la transition profonde qu’il a engagée vers l’agro-écologie. Cette transition prend du temps, car il s’agit là aussi d’une évolution structurelle. Les outils et soutiens d’accompagnement, par exemple les groupements d’intérêt économique et environnemental, sont de plus en plus orientés vers la performance économique et environnementale des exploitations. C’est la voie vers une agriculture diversifiée, durable, robuste face aux crises, collective, qui replace l’agronomie, les femmes et les hommes au cœur d’un projet agricole pour la France.

Voilà, monsieur le sénateur, quelques-uns des messages que Stéphane Le Foll m’a demandé de vous transmettre aujourd'hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le secrétaire d'État, j’ai moi-même reconnu les efforts réalisés par le Gouvernement pour répondre à la crise et à la situation difficile des agriculteurs.

J’insiste néanmoins sur le fait que nous sommes très loin d’avoir tracé la route pour l’avenir, en vue de la promotion d’une agriculture qui assure aux exploitants des revenus décents et la maîtrise des volumes de production. J’aimerais que, tous ensemble, nous puissions ouvrir une voie moins chaotique.

La transition vers l’agro-écologie est certes importante, mais elle s’opère avec une certaine lenteur et les inquiétudes demeurent très fortes dans le milieu rural. Des accords comme le CETA et le TAFTA ne sont pas compris ; ils sont même rejetés par l’opinion. Nous produisons suffisamment et développer les échanges intercontinentaux de produits agricoles ne paraît pas conforme aux objectifs de la transition énergétique.

Le milieu rural est très fragilisé ; je ne suis pas certain que tout le monde en soit vraiment conscient. J’éprouve de fortes craintes pour l’avenir de notre tissu rural, qui souffre énormément !

vignobles bourguignons et aléas climatiques

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 1458, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d'État, l’agriculture française, dans toutes ses composantes, souffre ; les femmes et les hommes qui s’y consacrent avec passion également.

Cette année est « la pire depuis la Seconde Guerre mondiale », pour reprendre les mots de Xavier Beulin, président de la FNSEA. Des aléas climatiques à répétition se sont souvent ajoutés à des cours mondiaux faibles.

Dès le 31 mai dernier, j’alertais le ministre de l’agriculture sur l’urgence qu’il y avait à apporter un soutien à la filière viticole bourguignonne, fortement touchée par des aléas climatiques d’une intensité hors norme.

En l’espace de quelques minutes – j’en ai été le témoin oculaire à Préhy, près de Chablis –, la grêle réduisait à néant des semaines, des mois de travail. En Bourgogne, c’est près de 50 % du vignoble qui a été touché. M. le secrétaire d’État ne l’ignore pas, puisqu’il a eu l’occasion de rencontrer des viticulteurs dans l’Yonne.

Les inondations ont, pour leur part, touché de nombreux agriculteurs. La « ferme Yonne » paie un lourd tribut à ces aléas. Ainsi, la chambre d’agriculture de l’Yonne estime à 320 millions d’euros les pertes agricoles, dont 150 millions d’euros pour le colza, le blé et l’orge, et 150 millions d’euros pour la viticulture.

Certes, le Gouvernement a annoncé, le 4 octobre dernier, un plan d’urgence prévoyant des garanties pour permettre aux agriculteurs d’emprunter, des exonérations de taxe sur le foncier non bâti, des aides à la reconversion ou au remplacement, mais nous devons aujourd’hui aller plus loin. La France reste pénalisée par un certain nombre de surtranspositions de directives européennes, par le poids des charges sociales et fiscales. Si certains en viennent à choisir de mettre un terme à leur vie, c’est que l’heure est grave !

Devant cette situation, le Gouvernement doit œuvrer à mettre en place un véritable pacte avec le monde agricole et vitivinicole. Pour faire face aux fluctuations de bénéfices et de revenus, allez-vous augmenter le plafond de la dotation pour aléas, la DPA, et simplifier cet outil ? Allez-vous lisser l’imposition sur le revenu sur cinq ans ? Pour la viticulture, quid de la provision pour perte de récolte et de la mise en place d’une aide à la reconstitution des stocks ? Quelles mesures allez-vous prendre pour favoriser l’amélioration du taux de couverture assurantielle ? Ce dernier point est crucial.

Monsieur le secrétaire d'État, le monde agricole et vitivinicole attend des réponses à ces questions concrètes et pressantes.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur Lemoyne, vous interrogez le ministre de l’agriculture sur la situation des agriculteurs, notamment celle des viticulteurs bourguignons. Stéphane Le Foll m’a demandé de vous répondre, étant retenu ce jour à Bruxelles par le conseil des ministres européens de l’agriculture.

En premier lieu, je tiens à rappeler les éléments fondamentaux du pacte de consolidation et de refinancement des exploitations agricoles annoncé le 4 octobre. Celui-ci apporte des réponses aux besoins de financement, à des conditions jamais mises en œuvre auparavant et à la hauteur des terribles aléas survenus cette année. Comme vous l’avez indiqué, mon déplacement dans l’Yonne, sur l’invitation du conseiller départemental Nicolas Soret, a été pour moi l’occasion de rencontrer des viticulteurs.

Il s’agit d’abord de dégrèvements d’office de taxe sur le foncier non bâti sans aucune démarche à effectuer par les agriculteurs. Pour l’Yonne, cela représente 50 % ou 35 % de dégrevés d’office selon les zones. Les agriculteurs qui ont connu des pertes supérieures à la moyenne départementale peuvent aussi demander des dégrèvements supplémentaires.

Il s’agit ensuite de la mise en place, pour la première fois à de telles conditions, d’une garantie publique qui permettra à tous les agriculteurs, qu’ils soient en difficulté ou non, de bénéficier des mêmes taux d’intérêt d’emprunt.

Le ministre de l’agriculture fera le point en fin de semaine sur la mise en œuvre précise et effective de l’ensemble de ces mesures.

Concernant l’amélioration de l’assurance, les crédits publics de soutien à l’assurance récolte étaient de 10 millions d’euros en 2005. Ils sont d’environ 120 millions d’euros cette année. L’État garantira une prise en charge à hauteur de 65 % en 2017, quel que soit le nombre de souscriptions.

Le ministre de l’agriculture, après avoir mis en œuvre le contrat socle, est aujourd’hui à Bruxelles pour défendre la mise en place d’un système mutualisé de gestion des risques. L’objectif est de rendre les aides européennes plus efficaces en cas de coup dur.

En ce qui concerne la DPA, ce gouvernement l’a réformée à plusieurs reprises. Récemment, il a supprimé les intérêts de retard en cas de non-utilisation. Nous avons aussi permis une reconnaissance de l’aléa économique plus souple, qui autorise à y recourir pour des aléas moindres cumulés sur deux années. Cette mesure répondait à une demande forte.

Cet outil a été deux fois plus utilisé en 2016 qu’en 2014. Vous demandez au Gouvernement de le déplafonner. Les chiffres de la Mutualité sociale agricole, la MSA, indiquent que 30 % des agriculteurs dégagent un revenu inférieur ou égal à 4 000 euros annuels. Or le plafond est aujourd'hui fixé à 27 500 euros annuels de mise en réserve possible ; il ne sera donc jamais atteint par ceux qui rencontrent des difficultés… Cela représente en effet deux SMIC annuels de revenus non fiscalisés. C’est pour cela que des aides conjoncturelles sont mises en œuvre. Le Gouvernement ne souhaite donc pas toucher à ce plafond. Une telle modification conduirait simplement à permettre à un petit nombre d’agriculteurs qui dégagent de très hauts revenus de se servir de ce dispositif comme d’un outil d’optimisation fiscale.

Quant à la baisse de charges sociales que vous demandez, je vous rappelle que le Gouvernement a permis 2,3 milliards d’euros d’allégements en 2017, soit 1,2 milliard d’euros de cotisations en moins par rapport à 2012. Désormais, l’employeur d’un salarié payé au SMIC ne verse aucune cotisation de sécurité sociale. En ce qui concerne les cotisations personnelles, l’assiette minimale est supprimée, ce qui aide les exploitants à très faibles revenus. Depuis 2015, les cotisations individuelles des agriculteurs ont été allégées de dix points, soit d’environ 25 %.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement et les services de l’État répondent présents depuis 2012 chaque fois qu’une crise agricole émerge, tout en apportant également des réponses aux difficultés structurelles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le secrétaire d’État, de par vos fonctions, vous savez combien il est important de soutenir la « ferme France » pour que nos échanges avec le monde soient denses et fructueux. Il est essentiel de conforter le monde agricole, qui, après les décisions ponctuelles prises au début du mois d’octobre, attend un certain nombre de mesures complémentaires.

Une clause de revoyure jouera dans quelques semaines. À cette occasion, il faudra prendre toute la mesure du problème et ne pas opposer les « petits » aux « gros » agriculteurs, car tous « trinquent » !

Nous avons besoin d’une agriculture véritablement productive et compétitive. Or nous courons parfois, dans la compétition internationale, avec des sabots de plomb !

En ce qui concerne l’assurance récolte, j’ai bien noté les précisions apportées par M. le secrétaire d’État. Il est important de donner une certaine visibilité et d’apporter de la stabilité au dispositif, car la subvention peut varier d’une année à l’autre, ce qui a une incidence sur les comportements. Pourquoi ne pas inciter, peut-être fiscalement, chacun à s’assurer ? Il convient d’améliorer le taux de couverture, qui n’est actuellement que de 30 %. Ainsi, nous pourrons pallier les aléas climatiques et peut-être, demain, la volatilité des prix.

Ma question et celle de M. Le Scouarnec montrent que, sur toutes les travées, nous nous sentons très concernés par la situation de l’agriculture française. Il importe de prendre, dans un esprit bien compris d’union nationale, les mesures importantes qui sont attendues.

formation des médecins à l'identification et au signalement des situations de maltraitance

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la question n° 1451, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Colette Giudicelli. La loi du 5 novembre 2015, dont j’ai la fierté d’être à l’origine, tend à clarifier la procédure de signalement des situations de maltraitance, s’agissant notamment des enfants.

Ainsi, ce texte rappelle que les professionnels de santé qui font des signalements de « bonne foi » ne peuvent pas voir leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire engagée.

Au cours des débats, l’absence de formation des médecins à l’identification des situations de maltraitance et à la procédure de signalement a été largement évoquée, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. La loi que nous avons votée a prévu une obligation de formation des médecins à la détection et au signalement des situations de maltraitance, qui n’existait pas jusqu’alors.

Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, quelles initiatives le Gouvernement a prises depuis un an pour introduire dans le cursus médical une formation à l’identification et au signalement des situations de maltraitance, comme l’a prévu la loi du 5 novembre 2015 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez raison : le signalement de la maltraitance passe par la détection des cas, et donc par la formation des professionnels de santé.

Le programme des deux premiers cycles des études de médecine comporte désormais une unité d’enseignement « maturation-vulnérabilité-santé mentale-conduites addictives » qui comprend un item dédié à la maltraitance et aux enfants en danger, ainsi qu’un item consacré aux violences sexuelles.

À l’issue du deuxième cycle, un étudiant en médecine doit être capable de repérer un risque ou une situation de maltraitance chez le nourrisson, l’enfant ou l’adolescent, et d’argumenter la démarche médicale et administrative nécessaire à leur protection. Il doit également connaître les modalités de prise en charge immédiate d’une personne victime de violences sexuelles.

Par ailleurs, la formation initiale en maïeutique prévoit également que, à l’issue de son cursus, l’étudiant soit capable de prévenir et de dépister les situations à risque psychologique et social, les violences faites aux femmes, et de connaître les démarches de protection.

De plus, il est important de rappeler que le développement professionnel continu, le DPC, a pour objectif le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences des professionnels de santé, ainsi que l’amélioration de leurs pratiques.

Chaque professionnel doit justifier, au cours d’une période de trois ans, de son engagement dans une démarche de formation continue. L’arrêté du 8 décembre 2015 a fixé les orientations prioritaires de DPC pour les années 2016 à 2018 : le repérage et le dépistage de la maltraitance et de la violence envers les enfants et les femmes en font partie. En 2016, près d’une centaine d’actions de DPC concernant le repérage de la maltraitance envers les enfants ont été proposées aux professionnels.

Enfin, le plan interministériel de lutte contre la maltraitance a été construit en étroite collaboration avec les représentants des associations et des collectivités, en organisant l’action publique autour du principe selon lequel aucune violence déclarée ne doit rester sans réponse pour protéger les victimes, tout spécialement les femmes et les enfants, et en mobilisant l’ensemble de la société en vue de dénoncer ces pratiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je rappelle qu’une enquête nationale a été réalisée en 2013, sur l’initiative de l’Association nationale des étudiants en médecine de France, de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de l’université Pierre-et-Marie-Curie.

Les résultats de cette enquête confirment la nécessité de mettre en place, au cours des études médicales comme après celles-ci, un plan de formation sur les situations de maltraitance susceptibles de faire l’objet d’un signalement.

Il s’avère que plus de 80 % des étudiants affirment ne pas avoir reçu de formation sur les violences, qu’elles soient sexuelles, physiques ou psychologiques. Si le signalement est un devoir déontologique et fait partie d’une démarche de soin, il est indispensable qu’il soit mieux enseigné dans les facultés de médecine.

manque de médecins généralistes

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 1457, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Brigitte Micouleau. Une étude sur la démographie médicale réalisée en avril 2016 par le conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Haute-Garonne, en partenariat avec l’agence régionale de santé, l’union régionale des professionnels de santé et la faculté de médecine de Toulouse, vient de démontrer, chiffres à l’appui, que le manque de médecins généralistes ne concerne plus uniquement les zones rurales, mais touche également, et de manière inquiétante, les aires urbaines, en particulier celle de Toulouse.

Alors que le nombre de médecins généralistes a diminué de 15 % dans l’agglomération toulousaine entre 2007 et 2015, cette enquête nous apprend que près des deux tiers de ceux qui sont actuellement en poste sont aujourd’hui âgés de 55 ans ou plus.

Au cours des dix prochaines années, ce sont donc plus de 300 généralistes qui vont cesser leur activité. Cela signifie que, si rien n’est fait d’ici là, il manquera alors plus de 200 médecins généralistes dans l’agglomération toulousaine.

Aujourd’hui, le président du conseil départemental de l’Ordre des médecins reconnaît qu’il reçoit déjà « tous les jours des appels au secours de médecins ne trouvant pas de successeur et, toutes les semaines, des courriers de patients ne trouvant pas de médecins traitants ».

Par ailleurs, depuis septembre, le quartier de Borderouge, l’un des plus dynamiques de Toulouse sur le plan démographique, ne compte plus qu’un seul généraliste pour 25 000 habitants !

Les causes de cette pénurie sont multiples : flambée des prix de l’immobilier, poids de la réglementation, crainte de s’installer dans des quartiers dits « sensibles », mais aussi fibre libérale insuffisamment encouragée, voire découragée, et trop faible prise en compte par nos politiques publiques des évolutions du corps médical. L’époque où un généraliste s’installait pour toute sa carrière, à temps plein, dans le même quartier, est bel et bien révolue ! Les temps partiels sont de plus en plus fréquents, de même que les changements d’orientation en cours de carrière, notamment vers le salariat.

Eu égard à ce constat inquiétant, comment comptez-vous inverser la tendance et lutter efficacement contre le phénomène de la désertification médicale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Il n’existe pas une réponse unique qui permettrait de résoudre tous les problèmes en matière de désertification médicale de certains territoires, mais améliorer l’accès aux soins et réduire les inégalités entre les territoires sont des objectifs prioritaires du Gouvernement depuis 2012, date à laquelle Marisol Touraine a lancé le pacte territoire-santé.

Ce pacte reflète le choix d’une politique pragmatique et incitative, fondée sur des mesures qui se complètent et se renforcent mutuellement, allant de la formation des professionnels aux conditions d’exercice.

Ainsi, plus de 1 750 jeunes ont signé un contrat d’engagement de service public. Ce contrat s’adresse à de futurs médecins ou dentistes en formation : il leur permet de bénéficier d’une bourse en contrepartie d’une installation dans un territoire manquant de professionnels pour une durée équivalente à celle de l’aide.

Par ailleurs, plus de 660 professionnels se sont installés dans des territoires manquant de médecins, grâce au contrat de praticien territorial de médecine générale.

En parallèle, la convention médicale prévoit désormais une aide de 50 000 euros pour une installation en zone sous-dense.

Enfin, plus de 830 maisons de santé pluriprofessionnelles maillent désormais le territoire : leur nombre a plus que triplé depuis 2012. Vous avez raison, madame la sénatrice : un certain nombre de médecins souhaitent changer de façon d’exercer et ne veulent pas se trouver isolés. Les maisons de santé pluriprofessionnelles constituent une solution qui plaît à beaucoup de professionnels.

Autre exemple de cette dynamique, la ville de Toulouse va ouvrir l’année prochaine une maison de santé pluriprofessionnelle universitaire, qui sera composée, entre autres professionnels, d’un professeur universitaire de médecine générale et de deux chefs de cliniques universitaires.

Les maisons de santé universitaires constitueront un véritable pivot de la faculté de médecine au cœur des territoires, puisqu’elles sont à la fois un centre de formation des étudiants de la deuxième à la neuvième année, pendant l’externat et pendant l’internat, et un moteur de la recherche universitaire en soins ambulatoires.

Je tiens à rappeler que les zones d’intervention en vue de l’amélioration de l’accès aux soins médicaux ne se limitent pas aux territoires ruraux. Que ces aides soient conventionnelles ou issues du pacte territoire-santé, un jeune médecin qui souhaite s’installer dans un territoire, rural ou urbain, peut en bénéficier dès lors qu’il s’agit d’une zone d’intervention ciblée par l’agence régionale de santé.

Madame la sénatrice, il ne peut y avoir une réponse unique pour remédier aux difficultés en matière d’accès aux soins. Le pacte territoire-santé et, désormais, la convention médicale permettent d’apporter des solutions adaptées dans chaque territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. C’est un bon début, mais nous devons aller plus loin pour aider les maires ruraux ou de grandes villes confrontés à de grandes difficultés.

Les professionnels ont besoin de sentir un État fort à leurs côtés. La prise en compte de cette problématique passe inévitablement par la mise en œuvre, à l’échelle nationale, non seulement de mesures conjoncturelles pour répondre rapidement à l’urgence de la situation, mais également de réformes structurelles pour régler durablement la question de la désertification médicale. Outre les médecins généralistes, les pédiatres, les gynécologues, les ophtalmologistes manquent également dans nos territoires.

application du dispositif des groupements hospitaliers de territoire en ardèche

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, auteur de la question n° 1467, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Jacques Genest. En juillet dernier, l’agence régionale de santé de la région Rhône-Alpes-Auvergne a rendu publique la composition des quinze groupements hospitaliers de territoire, ou GHT, de notre région. Est notamment prévu le rattachement de l’hôpital d’Aubenas à celui de Montélimar, ce dernier devenant hôpital référent, alors que la mise en place d’un partenariat plus structuré entre les hôpitaux d’Aubenas et de Privas relèverait du simple bon sens. Or cette dernière solution n’a même pas été évoquée ! Ce choix de l’ARS fait donc de l’Ardèche l’un des très rares départements de France dépourvus d’hôpital support.

Madame la secrétaire d’État, ce rapprochement des hôpitaux d’Aubenas et de Montélimar ne fera qu’accentuer les légitimes inquiétudes des usagers, qui luttent déjà pour avoir un accès correct à la médecine généraliste, et celles des soignants qui, dans un avenir proche, vont devoir s’interroger sur les moyens mis à leur disposition.

Or l’organisation et la répartition des soins, déjà précaires sur un territoire rural touché par la désertification médicale, ne feront qu’empirer, ce qui aggravera encore les conséquences de la baisse des budgets hospitaliers.

Ni l’immense majorité des élus ardéchois, ni la direction, ni les médecins et les infirmiers du centre hospitalier de l’Ardèche méridionale n’ont été écoutés ; tous expriment la même crainte : que l’activité technique quitte Aubenas.

Ce choix ne correspond pas aux besoins de notre bassin de vie et au flux des patients. Ses conséquences potentielles ne sont que trop connues dans notre département rural : des difficultés accrues pour le recrutement médical à moyen et long termes, sur un territoire qui subit déjà de plein fouet le phénomène des déserts médicaux.

Enfin, si ces éléments liés à l’exercice de la médecine ne suffisaient pas, sachez également que le centre hospitalier de l’Ardèche méridionale est, avec 1 135 salariés, l’un des plus gros employeurs du territoire : une remise en cause de son statut menacerait la vie économique du bassin.

Je souhaiterais donc savoir si vous comptez prendre en considération la situation de l’Ardèche, ainsi que cela a été fait pour d’autres départements, comme la Lozère, et revenir sur le choix funeste arrêté par l’ARS.