M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Roche, rapporteur. La liquidation unique des régimes alignés est déjà une première étape vers l’harmonisation des règles entre les régimes. Laissons le temps à ceux d’entre eux qui sont concernés de commencer à la mettre en œuvre avant d’envisager d’aller plus loin.

La commission est donc défavorable à cette demande de rapport, trop précoce.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La liquidation unique des régimes alignés a très largement répondu aux situations évoquées, la plupart des situations de polypensionnés concernant le régime des travailleurs salariés et celui des travailleurs non salariés. C’est une avancée et une simplification considérables.

Certes, toutes les situations ne seront pas couvertes, mais le Conseil d’orientation des retraites a d’ores et déjà remis un rapport – même s’il est un peu ancien puisqu’il date de 2011 – permettant d’évaluer les situations en question. Aujourd’hui, nous n’avons donc pas besoin d’un rapport, mais éventuellement d’aller plus loin que la liquidation unique, ce qui ne va pas sans soulever des difficultés quant à l’harmonisation des règles applicables aux différents régimes.

Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Watrin, l'amendement n° 311 rectifié est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Oui, monsieur le président.

Il y a effectivement eu un rapport. Mais, même si la LURA représente bien évidemment un progrès très important, on s’aperçoit aujourd’hui qu’il y a des perdants et des gagnants.

En général, lorsque des polyactifs ont relevé successivement de différents régimes de retraite, ils sont largement gagnants ; ce point a été souligné par M. le rapporteur et Mme la ministre. Mais lorsqu’ils ont exercé simultanément des activités relevant de régimes de retraite différents, ils peuvent être perdants. D’où l’intérêt peut-être de creuser un peu plus cette question, afin de rechercher les modalités de calcul les plus favorables, comme je l’expliquais à l’instant. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 311 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 ter, modifié.

(L'article 34 ter est adopté.)

Article 34 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 35

Article 34 quater (nouveau)

I. – Les Français qui ne résident pas en France peuvent envoyer aux caisses de retraite leurs certificats d’existence par voie dématérialisée, dans des conditions fixées par décret.

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2018.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Je profite de l’occasion pour évoquer le cas, inverse, des étrangers qui résident en France, de manière parfois contrainte, pour pouvoir prétendre aux droits qu’ils ont acquis par leurs cotisations.

Nous avions déposé un amendement sur le sujet. Hélas ! Une nouvelle fois, les dispositions de l’article 40 l’ont soustrait du débat.

Pourtant, il y a là une question de justice. C’est pourquoi j’appelle l’attention du Gouvernement sur ceux qu’on appelle les chibanis. Ce terme, qui signifie « cheveux blancs », « anciens », en arabe, désigne tous ceux, souvent originaires du Maghreb et des pays d’Afrique subsaharienne, qui sont venus travailler en France, qui ont participé à sa reconstruction et à sa richesse dans l’après-guerre.

Pourtant, alors même qu’ils ont cotisé toute leur carrière en France, ils sont confrontés à bien des difficultés.

Ainsi, pour pouvoir bénéficier des fruits de leur carrière, notamment en matière de pensions, d’allocations et d’accès à la santé, ils doivent rester un minimum de six mois sur le territoire français. Or, si certains chibanis ont fait le choix de s’installer en France et ont pu être rejoints par leur famille, d’autres souhaiteraient pouvoir vivre leur retraite au pays, entourés des leurs.

Hélas ! Les conditions de résidence pour prétendre à la protection sociale les en empêchent et créent de fait des errances, de l’isolement et de la fragilité pour ces populations. Mais, dans le même temps, le code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile impose la possession d’une carte de séjour « retraité », qui leur permet d’entrer en France à tout moment pour y effectuer des séjours n’excédant pas un an.

Les chibanis, population fragile économiquement et socialement, sont pris dans l’étau de ces logiques administratives, en partie dénoncées par la Cour de cassation dans sa délibération du 28 mai 2015, déboutant la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail de Midi-Pyrénées.

Pour toutes ces raisons, nous demandions, dans l’amendement que nous avions déposé, qu’une exception à la condition de résidence soit appliquée à ces travailleurs, leur permettant ainsi de jouir depuis leur pays des avantages sociaux pour lesquels ils ont cotisé et travaillé.

M. le président. L'amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

A. – Avant l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-19-2 ainsi rédigé :

B. – Alinéa 1

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. L. 114-19–2. – Les bénéficiaires d'une pension de retraite versée par un organisme français et résidant hors de France peuvent envoyer (le reste sans changement)…

La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur. Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, prévoit que les Français qui ne résident pas en France pourront envoyer aux caisses de retraite les certificats d’existence prouvant qu’ils sont encore en vie par voie dématérialisée et dans des conditions fixées par décret. Nous approuvons cette disposition et nous demandons l’insertion de cet article dans le code de la sécurité sociale, en sus d’une clarification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 quater, modifié.

(L'article 34 quater est adopté.)

Article 34 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article additionnel après l'article 35

Article 35

Pour l’année 2017, les objectifs de dépenses de la branche Vieillesse sont fixés :

1° Pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, à 230,6 milliards d’euros ;

2° Pour le régime général de la sécurité sociale, à 125 milliards d’euros.

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer cet article fixant les prévisions de dépenses de la branche vieillesse pour 2017.

Comme je l’indiquais dans la discussion générale, je vous propose la suppression de cet article au même titre que l’ensemble des articles fixant les prévisions de dépenses, en conformité avec la position de la commission. Il s’agit pour nous de marquer notre désaccord, et pas de mener un combat.

Que contestons-nous ?

D’une part, l’orientation générale qui a été donnée à la politique du Gouvernement en matière de retraite : une seule réforme structurelle, et encore timide – l’allongement de la durée de cotisation me paraît, je l’ai dit, trop lent dans sa mise en œuvre –, et, au contraire, des mesures contestables : des hausses de cotisation vieillesse qui affaiblissent la compétitivité des entreprises ; un élargissement déraisonnable et trop coûteux de la retraite anticipée pour carrière longue ; la création du compte pénibilité, que je soutiens personnellement, mais dont la mise en œuvre est très difficile alors que l’État lui-même n’a rien fait jusqu’à présent pour ses agents, ceux des collectivités locales n’étant pas davantage concernés à ce jour.

D’autre part, les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fondent vos prévisions, en particulier celle de la croissance de la masse salariale à partir de 2018, nous paraissent un peu trop optimistes et peu crédibles.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous marquons notre désaccord en demandant la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le rapporteur, vous vous exprimez tellement gentiment… Malheureusement, je ne peux pas être favorable à votre amendement.

Je ne reprendrai pas l’ensemble des divergences entre nous : un certain nombre de vos collègues s’en sont chargés avec plus de conviction que vous semblez en avoir vous-même. Il existe deux orientations, deux visions, deux logiques différentes.

Je vous remercie de votre soutien personnel sur la pénibilité. La fonction publique compte des catégories actives, dont la situation doit être traitée au regard de la pénibilité. Mais on ne peut pas conserver à la fois les catégories actives et la pénibilité, puisque les premières ont été mises en place pour répondre aux situations particulières de contrainte ou de pénibilité de certaines professions. C’est donc l’évolution du système qu’il s’agit de concevoir.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement éminemment politique.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Évelyne Yonnet. Le retour à l’équilibre du régime général de retraite est aujourd’hui une réalité.

M. Didier Guillaume. Une vraie réussite !

Mme Évelyne Yonnet. Partant d’un déficit de 5 milliards d’euros en 2012, le solde de l’assurance vieillesse n’a cessé de s’améliorer jusqu’à retrouver l’équilibre en 2015, pour devenir excédentaire, avec plus de 1,1 milliard d’euros en 2016 et 2,7 milliards en 2017.

Nul ne peut contester cette réalité, et nous devrions tous nous en réjouir au regard de notre attachement, sur toutes les travées, au système de retraite par répartition et à l’indispensable confiance sur laquelle il doit reposer.

Il ne fait aucun doute que nous récoltons ici les fruits des différentes réformes de 2010 et de 2014 et de toutes les lois de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé depuis 2012. Les résultats sont là : chacun doit reconnaître le bilan responsable dans la gestion de l’assurance vieillesse.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prolonge les processus de simplification et d’accès aux droits engagés lors des dernières réformes.

Parmi les huit mesures dont nous venons de discuter, le texte a notamment pour objet d’élargir l’accès à la retraite progressive aux salariés exerçant une activité à temps partiel auprès de plusieurs employeurs, de supprimer les effets de seuil dans le régime de retraite de base des avocats. Nous pouvons noter ces avancées.

Plus structurellement, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 engage une réforme d’ampleur de l’affiliation des travailleurs indépendants et des professions libérales à l’assurance vieillesse, en posant les fondements d’un régime de base de retraite unique et élargi à l’ensemble des entrepreneurs.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas accepter la suppression de cet article. Nous condamnons votre obsession incompréhensible à ne pas reconnaître cette situation, qui, comme je le disais précédemment, est le résultat de l’ensemble des réformes conduites depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je vois bien que M. le rapporteur est un peu gêné dans sa défense de cet amendement de suppression. C’est normal.

Madame la ministre, je ne suis pas d’accord avec vous sur l’existence de deux projets différents. Non ! Il y en a plus, ou alors il y en a un seul. Votre projet est le même que celui de M. le rapporteur, qui ajoute simplement des annuités. Certes, vous ne prévoyez pas de reculer autant le départ à la retraite. Mais les communistes et les écologistes ne sont pas d’accord sur le fait de gérer le problème des retraites de l’assurance vieillesse simplement en ajoutant des années de cotisation. Notre politique n’est donc pas la même que vous.

Les communistes ont souvent proposé une meilleure répartition entre les revenus du capital et la rémunération des salaires. L’évasion fiscale ne doit pas être la seule méthode, pas plus que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Il y a d’autres propositions que celles de M. le rapporteur et des socialistes méritent d’être retenues. Vous pouvez ne pas les partager, mais ne dites pas qu’il y aurait seulement les propositions des socialistes et celles, pires, de la droite, avec un nouveau recul du départ à la retraite.

Mais nous avançons des solutions, de même que nos collègues communistes. Nous sommes, certes, minoritaires, mais nos mesures nous semblent réalistes, à condition de s’attaquer aux vraies causes de la pauvreté en France, qui ne sera pas résolue simplement en reculant le départ à la retraite. En effet, ce recul entraîne des recettes moindres pour l’allocation chômage, au détriment de l’UNEDIC. Si on maintient les salariés dans leur emploi, plus de jeunes resteront sans emploi.

Je sais que vous contestez cette idée : pour vous, il y a du travail pour tous, et il faut en créer toujours plus. Nous, nous sommes persuadés que le travail est limité et qu’il faut mettre en place une autre organisation de la société.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je partage les propos de Mme la ministre : Gérard Roche est un rapporteur de grand talent. Comme dirait ma grand-mère, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Il est si sympathique, et sa présentation est si avenante ! (Sourires.)

Mais supprimer cet article, c’est faire un projet de loi de financement de la sécurité sociale totalement boiteux. Les faits sont peut-être têtus, comme l’a dit Mme la ministre, mais l’équilibre des comptes de la sécurité sociale est réel aujourd’hui ; ce n’est pas une vision de l’esprit.

Voilà pourquoi, lorsque M. Desessard évoque le projet des socialistes et de la droite, ce n’est pas exact : c’est le projet du gouvernement de la France. Quel est-il ? Il vise à lutter contre la précarité. Or personne ne peut faire croire ici que, depuis quatre ans et demi ou cinq ans, nous n’avons pas lutté contre la précarité, avec toutes les mesures qui ont été prises. J’en veux pour preuve la prime d’activité pour donner des moyens décents aux personnes en difficulté, le compte personnel d’activité ou la garantie jeunes.

Nous pouvons effectivement avoir une vision différente. Selon M. Desessard, il faut moins travailler et partager plus le travail. Or nous nous situons au sein d’une Europe, avec des pays autour, de la compétitivité et de la concurrence. Pour nous, permettre aux Français les plus précaires de vivre un peu mieux, cela passe par des comptes tenus.

Sans débattre ici du budget de l’État, car ce n’est pas le sujet, nous devrions tous, sur toutes les travées, prendre acte que la sécurité sociale est quasiment revenue à l’équilibre, avec un déficit de 400 millions d’euros, alors qu’elle était déficitaire de plusieurs milliards d’euros lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2012. Ce n’est pas du débat politicien ; c’est un fait acquis !

C’est la raison pour laquelle je soutiens fortement ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Monsieur le rapporteur, reconnaissez en toute franchise que cet article fondamental ne peut pas être supprimé, car il tend à acter ces chiffres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Ce débat est similaire à celui que nous avons eu sur la politique familiale.

Au fond, que reprochez-vous au Gouvernement ? Vous dénoncez essentiellement deux mesures : d’une part, la retraite anticipée pour carrière longue, que vous jugez déraisonnable, alors qu’elle correspond – vous le savez bien, monsieur le rapporteur – à un souci de justice et de prise en compte de la situation difficile qu’ont vécue certaines personnes, privées de cette retraite ; d’autre part, les élargissements successifs des trimestres réputés validés, autre mesure conforme aux engagements qui avaient été pris en début de quinquennat.

Comme tout à l’heure pour la politique familiale, vous dites que, en l’absence de politique structurelle, il convient de voter la suppression de cette mesure, à l’instar de ce qui s’était passé l’année dernière. Dans ce cas, pourquoi ne précisez-vous pas les réformes structurelles que vous pourriez mettre en œuvre ? Là, nous aurions un débat d’égal à égal, et profondément politique.

Mme Catherine Procaccia. Le débat aura lieu dans les urnes !

Mme Nicole Bricq. Ici aussi, j’attends de voir les propositions des candidats à la primaire de votre mouvement. Peut-être entendrons-nous parler ce soir de réformes structurelles. Cela n’a pas été le cas jusqu’à présent.

M. Jean Desessard. Fillon va donner la solution ce soir ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur. Si nous marquons notre désaccord, c’est parce que certains éléments nous dérangent et ne nous permettent pas de vous donner un blanc-seing.

L’élargissement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue est coûteux, puisqu’il est évalué à 3 milliards d’euros. En outre, nul ne peut nier le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, qui est toujours de 3,8 milliards d’euros.

Mme Nicole Bricq. Allez-vous revenir dessus ?

M. Gérard Roche, rapporteur. Il n’est pas exact de dire que nous n’avons formulé aucune proposition. J’ai notamment soumis l’année dernière au Sénat un amendement pour fixer le seuil de la retraite à soixante-trois ans, afin d’harmoniser ce régime avec celui des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO. Mais vous ne l’aviez pas voté. Si je ne l’ai pas représenté cette année en raison du contexte actuel, des projets des différents candidats.

Nous avons formulé de nombreuses propositions.

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. Gérard Roche, rapporteur. À propos du FSV, certaines des dispositions qui figuraient dans le rapport que Catherine Génisson et moi-même avons élaboré ont été reprises, ce dont je vous remercie. Il était question de supprimer la section 2, de faire passer le minimum contributif sur la Caisse nationale de l’assurance vieillesse des travailleurs salariés.

Ne dites pas que nous n’avons pas fait de propositions.

Mme Nicole Bricq. Elles n’étaient pas structurelles !

M. Gérard Roche, rapporteur. Reporter l’âge de la retraite d’un an, c’est une proposition structurelle !

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Les retraites sont en voie d’équilibre grâce à une réforme de 2010 qui a permis des économies à hauteur de 6 milliards d’euros, et aux décisions prises en 2012 sur les 3 milliards d’euros de dépenses. Je mentionne l’allongement de la durée des cotisations. Le compte pénibilité, cela a été dit, était complètement ingérable.

Pour que les retraites soient à l’équilibre, le Gouvernement prévoit une augmentation de la masse salariale d’environ 4 % en 2020, alors qu’elle n’était que de 1,5 % en 2015. L’équilibre étant extrêmement fragile, M. le rapporteur a indiqué que d’autres solutions pourraient être retenues, comme l’allongement de la durée des cotisations avec, pour corollaire, un recul du départ à la retraite. Les bénéfices attendus serviront à augmenter les petites retraites, par exemple celles des agriculteurs ou des artisans, qui sont trop basses. La précarité très importante de certaines catégories de retraités doit en effet être diminuée.

C’est un choix différent que nous soutiendrons en votant l’amendement de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je voudrais également soutenir la proposition de M. le rapporteur.

M. Jean Desessard. Le Bon Dieu sans confession !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je ne reviendrai pas sur les observations tout à fait exactes de M. Chasseing.

Lorsque nous désapprouvons un tableau d’équilibre, aucune obligation n’oblige à en présenter un autre. Nous avons déjà pratiqué cet exercice. Vous nous l’avez reproché, car c’était compliqué et imposait de modifier toute la loi parfois juste pour quelques chiffres différents.

Nous manifestons seulement notre désaccord ; M. le rapporteur vient d'en repréciser les motifs. Pourquoi serions-nous obligés de faire une contre-proposition, comme ce fut le cas, notamment sur l’âge de départ à la retraite ?

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas structurel !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Tôt ou tard, on y viendra.

Nous avons déjà, peu ou prou, démontré que l’on ne sera pas à l’équilibre en 2020 ou en 2030, comme vous l’espérez. Néanmoins, nous doutons que les bases de calculs soient automatiquement vérifiées en 2020, en 2025 ou en 2030. Il est important de le comprendre.

Par ailleurs, nous avons toujours proposé ici, comme tous les autres groupes, un système par répartition ; mais nous prônons un système de répartition par points.

Mme Catherine Génisson. C’est une vraie réforme !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C’est une vraie proposition.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Elle permettrait certainement de rapprocher tous les régimes de façon progressive, relativement indolore en profitant, nous l’espérons, de la croissance à venir. Mais je suis l’un des premiers ici à avoir développé cette idée, qui est aujourd’hui partagée sur toutes les travées.

Mme Françoise Gatel. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ne dites pas que nous n’avons aucune proposition. Simplement, nous ne sommes pas d’accord avec l’article 35.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous avons travaillé sur des éléments bien précis visant à une adaptation de notre système de retraite au XXIe siècle. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de conduire ce groupe de réflexion avec un certain nombre d’économistes pour envisager une universalité du système de retraite.

On n’y échappera pas. Si nous voulons garantir une plus grande équité, nous devons mettre en place un système par points progressivement, sur un certain nombre d’années, afin de prendre en compte ces régimes très particuliers issus de l’histoire. Ceux-ci ne doivent pas être méprisés, mais il faut les adapter à notre temps à travers des propositions précises. Nos candidats auront évidemment l’occasion de les exposer de manière un peu plus spécifique. Ne nous prenez pas pour des billes à longueur de débats ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Nous réfléchissons également, mais si nous ne votons pas un certain nombre de crédits, c’est parce que nous avons d’autres idées derrière la tête. Mais ce débat n’est pas forcément le bon moment pour les exposer.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Ce débat est récurrent, mais important. M. Guillaume a surtout mis l’accent sur l’équilibre financier de notre système d’assurance vieillesse, équilibre qui n’est pas encore là si l’on prend en compte tous les paramètres.

Il a surtout mis en exergue des résultats dans la lutte contre la précarité.

Or les mesures prises à travers des lois successives en 2003, 2010 ou 2014 ont d’abord contribué au recul de l’âge effectif de départ à la retraite. Si cela a pu entraîner des économies en faveur du système de retraite, cela a probablement également transféré des dépenses, notamment vers des systèmes de solidarité. En effet, nous le savons, les seniors sont éjectés de l’emploi, parfois bien avant d’avoir atteint soixante ans. En tout cas, nombre de ceux qui auraient pu prétendre à une retraite à soixante ou soixante et un ans seront d’abord éligibles au système d’assurance chômage, puis au RSA. Ce n’est pas vraiment une situation enviable…

Considérons les perspectives du Conseil d’orientation des retraites. Avec cette logique consistant à prolonger continuellement l’âge de départ à la retraite et à instaurer toujours plus de contraintes, plus de décote, le taux de remplacement va s’effondrer.

M. Dominique Watrin. Le niveau moyen des pensions de retraite va, dans les hypothèses les plus défavorables, peut-être tomber à 35 % du niveau moyen des salaires !

Jean Desessard a parfaitement souligné les autres pistes.

Je voudrais évoquer le système par points, qui existe en Suède. De quoi s’agit-il ? De comptes notionnels, à cotisations définies, mais à prestations non définies. Cela signifie que les pensions de retraite deviennent les variables d’ajustement, au détriment des retraités.

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 35 est supprimé.

Article 35
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017
Article 36

Article additionnel après l'article 35

M. le président. L'amendement n° 393, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Après l'article 35

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2017, un rapport relatif à l'opportunité de la mise en place d'une pension minimum pour tous les retraités travailleurs indépendants et agriculteurs et sur le rôle de la solidarité nationale dans le financement de ces régimes de retraite.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, 800 euros, c’est le montant de la pension mensuelle moyenne des retraités agricoles. Ce chiffre reflète la situation de pauvreté extrême de la plupart des retraités agricoles, dont un grand nombre de femmes qui ont collaboré à l’activité agricole, sans véritable statut.

Si nous sommes bien conscients, que des efforts ont été réalisés depuis cinq ans, force est de constater que la revalorisation à 75 % du SMIC n’est toujours pas atteinte et que les caisses de la Mutualité sociale agricole se vident, faute d’argent et de cotisants.

Face à cette situation alarmante, il est nécessaire de considérer la mise en place d’un revenu plancher et de son abondement par le régime général au titre de la solidarité nationale. Je demanderais bien l’application immédiate d’une telle mesure, mais mon amendement serait sans doute déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

C’est pourquoi nous demandons la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je n’ai pas la possibilité d’agir autrement ! Le rapport serait relatif à l’opportunité de mettre en place d’une pension minimum pour tous les salariés, travailleurs indépendants et agriculteurs, et portant sur le rôle de la solidarité nationale dans le financement de ces régimes de retraite.