M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, dans leur rapport de 2014 rédigé au nom de la délégation sénatoriale à l’outre-mer sur les niveaux de vie dans les outre-mer, Éric Doligé et Michel Vergoz résumaient la situation actuelle des territoires ultramarins en ces termes : « Îlots de prospérité dans leurs environnements régionaux respectifs grâce aux politiques publiques menées depuis la Libération, les outre-mer, à des degrés divers, accusent cependant un net retard de développement par rapport à l’hexagone, retard qui se mesure parfois en dizaines d’années et dont la résorption se ralentit aujourd’hui, voire pour certains territoires tend à se creuser à nouveau. »

Ce constat est ancien et constant. Certes, au sein de leur environnement régional, nos territoires ultramarins, quels que soient leur statut institutionnel au sein de notre République et leur situation géographique, représentent un îlot de prospérité en comparaison de leurs voisins. Cependant, les écarts de niveaux de vie entre les populations ultramarines et la population hexagonale demeurent importants. Cette injustice est d’autant plus mal perçue que les Ultramarins bénéficient des mêmes droits que leurs concitoyens de l’Hexagone. Les événements sociaux dans les Antilles en 2008 et, plus récemment, à Mayotte en 2011 et à La Réunion en 2012 témoignent d’une certaine exaspération des populations ultramarines et de leur volonté de parvenir à un niveau de vie équivalent.

Pouvons-nous accepter qu’un peu moins de 3 millions de nos concitoyens ultramarins ne bénéficient pas des mêmes droits économiques et sociaux que ceux qui vivent dans l’Hexagone ? Bien sûr que non ! Il convient dès lors de fixer un socle juridique et économique opérationnel, afin d’aider les territoires ultramarins à définir les voies de leur développement qui leur paraissent les plus adaptées. Il convient d’être attentif aux propositions formulées par notre collègue rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Victorin Lurel, dans le cadre d’une mission destinée à réfléchir – vous y faisiez référence, madame la ministre – aux moyens de parvenir à une égalité réelle entre les territoires ultramarins et l’Hexagone. Ce projet de loi, que nous examinons à partir d’aujourd’hui, tente d’y apporter une réponse.

Cette recherche d’une égalité réelle entre territoires ultramarins et territoire hexagonal, que vous appelez de vos vœux, madame la ministre, est évidemment partagée par le Sénat. On peut cependant regretter que ce projet de loi arrive tardivement, en fin de législature, éveillant chez certains de nos collègues un soupçon d’affichage à la veille des prochaines échéances électorales.

Par ailleurs, le fort enrichissement de ce texte par l’Assemblée nationale a affaibli la portée initiale du projet de loi, en y intégrant des « cosmétiques » législatifs, souvent sans portée normative. D’autres ajouts sont satisfaits par le droit en vigueur. Enfin, plusieurs, sous couvert d’apporter à nos concitoyens ultramarins des dispositifs ambitieux, soulèvent d’importantes questions juridiques, souvent d’ordre constitutionnel.

Voilà pourquoi la commission des lois a souhaité redonner un souffle à ce projet de loi, qui en avait perdu à la suite de son adoption par l’Assemblée nationale. Elle a suivi deux directions.

La première a consisté à supprimer toutes les dispositions inutiles, non normatives ou déjà satisfaites par le droit en vigueur. La commission a également supprimé les dispositions qui soulèvent de nombreux risques d’inconstitutionnalité, à titre conservatoire, afin que le Gouvernement puisse déposer des amendements solides, ce que vous avez fait, madame la ministre.

Ainsi, à propos des dix-huit demandes de rapport du Gouvernement au Parlement, votre commission des lois a estimé que ces rapports ne sont pas toujours remis au Parlement, a fortiori dans les délais impartis. Le Gouvernement devrait plutôt se doter d’outils statistiques nécessaires pour suivre dans la durée l’évolution de la situation des collectivités ultramarines plutôt que d’encombrer l’administration centrale de demandes de rapports à remettre au Parlement au moment où les actions de convergence sont prioritaires. La commission a néanmoins conservé les deux rapports présentant un intérêt dans le cadre des plans de convergence prévus par le présent projet de loi, en matière de prospérité économique, d’une part, et de connectivité dans les domaines des transports et des déplacements, d’autre part. Elle a en revanche supprimé toutes les autres demandes de rapport.

Sa position a été identique à l’article 17, relatif à la discrimination en matière de domiciliation bancaire, qui remettrait en cause la récente harmonisation des critères de discrimination opérée dans les champs civil et pénal.

Votre commission a supprimé à titre conservatoire l’article 19, prévoyant un Small Business Act, en ce qu’il soulevait un problème de constitutionnalité. Je remercie le Gouvernement des réponses qu’il a apportées à nos interrogations, et je me félicite du travail effectué par notre collègue Michel Magras ; nous soutenons son amendement.

Tout en partageant l’objectif de renforcement du dispositif de lutte contre le fléau de l’orpaillage illégal en Guyane, votre commission a supprimé à titre conservatoire l’article 29 bis, qui confère aux officiers de police judiciaire, ainsi qu’aux agents de police judiciaire, dans le seul cadre du dispositif de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, le pouvoir de procéder à des confiscations et destructions de biens ayant servi à une exploitation minière illégale. Ces décisions relèvent exclusivement de la compétence des autorités judiciaires. Les dispositions retenues par l’Assemblée nationale se révèlent donc contraires à la Constitution. Or, pour combattre le fléau de l’orpaillage clandestin, on ne peut pas se contenter de dispositions d’affichage : il nous faut adopter des dispositifs pleinement opérationnels et solides juridiquement.

Enfin, la commission a supprimé l’article 48, estimant qu’une telle disposition était dénuée de portée juridique et que cadastrer l’ensemble du territoire guyanais, outre les moyens colossaux que cela nécessiterait, présentait un intérêt fiscal limité.

Le deuxième axe qui a irrigué les travaux de notre commission des lois a consisté à renforcer la cohérence juridique des dispositifs proposés.

Ainsi, à l’article 3 bis, la commission a supprimé la disposition selon laquelle la continuité territoriale devrait être assurée « indépendamment de l’obtention d’une quelconque autorisation préalable émanant d’un État tiers », estimant que cette précision portait atteinte à la souveraineté des États concernés.

À l’article 4, elle a simplifié l’architecture du dispositif des plans de convergence, en s’inspirant des propositions formulées par M. Lurel dans son rapport du mois de mars 2016. Les plans de convergence prévoiraient ainsi dès leur signature le choix du dispositif contractuel mis en œuvre et les actions à entreprendre, ainsi que leur programmation financière, à charge pour les signataires de les préciser dans des contrats de plus courte durée. Ce dispositif permet de concilier programmation à long terme et souplesse.

Enfin, à l’heure où nous parlons d’égalité réelle, je souhaite que soit aussi évoquée la différenciation territoriale, chère à notre collègue Michel Magras ; elle fait la richesse de notre pays, à condition qu’il se saisisse de cette chance. Notre défi est de prendre en compte les spécificités des territoires ultramarins pour, en fonction des situations, tirer chaque fois le meilleur parti de leurs atouts, tout en corrigeant leurs faiblesses. C’est à cette condition que nous parviendrons à réduire les différences et à avoir une convergence entre outre-mer et Hexagone.

Tels sont les principaux apports de la commission des lois du Sénat, qui clarifient un texte dont nos concitoyens d’outre-mer sont en droit d’attendre moins de postures que de dispositions efficaces et applicables.

Je tenais à remercier Mme la ministre de son écoute permanente. Je me félicite du travail que nous avons pu réaliser avec l’ensemble des rapporteurs pour avis. Mes remerciements s’adressent également à M. le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’à M. le président de la commission des lois.

Enfin, je remercie M. le président du Sénat d’avoir permis la création de la délégation à l’outre-mer, donnant ainsi l’occasion aux sénatrices et aux sénateurs de l’Hexagone qui le souhaitent de travailler utilement sur ces dossiers.

M. Jean-Louis Carrère. La délégation à l’outre-mer a été créée sous la présidence de Jean-Pierre Bel !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est en quelque sorte un aboutissement. Il permettra de reprendre des dispositions importantes du rapport relatif au foncier – c’est un problème épineux ! – que nous avons rédigé sous la présidence de Michel Magras. Je crois que nous avons là un bel exemple du pragmatisme que vous avez appelé de vos vœux, madame la ministre, en citant le général de Gaulle.

Le Sénat a montré qu’il était plus que jamais la voix des territoires, de tous les territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Magras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, en ma qualité d’Ultramarin, mais également de président de la délégation à l’outre-mer, je souhaite vous remercier de vos propos introductifs. Ils témoignent, s’il en était besoin, de la fidélité et de la force de votre engagement au service des outre-mer. Je crois que nos populations et nous tous dans cet hémicycle vous en sommes particulièrement reconnaissants.

Saisie des vingt-cinq articles du volet économique de ce projet de loi, la commission des affaires économiques s’est efforcée non seulement d’en améliorer la cohérence et le réalisme, mais aussi de lui donner un peu plus de « percussion ».

M. Charles Revet. Très bien !

M. Michel Magras, rapporteur pour avis. Chacun l’a constaté, ce projet de loi a changé de volume et de nature après son passage chez nos collègues députés. Pour tirer le meilleur parti de cette rafale de 116 mesures, six commissions sénatoriales ont été saisies.

Pour notre part, nous faisons observer que le socle juridique opérationnel pour le législateur dans le domaine économique, c’est l’adaptation aux réalités et la différenciation. Nous avons entendu les propos de M. le rapporteur de la commission des lois à cet égard.

Sur cette base, notre approche de ce volet économique répond à trois lignes directrices.

D’abord, nous avons approuvé sans modification ou en nous limitant à des correctifs rédactionnels plusieurs dispositions pour favoriser les échanges de courriers entre les outre-mer et l’Hexagone, la continuité territoriale et l’aide à la formation des jeunes Ultramarins. Encore faut-il que ces aides n’alimentent pas une hausse des prix des billets d’avion.

Ensuite, pour ce qui concerne les modifications du code de commerce et l’enjeu fondamental de la formation des prix dans les outre-mer, nous avons d’abord remis de la cohérence entre des dispositions contradictoires, les unes visant à lutter contre la vie chère et les autres contre les denrées alimentaires à bas prix. Attention ! Pour protéger les producteurs locaux, on nous propose un remède miracle : endiguer les importations de denrées alimentaires à bas prix. Mais les consommateurs pauvres qui les achètent n’ont de toute manière pas vraiment les moyens de choisir autre chose.

Par conséquent, je souligne que, pour véritablement aider l’agriculture locale, il faut aussi, et surtout, lutter contre les ravageurs et contre toutes les normes qui nous sont appliquées outre-mer, pénalisant considérablement la production locale. En ce sens, à la suite d’un excellent rapport réalisé en son sein, notre délégation a proposé une résolution, que le Sénat a adoptée à l’unanimité et qui fait son petit chemin auprès de la Commission européenne, pour tenter d’adapter les normes européennes aux réalités de nos territoires.

Il est également impératif de trouver le bon curseur pour l’intervention de l’administration dans la fixation des prix en outre-mer. L’automaticité et l’ampleur du rôle dévolu au préfet nous ont paru un peu excessives dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Dans le même temps, souvenons-nous que les prix à la consommation sont un sujet explosif. L’État doit y être attentif et pouvoir utiliser au bon moment des moyens d’action efficaces et bien ciblés, sans pour autant tomber dans l’interventionnisme systématique.

Enfin, nous vous proposons de faire preuve d’audace en soutenant l’idée d’une expérimentation d’un Small Business Act ultramarin et en fortifiant le dispositif.

Certes, nous avons bien conscience que le juge constitutionnel est attentif au respect du principe de libre accès à la commande publique, mais, d’une part, nous proposons une expérimentation limitée à cinq ans et, d’autre part, les outre-mer bénéficient en droit européen et en droit français de larges possibilités d’adaptation. Je me permets de faire référence à la récente décision judiciaire européenne connue sous le nom d’arrêt Mayotte, qui a montré que l’article 349 du traité fondateur de l’Union européenne n’était pas suffisamment appliqué, alors que ce dispositif offre des possibilités particulièrement intéressantes d’adaptation du droit européen aux réalités de nos territoires.

Plus fondamentalement, il nous a semblé impératif de favoriser l’émergence de nouveaux candidats susceptibles, au final, de fortifier la libre concurrence. De ce point de vue, nous estimons qu’il serait dommage que le législateur s’autocensure en se pliant par avance à une conception selon moi trop statique du principe de libre accès à la commande publique.

Une telle initiative doit favoriser les réseaux de micro-entreprises ultramarins. De tels réseaux, qui ont une réactivité exceptionnelle, ont fait de l’Italie du Nord la deuxième région industrielle de l’Europe. Nos outre-mer pourraient s’en inspirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – MM. Jeanny Lorgeoux et René Vandierendonck applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a été saisie pour avis sur vingt-neuf articles du projet de loi, dont vingt-cinq nous ont été délégués au fond.

Je dois vous dire qu’il m’est assez difficile de vous donner une vision d’ensemble du volet social de ce texte, tant les sujets abordés sont divers. Sur l’assurance maladie et la santé, sur la politique familiale, sur l’assurance vieillesse, sur la solidarité et le logement et, enfin, sur l’emploi et la formation professionnelle, les dispositions sont éparpillées, souvent adoptées dans la précipitation ; elles ne sont parfois que de complaisance et ne sont pas toujours assorties d’une étude d’impact. Par exemple, sur le volet famille, nous avons pour plusieurs prestations sociales, comme le complément familial, une série de revalorisations ciblées et d’extensions partielles, sans réflexion préalable ni remise à plat de dispositifs qui se sont empilés et complexifiés au fil du temps.

Voilà pourquoi la commission des affaires sociales vous propose de supprimer plusieurs dispositions du texte transmis par l’Assemblée nationale ; nous les avons considérées comme étant trop peu normatives ou déjà satisfaites par d’autres pans du droit, ou comme ayant un simple objectif d’affichage. Ces propositions de suppression, il est vrai nombreuses, ne constituent cependant pas une posture politique. Nous sommes ainsi favorables à l’adoption de plusieurs des amendements extérieurs présentés sur le texte dès lors qu’ils nous semblent répondre de manière satisfaisante à un problème qui se pose effectivement dans les territoires ultramarins.

Nous avons par ailleurs souhaité enrichir nous-mêmes le texte en déposant un amendement visant à une convergence progressive, sur dix ans, du taux de la cotisation sociale sur les boissons alcooliques entre les outre-mer et l’Hexagone. En effet, s’il doit y avoir un domaine où l’égalité parfaite est la seule acceptable, c’est bien celui de la santé. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de débattre en profondeur de cette disposition.

Je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur la notion d’« égalité réelle ». Bien que l’expression ait déjà été actée dans le titre d’un autre texte du quinquennat, je vous avoue ici ma grande perplexité. Cela signifierait-il donc qu’il pourrait exister a contrario une égalité qui ne serait que de principe, sans se traduire dans les faits ? Ce serait là, me semble-t-il, reconnaître l’impuissance des textes que nous adoptons, ainsi que des politiques publiques menées dans notre pays. Face pourtant aux défis majeurs auxquels doivent faire face plusieurs de nos territoires, je crois que nous devrions ici, sans nous attacher à des concepts qui ne sont bien souvent que d’affichage, privilégier une approche plus claire et sans doute plus adaptée aux diverses situations de ces territoires.

Je m’interroge également sur l’application de la notion d’égalité réelle à l’ensemble des outre-mer. Il me semble en effet que l’objectif n’est pas ici d’aboutir à une uniformité complète entre ces territoires et l’Hexagone. De toute manière, cette uniformité serait chimérique, tant les enjeux et les situations de développement sont contrastés. Je crois au contraire que nous devons prendre en compte ces différences et définir, en tenant compte des spécificités de chaque territoire, une dynamique de convergence plutôt qu’un objectif d’égalité parfaite, en tout état de cause inatteignable.

Madame la ministre, je vous remercie de votre écoute attentive. Nos échanges ont été fructueux. Nous partageons, je crois, une même ambition pour les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Vivette Lopez, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, au titre de sa compétence en matière d’éducation, de langue française et de communication audiovisuelle, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis de sept articles. Aucune de ces dispositions ne figurait dans le projet de loi initial ; trois sont toutefois issues d’amendements du Gouvernement. L’examen de quatre de ces dispositions nous a été délégué au fond par la commission des lois, les trois autres ne faisant l’objet que d’un simple avis.

L’article 13 C, qui prévoit d’étendre le champ des activités financées par le Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif, le FEBECS, aux échanges scolaires dans l’environnement régional des territoires ultramarins, et l’article 13 E, qui habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à une révision des dispositions de nature législative du code de l’éducation spécifiques à l’outre-mer, ne posent pas de difficulté particulière. C’est pourquoi notre commission a proposé à la commission des lois de les adopter avec une modification rédactionnelle à l’article 13 C.

L’essentiel des débats au sein de la commission de la culture a porté sur l’article 13 bis, qui permet au Gouvernement de rendre, à titre expérimental, et pour une durée de trois ans, l’instruction obligatoire pour les enfants de trois à dix-huit ans dans les départements et régions d’outre-mer. Cette disposition constitue une réponse symbolique à l’illettrisme et au décrochage scolaire, qui présentent une acuité particulière en outre-mer. Sans méconnaître ces problèmes, notre commission a estimé que cette mesure n’était pas pertinente.

S’agissant de l’abaissement à trois ans de l’obligation d’instruction, le premier obstacle à la scolarisation des enfants âgés de trois à six ans est la faiblesse de l’offre dans certains territoires, et non son caractère facultatif. En effet, aux Antilles et à La Réunion, comme en métropole, la quasi-totalité des enfants concernés sont scolarisés, sans qu’il existe d’obligation à ce sujet. Là où elle n’est pas encore la règle, cette obligation paraît peu réaliste, en particulier à Mayotte, où l’on peine à scolariser dans des conditions dignes tous les enfants déjà soumis à l’obligation scolaire, c’est-à-dire âgés de six à seize ans.

De plus, étendre l’obligation de scolarité de seize à dix-huit ans pose de nombreux problèmes. La poursuite d’études dans l’enseignement supérieur peut-elle revêtir un caractère obligatoire ? Est-ce pertinent de contraindre les jeunes décrocheurs, qui sont souvent en rupture avec l’école ou souhaitent entrer rapidement dans la vie active, à demeurer dans le système scolaire jusqu’à leur dix-huitième anniversaire ?

Ces raisons ont déterminé notre commission à proposer la suppression de cet article. Au-delà de l’affichage, il s’agit d’une mesure irréaliste et impraticable, du fait de l’absence d’une réflexion d’ensemble sur l’architecture du système éducatif.

En ce qui concerne les dispositions relatives à la culture, la commission s’est vue déléguer l’examen de l’article 21 et s’est saisie pour avis des articles 20 et 21 bis.

À l’article 21, notre commission a supprimé les dispositions relatives à la valorisation des cultures des outre-mer et à la représentation de la diversité, par coordination avec les dispositions de l’article 46 du projet de loi Égalité et citoyenneté et par cohérence.

Elle n’a émis aucune objection à la possibilité d’éditer des documents d’état civil – à l’instar des livrets de famille – rédigés en français et dans une langue régionale, pourvu que seule la version française fasse foi. Elle a également émis un avis favorable à l’institution d’un grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinenges auprès de la collectivité territoriale de Guyane.

Enfin, s’agissant des dispositions relatives aux médias, notre commission a adopté un amendement à l’article 34 bis, qui étend aux médias privés l’obligation de rendre compte des résultats des élections générales, afin que les territoires d’outre-mer ne soient pas oubliés, comme cela a pu être le cas dans le passé.

Comme vous pouvez le voir, mes chers collègues, notre commission a œuvré dans le sens d’une amélioration des dispositions du projet de loi qui lui ont été soumises, en recherchant toujours la concision et la simplification. Comme tant d’autres, ce projet de loi en a bien besoin ! À ce titre, nous saluons le travail réalisé par la commission des lois, qui vise à recentrer le projet de loi sur son ambition initiale, en se défaisant des dispositions inutiles. Je voudrais également remercier Mme la ministre de son écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Mayet, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis de ce texte, afin d’en analyser les dispositions qui relèvent de son champ de compétences. Elle s’inscrit ce faisant dans la continuité du travail qu’elle a déjà mené à ce sujet en 2015. Jérôme Bignon et Jacques Cornano avaient alors remis un rapport d’information consacré aux outre-mer face au défi climatique, élaboré avec la délégation sénatoriale à l’outre-mer, qui avait été l’occasion de débats approfondis.

Pour examiner le présent projet de loi, la commission s’est penchée sur quatre axes : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel ; les énergies renouvelables ; les transports et la mobilité outre-mer ; la gestion des déchets. Malheureusement, si la promesse faite dans l’intitulé du projet de loi est ambitieuse, les dispositifs proposés dans chacun de ces domaines ne le sont pas.

Premier axe : la biodiversité et la protection du patrimoine naturel.

Vous le savez, mes chers collègues, les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité nationale, 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes vasculaires spécifiques à la France. Des risques importants pèsent sur cette biodiversité : quatre des cinq points chauds français se situent dans les outre-mer. Pourtant, le projet de loi ne comporte aucune disposition relative à la reconquête de la biodiversité.

Quatre articles du texte issu de l’Assemblée nationale traitent indirectement de la protection du patrimoine naturel en prévoyant le renforcement des dispositifs de contrôle. Cependant, ils apparaissent anecdotiques au regard des dispositifs existants, nationaux ou locaux. La commission des lois en a d’ailleurs supprimé deux en raison de leur fragilité juridique.

Les initiatives locales ne manquent pourtant pas dans ce domaine. Je pense, par exemple, au programme de lutte contre les espèces exotiques envahissantes mené par le gouvernement de la Polynésie française, qui a pour objectif de former les populations. La réserve nationale naturelle de Saint-Martin a également été à l’origine de la création de l’Institut caribéen de la biodiversité insulaire.

Deuxième axe : les énergies renouvelables.

L’indépendance énergétique est un enjeu stratégique majeur pour les régions insulaires. Elles disposent des énergies renouvelables parmi les plus avancées : hydroélectricité, photovoltaïque, éolien ou biomasse issue de la bagasse de canne à sucre. Pourtant, la consommation d’énergie primaire des territoires ultramarins reste très dépendante des énergies fossiles. Or on ne trouve aucune disposition à ce sujet dans le projet de loi. Cela est particulièrement regrettable lorsqu’on constate, par exemple, que 80 000 Guyanais ne sont pas raccordés au réseau et que 12 000 d’entre eux doivent produire eux-mêmes leur électricité, à l’aide de groupes électrogènes.

Troisième axe : la mobilité et les transports.

Le développement des infrastructures, comme des services de transport, est un enjeu fondamental pour renforcer l’attractivité des outre-mer et favoriser leur développement économique et touristique, en aidant certains territoires à sortir de leur enclavement. Les outre-mer possèdent en moyenne moins de deux kilomètres de voirie départementale pour 1 000 habitants, contre 5,8 kilomètres pour 1 000 habitants dans l’Hexagone. Les services collectifs de transport ne sont pas suffisamment développés. Le constat n’est guère plus encourageant pour les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Face à cette situation, le texte ne prévoit aucune mesure concrète, à part la remise de rapports du Gouvernement au Parlement.

Quatrième axe : le traitement des déchets, un enjeu sanitaire et environnemental capital en outre-mer.

Si des progrès importants ont été réalisés depuis une vingtaine d’années, avec la fermeture de nombreuses installations non autorisées, les décharges y seront partout saturées d’ici à deux ou trois ans. Aucun territoire, hormis la Martinique, n’est doté d’une installation d’incinération ou de méthanisation des déchets.

L’article 22, qui inscrit dans la loi le principe d’actions et de soutiens spécifiques dans les outre-mer pour améliorer l’efficacité des filières de recyclage, n’emporte pas d’effet réel. Ce qu’il prévoit est d’ailleurs déjà pris en compte par les nouveaux cahiers des charges des éco-organismes des filières papier et emballages issus des arrêtés des 21 octobre et 2 novembre 2016. Nous avons la même analyse pour l’article 24 bis sur la valorisation énergétique des déchets, qui a été supprimé par la commission des lois.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a donc exprimé des réserves sur l’efficacité d’un tel empilement de mesures : elles sont peu normatives et souvent illisibles ; elles n’emportent pas d’effet juridique et, surtout, consacrent une trop faible part aux enjeux de développement durable et d’aménagement du territoire. Malgré ce manque d’ambition, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi de nature transversale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)