M. le président. L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Soilihi, Mayet, D. Laurent, Huré et Legendre, est ainsi libellé :

Avant l'article 29 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 21-7 et 21-11 du code civil sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le département de Mayotte, ces dispositions sont applicables lorsque l’un au moins des parents se trouve en situation régulière au moment de la naissance de l’enfant. »

La parole est à M. Abdourahamane Soilihi.

M. Abdourahamane Soilihi. Les deux sénateurs de Mayotte parlent d’une même voix !

Il s’agit de stopper l’immigration illégale dans le département de Mayotte. Madame la ministre, les événements qui ont secoué le territoire pendant l’année 2016 doivent nous conduire à envisager, sans tabous ni dogmatisme, toutes les mesures nécessaires pour juguler ce phénomène qui mine la société mahoraise.

En effet, tous les efforts qui sont consentis pour améliorer les services publics de l’éducation et de la santé sont anéantis par l’arrivée massive et incontrôlée de personnes originaires des Comores, mais aussi, désormais, de Madagascar et d’autres pays d’Afrique.

Avec ses seulement 374 kilomètres carrés, Mayotte est trop petite pour supporter un tel afflux ! Les parlementaires mahorais lancent un cri d’alarme. La situation est grave ! Pensez à ces femmes qui franchissent le bras de mer séparant Mayotte des Comores au péril de leur vie, simplement pour accoucher sur notre territoire, afin que leur enfant puisse obtenir la nationalité française par application du droit du sol.

J’espère que nos collègues soutiendront cet amendement tout à fait justifié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il n’est nullement question de stigmatiser, d’instrumentaliser ou d’extrapoler la situation de Mayotte, bien au contraire !

Personne ne peut contester le constat dressé par nos deux collègues, à qui nous apportons notre plein soutien moral, et je souscris aux propos de M. Mohamed Soilihi. On ne peut que reconnaître la singularité et le caractère exceptionnel de la situation de Mayotte.

Il est nécessaire aujourd’hui de prendre toute la dimension du problème. Pour autant, cela ne doit pas nous amener à occulter la réalité constitutionnelle : est-il conforme à la Constitution de fixer des règles d’accession à la nationalité différentes selon les parties du territoire de la République ? Au-delà de la préoccupation, tout à fait légitime, de lutter contre l’immigration irrégulière, il y va de notre conception commune de la Nation. C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant parfaitement les arguments qui ont été avancés par nos collègues, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, ministre. Messieurs les sénateurs, vous connaissez mieux que quiconque la situation mahoraise, car vous la vivez. Je la connais aussi un peu, en tant que Réunionnaise, sachant que nous vivons la même réalité sur notre île, dans une moindre mesure.

La situation est difficile, même douloureuse, tant pour la population française du département français de Mayotte que pour ces enfants, ces femmes, ces hommes qui traversent la mer au péril de leur vie dans l’espoir de pouvoir vivre dignement ailleurs que chez eux.

Sur ce sujet, qui nous touche tous, le Gouvernement agit depuis le début du quinquennat en prenant des mesures renforcées, suivant la volonté des Premiers ministres et du Président de la République. Nous mobilisons des moyens pour aider la population, en investissant dans l’école, dans la sécurité, au plus près des collectivités. Nous avons ainsi remboursé, au titre de l’aide sociale à l’enfance, une dette de l’État à la collectivité départementale de Mayotte remontant à 2009, d’un montant de 42 millions d’euros.

Par ailleurs, sur le plan diplomatique, nous avons entrepris une action de rapprochement avec l’Union des Comores, en diligentant la mission Queyranne-Darcos.

Au-delà, la République est une et indivisible s’agissant des lois de souveraineté, dont font partie les lois de nationalité. Nous devons nous tenir à ce principe de façon ferme et définitive, sans jamais remettre en cause les valeurs qui nous unissent.

Enfin, ces amendements ne sont pas conformes à la Convention internationale des droits de l’enfant, à laquelle nous sommes tous attachés.

Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je suis très touché par les motivations invoquées par nos collègues mahorais à l’appui de leurs amendements. Si je ne peux souscrire à ceux-ci, je ne saurais cependant m’en tenir à un discours compassionnel. (M. Jean Desessard approuve.) Nous ne pouvons nous accommoder d’une situation qui ne cesse de se dégrader, quelles que soient les mesures qui ont pu être prises, et qui tient en échec les initiatives de l’État.

Je ne peux que comprendre l’intention des auteurs de ces deux amendements. Leurs propositions font écho à une attente très forte de la population mahoraise, aujourd’hui submergée par une immigration irrégulière que rien ne réussit à contenir. Il ne faudrait pas que le refus d’adopter de tels amendements soit perçu comme une fin de non-recevoir, pour solde de tout compte ; ce serait dramatique.

Au-delà du cri d’alarme que vous poussez devant la Haute Assemblée, mes chers collègues, vos amendements, à supposer qu’ils soient adoptés et que, par extraordinaire, ils échappent à la vigilance du Conseil constitutionnel, ne contribueraient pas à régler la situation que vous portez, à juste titre, à notre attention.

En effet, dans notre système juridique, la difficulté tient non pas aux règles d’acquisition de la nationalité française en elles-mêmes – celle-ci peut être obtenue dès l’âge de treize ans -, mais au fait que les parents étrangers d’un enfant mineur français ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ni d’une mesure d’expulsion.

Par conséquent, l’adoption de vos amendements, dont je mesure bien qu’ils répondent à une attente très forte et légitime des Mahorais, n’empêcherait pas ces parents étrangers et leurs enfants de rester sur le territoire national. C’est pourquoi je joins ma voix à celles du rapporteur de la commission des lois et de Mme la ministre pour vous demander de bien vouloir les retirer.

J’ajouterai, en me tournant vers le banc du Gouvernement, que, si l’on avait pris au cours des dernières années des mesures suffisantes et efficaces, nous n’aurions pas cette discussion ce soir, à l’occasion de l’examen d’amendements visant à modifier les règles d’acquisition de la nationalité sur une partie du territoire national.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Il s’agit avant tout d’un problème humain.

Qu’il s’agisse de Mayotte ou, à un autre degré, de la Guyane, si l’on n’adapte pas les lois de notre République, c’est la question même du rattachement de ces territoires à la République française qui se posera. La situation actuelle est ingérable ! Je conçois que ces deux amendements soient anticonstitutionnels, mais ils doivent être entendus comme des appels d’urgence à trouver des solutions administratives à un problème très prégnant à Mayotte mais aussi en Guyane, où peut-être mille pirogues traversent chaque jour la rivière séparant le Surinam de la Guyane.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je tiens tout d’abord à vous remercier, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, de vos propos. Ne croyez pas qu’il soit facile pour moi de proposer un tel amendement ; j’ai dû me faire violence.

Localement, quand on développe les explications juridiques, humaines et constitutionnelles que vous avez données, on passe pour un lâche… Le droit du sol est perçu par les Mahorais comme un appel d’air. (M. le président de la commission des lois s’exclame.)

Les propos qui ont été tenus doivent être rapportés tels quels aux Mahorais : tous horizons politiques confondus, la représentation nationale n’est manifestement pas prête, aujourd'hui, à franchir ce pas.

J’ajoute qu’il ne faut pas dire qu’il n’existe pas de solution. La solution passe, selon moi, par la voie diplomatique. Il est tout de même extraordinaire que la cinquième puissance mondiale ne puisse mettre fin à la fabrication des bateaux de la mort que sont les kwassa kwassa ; à cet égard, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les années quatre-vingt-dix sont d’ailleurs à mettre dans le même panier. Nous savons tous où ces bateaux sont fabriqués, et pourtant rien n’est fait.

Il faut donc que la diplomatie française se retrousse les manches. Cette question ne doit pas donner lieu à une polémique politique, car aucun gouvernement n’a été à la hauteur des enjeux.

M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour explication de vote.

M. Abdourahamane Soilihi. Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos explications. Nous en prenons acte, mais je tiens à redire que ces amendements reflètent la réalité. Chaque territoire d’outre-mer a ses spécificités. On le constate encore une fois aujourd’hui, le Gouvernement, dont les Mahorais attendent beaucoup, a peur de la diplomatie comorienne – ou internationale, je n’en sais rien.

On dit que beaucoup a été fait pour Mayotte. C’est vrai, mais n’est-ce pas la raison pour laquelle ces Comoriens, ces Malgaches, ces Africains veulent s’y rendre ? Les 374 kilomètres carrés de Mayotte peuvent-ils tous les accueillir ? Je pense que non.

Auparavant, le droit du sol n’était pas applicable à Mayotte, parce que l’on avait senti le danger venir. Puis, il lui a été étendu ; soit, mais il est temps d’en mesurer les conséquences.

En conclusion, ce que nous demandons aujourd'hui, c’est que l’on écoute les Mahorais !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Tout le monde reconnaît que la situation est intenable et qu’il faut faire quelque chose. Cependant, il n’est pas sûr que l’adoption de ces amendements résoudrait le problème.

En tout état de cause, on ne peut pas se borner à poser un constat et à exprimer de l’empathie. Aussi, madame la ministre, pourriez-vous mettre en place une mission spécifique sur cette question, associant des parlementaires, des juristes et des représentants du Gouvernement et chargée de proposer dans les trois mois une solution au problème soulevé ? Sinon, je ne vois pas comment nous sortirons de cette situation très difficile.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bonne idée !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Le sujet est difficile. Je ne peux pas laisser dire que rien n’a été fait : c'est beaucoup plus compliqué que cela.

La situation est historique, antérieure à la départementalisation. Mayotte fait partie de l’archipel des Comores ; il y a longtemps eu une communauté de destin. Des familles étaient représentées sur différentes îles, tous ces gens vivaient ensemble.

En outre, le cheminement de Mayotte vers la départementalisation a débouché sur l’ouverture de droits nouveaux, à la santé, à l’éducation, à des prestations sociales.

M. Jean Desessard. Tout à fait !

Mme Ericka Bareigts, ministre. De ce fait, Mayotte représente un territoire de relative richesse dans un océan de pauvreté.

M. Mohamed Soilihi a mis l’accent sur l’importance de l’approche diplomatique, qui doit être un axe majeur de travail sur cette question. Or le temps de la diplomatie est plus long que deux ou trois mois.

La coopération régionale entre territoires constitue un autre axe de travail, mais elle suppose une volonté commune d’avancer. La Réunion s’y implique et coopère avec les Comores sur des projets en matière de santé. Les territoires de l’océan Indien partagent un même destin.

Le sujet n’est pas laissé en jachère par le Gouvernement, mais la situation devient toujours plus urgente parce que le territoire de Mayotte est de plus en plus attractif et que les difficultés sont de plus en plus grandes.

Une mission sur la coopération avec les Comores a été confiée à MM. Darcos et Queyranne. Ses travaux sont en cours. Je prends note, monsieur Desessard, de votre très intéressante proposition. Nous allons y réfléchir.

M. Jean Desessard. Merci, madame la ministre.

M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l'amendement n° 1 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Soilihi, l'amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Abdourahamane Soilihi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Hoarau, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 29 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 5911-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le congrès des élus départementaux et régionaux de La Réunion est composé des membres du conseil départemental de La Réunion et du conseil régional de La Réunion. »

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Il s’agit d’un amendement de cohérence, qui tend simplement à mettre en conformité la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, dite LOOM, avec la révision constitutionnelle de 2003. Il vise à inscrire La Réunion dans un cadre légal en s’appuyant sur les dispositions constitutionnelles les plus récentes.

La révision constitutionnelle de 2003 a institué « la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique », le consentement des électeurs étant obligatoirement requis.

La Réunion, si elle le souhaite, peut donc opter pour une évolution institutionnelle ou statutaire, puisque la Constitution le permet. Cependant, les textes sont clairs : toute évolution ne peut intervenir qu’avec l’aval du congrès, instance spécifique aux régions d’outre-mer qui comprennent un seul département et composée des conseillers départementaux et des conseillers régionaux, comme le prévoit l’article 62 de la LOOM. Les députés et les sénateurs élus dans le département qui ne sont membres ni du conseil départemental ni du conseil régional siègent au congrès avec voix consultative.

Le congrès délibère de toute proposition d’évolution institutionnelle, de toute proposition relative à de nouveaux transferts de compétences de l’État vers le département et la région concernés et de toute modification de la répartition des compétences entre ces collectivités locales.

L’aberration est donc énorme : d’un côté, La Réunion peut travailler à un changement de statut, puisque la Constitution l’y autorise, mais, de l’autre, elle est empêchée de le mettre en œuvre par un texte inférieur, le code général des collectivités territoriales. Pour mettre en cohérence les textes et faire en sorte que La Réunion puisse réunir légalement un congrès, il convient donc de modifier l’article L. 5911-1 de ce code.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Cet amendement a été déposé à de nombreuses reprises par notre regretté collègue Paul Vergès.

Il tend à créer un congrès des élus départementaux et régionaux à La Réunion, afin d’y créer une collectivité unique. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a supprimé cette disposition sur l’initiative du Gouvernement en raison de son inconstitutionnalité, sur le fondement de la règle dite de l’entonnoir.

Par ailleurs, aucune disposition n’empêche aujourd'hui les élus réunionnais d’organiser une réunion informelle de leurs assemblées délibérantes.

Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Il s’agit simplement ici non pas de décider d’une évolution des institutions, mais de permettre à un territoire de se doter d’une structure pour en débattre.

Il existe aujourd'hui un grand mouvement progressiste pour faire évoluer nos institutions ; il serait dommage de ne pas permettre à La Réunion d’y prendre part. De même, la Guadeloupe est le seul des départements français d’Amérique à ne pas disposer d’une telle structure permettant à un territoire de débattre de l’évolution de ses institutions.

Je demande à mes collègues de voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :

Avant l'article 29 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 5915-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « délibère », est inséré le mot : « annuellement ».

La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Comme je le disais, un grand mouvement progressiste d’évolution institutionnelle locale est amorcé depuis plus de deux ans déjà dans notre pays, tant en métropole que dans nos outre-mer.

La Guadeloupe ne peut rester indéfiniment à l’écart de ce mouvement. En effet, la persistance de la coexistence sur un seul et même territoire d’une région et d’un département ne peut constituer une réponse politique satisfaisante. L’incontournable évolution institutionnelle doit favoriser l’émergence de politiques publiques plus innovantes et plus efficaces. Rien ne justifie le statu quo exceptionnel de la Guadeloupe.

De surcroît, ce conservatisme paraît antinomique avec l’esprit progressiste d’égalité qui sous-tend le présent projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le présent amendement vise à instaurer une délibération annuelle du congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe sur l’évolution institutionnelle de ce territoire.

La rédaction de l’article L. 5915-1 du code général des collectivités territoriales n’empêche nullement l’annualité de ce débat. Par ailleurs, il convient de laisser aux élus concernés le temps nécessaire pour prendre en main l’évolution institutionnelle de leur territoire. Si le congrès se réunit chaque année pour ne rien décider, il n’est pas certain que la Guadeloupe connaîtra une évolution institutionnelle…

Faisons confiance à l’intelligence territoriale. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ericka Bareigts, ministre. Même avis. Aujourd’hui, les assemblées locales ont tout loisir de réunir leur congrès quand elles le jugent opportun.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. En pratique, lorsque les deux collectivités du territoire ne sont pas de même couleur politique, le congrès n’est jamais réuni.

Mme Éliane Assassi. Bien sûr !

M. Jacques Gillot. Je le sais pour avoir été président du conseil général de Guadeloupe jusqu’en 2015.

Je propose donc de rendre le débat obligatoire, que l’on se prononce au bout du compte en faveur de l’évolution institutionnelle ou pas. Comment comprendre qu’une région et un département coexistent sur un petit territoire, en se tirant mutuellement dans les pattes ?

Les choses doivent évoluer, c’est une question d’intelligence ! Nous demandons simplement que, chaque année, les membres des exécutifs des deux collectivités se réunissent pour débattre. Ne restons pas dans l’hypocrisie !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. On mélange ici un problème politique et un problème institutionnel. Il n’est pas besoin d’aller à la Guadeloupe pour rencontrer la situation que vous décrivez, monsieur Gillot. Dans l’Hexagone, des territoires se sont engagés dans cette voie et les difficultés rencontrées sont les mêmes.

M. Jacques Gillot. On peut tout de même nous donner les moyens de débattre ! On l’a fait pour les collectivités hexagonales avec la loi NOTRe !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Mon cher collègue, l’Ardèche, dont je suis élu, et la Drôme n’ont pas attendu la loi NOTRe pour travailler ensemble et se rapprocher, de même que les deux départements de la Savoie.

M. Loïc Hervé. Tout à fait !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je pourrais également évoquer le cas de l’Alsace. Les collectivités de ces territoires n’étaient pas nécessairement de même couleur politique ! Il ne faut pas mélanger la dimension institutionnelle et la dimension politique des choses.

M. Loïc Hervé. Absolument !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous nous rejoindrons, je pense, pour faire confiance à l’intelligence territoriale. La loi ne doit pas imposer le débat. Pour que la réflexion sur les évolutions institutionnelles soit fructueuse, elle doit se dérouler dans un climat de confiance et transcender les clivages politiques. Sinon, j’ai la naïveté de penser que toute initiative sera vouée à l’échec. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je veux simplement préciser que cet amendement n’engage que ses signataires, et non le groupe socialiste et républicain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 29 bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique
Article 29 ter

Article 29 bis

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 81, présenté par Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au début de l’article L. 511-1 du code minier, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les officiers de police judiciaire agissant conformément au code de procédure pénale sont habilités à constater les infractions aux dispositions législatives du présent code ainsi qu’aux dispositions prévues par les textes pris pour leur application. Ils peuvent également procéder aux confiscations et aux destructions prévues respectivement aux articles L. 512-4 et L. 512-9. Cette habilitation et ces dispositions sont étendues aux agents de police judiciaire agissant en Guyane dans le cadre du dispositif “Harpie” pour la lutte contre l’orpaillage illégal. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. En Guyane, l’orpaillage est vraiment une plaie pour les Amérindiens, les Bushinenges, les Créoles, les gens de passage, la nature, l’eau potable, la forêt, la sécurité. Les remèdes à cette situation sont difficiles à trouver.

La force a permis d’obtenir des résultats, mais les orpailleurs sont encore là. Des démarches diplomatiques ont été entreprises auprès du Brésil et du Surinam, mais les négociations ne sont pas mûres.

Environ 25 000 orpailleurs clandestins font régner leur loi dans la forêt. De leurs marmites d’amalgame s’échappe du mercure, qui contamine l’eau et, partant, les poissons que mangent les pêcheurs. On trouve dans les cheveux des enfants de Kayodé trois fois la dose de mercure jugée tolérable par l’Organisation mondiale de la santé !

Il faut vraiment trouver les moyens de mettre un terme à cette situation inacceptable ! Imaginez que débarquent dans la forêt de Brocéliande, de Sologne ou de Fontainebleau 25 000 personnes, plus ou moins esclavagisées, qui se mettent à creuser le sous-sol, à tout polluer et à menacer les promeneurs de les passer par les armes…

Le présent amendement constitue une partie de la solution. Il vise à rétablir les dispositions relatives au renforcement des moyens des officiers de police judiciaire qui avaient été adoptées par nos collègues de l’Assemblée nationale avant d’être malheureusement supprimées en commission au Sénat. C’est bien le minimum que nous devons aux habitants de cette partie de la France ! (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code minier est complétée par un article L. 621-8-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-8-2.- En Guyane, dans le cadre exclusif du dispositif de lutte contre l’orpaillage illégal, outre les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire sont habilités, sous la responsabilité de ceux-là, à saisir dans le cadre de leurs opérations tout bien, matériel ou installation ayant servi, directement ou indirectement, à la commission de l’infraction, ainsi que de tout produit provenant de celle-ci, et à procéder à la destruction de matériel dans les conditions prévues à l’article L. 512-9. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ericka Bareigts, ministre. Cet amendement a pour objet de récrire l’article 29 bis, qui habilite les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire à procéder à la confiscation et à la destruction respectivement prévues aux articles L. 512-4 et L. 512-9 du code minier, pour tenir compte des exigences juridiques propres à la procédure pénale.

En effet, les officiers de police judiciaire comme les agents de police judiciaire ne peuvent procéder de leur propre volonté à des confiscations, dans la mesure où il s’agit d’une peine qui ne peut être prononcée que par le juge.

En revanche, la saisie d’objets matériels dans le cadre d’une procédure judiciaire est une faculté dont disposent actuellement les officiers de police judiciaire. Cette faculté pourrait être utilement étendue aux agents de police judiciaire, dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal menée en Guyane, compte tenu de la nécessité de renforcer les effectifs affectés à celle-ci.

De même, l’extension aux agents de police judiciaire de la compétence dont disposent actuellement les officiers de police judiciaire en matière de destruction ne soulève pas de difficulté, dès lors que cette compétence demeure inscrite dans le cadre de l’article L. 512-9 du code minier, qui prévoit que seul le procureur de la République ordonne la destruction des matériels.

Il est enfin proposé de créer une disposition distincte, au sein du chapitre Ier du titre II du livre VI, qui réunit les dispositions particulières à la Guyane.

M. le président. Le sous-amendement n° 233, présenté par M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 111, alinéa 3

1° Remplacer les mots :

sous la responsabilité de ceux-là

par les mots :

sous le contrôle desdits officiers de police judiciaire

2° Remplacer les mots :

de l'infraction, ainsi que de tout produit provenant de celle-ci

par les mots:

des infractions mentionnées aux articles L. 512-1, L. 512-2 et L. 512-5, ainsi que de tout produit provenant de celles-ci

La parole est à M. le rapporteur.