M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la France compte à elle seule plus de communes que l’ensemble des autres pays européens réunis. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Doligé. Merci de nous l’apprendre !

M. Charles Revet. C’est ce qui fait la beauté de notre pays !

M. Alain Gournac. Sa richesse !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous sommes très attachés à nos communes, mais la question de leur capacité à se développer et de leur pérennité se pose. Avec l’intercommunalité, nous avons trouvé une réponse à cette question.

Désormais, il est possible de créer des communes nouvelles, sur décision des conseils municipaux et des maires. Ainsi, 1 760 communes ont fusionné, sur la base du volontariat, pour créer 517 communes nouvelles. On ne saurait accuser l’État ou le Gouvernement d’avoir exercé quelque pression que ce soit sur les élus des communes concernées. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Bien entendu, cette évolution peut emporter certaines conséquences. Cela n’a pas échappé au Gouvernement. Un travail a été mené avec l’Association des maires de France pour recenser les difficultés et apporter des réponses. Le rapport de vos collègues Françoise Gatel et Christian Manable intitulé « Les communes nouvelles, histoire d’une révolution silencieuse : raisons et conditions d’une réussite » s’en est fait l’écho.

Il a été décidé que le nom de l’ancienne commune pourrait être conservé dans l’adresse postale. L’INSEE a surmonté les difficultés liées à l’attribution d’un code à une commune nouvelle. Les préfets ont instruction de ne pas brusquer les choses. Les communes nouvelles se mettent en place tranquillement,…

M. le président. Il faut conclure tranquillement, monsieur le ministre. (Sourires.)

M. Jean-Michel Baylet, ministre. … sur l’initiative des élus et avec l’accompagnement de l’État, ce qui est bien la moindre des choses. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le ministre, j’entends votre réponse, mais quand comprendra-t-on que le temps économique diffère du temps administratif et politique ? Quand comprendra-t-on que la vie des entreprises ne peut être soumise à une date butoir ?

Mon propos, je le répète, n’est pas de remettre en cause les communes nouvelles. Mais il faut donner le temps aux entreprises et aux habitants de s’adapter à l’évolution de leur territoire !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Pensez au gaspillage économique et humain qui va résulter d’une transition mal négociée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

trains d’équilibre du territoire

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Jacques Filleul. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Au mois de novembre 2014, monsieur le secrétaire d’État, vous avez lancé l’opération trains d’équilibre du territoire, ou TET. La commission que vous avez mise en place a établi, sous la conduite de notre collègue député Philippe Duron, un diagnostic complet et formulé des exigences multiples, l’objectif principal étant que les TET puissent devenir ou redevenir des liaisons utiles, avec une trajectoire financière soutenable.

Au fil du temps, les trains d’équilibre du territoire, au positionnement mal identifié entre TGV et TER, sont devenus les parents pauvres des liaisons ferroviaires. Ils sont aujourd’hui largement déficitaires, leur offre ne correspondant plus aux besoins de mobilité des voyageurs et des territoires.

Les recommandations de la commission ont eu pour objet de déterminer si ces liaisons répondent à un besoin national ou régional, de dessiner des perspectives de long terme, en vue de proposer au public et aux territoires des solutions de mobilité actualisées et de qualité.

La commission a également préconisé un renforcement du rôle de l’État stratège, en tant qu’autorité organisatrice, et le renouvellement du matériel roulant à l’horizon 2020-2025.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous dresser le bilan de la feuille de route pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire, qui a fait l’objet d’une communication le 12 janvier dernier ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, le constat est partagé : il a longtemps été difficile de déterminer précisément ce que recouvrait la notion de trains d’équilibre du territoire, entre trains de nuit, grandes lignes nationales, lignes exclusivement locales… Le seul dénominateur commun était que ces trains étaient placés sous la responsabilité de l’État.

Les trains d’équilibre du territoire sont de plus en plus déficitaires : le déficit a atteint 400 millions d’euros en 2011. De surcroît, leur fréquentation a diminué de 20 %, le vieillissement du parc de matériels est préoccupant – la moyenne d’âge est de trente-cinq ans – et le service aux clients est particulièrement critiqué.

La commission pluraliste que j’ai mise en place a effectué un travail tout à fait remarquable, sous la présidence de Philippe Duron. Ses propositions ont été soumises à l’examen des commissions parlementaires compétentes et à la décision du Gouvernement.

À la suite du redécoupage régional, le tracé de certaines lignes, qui traversait auparavant le territoire de plusieurs régions, se trouve désormais inclus dans le périmètre d’une seule. Les négociations que j’ai engagées avec les présidents de région ont abouti au transfert aux régions de dix-huit lignes, accompagné par un effort considérable de la part de l’État, qui mettra à disposition 3,5 milliards d’euros de matériels neufs.

Le travail effectué par la commission, le Parlement, le Gouvernement et les régions a permis de dessiner un nouvel avenir pour les trains d’équilibre du territoire. Nous avons ainsi démontré notre engagement en faveur de l’avenir du ferroviaire. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit.)

retour des djihadistes en france

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Dès le mois de décembre, un rapport alarmant du contre-terrorisme européen alertait l’Europe sur le risque d’une arrivée massive de djihadistes après les défaites subies par Daech en Irak et en Syrie.

Plus de 5 000 Européens, dont 700 Français, sont partis grossir les rangs de Daech et d’Al-Nosra : 1 750 combattants européens radicalisés, extrémistes violents, s’apprêteraient à revenir sur notre sol. Ces djihadistes sont devenus des experts en armement, en explosifs, en actes de guerre souvent aveugles et toujours barbares.

Un rapport d’Europol a montré qu’ils importent avec eux les modes opératoires terroristes ayant déjà été utilisés sur notre territoire. Les pays de l’Union européenne semblent affronter ce danger en ordre dispersé. Nous redoutons que la prise de décisions urgentes et nécessaires et leur mise en œuvre ne prennent autant de temps que pour le PNR.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous traiter tous ces cas ? Quelles solutions proposez-vous en vue de parvenir, avec nos partenaires européens, à mettre hors d’état de nuire ces combattants ? Comment allez-vous procéder pour repérer ces criminels qui envisagent de revenir en Europe ? Quel sort entendez-vous réserver à ceux qui seraient capturés directement en Syrie ? (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser Bruno Le Roux. Retenu à l’Assemblée nationale, il m’a chargé de vous communiquer les éléments de réponse suivants.

La question du traitement des personnes revenant du djihad est une priorité pour le Gouvernement et les autorités administratives et judiciaires. Dès leur arrivée sur le territoire, ces individus sont placés en garde à vue. Qu’ils aient été simples candidats au djihad ou qu’ils aient participé à des exactions sur zone, ils font l’objet d’un traitement judiciaire.

Pour faire face à la charge que représente désormais ce contentieux et à l’éventuel afflux de djihadistes qui partiront de Mossoul ou de Raqqa lorsque ces deux villes seront tombées et que nous aurons vaincu l’État islamique, le parquet antiterroriste de Paris a été renforcé. Il compte désormais treize magistrats. Surtout, il dispose d’une capacité de soutien de plus de soixante magistrats mobilisables en cas d’événements particuliers.

Vous le voyez, pour répondre à la hausse du nombre des procédures en matière de terrorisme, le Gouvernement a pris les décisions qui s’imposaient. Ainsi, au 1er janvier de cette année, de nouveaux personnels ont été affectés : un onzième juge d’instruction antiterroriste, un juge des enfants, quatre magistrats pour renforcer la capacité de jugement de la cour d’assises spécialement composée en cette matière, quatre magistrats nommés à la cour d’appel pour renforcer la chambre de l’application des peines et la chambre correctionnelle, un magistrat supplémentaire au parquet général, dix greffiers, dont huit affectés au tribunal de grande instance de Paris – six pour le siège, deux pour le parquet – et les deux autres à la cour d’appel.

De même, l’administration pénitentiaire est en mesure de prendre en charge les individus qui seraient placés en détention provisoire par les magistrats ou qui seraient incarcérés après jugement. Depuis 2012, nous avons financé la construction de plus de 4 000 nouvelles places de prison et créé plus de 4 000 emplois dans l’administration pénitentiaire.

Enfin, l’anticipation des retours, y compris de femmes ou de mineurs – à ce jour, 460 mineurs français sont en Irak ou en Syrie, dont la moitié ont moins de cinq ans, d’où la création d’un juge des enfants supplémentaire –, est l’objet de l’un des axes du plan « sécurité pénitentiaire et action contre la radicalisation violente » que le Gouvernement a présenté par la voix de Jean-Jacques Urvoas le 25 octobre dernier.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour faire face au retour des djihadistes sur notre territoire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le secrétaire d'État. Votre réponse porte sur les moyens. Je suis ravie d’apprendre que les effectifs et les moyens ont été renforcés, y compris dans l’administration pénitentiaire, mais comment ces djihadistes seront-ils traités ? Quelles peines seront prononcées à leur encontre ? Dans quelles conditions seront-ils incarcérés ? Quelles sont les méthodes utilisées pour les repérer ? Comment allons-nous travailler avec nos partenaires européens ?

Je ne veux pas engager de polémique sur un sujet aussi sérieux, mais nos concitoyens ont besoin d’être rassurés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.

Mme Anne Chain-Larché. Ma question s’adresse à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.

Aider et défendre la famille, c’était inscrit dans l’ADN de la France. L’État a toujours soutenu la natalité par des politiques familiales intelligentes et bienveillantes. Cette attention portée à la famille a produit des résultats positifs : la France a bénéficié d’un taux de fécondité supérieur à celui des pays voisins, en particulier l’Allemagne.

Au terme du présent quinquennat, rien n’est plus comme avant : vous avez détruit la politique familiale avec méthode (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), en réduisant le montant de la prestation d’accueil du jeune enfant, en abaissant le quotient familial à deux reprises, en plaçant sous condition de ressources l’attribution des allocations familiales.

Ces mesures, dont vous portez la responsabilité, ont eu des conséquences concrètes pour toutes les familles : selon l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, 160 000 familles vivant sous le seuil de pauvreté ont perdu du pouvoir d’achat en raison de la diminution de ces prestations.

Un sondage réalisé par l’IFOP révèle que 55 % des Français estiment que la politique familiale de ces dernières années est de nature à conduire les couples à renoncer à une nouvelle naissance ou à la différer.

Vous tentez d’expliquer que cette situation est imputable à d’autres facteurs. Aux coups portés par votre politique familiale s’ajoute une baisse générale du pouvoir d’achat de l’ordre de 500 euros par an et par Français depuis 2012.

Quand reconnaîtrez-vous que vos politiques familiale et économique ont trahi la société solidaire que vous-même appeliez de vos vœux, et qu’elles ont conduit à une paupérisation du pays et des familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, Mme Rossignol m’a demandé de vous communiquer les éléments de réponse suivants.

Notre politique familiale est audacieuse et juste. Elle vise à renforcer notre soutien aux familles les plus fragiles, notamment les familles monoparentales et les familles nombreuses.

Dès 2012, nous avons revalorisé l’allocation de rentrée scolaire de 25 %, l’allocation de soutien familial de 25 % en cinq ans et le complément familial de 50 % en cinq ans. Ce sont des chiffres qui démontrent la réalité du soutien que nous apportons aux familles ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

En outre, nous avons créé une garantie contre les impayés de pensions alimentaires et une agence de recouvrement des pensions alimentaires impayées.

Nous avons aussi rétabli l’équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale, dont le déficit atteignait 2,5 milliards d’euros en 2012.

M. Jean-Louis Carrère. C’est l’arroseur arrosé !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour y parvenir, dans un souci de justice, la réduction des allocations familiales a touché moins de 10 % des familles allocataires, celles dont les revenus dépassent 6 000 euros par mois. Quant à la baisse du plafond du quotient familial, elle n’a concerné que 5 % des foyers fiscaux, à savoir les plus favorisés d’entre eux.

M. Marc Daunis. Eh oui !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Concernant la prime de naissance, elle est toujours versée et son montant n’a pas été diminué, les prestations dites « natalistes » n’ayant pas été modifiées du tout.

Quant à la baisse des naissances constatée par l’INSEE, elle est infime – on est passé de 1,96 à 1,93 enfant par femme entre 2015 et 2016 – et s’explique essentiellement par la diminution du nombre de femmes en âge de procréer et par le recul de l’âge auquel les femmes mettent au monde leur premier enfant. C’est une évolution qui touche la plupart des sociétés développées.

Pour aider mieux encore l’ensemble des familles, nous nous attachons à promouvoir l’égalité des tâches et des responsabilités familiales au sein du couple, à promouvoir l’égalité professionnelle et l’égalité salariale, à faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, par un ensemble de services collectifs que bien des pays nous envient. Je pense notamment aux modes d’accueil des jeunes enfants.

Voilà ce que nous avons fait pendant cinq ans, madame la sénatrice, pour rendre la politique familiale de notre pays plus efficace et plus juste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le secrétaire d'État, les statistiques ont une vertu : celle de montrer le résultat d’une politique. Ces deux dernières années, il y a eu, sur notre territoire, 34 000 naissances de moins que les années précédentes. (C’est terminé ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Anne Chain-Larché. Rendez-vous compte du message que vous envoyez, de l’effet qu’il a sur les jeunes, de la rupture que vous avez installée !

M. Jean-Louis Carrère. C’est fini, il faut conclure !

Mme Anne Chain-Larché. Je tiens à souligner la perte de confiance des jeunes Français ! (Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Ce n’est terminé que maintenant, monsieur Carrère ! C’est moi qui préside cette séance !

M. Jean-Louis Carrère. C’est à géométrie variable !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

La prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mardi 31 janvier 2017, à seize heures quarante-cinq.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2016 sur la stratégie du commerce extérieur de la France et la politique commerciale européenne.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis aux commissions compétentes.

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Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse
Discussion générale (suite)

Ratification d'ordonnances relatives à la Corse

Rejet en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse (projet n° 264, texte de la commission n° 312, rapport n° 311 et avis n° 306).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse
Article 1er

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur Hugues Portelli, monsieur le rapporteur pour avis Charles Guené, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un grand plaisir que je me trouve aujourd’hui devant vous afin de présenter le projet de ratification des trois ordonnances corses, dernier acte législatif nécessaire à la mise en œuvre de la future collectivité unique de Corse.

Je tiens avant tout à remercier le sénateur Portelli, rapporteur du projet de loi, et le sénateur Guené, rapporteur pour avis, qui a pris en charge l’ordonnance financière. Vous avez accompli, messieurs les sénateurs, un remarquable et courageux travail d’exégèse sur ces ordonnances. Je suis bien placé pour savoir que la tâche était difficile !

Les trois ordonnances que le Gouvernement vous propose de ratifier déterminent les modalités pratiques de la création de la collectivité unique de Corse, collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution.

Ces ordonnances ont été prises sur le fondement de l’article 30 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2018, la collectivité unique, dénommée « collectivité de Corse », se substituera à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud.

Cette collectivité unique n’a été ni imposée ni même imaginée par le Gouvernement. Elle provient de la volonté des élus corses eux-mêmes qui en ont voté le principe à l’Assemblée de Corse le 12 décembre 2014, à une large majorité, toutes tendances confondues, avec quarante-deux voix pour et seulement huit voix contre. Ce rappel, compte tenu du contexte, me semble fondamental dans notre débat d’aujourd’hui, car il est important de savoir qui a pris cette initiative et de quelle manière la collectivité corse, dans l’ensemble de ses composantes – ou presque –, l’a appréhendée.

En préalable, je dirai quelques mots sur le calendrier.

Je tiens à rappeler que, conformément à l’article 38 de la Constitution, les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication, mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.

Au cas particulier, le Gouvernement a bien évidemment respecté les délais impartis, ainsi que l’a souligné votre rapporteur.

L’habilitation législative a été accordée, dans la loi NOTRe du 7 août 2015, pour une période de dix-huit mois suivant la promulgation de la loi, soit jusqu’au 7 février 2017.

Les trois ordonnances relatives à la création de la collectivité unique de Corse ont été publiées au Journal officiel du 22 novembre 2016, soit largement dans les délais fixés par la loi. Le projet de ratification, qui est l’objet de notre débat d’aujourd’hui, a été déposé sur le bureau du Sénat le 21 décembre dernier, c'est-à-dire, lui aussi, largement dans les délais impartis. Mais il est bien évident que la fin de la session parlementaire, prévue le 24 février prochain, nous contraint à l’adoption du projet de loi d’ici à cette date, faute de quoi nous verrons l’édifice s’effondrer.

Mesdames, messieurs les sénateurs,…

M. Jean Desessard. Oui, nous sommes là ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Certes, mais d’autres qui rêvent de voir cet édifice s’effondrer sont aussi là !

Je tiens à rappeler que, sur ces mêmes travées, le 29 mai 2015, votre assemblée avait approuvé la création de la collectivité unique de Corse.

L’expression des orateurs de l’ensemble des groupes avait été ce jour-là, comme devant la collectivité de Corse, consensuelle – je pense, par exemple, à M. Hyest pour le groupe Les Républicains ou à M. Favier pour le groupe CRC –, attestant le bien-fondé de la démarche engagée par le Gouvernement consécutivement à la volonté de création de la collectivité unique émanant des élus corses.

Pour connaître la cohérence du Sénat et son esprit de suite, sans parler de sa sagesse légendaire, j’imagine qu’il nous apportera un soutien tout aussi large alors que nous sommes sur le point de finaliser.

J’ajoute que j’ai respecté la promesse du Gouvernement qui, souhaitant parvenir à un accord en commission mixte paritaire sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, avait remis à plus tard la discussion et, le cas échéant, l’intégration d’amendements déposés tant par les sénateurs que par les députés.

J’ai donc travaillé tout au long de l’année 2016 avec l’ensemble des élus corses, afin de coconstruire avec eux ces ordonnances. Je les ai rencontrés tous, à plusieurs reprises. À leur demande, j’ai jugé opportun de reprendre la quasi-totalité des amendements qui avaient été présentés, parce qu’ils me semblaient légitimes et propres à améliorer le fonctionnement de la future collectivité.

Remarquez que j’ai pris cette décision au risque d’outrepasser quelque peu le strict cadre de l’habilitation. La chose n’a évidemment échappé ni au Conseil d’État ni au rapporteur Portelli, qui n’a pas pour autant conclu à la remise en cause de la ratification des ordonnances.

Par l’article 30 de la loi NOTRe, le Gouvernement a reçu du Parlement une habilitation large, lui permettant, en résumé, de préciser l’ensemble des conséquences électorales, juridiques et financières de la création de la collectivité de Corse. Cette habilitation étendue a donné lieu à la rédaction des trois ordonnances, publiées au Journal officiel le 22 décembre dernier, dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre assemblée.

Je dirai quelques mots sur chacune des trois ordonnances.

L’ordonnance institutionnelle organise la substitution de la collectivité unique aux actuels départements et à la collectivité territoriale de Corse, avec, pour conséquence, de rassembler leurs compétences au sein de la nouvelle collectivité : celle-ci exercera de plein droit les compétences de droit commun des départements et des régions et reprendra aussi celles de la collectivité territoriale de Corse.

La nouvelle collectivité sera redimensionnée, afin de tenir compte de l’élargissement de son champ d’action, par l’ajout de douze sièges supplémentaires au sein de l’Assemblée de Corse.

Par ailleurs, une chambre des territoires sera créée, en vue de mieux coordonner l’exercice des actions respectives des différentes collectivités territoriales et des intercommunalités en matière d’action publique et de solidarité financière.

Enfin, l’ordonnance comporte des dispositions transitoires importantes, notamment en matière de garanties de maintien des conditions de statut et d’emploi des personnels.

Telles sont les principales dispositions de l’ordonnance institutionnelle.

L’ordonnance financière suit la même logique : les financements des trois collectivités actuelles seront adaptés en un financement unique au profit de la nouvelle.

La substitution s’opérera à droit constant pour l’ensemble des biens, droits et obligations des collectivités territoriales appelées à fusionner.

Telles sont les principales dispositions de l’ordonnance financière.

Quant à l’ordonnance électorale, elle prévoit les modifications qu’il est nécessaire d’apporter, le cas échéant, à chaque scrutin, eu égard à la création de la collectivité unique.

La création de la collectivité de Corse n’entraînera aucune conséquence pour l’élection des députés. Pour celle des sénateurs, le mode de scrutin restera strictement inchangé, l’élection continuant de se tenir au sein de deux collèges électoraux, l’un pour la Haute-Corse, l’autre pour la Corse-du-Sud.

En ce qui concerne l’Assemblée de Corse appelée à siéger à compter du 1er janvier 2018, elle sera élue en décembre 2017. Exception faite de l’augmentation de cinquante et un à soixante-trois du nombre de conseillers de l’Assemblée et de celle, strictement proportionnelle, de la prime majoritaire, qui passera mécaniquement de neuf à onze sièges, le régime électoral restera le même qu’aujourd’hui.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des trois ordonnances, dont la ratification parlementaire, à laquelle je vous demande, comme vos deux rapporteurs, de bien vouloir procéder, garantira la mise en œuvre de la collectivité unique dans de bonnes conditions juridiques.

L’article 1er du projet de loi ratifie l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières et comptables applicables à la collectivité de Corse.

L’article 2 ratifie l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse.

L’article 3 ratifie l’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

Je me félicite par ailleurs de l’adoption en commission des dispositions ajoutées aux ordonnances institutionnelle et financière par vos rapporteurs, dont je salue à nouveau la qualité du travail. Après la relecture attentive du Conseil d’État, ces ajouts améliorent encore la rédaction des ordonnances.

Je souhaite aborder aussi devant vous le sort du seul amendement déposé sur ce projet de loi de ratification. Présenté par le sénateur Castelli et les autres membres du groupe du RDSE, cet amendement a, hélas, été déclaré irrecevable par la commission des lois, laquelle a invoqué, commodément, l’article 45 de la Constitution.

Je ne vous cacherai pas que je m’interroge vraiment sur un tel rejet. Ou plutôt, j’ai peur d’en comprendre la raison, qui me semble mettre à mal l’intérêt collectif des Corses, sacrifié à quelques petites aventures politiciennes…