10

Demandes d’avis sur deux projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 132–2 du code de l’énergie, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’énergie sur le projet de nomination de M. Jean-François Carenco aux fonctions de président du collège de la commission de régulation de l’énergie.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010–837 et de la loi n° 2010–838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 2312–2 du code de la défense, M. le Premier ministre, par lettre en date du 31 janvier 2017, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de défense sur le projet de nomination de M. Jean-Pierre Bayle aux fonctions de président de la commission du secret de la défense nationale.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Acte est donné de cette communication.

11

Renvoi pour avis unique

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété (n° 207, 2016-2017), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

12

Article additionnel après l'article 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale
Article 6

Efficacité de la justice pénale

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la justice pénale, présentée par MM. François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et plusieurs de leurs collègues.

Dans l’examen du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II, à l’article 6.

Chapitre II (suite)

Renforcer l’efficacité des poursuites

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale
Article additionnel après l'article 6

Article 6

Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 495 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits punis d’une peine d’amende, les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception de ceux mentionnés au livre II du code pénal, ainsi que les délits mentionnés au II du présent article lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé à l’article 495-1 du présent code et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.

« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits punis d’une peine d’amende et aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception de ceux mentionnés au livre II du code pénal. Elle est également applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes : » ;

b) Les 2°, 6°, 9°, 10° et 11° du II sont abrogés ;

2° Après l’article 495-17, il est inséré un article 495-17-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-17-1. – Le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé ou de son avocat, recourir à la procédure de l’amende forfaitaire, conformément à la présente section, lorsque la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés et que les victimes éventuelles ont été intégralement désintéressées. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 13 est présenté par MM. Anziani, Bigot, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 30 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

L’amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 6.

Mme Cécile Cukierman. L’article 6 élargit le domaine de l’amende forfaitaire aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, à l’exception des infractions contre les personnes, qui sont couvertes par le livre II du code pénal.

Cette disposition est contraire au principe d’individualisation des sanctions en matière délictuelle. Elle consacre en effet une nouvelle procédure automatique et rapide, qui ne permet pas l’expression des droits de la défense. Cela porte atteinte au principe du débat contradictoire et à celui de la séparation de la poursuite et du jugement.

En outre, comme en témoigne l’extension de l’amende forfaitaire à certains délits routiers, adoptée dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, cette disposition affaiblit la force de la sanction pénale. Or, à mon sens, cela ne saurait exprimer la pensée, plutôt répressive, des auteurs de cette proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Alain Anziani. Cet article étend en effet le domaine des amendes forfaitaires, qui existent déjà et concernent notamment les contraventions des quatre premières classes et les délits routiers.

Or on nous propose d’aller au-delà, en permettant l’application d’une sanction conçue pour des contentieux de masse, comme les délits routiers, à d’autres délits beaucoup plus personnalisés.

Ces sanctions sont sans audience ni comparution, les droits de la défense sont beaucoup moindres et aucune personnalisation de la peine n’est possible. Cela explique pourquoi nous y sommes opposés.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 30.

Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. L’article 6 de la présente proposition de loi prévoit que le procureur de la République peut, d’office ou à la demande de l’intéressé, recourir par une ordonnance pénale à la procédure de l’amende forfaitaire pour les délits punis d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, hormis pour les délits portant atteinte à la personne humaine, qui sont couverts par le livre II du code pénal.

Nous avions déjà souligné les défauts de cette évolution lors de l’examen de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Cela revient en effet à déjudiciariser des pans entiers du contentieux, et ce à une fin strictement budgétaire : le désengorgement des tribunaux.

Selon nous, bien qu’il s’agisse seulement d’une possibilité donnée au procureur, on envoie ainsi un mauvais signal à nos concitoyens. Cette évolution ne va pas dans le sens d’un renforcement de l’autorité judiciaire et de l’autorité de la loi ; au contraire, c’est une renonciation. Nous proposons en conséquence la suppression de cet article. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Si le débat est parfaitement légitime, ces amendements identiques sont néanmoins contraires à la position de la commission. Ils visent en effet à supprimer l’extension de l’amende forfaitaire aux délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure à un an.

Je rappelle que c’est le Gouvernement qui est à l’origine de la création de l’amende forfaitaire en matière délictuelle, en particulier pour les délits routiers : il n’avait pas été soulevé, à l’époque, que cela portait une atteinte insupportable au principe du débat contradictoire.

Certes, la peine n’est que partiellement individualisée. Certes, il s'agit d’une procédure simplifiée et rapide. Pour autant, il existe une voie de recours, en particulier contre les ordonnances : la voie de l’opposition. Dans notre esprit, il est évident que cette procédure ne pourra s’appliquer qu’à des délits simples, non contestables et pouvant faire l’objet d’une amende « barémisée ».

L’avis de la commission sur ces amendements identiques de suppression est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Selon nous, si le principe de la procédure de l’amende forfaitaire est bon, puisque nous l’avons introduit dans la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, l’extension du champ d’application de l’ordonnance pénale n’est pas adaptée.

Selon M. le rapporteur, les seuls délits concernés seraient simples et non contestables. Toutefois, parmi ceux pour lesquels ce dispositif pourrait être employé, on relève tout de même les délits de presse, la soustraction de mineurs ou encore l’exhibition sexuelle. Cette extension ne nous paraît donc pas tout à fait adaptée au problème, ce qui explique que le Gouvernement soit partisan de la suppression de cet article.

J’émets donc un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 13, 30 et 45 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 6.

(L’article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale
Article 6 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l’article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « hébergement », sont insérés les mots : « , de transport ».

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Mon amendement a pour objet le délit d’aide au séjour irrégulier ; il vise à en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

Comme vous le savez, mes chers collègues, en 2012, le Parlement a adopté une loi qui a permis d’exclure les actions humanitaires et désintéressées du champ du délit d’aide au séjour irrégulier. Depuis lors, les conseils juridiques, ainsi que les prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux ne peuvent plus être poursuivis lorsqu’il s’agit d’une action humanitaire envers des personnes en situation irrégulière.

Malheureusement, à l’époque, le Parlement avait oublié d’inclure dans cette exception les prestations de transport. C’est ce qui m’amène à présenter cet amendement. En effet, tout récemment, dans le sud-est de la France, des personnes qui, dans la vallée de la Roya, ont aidé des personnes en situation irrégulière en les transportant se sont vues poursuivies devant les tribunaux.

Or selon moi, dès lors que cette possibilité a été ouverte pour les conseils juridiques, la restauration, l’hébergement et les soins médicaux, il serait logique de l’étendre aux transports. Cela permettrait en outre d’éviter des poursuites qui ont largement choqué l’opinion publique française.

J’ai souhaité utiliser la présente proposition de loi du groupe Les Républicains pour faire passer ce message. Je ne suis pas certain que les dispositions de mon amendement s’inscrivent vraiment dans la philosophie générale de ce texte. En revanche, je crois utile de rappeler aujourd’hui que les procureurs n’ont fait en l’espèce qu’appliquer la loi, du fait de l’omission, en 2012, des prestations de transport, et qu’il convient par conséquent de modifier la loi, si nous voulons éviter qu’à l’avenir des faits similaires n’entraînent d’autres poursuites.

Voilà pourquoi je propose de modifier l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour ajouter, après le mot « hébergement », les mots : « de transport ». J’espère que, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous pourrons nous rassembler pour rappeler que l’aide à une personne en grande difficulté, lorsqu’elle est octroyée dans un seul souci humanitaire, n’est pas un délit : c’est un acte humanitaire qu’il faut considérer comme tel. Il ne peut pas y avoir de délit de solidarité !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le champ de l’immunité pénale en matière d’aide au séjour irrégulier d’étrangers sur le territoire français.

L’aide directe ou indirecte à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France est constitutive d’un délit, puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Ne sont toutefois pas incriminables les actions d’aide au séjour irrégulier d’un étranger, soit lorsqu’elles sont le fait d’un proche de la personne étrangère, soit lorsqu’elles sont effectuées dans un but humanitaire.

À mon sens, les situations mentionnées dans l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile couvrent d’ores et déjà de manière assez large les actions humanitaires : sont mentionnés les conseils juridiques, les prestations de restauration, d’hébergement et de soins médicaux, mais aussi – ce n’est pas anodin – « toute autre aide visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique » de la personne étrangère.

Certes, le transport n’est pas spécifiquement mentionné, mais, dans l’absolu, rien ne paraît empêcher qu’il entre dans ces catégories dès lors qu’il vise à préserver la dignité ou l’intégrité de la personne.

Je crains en revanche que la modification qui fait l’objet de cet amendement ne nous conduise à rompre l’équilibre existant avec la nécessité de réprimer efficacement les filières d’immigration clandestine.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Tout comme M. le rapporteur, nous considérons que le 3° de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile couvre déjà le cas évoqué par M. Kaltenbach.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 6
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Article 7

Article 6 bis (nouveau)

La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 131-6, les mots : « , à la place de l’emprisonnement, » sont supprimés ;

2° Le premier alinéa de l’article 131-9 est ainsi rédigé :

« L’emprisonnement peut être prononcé cumulativement avec une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6. »

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Après l’article 225-15-1 du code pénal, il est inséré un article 225-15-1-… ainsi rédigé :

« Art. 225-15-1-… – Les personnes physiques ou morales déclarées responsables pénalement des infractions prévues à la présente section encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

La parole est à Mme Évelyne Yonnet.

Mme Évelyne Yonnet. Dans la continuité du précédent, cet amendement a pour objet la lutte contre les marchands de sommeil. Il vise à mettre en avant un dispositif juridique qui existe, mais qui est trop peu utilisé.

Certes, cet amendement est satisfait par l’article 131-21 du code pénal, qui porte sur la confiscation des biens qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, que ces biens soient ou non la propriété du condamné. Le code pénal prévoit aussi cette sanction pour tous les biens qui sont l’objet ou le produit, direct ou indirect, de l’infraction. Un arrêt du 15 janvier 2015 de la Cour de cassation confirme la possibilité d’une telle confiscation concernant les personnes morales que sont, notamment, les sociétés civiles immobilières, méthode utilisée par les marchands de sommeil les plus attentifs aux décisions de justice.

Cette confiscation n’est malheureusement que trop peu utilisée par les magistrats du siège ou du ministère public, alors qu’elle constitue, en complément des sanctions financières, l’une des pierres angulaires de la lutte contre ces hommes et ces femmes qui piétinent les droits fondamentaux et la dignité humaine pour leur seul profit personnel.

Cette absence s’explique sans doute par le fait que ce phénomène n’est traité par la justice que depuis peu de temps et, pour le moment, dans peu de tribunaux. Cependant, ce business est de plus en plus présent sur nos territoires urbains comme ruraux.

Aussi, monsieur le ministre, cet amendement a-t-il pour objet de mettre en exergue cette possibilité de sanction trop peu utilisée.

Je vous demande par ailleurs de bien vouloir faire œuvre de sensibilisation, en particulier vers le ministère public, quant à la possibilité de requérir à ce dispositif de confiscation des biens dans les actions engagées contre des marchands de sommeil, et ce que les propriétaires soient une personne physique ou morale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Ma chère collègue, la fin de vos explications montre que les textes vous donnent déjà satisfaction et qu’il suffit simplement de les mettre en application.

Cet amendement a par ailleurs déjà été rejeté lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, le Gouvernement s’y étant montré défavorable. À mon sens, et comme vous le dites vous-même, l’article 131-21 du code pénal vous donne déjà satisfaction : la confiscation est possible.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Les actions de sensibilisation que vous évoquez, madame la sénatrice, sont menées aujourd’hui par la Direction des affaires criminelles et des grâces. Un guide a été diffusé à l’ensemble des juridictions, à 9 000 exemplaires, pour faire connaître la mesure et inviter chacun à y faire appel. Votre proposition, quelque peu disproportionnée, ne nous convainc donc pas.

C'est pourquoi je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Madame Yonnet, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?

Mme Évelyne Yonnet. Il s’agissait d’un amendement d’appel et d’alerte. Je le retire donc, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 6 bis.

(L’article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale
Article additionnel après l'article 7

Article 7

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° (nouveau) Après le mot : « celui-ci », la fin des articles 306-1 et 400-1 est ainsi rédigée : « ou le concours de l’interprète à la justice est de nature à mettre gravement en danger leur vie ou leur intégrité physique ou celles de leurs proches. » ;

2° Après le titre XXI bis du livre IV, il est inséré un titre XXI ter ainsi rédigé :

« TITRE XXI TER

« DE LA PROTECTION DES INTERPRÈTES

« Art. 706-63-2. – Les interprètes peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, déclarer comme domicile l’adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie.

« L’adresse professionnelle de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet.

« Art. 706-63-3. – En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, lorsque la révélation de l’identité d’un interprète est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches, le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement statuant en chambre du conseil peut ordonner soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou des parties, que cette identité ne soit pas mentionnée au cours des audiences publiques et ne figure pas dans les procès-verbaux, ordonnances, jugements ou arrêts de la juridiction d’instruction ou de jugement qui sont susceptibles d’être rendus publics.

« Le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction adresse sans délai copie de la décision prise en application du premier alinéa au procureur de la République et aux parties.

« La décision ordonnant la confidentialité de l’identité du témoin n’est pas susceptible de recours.

« L’interprète est alors désigné au cours des audiences ou dans les procès-verbaux, ordonnances, jugements ou arrêts par un numéro que lui attribue le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction ou le président de la juridiction de jugement.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

« Art. 706-63-4. – Le fait de révéler l’identité ou l’adresse de l’interprète ayant bénéficié des articles 706-63-2 et 706-63-3 est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. »

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Yonnet et M. Sueur, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au dernier alinéa de l'article 706-62-1, le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 375 000 € » ;

La parole est à Mme Évelyne Yonnet.

Mme Évelyne Yonnet. Aujourd’hui est présenté le vingt-deuxième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France ; dans le même temps, nous examinons une proposition de loi sur le renforcement de la justice pénale.

Je conçois que le lien peut paraître peu évident pour certains. Il l’est pourtant pour une part toujours croissante de nos concitoyens, victimes ou coupables. Il l’est aussi pour nos collectivités territoriales, qui sont de plus en plus nombreuses à s’impliquer dans la lutte contre un phénomène qui croît sans même que, souvent, nous nous en rendions compte, tant dans le milieu urbain que dans le milieu rural. Tel est l’objet principal de la proposition de loi que j’ai déposée avec M. Jean-Pierre Sueur et qui a été cosignée par 78 de nos collègues : la lutte contre les marchands de sommeil.

Cet amendement vise à alourdir, de 75 000 euros à 375 000 euros, le montant de l’amende encourue pour le délit de divulgation de l’identité d’un témoin, afin de préserver les victimes du risque de représailles.

Je n’ignore pas que la loi renforçant la lutte contre le crime organisé a fixé le montant de cette amende à 75 000 euros pour tout crime ou délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement. Toutefois, je sais aussi, mes chers collègues, que 75 000 euros, pour un marchand de sommeil, ce n’est rien ! Ce n’est pas une telle somme qui arrêtera la volonté de représailles de ces hommes et femmes qui exercent une activité illégale pouvant rapporter des milliers d’euros chaque mois. Une procédure pourrait pourtant y mettre fin et protéger des victimes très fragiles, à faibles revenus, parfois sans papiers.

Monsieur le ministre, être marchand de sommeil est devenu un business très lucratif, qui a malheureusement de l’avenir au regard des migrations à venir : je pense notamment aux futures victimes, désignées et attendues, que seront les réfugiés climatiques.

Mes chers collègues, je vous propose d’adopter cet amendement, car cette somme de 75 000 euros, si elle peut être efficace pour des crimes ou délits non lucratifs, ne l’est pas dans le cas présent. Je rappellerai en outre que, lors de l’examen de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, un nombre égal de sénateurs avait voté pour et contre notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. L’article 706-62-1 du code de procédure pénale, relatif à la divulgation de l’identité d’un témoin, a été créé par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé : le Parlement s’est donc prononcé assez récemment sur le niveau approprié de la peine.

Il ne semble pas nécessaire de revenir sur cette rédaction, a fortiori si c’est pour déroger au principe constitutionnel de nécessité et de proportionnalité des peines. En l’espèce, au vu des informations que l’on m’a communiquées, ce type d’incriminations a donné lieu à un nombre infime, voire nul, de condamnations.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, comme M. le rapporteur l’a souligné, le Parlement s’est prononcé il y a moins d’un an sur les sanctions à réserver à ce délit. En outre, la semaine dernière, le Sénat a adopté un texte proposé par le Gouvernement qui reprend cette disposition et l’étend à d’autres fonctionnaires. Si l’on adoptait votre amendement, madame la sénatrice, on créerait une distorsion injustifiée dans l’échelle des peines.

En second lieu, de manière plus importante encore, si vous visez les marchands de sommeil, ceux-ci peuvent être poursuivis en raison même de leur activité délictuelle, et la condamnation qu’ils encourent alors est autrement plus lourde que ce que vous proposez ici pour la révélation de l’identité de témoins. Nous avons déjà tout l’arsenal nécessaire pour poursuivre les marchands de sommeil !

De ce fait, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.