M. le président. La parole est à M. Pierre Charon. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le désaccord flagrant entre l’Assemblée nationale et le Sénat, illustré par l’échec de la commission mixte paritaire, démontre clairement que ce texte fourre-tout et hétéroclite, inscrit précipitamment à l’ordre du jour dans le cadre d’une procédure accélérée, relève d’une démarche de panique ! Je n’y ai pas retrouvé ce nouveau souffle dont le statut de Paris a tant besoin. On nous propose, au contraire, un texte timoré, sans aucune vision d’ensemble.

À ce propos, je souhaite rassurer M. le ministre Baylet, qui s’inquiétait à l’Assemblée nationale, avec peu d’élégance pour un ancien sénateur, de ne pas m’avoir entendu dans cet hémicycle. En première lecture, les dix amendements que j’avais déposés en commission des lois avaient été intégrés dans le texte soumis à la séance publique. Je n’avais donc plus besoin d’intervenir, étant donné que mes amendements figuraient déjà dans le texte soumis aux sénateurs ! C’est un petit rappel élémentaire de la procédure parlementaire.

Monsieur le ministre, si vous vous plaignez de ne pas m’avoir entendu, je déplore pour ma part que votre gouvernement, lui, n’ait pas cherché à nous écouter !

Pourtant, l’occasion était donnée de mettre fin à un statut inadapté et vétuste. Le toilettage qui s’imposait de la loi PLM aurait pu permettre de prendre en compte la spécificité de Paris.

C’est précisément ce qui avait été proposé, en première lecture, par le Sénat, mais aussi par mes collègues députés Nathalie Kosciusko-Morizet, Philippe Goujon et Claude Goasguen. Ils ont relayé la voix de cette opposition méprisée, comme c’est si souvent le cas au Conseil de Paris.

Malheureusement, de nombreuses occasions ont été manquées. On constate d’abord le refus de renforcer les échelons de proximité que sont les arrondissements parisiens. Les maires d’arrondissement sont concernés par les interdictions de cumul de mandats, alors qu’ils ne sont toujours pas des maires de plein exercice : quel drôle de paradoxe ! Ces mairies sont reconnues comme des exécutifs municipaux avec des obligations à leur charge, mais elles restent privées de toute véritable autonomie. Les arrondissements sont victimes d’une double peine, comme l’a justement dit Philippe Goujon.

Les habitants des arrondissements ont donc en face d’eux des maires dépourvus de toute compétence pour traiter des questions de vie quotidienne. Cette situation est particulièrement choquante. Or rien n’a été fait, durant ce quinquennat, pour y remédier. Les transferts prévus dans le présent projet de loi ne sont que des trompe-l’œil. Les propositions du Sénat ont été rejetées, tout comme les amendements déposés par l’opposition à l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement s’est ainsi privé de propositions substantielles. Des solutions pragmatiques et efficaces ont malheureusement été écartées. Pourtant, j’insiste : ces mesures ne bouleversaient pas l’équilibre parisien.

Il s’agissait simplement de confier aux arrondissements des compétences de proximité. Je peux en citer quelques-unes : entretien de la voirie, attribution des subventions aux associations situées dans l’arrondissement, renforcement des pouvoirs en matière d’urbanisme et d’autorisations d’occupation du sol, enfin possibilité de conclure des conventions de partenariat avec les communes limitrophes de Paris. Il n’y avait là rien de révolutionnaire, mais tout simplement du concret pour les habitants, qui sont les grands oubliés de ce projet de loi !

Toutes ces mesures ne constituent pas une atteinte à l’unité de notre ville. Au contraire, elles auraient évité les engorgements dus aux circuits complexes. Dans la vie des Parisiens, il faut privilégier l’échelon le plus proche : l’arrondissement. Nous ne faisons qu’appliquer le principe élémentaire de subsidiarité !

Pour Paris, nous avons souhaité être cohérents avec la logique de la décentralisation. À Paris, l’arrondissement est bien la collectivité de base. En effet, comme l’avait remarqué Nathalie Kosciusko-Morizet (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.), « c’est à cette échelle-là que les choix les plus pertinents peuvent être faits ».

Il serait donc temps de reconnaître aux arrondissements un caractère de collectivité locale. C’est d’ailleurs ce qu’avait envisagé Pierre Mauroy, dans la première version de la loi PLM. Il suggérait sagement de reconnaître aux arrondissements la qualité de commune. C’est dans cette direction qu’il aurait fallu s’orienter. On s’en est malheureusement éloigné.

Par ailleurs, le refus de doter Paris d’une police municipale constitue une autre occasion manquée. Le texte qui nous est soumis manque d’ambition. Philippe Dominati, Yves Pozzo di Borgo et moi-même avions écrit une proposition de loi sur ce sujet, qui a été adoptée par le Sénat il y a deux ans. Le Sénat a constamment cherché à améliorer le régime de l’ordre public parisien.

Lors de la première lecture du présent texte, nous avons travaillé pour rapprocher Paris de ce qui est pratiqué dans les communes des départements de la petite couronne. C’était une solution de compromis, qui, là encore, ne bouleversait aucun équilibre. Elle aurait permis de recentrer la préfecture de police sur des missions plus régaliennes. Cette logique de complémentarité fonctionnelle, le Gouvernement a malheureusement préféré la rejeter, en raisonnant encore avec un logiciel révolu et périmé.

Enfin, anomalie suprême, le Gouvernement n’a toujours pas corrigé l’injustice qui permet à un maire de Paris d’être élu avec une minorité des voix. C’était le cas en 2001 et, récemment, en 2014 !

Je déplore tous ces échecs, mais je reste confiant pour l’avenir. Le Sénat peut être fier de ses propositions, qui pourront inspirer la prochaine majorité.

Notre capitale veut conquérir ses libertés ; à cet égard, le texte adopté en première lecture par la Haute Assemblée constitue une étape importante dans la réflexion sur le statut de Paris. Je salue à cette occasion le travail de la commission des lois, de son président et de son rapporteur, Mathieu Darnaud. Ils ont permis au Sénat de proposer des solutions qui tranchent avec le statu quo. Le Sénat a bien été la maison des libertés locales. Il a défendu une décentralisation qui doit aussi profiter aux arrondissements parisiens. Ce mouvement séculaire ne saurait s’arrêter aux portes de la mairie de Paris.

Si je m’apprête à voter la motion visant à opposer la question préalable, ce n’est pas au nom d’un refus borné, ou par posture. Je la voterai parce que le texte modifié par le Sénat constitue un pari sur l’intelligence de Paris. Il faut faire confiance aux Parisiens et à leurs élus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat s’apprête donc à se tirer une nouvelle fois une balle dans le pied. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et son pied est déjà très abîmé !

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi, mes chers collègues ? Parce que cela fera quatre fois, en deux mois, que le Sénat aura décidé de ne pas délibérer, et ce sur des textes de grande importance : la loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale, la loi Égalité et citoyenneté et, enfin, le texte dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Le Sénat est pourtant convié par la Constitution, après l’échec d’une commission mixte paritaire, à une nouvelle lecture. Vous savez tous que l’Assemblée nationale peut reprendre soit sa rédaction, soit celle du Sénat. Le Sénat refuse donc aujourd’hui, et pour la quatrième fois, d’accomplir l’office qui est prévu par la Constitution. Cela porte tort au bicamérisme et au Sénat lui-même. Mes chers collègues, pourquoi ne pas délibérer ? Que vous soyez pour ou contre le contenu de ce texte, à cet état de la navette, sur Paris ou sur les métropoles, pourquoi donc refuser le débat ?

La conférence des présidents avait prévu trois jours de débats. Voilà quelques jours à peine, à la commission des lois, nous avons constaté que des amendements avaient été déposés par MM. Karoutchi et Dallier, ainsi que de nombreux autres membres du groupe Les Républicains…

M. Philippe Dallier. Nous désespérons !

M. Jean-Pierre Sueur. … et de l’UDI-UC : c’est la vérité ! Si vous avez déposé des amendements, c’est bien parce que vous aviez quelque chose à dire sur ce texte.

M. Philippe Dallier. On a toujours quelque chose à dire ! Vous n’entendez rien !

M. Jean-Pierre Sueur. Or tout d’un coup tombe la question préalable : il n’y a pas lieu de délibérer ! Eh bien, mes chers collègues, ce n’est pas ainsi que l’on défendra le Sénat auprès des Français.

M. Jackie Pierre. Oh là là !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour en venir à la question des métropoles, permettez-moi de dire tout net que je récuse le malthusianisme qui s’est encore exprimé à cette tribune. Oui, ce texte permettra à sept agglomérations d’être dotées du statut de métropole. Il s’agit d’abord de Dijon, d’Orléans (Marques d’ironie sur plusieurs les travées du groupe Les Républicains.) et de Tours, dans deux régions, Centre Val-de-Loire et Bourgogne–Franche-Comté, qui étaient jusqu’à ce jour dépourvues de métropole. Or le couple métropole-région est très important. Les quatre autres futures métropoles sont Metz, Toulon, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand.

Mes chers collègues, vous avez exprimé ici votre position, mais je dois vous dire que vos collègues élus de ces communes et de ces agglomérations, quand bien même ils appartiennent aux mêmes partis que vous, me disent tous les jours ne pas comprendre votre position. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez donc expliquer aux maires de ces communes que c’est une bonne chose que de s’opposer à ce que ces agglomérations bénéficient du statut de métropole. Bon courage ! Lisez la presse, vous verrez qu’ils ne vous comprennent pas !

Derrière l’opposition à ces nouvelles métropoles, il y a une sorte de non-dit, qui a été exprimé lors de la précédente lecture de ce texte, mais est caché aujourd’hui. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

On nous a dit, monsieur le rapporteur, que ces nouvelles métropoles porteraient atteinte, en fin de compte, à la ruralité. Je crois tout le contraire.

En effet, il est clair que la dotation générale de fonctionnement que perçoivent les métropoles est strictement identique à celle des communautés urbaines. Pas un euro ne sera donc pris, au sein de cette dotation, pour ces métropoles au détriment des autres collectivités locales.

Surtout, adoptons une autre attitude que ces oppositions perpétuelles entre l’urbain et le rural ! Nous avons besoin, dans nos régions, de métropoles fortes, attractives et entraînantes, qui portent un réel dynamisme. Or vous savez bien que le statut de métropole, issu des lois que nous avons votées, permet à ces agglomérations d’exercer, dans le cadre de contrats, au nom du département, de la région et de l’État, un certain nombre de prérogatives. Cela sera très important, et je peux vous dire que les élus de tous bords politiques des communes que j’ai citées partagent absolument mon opinion.

En même temps, nous avons eu raison de créer, par la loi NOTRe, qui a été adoptée par la majorité du Sénat comme celle de l’Assemblée nationale, de grandes communautés de communes, de telle manière que le monde rural, celui des petites et moyennes communes, dispose d’un outil territorial fort pour mener des actions dans les domaines de l’économie, de l’aménagement, de l’environnement et des infrastructures, soit tout ce qui est décisif pour l’avenir.

Arrêtons donc d’opposer les collectivités les unes aux autres, et travaillons ensemble pour conjuguer, pour ajouter, pour additionner le dynamisme des agglomérations et des métropoles et celui d’un monde rural structuré à l’échelle pertinente pour aller ensemble de l’avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati. (M. Roger Karoutchi et Mme Catherine Deroche applaudissent.)

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tous les présidents de la Ve République se sont intéressés à la capitale. Tous ont modifié le statut de la capitale ou lui ont porté un intérêt très fort : le général de Gaulle a remodelé la région parisienne ; Georges Pompidou s’est occupé des arts et nous a légué le Centre Pompidou ; Valéry Giscard d’Estaing a quant à lui réalisé une avancée capitale, en offrant un maire à Paris. François Mitterrand, dans un premier temps, a essayé de dépecer Paris, mais il est tombé, monsieur le ministre, sur un ministre de l’intérieur qui était, lui, un chantre de la décentralisation et a fait adopter la loi PLM.

Jacques Chirac, pour sa part, a été le seul Président à avoir été maire de Paris ; il avait été élu trois fois à cette fonction, dont deux fois par le grand chelem, à la totalité des Parisiens. Il a fait quelques réformes d’ajustement. Nicolas Sarkozy a quant à lui proposé, quatre mois seulement après son élection, le Grand Paris. Le président Hollande est en revanche le premier Président, sous la Ve République, à ne s’être jamais exprimé sur la capitale, pas même dans un livre où il aurait pu faire des confidences sur ce qu’il ne faut pas dire ! (M. Pierre Charon rit.)

Alors, le Gouvernement nous demande aujourd’hui d’adopter un projet de loi. Or ce texte souffre de grands maux. Sur le fond, c’est une grande régression. Vous parliez de décentralisation : c’est le contraire ! C’est sortir Paris du droit commun, faire un régime d’exception pour la capitale. Cela permettra à tous les gouvernements futurs de faire un statut particulier permettant de revenir en arrière, avant Valéry Giscard d’Estaing, avant tout ce qui a été accompli, avant la lutte que tous les élus parisiens ont menée, depuis des décennies, pour faire en sorte que Paris rentre dans le droit commun et soit la première commune de France !

Ce que vous faites, monsieur le ministre, c’est la régression, le retour en arrière. À cela, il y a une raison : le tripatouillage électoral. Il vous fallait un alibi pour regrouper, comme vous dites, quelques secteurs, et construire ainsi un confortable bunker pour Mme Hidalgo, afin de préparer le passage peut-être difficile au futur.

Nous aurions pu parler des pouvoirs de police du maire et choisir le périmètre de la métropole pour y associer des grandes villes comme Argenteuil ou faire en sorte que les pouvoirs de police correspondent aux zones d’urbanisme. Ce ne fut pas le cas.

Nous aurions pu parler de la police municipale. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Il ne suffit pas de prélever 2 000 ou 2 600 agents sur les 42 000 fonctionnaires de la préfecture : 80 % des villes d’Île-de-France comptent une police municipale. La sécurité de nos concitoyens exige ce débat. Or c’est cela même que vous avez voulu éviter.

Nous sommes face à un texte fourre-tout, Pierre Charon ou Yves Pozzo di Borgo notamment l’ont souligné. Si quarante articles portent sur la capitale, un seul a trait aux métropoles. Vous vous occupez des cercles de jeux, d’un aéroport, mais pas de l’autre. Tout cela est fait à la va-vite.

Sur le fond, ce texte est une régression.

Sur la forme, monsieur le ministre, vous avez choisi la méthode du mépris.

Mépris du Sénat, par le recours à la procédure accélérée. Vous le savez comme moi : sur un texte relatif aux collectivités territoriales, la procédure normale était de mise.

Mépris des élus, car il n’y a pas eu de concertation, quoi que vous en disiez. Nombre d’élus parisiens n’ont pas été consultés.

Mépris des Parisiens et de la population. Lors du premier débat sur ce texte, j’ai souligné que les Parisiens n’étaient pas au courant que leur capitale allait changer de statut. Allez dans la rue et vous vous rendrez compte que rien n’a changé !

Pourquoi cette question préalable, monsieur Sueur ? Un événement politique majeur – des primaires à gauche – a tout de même eu lieu récemment ! Lors de l’examen de ce texte en première lecture, Manuel Valls était Premier ministre et incarnait la politique du Gouvernement. Depuis, les Français de gauche se sont exprimés et – son score l’atteste à Paris comme dans le reste de la France – l’ancien Premier ministre a été renvoyé à d’autres ambitions.

En résumé, ce projet est illégitime. Le Gouvernement essaie de faire passer, en fin de mandature et à la va-vite, un texte fourre-tout qui ne concerne en rien les Parisiens et auquel ils ne sont pas sensibilisés.

Monsieur le ministre, ce n’est pas votre faute, mais vous appartenez à un gouvernement qui n’a plus de légitimité : le Président de la République ne peut pas se représenter, l’ancien Premier ministre a été battu par le peuple de gauche. Comment osez-vous parler de légitimité et modifier le statut de la capitale dans ces conditions, à quelques semaines de la fin de la législature ? C’est véritablement une honte !

C’est pourquoi, pour abréger les souffrances d’un gouvernement qui ne peut pas traiter sérieusement cette question, il est nécessaire d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. Bien évidemment, je la voterai. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je comprends tout à fait que cette motion ait été déposée. Je ne serai pas aussi violent, mais juste, que mes deux collègues parisiens. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Dallier. La violence juste est un nouveau concept !

M. Roger Karoutchi. Cependant, depuis que l’idée du Grand Paris a été lancée en 2007 par Nicolas Sarkozy – elle avait pour seul tort de s’appuyer sur des projets sans prendre en compte la dimension institutionnelle –,…

M. Philippe Dallier. Quelle évolution ! J’apprécie…

M. Roger Karoutchi. … la réflexion sur la région, sur la métropole et sur Paris a été sans intérêt. Bien sûr, des débats ont eu lieu et la métropole a été créée, dans des conditions toutefois un peu particulières qui ont exigé que l’on s’y reprenne à plusieurs fois. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Alors que l’Île-de-France représente 2 % du territoire, 20 % de la population et 30 % de la richesse nationale, on fait comme s’il s’agissait d’une région banale. Pourtant, dès qu’il est question de Paris, on reconnaît qu’elle ne peut avoir ni les mêmes droits ni les mêmes pouvoirs que les autres villes françaises ou que les autres capitales d’Europe.

Monsieur le ministre, vous qui êtes plutôt girondin et décentralisateur – votre formation et votre parcours l’attestent –, faites en sorte que l’Île-de-France acquière un statut spécifique. C’est bien le moins. Ce gouvernement ne pourra pas le faire, c’est le prochain qui s’en chargera.

Il ne s’agit pas de mettre la région-capitale à part,…

M. Roger Karoutchi. … mais on ne peut pas la traiter comme les autres : la densité de sa population et les contraintes existantes exigent qu’on lui permette de respirer pour qu’elle devienne la locomotive de l’économie française. C’est aujourd'hui impossible : les communes, les conseils de territoire, les départements, la métropole et la région cohabitent sur un espace tellement restreint que plus personne ne sait ce qu’il fait, plus personne ne connaît les compétences respectives de chacun, plus personne ne comprend les financements croisés et tout le monde conteste tout.

Nous en sommes là parce que nous ne voulons pas nous réunir et tout mettre sur la table. Paris ne peut ni vivre ni décider sans la région, car l’essentiel de la richesse de la capitale vient du travail ou de la consommation des banlieusards à Paris ; qui plus est, de nombreux Parisiens travaillent en banlieue. Elle ne peut pas faire comme si elle était une forteresse au milieu de nulle part. De la même manière, la métropole ne peut pas faire sans la région et la région ne peut pas faire sans Paris. Il faut bien un statut spécifique pour rendre possibles les expériences.

Les cris d’orfraie qui sont poussés parce que deux communes envisagent de se rapprocher ou de fusionner, que ce soit les Hauts-de-Seine ou ailleurs, n’ont aucune raison d’être. Si les départements veulent se rapprocher, qu’ils le fassent ! On voudrait voir la région-capitale concurrencer Londres ou New York, mais avec quels moyens, quelles structures, avec quelles libertés ? Dans ce pays, on ne sait faire qu’une seule chose : inventer des règles, des réglementations et des contraintes. Résultat, on n’a ni la capitale, ni la métropole, ni la région qu’il nous faudrait.

Les acteurs politiques veulent que cela change. Est-il aussi insupportable que cela de se ranger à l’idée que la région-capitale jouisse d’un statut spécifique lui permettant d’expérimenter et remettant Paris en son cœur ? Il n’est pas possible que des calculs politiciens y fassent obstacle. C’est pourtant la vérité : la gauche n’ayant obtenu ni la métropole ni la région, on redonne à Paris pour ne pas donner à la région. Franchement, ce n’est pas à la hauteur !

Oui, je voterai cette motion, car l’Île-de-France mérite mieux que cela : elle mérite que l’on pose tous les problèmes sur la table, avant même l’élaboration d’un statut spécifique, pour libérer les énergies. Quelle que soit la couleur politique des institutions, celles-ci doivent fonctionner pour le bénéfice de tous les citoyens et pas uniquement pour que quelques élus se satisfassent d’arrangements qui ne sont pas du tout de nature à permettre des progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Yves Pozzo di Borgo et Hervé Marseille applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le rapporteur, j’ai déjà expliqué, ici et à l’Assemblée nationale, les raisons pour lesquelles nous avions choisi de recourir à la procédure accélérée. Je les rappelle brièvement. Dans la mesure où nous voulions que l’examen de ce texte arrive à son terme et qu’il se traduise en actes – c’est nécessaire pour Paris et pour l’Île-de-France –, il le fallait. Cette décision a été prise en concertation avec un certain nombre de sénateurs ; il ne pouvait d’ailleurs en être autrement.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pas avec moi, en tout cas !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur le président de la commission, vous êtes important ici, mais vous n’êtes pas tout le Sénat ! (Sourires.)

Certes, il aurait sans doute fallu commencer ce débat plus tôt, mais c’est une autre histoire.

Monsieur le rapporteur, de votre point de vue, ce texte est déséquilibré. Ce n’est pas ce que pensent le Gouvernement, la majorité des élus parisiens et de nombreux parlementaires, en particulier les députés. Au contraire, ce texte est d’autant plus équilibré qu’il s’est enrichi d’un certain nombre de sujets et d’articles, durant le débat, mais aussi, c’est vrai, bien avant que ce projet de loi ne soit déposé sur le bureau du Sénat, notamment pour ce qui concerne le fait métropolitain.

Vous regrettez que quatre métropoles supplémentaires soient créées et que ce texte en compte finalement sept de plus. Pourtant, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, une majorité de vos amis soutiennent la création des métropoles. Certains siègent même ici et me demandent de ne surtout pas lâcher et de ne pas vous écouter. Quatre des sept métropoles nouvelles – celles de Tours, Orléans, Toulon et Saint-Étienne – sont dirigées par des responsables de droite. Ils sont venus me voir et, c’est vrai, monsieur Requier, la vision de leur territoire m’a convaincu. Dans la vie publique, se laisser convaincre n’est pas un mal, lorsque les arguments présentés sont solides.

Quant au suffrage universel, monsieur le rapporteur, il est dans la loi et nous aurions dû décider du mode de scrutin avant le 1er janvier dernier, pour des élections prévues en 2020.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est bien ce que nous regrettons !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Nous ne sommes pas en mesure de respecter la loi à la lettre. C’est pourquoi j’ai engagé une concertation avec l’ensemble des dirigeants des métropoles – je rappelle qu’une majorité d’entre eux sont de droite –, qui se sont déclarés partisans du suffrage universel. C’est la raison pour laquelle, au nom du Gouvernement, j’ai repris l'amendement déposé par Mme Benbassa et un certain nombre de ses collègues du groupe écologiste afin de reporter à 2019 l’échéance pour définir le mode de scrutin.

Je ne comprends pas, monsieur Darnaud, qu’en tant que rapporteur du Sénat sur ce texte vous reprochiez au Gouvernement d’appliquer la loi et de l’aménager afin de pouvoir l’appliquer dans les meilleures conditions.

Et puisque vous reviendrez sans doute sur ce point lors de l’examen de la motion, je le répète après plusieurs de vos collègues : ce n’est pas faire honneur au bicamérisme que de refuser le débat en opposant la question préalable.

M. Madec a raison : il ne faut pas s’étonner que le Parlement ait des détracteurs quand on voit le Sénat, représentant des collectivités, refuser de débattre d’un texte qui concerne une collectivité, et pas n’importe laquelle, Paris, notre capitale ! De même, il a rappelé à juste titre qu’un large consensus s’était dégagé au Conseil de Paris. Voilà qui me permet de répondre à ceux qui prétendent qu’il n’y aurait pas eu concertation sur ce texte (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame également.),…

M. Jean-Michel Baylet, ministre. … sans parler de la position très tranchée du Conseil constitutionnel.

Et cela correspond à une aspiration des Parisiens. Il faudrait que ceux qui siègent au Conseil de Paris répondent, pas ceux qui n’y sont pas !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je suis au Conseil de Paris !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Monsieur Favier, je sais que les communistes en général, et les membres du groupe CRC en particulier, tiennent essentiellement à la commune. Mais aménager le statut de Paris ce n’est pas toucher à la commune.

Vous auriez souhaité un référendum. Nous avons eu ce débat il n’y a pas si longtemps lors de l’examen d’un autre texte. Pour ma part, je ne pense pas que le référendum soit l’arme magique sur tous les sujets, tant s’en faut : nous savons bien que, pour des raisons que nous connaissons bien, les électeurs ne répondent généralement pas à la question posée. À l’instar de M. le rapporteur, vous nous avez donné acte d’un certain nombre d’avancées sur le droit des agents, les pouvoirs de police du maire.

J’en viens à la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Ce sont les députés marseillais qui ont souhaité qu’une étude soit menée sur la coordination entre la métropole et le département d’ici à 2019. Il est vrai que la situation est exceptionnelle, puisque vingt-neuf communes des Bouches-du-Rhône ne font pas partie de la métropole.

Enfin, il ne vous aura pas échappé, même si vous ne l’avez pas rappelé, que, grâce à ce texte, nous avons, sur votre demande, résolu le problème du CASH de Nanterre, le centre d'accueil et de soins hospitaliers.

Madame Benbassa, je vous remercie de votre soutien. Cela n’a rien d’étonnant venant des écologistes. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous nous retrouvons sur cette vision d’une collectivité moderne, progressiste et participative. Vous avez raison de souligner l’importance des services publics. Vous êtes la sagesse même, madame la sénatrice ! (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)