M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La présence obligatoire de représentants des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises a été instituée par la loi du 14 juin 2013. Le seuil d’effectif initial – 10 000 salariés dans le monde ou 5 000 en France – a été abaissé à peine deux ans plus tard par la loi Rebsamen du 17 août 2015 – 5 000 salariés en France et à l’étranger ou 1 000 en France –, qui a également supprimé une dérogation qui bénéficiait aux holdings.

La loi Rebsamen avait prévu une période transitoire pour la mise en application de ce nouveau seuil : les entreprises nouvellement soumises à cette obligation ont jusqu’à courant de l’année 2018 pour se mettre en conformité avec elle. Il semble donc bien prématuré de généraliser ce régime à toutes les entreprises comptant au moins 500 salariés.

Outre que l’équilibre de la gouvernance d’entreprises de taille moyenne serait bouleversé, cette disposition aggraverait l’instabilité juridique autour de la représentation des salariés dans les conseils d’administration qui est entretenue depuis 2013. Or de quoi ont actuellement besoin nos entreprises si ce n’est d’un cadre juridique stable pour se concentrer sur le développement de leur activité ?

La commission des affaires sociales a supprimé l’habilitation que le Gouvernement souhaitait obtenir dans ce domaine, notamment parce que celui-ci n’a jamais précisé, au moins jusqu’à ce soir, ses intentions sur ce point. Attendons que soient évalués – tel doit être le cas – les effets des lois de 2013 et 2015 avant de modifier de nouveau la loi.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Comme je l’ai expliqué précédemment, nous ne souhaitons pas toucher pour l’instant aux seuils. M. le rapporteur l’a relevé, la mise en place des seuils est en cours.

De surcroît, il faut toujours revenir aux réalités. De nombreuses entreprises de moins de 1 000 salariés sont des entreprises familiales – nous n’en avons d’ailleurs pas assez en France. Comme cela a été rappelé hier et encore aujourd'hui sur un autre sujet, notre priorité pour ces entreprises est d’instituer un dialogue social interne, et non de modifier leur gouvernance.

Il est primordial de créer un dialogue social, que des organisations syndicales s’implantent et que l’on négocie dans l’entreprise. Il me paraît donc aujourd'hui tout à fait prématuré à plusieurs égards, culturellement et d’expérience au regard de la loi, de baisser ce seuil.

Certains changements doivent s’opérer rapidement, mais d’autres doivent se faire au fur et à mesure. Plus il y aura de dialogue social dans ces entreprises et plus la question de la gouvernance sera abordée naturellement. Voilà pourquoi celle-ci ne pose pas de problème dans les grandes entreprises – les gens se connaissent – et est entrée assez facilement dans les mœurs, je puis en témoigner.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Nous soutiendrons ces deux amendements identiques.

Toutefois, je ne comprends pas très bien : il ne faudrait pas tout le temps changer la loi, dites-vous ? Mais n’est-ce pas ce que vous voulez avec ce projet de loi, en changeant plein de choses ? C’est un argument que vous utilisez quand cela vous arrange…

On est toujours prompt à citer l’exemple allemand – c’est une Franco-Allemande qui vous le dit – du Mitbestimmungsrecht. Or, en Allemagne, les petites entreprises n’ont pas cette méfiance envers le représentant salarié : il n’est pas, par principe, considéré comme casse-pieds, incompétent ou dérangeant.

C’est aussi que le système est différent : la moitié des chefs d’entreprise allemands sont issus de l’apprentissage, loin, donc, du système de caste à la française, qui veut que les dirigeants, sortis des grandes écoles, ne doutent pas souvent ou très peu.

Faire valoir la présomption d’intelligence des salariés, qui peuvent parfois avoir un regard critique et décalé et poser, aussi, des bonnes questions, dans les entreprises de plus de 500 salariés, ce n’est pas nuisible ni dérangeant. Pour connaître le monde agricole, cela se fait d’ores et déjà dans des très petites structures agricoles. Dès lors, pourquoi les mesures qui s’appliquent dans de petites structures ne seraient-elles pas expérimentables dans des structures plus grandes ?

Nous soutiendrons donc ces deux amendements identiques, en déplorant le discours à géométrie variable de la commission et du Gouvernement. (M. Jean Desessard applaudit. – Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. L’argument selon lequel une disposition venant d’être mise en place ne doit pas être modifiée prête à sourire. Quel meilleur réquisitoire contre les ordonnances prévues ici, qui veulent revenir sur certaines dispositions à peine appliquées de la loi El Khomri ? Je vous propose donc, monsieur le rapporteur, madame la ministre, d’abandonner ce type d’arguments, qui ne sont pas convaincants.

J’ajoute que ces amendements identiques ne visent pas à changer le dispositif. Ils tendent seulement à étendre le champ d’application d’une réforme qui a été vécue comme une avancée assez consensuelle, y compris par le patronat, jusqu’aux entreprises de plus de 500 salariés. Nous ne parlons même pas des petites entreprises auxquelles faisait référence Corinne Bouchoux ! Pourquoi n’y aurait-il rien entre 500 et 1 000 salariés ? Pourquoi le dispositif se déclencherait-il à partir de 1 000 salariés ?

La situation actuelle n’est pas logique. Il s’agit d’aller dans le sens des mesures actuellement en vigueur, sans chambouler le dispositif qui a été accepté. Personne ne s’y opposerait, même pas le patronat, me semble-t-il ! J’ai cité un certain nombre de patrons qui se sont plutôt prononcés pour ce changement.

Il y a comme un malaise à constater que, après des heures de travail dans l’hémicycle, vous continuez de refuser des propositions logiques et faisables, tout simplement parce que vous avez reçu mission de vous y opposer, les ordonnances étant déjà écrites ! (Mme la ministre s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Je sens que l’hémicycle est un peu assoupi, c’est peut-être la faim qui nous taraude ! (Sourires.)

Je veux simplement dire ici que certains arguments sont réversibles. Avant de prononcer les mots « stabilité », « prématuré » ou « évaluation », il faut être prudent, madame la ministre : nous pourrions en faire des usages bien différents…

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 154 rectifié ter et 212 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Lienemann, MM. Tourenne, Durain, Duran et Labazée, Mmes Jourda et Yonnet et MM. Mazuir et Montaugé.

L’amendement n° 213 rectifié ter est présenté par MM. Assouline et Cabanel, Mme Guillemot, M. M. Bourquin, Mmes Blondin et Lepage et MM. Marie et Roger.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal à deux dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, entre cinq cent et moins de mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes. Dans les sociétés qui emploient, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins mille salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, le nombre des administrateurs représentant les salariés est au moins égal au tiers sans pouvoir être inférieur à deux. »

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.

M. Franck Montaugé. Cet amendement va de pair avec celui que nous avons présenté sur le seuil de présence d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration.

Nous proposons qu’il y ait au moins deux administrateurs salariés dans les entreprises de 500 à 1 000 salariés ; dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, ce nombre serait au moins égal au tiers, sans pouvoir être inférieur à deux. Cette proposition, qui va dans le sens de celle qui a été défendue par les syndicats, permettrait, avec l’amendement présenté plus en amont, d’harmoniser nos pratiques avec celles de nombreux pays européens.

En Allemagne, un tiers des sièges des conseils de surveillance des entreprises de 500 à 2 000 salariés sont occupés par des salariés. La proportion monte à la moitié des sièges pour les entreprises de plus de 2 000 salariés.

En Suède, la présence de représentants des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 25 salariés est obligatoire.

Ces modalités de participation pourraient contribuer à ancrer les entreprises sur le territoire national et les aider à faire face aux problèmes de délocalisation. (Mme Corinne Bouchoux et M. Jean Desessard applaudissent.)

M. le président. L’amendement n° 213 rectifié ter a été précédemment défendu.

L’amendement n° 113, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le premier alinéa du II de l’article L. 225-27-1 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Le nombre des administrateurs représentant les salariés ne peut être inférieur à deux, sauf dans l’hypothèse où le nombre des administrateurs mentionnés aux articles L. 225-17 et L. 225-18 est de trois. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement étant quasi identique aux deux amendements précédents, il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. En l’état actuel du droit, un représentant des salariés doit siéger dans les conseils comptant moins de 12 membres, contre deux dans ceux dont l’effectif est plus élevé.

Ces amendements tendent à modifier cette logique en fixant le nombre de représentants des salariés en fonction de la taille des entreprises, le portant au tiers des conseils dans les plus grandes entreprises. Il est articulé avec l’amendement n° 154 rectifié ter, qui vise à abaisser le seuil d’effectifs à partir duquel la représentation des salariés est obligatoire dans les conseils d’administration et que nous avons rejeté.

Les deux amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter ainsi que l’amendement n° 113 étant contraires à la position de la commission, nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter ainsi que sur l’amendement n° 113, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.

Toucher à la représentation des salariés dans les conseils, tel n’est pas aujourd'hui le sujet. Observons d’abord ce qui se passe dans les entreprises – l’essentiel des mesures que nous proposons pour ce qui concerne le code du travail n’est pas axé sur la gouvernance –, avant d’en tirer dans quelque temps des conséquences.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’avis défavorable rendu par la commission des affaires sociales et le Gouvernement est hélas ! très révélateur.

Quand il s’agit d’introduire de la flexibilité et de la souplesse ou de promouvoir le dialogue social et la négociation en entreprise, on cite les exemples allemand et suédois. La social-démocratie, youpi ! Mais la réalité, c’est que vous oubliez que la contrepartie réside dans la présence des salariés et de leurs organisations syndicales au sein de ce que vous appelez la gouvernance, là où les choses se décident. Ils peuvent observer, discuter, se faire entendre et peser.

Choisir de ne prendre qu’une partie du modèle, la plus susceptible de fragiliser les salariés, en écartant celle qui a des vertus stabilisatrices, ce n’est pas la social-démocratie ; c’est un basculement libéral, c’est le démantèlement de notre système sans équilibrer les forces nécessaires.

On parle de la confiance des salariés. Mais pourquoi ne leur ferait-on pas confiance dans les conseils d’administration ?

M. Jean Desessard. Oh non, ce sont des ouvriers !

M. René-Paul Savary. C’est hors sujet !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On leur fait confiance quand il s’agit surtout de leur demander de faire des efforts dans la période actuelle. Mais on ne leur fait plus confiance du tout quand il s’agit de les autoriser à entrer dans les conseils d’administration !

Je le dis tout net, ce n’est pas la peine de nous expliquer qu’on fait la révolution, qu’on entre dans un nouveau monde ! Ce n’est pas en marche, c’est en marche arrière !

M. Martial Bourquin. Très bien !

Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas faux !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. La réalité, c’est que l’on nous propose des reculs sociaux. On refuse d’aller de l’avant en acceptant les grandes évolutions qui consistent à faire participer les salariés aux conseils d’administration des entreprises, même les petites d’entre elles.

Toute modification culturelle des relations entre les salariés et les patrons sera impossible dans notre pays si l’on n’accepte pas une telle évolution, qui est indispensable.

Personnellement, j’estime que ces amendements sont utiles, à l’instar des précédents. Ce combat culturel est décisif pour donner un sens au terme de dialogue social. Sauf à considérer que le dialogue social signifie : « Cause toujours ! » et si l’on veut que ce soient toujours les mêmes qui décident ! (MM. David Assouline, Franck Montaugé et Jean Desessard applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je voudrais exprimer une opinion différente de celles qui viennent d’être exposées au sujet de la mutation de la gouvernance d’entreprise.

La comparaison avec la situation dans les pays d’Europe du Nord ne vaut que si on la replace dans une histoire syndicale qui se compte en décennies. La France n’est pas dans la même situation.

Ce qui pose problème avec ces amendements, que nous allons repousser, c’est qu’ils tendent à créer dans la loi une obligation à la place d’un dialogue social. Aujourd'hui, je le constate, développer la participation obligatoire, en l’imposant par la loi, des salariés aux organes de gouvernance de l’entreprise ne fait pas l’objet d’une revendication fréquente des principales organisations syndicales.

La question n’est pas de savoir si les salariés doivent participer à ces instances ou non ; elle est de se prononcer sur l’opportunité de le faire de façon uniforme par la loi ou par accord. Rien n’empêche aucune entreprise française, y compris de dix salariés, de conclure un accord prévoyant la participation des salariés ; beaucoup d’entreprises l’ont fait.

Nous avons un vrai problème d’interprétation de ce que doit être le progrès social ou la social-démocratie – ce n’est d’ailleurs pas tout à fait nouveau dans l’histoire du progressisme français : tout doit-il être imposé par la loi, par le commandement politique, ou bien doit-on laisser la société se prononcer ? Il faut se poser la question. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et du groupe Union Centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Lalande applaudit également.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le modèle allemand ?

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je veux répondre à notre collègue Alain Richard. À une époque où nous défendions encore des dispositifs à peu près semblables (Sourires.), c’est ensemble que nous avons introduit, par la loi, la présence obligatoire d’un administrateur salarié au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 1 000 salariés – vous n’en avez soufflé mot.

Ces deux amendements identiques ne tendent pas à bouleverser ce système. N’essayez pas de dramatiser les choses anodines que nous disons ici : le seuil de 1 000 salariés n’est pas beaucoup plus pertinent que celui de 500 – il s’agit déjà d’une grande entreprise – pour imposer par la loi la présence d’un tel administrateur. Sous le seuil de 500 salariés, c’est autre chose.

Nous proposons qu’il y ait au moins deux administrateurs salariés dans les entreprises de 500 à 1 000 salariés : un seul administrateur salarié ne représenterait qu’une frange trop partielle, voire partiale, de la diversité des salariés. C’est à partir de deux que naît en général l’altérité.

M. Jean Desessard. Et la parité hommes-femmes ! (Mme Annie Guillemot applaudit.)

M. David Assouline. En effet !

Je le répète, ne dramatisez pas ! Ces amendements ne changent pas la disposition que vous aviez acceptée avec nous il n’y a pas si longtemps, monsieur Richard. Il s’agit uniquement là de prévoir la présence d’un administrateur salarié dans l’entreprise à partir du seuil de 500 salariés et de deux administrateurs dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Lors de l’examen de la loi Rebsamen, nous étions quelques-uns ici – surtout des femmes d’ailleurs –, à débattre de la disposition visant à instaurer la présence des administrateurs salariés dans certains conseils d’administration, avec des modalités différentes selon que les filiales sont en France ou à l’étranger. Cette disposition a suscité un débat, et nous avions évidemment voté pour.

Une période d’adaptation était prévue, qui n’est pas finie, puisqu’elle court jusqu’en 2018 ! (Mme la ministre acquiesce.) Je plaide donc pour la stabilité, nécessaire pour que les entreprises s’adaptent. Laissez vivre la loi Rebsamen ! Nous pourrons ensuite revenir sur cette question importante.

Je l’ai dit lors de la discussion générale, le conseil d’entreprise – nous plaidons pour sa mise en place par accord majoritaire plutôt que par la loi, comme le souhaite la majorité de la commission –, quel que soit le nom qu’il portera in fine, qui fusionnera les instances, sera un véritable organe de décision, voire de codécision, car on y traitera de la stratégie de l’entreprise, qu’elle soit sociale ou économique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je partage les opinions émises par les différents orateurs. Il y a un large consensus pour faire évoluer la représentation des salariés. Le principe de la codécision est largement accepté sur nos travées, nous en discutons depuis fort longtemps.

La question, comme l’a parfaitement souligné Alain Richard, est de savoir si c’est le bon moment pour le faire, et si cela figure dans l’agenda des organisations syndicales. De surcroît, est-ce le sujet ? Nous traitons ici, je le rappelle, d’une habilitation à légiférer par ordonnances, lesquelles devront être négociées avec les organisations syndicales. Nous sommes en droit de soulever la question, mais il ne semble pas opportun de légiférer. Il convient plutôt de la renvoyer à Mme la ministre, afin qu’elle la leur soumette.

Sur ce point, nous sommes tous d’accord pour convenir de la nécessité de faire un jour de la Mitbestimmung un principe de codécision, de coresponsabilité dans l’entreprise.

Je me bats depuis plus longtemps que certains ici pour faire valoir ce point de vue. Je le faisais déjà auprès de mes dirigeants quand j’étais simple syndicaliste en entreprise, je ne vais pas y renoncer aujourd’hui que je suis homme politique, et que j’ai reçu le mandat de faire avancer les choses par la loi.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je partage l’essentiel des propos demandant une plus grande participation des salariés aux décisions de l’entreprise. Plus les salariés sont associés aux décisions, mieux les choses se passent.

Avec le renforcement du dialogue social, on veut nous présenter les choses de façon idyllique. Mais permettez-moi de citer quelques exemples.

Que s’est-il passé dans une grande entreprise d’armement, qu’un de nos collègues du Sénat connaît bien ? Condamnée pour discrimination syndicale, elle a dû verser 1,2 million d’euros aux sept personnes, sept cadres, qui en ont été victimes. C’est cela, le dialogue social dans les grandes entreprises !

L’entreprise Ratier Figeac a dû, quant à elle, verser entre 40 000 euros et 180 000 euros à dix militants syndicaux, soit une augmentation mensuelle de 600 euros par délégué syndical discriminé. Voilà comment cela se passe ? Je ne dis pas que c’est partout ainsi, mais cela arrive.

La somme la plus importante a été versée à un ingénieur de Nestlé, qui a reçu 690 000 euros en dédommagement d’une carrière brisée par ses activités syndicales.

Bien sûr qu’il faut des représentants du personnel. Mais sachez bien une chose, mes chers collègues : être militant syndical est déjà difficile dans les entreprises ; cela le sera encore plus une fois ces ordonnances prises.

J’entends parler de social-démocratie scandinave : avec ce texte, c’est plutôt vers un néolibéralisme total que nous allons !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié et 213 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 113.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 201
Contre 106

Le Sénat a adopté.

Article 2
Dossier législatif : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social
Articles additionnels après l’article 2 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 110, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-27 du code de commerce, les mots : « supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le » sont remplacés par les mots : « inférieur au ».

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La représentation des salariés au sein des conseils d’administration est très insuffisante en France, car elle est limitée aux seules très grandes entreprises.

Or le dialogue social est nécessaire pour l’ensemble des entreprises, et non seulement pour celles qui dépassent les 1 000 salariés. Trop d’entreprises se trouvent aujourd’hui exclues de toute représentation syndicale au sein de leurs conseils. Des entreprises comme Axa ou Sanofi, par exemple, dotées d’une holding de tête de moins de 50 personnes, sont dispensées d’une telle obligation.

Mme la ministre et Mme Bricq ont cité l’exemple de l’Allemagne. Je leur rappelle que, là-bas, les salariés représentent un tiers du conseil d’administration pour les entreprises de 500 à 2 000 salariés, la moitié au-delà.

Le présent amendement vise à s’inspirer de ce fameux « modèle allemand », en garantissant aux salariés un tiers des sièges des conseils d’administration des entreprises. En clair, le plafond actuellement applicable deviendrait un seuil plancher.

À l’évidence, une telle disposition constituerait un saut qualitatif indéniable en matière de représentation des salariés dans les organes de décision des entreprises et participerait de la bonne gestion des intérêts collectifs de long terme de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis.

M. Thierry Foucaud. Le modèle allemand, c’est quand ça vous intéresse, en somme ! On se demande à quoi on sert ici…

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il faudrait m’expliquer votre position, madame la ministre, car j’ai le droit de comprendre…

La base des ordonnances, c’est l’efficacité. Cela signifie, selon vous, que le dialogue se déroule non plus dans les branches, avec la complexité de l’entreprise, mais au niveau de l’entreprise.

Le dialogue au niveau de l’entreprise permettra, dites-vous, d’adapter l’organisation et la culture de celle-ci au marché pour être plus efficace, plus compétitive, et donc de faire décoller l’économie et créer des milliers d’emplois. J’ai cru comprendre que telle était l’option que vous aviez choisie. Pour notre part, nous avions quelques doutes sur le nombre de créations d’emplois qui résulterait de cette méthode.

Le dialogue dans l’entreprise, ce n’est pas le DRH qui passe à la buvette pour voir si tout va bien… Non ! Cet échange doit permettre aux salariés de prendre conscience de la situation économique de leur entreprise, de sa stratégie, des marchés possibles. Tous les salariés doivent y être associés.

Plus nombreux sont les représentants des salariés qui peuvent expliquer la stratégie, les difficultés économiques et les efforts qu’il convient de faire, mieux les salariés comprendront pourquoi il faut faire des efforts conjoncturels pour que l’entreprise aille mieux.

Je suis très surpris que vous refusiez l’amendement du groupe CRC. L’objectif est en effet que les salariés soient mieux représentés, plus informés des difficultés de l’entreprise et des marchés possibles. Leurs représentants pourront alors leur expliquer pourquoi il est normal de prendre telle ou telle mesure.

Vous dites qu’il faut engager un dialogue dans l’entreprise, mais vous ne donnez pas aux représentants des salariés les moyens de dialoguer, d’avoir les connaissances suffisantes. S’ils ne sont pas d’accord avec les mesures proposées, on leur rétorquera qu’ils ne connaissent rien à l’économie. On leur dira : « Faites comme cela parce que c’est bien ! »

Vous mettez là en cause l’intelligence des salariés, leur capacité de se mobiliser pour défendre leur outil de travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Maryvonne Blondin et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)