compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

M. Victorin Lurel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Éloge funèbre de Nicole Bricq, sénatrice de Seine-et-Marne

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mesdames, messieurs, c’est avec stupeur et tristesse que nous avons appris, au cœur de l’été, la disparition soudaine, que rien ne pouvait laisser présager, de notre collègue Nicole Bricq. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, se lèvent.)

Nicole Bricq nous a quittés alors que, toujours déterminée et infatigable, elle avait siégé parmi nous quelques jours plus tôt, jusqu’au terme de la session extraordinaire.

C’était une femme de caractère, au sens le plus élevé du terme, dont la compétence était unanimement reconnue sur toutes les travées de notre assemblée.

Nicole Bricq a voué sa vie entière à son engagement politique en faveur des valeurs auxquelles elle croyait, exerçant des responsabilités publiques de haut niveau, au sein du parti socialiste, comme élue locale, comme parlementaire et comme ministre.

Née à La Rochefoucauld, cette fille d’agriculteurs quitta sa Charente natale pour faire des études de droit à Bordeaux, où elle obtint une maîtrise de droit privé.

Alors qu’elle n’avait que 21 ans, elle ressentit la nécessité d’un engagement politique et, en 1972, adhéra au parti socialiste pour défendre les idées qui lui tenaient à cœur.

Son frère, Lucien Vayssière, parle d’elle en ces termes : « Nicole a toujours aimé la politique. C’était une vocation. » Sa détermination sans faille était, à ses yeux, le fruit d’une éducation familiale où trois valeurs primaient : le travail, la responsabilité, l’austérité.

Au sein du parti socialiste, Nicole Bricq gravit successivement tous les échelons. Elle fut première secrétaire fédérale, membre du comité directeur, membre du conseil national, secrétaire nationale chargée de la consommation, déléguée nationale chargée de la fiscalité locale et membre des équipes de campagne pour l’élection présidentielle de Lionel Jospin et de François Hollande.

L’engagement militant de Nicole Bricq déboucha logiquement, en 1986, sur un premier mandat électif, celui de conseillère régionale d’Île-de-France, mandat qui devait être suivi de beaucoup d’autres.

Son engagement politique la conduisit aussi à devenir, en 1988, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement et les élus au cabinet de notre ancien collègue Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la défense, puis conseillère technique pour les relations avec le Parlement au cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’environnement, en 1992.

C’est forte de cette première expérience du monde parlementaire que Nicole Bricq fit son entrée à l’Assemblée nationale, en 1997, comme députée de Seine-et-Marne. Elle siégea d'abord à la commission de la production et des échanges, puis à la commission des finances, où elle fut notamment membre de la mission d’évaluation et de contrôle sur la dépense publique.

Elle commença alors à se forger une solide compétence en matière de finances publiques et fut notamment l’auteur, en 1998, d’un rapport d’information sur la fiscalité environnementale, suggérant une réforme de la fiscalité au service de l’environnement et un renforcement de l’application du principe « pollueur-payeur ».

Après avoir rejoint le conseil municipal de Meaux, en 2001, Nicole Bricq fut élue sénatrice de Seine-et-Marne, en 2004. Réélue en 2011, elle siégea sans interruption dans notre assemblée jusqu’à sa nomination au Gouvernement en 2012.

Dans le cadre de son mandat sénatorial, elle s’affirma comme une spécialiste incontournable des questions budgétaires et l’une des personnalités les plus éminentes de notre commission des finances, dont elle fut vice-présidente de 2008 à 2011.

J’ai la conviction que c’est au Sénat, lorsqu’elle devint rapporteure générale du budget – un poste, nous le savons tous, essentiel –, que sa vie politique a connu une forme de tournant. C’est à ce moment précis que ses collègues, quel que soit leur groupe, prirent conscience de sa rigueur et de ses compétences, qui lui permirent d’occuper de hautes fonctions ministérielles.

Dans un rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, elle dressa ainsi, à l’automne 2011, un bilan critique de la politique menée dans ce domaine depuis 2007, assorti de pistes et de propositions pour le quinquennat à venir, notamment la suppression de « niches fiscales » et une réforme des modalités de calcul des principaux impôts destinée à accroître leur rendement tout en favorisant – elle y tenait –une plus grande justice fiscale.

C’est le 16 mai 2012, à l’issue de l’élection présidentielle, que Nicole Bricq fut appelée à exercer des responsabilités gouvernementales.

D’abord ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie dans le premier gouvernement de Jean-Marc Ayrault, elle prit des positions conformes à ses convictions en faveur de la protection de l’environnement, souhaitant l’introduction d’une plus grande transparence dans l’attribution des gisements miniers et annonçant la suspension des permis de forages exploratoires d’hydrocarbures au large de la Guyane.

Nicole Bricq fut ensuite, de juin 2012 à mars 2014, ministre du commerce extérieur dans le second gouvernement Ayrault, fonctions qu’elle exerça avec la force de conviction qui la caractérisait.

Au printemps 2014, Nicole Bricq revint au Sénat où, siégeant à nouveau à la commission des finances, puis à la commission des affaires sociales, elle s’investit pleinement dans l’exercice de son mandat parlementaire, en particulier à l’occasion de l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présenté par un ministre du nom d’Emmanuel Macron… Comme toujours libre et déterminée dans ses engagements, elle fut parmi les premiers parlementaires à soutenir celui-ci lors de sa campagne présidentielle de 2016-2017, et parmi les premiers sénateurs à rejoindre le nouveau groupe La République en marche au sein de notre assemblée.

Le 2 août dernier, Nicole Bricq était encore présente dans cet hémicycle pour participer à nos débats sur les ordonnances relatives notamment au dialogue social.

Elle décrivit alors, dans ce qui devait être son ultime intervention parmi nous, le rôle essentiel du parlementaire participant à une commission mixte paritaire, dans des termes que je voudrais rappeler et que nous pourrions, je crois, tous reprendre à notre compte : « S’il est un moment privilégié dans la vie d’un parlementaire, c’est bien quand il participe à une commission mixte paritaire […]. En effet, on dispose, pour une fois, d’une entière liberté, on est mis en face de sa responsabilité. Nous savons qu’il n’y a pas de mandat impératif pour un parlementaire. Il faut choisir la voie la meilleure pour arriver à un compromis positif. » Tout est dit, me semble-t-il, sur le bicamérisme !

Tout au long de ce riche parcours politique, Nicole Bricq s’était imposée, dans chacune de ses fonctions successives, par son travail acharné et ses compétences.

À l’occasion d’un entretien donné à La République de Seine-et-Marne, en 2006, elle témoignait en ces termes des handicaps qu’elle avait dû, à ses yeux, surmonter : « J’étais une provinciale, sans réseaux, sans amitiés d’écoles et de pouvoir, je ne venais pas d’un milieu élevé. » Elle ajoutait : « Pour une femme, la politique est un dur combat, violent même et qui peut faire peur. Il faut avoir une cuirasse. Si je n’avais pas eu la politique chevillée au corps, l’opiniâtreté, je n’aurais pas réussi. » Forte personnalité au caractère bien trempé, elle se plaisait à observer que « d’un homme on dit qu’il a du caractère, d’une femme qu’elle a mauvais caractère. J’ai le mien. » (Sourires.)

Nicole Bricq fut une femme libre, passionnément engagée en politique, au service de la chose publique et de l’État.

Au nom du Sénat tout entier, par-delà les mots, la tradition, je souhaite aujourd’hui, dans notre hémicycle, rendre hommage à une parlementaire de premier plan dont l’intelligence, la compétence, la force de conviction et le caractère étaient unanimement respectés et faisaient honneur à notre assemblée.

À ses anciens collègues de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, à ses amis du groupe socialiste et républicain et du groupe La République en marche, j’exprime, au nom du Sénat tout entier, notre sympathie.

À M. Jean-Paul Planchou, à son fils Renaud, à toute sa famille et à ses proches, qui sont ici rassemblés, à un certain nombre d’anciens collègues qui ont voulu être présents aujourd’hui dans notre tribune d’honneur, je tiens, en ce moment de recueillement, à exprimer l’émotion de chacun des membres du Sénat.

Nicole Bricq est vraiment présente en cet instant dans notre hémicycle, au-delà de nos mémoires.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, cher Jean-Paul, cher Renaud, c’est avec beaucoup d’émotion que je viens vous parler, cet après-midi, au nom de l’ensemble du Gouvernement, d’une grande dame qui nous a quittés subitement un samedi d’août, Nicole Bricq.

J’ai eu la chance de bien connaître Nicole Bricq, pour avoir travaillé avec elle lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur, puis quand elle fit le choix de rejoindre le mouvement En Marche, avec un certain nombre d’entre vous.

Cette grande dame, que je respectais tant, avait une voix et un visage singuliers.

Son visage était le symbole même de la franchise que vous lui connaissiez. Il exprimait toujours ce qu’elle pensait. Rien qu’en la regardant, il était assez facile de savoir si le dossier qu’elle avait à traiter lui convenait, si la journée était difficile ou si elle était parvenue à lever les obstacles. Son humeur n’était jamais voilée, jamais feinte.

Elle était directe. Elle allait droit au but. Elle pouvait raccrocher au téléphone avant même de dire au revoir, parce que l’essentiel avait été dit.

Son franc-parler rompait avec les habitudes et les pratiques convenues. C’était le cas ici, bien sûr, dans cette assemblée qu’elle respectait tant, mais elle ne réservait pas cette franchise au Sénat : elle avait l’habitude de dire tout haut ce que tout le monde pensait tout bas, aussi bien dans les enceintes officielles, les comités plus restreints que dans les réunions avec les militants ou avec ses collaborateurs. Il lui arrivait d’être dure, parfois très dure, mais cette exigence, elle se l’imposait aussi à elle-même.

De quoi, pendant tout son parcours, n’a cessé de nous parler cette grande dame qu’était Nicole Bricq ? De quoi nous parle-t-elle encore ? L’audace, c’est le premier mot qui me vient à l’esprit quand il s’agit de parler de Nicole Bricq.

L’audace d’une carrière politique qui la voit, dès les années quatre-vingt, devenir première secrétaire de la fédération de Paris au sein du parti socialiste.

L’audace, pour une femme de gauche, de faire campagne sur une terre de droite et de se faire élire députée, en 1997, dans la sixième circonscription de la Seine-et-Marne.

L’audace de porter le projet européen alors même que l’idée européenne devenait plus souvent synonyme de discorde et de défiance que d’élan et de confiance. Ce projet européen était profondément ancré en elle, et elle nous le rappelait souvent.

L’audace, encore, de devenir la première femme rapporteure générale du budget au Sénat. Nicole Bricq était une énorme travailleuse. Aucun sujet, si technique soit-il, ne la rebutait. Si cela paraissait compliqué, difficile, ardu, elle se disait : « j’y vais », et elle y allait avec une énergie, une générosité qui entraînaient tout le monde derrière elle. Sa compétence économique était considérable, alors même qu’elle était autodidacte. Elle ne se ménageait jamais. Elle n’a pas compté les kilomètres lorsqu’elle était ministre du commerce extérieur.

L’audace, enfin, de rejoindre le mouvement En Marche dès sa création. À l’époque, nous n’étions que quelques-uns à avoir ce désir fou : lutter contre le sentiment que rien n’était possible, que tout avait été tenté et qu’il était presque déjà trop tard.

C’est aussi ce moment de notre histoire collective que nous raconte le parcours de Nicole Bricq.

Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, le parti socialiste, où elle occupe ses premières responsabilités, s’adapte aux réalités de l’économie de marché. C’est une social-démocratie qui ne dit pas son nom, qui renvoie, par certains aspects, à d’autres évolutions du socialisme en Europe.

Nicole Bricq débute au CERES de Jean-Pierre Chevènement, à la gauche du parti socialiste. Elle se rapproche plus tard de Dominique Strauss-Kahn, à travers « Socialisme et démocratie », dans le but de renforcer le courant réformiste du PS.

Cette volonté réformiste l’amène à rejoindre l’aventure d’En Marche, parce qu’elle voyait que ce mouvement proposait un juste équilibre entre la liberté et la protection.

La protection sans liberté est stérile ; la liberté sans protection est intenable. Nous en sommes arrivés à ce constat après des parcours bien différents. Mais un point commun nous rassemblait au premier jour, comme il nous rassemble encore aujourd’hui, une volonté, qui ne nous a jamais lâchés, qui est toujours présente et que nous cherchons à mettre en œuvre maintenant que nous sommes parvenus aux responsabilités : faire bouger les choses en France et porter le projet européen.

Cette passion pour le monde qui vient, Nicole Bricq en était l’incarnation. Oui, elle était, avec passion, une femme d’avenir.

Très tôt, elle a été convaincue de la réalité du réchauffement climatique, de son impact, de la nécessité d’engager le combat pour préserver notre environnement et celui de nos enfants.

Ce en quoi elle croyait, elle y croyait parce qu’elle avait discuté, échangé, réfléchi. À une époque où se manifeste si souvent le goût pour le raccourci ou pour la caricature, elle nous rappelle que l’écoute, suivie de la délibération, est un art précieux, qui fonde nos modes de vie et nos choix collectifs.

Cette force, Nicole Bricq l’a également manifestée lors de son passage au ministère de l’environnement, en 2012. Elle voulait protéger, au large de la Guyane, la faune marine et l’environnement. Elle a été jusqu’à dénoncer le code minier.

Ce beau souci de l’avenir n’allait pas sans une grande liberté, liberté d’esprit et liberté d’engagement.

On le voit, il y avait à la fois, chez Nicole Bricq, son engagement et la façon dont elle s’engageait, des convictions et un style. Ce visage et cette voix doivent continuer à nous inspirer.

L’un des plus grands héritages que nous laisse cette grande dame est que le futur de la France est dans l’Europe et dans le monde, que nous ne serons pas nous-mêmes si nous sommes enfermés, frileux ou inquiets, que nous serons infidèles à notre histoire si nous perdons de vue le désir de changer les choses.

Nicole Bricq, vous le savez, était également une femme cultivée, éprise de musique classique et de poésie.

À ce propos, je pense, au moment de conclure, à un vers du grand poète Paul Éluard : « Un cœur n’est juste que s’il bat au rythme des autres cœurs. »

C’était Nicole Bricq. Elle a su nous donner le rythme, nous bousculer, nous éclairer. C’est dire combien elle nous manquera.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite maintenant à observer un moment de mémoire, de recueillement et de partage autour de ce que nous avons connu ici, pour certains d’entre nous, avec Nicole Bricq. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le secrétaire d’État, observent une minute de silence.)

Conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Nicole Bricq, nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. David Assouline.)

PRÉSIDENCE DE M. David Assouline

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Ratification d'ordonnances relatives à la santé

Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission et adoption de deux projets de loi dans les textes de la commission modifiés

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017–31 du 12 janvier 2017 de mise en cohérence des textes au regard des dispositions de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 12, rapport n° 10), du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 11, rapport n° 10) et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé (projet n° 670 [2016-2017], texte de la commission n° 13, rapport n° 10).

La procédure accélérée a été engagée sur ces trois textes adoptés par l’Assemblée nationale.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je viens présenter aujourd’hui devant votre assemblée, au nom de Mme la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, trois projets de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Contrairement à une majorité d’entre vous, je n’ai pas été directement impliquée dans les débats parlementaires ayant conduit à habiliter le précédent gouvernement à agir par voie d’ordonnances dans des délais limités et dans les domaines qui nous occupent aujourd’hui. Il me paraît néanmoins important, afin d’éclairer nos débats, de replacer dans leur contexte chacune des ordonnances faisant l’objet d’un projet de loi de ratification.

Je m’efforcerai d’être aussi claire que possible dans la présentation de chacun de ces textes, dans la description des objectifs qui leur sont associés, des conditions dans lesquelles ils ont été élaborés, ainsi que de leur contenu et de leurs enjeux propres.

L’ordonnance relative à la profession de physicien médical reconnaît cette dernière comme profession de santé, conformément à l’un des objectifs du plan cancer 2014-2019. La France compte 600 radio-physiciens.

En définissant les conditions d’exercice de la profession de physicien médical, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance parachève un important travail de concertation mené en juin 2016 avec les représentants des physiciens médicaux et des spécialités médicales concernées – telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire, la radiothérapie… – et, bien entendu, l’Autorité de sûreté nucléaire.

La reconnaissance du métier de physicien médical en tant que profession de santé contribuera à renforcer la qualité des pratiques et à sécuriser celles-ci dans le domaine de l’utilisation des rayonnements ionisants. Il est donc essentiel de donner une définition précise du rôle du physicien médical et de ses missions.

L’article 1er de l’ordonnance insère dans le livre II de la quatrième partie du code de la santé publique la profession de physicien médical au sein du même chapitre que celle de pharmacien, ces deux professions ayant en commun le contrôle de la prescription médicale – contrôle de la dose de rayonnements ionisants pour la première et de la posologie des médicaments pour la seconde. Le livre II est désormais intitulé « Professions de la pharmacie et de la physique médicale ».

Le physicien médical est défini par son expertise au sein d’une équipe pluriprofessionnelle, qui concerne toute question relative à la physique des rayonnements ou des autres agents physiques dans les applications liées à la thérapie et à l’imagerie médicale, par les grandes lignes de sa fonction, notamment la mise au point de la qualité d’image, l’optimisation de l’exposition aux rayonnements ionisants et aux autres agents physiques, mais aussi par sa mission essentielle, qui consiste à veiller à ce que les doses radioactives administrées au patient soient appropriées à l’état de santé de ce dernier et au traitement prescrit.

La déclinaison plus précise des missions et des conditions d’intervention du physicien médical est renvoyée à un décret en Conseil d’État qui sera prochainement rédigé, après concertation.

Les articles suivants traitent, selon un plan commun qui concerne toutes les professions de santé, des conditions d’exercice de la profession de physicien médical, des conditions d’enregistrement des diplômes ou encore de l’exercice illégal de la profession.

Ces différentes dispositions sont destinées à organiser et à sécuriser l’exercice de la profession et à améliorer la prise en charge des patients.

La ministre des solidarités et de la santé est, à titre personnel, pour des raisons liées à son parcours professionnel, particulièrement sensible à ce texte, qui permet de comprendre l’intérêt de la profession de physicien médical et son apport incontestable à l’amélioration de la qualité des soins.

J’en viens à l’ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, dont la ratification est également prévue par le même projet de loi.

Cette ordonnance transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, ou CPE, l’accès partiel et le mécanisme d’alerte.

Par ailleurs, elle introduit au niveau législatif la procédure visant à sécuriser et à harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l’appareillage et pour l’usage du titre de psychothérapeute.

Enfin, l’ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d’exercice de trois années imposée aux ressortissants de l’Union européenne pour l’accès, en France, à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.

La ministre des solidarités et de la santé sait et comprend les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter parmi les professionnels de santé, notamment au travers de l’introduction des dispositions relatives à l’accès partiel.

Je voudrais donc d’abord revenir sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme et vous indiquer dans quelles conditions la mise en œuvre de ce dispositif devra s’opérer.

La directive communautaire du 20 novembre 2013 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles aurait dû être transposée en droit français, au plus tard, le 18 janvier 2016.

Depuis cette date, la France est exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Ce manquement à ses obligations constitue la dernière étape avant une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. Aussi comprendrez-vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la marge de manœuvre du Gouvernement soit, de ce fait, extrêmement réduite.

Par ailleurs, exclure l’ensemble des professions de santé – ou certaines d’entre elles – du champ d’application de l’accès partiel n’était pas juridiquement envisageable. Un amendement adopté par votre commission des affaires sociales a procédé à cette exclusion, position que le Gouvernement ne peut soutenir. En effet, les différentes analyses juridiques conduites – notamment celle du Conseil d’État – ont confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une option envisageable au regard du droit et de la jurisprudence communautaires; sauf à prendre un risque politique et juridique important d’exposer la France à une procédure pour défaut de transposition.

Le fait que les autorités françaises n’aient pas recouru à cette « option » a suscité beaucoup d’incompréhension chez de nombreux acteurs nourrissant l’idée qu’il y aurait eu, dans ce cas particulier, une « surtransposition » de la directive. Or tel n’est pas le cas.

Pour autant, je souhaite affirmer en son nom que la ministre des solidarités et de la santé sera particulièrement vigilante aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé.

Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge.

Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires, articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers du système de santé.

La conception et la mise en œuvre du processus par lequel chaque dossier déposé par un professionnel en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel seront, dans ce cadre, extrêmement rigoureuses.

En premier lieu, parce que la directive prévoit trois conditions génériques devant nécessairement être remplies : premièrement, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel ; deuxièmement, les différences entre l’activité professionnelle exercée et la profession qui pourrait correspondre en France sont si importantes que l’application de mesures de compensation de formation reviendrait à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignement ; troisièmement, l’activité sollicitée en accès partiel peut objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession dite correspondante en France. Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra être délivrée.

En deuxième lieu, parce que le processus d’examen des dossiers des demandeurs fait appel à l’expression d’un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l’ordre compétent pour les professions à ordre. Ce second avis, non prévu par la directive, a été ajouté par le Gouvernement afin de renforcer le processus d’analyse des dossiers.

En troisième lieu, enfin, parce qu’un décret en Conseil d’État va venir préciser les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure d’instruction. La ministre des solidarités et de la santé avait indiqué devant l’Assemblée nationale qu’elle serait extrêmement vigilante à ce que la rédaction de ce décret puisse éclairer et guider les parties prenantes dans la manière dont les dossiers devront être examinés au cas par cas.

Il en est bien ainsi du projet de décret actuellement examiné par le Conseil d’État : tout en respectant le droit à la libre circulation des ressortissants européens, il prévoit en effet que les avis que les commissions d’autorisation d’exercice et les ordres seront appelés à émettre porteront notamment, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins, sur l’identification précise et strictement délimitée du champ d’exercice des professionnels ou des actes que ceux-ci seront autorisés à réaliser sous le régime de l’accès partiel, sur la description de l’intégration effective de ces actes dans le processus de soins et de leur incidence éventuelle sur la continuité de la prise en charge, sur la lisibilité des actes réalisés sous le régime de l’accès partiel, pour les professionnels de santé comme pour les usagères et les usagers du système de santé, et sur toute recommandation de nature à faciliter la bonne insertion du professionnel auquel l’autorisation d’exercice partiel serait accordée.

La rédaction de ce décret est sous-tendue, vous l’aurez compris, par la volonté de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l’information des professionnels de santé et des usagères et des usagers du système de santé.

Par ailleurs, comme elle s’y était engagée devant l’Assemblée nationale, Agnès Buzyn sollicite la Commission européenne en vue d’obtenir une cartographie des professions de santé existant dans l’Union européenne.

La nouveauté induite par le déploiement du mécanisme d’accès partiel à l’exercice au sein des pays de l’Union justifie en effet que l’on puisse disposer d’un tel état des lieux permettant d’identifier, pour chaque système national de santé, les périmètres d’exercice des professionnels susceptibles de solliciter une reconnaissance d’accès partiel.

Ma collègue la ministre des solidarités et de la santé m’a demandé de vous rappeler qu’elle sera très attentive au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositifs.

L’ordonnance relative à l’adaptation des dispositions relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé a pour objet, quant à elle, de renforcer l’indépendance et l’impartialité des juridictions ordinales, ainsi que de faire évoluer les compétences des organes des ordres et de permettre l’application, par leurs conseils nationaux, de la législation relative aux marchés publics.

Elle intègre un certain nombre de recommandations du Conseil d’État et de sa mission permanente d’inspection des juridictions administratives, de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont successivement conduit, depuis 2012, des missions d’inspection et de contrôle portant sur les ordres des médecins, des pharmaciens, des chirurgiens-dentistes et des masseurs-kinésithérapeutes.

La ministre des solidarités et de la santé a conscience que certaines des modifications qu’il reviendra aux ordres de mettre en œuvre affecteront leur fonctionnement habituel, mais les objectifs visés ne lui semblent pas discutables. Elle a confiance, comme l’ensemble du Gouvernement, dans la capacité d’adaptation des ordres.

Ce qui importe désormais, ce sont les objectifs communs vers lesquels les ordres doivent converger. Les phases de transition constituent, dans cette perspective, des étapes que le Gouvernement s’est attaché à faciliter en émettant des avis favorables sur plusieurs mesures d’ajustement proposées lors de la présentation du texte à l’Assemblée nationale, concernant en particulier les échéances associées au régime des incompatibilités et à la soumission des ordres au code des marchés publics.

Il s’agit d’accompagner les acteurs et de les préparer à mettre en œuvre les nouvelles dispositions prévues dans les meilleures conditions possible ; c’est le gage d’une intégration durable et réussie de ces nouvelles mesures.

De ce fait, nous serons attentifs à ce que les dispositions transitoires qu’il conviendra de prendre par décret pour mettre en œuvre ces mesures s’inspirent du même esprit, afin d’accompagner au mieux les ordres dans l’adaptation à ces réformes.

Plusieurs des amendements adoptés lors de l’examen du texte par votre commission des affaires sociales ne s’inscrivent pas précisément dans cette perspective, mais visent au contraire à remettre en cause des dispositions structurelles. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut y être favorable.

L’ordonnance se divise en trois chapitres concernant respectivement le code de la santé publique, le code de la sécurité sociale et, enfin, les dispositions transitoires et finales.

Le chapitre 1er, relatif au code de la santé publique, conforte le contrôle des ordres à l’échelon national – il traite ensuite de la politique immobilière des ordres, de la certification des comptes combinée au niveau des conseils nationaux, de l’application des principales règles des marchés publics, etc. – et renforce les notions d’impartialité et d’indépendance, tant pour les conseils que pour les chambres disciplinaires présidées par un magistrat, en traitant des incompatibilités, des limites d’âge, de la durée du mandat, des conditions de détermination et de publicité des indemnités, etc.

Le chapitre 2, qui concerne le code la sécurité sociale, applique aux sections des assurances sociales de la chambre disciplinaire les conditions d’exercice des conseillers d’État et des magistrats administratifs qui en assurent la présidence.

Enfin, le chapitre 3, regroupant les dispositions transitoires et finales, distingue les articles du code de la santé publique issus de la présente ordonnance qui entrent en vigueur au lendemain de sa publication de ceux entrant en vigueur à compter des prochains renouvellements des conseils.

L’ordonnance de mise en cohérence des textes pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé a été voulue par le législateur, au moment du vote de la loi, pour permettre la mise en cohérence, à droit constant, des dispositions existantes connexes avec les dispositions nouvelles introduites par la loi, et supprimer des dispositions devenues obsolètes ou redondantes. Il s’agit d’une opération source de plus grande lisibilité du droit et de sécurité juridique.

Le délai d’habilitation s’étend jusqu’au 26 janvier 2018. Certaines coordinations utiles et opportunes étant d’ores et déjà disponibles, elles ont fait l’objet de cette première ordonnance que le Gouvernement vous demande aujourd’hui de bien vouloir ratifier. Il y aura, d’ici au 26 janvier 2018, une seconde ordonnance de coordination si les débats révèlent des besoins de coordination non satisfaits.

L’ordonnance dont la ratification est demandée contient deux blocs de dispositions.

Le titre Ier – articles 1er, 2, 3 et 4 – modifie les dispositions des codes de la santé publique, de la sécurité sociale et de l’éducation et celles du code général des impôts pour tirer les conséquences de la réintroduction par la loi du service public hospitalier.

La réaffirmation du service public hospitalier a pour intérêt d’offrir davantage de lisibilité aux patientes et aux patients en matière d’offre hospitalière. Le service public hospitalier a en effet été ouvert à l’ensemble des établissements de santé, indépendamment de leur statut. Il repose non plus sur une liste de missions, mais sur des obligations de service public qui s’imposent aux établissements de santé faisant le choix du service public hospitalier. Parmi ces obligations figurent notamment l’égalité et la permanence de l’accès aux soins ou encore l’accessibilité financière.

L’ordonnance précise notamment l’articulation entre les dispositions relatives au service public hospitalier et celles qui concernent l’activité libérale des praticiennes et des praticiens hospitaliers.

Le titre II – articles 5, 6, 7 et 8 – procède à des adaptations nécessaires dans des domaines plus divers. Il s’agit notamment du partage des informations au sein de l’équipe de soins, de l’hébergement des données de santé à caractère personnel, de la concertation avec les représentantes et les représentants des associations d’usagers, du développement personnel continu des professionnels de santé, de la fusion des collèges de médecins spécialistes, de la détermination de zones géographiques caractérisées par des offres de soins surdotées ou sous-dotées et enfin de la fusion des comités consultatifs nationaux des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, tel est le détail des quatre ordonnances faisant l’objet des trois projets de loi de ratification qui vous sont aujourd’hui soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe La République en marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)