M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ de leur travail, qui rappelle l’urgence de retrouver le chemin d’une politique volontariste, comme l’a dit M. le ministre, pour la constitution d’un État aménageur. Le législateur doit travailler pour que l’aménagement du territoire cesse d’être le parent pauvre des politiques publiques !

Il y a un chantier auquel je tiens et sur lequel le Sénat entend bien apporter des réponses : la revitalisation de nos centres-villes et centres-bourgs.

Nos territoires connaissent un affaiblissement croissant en matière d’attractivité économique, caractérisé principalement par une importante désertification commerciale et une forte augmentation des locaux commerciaux et des logements vacants. Ce problème est devenu une question de société de première importance, car il est perceptible dans la quasi-totalité des villes moyennes et des bourgs de France.

C’est pourquoi, sous l’égide du président Gérard Larcher, nous nous sommes saisis du sujet au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de la délégation sénatoriale aux entreprises. Depuis mai dernier, nous avons déjà formulé plusieurs pistes de réflexion, que nous allons approfondir et que le Gouvernement, j’espère, prendra en compte.

Ainsi, nous avons suggéré, dans notre rapport publié en juillet dernier, d’envisager un moratoire national sur les implantations commerciales en périphérie, ou des moratoires locaux, ou encore des seuils d’alerte, puis de blocage en cas d’implantations trop nombreuses sur des aires géographiques données. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à réfléchir avec le Sénat sur ces pistes ?

Par ailleurs, sur le plan financier ou sur le plan de l’équilibre territorial, comment imaginez-vous des compensations financières ou fiscales au profit des centres-villes pour enrayer ce phénomène ? Seriez-vous prêt, par exemple, à mettre en place des zones franches en centre-ville ?

Enfin, comment envisagez-vous l’agence nationale de la cohésion des territoires annoncée par M. le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pointereau, j’ai bien entendu vos questions et vos souhaits.

Je le répète, nous présenterons un plan spécifique pour les villes moyennes, en vue de mener une action forte dans le cadre d’un plan sur cinq ans ; nous ne pourrons pas retenir toutes les villes moyennes dès la première année, mais nous en prendrons un certain nombre chaque année. Des moyens financiers seront prévus pour aider ces villes à revitaliser leur centre et à intervenir massivement sur le logement en centre-ville.

Je suis sensible aussi à la question, que vous avez soulevée, de la vitalité commerciale. L’idée d’un moratoire sur les équipements commerciaux revient périodiquement. Je n’ai pas d’a priori sur la question, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à un média quotidien, mais je crois, comme nombre d’entre vous, à l’intelligence territoriale et à la nécessité de faire évoluer le système en laissant la responsabilité aux élus et aux exécutifs locaux. Il y a là un réel problème, auquel nous allons réfléchir avec vous, sans aucun a priori contre les propositions que vous avancez.

En cohérence avec cette action en faveur des villes moyennes et, surtout, des centres des villes anciennes, 1,2 milliard d’euros du grand plan d’investissement seront alloués à l’Agence nationale de l’habitat pour des opérations de rénovation.

Vous ne m’avez pas posé la question de l’avis conforme des architectes des bâtiments de France ; c’est un autre débat, que les élus locaux connaissent bien. Je pense que nous laisserons les choses en l’état, mais il faudra faciliter tous les projets de reconstruction dans les villes moyennes pour relancer ensemble une dynamique.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement travaillera en concertation avec le Sénat ; je crois que nous avons la même approche en ce qui concerne la nécessité de consacrer rapidement des moyens aux villes moyennes. J’ajoute, même si vous ne m’avez pas interrogé à ce sujet, que les crédits du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, seront maintenus et davantage fléchés dans cette direction.

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur les mobilités dans les zones périurbaines, dans cette France périphérique dont parle souvent le géographe Christophe Guilluy.

Plusieurs rapports ont fait état de la dépendance réelle à l’automobile dans ces territoires périurbains et de ses conséquences sur l’exclusion de certains groupes : les handicapés, les personnes âgées, les jeunes et les ménages les plus défavorisés.

Cette dépendance accentue les inégalités sociales ; elle freine les parcours professionnels et notre économie. En effet, certaines entreprises peinent à recruter pour cette raison. D’autre part, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, un jeune sur trois en campagne n’a pas assisté à un entretien d’embauche faute de moyen de transport, et l’on estime à 7 millions le nombre de personnes en âge de travailler touchées par des problèmes de mobilité.

Bien sûr, les innovations se font souvent dans les métropoles ou les agglomérations, où le marché est pertinent, avec une population dense, aux comportements souples et une gouvernance mieux adaptée. Pourtant, les alternatives à la voiture dans les territoires périurbains sont une véritable urgence : elles doivent être accessibles à tous, à tout moment et à moindre coût. Je pense notamment à l’autopartage, au covoiturage et au transport à la demande.

Ce débat se double aussi de l’urgence environnementale, qui doit nous amener à conduire une réflexion globale sur la question des déplacements dans les zones périurbaines et rurales.

Aujourd’hui, les infrastructures n’existent pas dans les territoires périurbains pour répondre à tous ces défis. Bien sûr, ce ne sont pas forcément de grandes infrastructures, coûteuses, dont nous avons besoin ; nous savons pertinemment que nous n’aurons pas de lignes de tramway, de lignes express ou de TER.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour accompagner les collectivités territoriales dans ces chantiers, qui concernent à la fois la coordination entre différentes autorités décisionnaires et la création d’infrastructures adaptées à nos territoires ? (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Rambaud, vous soulevez un véritable enjeu de société. Aujourd’hui, en effet, la question des nouvelles mobilités est fondamentale. Au reste, elle ne se pose pas forcément de la même manière dans les territoires très ruraux et dans les territoires périurbains dont vous avez parlé.

Je suis de ceux qui pensent que les mutations technologiques vont permettre des évolutions considérables dans les années qui viennent. Ainsi, on ne parle pas assez aujourd’hui de voitures autonomes, mais nous y sommes ! D’ici à la fin de ce quinquennat, des mutations technologiques seront apparues qui faciliteront notre travail pour adapter la mobilité dans ces territoires.

Vous avez parlé de covoiturage et de la nécessité de relier les territoires sans faire de gros investissements.

Nous constatons dans certains territoires, à commencer par la périphérie parisienne, qu’entre des communes mitoyennes, mais très différentes sur le plan sociologique, les demandeurs d’emploi rencontrent des difficultés pour se déplacer. Il y a là un véritable enjeu de société, d’autant que 40 % de nos concitoyens vivent en dehors des périmètres de transport urbain. Cette question est d’ailleurs au cœur des débats des assises de la mobilité lancées par le Gouvernement.

En concertation avec les collectivités territoriales, nous devons changer de paradigme pour mettre en place de nouvelles mobilités ; nos concitoyens en sont tout à fait conscients, et le demandent.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, il y a quelque temps, dans cet hémicycle, un sénateur du Cantal que vous devez connaître rappelait que « le trajet Aurillac-Paris dure, selon les jours, entre six heures deux minutes et dix heures trente »… (Sourires.) « Parfois – poursuivait-il –, une partie du trajet s’effectue en bus : c’est le progrès ! » Et de constater : « C’est en tout état de cause une demi-heure de plus, dans le meilleur des cas, que voilà vingt-cinq ans ».

Pour être sûr qu’on ait bien compris, le même ajoutait que, en 1905, un train de nuit direct reliait Aurillac à Paris, alors que, en 2013, il fallait aller chercher un train de nuit en autocar jusqu’à Figeac pour espérer rejoindre Paris neuf heures quarante plus tard. « Magnifique progrès en deux Républiques et 105 ans », concluait-il, avant d’ajouter : « Je ne doute pas que, le changement étant maintenant, nous allons réduire ce temps de trajet »…

Le changement n’étant plus maintenant, et néanmoins en marche (Nouveaux sourires.), et le cas d’Aurillac résumant bien la situation de pans entiers du territoire et de nombreuses villes moyennes, comment comptez-vous redresser cette situation calamiteuse, pour ne pas dire scandaleuse ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Collombat, je reconnais bien là votre sens de l’humour… Contrairement à beaucoup d’autres, je ne renie jamais mes déclarations et je reste fidèle à mon engagement politique. Ce que j’ai dit ici même à plusieurs reprises, je le maintiens : il y a dans notre République des territoires qui ont été complètement oubliés !

Les chiffres que vous avez cités, et que j’avais plusieurs fois indiqués, correspondent à la réalité ; je la subis chaque semaine quand je rentre dans mon département.

Remarquez que le Gouvernement n’a pas fondé sa politique sur le mot « changement » : nous sommes en marche. Je souhaite néanmoins qu’on ne relie pas Aurillac à Paris à pied… (Sourires.)

Voyez-vous, la ministre des transports sera à Aurillac le 6 novembre, parce que j’ai attiré son attention sur les difficultés, non pas seulement de mon territoire, mais de tous les territoires excentrés et oubliés.

Dans le Massif central, trois départements qui se touchent ont donné quatre chefs de l’État à la Ve République. Je ne peux pas dire que le désenclavement de nos territoires en ait beaucoup profité ! C’est un constat qui concerne toutes les travées de cet hémicycle…

M. Pierre-Yves Collombat. À quelques exceptions près !

M. Jacques Mézard, ministre. Pas beaucoup ! (M. Roger Karoutchi rit.)

Très concrètement, on ne peut pas tout avoir ni tout développer, mais il faut que nous opérions des choix qui assurent aux habitants de ces territoires au moins un bon moyen de désenclavement, qu’il s’agisse du train, de la route ou de l’avion. Nous n’y sommes pas, mais sachez que, pour bien connaître le sujet, j’attire régulièrement l’attention de Mme le ministre des transports sur la nécessité de ne pas penser seulement à la desserte des métropoles, comme on l’a fait pendant une vingtaine d’années.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.

M. Pierre-Yves Collombat. Le problème, monsieur le ministre, ce n’est pas vous ! À entendre, notamment, la ministre des transports, qui entend ouvrir les TER à la concurrence et supprimer les arrêts TGV dont bénéficient actuellement un certain nombre de villes moyennes, je crains que vous ne manquiez de soutien au sein du Gouvernement…

« Pour faire un parallèle avec l’aérien, on ne dessert pas Brive avec un A380 » : voilà ce que vient de déclarer votre collègue, dans un résumé méprisant d’une certaine philosophie de l’aménagement du territoire.

Vous, monsieur le ministre, répétez qu’il ne faut pas opposer le rural et l’urbain. Dont acte. Mais je constate que d’autres le font !

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, en matière de téléphonie mobile, la définition des zones blanches semble totalement erronée et inappropriée.

À titre d’exemple, en 2018, une seule commune de la Haute-Garonne sera définie comme une zone blanche au sens de l’ARCEP, c’est-à-dire une commune « dont le centre-bourg n’est couvert par aucun opérateur de réseau mobile ». Or de gros problèmes de téléphonie se posent dans les deux tiers du département, où il est difficile, voire impossible, de passer un coup de fil dans des conditions normales…

Le groupe Union Centriste avait d’ailleurs fait adopter un amendement à cet égard dans le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Il s’agissait de qualifier à l’échelon de zone blanche les communes dont le territoire n’était couvert par aucun opérateur à plus de 25 % ni la population couverte par aucun opérateur à plus de 10 %. Cette disposition n’a pas survécu à la commission mixte paritaire, ce que nous regrettons vivement.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a auditionné ce matin M. Soriano, président de l’ARCEP, au cours d’une séance de doléances collectives. J’espère que notre interlocuteur a entendu la grogne qui monte des territoires, car nous en avons assez de nous faire promener !

Si les opérateurs semblent toujours très satisfaits, et même plus encore, la réalité du terrain est bien différente, parfois insupportable. Il va sans dire que c’est un obstacle immense au développement de nos territoires en matière d’implantation d’entreprises et d’habitat en zone rurale.

Monsieur le ministre, il est impératif de modifier les critères et les méthodes de mesure de la couverture pour disposer enfin d’un recensement conforme à la réalité du terrain. L’incitation et les supplications ayant échoué, il est nécessaire que l’État fasse preuve de beaucoup plus de fermeté pour imposer aux opérateurs privés la couverture en 3G ou 4G de l00 % de la population.

Pour cela, il faut revoir les contrats d’exploitation des licences avec les opérateurs. Nous savons que vous êtes isolé au milieu de technocrates qui planchent sur la cohésion de territoires si lointains pour eux, mais cette révision se fondera-t-elle enfin sur des engagements opposables et sanctionnables, seuls susceptibles de concrétiser cette promesse du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Médevielle, mon isolement est relatif : je vous confirme que le Gouvernement a demandé officiellement à l’ARCEP de définir un nouveau référentiel de couverture mobile.

En effet, nous en avons tous assez d’entendre parler des zones blanches ou des zones grises en sachant que des communes sont considérées comme desservies quand le réseau passe devant la mairie, mais que tout autour le portable ne passe pas… Tous ceux qui viennent de ces territoires connaissent la situation. Il était donc indispensable de remettre les pendules à l’heure – vous me passerez l’expression.

Le travail que nous avons demandé à l’ARCEP sur la desserte réelle de nos concitoyens est en cours ; vous trouverez déjà de nombreuses informations sur le site internet de cette institution. Pour pouvoir avancer, il faut impérativement que nous sachions exactement, dans chaque commune, qui est desservi et qui ne l’est pas.

Notre objectif, je l’ai déjà rappelé : le bon débit pour tous en 2020, avec la 4G partout et pour tous. On peut, bien sûr, dire que nous n’y arriverons pas. Qu’on nous laisse au moins le temps d’essayer ! Je vous assure en tout cas que c’est un objectif prioritaire. Il peut peut-être arriver qu’un gouvernement réussisse là où d’autres n’ont pas réussi…

La situation que vous avez décrite, monsieur le sénateur, résulte de tout ce qui n’a pas été fait depuis dix ans, par les uns et par les autres, par nous tous. Nous allons, nous, essayer d’atteindre notre objectif : je vois le sourire dubitatif du président de la commission, mais peut-être le Gouvernement réussira-t-il sur des dossiers où d’autres ont échoué dans les années précédentes ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Hervé Maurey, président de la commission. Nous ne souhaitons pas autre chose !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, ma question concerne le logement social en milieu rural.

Je ne vous interrogerai pas sur la baisse des APL et ses incidences sur les bailleurs sociaux intercommunaux ou départementaux dans les départements ruraux que vous connaissez comme moi. Je ne vous interrogerai pas non plus sur la disparition du prêt à taux zéro. Je parlerai des conséquences des fusions de communes en matière de logement social.

Depuis un peu plus d’un an, la fusion de communes est encouragée, ce qui est très bien. Or, dans un certain nombre de départements ruraux – le mien, la Dordogne, est particulièrement rural –, des communes nouvelles voient le jour qui, regroupant dix communes de 1 000 habitants ou six de 1 500 habitants, atteignent 8 000 à 10 000 habitants, ce qui les soumet à l’obligation de satisfaire aux exigences de l’article 50 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, c’est-à-dire de construire 20 % de logements à caractère social.

Le problème, c’est que ces communes gardent des caractéristiques très rurales et qu’il n’y a pas de bourg-centre. Dès lors, comment fait-on ? Je vous ai déjà interrogé sur ce sujet, monsieur le ministre, et vous m’avez répondu que vous y réfléchissiez. J’espère que cette réflexion avance et qu’elle est partagée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Sans entrer dans la polémique, monsieur le sénateur Bérit-Débat, c’est la conséquence des lois que vous avez votées…

M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait ! D’ailleurs, vous aussi !

M. Jacques Mézard, ministre. Ce n’est du reste pas une critique, mais une constatation.

Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’il faut détricoter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Alors que de nombreuses communes ont réalisé des efforts considérables, remettre en cause le principe fixé par la loi sur le pourcentage de logements sociaux serait un très mauvais signal.

Nous allons essayer de résoudre la difficulté que vous soulevez en liaison avec les préfets, qui se prononcent sur les éventuelles constatations de carence au terme d’une procédure qui fait intervenir une commission régionale et une commission nationale. J’y suis personnellement sensible, parce que cette conséquence des fusions n’avait pas forcément été prévue au départ.

L’échéance fixée est 2025. Aujourd’hui, on est sur le bilan pour la période 2014-2016. Ensuite viendra le bilan pour la période 2017-2019. Je pense que c’est à ce moment-là qu’il faudra apprécier la possibilité d’un rattrapage. En tout cas, nous donnons instruction aux préfets de tenir compte de cette difficulté.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.

M. Claude Bérit-Débat. Je ne remets en cause ni le dispositif sur la fusion de communes, voulu par l’Association des maires de France et défendu par l’ancien président de celle-ci, ni la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Simplement, je soulève la difficulté qui se pose dans certaines communes récemment fusionnées qui conservent des caractéristiques très rurales. Il faut en tenir compte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule à ma question, je souhaite évoquer l’adoption, en 2012, d’une proposition de résolution du groupe du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires.

Monsieur le ministre, lorsque vous présidiez ce groupe et que vous siégiez parmi nous au sein de la Haute Assemblée, vous aviez alors déclaré qu’il fallait revenir à une certaine planification nationale, car « seul l’État peut avoir une vision globale et stratégique, ainsi que les moyens nécessaires pour mettre en œuvre l’égalité des territoires de manière concertée avec les collectivités locales ». Je partage tout à fait votre point de vue.

C’est en partie la logique poursuivie par les contrats de ruralité – pendant des contrats de la politique de la ville –, dont la création par votre prédécesseur répondait à un besoin de coordination et de lisibilité des actions mises en œuvre dans les territoires ruraux.

L’Assemblée des communautés de France constate une hétérogénéité des contenus et de la qualité des contrats. Certaines collectivités qui s’attellent à élaborer une stratégie approfondie pour leur territoire et prennent le temps de la réflexion craignent de ne pas pouvoir bénéficier de ces fonds.

Si la dotation de soutien à l’investissement local a été pérennisée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 – je vous en remercie, monsieur le ministre, c’est une très bonne chose –, un décret d’avance du 20 juillet dernier a procédé à la suppression de 106 millions d’euros en autorisations d’engagement du programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire ». Cela constitue une source d’inquiétude pour les élus locaux. Aussi, je m’interroge sur la pérennité à long terme des moyens octroyés aux contrats de ruralité et sur l’avenir de ce dispositif. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Requier, votre question est intéressante. À ce propos, je vous remercie d’avoir cité les excellents propos que j’ai tenus ici. (Sourires.)

M. Claude Bérit-Débat. Comme d’habitude !

M. Jacques Mézard, ministre. Au 1er octobre, 480 contrats de ruralité ont été signés. Nous avons tenu à ce que les engagements de l’État puissent être honorés. C’est important pour la poursuite de ces contrats. Nous avons aussi tenu, je tiens à le rappeler, au maintien des enveloppes DSIL et DETR au niveau de 2017, qui était le plus élevé. C’est sur ces enveloppes que pourront continuer à être financés les contrats de ruralité. Je ne reviendrai pas sur l’approche qu’une association d’élus a retenue de leur contenu. Ce qui importe, c’est que ces contrats continuent à être financés dans de bonnes conditions. Tel sera le cas.

Vous avez parlé d’annulation de crédits. Tout gouvernement y recourt tous les ans. Cette année, ce fait a donné lieu à des débats plus nourris. Et nous nous y sommes engagés, en 2018, aucune annulation de crédits n’aura lieu, les choses seront claires de manière définitive, et le budget de 2018 sera respecté.

Je le redis, dans nombre de départements, il arrive tous les ans que l’enveloppe de DETR ne soit pas totalement consommée, ce qui peut paraître logique compte tenu du retard pris dans l’avancement de certains dossiers. C’est une réalité. D’aucuns ont demandé l’application d’un bonus-malus, c’est-à-dire que des fonds soient affectés aux départements qui en ont le plus besoin. Mais ce n’est pas conforme aux règles budgétaires.

L’enveloppe DETR est maintenue quasiment à 1 milliard d’euros, c’est-à-dire au plus haut niveau, la DSIL à 665 millions d’euros, et la dotation politique de la ville à 150 millions d’euros. La dotation de solidarité urbaine sera, quant à elle, augmentée de 90 millions d’euros, sous réserve d’un montant supplémentaire que le Parlement pourrait voter. C’est tout de même, me semble-t-il, une bonne nouvelle pour nos collectivités locales : pas de baisses de dotations ; au contraire, leur maintien au plus haut niveau.

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec.

M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment soixante-dix ans après la publication de Paris et le désert français, en sommes-nous arrivés à une telle situation ? Parce que l’appareil d’État, cherchant à remettre en cause en permanence les lois de 1982, s’est engagé dans un processus de recentralisation forcené, et ce au mépris des libertés locales et des élus du peuple. Et parce que l’État, pour reprendre le contrôle de la région-capitale, a créé une superstructure technocratique baptisée métropole – mot très à la mode –, un monstre qui va, si nous le laissons faire, absorber demain la région, puis les départements, et sans doute après-demain nos communes.

En effet, la métropolisation à marche forcée, imposée par la technostructure, est en train d’assécher totalement nos territoires et de tuer nos communes, qui sont, ne l’oublions pas, le cœur vivant de notre démocratie.

C’est le cas presque partout en France : dans les communes, en région, les gares ferment, les boutiques sont moribondes, les services publics à l’abandon. Mais c’est aussi vrai dans la région d’Île-de-France, y compris dans le périmètre de la métropole, où l’on constate un désengagement de l’État et la suppression de ressources qui nous sont essentielles pour exercer nos missions, telles que la taxe d’habitation tout récemment, la baisse de la DGF, l’augmentation des péréquations, sans parler des charges transférées sans compensation.

Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions.

La première concerne la métropole. Considérez-vous, à l’instar du Président de la République, que le périmètre actuel est la solution adéquate pour éviter que, après Paris et le désert français, on ne parle demain de Paris et du désert régional ?

J’en viens à ma seconde question. Quelle place comptez-vous réserver au bloc communal dans la nouvelle organisation territoriale pour que la commune puisse continuer à répondre à l’ensemble des demandes de nos concitoyens et qu’elle demeure le lieu d’expression de cette démocratie la plus aboutie qu’est la démocratie de proximité communale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez d’abord parlé du phénomène de métropolisation et de la multiplication des métropoles. Puisqu’il est souvent fait référence aux propos que j’ai pu tenir ici, j’entends encore un certain nombre d’élus présents sur ces travées se battre pour que leur ville devienne métropole. C’est ainsi que, récemment, on est passé de quinze à vingt-deux métropoles.

M. Philippe Pemezec. Je n’étais pas là !

M. Jacques Mézard, ministre. Moi, j’y étais, et j’ai voté contre, car je considérais – et je considère toujours – que, conformément aux propositions du Sénat à la suite du rapport Raffarin-Krattinger, il eût été opportun de s’en tenir à sept, huit ou neuf métropoles locomotives. (Marques d’approbation sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Cela n’a pas été le cas. En raison de la volonté de certains – je peux citer le nom de certaines villes qui étaient très bien représentées ici –, on a abouti in fine à vingt-deux métropoles. C’est la réalité !

J’avais même déposé un amendement pour que l’agglomération d’Aurillac devienne métropole. (M. Roger Karoutchi rit.) C’était un signal amical au ministre de l’époque présent dans cet hémicycle.

Sur la métropole du Grand Paris, j’ai reçu personnellement tous les intervenants, lesquels m’ont tous expliqué que le système actuel était absolument nul et qu’il fallait en changer. En revanche, sur les propositions, il existe de grandes différences en fonction des représentants des diverses strates, et non des sensibilités politiques.

Une conférence nationale sur le Grand Paris va avoir lieu. Un travail technique est réalisé par le préfet de l’Île-de-France. Différentes possibilités existent. Nous allons entendre officiellement les positions des uns et des autres.

Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur le rôle de la commune. Personnellement, je suis convaincu que l’échelon de proximité est bien la commune. D’ailleurs, nos concitoyens ne s’y trompent pas, car ils connaissent le maire et les équipes municipales qui se trouvent dans leur périmètre de vie. Il est essentiel de conserver cet échelon de proximité, sauf volonté contraire des communes de fusionner. Je suis pour le respect de la liberté de choix des collectivités.

Sachez que je comprends parfaitement votre interrogation sur les métropoles. Je ne sais pas si j’y réponds précisément, mais dans tous les cas de figure, aucun territoire ne doit se considérer comme marginalisé. Il faut éviter l’existence d’un double périphérique.