Mme Annie Guillemot. Arrêtez de parler à la droite ! Parlez aussi à la gauche !

M. Gérald Darmanin, ministre. Cette mesure n’était pas dans le projet présidentiel. J’ai même entendu, lors de la campagne présidentielle, le candidat de la droite représentant les Républicains expliquer qu’il ne pouvait la défendre, au motif qu’il était par ailleurs favorable à la fin du temps de travail, et qu’il serait contradictoire d’appuyer sur le frein en même temps que sur l’accélérateur.

Dans le projet de loi de programmation des finances publiques que le Président de la République et le Premier ministre vous ont proposé la semaine dernière par ma voix, on y trouve la défiscalisation et, même plus, la « décotisation », si j’ose dire, des heures supplémentaires.

Pour toutes ces raisons, monsieur Joyandet, si votre argumentation se tient, elle date, je le crains, de dix ans !

M. Alain Joyandet. C’est un peu vachard, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas une attaque personnelle !

M. Alain Joyandet. Quand même !

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais non, je ne me le permettrais pas, cher Alain Joyandet !

M. Alain Joyandet. Il y a dix ans, vous étiez avec nous, cher monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Il y a dix ans, …

M. Alain Joyandet. Dans les cabinets ministériels !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous étiez encore à l’école ! (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Ne vous inquiétez pas, il est encore des vôtres !

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le ministre Joyandet, vous me prêtez bien des cheveux blancs : il y a dix ans, je n’étais pas dans les cabinets ministériels. Et j’ai toujours défendu, y compris lors de la primaire, comme vous, un candidat qui ne proposait pas d’augmentation de TVA. Je me rappelle d’ailleurs bien des meetings où il disait qu’une telle proposition était antisociale. Mais nous avons le droit, vous comme moi, de changer d’avis ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je souhaite maintenant évoquer une question soulevée à gauche de l’hémicycle, et qui s’entend : comment concevons-nous le mode de financement de la protection sociale ?

Comme il l’avait annoncé de façon extrêmement claire durant sa campagne électorale, le Président de la République propose – je veux dire à M. le sénateur Courteau qui a dit que tout cela était « révolutionnaire » que la mesure proposée participe à la fois de l’originalité et de la transformation – de substituer un système universel à une société qui fonctionne, et qui a jusqu’à présent bien fonctionné, par des cotisations et des statuts.

Il n’y a aucun secret dans la transformation de la protection sociale que nous vous présentons ! Et cette transformation ne signifie pas un seul instant que la sécurité sociale, ou même le dialogue social qui se noue autour d’elle, serait oubliée. D’ailleurs, avec Mme la ministre de la santé et des solidarités, nous avons présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale à la Commission des comptes de la sécurité sociale : nous discutons avec les caisses et, évidemment, avec les partenaires sociaux.

Nous disons donc que la protection sociale doit être assurée par un financement universel et non plus par un système par statuts. Eh oui, ce gouvernement, via la suppression de cotisations, procède à une augmentation de pouvoir d’achat et oblige l’ensemble des acteurs concernés à repenser notre modèle social, pour le bien-être de nos concitoyens.

M. le sénateur Daudigny me pose la question de l’avantage en termes de recettes fiscales dont résulterait le mécanisme proposé par le Gouvernement. Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale obéissent à des motifs de finances publiques, mais répondent en même temps à la volonté d’inscrire la suppression de la taxe d’habitation dans la loi dès cet automne : ils respectent notre trajectoire budgétaire, tout en permettant la mise en place des réformes voulues par le Gouvernement.

Pour le dire vite, monsieur le sénateur, les Français, notamment ceux qui travaillent, ceux qui sont salariés, vont connaître une baisse de deux tiers de leurs cotisations et une augmentation d’un tiers de leur pouvoir d’achat. La mesure se fait en deux temps : en octobre, ils bénéficieront du dernier tiers de cotisation à supprimer et des deux tiers d’augmentation du pouvoir d’achat.

Au total, un salarié payé au SMIC bénéficiera l’année prochaine d’une augmentation de pouvoir d’achat de 150 euros, qui deviendront, en année pleine, soit dès 2019, environ 250 euros.

Monsieur le sénateur, si je comprends votre argument, vous dites qu’une partie des recettes fiscales tirées de la hausse de la CSG ne sont pas répercutées. D’abord, en année pleine, le mécanisme que nous proposons ne donne lieu à aucun gain, si vous me permettez cette expression ; votre question ne se pose que pour l’année prochaine. Le montant du gain est d’un peu plus de 3 milliards d’euros, ce qui correspond exactement, vous le remarquerez, monsieur le sénateur, au montant de la baisse fiscale inscrit dans le projet de loi de finances au titre de la diminution de la taxe d’habitation. (M. Yves Daudigny approuve.) Nous avons fait le choix de compenser ainsi, à coups de 3 milliards d’euros par an dans la chronique jusqu’en 2020, la baisse de la taxe d’habitation pour 80 % des Français, qui représente à peu près 9 à 10 milliards d’euros. Avec la baisse de la fiscalité en termes de cotisations, la baisse de la taxe d’habitation et la hausse de la CSG, cela correspond à 3 milliards.

Le débat qui consiste à dire que nous augmentons la fiscalité pour les plus pauvres et pas pour les plus riches est totalement injuste. Nous augmentons la fiscalité pour les contribuables dont les revenus sont supérieurs à 2 500 euros nets par mois, et donc pas, par définition, pour ceux qui se situent en dessous de ce seuil. En outre, la CSG a aussi l’avantage de toucher le capital.

M. Gérald Darmanin, ministre. Mme la ministre Lienemann a souligné que d’autres mesures fiscales, en la matière, sont à prendre en considération. Mais la CSG présente l’énorme avantage de ne pas être prélevée sur les seuls revenus d’activité, mais d’être assise, par définition, sur l’ensemble des revenus, conformément à l’esprit dans lequel Michel Rocard avait souhaité sa création.

D’ailleurs – on pourrait avoir ce débat assez longuement dans l’hémicycle, même si certains peuvent combattre le principe même de la CSG –, si je peux comprendre que le côté droit de l’hémicycle défende la TVA – le débat sur le caractère juste ou non de la TVA, par comparaison avec d’autres impôts, est très intéressant –, j’ai plus de mal à comprendre – nous avons eu ce débat très longuement à l’Assemblée nationale – pourquoi le côté gauche en viendrait à remettre en cause un impôt qui est, par nature, redistributif, et a d’ailleurs été inventé par les sociaux-démocrates, et imaginé par Michel Rocard.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous défendons une CSG progressive, cela ne vous aura pas échappé !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je sais combien cette vérité peut être embêtante : elle convie chacun à la cohérence.

Surtout, si l’on met de côté les propositions de dépenses nouvelles – ce n’est pas très original ! –, et à l’exception de la proposition défendue par M. Joyandet, je n’ai pas entendu d’alternative à notre modèle.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous allons y venir !

Mme Laurence Cohen. L’article 40 nous en empêche !

M. Gérald Darmanin, ministre. En tout cas, ce que propose le Gouvernement a le mérite de la cohérence et du changement. Et ce n’est pas un petit article que l’article 7 !

Mme Laurence Cohen. C’est certain !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous avez raison, il s’agit bel et bien d’un article de transformation. Le rapporteur général du budget n’est pas parmi nous ce soir, mais M. Joyandet représente la commission des finances ; il a évoqué les nécessaires réformes de structure et de transformation de notre modèle. Eh bien, après quelques mois seulement, le Gouvernement propose une telle réforme !

Pour terminer, je veux dire qu’il est extrêmement important que nous liions, dans nos débats, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec le projet de loi de finances. Je répondrai plus particulièrement, au fil de la discussion, aux représentants de la nation qui se sont intéressés, via divers amendements, à différents statuts, corps de métier, domaines spécifiques. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 444 est présenté par Mme Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L'amendement n° 522 est présenté par M. Ravier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 444.

M. Dominique Watrin. Nous demandons la suppression de l’article 7, qui prévoit l’augmentation de la CSG de 1,7 point. Je rappelle que la CSG est la deuxième recette fiscale de l’État derrière la TVA.

Contrairement à ce que dit le Gouvernement, nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une mesure favorable au pouvoir d’achat, bien au contraire. D’ailleurs, si tel était le cas, il aurait mieux valu, tout simplement, augmenter le SMIC, dégeler le point d’indice des fonctionnaires et revaloriser les pensions des retraités, par exemple. Monsieur le ministre, vous qui êtes pour la simplification, vous devriez être d’accord !

La hausse de la CSG ne sera pas compensée du tout pour 2,5 millions de retraités modestes. Vous avez rappelé les seuils d’imposition, je ne les répéterai pas ici. Pour notre part, nous ne considérons pas que les retraités dont les pensions sont de l’ordre de 1 300 ou 1 400 euros seraient des « riches » – vous non plus, vous l’avez dit –, ni même qu’ils feraient partie d’une mythique classe moyenne qu’il faudrait toujours taxer.

Il est d’ailleurs scandaleux d’opposer ici des retraités qui gagnent 800 euros, voire moins, à des retraités qui en gagnent 1 300. J’habite moi aussi les Hauts-de-France, et j’estime que ce procédé est tout à fait irrespectueux.

Ce qu’il importe de dire, c’est que les vrais riches…

M. François Patriat. C’est toujours les autres !

M. Dominique Watrin. … sont les 500 plus grandes fortunes de France, qui ont gagné 600 milliards d’euros en 2016, et auxquelles vous accordez encore 3 milliards d’euros de cadeaux, avec la suppression de l’ISF, sans parler du milliard et demi accordé via la diminution des prélèvements sociaux et fiscaux sur les dividendes au titre du prélèvement forfaitaire unique – mais nous y reviendrons.

Enfin, nous refusons cet article en ce qu’il prévoit la suppression des cotisations en général et met ainsi à mal notre système de sécurité sociale, fondé sur le principe suivant lequel « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

Non, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous dire du côté de je ne sais quelle « révolution » ! Vous travaillez ici à la remise en cause d’un système de solidarité, la sécurité sociale, conquis de haute lutte par les travailleurs.

D’ailleurs, je précise à votre intention la différence entre cotisation et impôt : la première ouvre des droits – des droits à des prestations définies et des droits des travailleurs à participer à la cogestion de cette part prise sur les profits des entreprises. Et c’est, me semble-t-il, ce qui vous dérange ! Tel est le sens de votre politique.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l'amendement n° 522.

M. Stéphane Ravier. Comme d’habitude depuis des décennies, on exige toujours plus d’efforts de la part des mêmes personnes, cette France qui travaille, se lève tôt, met un point d’honneur à gagner honnêtement sa vie et a pour objectif, pour luxe, diraient certains, d’acquérir un bien immobilier, pour mettre ainsi sa famille à l’abri des accidents de la vie, des accidents sociaux et économiques, et transmettre ce bien à ses enfants.

Avec cette hausse de 22 % de la CSG pour les retraités, vous vous attaquez à ceux qui se sont levés tôt, ont travaillé toute leur vie et, pour certains, l’ont mise en danger, en combattant pour notre pays, pour son drapeau, pour ses libertés.

Qui sont ces retraités, monsieur le ministre ? Une catégorie de Français bien modestes, en réalité, qui ne fait que bénéficier du fruit d’une vie de labeur. Cette génération est aujourd’hui votre cible, en particulier celles et ceux qui touchent 1 300 ou 1 400 euros par mois.

Votre mesure vise un gain de pouvoir d’achat pour les actifs ; son efficacité est d’ores et déjà remise en cause par les travaux de notre commission. On alourdit une fois de plus l’imposition sur les revenus. Monsieur le ministre, vous allez toujours plus loin dans la fiscalité confiscatoire : cette mesure est insupportable pour des millions de retraités, inacceptable pour nous.

Je ne résiste pas, enfin, monsieur le ministre, à rappeler le retournement de point de vue, pour ne pas dire de veste, de notre ministre de l’économie, M. Le Maire. Il préconisait hier – souvenez-vous, ce n’est pas si vieux ! –, dans son programme présidentiel, une baisse d’ampleur de la CSG dès le début du quinquennat pour les revenus du travail et les pensions de retraite, mais également pour les fruits de l’épargne.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il a trouvé son chemin de Damas !

M. Stéphane Ravier. Il indiquait en outre qu’elle bénéficierait à tous les Français. « Cette baisse importante est un gage de confiance dans le succès à venir des grandes réformes annoncées », précisait-il. Faut-il en rire ou en pleurer ? Les retraités, eux, ne souriront pas ; ils pleureront. Mais on sait depuis Edgar Faure que c’est non pas la girouette qui tourne, mais le vent. (Mme Claudine Kauffmann applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis de la commission est défavorable, car ces deux amendements identiques sont en totale contradiction avec la position de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. D’abord, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements identiques.

Je veux dire à M. le sénateur du groupe CRCE que je comprends son argumentation, sans la partager, au nom du Gouvernement. Le débat que vous soulevez est intéressant ; il y va d’un débat de société qui, me semble-t-il, a été tranché, si ce n’est par l’élection présidentielle, du moins par l’élection législative.

M. Dominique Watrin. Cela ne nous empêche pas, ici, de faire de la politique !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je l’entends bien et c’est pourquoi je vous réponds, monsieur le sénateur : je respecte tout à fait vos arguments et votre vision de la société ; simplement, le Gouvernement en a choisi d’autres.

Monsieur Ravier, votre candidate à l’élection présidentielle a fait toute sa campagne sur la sortie de l’euro, avant de se rétracter au lendemain de sa défaite ; je vous retourne donc à bon droit l’argument de la réversibilité des vestes. Je ne sais si la vôtre est de fabrication française, mais réversible, elle l’est !

M. Gérald Darmanin, ministre. Par ailleurs, j’ai du mal à comprendre votre argument, car vous vous contredisez du début à la fin !

Vous commencez par nous opposer que nous taxerions, comme toujours, ceux qui se lèvent tôt le matin et vous finissez par souligner que certains ont pu mettre de côté de l’argent pour acquérir un bien immobilier – c’est tout à fait leur droit. Il me semble quand même que le programme économique du Front national – vous le défendez encore, j’imagine – ne comportait aucune suppression des impôts sur l’immobilier, Mme Le Pen étant elle-même absolument opposée à toute suppression, y compris de l’ISF. Mais mettons cela de côté.

C’est précisément ce que nous proposons, monsieur Ravier. Nous disons que la politique menée jusqu’à présent ne donne malheureusement pas à ceux qui travaillent, aux jeunes qui commencent à 1 152 euros nets par mois, les moyens, le pouvoir d’achat que vous évoquez. Nous devons donc tout faire, sur divers pans de la politique publique – c’est le cas avec les ordonnances Travail, les heures supplémentaires, la suppression des cotisations –, pour mettre en œuvre une augmentation du pouvoir d’achat.

Le débat a déjà eu lieu tout à l’heure, avec l’un de vos collègues : vous faites semblant de rester bloqué sur 1 400 euros de revenus, alors que le seuil d’augmentation de la fiscalité, seuil assumé – le Gouvernement ne se cache pas derrière son petit doigt –, est fixé à 2 500 euros nets par personne.

Le PLF sera voté dans la foulée du PLFSS, et les mesures qui y sont proposées entreront en vigueur au 1er janvier de la même année. Jusqu’à 2 500 euros nets par personne, je le répète, il n’y a pas d’augmentation de fiscalité ! Oui, au-dessus de ce seuil, pour les retraités, la fiscalité augmente.

Une telle augmentation est assumée par le Gouvernement, au nom de la solidarité intergénérationnelle. Vous avez tout à fait le droit de combattre cette idée, et on peut entendre qu’elle soit combattue. Toutefois, la démocratie, pour qu’elle soit respectueuse, exige au moins que l’on argumente sur les vrais chiffres présentés par le Gouvernement dans ses projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Avis défavorable sur ces deux amendements identiques, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pourquoi ce système est-il injuste ? J’ai entendu la réponse de M. le ministre. Il nous explique que le Gouvernement va financer l’allégement de la taxe d’habitation par l’augmentation de la CSG. Des collègues affirment que la CSG est trop élevée. On peut quand même s’interroger.

Le système fiscal que vous êtes en train de mettre en place est un imbroglio dans lequel on constate une interférence entre ce qui relève du financement de la protection sociale – en la matière, on peut avoir des désaccords, c’est tout à fait normal – et le reste de la fiscalité, notamment la taxe d’habitation. Tout est mélangé. Ce système me semble dangereux dans la durée. Pourquoi ?

Comme la base est injuste – la CSG, les retraités, les actifs, etc. –, on fait ce qu’on appelle des niches fiscales, c’est-à-dire des exemptions : compensation pour les fonctionnaires, plafonnement pour les retraités de moins de 2 500 euros. Mais, avec le temps, cela ne tiendra pas. Les fondamentaux de ce système étant injustes, celui-ci s’effritera : on nous expliquera que les ressources viennent à manquer, et on diminuera les prestations.

M. François Bonhomme. Cela s’appelle du bricolage !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Telle est la dynamique enclenchée !

Ce système me semble d’autant plus dangereux que l’on pouvait attendre autre chose du Président de la République, qui prétend porter – je dirais plutôt : qui veut porter – une vision d’avenir structurante pour un nouveau monde.

Mais on ne construit pas l’avenir de la protection sociale en partant d’un tel cafouillage fiscal. Derrière ce cafouillage, en réalité, se font des choix très injustes.

J’ai parlé du capital, mais parlons des salariés et des retraités.

Un salarié gagnant 5 000 euros par mois percevra 600 ou 700 euros supplémentaires, mais, de son côté, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, un retraité dont la pension s’élève à 2 500 euros, qui touche donc moins que le salarié, devra payer davantage, au nom de la solidarité intergénérationnelle. Vous l’avez répété, un retraité de plus de soixante-cinq percevant une pension de plus de 2 500 euros cotisera. Or le salarié qui touchera 5 000 euros par mois aura 500 ou 600 euros en plus, car c’est un pourcentage. On peut parler du SMIC, c’est un vrai sujet. Mais les salaires élevés, eux, seront favorisés par rapport aux retraités ayant des ressources comparables.

Tout cela est globalement injuste et scabreux du point de vue de la durabilité du dispositif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne voterai évidemment pas ces deux amendements identiques de suppression de l’article 7. J’accepte que nous continuions de discuter de la CSG et de la façon dont nous pourrions l’adapter dans le cadre du PLFSS.

Je voudrais revenir sur deux points.

Premièrement, comme l’a dit fort justement M. Watrin, nous arrivons, monsieur le ministre, à la suppression assurantielle du régime chômage. C’est clair.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Deuxièmement, vous avez dit, avec beaucoup d’éloquence, au début et à la fin de votre intervention, deux choses importantes, dont je souhaite qu’elles n’échappent pas à l’ensemble de mes collègues.

Vous avez clairement affirmé, d’une part, que vous souhaitiez, avec ce gouvernement, mettre en place un régime fiscal pour assurer le financement de l’assurance maladie, de la branche famille et des différentes branches de la sécurité sociale. Vous avez tout aussi clairement affirmé, d’autre part, que vous souhaitiez que les recettes soient considérées dans le cadre d’une discussion globale regroupant PLF et PLFSS, si du moins ce dernier continue d’exister dans quelques années. Cela me conduit à m’interroger.

J’en ai parlé lors de la discussion générale, je ne souhaite pas que la distinction entre ce qui relève du budget de l’État, donc du financement de la solidarité, et ce qui relève de la cotisation, donc de la logique assurantielle du PLFSS, disparaisse au profit d’un budget global contrôlé uniquement par Bercy. (Mme Marie-Noëlle Lienemann manifeste son approbation.)

Un tel dispositif serait, me semble-t-il, extrêmement dangereux pour la santé, la famille, la branche AT-MP et les retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis très fier d’être à la tête d’une administration qui a le sens de l’État, à l’instar de Mme la ministre des solidarités et de la santé. Et je ne crois pas qu’il y ait, d’un côté, les monstres et, de l’autre, les gentils !

Madame Lienemann, on peut, certes, distinguer dans l’hémicycle ce qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale et ce qui relève du projet de loi de finances ou ce qui relève de la cotisation et ce qui relève de l’impôt. Mais, pour les Français, tout cela sort de la même poche ; c’est le même budget ! Et c’est le même travail qui est fiscalisé.

On peut débattre à l’infini. Mais je crois que le fossé entre le peuple et ses représentants – nous en faisons tous partie, d’une manière ou d’une autre – tient aussi à l’incompréhension ou à l’incohérence des politiques publiques qui ont été menées. Sous le quinquennat précédent, un gouvernement a, me semble-t-il, payé cher le fait que son projet de loi de financement de la sécurité sociale et son projet de loi de finances, certes peut-être conformes aux engagements du candidat François Hollande, aient eu pour conséquence d’augmenter fortement la fiscalité de nos concitoyens. Et pourtant, certains, après avoir entendu les applaudissements des uns et les oppositions des autres, se sont étonnés que les Français doivent payer de la même poche…

Veillons donc à ce que nos débats techniques n’occultent pas la réalité de la situation de nos concitoyens. Ceux qui gagnent 1 200 euros nets par mois se demandent comment ils vont boucler leur fin de mois. Ils ont besoin d’un système de santé protecteur, d’une politique familiale encourageante et d’une fiscalité qui ne soit pas confiscatoire.

Madame Lienemann, vous affirmez que la CSG est un impôt injuste. Mais si nous augmentions la TVA, qui est la première recette de l’État, vous diriez aussi que c’est un impôt injuste !

Mme Laurence Cohen. Oui, car c’est un impôt injuste !

M. Gérald Darmanin, ministre. Et qu’en est-il de l’impôt sur le revenu ? J’imagine que beaucoup d’entre vous estiment aussi qu’il est injuste !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il l’est quand même moins !

M. Gérald Darmanin, ministre. Idem pour la taxe d’habitation, qui – c’est d’ailleurs l’argument du Gouvernement – est un impôt injuste à la fois pour les collectivités locales et pour les particuliers ! De même, la taxe foncière, dont les valeurs locatives n’ont pas été revues depuis les années soixante-dix, est aussi un impôt injuste.

J’aimerais donc que vous m’indiquiez ce qu’est un impôt juste. Et je regrette d’ailleurs que vous ne l’ayez pas mis en place lorsque vous étiez aux responsabilités…

M. Gérald Darmanin, ministre. Par définition, l’impôt est normal ; c’est une contribution tout à fait nécessaire à la puissance publique et à l’intérêt général.

N’entrons donc pas dans un débat sur l’impôt injuste. D’ailleurs, j’estime – peut-être suis-je minoritaire, y compris au sein de ma propre sensibilité politique – que la CSG est probablement l’un des impôts les moins injustes.

On peut raisonner, comme vous le faites, à partir de cas extrêmes, en opposant celui qui gagne 20 000 euros par mois au retraité qui perçoit 2 500 euros par mois.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai parlé de 5 000 euros !

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais je pense que vous êtes vous-même trop honnête pour être convaincue par de tels arguments, madame la ministre Lienemann.

Il est certain que le Gouvernement n’a pas caché un seul instant son souhait de transformer fondamentalement le mode de financement de la sécurité sociale et de la politique familiale, ainsi que la fiscalité de nos concitoyens. Cela n’a jamais été caché ! Si le Président de la République de la République a été élu, ce n’est pas pour poursuivre une politique qui a, certes, permis de grandes avancées par le passé, mais qui n’est plus adaptée aujourd'hui, car le monde a changé.

J’ai répondu tout à l’heure à la question portant sur la différence de ressources avec la plus grande honnêteté. Ne laissez pas à penser que c’est la CSG qui financera la réforme de la taxe d’habitation ! Je le rappelle, la baisse de la taxe d’habitation, c’est 10 milliards d’euros sur trois ans. Le ressaut de CSG, lui, s’effectuera en deux étapes, au nom de la responsabilité dans la gestion des finances publiques. La semaine dernière, dans un autre débat, tous les groupes politiques nous exhortaient à faire preuve de responsabilité par rapport à l’objectif de baisse des déficits ; on n’en faisait pas assez. Je constate que ce souci de responsabilité varie beaucoup selon les débats… Dont acte.

Pour des raisons à la fois de sérieux dans la gestion des finances publiques et de justice fiscale, nous avons fait le choix de baisser la taxe d’habitation la première année, tout en ayant, dans le même temps, le ressaut de CSG, soit 3 milliards d’euros. Mais il n’y a aucun lien de cause à effet entre les deux.