compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 17 novembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

statut de la sélection de football de la guyane

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 043, adressée à Mme la ministre des sports.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, pour la première fois de son histoire, la sélection de football de la Guyane a participé, au mois de juillet dernier, à la Gold Cup, compétition internationale réunissant les meilleures formations de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes, la CONCACAF.

Vous le savez, cette sélection est gérée par la Ligue de football de la Guyane, laquelle est placée sous l’égide de la Fédération française de football. En sa qualité de membre de la CONCACAF, elle peut donc prendre part à la Gold Cup après accord express de la Fédération française de football.

Au cours de cette compétition, la Ligue de la Guyane a été sanctionnée pour avoir aligné un ex-international français. En effet, la commission de discipline a estimé que la Guyane, bien qu’elle soit une sélection régionale non affiliée à la Fédération internationale de football association, avait enfreint l’article 5 du règlement d’application des statuts de cette fédération, interdisant à un joueur qui a déjà participé à un match international avec une formation d’un pays membre de la FIFA de jouer avec la formation d’un autre membre.

Madame la ministre, au-delà de cette sanction juridiquement contestable, je souhaite appeler votre attention sur la confusion induite par le statut hybride réservé à la sélection de Guyane et, plus largement, à toutes les sélections régionales d’outre-mer désireuses de participer aux compétitions dans leur bassin géographique.

Pour rappel, la question s’était déjà posée en 2007 lors de cette même compétition. Un joueur guadeloupéen, Jocelyn Angloma, pourtant ex-international français, avait alors été autorisé à prendre part aux matchs de la sélection de la Guadeloupe.

Devant cette situation qui voit une autorisation devenir une interdiction d’une édition à l’autre, quelles actions le Gouvernement peut-il engager pour aider les sélections régionales d’outre-mer à participer à cette manifestation sportive internationale dans de meilleures conditions ? Êtes-vous prête à engager une large réflexion avec la FFF et les sélections régionales sur l’élaboration d’un statut adapté permettant de mieux sécuriser la participation de ces dernières aux compétitions internationales ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Monsieur le sénateur, j’entends vos préoccupations, que je connais pour avoir grandi et évolué dans le bassin caribéen. Permettez-moi de rappeler quelques éléments permettant d’éclairer la situation, mais surtout le statut de la ligue de football de Guyane et son rattachement comme membre de la CONCACAF.

Pour les départements et régions d’outre-mer, il convient de distinguer l’affiliation aux instances sportives internationales de zone de l’affiliation aux fédérations sportives internationales. L’affiliation des comités régionaux, départementaux ou clubs d’outre-mer à des instances sportives regroupant plusieurs pays d’une même zone géographique et organisant des compétitions entre ces territoires est prévue, sous certaines conditions, dans le code du sport.

Sur le plan sportif, cela présente l’avantage d’étoffer le calendrier de compétitions des sportifs concernés et de disposer d’une concurrence de qualité en limitant la contrainte de déplacement.

Toutefois, il me semble important de souligner que les fédérations sportives internationales ont vocation à fédérer les associations qui assurent le développement et l’organisation de la discipline concernée dans un pays. Pour un même pays, il ne peut y avoir deux associations affiliées à une fédération internationale. Une telle situation poserait en effet deux difficultés : d’une part, l’équipe de France pourrait être amenée à affronter une sélection régionale française dans une compétition mondiale ; d’autre part, les sélections nationales pourraient se voir privées de certains talents ultramarins qui préféreraient participer aux compétitions mondiales au sein de leur équipe régionale.

Au regard des dispositions du code du sport, les ligues de Martinique, de la Guadeloupe et de Guyane et le district de Saint-Martin ne peuvent adhérer directement à la FIFA. Pour faire évoluer le profil des joueurs sélectionnables au sein des équipes régionales, il conviendrait de modifier les statuts de la FIFA.

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous devez vous en douter, le combat ne fait que commencer pour nous ! (Mme la ministre acquiesce.) Contrairement au baron de Coubertin, l’essentiel pour moi est non de participer, mais de concourir. En effet, lorsque nous affrontons les grandes nations du football du bassin caribéen, c’est l’image de nos territoires qui est valorisée, tout comme celles de la France et de l’Europe.

lutte contre la propagation de la bactérie xylella fastidiosa

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 046, transmise à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la présence et la propagation de la bactérie xylella fastidiosa dans le département des Alpes-Maritimes, après son identification en Italie en 2013.

Alors que le précédent gouvernement avait mis en place des mesures pour restreindre son avancée sur le territoire français, plusieurs arbustes ont été de nouveau identifiés comme porteurs de la bactérie, notamment dans les communes d’Antibes et de Saint-Laurent-du-Var, au mois de juillet dernier.

Afin de lutter contre la propagation, une délimitation par zone dite infectée de cent mètres autour des végétaux contaminés est imposée et des arrachages sont pratiqués en cas de contamination avancée. Toutefois, les résultats n’ont pas été concluants : la bactérie s’est propagée et des zones « tampons » de dix kilomètres autour du foyer de la zone infectée sont même aujourd’hui délimitées.

Cette année, les arbustes atteints ont été détectés dans le cadre de la surveillance renforcée des zones infectées et, géographiquement, à l’intérieur même de ces zones tampons. Ainsi, depuis le mois de juillet 2015, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, on dénombre 3 802 prélèvements analysés, 228 espèces végétales sensibles à la bactérie et 67 arbustes contaminés.

Les pépiniéristes des Alpes-Maritimes sont inquiets. En effet, leur activité économique est particulièrement frappée, avec des effets indéniables sur l’emploi. Les activités agricoles sont également touchées, notamment la production d’huile d’olive, de vin ou de fruits. Toutes les essences d’arbres sont concernées, qu’il s’agisse de la production horticole ou des pépinières ornementales.

Les nouveaux cas détectés portent à vingt et un le nombre de foyers découverts en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont dix-sept dans le seul département des Alpes-Maritimes. Les protocoles européens d’endiguement et leur application dans nos territoires ne suffisent plus.

Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour renforcer la lutte contre cette bactérie classée comme l’une « l’une des plus dangereuses au monde pour les plantes » par les autorités européennes et tristement surnommée l’« ebola de l’olivier » en Italie, eu égard aux ravages qu’elle provoque sur les végétaux ? Quelles mesures innovantes envisagez-vous, alors même que cette bactérie est placée sous surveillance par l’INRA depuis 2012 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, la bactérie xylella fastidiosa s’attaque à plus de 200 espèces végétales et touche directement les agriculteurs, les pépiniéristes, les jardiniers amateurs, les espaces verts et naturels. Elle peut causer des dépérissements très importants. C’est notamment le cas dans votre département.

Malheureusement, il n’existe pas de moyen curatif aujourd’hui. Les mesures à prendre en cas d’apparition de foyer sont définies dans le règlement européen. Les services de l’État notifient la destruction des végétaux sensibles dans la limite de cent mètres autour du végétal contaminé et organisent une surveillance intensive dans un rayon de dix kilomètres. Par ailleurs, les mouvements de végétaux susceptibles d’avoir été contaminés par cette bactérie, dits « végétaux spécifiés », sont strictement encadrés pour éviter la dispersion dans des zones réputées indemnes.

En France, un certain nombre de foyers ont été identifiés au mois de juillet 2015 en Corse et en région PACA. Ainsi, trente-trois foyers ont été définis dans des zones urbanisées proches du littoral. Depuis le mois de janvier 2015, 5 411 prélèvements sur plus de 250 espèces végétales différentes ont été analysés. Ces analyses ont mis en évidence 103 cas positifs à la bactérie xylella fastidiosa. Ces résultats sont le fruit de l’intensification de la surveillance et ne sont pas le signe d’une diffusion récente de la bactériose.

La révision du cadre réglementaire européen est engagée, en vue de prendre en compte l’expérience acquise et la grande diversité de situations sur le territoire. Ainsi, une modification de la décision d’exécution européenne relative aux mesures de lutte a été votée jeudi 19 octobre par le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Elle entrera en application dès la publication de la nouvelle décision.

Par ailleurs, afin de définir la future stratégie européenne en matière de prévention et de lutte contre la bactérie xylella fastidiosa, j’ai invité, conjointement avec le commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, M. Andriukaitis, mes homologues des pays européens contaminés et du sud de l’Europe à participer à une réunion au début du mois de décembre prochain. La mobilisation de tous – services de l’État, professionnels, collectivités, jardiniers amateurs… – est essentielle pour garantir la qualité sanitaire des végétaux en circulation sur notre territoire. Madame la sénatrice, je vous invite à participer à cette réunion, afin que vous puissiez apporter votre témoignage.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir pris cette initiative, à laquelle je serai particulièrement attentive. Pour tenter d’endiguer, autant que faire se peut, la propagation de cette bactérie, l’une des pistes consiste effectivement à unir les forces de tous les pays concernés, en particulier les pays méditerranéens.

En lien avec les recherches menées par l’INRA sur les végétaux, il faut poursuivre les études sur les insectes, qui sont vecteurs de la bactérie, notamment par l’intermédiaire de l’homme. Plutôt que de prendre des mesures toujours plus rigoureuses qui conduiraient à abattre des arbres, mieux vaut selon moi réfléchir à de meilleures stratégies de contrôle pour contenir la propagation de cette bactérie.

stratégie de bioéconomie pour la france

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 090, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, en 2007, la France s’est dotée d’une stratégie en matière de bioéconomie, avec la volonté affirmée de se positionner comme l’un des acteurs majeurs à l’échelon mondial dans ce domaine.

La « stratégie bioéconomie pour la France » et les nombreuses études sur le sujet font ressortir que le développement de filières locales de matériaux biosourcés est l’une des composantes essentielles de l’avenir des territoires et de notre pays.

Ces filières présentent également l’intérêt de pouvoir se mettre en place aux différentes échelles territoriales en s’appuyant sur des TPE et PME travaillant dans le cadre de démarches d’écologie industrielle et territoriale, voire de circuits courts. Par ailleurs, ces caractéristiques permettent aux collectivités locales d’agir directement sur les dynamiques de ces filières, au bénéfice de leur développement socio-économique.

Sénateur de l’Essonne, j’ai eu l’honneur d’accueillir, le 29 septembre dernier à Prunay-sur-Essonne, votre collègue M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, pour l’inauguration d’une récente unité de production de l’entreprise française Gatichanvre, emblématique de l’ensemble de la filière, depuis la culture du chanvre jusqu’à la production de matériaux isolants pour la construction.

Aujourd’hui, la réussite significative de ces filières se heurte toutefois à trois obstacles majeurs : d’abord, des cadres normatifs et réglementaires peu adaptés à leurs spécificités et à leurs dimensions ; ensuite, la grande difficulté à financer et à amortir les coûts de développement ; enfin, un manque de connaissances objectives et mesurées de leurs externalités et des leviers propres à assurer leur déploiement.

À l’instar de celui de certaines grandes filières – par exemple, celle des agrocarburants – qui ont bénéficié d’accompagnements importants, notamment par le biais de mesures fiscales, le développement significatif des filières locales biosourcées ne pourra se faire sans un soutien fort des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, quelles dispositions réglementaires, fiscales, financières d’accompagnement de l’innovation et de politiques d’achats publics le Gouvernement entend-il mettre en place afin de permettre un déploiement solide des filières locales de matériaux biosourcés, notamment dans le domaine de la construction, qui recouvre de nombreux enjeux locaux, nationaux et internationaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la « stratégie bioéconomie pour la France » et m’interrogez plus spécifiquement sur les dispositions prévues par le Gouvernement pour favoriser le déploiement des matériaux biosourcés, notamment dans la construction.

Je vous confirme que le développement de la bioéconomie est l’une des priorités de la stratégie gouvernementale. Un atelier y a d’ailleurs été consacré dans le cadre des états généraux de l’alimentation, que j’ai l’honneur de piloter, dont le premier chantier est axé sur la création et la répartition de la valeur. Les présidents de cet atelier soulignent dans leurs conclusions l’importance de la stratégie nationale bioéconomie et la nécessité de faire aboutir le plan d’action qui en découle.

Développer la filière biosourcée passe d’abord par une valorisation accrue de la biomasse, ce qui offre de nouveaux débouchés aux agriculteurs et aux forestiers, crée des emplois locaux de transformation de cette biomasse en matériaux et contribue à la transition vers une économie décarbonée.

La bioéconomie est aussi un vecteur important de complément de revenu pour nos agriculteurs et nos forestiers, donc de meilleure valorisation de la biomasse française.

Afin de favoriser la pénétration des matériaux biosourcés sur les marchés, plusieurs actions peuvent être mises en œuvre : prendre en compte le caractère biosourcé dans les marchés publics, communiquer auprès du grand public, sensibiliser le consommateur en créant par exemple un label ou un logo dédié qui lui permettrait de prendre en compte le caractère renouvelable des matières premières dont sont constitués les produits.

Ces innovations sont soutenues au travers d’appels à projets, notamment dans le cadre du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3. Le partenariat public-privé européen Bio-based Industries Consortium permet également de financer de tels projets. En outre, la négociation de la future politique agricole commune devra intégrer la bioéconomie.

Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné, la bioéconomie est un enjeu majeur : les ministères chargés de l’agriculture, de l’environnement, de l’économie et de la recherche et un grand nombre de partenaires, tant institutionnels que privés, ont déjà commencé à travailler sur ce sujet. Je veillerai à l’essor des filières de la bioéconomie, qui concilient performances économiques, environnementales et sociales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’y suis d’autant plus sensible que vous vous êtes exprimé devant votre collègue Jacques Mézard, ainsi que devant le premier instigateur de cette opération, M. Guy Capet, et le maire de Prunay-sur-Essonne, M. Patrick Pages, présents dans nos tribunes.

financement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 058, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Yannick Botrel. Ma question concerne les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui jouent un rôle très important dans l’économie agricole, a fortiori dans un contexte de hausse très marquée du prix du foncier que nous sommes déjà un certain nombre ici à avoir souligné.

Il s’agit là d’un enjeu fort de la gestion du foncier : la préservation de nos terres agricoles est un objectif majeur, qui mérite de faire l’objet d’un traitement approfondi.

Mesurant l’importance du rôle des SAFER, j’ai souhaité vous interpeller, monsieur le ministre, sur ce qui est, à mes yeux, un problème central. Il faut bien appréhender les difficultés qu’entraînent le mode de financement actuel des SAFER et les conséquences qui en découlent.

Il apparaît que le modèle de financement des SAFER est aujourd’hui inadapté. Ces dernières sont, de fait, limitées financièrement, ce qui nuit à l’accomplissement des missions de service public qui leur sont conférées par la loi, notamment assurer la transparence des marchés fonciers ruraux.

Leur financement est actuellement presque exclusivement issu – à hauteur de 95 % en 2016 – des seuls attributaires SAFER. À titre de comparaison, le modèle de financement des établissements publics fonciers est assis sur la contribution de l’ensemble du territoire de compétence de l’EPF.

Par ailleurs, le désengagement financier de l’État depuis 2006, qui va une nouvelle fois s’accroître en 2018, limite encore plus les capacités d’action des SAFER, au détriment de la qualité de l’accomplissement de leurs missions.

Monsieur le ministre, que comptez-vous proposer pour assurer l’avenir et le bon fonctionnement des SAFER ? Envisagez-vous de faire évoluer leur système de financement afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle ?

Il s’agit non de proposer un palliatif au problème posé, mais bien d’apporter une réponse de fond, c’est-à-dire d’assurer des moyens de financement suffisants et surtout pérennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous venez de le rappeler, les SAFER jouent un rôle absolument essentiel pour le développement de l’agriculture en France, le renouvellement des générations, la régulation et la maîtrise du marché foncier rural, le développement local et la préservation de l’environnement.

Le rôle des SAFER en qualité d’opérateurs fonciers a d’ailleurs été réaffirmé par la loi du 13 aout 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a notamment renforcé leurs modalités d’intervention – extension du droit de préemption des SAFER à l’usufruit et à la nue-propriété de biens ruraux et à l’intégralité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, à certaines donations faites au profit d’une personne extérieure à la famille du donataire.

Outre les rémunérations perçues sur les opérations qu’elles réalisent, les SAFER bénéficiaient d’une subvention publique.

Ce financement, dont la suppression a été décidée par le Gouvernement en 2016, a fait l’objet de diverses mesures compensatoires d’ordre financier et fiscal.

Par ailleurs, un financement est maintenu depuis 2017 pour les SAFER qui présentent des difficultés d’accès au marché foncier agricole, en l’occurrence les SAFER de Corse, de Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

À ce jour, il n’est pas envisagé de rétablir une logique de financement public des SAFER. En revanche, une réflexion globale sur l’ensemble des outils de régulation devrait intervenir en 2018. Comme vous le savez, une mission parlementaire sur le foncier est prévue et sera conduite par le député Potier. Ce sera également l’occasion de réfléchir au positionnement des SAFER, à leur statut actuel – je rappelle que ce sont des sociétés anonymes à but non lucratif – et à leur rôle primordial dans la nécessaire évolution de la gouvernance du foncier.

À toutes fins utiles, je rappelle que, en 2016, les SAFER ont acquis 10 500 biens représentant une surface totale de 93 800 hectares, soit une hausse de 12 % par rapport à 2015, pour une valeur globale de 1,27 milliard d’euros. Par ailleurs, 36 % des surfaces rétrocédées, soit 34 400 hectares, ont été consacrées à l’installation.

Nous sommes d’accord sur le fait que l’action des SAFER est essentielle pour l’aménagement de notre territoire et la compétitivité de notre agriculture.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Nos analyses convergent largement, si ce n’est totalement. J’ai bien entendu vos explications et je prends acte de la création annoncée d’une mission parlementaire sur cette question. Nous espérons tous qu’elle débouchera sur des propositions et que le Gouvernement s’emparera du sujet après que le Parlement l’aura examiné de près. Il faudra bien évidemment avancer pour permettre aux SAFER de continuer à jouer leur rôle, essentiel pour l’agriculture.

suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 091, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Mandelli. En France, la consommation des produits labellisés « bio » est de plus en plus forte. Elle a ainsi progressé de 21 % en 2016. Nous nous en réjouissons. On estime d’ailleurs qu’il sera nécessaire de consacrer 10 % de la surface agricole utile à ces productions en 2020 pour satisfaire la demande, contre 6,5 % actuellement. À cet égard, l’objectif que vous avez fixé d’atteindre 8 % de la surface agricole utile consacrée à l’agriculture bio s’inscrit clairement en deçà de cette perspective.

Au regard de cet engouement pour les produits issus de l’agriculture biologique, votre politique apparaît quelque peu contradictoire avec les attentes de nos concitoyens. En effet, en prenant la décision de supprimer l’aide au maintien pour les agriculteurs bio en 2018, le Gouvernement envoie un signal négatif à l’ensemble de la filière, même si les aides à la conversion progressent. Pour justifier votre choix, vous avez évoqué le nécessaire financement du bio par le marché. Je pourrais partager cette approche a priori si le marché était à maturité, mais tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Vous avez également annoncé un transfert de 4,2 % des montants du premier pilier de la politique agricole commune vers le second pilier, soit 650 millions d’euros. Ce transfert a pour effet de renvoyer aux régions le financement de l’aide au maintien pour les agriculteurs bio. Ce montant doit être réparti entre les aides à l’agriculture de montagne, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, les mesures agroenvironnementales, l’assurance récolte et l’agriculture biologique. Sur ce transfert, Régions de France estime nécessaire le fléchage de 180 millions d’euros vers le financement de l’aide au maintien des agriculteurs bio. Nous serons loin du compte, et les régions devront assumer une prise en charge complémentaire. À titre d’exemple, pour la région Pays de la Loire, cela représentera 675 000 euros. Le Gouvernement met ainsi les régions en difficulté et prend le risque de créer des déséquilibres territoriaux préjudiciables aux filières et aux producteurs.

Alors que nous prônons la mise en place d’une véritable économie circulaire, de circuits courts, de productions locales de qualité, de bio-économie, alors que nous fixons des objectifs ambitieux pour le bio, notamment en matière de restauration scolaire, alors que les importations de produits bio sont en forte hausse, votre message trouble tous les acteurs engagés. Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, depuis 2015, l’agriculture biologique française connaît une croissance historique. Le marché est estimé à plus de 7 milliards d’euros pour l’année 2016, en croissance de 20 % par rapport à 2015, et la progression se poursuit au cours du premier semestre de 2017.

Au 30 juin 2017, plus de 51 000 opérateurs étaient engagés dans la filière bio, dont plus de 35 000 exploitations et 16 000 transformateurs, distributeurs et importateurs. Les surfaces cultivées en agriculture biologique étaient estimées à 1,77 million d’hectares au 30 juin 2017, en hausse de 15 % par rapport à la fin de l’année 2016.

Pour accompagner cette transformation des modèles de production, l’État a pris l’engagement de réserver dans le Grand Plan d’investissement 5 milliards d’euros pour les filières agricoles. Bien sûr, cela concernera pour partie les filières biologiques, en fonction des objectifs qu’elles se seront fixés.

Concernant le soutien financier, l’État recentre effectivement ses moyens sur les aides à la conversion des producteurs qui s’engagent dans le mode de production biologique. En matière d’aide au maintien, il revient désormais aux régions, avec la connaissance fine qu’elles ont de la spécificité de leurs filières et de leur territoire, de décider si, et comment, elles souhaitent accompagner les exploitations déjà converties.

Monsieur le sénateur, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, j’ai demandé la conclusion dans les prochains mois de plans de filière fixant notamment des objectifs chiffrés à cinq ans pour les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, les produits SIQO, dont les produits biologiques.

Il s’agit de développer non pas un modèle unique, mais différents modèles, en phase avec les attentes des consommateurs, en France ou à l’export. Je souhaite que les acteurs du bio s’engagent dans les travaux qui sont conduits dans chaque filière.

Les crédits ont triplé pendant la période de programmation des fonds européens 2014-2020 par rapport à la période 2007-2013. Le soutien aux producteurs biologiques passe également par le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, qui sera prolongé et significativement augmenté.

Les producteurs biologiques bénéficient également de l’ensemble des aides accordées à l’agriculture au titre de la PAC. Enfin, et c’est essentiel, les prix payés aux producteurs sont tout à fait convenables dans les filières biologiques.

Prix payés aux producteurs, aides publiques, crédit d’impôt, perspectives de croissance : les filières biologiques sont très largement soutenues, et c’est bien normal pour des productions qui sont plébiscitées par nos concitoyens. Monsieur le sénateur, le développement du bio est l’une de nos priorités. À cet égard, je rappellerai ici les engagements du Président de la République : 50 % d’aliments bio ou SIQO dans la restauration collective, poursuite de l’aide au maintien, crédit d’impôt. Il s’agit là d’une politique très volontariste du Gouvernement, manifestant que la filière bio est aujourd'hui bien aidée sur le territoire national.