Sommaire

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

Secrétaires :

MM. Éric Bocquet, Guy-Dominique Kennel.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

statut de la sélection de football de la guyane

Question n° 043 de M. Antoine Karam. – Mme Laura Flessel, ministre des sports ; M. Antoine Karam.

lutte contre la propagation de la bactérie xylella fastidiosa

Question n° 046 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; Mme Dominique Estrosi Sassone.

stratégie de bioéconomie pour la france

Question n° 090 de M. Jean-Raymond Hugonet. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; M. Jean-Raymond Hugonet.

financement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

Question n° 058 de M. Yannick Botrel. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; M. Yannick Botrel.

suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio

Question n° 091 de M. Didier Mandelli. – M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation ; M. Didier Mandelli.

certification des armatures du béton

Question n° 077 de Mme Catherine Deroche. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Catherine Deroche.

préenseignes

Question n° 069 de M. Gilbert Bouchet. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Gilbert Bouchet.

état d'avancement du plan france très haut débit

Question n° 088 de M. Simon Sutour. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Simon Sutour.

suppression de l'accès au prêt à taux zéro pour les constructions nouvelles

Question n° 079 de M. Didier Marie. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Didier Marie.

suppression progressive du prêt à taux zéro pour 97 % du territoire

Question n° 075 de Mme Frédérique Espagnac. – M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

récupération de la taxe sur la valeur ajoutée et transport scolaire

Question n° 067 de Mme Nicole Bonnefoy. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; Mme Nicole Bonnefoy.

fermeture de services publics de proximité en seine-saint-denis

Question n° 085 de Mme Éliane Assassi. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; Mme Éliane Assassi.

seuils d'exportation des biens culturels

Question n° 082 de Mme Marie Mercier. – M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ; Mme Marie Mercier.

régime de la sécurité sociale étudiante

Question n° 041 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Anne-Catherine Loisier.

situation critique des hôpitaux du léman

Question n° 087 de M. Loïc Hervé. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Loïc Hervé.

manque de spécialistes en milieu rural

Question n° 051 de Mme Josiane Costes. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Josiane Costes.

déserts médicaux

Question n° 080 de M. Hervé Maurey. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; M. Hervé Maurey.

promotion des métiers du grand âge

Question n° 081 de Mme Vivette Lopez. – Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées ; Mme Vivette Lopez.

nécessité de faire évoluer la protection du loup

Question n° 070 de Mme Marie-Pierre Monier. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Marie-Pierre Monier.

élevage industriel et développement durable

Question n° 078 de Mme Sylvie Goy-Chavent. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Sylvie Goy-Chavent.

impact du projet europacity

Question n° 084 de M. Fabien Gay. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Fabien Gay.

qualité des infrastructures de transport dans l’aisne

Question n° 005 de M. Antoine Lefèvre. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Antoine Lefèvre.

grand contournement autoroutier de bordeaux

Question n° 076 de M. Philippe Madrelle. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Philippe Madrelle.

inquiétudes sur le calendrier et le tracé du grand paris express

Question n° 083 de Mme Laurence Cohen. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Laurence Cohen.

avenir de la ligne nouvelle paris-normandie

Question n° 089 de Mme Corinne Féret. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Corinne Féret.

transfert du site de l'école nationale supérieure maritime de saint-malo

Question n° 086 de Mme Sylvie Robert. – Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Sylvie Robert.

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Éric Bocquet, Yves Daudigny, Guy-Dominique Kennel.

4. Financement de la sécurité sociale pour 2018. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

Suspension et reprise de la séance

Explications de vote sur l'ensemble

M. Michel Amiel

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Yves Daudigny

M. Daniel Chasseing

M. Guillaume Arnell

M. Alain Milon

Ouverture du scrutin public solennel

Suspension et reprise de la séance

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

Adoption, par scrutin public n° 28, du projet de loi, modifié.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

5. Candidature à une délégation sénatoriale

6. Avenir de l’Institut français. – Débat organisé à la demande de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Débat interactif

Mme Christine Prunaud ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; Mme Christine Prunaud.

Mme Colette Mélot ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; Mme Colette Mélot.

Mme Françoise Laborde ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; Mme Françoise Laborde.

M. Richard Yung ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Sonia de la Provôté ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; Mme Sonia de la Provôté.

Mme Claudine Lepage ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Pierre Ouzoulias ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Olivier Cadic ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; M. Olivier Cadic.

M. Jean-Yves Leconte ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Noël Guérini ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mme Nicole Duranton ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; Mme Nicole Duranton.

M. Claude Haut ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jacques Le Nay ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; M. Jacques Le Nay.

Mme Hélène Conway-Mouret ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Ronan Le Gleut ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Ronan Le Gleut.

M. Didier Guillaume ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Vivette Lopez ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Jacky Deromedi ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Jacky Deromedi.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères

7. Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens. – Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques

Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques

Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

Débat interactif

M. Dany Wattebled ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Jean-Pierre Corbisez ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Philippe Pemezec ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Arnaud de Belenet ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

M. Fabien Gay ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Daniel Dubois ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Daniel Dubois.

M. Xavier Iacovelli ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

Mme Michèle Vullien ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Michèle Vullien.

M. Franck Montaugé ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Joël Labbé ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Joël Labbé.

M. Serge Babary ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Serge Babary.

M. Frédéric Marchand ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Pascal Savoldelli ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

Mme Valérie Létard ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

Mme Sophie Taillé-Polian ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Fabienne Keller ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; Mme Fabienne Keller.

M. Patrick Kanner ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Patrick Kanner.

M. Jean-François Husson ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires ; M. Jean-François Husson.

Mme Brigitte Micouleau ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Marc-Philippe Daubresse ; M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

8. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

compte rendu intégral

Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 17 novembre 2017 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

statut de la sélection de football de la guyane

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 043, adressée à Mme la ministre des sports.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, pour la première fois de son histoire, la sélection de football de la Guyane a participé, au mois de juillet dernier, à la Gold Cup, compétition internationale réunissant les meilleures formations de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes, la CONCACAF.

Vous le savez, cette sélection est gérée par la Ligue de football de la Guyane, laquelle est placée sous l’égide de la Fédération française de football. En sa qualité de membre de la CONCACAF, elle peut donc prendre part à la Gold Cup après accord express de la Fédération française de football.

Au cours de cette compétition, la Ligue de la Guyane a été sanctionnée pour avoir aligné un ex-international français. En effet, la commission de discipline a estimé que la Guyane, bien qu’elle soit une sélection régionale non affiliée à la Fédération internationale de football association, avait enfreint l’article 5 du règlement d’application des statuts de cette fédération, interdisant à un joueur qui a déjà participé à un match international avec une formation d’un pays membre de la FIFA de jouer avec la formation d’un autre membre.

Madame la ministre, au-delà de cette sanction juridiquement contestable, je souhaite appeler votre attention sur la confusion induite par le statut hybride réservé à la sélection de Guyane et, plus largement, à toutes les sélections régionales d’outre-mer désireuses de participer aux compétitions dans leur bassin géographique.

Pour rappel, la question s’était déjà posée en 2007 lors de cette même compétition. Un joueur guadeloupéen, Jocelyn Angloma, pourtant ex-international français, avait alors été autorisé à prendre part aux matchs de la sélection de la Guadeloupe.

Devant cette situation qui voit une autorisation devenir une interdiction d’une édition à l’autre, quelles actions le Gouvernement peut-il engager pour aider les sélections régionales d’outre-mer à participer à cette manifestation sportive internationale dans de meilleures conditions ? Êtes-vous prête à engager une large réflexion avec la FFF et les sélections régionales sur l’élaboration d’un statut adapté permettant de mieux sécuriser la participation de ces dernières aux compétitions internationales ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.

Mme Laura Flessel, ministre des sports. Monsieur le sénateur, j’entends vos préoccupations, que je connais pour avoir grandi et évolué dans le bassin caribéen. Permettez-moi de rappeler quelques éléments permettant d’éclairer la situation, mais surtout le statut de la ligue de football de Guyane et son rattachement comme membre de la CONCACAF.

Pour les départements et régions d’outre-mer, il convient de distinguer l’affiliation aux instances sportives internationales de zone de l’affiliation aux fédérations sportives internationales. L’affiliation des comités régionaux, départementaux ou clubs d’outre-mer à des instances sportives regroupant plusieurs pays d’une même zone géographique et organisant des compétitions entre ces territoires est prévue, sous certaines conditions, dans le code du sport.

Sur le plan sportif, cela présente l’avantage d’étoffer le calendrier de compétitions des sportifs concernés et de disposer d’une concurrence de qualité en limitant la contrainte de déplacement.

Toutefois, il me semble important de souligner que les fédérations sportives internationales ont vocation à fédérer les associations qui assurent le développement et l’organisation de la discipline concernée dans un pays. Pour un même pays, il ne peut y avoir deux associations affiliées à une fédération internationale. Une telle situation poserait en effet deux difficultés : d’une part, l’équipe de France pourrait être amenée à affronter une sélection régionale française dans une compétition mondiale ; d’autre part, les sélections nationales pourraient se voir privées de certains talents ultramarins qui préféreraient participer aux compétitions mondiales au sein de leur équipe régionale.

Au regard des dispositions du code du sport, les ligues de Martinique, de la Guadeloupe et de Guyane et le district de Saint-Martin ne peuvent adhérer directement à la FIFA. Pour faire évoluer le profil des joueurs sélectionnables au sein des équipes régionales, il conviendrait de modifier les statuts de la FIFA.

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous devez vous en douter, le combat ne fait que commencer pour nous ! (Mme la ministre acquiesce.) Contrairement au baron de Coubertin, l’essentiel pour moi est non de participer, mais de concourir. En effet, lorsque nous affrontons les grandes nations du football du bassin caribéen, c’est l’image de nos territoires qui est valorisée, tout comme celles de la France et de l’Europe.

lutte contre la propagation de la bactérie xylella fastidiosa

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 046, transmise à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la présence et la propagation de la bactérie xylella fastidiosa dans le département des Alpes-Maritimes, après son identification en Italie en 2013.

Alors que le précédent gouvernement avait mis en place des mesures pour restreindre son avancée sur le territoire français, plusieurs arbustes ont été de nouveau identifiés comme porteurs de la bactérie, notamment dans les communes d’Antibes et de Saint-Laurent-du-Var, au mois de juillet dernier.

Afin de lutter contre la propagation, une délimitation par zone dite infectée de cent mètres autour des végétaux contaminés est imposée et des arrachages sont pratiqués en cas de contamination avancée. Toutefois, les résultats n’ont pas été concluants : la bactérie s’est propagée et des zones « tampons » de dix kilomètres autour du foyer de la zone infectée sont même aujourd’hui délimitées.

Cette année, les arbustes atteints ont été détectés dans le cadre de la surveillance renforcée des zones infectées et, géographiquement, à l’intérieur même de ces zones tampons. Ainsi, depuis le mois de juillet 2015, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, on dénombre 3 802 prélèvements analysés, 228 espèces végétales sensibles à la bactérie et 67 arbustes contaminés.

Les pépiniéristes des Alpes-Maritimes sont inquiets. En effet, leur activité économique est particulièrement frappée, avec des effets indéniables sur l’emploi. Les activités agricoles sont également touchées, notamment la production d’huile d’olive, de vin ou de fruits. Toutes les essences d’arbres sont concernées, qu’il s’agisse de la production horticole ou des pépinières ornementales.

Les nouveaux cas détectés portent à vingt et un le nombre de foyers découverts en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont dix-sept dans le seul département des Alpes-Maritimes. Les protocoles européens d’endiguement et leur application dans nos territoires ne suffisent plus.

Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour renforcer la lutte contre cette bactérie classée comme l’une « l’une des plus dangereuses au monde pour les plantes » par les autorités européennes et tristement surnommée l’« ebola de l’olivier » en Italie, eu égard aux ravages qu’elle provoque sur les végétaux ? Quelles mesures innovantes envisagez-vous, alors même que cette bactérie est placée sous surveillance par l’INRA depuis 2012 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Madame la sénatrice, la bactérie xylella fastidiosa s’attaque à plus de 200 espèces végétales et touche directement les agriculteurs, les pépiniéristes, les jardiniers amateurs, les espaces verts et naturels. Elle peut causer des dépérissements très importants. C’est notamment le cas dans votre département.

Malheureusement, il n’existe pas de moyen curatif aujourd’hui. Les mesures à prendre en cas d’apparition de foyer sont définies dans le règlement européen. Les services de l’État notifient la destruction des végétaux sensibles dans la limite de cent mètres autour du végétal contaminé et organisent une surveillance intensive dans un rayon de dix kilomètres. Par ailleurs, les mouvements de végétaux susceptibles d’avoir été contaminés par cette bactérie, dits « végétaux spécifiés », sont strictement encadrés pour éviter la dispersion dans des zones réputées indemnes.

En France, un certain nombre de foyers ont été identifiés au mois de juillet 2015 en Corse et en région PACA. Ainsi, trente-trois foyers ont été définis dans des zones urbanisées proches du littoral. Depuis le mois de janvier 2015, 5 411 prélèvements sur plus de 250 espèces végétales différentes ont été analysés. Ces analyses ont mis en évidence 103 cas positifs à la bactérie xylella fastidiosa. Ces résultats sont le fruit de l’intensification de la surveillance et ne sont pas le signe d’une diffusion récente de la bactériose.

La révision du cadre réglementaire européen est engagée, en vue de prendre en compte l’expérience acquise et la grande diversité de situations sur le territoire. Ainsi, une modification de la décision d’exécution européenne relative aux mesures de lutte a été votée jeudi 19 octobre par le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Elle entrera en application dès la publication de la nouvelle décision.

Par ailleurs, afin de définir la future stratégie européenne en matière de prévention et de lutte contre la bactérie xylella fastidiosa, j’ai invité, conjointement avec le commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, M. Andriukaitis, mes homologues des pays européens contaminés et du sud de l’Europe à participer à une réunion au début du mois de décembre prochain. La mobilisation de tous – services de l’État, professionnels, collectivités, jardiniers amateurs… – est essentielle pour garantir la qualité sanitaire des végétaux en circulation sur notre territoire. Madame la sénatrice, je vous invite à participer à cette réunion, afin que vous puissiez apporter votre témoignage.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir pris cette initiative, à laquelle je serai particulièrement attentive. Pour tenter d’endiguer, autant que faire se peut, la propagation de cette bactérie, l’une des pistes consiste effectivement à unir les forces de tous les pays concernés, en particulier les pays méditerranéens.

En lien avec les recherches menées par l’INRA sur les végétaux, il faut poursuivre les études sur les insectes, qui sont vecteurs de la bactérie, notamment par l’intermédiaire de l’homme. Plutôt que de prendre des mesures toujours plus rigoureuses qui conduiraient à abattre des arbres, mieux vaut selon moi réfléchir à de meilleures stratégies de contrôle pour contenir la propagation de cette bactérie.

stratégie de bioéconomie pour la france

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, auteur de la question n° 090, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, en 2007, la France s’est dotée d’une stratégie en matière de bioéconomie, avec la volonté affirmée de se positionner comme l’un des acteurs majeurs à l’échelon mondial dans ce domaine.

La « stratégie bioéconomie pour la France » et les nombreuses études sur le sujet font ressortir que le développement de filières locales de matériaux biosourcés est l’une des composantes essentielles de l’avenir des territoires et de notre pays.

Ces filières présentent également l’intérêt de pouvoir se mettre en place aux différentes échelles territoriales en s’appuyant sur des TPE et PME travaillant dans le cadre de démarches d’écologie industrielle et territoriale, voire de circuits courts. Par ailleurs, ces caractéristiques permettent aux collectivités locales d’agir directement sur les dynamiques de ces filières, au bénéfice de leur développement socio-économique.

Sénateur de l’Essonne, j’ai eu l’honneur d’accueillir, le 29 septembre dernier à Prunay-sur-Essonne, votre collègue M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, pour l’inauguration d’une récente unité de production de l’entreprise française Gatichanvre, emblématique de l’ensemble de la filière, depuis la culture du chanvre jusqu’à la production de matériaux isolants pour la construction.

Aujourd’hui, la réussite significative de ces filières se heurte toutefois à trois obstacles majeurs : d’abord, des cadres normatifs et réglementaires peu adaptés à leurs spécificités et à leurs dimensions ; ensuite, la grande difficulté à financer et à amortir les coûts de développement ; enfin, un manque de connaissances objectives et mesurées de leurs externalités et des leviers propres à assurer leur déploiement.

À l’instar de celui de certaines grandes filières – par exemple, celle des agrocarburants – qui ont bénéficié d’accompagnements importants, notamment par le biais de mesures fiscales, le développement significatif des filières locales biosourcées ne pourra se faire sans un soutien fort des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, quelles dispositions réglementaires, fiscales, financières d’accompagnement de l’innovation et de politiques d’achats publics le Gouvernement entend-il mettre en place afin de permettre un déploiement solide des filières locales de matériaux biosourcés, notamment dans le domaine de la construction, qui recouvre de nombreux enjeux locaux, nationaux et internationaux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la « stratégie bioéconomie pour la France » et m’interrogez plus spécifiquement sur les dispositions prévues par le Gouvernement pour favoriser le déploiement des matériaux biosourcés, notamment dans la construction.

Je vous confirme que le développement de la bioéconomie est l’une des priorités de la stratégie gouvernementale. Un atelier y a d’ailleurs été consacré dans le cadre des états généraux de l’alimentation, que j’ai l’honneur de piloter, dont le premier chantier est axé sur la création et la répartition de la valeur. Les présidents de cet atelier soulignent dans leurs conclusions l’importance de la stratégie nationale bioéconomie et la nécessité de faire aboutir le plan d’action qui en découle.

Développer la filière biosourcée passe d’abord par une valorisation accrue de la biomasse, ce qui offre de nouveaux débouchés aux agriculteurs et aux forestiers, crée des emplois locaux de transformation de cette biomasse en matériaux et contribue à la transition vers une économie décarbonée.

La bioéconomie est aussi un vecteur important de complément de revenu pour nos agriculteurs et nos forestiers, donc de meilleure valorisation de la biomasse française.

Afin de favoriser la pénétration des matériaux biosourcés sur les marchés, plusieurs actions peuvent être mises en œuvre : prendre en compte le caractère biosourcé dans les marchés publics, communiquer auprès du grand public, sensibiliser le consommateur en créant par exemple un label ou un logo dédié qui lui permettrait de prendre en compte le caractère renouvelable des matières premières dont sont constitués les produits.

Ces innovations sont soutenues au travers d’appels à projets, notamment dans le cadre du troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3. Le partenariat public-privé européen Bio-based Industries Consortium permet également de financer de tels projets. En outre, la négociation de la future politique agricole commune devra intégrer la bioéconomie.

Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné, la bioéconomie est un enjeu majeur : les ministères chargés de l’agriculture, de l’environnement, de l’économie et de la recherche et un grand nombre de partenaires, tant institutionnels que privés, ont déjà commencé à travailler sur ce sujet. Je veillerai à l’essor des filières de la bioéconomie, qui concilient performances économiques, environnementales et sociales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’y suis d’autant plus sensible que vous vous êtes exprimé devant votre collègue Jacques Mézard, ainsi que devant le premier instigateur de cette opération, M. Guy Capet, et le maire de Prunay-sur-Essonne, M. Patrick Pages, présents dans nos tribunes.

financement des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 058, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Yannick Botrel. Ma question concerne les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui jouent un rôle très important dans l’économie agricole, a fortiori dans un contexte de hausse très marquée du prix du foncier que nous sommes déjà un certain nombre ici à avoir souligné.

Il s’agit là d’un enjeu fort de la gestion du foncier : la préservation de nos terres agricoles est un objectif majeur, qui mérite de faire l’objet d’un traitement approfondi.

Mesurant l’importance du rôle des SAFER, j’ai souhaité vous interpeller, monsieur le ministre, sur ce qui est, à mes yeux, un problème central. Il faut bien appréhender les difficultés qu’entraînent le mode de financement actuel des SAFER et les conséquences qui en découlent.

Il apparaît que le modèle de financement des SAFER est aujourd’hui inadapté. Ces dernières sont, de fait, limitées financièrement, ce qui nuit à l’accomplissement des missions de service public qui leur sont conférées par la loi, notamment assurer la transparence des marchés fonciers ruraux.

Leur financement est actuellement presque exclusivement issu – à hauteur de 95 % en 2016 – des seuls attributaires SAFER. À titre de comparaison, le modèle de financement des établissements publics fonciers est assis sur la contribution de l’ensemble du territoire de compétence de l’EPF.

Par ailleurs, le désengagement financier de l’État depuis 2006, qui va une nouvelle fois s’accroître en 2018, limite encore plus les capacités d’action des SAFER, au détriment de la qualité de l’accomplissement de leurs missions.

Monsieur le ministre, que comptez-vous proposer pour assurer l’avenir et le bon fonctionnement des SAFER ? Envisagez-vous de faire évoluer leur système de financement afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle ?

Il s’agit non de proposer un palliatif au problème posé, mais bien d’apporter une réponse de fond, c’est-à-dire d’assurer des moyens de financement suffisants et surtout pérennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous venez de le rappeler, les SAFER jouent un rôle absolument essentiel pour le développement de l’agriculture en France, le renouvellement des générations, la régulation et la maîtrise du marché foncier rural, le développement local et la préservation de l’environnement.

Le rôle des SAFER en qualité d’opérateurs fonciers a d’ailleurs été réaffirmé par la loi du 13 aout 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui a notamment renforcé leurs modalités d’intervention – extension du droit de préemption des SAFER à l’usufruit et à la nue-propriété de biens ruraux et à l’intégralité des parts ou actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, à certaines donations faites au profit d’une personne extérieure à la famille du donataire.

Outre les rémunérations perçues sur les opérations qu’elles réalisent, les SAFER bénéficiaient d’une subvention publique.

Ce financement, dont la suppression a été décidée par le Gouvernement en 2016, a fait l’objet de diverses mesures compensatoires d’ordre financier et fiscal.

Par ailleurs, un financement est maintenu depuis 2017 pour les SAFER qui présentent des difficultés d’accès au marché foncier agricole, en l’occurrence les SAFER de Corse, de Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

À ce jour, il n’est pas envisagé de rétablir une logique de financement public des SAFER. En revanche, une réflexion globale sur l’ensemble des outils de régulation devrait intervenir en 2018. Comme vous le savez, une mission parlementaire sur le foncier est prévue et sera conduite par le député Potier. Ce sera également l’occasion de réfléchir au positionnement des SAFER, à leur statut actuel – je rappelle que ce sont des sociétés anonymes à but non lucratif – et à leur rôle primordial dans la nécessaire évolution de la gouvernance du foncier.

À toutes fins utiles, je rappelle que, en 2016, les SAFER ont acquis 10 500 biens représentant une surface totale de 93 800 hectares, soit une hausse de 12 % par rapport à 2015, pour une valeur globale de 1,27 milliard d’euros. Par ailleurs, 36 % des surfaces rétrocédées, soit 34 400 hectares, ont été consacrées à l’installation.

Nous sommes d’accord sur le fait que l’action des SAFER est essentielle pour l’aménagement de notre territoire et la compétitivité de notre agriculture.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Nos analyses convergent largement, si ce n’est totalement. J’ai bien entendu vos explications et je prends acte de la création annoncée d’une mission parlementaire sur cette question. Nous espérons tous qu’elle débouchera sur des propositions et que le Gouvernement s’emparera du sujet après que le Parlement l’aura examiné de près. Il faudra bien évidemment avancer pour permettre aux SAFER de continuer à jouer leur rôle, essentiel pour l’agriculture.

suppression des aides au maintien pour les agriculteurs bio

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 091, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Mandelli. En France, la consommation des produits labellisés « bio » est de plus en plus forte. Elle a ainsi progressé de 21 % en 2016. Nous nous en réjouissons. On estime d’ailleurs qu’il sera nécessaire de consacrer 10 % de la surface agricole utile à ces productions en 2020 pour satisfaire la demande, contre 6,5 % actuellement. À cet égard, l’objectif que vous avez fixé d’atteindre 8 % de la surface agricole utile consacrée à l’agriculture bio s’inscrit clairement en deçà de cette perspective.

Au regard de cet engouement pour les produits issus de l’agriculture biologique, votre politique apparaît quelque peu contradictoire avec les attentes de nos concitoyens. En effet, en prenant la décision de supprimer l’aide au maintien pour les agriculteurs bio en 2018, le Gouvernement envoie un signal négatif à l’ensemble de la filière, même si les aides à la conversion progressent. Pour justifier votre choix, vous avez évoqué le nécessaire financement du bio par le marché. Je pourrais partager cette approche a priori si le marché était à maturité, mais tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Vous avez également annoncé un transfert de 4,2 % des montants du premier pilier de la politique agricole commune vers le second pilier, soit 650 millions d’euros. Ce transfert a pour effet de renvoyer aux régions le financement de l’aide au maintien pour les agriculteurs bio. Ce montant doit être réparti entre les aides à l’agriculture de montagne, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, les mesures agroenvironnementales, l’assurance récolte et l’agriculture biologique. Sur ce transfert, Régions de France estime nécessaire le fléchage de 180 millions d’euros vers le financement de l’aide au maintien des agriculteurs bio. Nous serons loin du compte, et les régions devront assumer une prise en charge complémentaire. À titre d’exemple, pour la région Pays de la Loire, cela représentera 675 000 euros. Le Gouvernement met ainsi les régions en difficulté et prend le risque de créer des déséquilibres territoriaux préjudiciables aux filières et aux producteurs.

Alors que nous prônons la mise en place d’une véritable économie circulaire, de circuits courts, de productions locales de qualité, de bio-économie, alors que nous fixons des objectifs ambitieux pour le bio, notamment en matière de restauration scolaire, alors que les importations de produits bio sont en forte hausse, votre message trouble tous les acteurs engagés. Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, depuis 2015, l’agriculture biologique française connaît une croissance historique. Le marché est estimé à plus de 7 milliards d’euros pour l’année 2016, en croissance de 20 % par rapport à 2015, et la progression se poursuit au cours du premier semestre de 2017.

Au 30 juin 2017, plus de 51 000 opérateurs étaient engagés dans la filière bio, dont plus de 35 000 exploitations et 16 000 transformateurs, distributeurs et importateurs. Les surfaces cultivées en agriculture biologique étaient estimées à 1,77 million d’hectares au 30 juin 2017, en hausse de 15 % par rapport à la fin de l’année 2016.

Pour accompagner cette transformation des modèles de production, l’État a pris l’engagement de réserver dans le Grand Plan d’investissement 5 milliards d’euros pour les filières agricoles. Bien sûr, cela concernera pour partie les filières biologiques, en fonction des objectifs qu’elles se seront fixés.

Concernant le soutien financier, l’État recentre effectivement ses moyens sur les aides à la conversion des producteurs qui s’engagent dans le mode de production biologique. En matière d’aide au maintien, il revient désormais aux régions, avec la connaissance fine qu’elles ont de la spécificité de leurs filières et de leur territoire, de décider si, et comment, elles souhaitent accompagner les exploitations déjà converties.

Monsieur le sénateur, dans le cadre des États généraux de l’alimentation, j’ai demandé la conclusion dans les prochains mois de plans de filière fixant notamment des objectifs chiffrés à cinq ans pour les produits sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, les produits SIQO, dont les produits biologiques.

Il s’agit de développer non pas un modèle unique, mais différents modèles, en phase avec les attentes des consommateurs, en France ou à l’export. Je souhaite que les acteurs du bio s’engagent dans les travaux qui sont conduits dans chaque filière.

Les crédits ont triplé pendant la période de programmation des fonds européens 2014-2020 par rapport à la période 2007-2013. Le soutien aux producteurs biologiques passe également par le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, qui sera prolongé et significativement augmenté.

Les producteurs biologiques bénéficient également de l’ensemble des aides accordées à l’agriculture au titre de la PAC. Enfin, et c’est essentiel, les prix payés aux producteurs sont tout à fait convenables dans les filières biologiques.

Prix payés aux producteurs, aides publiques, crédit d’impôt, perspectives de croissance : les filières biologiques sont très largement soutenues, et c’est bien normal pour des productions qui sont plébiscitées par nos concitoyens. Monsieur le sénateur, le développement du bio est l’une de nos priorités. À cet égard, je rappellerai ici les engagements du Président de la République : 50 % d’aliments bio ou SIQO dans la restauration collective, poursuite de l’aide au maintien, crédit d’impôt. Il s’agit là d’une politique très volontariste du Gouvernement, manifestant que la filière bio est aujourd'hui bien aidée sur le territoire national.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.

M. Didier Mandelli. Monsieur le ministre, nous sommes d’accord sur les objectifs, en particulier celui, louable au regard de la santé de nos enfants et de notre économie, d’atteindre 50 % de produits bio dans la restauration scolaire. Nous n’y parviendrons que si l’ensemble des mesures que vous avez citées, et qui ont été évoquées lors des États généraux de l’alimentation et dans le cadre de l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire, sont mises en œuvre. J’attire simplement votre attention sur le fait qu’un certain nombre de régions pourraient ne pas être en mesure de préserver le montant de l’enveloppe consacrée à l’aide au maintien des agriculteurs bio.

certification des armatures du béton

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 077, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires.

Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur un enjeu de sécurité majeur dans le secteur de la construction : la certification des armatures du béton.

Le béton armé est aujourd’hui le matériau de construction le plus utilisé en France. L’incorporation d’armatures est indispensable pour renforcer la solidité du béton et garantir la sécurité des ouvrages. Or la survenue de malfaçons dans la fabrication ou la pose de ces armatures, par exemple un acier « brûlé » au soudage ou une pose incorrecte, peut gravement mettre en péril la solidité structurelle d’un ouvrage. Une série d’accidents récents, survenus notamment dans mon département, rappelle l’urgence de renforcer le contrôle de la qualité de la fabrication et de la pose de ces armatures.

La France est semble-t-il en retard sur ce plan, alors que d’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’Espagne ou la Belgique, ont déjà introduit une certification obligatoire pour les entreprises fabriquant ou mettant en œuvre ces armatures. Les professionnels de la construction ne comprennent pas le retard pris dans la réglementation française et s’en inquiètent. La sécurité des bâtiments doit être une priorité si l’on souhaite éviter de nouveaux drames humains.

Une certification par l’Association française de normalisation, l’AFNOR, attestant de la qualité des armatures et de leur mise en œuvre existe déjà. Elle permet d’attester que le niveau de qualité des produits certifiés satisfait aux besoins de l’ensemble des acteurs de la filière. À l’heure où d’importants nouveaux chantiers sont lancés sur l’ensemble du territoire national, le sujet devient d’importance, du fait que certaines entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics ne disposent pas toujours de toute l’expertise nécessaire. Seules 50 % des entreprises du secteur sont aujourd’hui titulaires de cette certification. À ce stade, le seul moyen d’assurer la sécurité des ouvrages serait de rendre obligatoire la certification des armatures du béton et de leur mise en œuvre. Je souhaiterais donc connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je comprends que l’accident du 15 octobre 2016 survenu dans votre département, à Angers, vous ait marquée, comme nombre de nos concitoyens.

La sécurité des personnes est une priorité pour tous les gouvernements. Dans le cadre de la stratégie pour le logement que nous avons définie, si nous avons fixé l’objectif de faire une pause normative, j’ai bien indiqué que la réduction de l’inflation normative ne concernerait pas la sécurité. En effet, qu’il s’agisse des accidents que vous avez évoqués ou des risques d’incendie – nous avons tous en mémoire l’incendie d’une tour d’habitation à Londres –, il est essentiel que l’administration puisse continuer à exercer sa vigilance.

Nous essayons bien sûr de trouver la meilleure méthode pour réduire les risques. En France, nous disposons d’un système de normes piloté par l’AFNOR en concertation avec les professionnels et du système de l’assurance construction, qui pousse les entreprises à se montrer particulièrement sourcilleuses sur les questions de sécurité.

Plusieurs normes s’appliquent aujourd'hui aux constructions en béton et aux armatures pour assurer solidité et sécurité de l’ouvrage. Elles portent à la fois sur les règles de conception et de mise en œuvre des ouvrages en béton, ainsi que sur la qualité des armatures utilisées – c’est la norme produit. Ces normes sont connues des professionnels. Vous l’avez rappelé, trois accidents ont eu lieu en dix ans. Je ne dispose pas des éléments permettant d’établir si les entreprises en cause étaient certifiées ou non. Les constructions importantes sont en général réalisées par de grandes entreprises, qui sont certifiées.

Afin de mieux comprendre les causes des drames que vous avez évoqués, l’Agence Qualité Construction est chargée de dresser un état des lieux des risques liés aux balcons. Les résultats de l’étude permettront éventuellement de faire évoluer les règles de mise en œuvre et de sensibiliser davantage les professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

Nous partageons la volonté de ne pas alourdir les normes, mais les questions de sécurité sont si importantes que nous devrons peut-être finir par instaurer une obligation de certification, comme dans certains autres pays, même si nous savons bien que, en pratique, les normes ou les certifications ne suffisent pas toujours à empêcher les accidents.

préenseignes

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet, auteur de la question n° 069, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Gilbert Bouchet. Je souhaiterais appeler l’attention sur l’application trop stricte de la réglementation concernant les préenseignes au bord des voies de circulation, dont l’installation est limitée par l’arrêté du 23 mars 2015 fixant certaines prescriptions d’harmonisation des préenseignes dérogatoires.

La mise en œuvre de ce dispositif pose quelques difficultés, car la dérogation n’est accordée que dans des conditions restreintes, à savoir uniquement pour la vente de produits du terroir, les activités culturelles, les monuments historiques classés ouverts à la visite et les opérations et manifestations exceptionnelles, à titre temporaire.

Or cette restriction de l’autorisation des préenseignes hors agglomération a des effets directs sur l’activité de petites entreprises, comme les restaurants et les hôtels, en particulier dans les territoires ruraux. Elle prive des professionnels d’une signalétique directionnelle indispensable au maintien de leur activité, la seule clientèle locale n’étant pas suffisante. Le chiffre d’affaires dépend en partie de la clientèle détournée des grands axes de circulation grâce à la préenseigne installée avant la bifurcation permettant d’accéder à l’établissement.

De fait, dans mon département, l’activité touristique liée à une clientèle de passage représente une source de revenus non négligeable. Pour certains professionnels, elle est l’une des conditions de la survie de leur entreprise. La suppression de ces panneaux à l’entrée de ville est préjudiciable à ces petites entreprises locales, qui jouent un rôle essentiel pour le tissu social et économique du territoire. Pour beaucoup de professionnels, cette forme de communication est la seule qui leur soit accessible.

La solution de rechange qui est actuellement proposée, consistant en un fléchage, n’est pas satisfaisante, car ce dernier est invisible des automobilistes. Or les sanctions pour non-conformité à la législation en vigueur se traduisent par l’obligation de retirer la préenseigne. Aussi ces entrepreneurs souhaiteraient-ils trouver, avec les services de l’État, une solution mieux adaptée à leur situation, afin que leur disparition de nos territoires ne se trouve pas précipitée.

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : peut-on alléger cette réglementation, qui constitue une nouvelle menace pour l’emploi ? Il y va de la survie de l’activité économique dans nos territoires, surtout dans les territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, la Drôme est un très beau département,…

M. Jacques Mézard, ministre. … qui compte de nombreux restaurateurs et producteurs locaux.

La disposition que vous évoquez figure dans la loi du 12 juillet 2010, dont le dernier décret d’application date du 9 juillet 2013. Elle est donc l’œuvre des deux gouvernements précédents. Vous posez en fait la question de son application sur le terrain.

Contrairement à nombre de ses voisins, notre pays connaît une prolifération d’enseignes. Nos entrées de ville ne sont pas, malheureusement, un merveilleux exemple de protection du patrimoine et de l’environnement. Il nous faut trouver un équilibre et faire preuve de bon sens dans les discussions à l’échelon local.

Cette prolifération a des conséquences tout à fait négatives. Je rappelle que, pour signaler les activités des entreprises locales, le système de signalisation d’information locale peut, et devrait, être utilisé en substitution aux préenseignes devenues illégales. Cette signalisation doit obligatoirement faire l’objet d’un schéma départemental ou communal, afin de bien l’intégrer à la signalisation directionnelle classique. Elle ne doit en aucun cas induire un manque de visibilité ou de lisibilité de la signalisation routière. Par ailleurs, la signalisation des producteurs et des entreprises a connu une nette évolution avec l’utilisation d’internet.

Pour ma part, monsieur le sénateur, je demande à l’administration déconcentrée de l’État de juger sur le terrain au cas par cas, en fonction des besoins. Nous donnons instruction d’appliquer la loi, certes, mais de le faire avec bon sens. C’est la meilleure solution, me semble-t-il, pour régler le problème que vous évoquez.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Bouchet.

M. Gilbert Bouchet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez évoqué les restaurants de la Drôme, fort connus. Dans l’arrière-pays, il n’y avait parfois que les préenseignes pour les signaler. Elles ont maintenant disparu, alors qu’on en rencontre toujours quelques kilomètres plus loin, en Ardèche et dans le Vaucluse, les préfets de ces départements ne les ayant pas interdites. J’ai bien noté, monsieur le ministre, que le préfet dispose d’une certaine marge d’appréciation dans l’application de la loi et que des adaptations sont possibles lorsqu’elles se justifient.

état d'avancement du plan france très haut débit

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 088, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.

M. Simon Sutour. Ma question porte sur la fracture numérique, et plus particulièrement sur l’état d’avancement du plan France très haut débit et les modalités de sa mise en œuvre.

S’il y a bien un point commun à toutes les communes rurales, mais aussi périurbaines, de notre pays, c’est l’absence d’accès aux technologies numériques, qu’il s’agisse de la téléphonie mobile – de très nombreuses communes sont encore en zone blanche ou grise – ou – c’est encore plus problématique – de l’internet à haut et très haut débit.

En effet, près de huit ans après son lancement, le plan France très haut débit, qui avait pour objectif ambitieux de permettre un égal accès de tous les Français à une connexion internet à haut débit, n’a pas permis pour l’instant de réduire la fracture numérique. Au rythme actuel, selon une étude publiée le 26 septembre dernier par l’UFC-Que choisir, le pays sera entièrement « fibré » en 2035, ce qui est bien évidemment très inquiétant !

Seulement 47 % de la population bénéficiait d’un accès au très haut débit en 2017, quand 11 % de la population reste inéligible à un internet de qualité, d’un débit supérieur à 3 mégabits par seconde.

Pourtant, le Gouvernement s’est engagé, au travers d’une réponse à nos collègues députés, à ce que tous les Français disposent d’une connexion d’un débit au moins égal à 8 mégabits par seconde en 2020, à ce qu’ils aient accès au très haut débit dès 2022 et à ce que l’ensemble du territoire soit couvert par la fibre en 2025. Cependant, il n’a pas expliqué comment il comptait procéder : sans doute allez-vous nous le dire, monsieur le ministre.

Du côté des opérateurs internet, c’est le flou le plus total. Seul Orange tient plus ou moins ses engagements, alors que SFR annonce au contraire 100 % de couverture en 2025, sans aucune concertation, et que Bouygues et Free sont très en retrait en termes d’investissements.

Il s’agit d’une question majeure pour le développement harmonieux du territoire. Des moyens financiers sont bien évidemment nécessaires pour assurer un haut niveau de services publics dans le milieu rural et fixer les populations, mais l’accès aux technologies numériques est désormais crucial, d’autant que l’accès d’un plus grand nombre de personnes au haut débit encourage de facto les entreprises et les administrations à développer les services numériques, comme la télémédecine.

Par exemple, pour que 100 % de la population gardoise puisse bénéficier d’une couverture à haut débit, il faut investir 400 millions d’euros, l’État prenant à sa charge, d’après les calculs du conseil départemental, 50 millions d’euros dans le meilleur des cas. Les collectivités, compte tenu de leur situation financière déjà difficile, auront du mal, sur une si courte période, à atteindre cet objectif, d’autant que, pour l’instant, les opérateurs ne tiennent pas leurs engagements et qu’il est difficile de les contraindre.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser quelles sont vos intentions en vue d’atteindre vos objectifs en termes de couverture haut débit de l’ensemble de notre territoire dans le cadre du plan France très haut débit ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez compris que le numérique est une grande priorité du Gouvernement, compte tenu de la situation que nous avons trouvée : la France est en retard dans ce domaine par rapport à ses voisins européens.

J’ai réuni les opérateurs au ministère à plusieurs reprises, avec les trois secrétaires d’État qui suivent ce dossier, pour leur signifier la volonté du Gouvernement d’assurer à tous les Français un débit de 8 mégabits par seconde en 2020, puis de 30 mégabits par seconde en 2022. Nous leur avons demandé de nous faire des propositions, lesquelles sont en cours de discussion. Nous avons mandaté l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, qui doit nous remettre les résultats de ses concertations avec les opérateurs pour le 30 novembre prochain. Le Parlement en sera bien sûr immédiatement informé, comme je l’ai indiqué la semaine dernière lors de mon audition par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

Très clairement, nous avons demandé aux opérateurs de prendre des engagements contraignants. Nous avons obtenu une réponse plutôt positive du premier d’entre eux, Orange. Quant à SFR, vous aurez noté que, depuis que cet opérateur a déclaré vouloir couvrir l’ensemble du territoire en fibre optique sans contribution publique, il a connu de profondes modifications de sa gouvernance…

L’urgence est aujourd’hui de caler cette négociation avec les opérateurs, confiée pour partie à l’ARCEP, pour partie à l’Agence du numérique. Ce sera fait d’ici à la fin de l’année. En fonction du résultat de ces discussions, l’État prendra des dispositions. En effet, il a les moyens de peser sur les opérateurs, ne serait-ce que via l’attribution des fréquences.

Monsieur le sénateur, je sais qu’un projet est en cours de concertation avec l’État dans votre département. Nous y sommes attentifs, bien sûr, comme à tous les autres.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, qui témoigne d’une volonté politique forte du Gouvernement d’agir en la matière. Quant aux opérateurs, peut-être faudrait-il les bousculer un peu afin qu’ils prennent toute leur part dans l’ouverture de l’accès au numérique et au haut débit sur l’ensemble de nos territoires.

Je ferai part de votre réponse au président du conseil départemental du Gard, dont le projet est de qualité et bien ficelé. Son coût s’élève à 400 millions d’euros, dont 50 millions d’euros seront pris en charge par l’État, comme je l’ai indiqué. La région bien entendu doit participer, mais il faut aussi que les opérateurs mettent la main à la poche. Je vous fais confiance pour agir dans ce sens, monsieur le ministre. J’attends avec impatience le 30 novembre prochain !

suppression de l'accès au prêt à taux zéro pour les constructions nouvelles

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 079, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Didier Marie. Ma question porte sur la suppression initialement prévue dans le projet de loi de finances pour 2018 du prêt à taux zéro pour l’acquisition de logements neufs en zones rurales et périurbaines. L’annonce de cette mesure a profondément heurté un certain nombre de maires qui ont lancé des opérations avec des promoteurs immobiliers pour accueillir de nouvelles populations dans leur commune.

Ils considèrent que leurs territoires, le plus souvent situés à la frange des métropoles et des grandes agglomérations, se trouvent une fois de plus exclus. Cette mesure s’ajoute en effet à la suppression de l’APL « accession », au recentrage du dispositif Pinel sur les seules zones tendues. Ils estiment que ces mesures, dans leur ensemble, contribuent à creuser l’écart entre des métropoles actives et attractives et des villes moyennes, des bourgs-centres, des communes rurales qui se sentent oubliés alors qu’ils représentent près de 90 % du territoire français.

Les ambitions affirmées en faveur des métropoles ne peuvent avoir pour conséquence de pénaliser l’immense majorité du pays. Afin de préserver un certain équilibre de notre territoire, il est donc primordial que les communes rurales puissent se développer et accueillir de nouvelles populations. Elles jouent un rôle majeur dans l’installation des jeunes, l’accompagnement du maintien à domicile des personnes âgées, le développement économique du territoire et la préservation du monde agricole.

Dans cette perspective, la rénovation de l’habitat existant et la construction de manière responsable de nouveaux logements sont indispensables. S’il est admis que seule une fiscalité attractive pour les ventes de terrains incite à la construction, pourquoi réserver le bénéfice de ces mesures aux seules métropoles ?

Certes, les travaux de l’Assemblée nationale ont permis de retarder cette suppression de deux années et de prévoir la réalisation d’un rapport d’évaluation des zones géographiques éligibles au PTZ devant permettre d’améliorer la pertinence des critères retenus. Toutefois, ces mesures ne seront pas suffisantes pour parvenir à un véritable équilibre territorial entre l’urbain et le rural. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, soutenir les communes rurales et les villes moyennes qui souhaitent développer leur offre de logements ? Envisagez-vous de revoir les mécanismes de défiscalisation afin de permettre l’investissement les secteurs ruraux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Marie, vous avez rappelé la situation parfois difficile de certaines villes moyennes et de certains territoires ruraux. Que ne s’en est-on ému plus tôt ? Cette situation ne remonte pas au mois de juin 2017…

Sur la question du prêt à taux zéro, vous avez été entendu. Le Président de la République lui-même s’est exprimé sur cette question, il y a un mois, en indiquant qu’il convenait effectivement, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances que le prêt à taux zéro continue à s’appliquer pour le neuf dans les zones B2 et C. Cette mesure, à laquelle je souscris totalement, vient d'ailleurs d’être votée par l’Assemblée nationale, avec bien sûr l’accord du Gouvernement. Je ne doute pas qu’elle le sera également par le Sénat lorsqu’il examinera le projet de loi de finances.

Nous préconisons de donner de la visibilité, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent puisque la loi précédente disposait que les dispositifs du prêt à taux zéro et Pinel arriveraient à expiration le 31 décembre 2017, une prolongation d’un an étant ensuite intervenue.

Nous avons prévu de valider pour quatre ans le prêt à taux zéro pour les zones dites détendues en ce qui concerne l’accession à la propriété dans l’ancien, ce qui donne de la lisibilité sur l’ensemble du quinquennat, et sur deux ans pour ce qui est du neuf. Nous verrons ce que cela donnera et, bien sûr, nous en débattrons de nouveau à l’avenir. Je ne saurais en tout cas souscrire à votre conclusion selon laquelle nous aurions laissé de côté les zones détendues, car elle ne me paraît pas correspondre à la réalité.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. Je note que les intentions du Gouvernement ont évolué entre l’élaboration du projet de loi de finances et les débats à l’Assemblée nationale. Je m’en réjouis et je ne doute pas qu’une large majorité se dégagera au Sénat pour entériner ce que vous venez d’annoncer.

Certes, la situation des communes rurales et des bourgs-centres n’est pas nouvelle. Pour autant, je pense que nous devons tous agir pour l’améliorer et préserver la capacité de ces communes à accueillir des populations nouvelles, ce qui passe effectivement par le prêt à taux zéro, mais aussi par un certain nombre d’autres mesures, s’agissant en particulier de la nature des ressources financières dont elles pourront disposer.

suppression progressive du prêt à taux zéro pour 97 % du territoire

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteur de la question n° 075, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.

Mme Frédérique Espagnac. Après le dépôt d’une question orale, il s’écoule en général un délai d’un à deux mois avant sa présentation en séance publique. Ma question porte sur le même sujet que celle de M. Didier Marie, aussi serai-je brève. Nous nous félicitons que nos interrogations sur le devenir des zones rurales et périurbaines aient été entendues. Le maintien du prêt à taux zéro pour le neuf dans les zones B2 et C et les éclaircissements concernant le dispositif Pinel viennent répondre à des inquiétudes qui étaient très vives. Je m’associe très volontiers aux propos de Didier Marie, qui m’a volé ma question ! (Sourires.)

Nous apprécions le cheminement du Gouvernement sur ces questions. L’Assemblée nationale a voté, il reviendra très bientôt au Sénat de se prononcer : nous ferons au mieux pour parvenir ensemble à une solution bénéfique pour nos territoires ruraux et leurs populations, notamment les jeunes qui souhaitent accéder à la propriété.

Monsieur Mézard, je vous remercie du travail réalisé en commun.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, je vous remercie de votre conclusion. L’existence d’un ministère de la cohésion des territoires doit justement permettre de travailler à la réduction des fractures territoriales. Sachez que j’ai été particulièrement sensible au message que j’ai entendu. Connaissant bien la situation des territoires fragiles, dans les quartiers prioritaires mais aussi dans les départements ruraux, dont je suis issu, je sais que nous devons pouvoir nous appuyer sur un certain nombre de procédures adaptées. Nous travaillons ainsi à la mise en place d’un plan spécifique pour les villes moyennes, avec le soutien d’Action Logement. Je signerai tout à l’heure avec cet organisme une convention prévoyant la mobilisation de 1,5 milliard d'euros au profit des villes moyennes, ce qui n’est pas neutre.

Nous allons bien sûr travailler ensemble, car je fais toujours confiance au Sénat pour œuvrer sur les questions relatives aux collectivités territoriales, l’article 24 de la Constitution faisant de lui leur représentant.

récupération de la taxe sur la valeur ajoutée et transport scolaire

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 067, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

Mme Nicole Bonnefoy. Je voudrais attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur les modalités de récupération, par les autorités organisatrices de transport, de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre des opérations de transport scolaire.

En effet, l’administration semble estimer que, si la somme des participations financières perçues par le conseil régional auprès des familles des élèves est supérieure à 10 % du coût de revient annuel des prestations relatives à l’ensemble des contrats de transport scolaire, cette contribution constitue « une relation directe entre la somme acquittée par les familles et la prestation de transport », d’où la possibilité de récupérer la TVA après assujettissement.

L’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public, l’ANATEEP, que je préside, s’inquiète fortement des conséquences d’une telle règle pratique.

Actuellement, les deux tiers des départements ne laissent à la charge des parents d’élèves que de 0 % à 10 % du coût total annuel par élève transporté, soit quelques dizaines d’euros sur un coût total annuel de 1 000 euros. L’application de cette simple mesure aura donc pour conséquence inéluctable une remise en cause généralisée de la « gratuité » assurée jusque-là, les régions étant incitées à éviter la « double peine », à savoir financer la part familiale tout en renonçant à récupérer la TVA.

J’ajoute que, pour des familles souvent en situation difficile, devoir payer 100 euros ou plus annuellement par enfant transporté constitue une dépense élevée.

Compte tenu de la réalité sociale du service public de transport scolaire, qui concerne chaque jour 4 millions d’élèves, je vous demande de reconsidérer ce seuil de 10 %, si préjudiciable indirectement aux familles. Celui-ci apparaît excessif si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne pour ce type de services, puisqu’elle a estimé récemment qu’une part familiale de seulement 3 % entraînait la reconnaissance du caractère gratuit du service public de transport d’élèves.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous le savez, les règles applicables en matière de TVA sont harmonisées au niveau de l’Union européenne. Ainsi, la fourniture, par une région, de prestations de transport de personnes à titre onéreux doit être soumise à la TVA lorsqu’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue. Pour cela, le bénéficiaire de la prestation doit en retirer un avantage individuel et le niveau de cet avantage doit être en relation avec le prix payé par la personne.

L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne que vous évoquez ne fixe pas de seuil de contribution en pourcentage du coût des prestations au-delà duquel une prestation devrait être regardée comme entrant dans le champ d’application de la TVA. Par le passé, la Cour de justice de l’Union européenne a cependant refusé la qualité d’assujetti à une personne publique dont les revenus tirés d’une activité d’assistance juridique ne couvraient que 8 % des coûts engagés.

C’est pourquoi, en l’état de la jurisprudence, il a été considéré, à titre de règle pratique, que lorsque la somme des participations financières perçues par un conseil régional auprès de familles d’élèves était supérieure à 10 % du coût de revient annuel des prestations relatives à l’ensemble des contrats de transports scolaires, cette participation était de nature à caractériser l’existence d’une relation directe entre la somme acquittée par les familles et la prestation de transport fournie par ce conseil régional.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que lorsqu’un conseil régional accomplit, dans le cadre de son activité de transports scolaires, une opération de transport à titre gratuit, cette prestation est d’ores et déjà placée hors du champ d’application de la TVA, puisque le caractère onéreux, par définition, fait défaut.

Dans ce contexte, il n’est pas envisagé de reconsidérer la décision, dans la mesure où la fixation d’un seuil qui serait inférieur à 10 % du coût de revient de la prestation de transport exposerait la France à un risque de contentieux communautaire important. Les travaux menés sur ce sujet par la direction des affaires juridiques de mon ministère indiquent que la France serait assurée de perdre ce contentieux.

Tels sont les éléments de réponse que je peux apporter à la question que vous m’avez posée, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le secrétaire d'État, bien entendu votre réponse ne me satisfait pas, puisque vous ne reconsidérez pas le seuil, qui devrait s’établir au maximum à 5 % et pas à 10 %.

Cette affaire ne doit pas être noyée dans des complexités administratives : elle doit être évaluée à l’aune du quotidien des familles et de leur pouvoir d’achat, qui tient sûrement à cœur au Gouvernement. Je regrette donc la réponse que vous venez de faire et demande, monsieur le secrétaire d'État, que nous puissions y travailler ensemble. Une simple instruction à destination de votre administration publiée dans le Bulletin officiel des finances publiques permettrait de répondre aux attentes des familles, des régions et de l’association que je préside. J’espère que nous pourrons travailler ensemble pour reconsidérer ce seuil. (M. le secrétaire d’État acquiesce.)

fermeture de services publics de proximité en seine-saint-denis

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 085, adressée à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

Mme Éliane Assassi. Sous l’effet de la réduction des dépenses publiques, des services publics, dont des trésoreries municipales, ont disparu de certains territoires de notre pays. La Seine-Saint-Denis n’échappe pas à cette cure d’amaigrissement. Des fermetures avaient été annoncées l’an dernier, mais, devant la mobilisation des élus et de la population, des promesses de sauvegarde avaient été faites par le ministre des finances de l’époque.

Or, en juillet dernier, la direction départementale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis nous a informés que les trésoreries d’Aubervilliers et de La Courneuve fermeraient leurs portes le 1er janvier 2018 pour se regrouper sur un seul et même site, à savoir celui d’Aubervilliers. La trésorerie de Bagnolet, à la fois trésorerie municipale et centre des impôts, serait, quant à elle, déplacée à Montreuil. D’autres sites, à terme, seraient également concernés.

Ces fermetures sont dictées par une logique économique qui vise à supprimer la moitié des trésoreries d’ici à cinq ans pour, nous dit-on, alléger la facture de l’État. Cette logique n’est pas la nôtre. En Seine-Saint-Denis, nos villes cumulent déjà de nombreuses difficultés en matière d’accès aux services publics, comme La Poste ou les hôpitaux, pour ne citer que ces exemples.

Les Séquano-Dyonisiens ont droit, au même titre que l’ensemble de la population, à un service public de proximité, fondé sur des liens humains que les services dématérialisés ne peuvent pas remplacer. Demain, les Courneuviens devront se déplacer à Aubervilliers, où la trésorerie est surchargée, pour payer la cantine de leurs enfants ou acheter des timbres fiscaux. Cela vaudra également pour les usagers de Tremblay-en-France, de Stains ou encore d’Épinay-sur-Seine.

Dans tous les cas de figure, les conditions d’accueil de ces usagers aussi bien que les conditions de travail des agents s’en trouveront fortement dégradées. Je me permets donc, ce matin, de relayer la colère qui s’exprime dans mon département par la voix des élus et des populations, qui refusent la fermeture et la fusion de ces services publics de proximité, et vous demande, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures vous comptez prendre pour répondre à leurs revendications et respecter la promesse qu’avaient faite vos prédécesseurs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, vous le savez, une action publique et un service public modernes et efficaces adaptent leurs implantations physiques aux évolutions démographiques, aux nouvelles technologies, aux nouveaux usages et à la nouvelle pratique des services publics de nos concitoyens.

À l’évidence, cette pratique a évolué, au regard notamment du développement du numérique. Dans un monde où plus d’un contribuable sur deux déclare ses revenus en ligne, la qualité du service public ne se mesure pas strictement – cela ne veut pas dire que cet élément n’est pas important – à la seule présence physique sur le territoire.

Les efforts qui ont été réalisés ces dernières années par la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, pour développer son offre de services à distance, avec notamment des permanences téléphoniques étendues, sont assez considérables. Les populations les plus fragiles ou les plus éloignées de ces moyens de communication font l’objet d’un accompagnement particulier : des solutions innovantes peuvent être trouvées, comme la mise en place de permanences ambulantes sur des parties de territoire qui seraient mal couvertes.

La DGFiP a en outre considérablement développé son offre de services à distance avec des permanences téléphoniques assurées selon des plages horaires étendues.

La Seine-Saint-Denis est l’un des premiers départements couverts par un centre de contact, dispositif qui a pour objectif de faciliter la gestion à distance de la relation avec les usagers. Les deux projets de regroupement de trésoreries sont des reports d’opérations présentées en 2016, avec une date d’effet initialement prévue en 2017. La maturité insuffisante des projets a dicté ce report, afin que ces deux opérations puissent se dérouler dans les meilleures conditions à la fois pour les usagers et pour les agents.

S’agissant de la trésorerie de La Courneuve municipale, son regroupement avec la trésorerie d’Aubervilliers s’inscrit dans une logique de rationalisation du réseau du secteur public local départemental. Compte tenu des distances réduites entre les communes de La Courneuve et d’Aubervilliers, l’incidence pour les usagers nous paraît limitée.

Le regroupement de l’activité « secteur local » de la trésorerie de Bagnolet avec la trésorerie spécialisée de Montreuil municipale permettra de renforcer la qualité des prestations de conseil apportées par le comptable public. Le passage en comptabilité commerciale de l’office public de l’habitat de la commune a notamment eu pour conséquence une baisse importante d’activité de cette trésorerie.

Par ailleurs, le regroupement au sein du service des impôts des particuliers de Montreuil et du recouvrement de l’impôt permettra aux usagers concernés de bénéficier d’un interlocuteur unique pour leurs questions portant sur l’assiette et le recouvrement de leurs impôts. Un site a déjà été identifié.

Enfin, comme pour l’opération précédente, compte tenu des distances réduites entre les communes de Bagnolet et de Montreuil, l’incidence pour les usagers nous paraît également limitée. La direction départementale des finances publiques a néanmoins manifesté son accord pour la mise en place d’une antenne locale, afin d’être au plus près des populations qui pourraient solliciter ses services.

J’espère avoir répondu en partie, sinon entièrement, à vos interrogations, madame la sénatrice.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de veiller à ne pas dépasser votre temps de parole.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. La Seine-Saint-Denis le mérite ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je dois dire que je m’attendais à de tels propos, mais les faits sont têtus. Il y aura des fermetures de trésoreries en Seine-Saint-Denis ; cela va toucher des populations défavorisées, mais aussi les agents de ces structures, qui créent souvent du lien avec les populations et sont très à l’écoute des situations parfois difficiles que vivent des hommes et des femmes de ce département.

Votre réponse ne me satisfait pas, monsieur le secrétaire d'État. Je ne vous ai parlé ce matin que des centres des impôts, mais j’aurais également pu évoquer la fusion des hôpitaux, les fermetures de centres de sécurité sociale, de centres d’information et d’orientation, ou encore le refus de La Poste de livrer des colis dans certains quartiers. En conclusion, j’ai tout de même le sentiment que la Seine-Saint-Denis est quelque peu sacrifiée sur l’autel de la réduction des dépenses publiques. Ce n’est malheureusement pas nouveau.

Je connais bien la Seine-Saint-Denis pour y être née et y avoir toujours vécu. Les Séquano-Dyonisiens sont des hommes et des femmes d’une grande dignité, qui demandent à être respectés. Or nous avons le sentiment, depuis de trop nombreuses années, de ne pas l’être.

seuils d'exportation des biens culturels

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 082, adressée à Mme la ministre de la culture.

Mme Marie Mercier. Ma question porte sur les seuils d’exportation des biens culturels.

La sortie du territoire national d’un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique est soumise à autorisation des services du ministère de la culture, selon sa valeur et son ancienneté. Cette réglementation s’applique aux professionnels comme aux particuliers, et c’est bien normal. L’exportateur doit alors remplir un formulaire, qui diffère suivant que le pays de destination est membre ou non de l’Union européenne.

La loi sanctionne de façon très sévère les personnes qui exportent ou tentent d’exporter illégalement ces biens culturels, les peines prévues étant de deux ans d’emprisonnement et 450 000 euros d’amende.

S’agissant du patrimoine national ou d’œuvres d’intérêt patrimonial majeur, il est tout à fait logique que l’État exerce un droit de préemption. Néanmoins, les seuils de valeur au-delà desquels l’exportation des biens culturels est soumise à contrôle sont très bas, voire quelquefois nuls. Cela a pour effet d’engorger les services du ministère de la culture et impose des délais administratifs extrêmement longs. Dans un rapport d’information déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, le 16 novembre 2016, et présenté par M. Stéphane Travert, il est indiqué que plusieurs des personnes entendues avaient déploré les délais disproportionnés du traitement de ces demandes d’autorisation d’exportation par le ministère de la culture.

En outre, ces seuils participent d’une sorte de protectionnisme qui pénalise le marché français.

Par ailleurs, la question de la classification des biens culturels asiatiques n’est pas résolue. Il est extrêmement difficile de classer un bien culturel asiatique en vue de l’évaluer, notamment en termes de valeur et d’ancienneté. Est-ce une peinture, un dessin, une aquarelle, une estampe ? Il y a quelques années, le musée Guimet, des experts et le Syndicat national des antiquaires s’étaient réunis pour traiter ce sujet, mais aucune clarification n’a pu être apportée. J’aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d'État, si cette classification va aboutir, de façon à réactualiser certains seuils.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, je vous rappelle que le dispositif actuel de contrôle de l’exportation des biens culturels répond à un double objectif. Le premier est de permettre la protection des œuvres les plus importantes, que l’État peut qualifier de trésors nationaux. Le second est de contribuer à la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, qui a pris une ampleur particulièrement préoccupante, depuis quelques années, dans la zone moyen-orientale.

Depuis l’ouverture du marché unique européen en 1993, l’exportation des biens culturels hors du territoire douanier national est subordonnée à une double réglementation : une réglementation nationale et une réglementation communautaire. La France a fait le choix de calquer le champ d’application national sur le champ d’application européen : les autorisations sont exigibles pour les mêmes biens répartis entre quinze catégories, assorties de seuils de valeur et d’ancienneté, tout cela étant cumulatif.

Cette préoccupation concernant les seuils est prise en compte par le Gouvernement, qui doit cependant veiller à leur proportionnalité et à leur équilibre en fonction de deux enjeux : garantir un bon niveau de protection du patrimoine, ce qui peut parfois justifier des seuils bas pour certaines catégories, et ne pas faire peser des contraintes trop lourdes sur les opérateurs, pour ne pas entraver le développement du marché français de l’art.

En ce qui concerne les délais, des retards ont effectivement été constatés. Il convient d’avoir conscience que les vérifications nécessaires préalables à la délivrance de tels certificats prennent parfois un peu de temps. Il convient en effet de s’assurer que l’émission de ces documents est sécurisée, afin de ne pas contribuer à favoriser la libre circulation de biens culturels qui ne devraient pas se trouver sur le marché.

Enfin, concernant la question des biens culturels asiatiques, les conclusions du travail de clarification que vous évoquez seront très prochainement mises en application, en lien avec les douanes. Cela aboutira mécaniquement à une baisse du nombre des demandes à formuler dans ce secteur. Quant au relèvement des seuils pour certaines catégories nationales, sachant que les catégories communautaires restent inchangées, le Gouvernement a décidé de relancer, en l’actualisant, le travail qui a été réalisé il y a quelques années en vue de modifier l’annexe concernée du code du patrimoine.

L’ensemble de ces dispositions devrait permettre à la fois de sécuriser et de fluidifier les opérations, ainsi que d’avoir un marché français de l’art actif.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier.

Mme Marie Mercier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de ces précisions que je ne manquerai pas de relayer.

Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne la protection du patrimoine. En revanche, s’agissant de la lutte contre le trafic, avec des délais aussi longs, nous favorisons en fait le trafic. En effet, les opérateurs mal intentionnés profitent du système, via internet ou d’autres voies, pour s’affranchir de l’obligation d’obtenir un certificat d’export et essayer tout de même de vendre le bien.

Il ne faut pas perdre de vue le fait qu’il y a un consensus en faveur d’un relèvement des seuils de valeur des biens et d’une clarification des catégories des biens culturels asiatiques. Les déclarations d’intention doivent maintenant trouver une traduction dans les faits, afin de donner un peu d’air au marché de l’art et aux propriétaires, tout en continuant à protéger notre patrimoine.

régime de la sécurité sociale étudiante

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 041, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Anne-Catherine Loisier. La gestion du régime de sécurité sociale étudiant, le RSSE, est confiée à des mutuelles étudiantes qui agissent par délégation de service public. L’affiliation est obligatoire pour tous les étudiants scolarisés dans un établissement d’enseignement supérieur âgés de seize à vingt-huit ans et ne bénéficiant pas du régime spécial d’un membre de leur famille. Il en résulte des modalités d’affiliation et de cotisation variant en fonction de l’âge de l’étudiant et de la profession du parent auquel il est rattaché. Ainsi, certains étudiants ont le privilège de rester plus longtemps que d’autres affiliés au régime de leurs parents. Des régimes spéciaux peuvent en effet dispenser d’affiliation au régime étudiant jusqu’à l’âge de vingt-huit ans.

Ce système de gestion du RSSE fait constamment l’objet de critiques au regard des inégalités qu’il crée selon les catégories d’étudiants, mais également des difficultés de gestion récurrentes de ses structures.

Alors que la réforme de ce régime d’assurance maladie des étudiants annoncée par le Président de la République au cours de sa campagne semble plus que jamais d’actualité, notamment à la suite des annonces relatives au plan Étudiants du Gouvernement, je souhaiterais connaître, madame la secrétaire d'État, les modalités de sa mise en œuvre et l’échéance à laquelle elle devrait intervenir. Des dispositions seront-elles ajoutées à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou faudra-t-il attendre l’année prochaine ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Buzyn, qui participe actuellement au lancement de la campagne des Restos du cœur avec le Président de la République.

À titre liminaire, il me paraît utile d’émettre une réserve d’ordre sémantique sur la dénomination « régime de sécurité sociale étudiant », qui est généralement utilisée pour désigner le dispositif d’affiliation des étudiants et de service des prestations qui leur sont dues, en ce qu’elle est juridiquement fragile. En effet, les étudiants sont affiliés par la loi au régime général de la sécurité sociale et la délégation de gestion dont bénéficient les mutuelles étudiantes n’est pas, en soi, constitutive d’un régime de base.

S’agissant de la délégation de gestion accordée aux mutuelles d’étudiants, le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, dont le Parlement sera prochainement saisi, prévoit de mettre fin à ce dispositif spécifique dans un délai de deux années au plus tard et de replacer en conséquence les étudiants dans le droit commun, en cohérence avec la logique de la protection universelle maladie.

L’objectif de cette réforme est de simplifier les procédures d’affiliation des étudiants, qui sont actuellement complexes et qui leur imposent, dans la majorité des cas, de changer d’organisme gestionnaire et de carte Vitale lors de leur inscription dans l’enseignement supérieur. Cette réforme doit permettre aux nouveaux étudiants d’être, à l’avenir, des assurés autonomes affiliés au régime de protection sociale de leurs parents et de bénéficier ainsi de la même qualité de service que les autres assurés. Tel n’était pas le cas jusqu’ici, comme l’ont établi de nombreux rapports.

À compter de la rentrée 2018, les nouveaux entrants dans l’enseignement supérieur resteront ainsi rattachés pour le remboursement de la part de base de leurs frais de santé aux organismes qui géraient auparavant leur couverture maladie. Les autres étudiants, qui étaient précédemment rattachés à une mutuelle d’étudiants pour leur couverture de base, resteront rattachés à la même mutuelle pendant l’année universitaire 2018-2019. Au 1er septembre 2019 au plus tard, s’ils sont toujours étudiants, ils seront rattachés aux caisses du régime général. Les mêmes règles devraient être retenues pour les étudiants dont les parents sont affiliés à un régime spécial.

En cohérence avec ces évolutions, la cotisation de 217 euros qui est actuellement demandée aux étudiants sera supprimée dès la rentrée 2018 et remplacée par une contribution unique « vie étudiante ». Cette mesure se traduira, in fine, pour l’ensemble de la population étudiante, par un gain de pouvoir d’achat global de 100 millions d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État. Ces dispositions me semblent de nature à répondre aux attentes des étudiants et de leurs familles. Elles vont dans le sens de l’équité. Si j’ai bien compris, il n’y aura pas de dispositif complémentaire dans le PLFSS.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État. En effet.

situation critique des hôpitaux du léman

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, auteur de la question n° 087, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Loïc Hervé. Ma question porte sur la situation extrêmement critique des Hôpitaux du Léman, centre hospitalier situé à Thonon-les-Bains, dans le Chablais, en Haute-Savoie, un département que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État.

Cet ensemble hospitalier de 730 lits constitue la seule offre de soins du bassin de vie chablaisien, qui compte 143 000 habitants. Ce territoire, fortement touristique, marqué par une dynamique démographique soutenue, présente une facette urbaine, autour du Léman, et une autre montagneuse, avec les stations de sports d’hiver. Le maintien des activités de soins de proximité prodiguées par les Hôpitaux du Léman est donc essentiel au regard des besoins de ce territoire. Or, depuis plusieurs mois, voire années, cet établissement connaît de graves difficultés de fonctionnement, sur lesquelles nous avons, en tant qu’élus, attiré à plusieurs reprises l’attention de l’agence régionale de santé. Aujourd’hui, cet établissement n’a plus la capacité financière de se restructurer, de se moderniser et de maintenir dans un état décent ses équipements. Les photographies que j’ai adressées à Mme la ministre en témoignent. Cette incapacité de projection contribue largement à une hémorragie de son personnel avec, pour corollaire évident, une aggravation de ses pertes financières.

Devant l’état de délabrement avancé des locaux, dont le bloc opératoire, le personnel, pourtant fortement attaché à ses missions de service public, est désarmé et souhaite une intervention au plus haut niveau. Il craint une disparition programmée de son outil de travail.

C’est pourquoi je souhaite connaître vos propositions pour accompagner les Hôpitaux du Léman dans une dynamique positive lui permettant d’offrir rapidement de meilleures conditions d’accueil et de travail et d’assurer ainsi sa pérennité, alors que le M. le Premier ministre s’est engagé, dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, à garantir un égal accès aux soins. Cet hôpital en souffrance et son personnel épuisé méritent davantage que l’application d’une logique comptable. Quelles mesures financières sont envisagées pour sauvegarder cet établissement indispensable au maillage sanitaire territorial ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, la situation des Hôpitaux du Léman est bien connue de l’agence régionale de santé et fait l’objet d’un accompagnement continu.

Pour remédier à une situation financière dégradée, s’expliquant pour partie par l’impact de la réforme du régime des transfrontaliers et la baisse d’activité, dans un environnement concurrentiel, ainsi que par un défaut de performance global, un plan de redressement est en cours d’élaboration.

Sans attendre la finalisation de ce plan, l’ARS a d’ores et déjà fortement accompagné l’établissement sur les trois derniers exercices en lui allouant 18,3 millions d’euros au travers de recapitalisations du bilan, via des subventions d’investissement et une aide en trésorerie.

Les aides octroyées en 2017 ont notamment permis de commencer certains travaux d’aménagement du site principal sis à Thonon-les-Bains, qui nécessiterait plus globalement une remise aux normes, avec une adaptation de l’établissement aux nouvelles pratiques médicales, notamment ambulatoires, dans un contexte de forte évolution démographique locale.

À ce titre, un projet de reconstruction du bâtiment d’hébergement principal avait déjà été élaboré, pour un montant estimé à 80 millions d’euros, permettant ainsi de parachever la modernisation engagée en 2012 avec la mise en service du nouveau bâtiment de médecine.

La perspective de cet investissement reste d’actualité, et un projet soutenable accompagnant le plan de redressement doit aujourd’hui être travaillé et construit en différentes phases, en tenant compte des priorités les plus immédiates, mais également du projet territorial du groupement hospitalier de territoire élaboré par le centre hospitalier Alpes-Léman.

Ces objectifs figureront dans la feuille de route du prochain chef d’établissement, actuellement en cours de recrutement. Celui-ci devra aussi renouer des liens opérationnels avec la communauté médicale d’établissement et, plus globalement, la communauté hospitalière, afin d’engager un portage institutionnel des différents projets.

La recherche de solutions pérennes passera aussi par la constitution d’équipes médicales de territoire dans le cadre du groupement hospitalier de territoire. Une procédure adaptée a déjà été mise en place par les Hôpitaux du Léman ; elle vise une logique de territorialisation du travail avec du personnel mobile – travaillant par exemple, pour les urgences, à 70 % du temps sur leur lieu de travail principal et à 30 % sur un site secondaire.

Par ailleurs, une réflexion est en cours autour d’une cellule de recrutement commune aux établissements du groupement hospitalier de territoire, le GHT, facilitant la création de ces équipes mobiles de territoire. Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, les Hôpitaux du Léman peuvent s’appuyer sur un certain nombre d’atouts pour enclencher une dynamique positive : un territoire à forte croissance démographique, des coopérations, un président de commission médicale d’établissement mobilisé, l’arrivée d’un nouveau directeur en cours de recrutement, et, surtout, un accompagnement de l’ARS sur différents plans, notamment financier et méthodologique. Le dossier est donc connu et sous contrôle.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

La préoccupation des patients, des personnels et des élus – certains sont présents dans nos tribunes et vous écoutent – s’inscrit dans une perspective de moyen et long terme. J’attends de la ministre et de son cabinet qu’ils se penchent sur le sujet et qu’ils accompagnent l’établissement au long cours. En effet, la rénovation d’un hôpital ne peut pas se faire du jour au lendemain.

Je profite également de cette occasion pour attirer votre attention sur la situation de l’institut de formation en soins infirmiers de Thonon-les-Bains, voisin de cet hôpital. Il est très important pour le territoire et nous avons des préoccupations à son sujet. Cela s’inscrit d’ailleurs dans un débat plus large sur l’avenir des IFSI. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que vous puissiez évoquer ce sujet avec Mme la ministre, afin que les outils de formation du nord de la Haute-Savoie, en particulier du Chablais, soient effectivement pris en considération.

manque de spécialistes en milieu rural

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, auteur de la question n° 051, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Josiane Costes. Madame la ministre, ma question concerne la problématique des déserts médicaux.

En effet, malgré les mesures mises en œuvre par les gouvernements successifs, l’accès aux soins demeure difficile pour un grand nombre de nos concitoyens, particulièrement en milieu rural.

Certains spécialistes font cruellement défaut. Par exemple, dans mon département, le Cantal, les délais pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue dépassent une année. Il ne reste plus que deux urologues dans le département. Les pédiatres, les gynécologues, les pneumologues se font rares, même à l’hôpital public. Nombre de nos concitoyens sont contraints de tenter d’obtenir des rendez-vous à Clermont-Ferrand, à plus de deux heures et demie de route de chez eux.

Quelles mesures peut-on envisager pour pallier ces difficultés ?

La situation de la médecine générale est également très préoccupante dans nos zones de montagnes.

Beaucoup de médecins partent à la retraite et leurs cabinets médicaux ne sont souvent pas repris.

Des maisons de santé ont certes été mises en service, mais encore faut-il réussir à trouver des médecins pour s’y installer. Or cela reste un exercice très difficile. Un élément qui semble freiner considérablement l’installation de jeunes généralistes en zone de montagne est le problème des astreintes : les territoires à couvrir sont très vastes en raison de la faible densité de population et les conditions climatiques peuvent être très difficiles, voire hostiles, en particulier la nuit au cœur de l’hiver.

Comment lever ce frein à l’installation ? Ne serait-il pas possible de renforcer et d’impliquer plus fortement encore les services des urgences de nos hôpitaux de proximité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le président, madame la sénatrice, depuis son arrivée au ministère des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn a placé la question de la désertification médicale au rang de ses priorités.

Répondre aux besoins légitimes des Français en matière de santé est un impératif, comme vous l’avez souligné. Nombre de nos concitoyens n’y ont toujours pas accès dans un délai raisonnable.

Il n’existe pas de solution unique ou uniforme. Beaucoup de choses ont été faites, mais il nous faut aller plus loin.

Pour lutter contre les déserts médicaux, il est nécessaire en effet de disposer d’un panel de solutions adaptées aux territoires. Les maisons de santé pluridisciplinaires sont une solution et, conformément à l’engagement du Président de la République, nous en doublerons le nombre. Mais ce n’est pas la seule voie envisageable.

Il nous faut accélérer le déploiement de la télémédecine et de la santé numérique en général. Il faut aussi mettre en valeur les innovations locales, qui sont nombreuses.

Agnès Buzyn souhaite également développer les pratiques avancées des professionnels de santé, notamment paramédicaux.

Le Gouvernement souhaite encourager la possibilité que des médecins détachés depuis l’hôpital tiennent des consultations dans des zones sous-dotées. De même, il faut explorer la possibilité que des praticiens libéraux puissent assurer une consultation temporaire dans ces mêmes zones sans forcément s’y installer.

Cela ne peut se faire sans une coordination de tous les acteurs de terrain, professionnels de santé, agences régionales de santé et collectivités locales.

Il nous faut des solutions concrètes qui apportent des réponses en termes de pertinence des soins et de qualité de prise en charge des usagers.

Agnès Buzyn souhaite donner à l’ensemble des acteurs tous les moyens afin qu’ils puissent organiser ou réorganiser les soins sur l’ensemble de nos territoires. Tout ce travail prendra du temps, et plusieurs mesures s’inscriront dans le temps long. Mais des solutions à court terme sont également proposées, car il nous faut répondre à l’urgence.

C’est le but du plan territorial d’accès aux soins présenté le 13 octobre dernier. Un comité de suivi vient compléter ce plan afin de garantir son succès.

Le PLFSS pour 2018 complète l’annonce de plan, notamment sur les aspects financiers et réglementaires.

Nous comptons sur la mobilisation de tous les acteurs territoriaux pour pouvoir avancer.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Vous le comprendrez, madame la secrétaire d’État, les populations de ces territoires sont inquiètes et attendent des réponses rapides, car la situation devient véritablement très difficile.

déserts médicaux

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 080, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

M. Hervé Maurey. Comme beaucoup, j’ai accueilli avec espoir l’annonce par le Premier ministre, dès sa nomination, de sa volonté de faire de la lutte contre les déserts médicaux une priorité. Malheureusement, cet espoir a été déçu par la présentation, le 13 octobre dernier, du plan de lutte contre la désertification médicale par la ministre de la santé.

Par manque de courage politique, par méconnaissance de la réalité de nos territoires, ce gouvernement, qui se veut pourtant le chantre d’un nouveau monde, a décidé de poursuivre, en matière de lutte contre les déserts médicaux, la vieille politique, celle qui ne repose que sur les incitations et qui a démontré depuis vingt-cinq ans son inefficacité.

Comment ne pas être déçu de ces choix, alors que l’accès aux soins se dégrade d’année en année ? Selon une étude récente, 148 cantons ne comptent plus aucun médecin généraliste, alors que ce chiffre était de 91 en 2010. Le département de l’Eure, dont je suis élu, compte 1,7 médecin pour 1 000 habitants, contre 7,5 à Paris, soit un rapport de un à quatre.

Il faut attendre en moyenne dix-huit jours en France pour rencontrer un pédiatre, quarante jours pour un gynécologue et cent trente-trois jours pour un ophtalmologiste. Ce ne sont là que des moyennes, les délais étant beaucoup plus longs dans de très nombreux cas. Selon un sondage, cette situation conduit à ce que 70 % des Français renoncent à se faire soigner, compte tenu des délais auxquels ils sont confrontés.

Devant ce constat, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable demande la mise en place d’un conventionnement sélectif, selon le principe « une installation pour un départ » dans les zones surdotées. Ce système a été mis en place pour d’autres professions de santé – infirmiers, sages-femmes, orthophonistes et chirurgiens-dentistes – et a prouvé son efficacité. Aujourd’hui, son extension aux médecins est de plus en plus souhaitée par les associations d’élus et les parlementaires. Des amendements au PLFSS allant en ce sens ont été signés par 110 sénateurs.

Je vous le dis solennellement, madame la secrétaire d’État : les mesures proposées ne sont pas à la hauteur de la situation et ne régleront rien. Je vous donne rendez-vous à l’échéance que vous fixerez – deux ans, trois ans ou cinq ans.

Comptez-vous faire un bilan des mesures qui ont été annoncées et, si oui, à quelle échéance ? Dans l’hypothèse où les craintes que je viens d’exprimer se confirmeraient, envisagez-vous d’entendre nos propositions en matière de régulation de l’installation, mais aussi de formation des futurs médecins – il y a beaucoup à dire en la matière –, ou comptez-vous rester dans le déni de la réalité, jusqu’à ce qu’un drame sanitaire vous oblige à agir enfin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, Agnès Buzyn a en effet présenté au côté du Premier ministre, le 13 octobre dernier, un plan territorial d’accès aux soins ambitieux et pragmatique.

Ce plan s’appuie sur le terrain, sur les remontées des professionnels de santé, des collectivités territoriales et des usagers.

Pour remédier aux difficultés que rencontrent nos concitoyens en matière d’accès aux soins, il n’y a pas de réponse miracle, mais un panel de solutions. Ce plan représente un vrai changement de paradigme. L’accès aux soins repose non pas sur l’installation d’un médecin, mais sur l’organisation coordonnée entre tous les professionnels de santé du territoire. Ces solutions doivent être trouvées au niveau local, dans chaque territoire, par les acteurs eux-mêmes : il faut donc leur donner le maximum de liberté d’organisation.

Le plan d’accès territorial aux soins ne s’appuie pas sur la coercition, car elle est contre-productive. Le conventionnement sélectif que vous proposez s’applique aux professionnels de santé qui sont en surnombre, ce qui est le cas des infirmières par exemple. Au contraire, le nombre des médecins va diminuer au cours des prochaines années et nous connaîtrons une fuite encore plus importante si nous appliquons un tel dispositif, comme le montre l’exemple d’autres pays européens.

Le plan a pour objectif d’augmenter le temps consacré aux soins des professionnels de santé en levant les freins réglementaires qui empêchent les acteurs de terrain d’innover et de répondre aux besoins de la population, et surtout de répondre de manière rapide à la problématique de l’accès aux soins.

Ce plan généralisera la téléconsultation et la télé-expertise, en permettant aux professionnels les pratiquant d’être rémunérés et en équipant tous les EHPAD et toutes les zones sous-denses d’ici à 2020. Il faut accompagner la mise en place de la télémédecine.

Ce plan favorisera aussi la coopération entre professionnels de santé, en doublant le nombre des maisons de santé pluriprofessionnelles en cinq ans grâce à un programme d’investissement de 400 millions d’euros dans le cadre du Grand Plan d’investissement.

Agnès Buzyn souhaite aussi développer les consultations avancées et créer des postes d’assistant partagé. Le cumul emploi-retraite pour les médecins installés est inscrit dans le PLFSS pour 2018.

De nouvelles aides conventionnelles destinées à favoriser l’installation des médecins dans les zones sous-denses verront le jour : elles s’élèveront à 50 000 euros sur trois ans pour l’installation d’un médecin dans une telle zone.

Nous souhaitons également valoriser les contrats conventionnels dans le cadre des zones sous-denses, dont le contrat de solidarité territoriale médecin, visant à inciter à la réalisation de consultations avancées dans les territoires qui en ont le plus besoin.

Ce plan sera amené à évoluer en fonction des besoins de la population et des évolutions démographiques. Trois délégués ont été nommés pour intégrer le comité de suivi : M. Thomas Mesnier, député, Mme Élisabeth Doineau, sénatrice, et Mme Sophie Augros, présidente du syndicat des jeunes médecins ReAGJIR. Ils auront la charge de suivre le plan sur les territoires et de faire remonter les initiatives innovantes du terrain.

De plus, ce plan sera évalué, monsieur le sénateur, car il est important de pouvoir établir de façon claire l’impact des politiques menées.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, vous ne serez pas étonnée que je vous dise que votre réponse m’attriste, même si je ne m’attendais évidemment pas à ce que la réalité de la situation de nos territoires vous soit soudain apparue…

Vous prétendez que le plan présenté par le Gouvernement est ambitieux ; il n’a aucune ambition en réalité. Vous dites qu’il marque un changement de paradigme ; ce n’est absolument pas le cas.

Encore une fois, pour reprendre une expression chère au gouvernement auquel vous appartenez, nous sommes là dans la vieille politique. Il s’agit de mesures que l’on met en œuvre depuis vingt-cinq ans et qui ne marchent pas !

Les maisons de santé, c’est formidable, mais quand elles ne comptent aucun médecin, c’est juste un énorme gâchis d’argent public et une immense déception pour les élus et les citoyens qui ont cru que la création de telles structures allait régler les problèmes.

Ce que nous proposons, ce n’est pas, comme vous l’affirmez de façon quelque peu caricaturale, la contrainte, mais la régulation. Cela n’a rien à voir et cela se pratique aujourd’hui pour tous les professionnels de santé, à l’exception des médecins, aucun gouvernement n’ayant eu jusqu’à présent le courage d’affronter le lobby médical, quitte à nuire à l’intérêt général et à l’accès aux soins pour nos concitoyens. C’est extrêmement regrettable.

À quelle échéance le bilan que vous avez évoqué sera-t-il dressé ? Peut-être pourrez-vous me l’indiquer par écrit, madame la secrétaire d’État, puisque le règlement ne vous permet plus de me répondre.

Il faut ouvrir les yeux, aller dans les territoires ruraux, mais aussi, de plus en plus, dans certains territoires urbains et périurbains, pour voir à quel point la situation en matière d’accès aux soins devient dramatique dans notre pays.

Je le redis : un drame sanitaire surviendra un jour dans ce pays. En effet, quand on attend des mois, voire des années, un rendez-vous avec un spécialiste, il n’est parfois plus utile d’aller à ce rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

promotion des métiers du grand âge

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, auteur de la question n° 081, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Vivette Lopez. J’ai souhaité appeler l’attention de Mme la ministre sur la nécessaire mise en place d’une promotion suffisante des métiers du grand âge, pour répondre aux difficultés croissantes de recrutement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Malgré les nombreuses initiatives qu’ils mettent en œuvre, la situation des EHPAD devient intenable. En Occitanie, par exemple, on déplore une baisse de 30 % du nombre des candidats à l’obtention du diplôme d’aide-soignant. On compte une seule infirmière l’après-midi pour quatre-vingts résidants, quinze minutes à peine sont consacrées à une toilette : nos personnes âgées méritent mieux !

Les entreprises du secteur ont besoin de soutien, d’une part pour valoriser les métiers et les carrières qu’elles promeuvent, d’autre part pour professionnaliser l’accompagnement en gérontologie.

Avec un potentiel d’environ 350 000 emplois à l’horizon 2030, le secteur du grand âge enregistre pourtant une pénurie de personnel soignant. Aussi je crois vraiment indispensable de lever les freins spécifiques au recrutement dans cette filière, en assurant une promotion coordonnée avec Pôle emploi, les régions, l’État et les acteurs du secteur.

La création d’une véritable filière professionnelle des métiers du grand âge, avec un métier de soignant spécialisé, permettrait également une meilleure intégration de la gériatrie et de la gérontologie dans les cursus médicaux et paramédicaux.

Madame la secrétaire d’État, alors que le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus représentera plus d’un tiers de la population française en 2060, contre un quart aujourd’hui, et que l’augmentation la plus forte concernera les plus âgés – doublement du nombre des personnes âgées de 75 ans et plus, triplement du nombre des personnes de 85 ans et plus –, ce sont plus de 200 000 emplois qui seront à pourvoir dans les EHPAD. Je vous remercie de bien vouloir m’indiquer quelles réponses vous entendez apporter à cet enjeu majeur pour l’avenir.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, la France compte environ 8 000 EHPAD. Ils représentent 70 % des établissements dédiés à l’hébergement des personnes âgées, 53 % d’entre eux faisant partie du parc hospitalier public.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail réalisé au quotidien par les personnels dans les EHPAD. Chacun et chacune, à leur niveau – soignants, accompagnants, animateurs, personnes chargées de l’hôtellerie, de l’accueil… –, participent à la prise en charge des personnes âgées au sein de notre société et leur donnent une place à part entière parmi nous.

Les évolutions démographiques doivent être prises en compte lorsqu’on pense aux personnels des EHPAD qui prennent en charge au quotidien les personnes âgées.

Notre pays compte 1,5 million de personnes âgées de plus de 85 ans aujourd’hui ; elles seront 5 millions d’ici à 2050. Cela signifie une prise en charge plus importante et plus complexe du fait de l’avancée en âge. Il faut donc, pour répondre aux besoins, mettre un point d’honneur à assurer une formation adaptée des personnels.

Lorsqu’on aborde le sujet de l’accueil des personnes âgées en résidence, il est important d’évoquer la question de l’encadrement. Il n’existe pas de normes en la matière. Chaque EPHAD adapte ses effectifs en fonction du profil de ses résidants. La loi de décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement met en œuvre un plan des métiers de l’autonomie. Ce plan a pour objet de rendre les métiers du secteur plus attractifs et d’offrir aux salariés un véritable parcours professionnel.

Les personnels des EHPAD participent au repérage de la maltraitance. Un programme national de contrôle préventif des établissements médico-sociaux au titre du repérage des risques de maltraitance est mis en œuvre. Toutefois, nous entendons lui donner un souffle nouveau, avec la mise en place d’une nouvelle stratégie nationale de lutte contre la maltraitance afin de renforcer la prévention. Un nouveau plan d’action sera arrêté au second semestre de 2018, après concertation et apport des réflexions du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.

Agnès Buzyn salue le rôle central joué par les personnels des EHPAD pour prévenir les cas de maltraitance au sein de leurs établissements.

Pour répondre aux besoins de notre population et aux évolutions démographiques, le PLFSS pour 2018 prévoit 4 525 places supplémentaires d’hébergement permanent en EHPAD.

La réforme du financement des EHPAD engagée en 2017 sera poursuivie : 430 millions d’euros supplémentaires sont prévus sur sept ans et les établissements auxquels nous devons allouer davantage de moyens seront mieux identifiés. C’est un enjeu important.

Enfin, les conditions de travail des personnels, et particulièrement des soignants, sont souvent difficiles. C’est pourquoi nous avons lancé une mission importante sur la qualité de vie au travail et la formation, afin de leur permettre d’assurer dans les meilleures conditions leur mission au chevet de nos aînés. Vous pouvez compter sur notre vigilance.

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Je vous remercie de ces informations, madame la secrétaire d’État.

Le personnel soignant mérite en effet beaucoup d’attention. C’est un métier relativement pénible. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que les personnes âgées sont comme les nouveau-nés : elles demandent beaucoup de soins, avec le poids d’une vie en plus…

Malheureusement, je crains que les EHPAD ne soient quelque peu asphyxiés financièrement. Il est indispensable que l’on engage un débat national sur la dépendance et que l’on encadre véritablement le personnel soignant, qui ne se sent pas toujours bien reconnu dans sa fonction très importante, dont nous aurons de plus en plus besoin. Je resterai très attentive à cette question.

nécessité de faire évoluer la protection du loup

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, auteur de la question n° 070, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Marie-Pierre Monier. « Au moment où j’écris ces mots, une meute de loups est en train de hurler à moins de 100 mètres de notre troupeau sur la commune de Séderon.

« Mon compagnon est parti précipitamment pour passer la nuit auprès du troupeau, en ayant l’intention de dormir dans la voiture, sachant qu’il est prévu moins de zéro degré cette nuit.

« Suite à l’attaque que nous avons subie dimanche dernier, et la perte de 15 brebis sur notre troupeau de 150 têtes, nous ne pourrons pas supporter de pertes supplémentaires. Le troupeau est actuellement très stressé, nous craignons des avortements.

« Quelle profession peut accepter cette pression ? Nous sommes désemparés.

« Nous sommes installés depuis trois ans ; nous avons investi toute notre énergie, nos convictions et nos finances dans notre projet d’élevage de brebis avec valorisation en vente directe des agneaux et de la laine, certifiés en agriculture biologique.

« Nous bénéficions d’un réel accueil et soutien local pour la remise en pâturage de collines et la vente de laine et de viande d’agneau. Nous avons mis en œuvre, depuis notre installation, toutes les mesures de protection préconisées : parcs électrifiés, chiens de protection, surveillances “pluriquotidiennes”.

« Ce soir, je souhaite donc exprimer notre sentiment d’impuissance et de découragement face à la pression de prédation du loup, qui depuis quelques mois s’est nettement intensifiée dans le sud des Baronnies.

« Ne sous-estimez pas l’urgence de la situation ! Nous avons besoin de réponses concrètes. »

Voilà, madame la secrétaire d’État, le témoignage que j’ai reçu dernièrement à ma permanence. Je n’aurais pas pu poser plus clairement la problématique du loup dans nos territoires et exprimer de façon plus éloquente le désarroi des éleveurs.

En Drôme, les chiffres les plus récents indiquent une augmentation de 31 % du nombre d’attaques et de bêtes tuées par rapport à 2016, après un doublement l’année précédente ! La pression de prédation devient insupportable. Le pastoralisme est menacé et, avec lui, l’élevage à taille humaine et la qualité de ses productions. L’entretien des espaces ruraux est également en danger : sans l’élevage, ces derniers seraient voués à l’embroussaillement et aux risques d’incendie.

Le bulletin d’information d’août 2017 du réseau « loup » de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, reprend l’expertise biologique collective sur la viabilité à long terme de la population de loups en France qui a été commandée en juin 2016 par le ministère de l’environnement. Il indique que « dans tous les cas, l’état actuel de la population en France, en termes d’effectifs et de croissance, semble garantir la viabilité démographique ».

Compte tenu de ces éléments scientifiques et du témoignage dont je viens de vous faire part, je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous me fassiez connaître les intentions du Gouvernement en matière de déclassement du statut du loup en vue d’une protection moins stricte et que vous m’indiquiez si vous envisagez d’entreprendre des démarches en ce sens au niveau européen.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, vous avez interrogé Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant malheureusement être présent au Sénat ce matin, il m’a chargée de vous répondre.

Le loup est une espèce protégée, qui fait son retour en France depuis une vingtaine d’années. C’est une bonne nouvelle pour la biodiversité, qui est notre bien commun, mais c’est aussi un véritable défi pour les éleveurs qui font face à la prédation des loups.

Dans ce contexte, le Gouvernement se fixe un double objectif : la viabilité – encore non acquise – de l’espèce sur notre territoire et la protection des éleveurs. Nous comprenons la détresse et la souffrance de ceux qui sont confrontés aux conséquences des attaques sur leur troupeau.

La méthode employée jusqu’ici n’était pas satisfaisante. Elle privilégiait le court terme, en autorisant l’abattage de quelques dizaines de loups chaque année de manière assez arbitraire.

Le Premier ministre a donc chargé Nicolas Hulot et Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, de réfléchir à une méthode s’appuyant sur des données scientifiques. Cette méthode fait l’objet, en ce moment même, d’une concertation avec les acteurs. L’objectif est de sortir de la confrontation et de l’opposition binaire et de construire ensemble des solutions qui soient viables pour tous sur le long terme.

Le Gouvernement a posé quelques principes pour cette concertation. Je le redis ici, ceux qui voudraient l’éradication de tous les loups et ceux qui nient la détresse des éleveurs doivent entendre raison.

Par ailleurs, nous devons passer à une logique de protection et de défense des troupeaux pour aider les éleveurs, qui doivent pouvoir éviter les attaques, mais aussi se défendre. C’est pourquoi les tirs de défense et de défense renforcée doivent être privilégiés. C’est en quelque sorte de la légitime défense, mais cela ne peut se faire que si tout a été fait pour protéger les troupeaux avant. C’est aussi cela, la cohérence.

Les études du ministère de l’agriculture montrent que les mesures de protection sont efficaces quand elles sont combinées : présence du berger, chien de protection, parc de nuit, d’où la nécessité de les mettre en place y compris là où le loup n’est pas encore installé.

La concertation se poursuit pour développer une panoplie d’outils obéissant à ces principes et le plan Loup du Gouvernement sera présenté au premier trimestre de 2018.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments d’information, mais vous n’avez pas vraiment répondu sur le déclassement du statut du loup.

Comme l’explique l’éleveuse que j’ai citée tout à l’heure, des attaques surviennent même si toutes les mesures ont été prises pour protéger le troupeau.

Le 17 novembre dernier, le Parlement européen a adopté, à une large majorité, une recommandation sur la biodiversité, fondée sur le constat que certaines espèces protégées par la directive Habitats sont devenues des menaces pour d’autres espèces, en particulier pour les animaux d’élevage.

Une brèche a donc été ouverte, et il serait important que la France s’y engouffre en sollicitant un changement de statut du loup auprès du commissaire européen chargé de l’environnement. Il y a urgence, car les éleveurs ne peuvent plus attendre.

Par ailleurs, la question de l’hybridation des loups fait l’objet d’une forte controverse avec les éleveurs. Un communiqué de l’ONCFS de septembre 2017 fait état, pour la première fois en France, d’une telle hybridation. Cet élément constitue une raison supplémentaire de s’interroger sur la pertinence de la protection stricte du loup et d’accorder un peu de considération à nos éleveurs.

Dimanche dernier était organisée à Ballons, dans les Hautes Baronnies, une manifestation de soutien au couple d’éleveurs dont je vous ai lu le témoignage. Ce fut un moment très émouvant pour moi : quarante-quatre éleveurs m’ont symboliquement remis les clés de leur élevage, signifiant ainsi qu’ils mettaient l’avenir de leur activité dans les mains des élus.

Ces clés, je les ai avec moi, madame la secrétaire d’État. (Mme Marie-Pierre Monier brandit un sac rempli de clés.) Nous voulons vous les remettre et je prendrai l’attache de votre cabinet à cette fin. Je crois que vous ne résidez pas très loin de la Drôme. Je compte sur vous pour convaincre MM. Nicolas Hulot et Stéphane Travert de se rendre avec vous dans notre département, que ce soit dans les Baronnies, le Vercors ou le Diois, pour rencontrer ces familles en détresse, qui sont continuellement sous la pression des attaques du loup, vivent la peur au ventre et se demandent vraiment de quoi leur avenir sera fait !

élevage industriel et développement durable

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la question n° 078, adressée à M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Durant la campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron défendait une agriculture de proximité, respectueuse de l’environnement. Je suis donc surprise que, à peine élu, le président Macron ait fait supprimer les aides de l’État au maintien de l’agriculture biologique.

À la suite de ce revirement, un grand quotidien national a titré en ces termes : « Le Gouvernement pense notre lendemain avec les concepts d’hier ». Selon un autre grand quotidien, « le Gouvernement fait le choix de l’agrobusiness ».

Dans mon département, l’Ain, pays de la volaille de Bresse, les services de l’État examinent actuellement un projet d’élevage industriel de 40 000 poulets en batterie sur 1 800 m2, soit 21 poulets au mètre carré.

Pour le Gouvernement, entasser sur du béton des animaux ne voyant jamais la lumière du jour et gavés de cocktails d’antibiotiques, et j’en passe, représente-t-il le modèle à suivre en matière agricole et alimentaire ?

Peut-être me répondrez-vous qu’il convient de faire preuve de pragmatisme. Auquel cas je vous demanderai quelle est la frontière entre le pragmatisme et le renoncement !

En 1976, dans la comédie L’aile ou la cuisse, le réalisateur Claude Zidi dénonçait déjà la nourriture industrielle et la malbouffe. Dans ce film, le critique gastronomique Duchemin, interprété par l’excellent Louis de Funès, faisait triompher la vérité face à l’infâme industriel Tricatel, qui cherchait à nous empoisonner pour faire du profit.

Quarante ans plus tard, la fiction est malheureusement devenue réalité. Nous ingurgitons du faux fromage à base d’huile de palme et nous mangeons des manchons de poulet reconstitués à partir de déchets d’os recouverts de gel et de peinture alimentaire – j’ai personnellement assisté à leur fabrication…

Je doute que l’on prépare ce type de nourriture dans les cuisines de l’Élysée, mais, dans les salons ministériels, on doit malheureusement juger qu’elle est assez bonne pour nos enfants !

Plus qu’au ministre ou à son représentant, je m’adresse par votre intermédiaire, madame la secrétaire d’État, à Nicolas Hulot, au citoyen engagé qui s’est longtemps battu pour sensibiliser les Français à l’écologie et qui défendait un autre modèle de société. Pour quel modèle de développement optez-vous : Tricatel ou Duchemin, l’agrobusiness ou une agriculture de qualité ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre.

Votre question fait évidemment écho au vaste et important débat qui s’est ouvert dans le cadre des états généraux de l’alimentation.

Ce que nous produisons et mangeons a des conséquences directes sur la planète et sur la vie de nos concitoyens. L’agriculture et l’alimentation sont créatrices de paysages, de richesses et de lien social. Dans le même temps, certaines évolutions des cinquante dernières années sont à l’origine d’impacts profondément négatifs sur l’environnement. Elles affectent ainsi les ressources et la biodiversité et participent au réchauffement climatique.

Se posent aussi les questions de la pérennité de l’emploi agricole et de la rémunération des producteurs au regard de la récurrence des crises agricoles.

De plus en plus conscients de ces enjeux, nos concitoyens sont demandeurs de produits alimentaires plus respectueux de l’environnement et souhaitent aussi la prise en compte du bien-être animal. Ils se préoccupent de l’origine des produits et appellent au renforcement des liens entre producteurs et consommateurs.

Le ministre d’État attache la plus grande importance à ce que s’engage la transition écologique de l’agriculture. À ses côtés, nous ambitionnons que, à terme, la norme relève des principes de l’agroécologie et de l’agriculture biologique. Nombre d’agriculteurs sont aujourd’hui engagés ou prêts à s’engager dans cette voie. De multiples initiatives montrent que cette transition est possible, mais qu’elle doit être accompagnée.

Les états généraux de l’alimentation, qui ont été lancés le 20 juillet dernier et sont pilotés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, impliqueront jusqu’à la fin de ce mois l’ensemble des parties prenantes. Ils devront établir un diagnostic partagé et proposer des solutions aux problèmes rencontrés par l’agriculture.

Le 11 octobre dernier, le Président de la République a confirmé nos nouvelles orientations : par une meilleure prise en compte des enjeux de qualité, de protection de l’environnement et du bien-être animal, elles doivent doter notre pays d’une stratégie visant à nous permettre de recouvrer notre souveraineté alimentaire.

Le ministre d’État sera particulièrement vigilant à ce qu’émergent des propositions allant dans le sens d’une transformation en profondeur des modèles agricoles, en particulier pour les systèmes d’élevage.

D’ores et déjà, différents chantiers progressent vers la transition écologique de l’agriculture. À ce titre, le Gouvernement s’engage à développer un plan de sortie des pesticides, qui constituent un autre grand sujet de préoccupation pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Madame la secrétaire d’État, je crains que les mots ne soient un peu éloignés des actes… Les agriculteurs et les consommateurs attendent des décisions très concrètes, et pas des effets d’annonce concernant ce qui sera peut-être fait dans dix, vingt ou trente ans.

Le Gouvernement semble penser à l’avenir de nos enfants selon des concepts de l’ancien monde. C’est bien dommage, et j’ai peur que la déception des Français ne soit très grande. J’ai bien entendu vos propos, mais, dans les faits, les choses sont un peu différentes et ce sont les Français qui seront, malheureusement, les premières victimes de la situation actuelle. Des décisions doivent vraiment être prises dès maintenant. L’exemple de l’élevage dont je vous parlais, où la densité sera de 21 poulets au mètre carré, est symptomatique d’un profond malaise, et j’espère que vous regarderez ce dossier de près.

Nous devons absolument valoriser l’excellence de notre agriculture et sauver ce pan primordial de notre économie. Je rappelle que, en moyenne, chaque jour un agriculteur se suicide… Notre milieu rural vit un terrible drame humain.

J’espère que vous transmettrez mes interrogations à M. Hulot. De notre côté, nous serons particulièrement vigilants.

impact du projet europacity

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 084, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Fabien Gay. Le projet immobilier et commercial EuropaCity, dont l’implantation est prévue sur le triangle de Gonesse, menace l’équilibre des territoires concernés de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise. Son impact économique, social et environnemental sera en effet important, et même désastreux.

Ainsi, parmi les nombreuses problématiques soulevées, celle de la concurrence avec les centres commerciaux ou de loisirs et les commerces de proximité plus ou moins proches est centrale, de même que celle de l’emploi.

EuropaCity occupera quatre-vingts hectares de terres agricoles fertiles. Ces terres cultivables permettraient d’encourager en Île-de-France le développement des circuits courts et d’une production locale respectueuse de l’environnement, comme le propose notamment les auteurs du projet alternatif CARMA. Surtout, elles constituent un puits de carbone, qui favorise l’équilibre et la régulation de la température sur le territoire, notamment dans la capitale, en cas de canicule.

Nous sommes très préoccupés par les risques d’accroissement de la pollution et par l’allongement des temps de trajet, car les autoroutes A1 et A3, déjà surchargées, seront complètement saturées. L’autorité environnementale indique que le temps de trajet entre Paris et l’aéroport de Roissy passerait de 50 à 90 minutes : c’est un sévère problème tant pour les habitants que pour le fonctionnement de cet aéroport.

La mobilisation citoyenne grandit, à juste titre, contre EuropaCity et M. le ministre d’État Nicolas Hulot s’est lui-même prononcé contre la réalisation de ce projet –incompatible avec le plan Climat –, tout comme le commissaire enquêteur. Nous les rejoignons sur ce point : nous ne souhaitons pas la réalisation de ce projet, qui véhicule un modèle de société contribuant à la mise à bas des objectifs de la France en matière de préservation de l’environnement, objectifs qu’il est pourtant vital de réaliser de manière urgente et cohérente.

Madame la secrétaire d’État, l’État français va-t-il prendre ses responsabilités et mettre un terme à ce projet nocif pour l’environnement et nos territoires, comme il en a la possibilité, pour aller vers un projet d’aménagement qui soit respectueux des engagements de la France en matière environnementale ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ne pouvait malheureusement être présent aujourd’hui. Il m’a chargée de vous répondre à sa place.

Le projet d’extension urbaine de très grande ampleur que vous évoquez pose la question de la refondation de notre modèle d’aménagement commercial, pour le rendre plus respectueux de la préservation des espaces agricoles et naturels.

En effet, la construction de 800 000 mètres carrés de bureaux supplémentaires interviendrait alors même que la région dispose aujourd’hui de près de 3,5 millions de mètres carrés vacants. Ce projet prévoit également la création de 250 000 mètres carrés de commerces à proximité immédiate d’un centre commercial qui connaît lui-même des difficultés. De plus, la création de ces nouvelles surfaces commerciales ne pourrait se faire qu’au détriment des commerces de proximité.

La desserte de ce complexe, malgré le projet de création d’une gare du futur Grand Paris Express, requerra de façon majoritaire le recours à la voiture. Cet aménagement contribuera donc à la congestion du trafic, déjà très dense dans ce secteur, à la dégradation de la qualité de l’air, mais aussi à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, l’implantation du projet est incompatible avec les objectifs de préservation des terres agricoles et de lutte contre l’artificialisation des sols inscrits notamment dans le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF. Le projet EuropaCity consommerait à lui seul 80 hectares de terres agricoles, qui sont les plus fertiles d’Île-de-France et sont nécessaires à la satisfaction des besoins alimentaires de la capitale dans le cadre de circuits courts d’approvisionnement.

Malgré plusieurs avis défavorables, le plan local d’urbanisme de la ville de Gonesse, révisé en octobre dernier, autorise l’ouverture à l’urbanisation du triangle de Gonesse. Le commissaire enquêteur a également rendu des conclusions défavorables, relayant des préoccupations de la population exprimées lors de la concertation.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que m'interroger sur la compatibilité du projet, dans son état actuel, avec les politiques de transition écologique et solidaire que Nicolas Hulot et moi-même soutenons.

Nous avons néanmoins conscience que ce projet pourrait contribuer au développement économique régional, le triangle de Gonesse ayant été identifié comme un territoire stratégique pour le Grand Paris. Ce projet a été soutenu par le précédent gouvernement et continue d’être accompagné par un opérateur de l’État. Aussi semble-t-il nécessaire d’engager, sur ce dossier, un travail interministériel, en tenant compte des attentes des collectivités concernées, pour redéfinir la position du Gouvernement et étudier quelles pourraient être les alternatives ou évolutions possibles.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, je prends bonne note de votre réponse et de votre engagement. Je constate que nous nous rejoignons sur plusieurs points, notamment sur la question environnementale.

Ce projet, qui est d’intérêt régional et même national, nous amène à nous interroger sur notre vision de la société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous, demain, de grands ensembles d’immobilier commercial où le consumérisme et l’argent sont rois ? Ou souhaitons-nous plutôt tendre vers un autre modèle de développement, plus respectueux de l’environnement et des citoyens, privilégiant les circuits courts en matière d’alimentation et les commerces de proximité ?

En tant qu’élu de Seine-Saint-Denis, département qui connaît un taux de chômage élevé, j’entends aussi qu’un grand projet de ce type est source d’emplois. Pour autant, si l’on évalue à 12 000 le nombre d’emplois qui pourraient être créés avec ce projet, d’autres études dignes d’intérêt montrent que, en parallèle, plusieurs milliers d’emplois pourraient être détruits dans les centres commerciaux, les parcs de loisirs et commerces existants. Le gain d’emplois n’est donc pas garanti.

C’est pourquoi il est nécessaire de poursuivre le débat, et j’espère que les élus locaux et les associations qui se mobilisent sur le terrain y seront associés.

qualité des infrastructures de transport dans l’aisne

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 005, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

M. Antoine Lefèvre. Il s’agit d’une question récurrente, puisqu’elle a déjà été évoquée en 2009, en 2012 et en 2015, davantage par les élus que par nos gouvernants, hélas… Nous sommes presque en 2018 et, à nouveau, il nous faut intervenir pour essayer d’obtenir, à défaut de réponses rassurantes, à tout le moins une écoute compréhensive. Le temps est maintenant venu, puisqu’il paraît que nous sommes rentrés dans une nouvelle ère, où seront – je cite l’exécutif – « privilégiés les transports du quotidien avec la rénovation et la modernisation des lignes existantes ».

Mon département, l’Aisne, est situé sur l’axe stratégique qui relie Paris à la Belgique, et constitue par conséquent une voie de passage très empruntée, que ce soit par route ou par rail. Malgré cet intérêt et cette forte fréquentation, ses infrastructures terrestres et ferroviaires ne bénéficient toujours pas des investissements nécessaires à leur pleine exploitation, d’où un engorgement chronique et une dégradation des conditions de transport des voyageurs.

Les élus du département et du conseil régional se sont mobilisés en faveur de l’amélioration et du doublement des voies de la RN2, du maintien de la ligne ferrée Laon-Paris et de la réalisation de travaux sur cette ligne aux côtés de la SNCF, ou encore du maintien de la ligne de fret Fismes-La Ferté-Milon afin d’assurer la continuité de l’activité économique locale.

Les collectivités territoriales ont mis la main à la poche, alors même que certaines ne sont plus concernées par cette compétence. L’État doit participer à cet effort, d’autant plus indispensable aux yeux de l’ensemble des élus qu’il conditionne grandement le développement économique du territoire départemental, déjà fortement altéré.

Concernant les travaux sur la RN2, quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre, et selon quel calendrier, afin d’accélérer la nécessaire amélioration de cette infrastructure et sa mise à deux fois deux voies jusqu’à la frontière nord-est ?

Concernant la ligne ferrée Paris-Laon, comment compte-t-il préparer l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs, afin de concilier la prise de responsabilité croissante de la région et le maintien d’une infrastructure adéquate et performante ?

Plus spécifiquement, le développement de la navette CDG Express, qui doit relier l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à la gare de l’Est, a franchi, le 29 décembre 2016, une nouvelle étape avec la publication de la loi s’y rapportant. Cette navette devra emprunter, à compter de 2023, le tronçon des voies ferrées qui est utilisé par les TER Picardie de la ligne Paris-Laon, sur vingt-quatre des trente-deux kilomètres de la nouvelle ligne, ainsi que par la ligne K du Transilien et par le RER B.

Devant cette situation, le secrétaire d’État aux transports du précédent gouvernement avait affirmé que le développement de cette navette « ne se réaliserait pas au détriment des transports du quotidien ». Nous souhaitons être pleinement rassurés à ce sujet, les usagers de la ligne Paris-Laon subissant d’ores et déjà des perturbations récurrentes –ponctualité déficiente, suppressions de trains, mauvais état de la ligne, etc. –, d’autant que des menaces ont longtemps pesé sur la pérennité de cette ligne à l’horizon 2024. Il en va de même pour la ligne Hirson-Laon, menacée quant à elle de suppression à l’horizon 2022.

Enfin, je voudrais évoquer la fermeture, à compter du 3 avril 2016, de la ligne de transport de passagers Fismes-Fère-en-Tardenois-La Ferté-Milon et le nécessaire maintien de la desserte marchandises qui irrigue cette partie sud du département. La survie de plusieurs entreprises et des emplois afférents en dépend. L’une d’entre elles fabrique des rails et des aiguillages : ne serait-ce pas un comble qu’elle ne soit plus desservie par la SNCF ?

Je sais l’engagement de ma collègue Pascale Gruny sur ce dossier. Elle a reçu la semaine dernière des réponses de la SNCF. Celle-ci semble enfin s’engager, aux côtés de la région et du département, qui apporteront 25 millions d’euros sur les 30 millions d’euros nécessaires, sur la réalisation de travaux devant débuter en 2018 et s’étaler sur plusieurs années. Cependant, les conventions et protocoles ne sont toujours pas signés.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Antoine Lefèvre. Alors que cette semaine est dédiée aux maires de France, réunis en congrès à Paris, et que le président du conseil départemental de l’Aisne, Nicolas Fricoteaux, doit rencontrer le 28 novembre prochain votre collègue Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, pour évoquer les actions nécessaires au développement du territoire axonais, j’en appelle au Gouvernement pour qu’un œil bienveillant se pose enfin sur nos territoires ruraux et leurs infrastructures de transport.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, qui ne pouvait malheureusement être présente aujourd’hui, m’a demandé de vous répondre.

Je tiens à vous assurer de toute l’attention que porte l’État à la RN2. Le contrat de plan État-région 2015-2020 a d’ores et déjà inscrit la poursuite de l’aménagement de la RN2 dans l’Aisne, en particulier entre Paris et Laon.

Plusieurs études et programmes d’amélioration d’itinéraires sont également en cours, en particulier à Silly-le-Long, sur la déviation de Soissons ou, au nord du département, sur la section de la RN2 comprise entre Laon et Avesnes-sur-Helpe.

Concernant la ligne de TER Paris-Laon que vous avez évoquée, la régularité constatée sur cet axe, malgré une progression, reste encore insuffisante : cela tient largement à l’état vieillissant des infrastructures, qui nécessite la réalisation d’opérations lourdes de maintenance entraînant des ralentissements et un aménagement du plan de transport avec des substitutions routières, notamment le week-end. En tant qu’autorité organisatrice de transports, la région Hauts-de-France est responsable de la définition du niveau de service attendu sur l’axe Paris-Laon.

Concernant l’ouverture à la concurrence des TER que vous avez mentionnée, la mission confiée par le Gouvernement à Jean-Cyril Spinetta vise précisément à en déterminer les conditions de réussite. Les conclusions de cette mission sont attendues pour le début de 2018.

Quant à la liaison CDG Express, elle utilisera en effet les mêmes voies que les vingt-sept circulations quotidiennes du TER Paris-Laon entre La Plaine Saint-Denis et Mitry-Mory, ainsi que les circulations de la ligne K du Transilien Paris-Crépy-en-Valois. Pour autant, l’ensemble des études déjà menées sur l’exploitation ferroviaire du CDG Express a montré la compatibilité de celle-ci avec ces différentes circulations, notamment celle du TER, qui pourra conserver ses horaires. La commission d’enquête publique l’a d’ailleurs confirmé.

Soyez ainsi assuré, monsieur le sénateur, que, conformément aux priorités nationales qu’il s’est fixées, le Gouvernement entend bien apporter de réelles améliorations aux liaisons du quotidien, sur les réseaux tant ferroviaires que routiers.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je remercie Mme la secrétaire d’État de ses propos. Je constate que le Gouvernement partage en partie mon analyse. Le 15 novembre, Mme Borne, ministre chargée des transports, a déclaré que les Français attendaient que l’on s’occupe d’abord des transports de la vie quotidienne et que cela faisait très longtemps que les réseaux de province n’avaient pas été modernisés. Il était temps que l’on s’en rende compte à Paris… Je vous invite à venir à Laon pour le constater de vos propres yeux, madame la secrétaire d’État !

grand contournement autoroutier de bordeaux

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 076, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

M. Philippe Madrelle. Au mois de janvier, à cette même tribune, j’interpellais le prédécesseur de Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, sur le problème récurrent de la saturation et de la paralysie du trafic routier sur la rocade bordelaise, qui cumule les déplacements quotidiens des habitants de la métropole et le passage d’un trafic de transit français et européen.

Les chiffres, qui ne cessent d’augmenter, sont éloquents et suffisent à traduire cette réalité, qui empoisonne le quotidien de milliers d’automobilistes : plus de 100 000 véhicules circulent chaque sur le pont d’Aquitaine, et plus de 140 000 sur la rocade est. La rocade bordelaise supporte des trafics moyens hors du commun, de l’ordre de 265 000 véhicules par jour. Chaque automobiliste communautaire doit consacrer 1 heure 20 à ses déplacements quotidiens. Il faut savoir que, de janvier à septembre, la circulation a augmenté de 2,5 % sur l’intrarocade rive droite et que, sur l’intrarocade Bordeaux-Nord, le trafic a progressé de plus de 3,3 %. En cinq ans, le trafic des poids lourds a crû de plus de 12 %.

Une telle saturation du trafic se traduit d’ores et déjà par le gaspillage d’au moins 60 000 heures, perdues quotidiennement sur la rocade, et, au-delà, par des conséquences économiques et environnementales dont je chiffre le coût à près de 1 million d’euros par jour.

Quotidiennement, le point noir routier de Bordeaux est cité sur toutes les radios. Plus de 3,5 millions de déplacements sont effectués quotidiennement à l’intérieur de l’agglomération bordelaise et les projections les plus sérieuses annoncent une progression effrayante, à hauteur de plus de 2 millions, du nombre de ces déplacements, ce qui fait craindre le pire.

On aurait pu espérer que les travaux d’élargissement de la moitié sud de la rocade ouest, ainsi que les travaux concernant la moitié nord de la rocade ouest, permettraient de fluidifier le trafic, mais force est de constater qu’il n’en est rien.

En 1989, alors président du conseil départemental, j’avais émis l’idée de réaliser un grand contournement autoroutier, projet qui a été abandonné à cause des conclusions du Grenelle de l’environnement. Au moment où le président de la métropole bordelaise, Alain Juppé, pointe la nécessité urgente de réaliser une telle infrastructure, je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, connaître les intentions du Gouvernement au sujet de la construction de ce contournement autoroutier.

La création d’une telle infrastructure est vitale pour l’agglomération bordelaise, comme le fut, pour d’autres territoires, celle du pont de Normandie, du viaduc de Millau, de la dernière ceinture autoroutière lyonnaise ou du doublement de l’autoroute A9 de Montpellier, dont plus personne ne conteste l’utilité.

Classée troisième agglomération la plus congestionnée de France, la métropole bordelaise risque l’asphyxie. Le paradoxe est que l’on peut désormais rejoindre Paris en deux heures, alors que l’on peut mettre deux heures pour faire quinze kilomètres sur la rocade. Vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, qu’il y a véritablement urgence.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, je vous réponds au nom d’Élisabeth Borne, ministre chargé des transports, qui n’a malheureusement pas pu être présente aujourd’hui.

Le Gouvernement est sensible à la problématique de la congestion du trafic sur la rocade bordelaise, qui combine un trafic local, largement majoritaire, et un trafic de transit. Comme vous le soulignez, un grand contournement autoroutier avait été envisagé, voilà plus d’une dizaine d’années, afin d’écarter le trafic de transit de cet itinéraire. Il s’agissait d’une infrastructure autoroutière d’une centaine de kilomètres en tracé neuf, d’un coût estimé à plus de 1 milliard d’euros.

Conformément aux orientations du Grenelle de l’environnement, ce projet a été abandonné en 2008. Il ne répondait pas à une nécessité de sécurité ou d’utilité collective et présentait un impact non négligeable sur l’environnement.

De nouvelles propositions de contournement de Bordeaux ont été émises récemment par la métropole. Elles concernent la création d’un barreau autoroutier entre les autoroutes A62 et A89, à l’est du département de la Gironde. Elles sont actuellement étudiées par le Conseil d’orientation des infrastructures, qui est chargé, dans le cadre des assises de la mobilité, de proposer au Gouvernement une loi de programmation de nos infrastructures de transport, financièrement équilibrée, à un horizon de cinq ans.

L’État est conscient des problèmes de congestion que rencontrent quotidiennement les usagers de la rocade bordelaise. C’est pourquoi, depuis 2009, il s’est fortement engagé aux côtés de la métropole pour son élargissement à deux fois trois voies, afin de la sécuriser et de diminuer les temps de parcours.

Les résultats sont très positifs : les trafics sur la rocade ont été fluidifiés et les voiries urbaines délestées. Mais soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement restera vigilant s’agissant du traitement de ces nœuds de congestion routière qui se développent autour des métropoles françaises et pénalisent fortement la vie quotidienne des Français.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je ne suis pas convaincu. Hier soir, j’ai reçu, avec mes collègues sénateurs du département, un certain nombre de maires de Gironde qui se disent prêts à monter au créneau.

La situation est très difficile. On constate une véritable thrombose sur le pont d’Aquitaine. Si je suis intervenu de nouveau sur cette question récurrente, c’est qu’il y a une réelle exaspération des utilisateurs quotidiens de cette rocade. À mon sens, il s’agit d’une véritable gabegie économique. La colère gronde. Le quotidien Sud-Ouest s’en fait l’écho très régulièrement.

Lors de la récente visite du Premier ministre, M. Édouard Philippe, à Bordeaux, Alain Juppé et moi-même sommes intervenus vigoureusement pour appeler l’attention sur cette réalité qui empoisonne la vie des Girondins. Vous le voyez, cette question transcende les idéologies et les étiquettes politiques. J’ai d’ailleurs lu récemment dans Sud-Ouest les déclarations d’un responsable économique éminent, ne partageant certainement pas mes orientations politiques, qui regrette que le projet du grand contournement de Bordeaux, que j’avais lancé il y a bien longtemps, ait avorté.

Vous avez évoqué un coût de 1 milliard d’euros, mais le problème du financement d’une telle infrastructure peut être réglé par l’attribution d’une concession à une société autoroutière. En 1989, je m’en souviens, quatre ou cinq grandes sociétés étaient dans les starting-blocks. Ainsi, on solliciterait non pas les contribuables, mais les utilisateurs.

Madame la secrétaire d’État, je lance un cri d’alarme. Je suis heureux qu’Alain Juppé, maire de Bordeaux, partage ma conviction. Je vous assure qu’il y a un vrai problème. Je le répète, il faut maintenant deux heures pour aller de Bordeaux à Paris, et parfois davantage pour faire quinze kilomètres sur la rocade. C’est une gabegie insupportable !

inquiétudes sur le calendrier et le tracé du grand paris express

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 083, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Laurence Cohen. Le Grand Paris Express, ce futur métro qui doit compter 200 kilomètres de lignes automatiques et soixante-huit nouvelles gares, est sur les rails, si j’ose dire, les premiers travaux préparatoires étant en cours et un premier tunnelier devant bientôt entrer en action.

En tant qu’ancienne conseillère régionale et administratrice du Syndicat des transports d’Île-de-France, je peux témoigner de la qualité des débats publics qui ont conduit, en 2010, à l’élaboration du tracé, de façon très collective et participative, pour desservir le maximum de territoires, au plus près des besoins des populations.

Sans qu’il faille l’opposer à la nécessaire amélioration de l’existant, la réalisation du Grand Paris Express est très attendue par les Franciliens et les Franciliennes, d’où les inquiétudes légitimes qui émergent depuis quelques mois s’agissant des éventuels retards de calendrier ou d’une modification du tracé initial.

Les derniers chiffrages de la Société du Grand Paris font état d’un surcoût d’environ 10 milliards d’euros, tandis qu’un rapport du préfet de région évoque des optimisations de dépenses : autant d’éléments faisant craindre aux élus locaux et aux habitants que la réalisation de certains tronçons puisse être abandonnée ou retardée, peut-être au profit d’autres, plus en lien avec les jeux Olympiques, par exemple.

Certes, le Président de la République a coupé court à certains doutes, en annonçant récemment le maintien de la ligne 16 et sa réalisation pour 2024. C’est une bonne nouvelle pour les territoires concernés, qui en ont tant besoin, et j’espère qu’il ne les décevra pas. Mais qu’en est-il des autres lignes ? Élue val-de-marnaise, je sais que les lignes 15 Sud et 14 Sud ne sont pas particulièrement menacées, mais je suis en revanche beaucoup plus dubitative en ce qui concerne la ligne 15 Est. Il ne s’agit pas ici pour moi de défendre une vision parcellaire, telle ligne plutôt que telle autre : le Grand Paris Express est un schéma d’ensemble, conçu pour bien fonctionner une fois toutes les lignes réalisées.

En ce sens, je rejoins la motion votée le 9 novembre dernier par le conseil d’administration Orbival, cette association qui rassemble des élus de toutes les sensibilités politiques, pour demander le maintien de tous les projets en cours, chacune et chacun ayant pour seul objectif le développement des transports publics.

Le Gouvernement peut-il à présent préciser ses intentions sur le respect du calendrier et sur le maintien du tracé dans son intégralité, afin de lever toutes les incertitudes concernant un projet d’infrastructure de transport très attendu ? Il s’agit du quatrième projet d’infrastructure dans le monde, et les retombées économiques en matière d’emploi et d’aménagement du territoire seront colossales.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, n’a malheureusement pas pu être présente aujourd’hui et m’a donc chargée de vous répondre.

Vous l’interpellez sur le projet du Grand Paris Express, craignant que celui-ci ne soit remis en cause. Je souhaite vous rassurer : le Gouvernement est tout aussi conscient que vous de l’importance du projet du Grand Paris Express. Sa réalisation est indispensable pour maintenir l’Île-de-France dans les tout premiers rangs des métropoles mondiales et faciliter la mobilité quotidienne de l’ensemble des Franciliens.

Le Président de la République l’a rappelé récemment : ni l’opportunité ni le schéma d’ensemble de ce projet ne sont remis en cause. D’importants travaux ont démarré depuis maintenant près de dix-huit mois. Le premier tunnelier entrera en action dès le début de l’année prochaine à Champigny-sur-Marne, dans votre département, madame la sénatrice.

Pour autant, des évolutions récentes posent question.

D’une part, l’attribution à Paris de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 amène à considérer le calendrier pour s’assurer que les infrastructures prioritaires seront bien livrées à temps. D’autre part, des surcoûts très importants sont apparus, à cause notamment de la difficulté des travaux souterrains.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre a chargé le préfet de région de faire un point précis sur le programme de réalisation du Grand Paris Express, en tenant compte de tous ces éléments.

Le préfet a remis son rapport à la fin du mois de septembre et ses propositions sont en cours d’analyse. Le Gouvernement annoncera ses choix très prochainement, en vue de préserver au mieux les objectifs de ce projet essentiel pour l’Île-de-France, tout en retenant un calendrier techniquement réaliste et compatible avec la trajectoire de nos finances publiques.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. J’entends bien qu’il est nécessaire de prendre en compte certaines évolutions, notamment l’organisation des jeux Olympiques, ainsi que des surcoûts.

Cela étant, j’y insiste, l’Île-de-France a vraiment besoin que ce projet soit mené à terme. Le réseau du métro existant est saturé, fatigué, les pannes se succèdent chaque jour, les Franciliennes et les Franciliens sont épuisés. L’extension du réseau est donc nécessaire pour remédier à ces difficultés et renforcer les liaisons entre banlieues.

Par ailleurs, j’ai bien compris que, à la suite de la remise du rapport du préfet de région le Gouvernement allait faire ses choix et en avertir la population et les élus. Cependant, j’appelle de nouveau l’attention sur la nécessité d’une concertation très étroite avec les élus et d’une grande transparence. Il convient de ne pas prendre des décisions unilatérales qui pénaliseraient quelque territoire que ce soit.

Enfin, le Gouvernement doit faire très attention à ne pas donner un signal négatif, comme celui qui consisterait à privilégier le Charles-de-Gaulle Express, ce projet pharaonique plutôt destiné à répondre aux besoins des hommes d’affaires, au détriment des transports du quotidien pour des millions de Franciliennes et de Franciliens.

Je voulais insister sur ces points ce matin, et je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour vous faire le relais de mes préoccupations auprès de Mme la ministre chargée des transports.

avenir de la ligne nouvelle paris-normandie

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteur de la question n° 089, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Corinne Féret. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur l’avenir de la ligne nouvelle Paris-Normandie, projet dont la réalisation est sans cesse retardée.

Depuis le 1er juillet 2017 et l’inauguration en grande pompe de deux nouvelles lignes à grande vitesse, Rennes n’est plus qu’à 1 heure 25 de Paris et Bordeaux à 2 heures 04. Ces chiffres font rêver les Calvadosiens, qui, à l’inverse, ne peuvent que déplorer la vétusté des infrastructures et des matériels roulants de leur réseau ferré, obsolète et délabré.

Il faut en effet toujours compter 1 heure 55, au mieux, pour effectuer le trajet entre Paris et Caen, alors que seulement 230 kilomètres séparent les deux villes. Si l’Atlantique se rapproche de la capitale, la Manche reste une zone non prioritaire, totalement transparente pour l’État et la SNCF.

Au regard de ce triste constat, le souhait du Gouvernement de mettre en pause une vingtaine de projets d’infrastructures en cours, dont celui de la ligne nouvelle Paris-Normandie, la LNPN, ne peut que susciter l’inquiétude.

Rapprochant la Normandie et l’Île-de-France, la LNPN se veut largement connectée au réseau ferroviaire existant. L’objectif n’est pas seulement de réduire les temps de parcours, mais aussi d’augmenter durablement la capacité des lignes, d’assurer une meilleure régularité et ponctualité des trains, ainsi que de renforcer la desserte des territoires, des villes et des ports.

Au-delà du transport de passagers et de marchandises, c’est bien l’aménagement de la vallée de la Seine, de la baie de Seine et la politique maritime de la France qui se jouent ici. À cet égard, personne ne peut comprendre aujourd’hui, à l’heure où les grandes métropoles mondiales choisissent l’ouverture maritime, que la Normandie voie ses perspectives de développement freinées par un réseau ferré inadapté et vieillissant.

S’agissant de la LNPN, on évoque désormais 2030 pour la desserte de l’ancienne Haute-Normandie et 2050 pour celle de Caen et de Cherbourg. Autant dire que le projet est renvoyé aux calendes grecques ! C’est vraiment faire peu de cas des difficultés récurrentes rencontrées par les usagers des lignes ferroviaires normandes, comme ceux de la ligne Paris-Caen-Cherbourg, que je connais bien.

Comme l’a admis en 2010 le président-directeur général de la SNCF, cet établissement public, et donc l’État, ont « une dette envers la Normandie ». Il est grand temps que cette région prenne toute sa place dans le réseau ferroviaire français.

Madame la secrétaire d’État, à l’heure où se tiennent les assises nationales de la mobilité, censées déboucher sur une loi de programmation, pouvez-vous nous confirmer que la LNPN est toujours une priorité pour l’État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous réponds en lieu et place de Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui n’a malheureusement pu être présente au Sénat aujourd’hui.

Le Gouvernement a pleinement conscience des fortes attentes que suscite la desserte ferroviaire de la Normandie. Elle n’offre clairement pas aujourd’hui un niveau satisfaisant de qualité, en raison du trafic important qui perturbe souvent la partie de la ligne actuelle la plus proche de Paris.

Le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie vise à y remédier. Il en est actuellement au stade des études de définition. Des zones de passage préférentielles ont été proposées lors du comité de pilotage, réuni le 26 octobre dernier, pour les sections considérées comme prioritaires. Le Gouvernement se félicite du très large consensus qui ressort des travaux de cette instance.

Toutefois, comme vous le rappelez, le Gouvernement a souhaité engager une démarche inédite pour le financement de nos infrastructures. La définition d’une loi de programmation, financièrement équilibrée à un horizon de cinq ans, permettra de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs. Elle permettra aussi de faire face à l’impasse budgétaire actuelle de 10 milliards d’euros résultant d’engagements disproportionnés pris par le passé. Cette loi sera présentée au Parlement au premier semestre de 2018.

Il s’agit d’une pause, et non d’une remise en cause du projet. Des propositions seront formulées par le Conseil d’orientation des infrastructures sur les grands projets ferroviaires. Nous recherchons déjà les solutions d’optimisation des réseaux afin de renforcer rapidement l’offre de service. C’est le sens des travaux engagés autour du complexe ferroviaire de Saint-Lazare, qui est déterminant pour la Normandie.

Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement restera mobilisé pour apporter des réponses efficaces à une situation effectivement pénalisante pour des milliers d’usagers.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. J’ai bien entendu l’affirmation renouvelée de l’intérêt du Gouvernement pour ce projet essentiel pour notre grande et belle région. J’ai bien noté aussi qu’il s’agit d’une pause, et non d’une remise en cause.

Permettez-moi d’insister sur la situation que vivent les usagers quasiment au quotidien. Les Normands sont malheureusement les éternels oubliés de la SNCF. Cela ne peut plus durer.

Encore cette année, lorsqu’a été lancée la nouvelle offre d’abonnement illimité pour les jeunes valable sur les TGV et les trains Intercités, aucune ligne normande n’était concernée. Ce n’est pas normal. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire des trains Intercités en Normandie. Je connais particulièrement la ligne Paris-Caen-Cherbourg, qui a été classée en 2011 par la SNCF parmi les douze lignes dites « malades » du réseau national. Les trains sont bondés, les conditions de voyage sont souvent déplorables, les incidents techniques sont fréquents, parfois le train est même annulé, faute de conducteur… Tout cela méritait d’être rappelé, car tel est le quotidien des usagers de cette ligne.

Cette année, entre le 1er janvier et le 9 novembre, on comptait déjà 125 heures de retards cumulés sur les trains à forte fréquentation. Vous le comprenez bien, cette situation porte atteinte à l’image de la Normandie, du Calvados plus précisément, et, partant, au développement économique et à l’attractivité de notre territoire.

Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour transmettre ce message à Mme Borne, ministre chargée des transports.

transfert du site de l'école nationale supérieure maritime de saint-malo

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteur de la question n° 086, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Sylvie Robert. Le hasard fait parfois bien les choses : ma question porte sur le transfert du site de l’École nationale supérieure maritime de Saint-Malo, or, à ma connaissance, le Premier ministre viendrait d’y apporter des éléments de réponse plutôt positifs au Havre, tout à l’heure, à l’occasion des assises de l’économie de la mer. Je m’en félicite, mais, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais en avoir la confirmation.

Forte de sa tradition maritime et de ses atouts en la matière, la Bretagne concourt à la formation de celles et ceux qui embrassent une carrière maritime. À cet égard, l’ENSM de Saint-Malo joue bien évidemment un rôle essentiel, au côté d’autres organismes.

En décembre 2016, en partenariat avec l’ENSM, la région Bretagne, la communauté d’agglomération du pays de Saint-Malo et la ville ont souhaité insuffler une nouvelle dynamique à l’école, en l’intégrant à un projet territorial moderne et réfléchi.

Il s’agissait de délocaliser l’ENSM, présentement située au sein de la ville close, pour la rapprocher du lycée public maritime Florence-Arthaud. L’intérêt d’une telle opération réside notamment dans les mutualisations attendues entre l’ENSM et l’établissement du secondaire.

Au-delà des marges de manœuvre dégagées et des synergies réalisées, les liens pédagogiques entre l’école et le lycée public pourraient aboutir à un continuum pour l’ensemble des formations, donnant peut-être une portée concrète à l’idée, évoquée par le Premier ministre ce matin, de la création d’une académie maritime.

À terme, et d’un point de vue plus prospectif, un tel rapprochement peut enclencher un mouvement très favorable, à travers l’ouverture de nouveaux sites, dans le secteur de l’aéronautique en particulier, et être ainsi un premier pas vers la constitution d’un pôle maritime d’excellence.

Puisqu’aujourd’hui, notamment depuis ce matin, nous savons la volonté du Gouvernement de permettre des rapprochements intelligents, j’aimerais cependant, madame la secrétaire d’État, que vous précisiez certains points quant à la concrétisation de ce projet territorial structurant sur le maritime : mutualiser les fonctions supports entre l’école et le lycée public serait une bonne chose, mais pouvez-vous nous garantir que ce rapprochement maintiendra le haut niveau de qualification prodigué par l’ENSM et n’affectera pas les équipes et le projet pédagogique, qui ne doivent faire l’objet d’aucune économie ? La qualité de la formation dispensée aux étudiants doit à mon sens demeurer la priorité. C’est évidemment un facteur d’attraction et de rayonnement pour Saint-Malo, pour la Bretagne, mais aussi, comme l’a dit le Premier ministre, pour notre pays tout entier.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie par avance de bien vouloir m’apporter ces précisions.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice, je vous réponds à la place de Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, qui n’a pu être présente aujourd’hui.

Je ne vais pas entrer maintenant dans le détail de ce qu’a annoncé M. le Premier ministre aujourd’hui. Je sais qu’il s’agit d’un projet important à ses yeux, ainsi que pour le Gouvernement.

L’École nationale supérieure maritime, qui a été créée en 2010 à partir des quatre écoles historiques de la marine marchande, a prouvé, en sept ans d’existence, qu’elle pouvait moderniser ses enseignements et diversifier son offre de formation. Le résultat de ces efforts est tangible, puisque l’attractivité de l’école auprès des lycéens s’améliore et que le taux d’emploi des ingénieurs-navigants à la sortie de l’école est supérieur à la moyenne des grandes écoles.

Le Gouvernement entend saisir l’occasion du nouveau contrat d’objectifs et de performance 2018-2020 pour franchir une nouvelle étape et affirmer l’ENSM comme une école maritime de référence à l’échelle tant nationale qu’internationale, en développant ses capacités pédagogiques, ses partenariats académiques et la recherche.

Cette ambition passe par la poursuite du processus de rationalisation de l’établissement, aujourd’hui en surcapacité. L’éclatement de l’équipe de direction entre quatre sites nuit également au portage du projet de développement.

Rechercher des économies sur les charges de structure ne signifie pas supprimer toute présence de l’ENSM à Saint-Malo ou à Nantes. Un travail est dans ce contexte engagé avec les acteurs des régions Bretagne et Pays de la Loire pour définir des projets qui permettront l’accueil de formations dans le lycée professionnel maritime de Saint-Malo et à l’École centrale de Nantes.

Au-delà, je vous engage à vous référer aux déclarations faites aujourd’hui par le Premier ministre sur cette question particulière.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. J’ai bien noté l’ambition du Gouvernement, dont je me félicite.

Je vous serais reconnaissante, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir transmettre à Mme Frédérique Vidal, ministre chargée de l’enseignement supérieur, le message suivant.

Le contexte breton, singulièrement à Saint-Malo, est aujourd’hui tout à fait favorable. Un certain nombre de réunions se sont déjà tenues. D’ailleurs, la région Bretagne s’est portée candidate pour être maître d’ouvrage du projet, dont la réalisation pourrait commencer très rapidement en cas d’avis positif.

Les mutualisations que j’évoquais ne seraient pas de nature à diluer l’ambition du projet de l’ENSM. Il est bien évidemment intelligent de mutualiser, mais il importe avant tout de bien marquer cette ambition, que ce soit en matière de statut, de gouvernance, de diplôme ou de formation, pour que l’ENSM soit, au côté d’autres écoles en France, un centre d’excellence reconnu au niveau tant national qu’international.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

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Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Éric Bocquet,

M. Yves Daudigny,

M. Guy-Dominique Kennel.

M. le président. La séance est reprise.

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Explications de vote sur l'ensemble de la quatrième partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Financement de la sécurité sociale pour 2018

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (projet n° 63, rapport n° 77 [tomes I à III], avis n° 68).

Mes chers collègues, je constate l’absence de Mme la ministre des solidarités et de la santé. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est scandaleux !

M. le président. Il me faut donc suspendre la séance en attendant son arrivée. Ce sera un utile rappel au règlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Madame la ministre, mes chers collègues, avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Explications de vote sur l'ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je rappelle que chaque groupe politique s’est vu attribuer un temps de parole de sept minutes.

La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la montagne du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 n’aura pas accouché d’une souris ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Philippe Dallier. Ce n’est déjà pas mal !

M. Michel Amiel. Vous êtes heureux de l’apprendre, mes chers collègues : je vous l’annonce !

Derrière un projet de loi qui, comme son nom l’indique, se doit d’aborder en premier lieu le financement des comptes sociaux transparaît l’adoption de mesures concrètes et nécessaires pour l’avenir de notre pays et de son système social.

Nos débats furent riches, denses et parfois houleux. Néanmoins, en dépit de désaccords, certes importants, sur des sujets que j’évoquerai tout à l’heure, un consensus a pu se dégager au moins sur deux points.

Nous sommes tous d’accord pour maintenir un système de protection sociale juste et solidaire, tout en le faisant évoluer face à la modernité, qu’il s’agisse du virage numérique ou d’une démographie médicale en berne. Nous voulons tous également revenir à l’équilibre en 2019 et attaquer la dette, d’ici à 2024, dans le cadre d’un budget sincère et réaliste.

J’aborderai rapidement, dans le temps qui m’est imparti, les grands points qui ont été abordés au cours de notre débat ; près de 600 amendements avaient tout de même été déposés sur ce texte !

En matière de financement, comme je l’ai dit, tout le monde est d’accord pour un retour à l’équilibre. Si le taux proposé pour l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l'ONDAM, a fait consensus, en revanche, deux grandes logiques s’affrontent en matière de recettes.

On trouve, d’un côté, les partisans d’une hausse de la TVA, sorte de dévaluation fiscale. Certes, cette mesure n’est pas sans intérêt sur le plan des échanges commerciaux. Néanmoins, à mes yeux, elle serait injuste, car elle s’appliquerait à tous de manière identique, quel que soit le niveau de revenus.

M. André Gattolin. Très bien !

M. Michel Amiel. De l’autre côté, se trouvent les tenants, dont je suis, d’une hausse de la CSG. Cette mesure nous paraît plus juste ; en particulier, elle garantit une solidarité intergénérationnelle, raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité exonérer les retraites au-delà d’un certain seuil.

Cette augmentation de la CSG me paraît donc la solution la moins injuste. Je regrette d'ailleurs, mes chers collègues, la caricature qui a parfois été faite de cette hausse. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Alors que notre système de protection sociale est fondé sur la solidarité intergénérationnelle, l’article 7 de ce texte avait selon moi trouvé un équilibre. Il se fonde sur l’idée que le travail doit payer et qu’il faut se battre contre le terme même de « travailleur pauvre ». On entend ainsi alléger les prélèvements sur revenus des actifs, via les suppressions des cotisations sociales et la hausse de la CSG.

Il n’y a pas de tabou, en tout cas pour moi, à exprimer le devoir de solidarité des jeunes générations envers leurs aînés ; il ne devrait pas y en avoir quant à la solidarité de la génération des « papy-boomers », à laquelle j’appartiens, envers les jeunes ; voilà la justice sociale intergénérationnelle !

Je citerai à ce propos Gilles Carrez, qui n’est pas franchement un gauchiste. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Enfin de bonnes références !

M. Christian Cambon. Ce n’est pas tous les jours !

M. Michel Amiel. Selon lui, sont responsables de ce problème non seulement les gouvernants depuis 1981 – excusez-moi du peu –, mais aussi toute une génération qui a voulu vivre au-dessus de ses moyens.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il disait autre chose aussi…

M. Michel Amiel. Rassurez-vous, monsieur Daubresse : j’ai tout lu !

Venons-en maintenant à la branche maladie. Les mesures concernant l’innovation ont fait consensus.

L’innovation en matière organisationnelle – téléconsultation et télé-expertise – entre dans le droit commun grâce à l’article 36. On innove aussi en matière de rémunération, en sortant du « tout paiement à l’acte » au profit de rémunérations forfaitisées ou de l’intéressement collectif au niveau des établissements. Tout cela reste guidé par la recherche d’une meilleure pertinence des actes.

Priorité sera donnée à la prévention : la maladie de bon pronostic est celle que l’on n’aura pas. L’obligation vaccinale est élargie, ce qu’il faudra assortir, madame la ministre, d’une vraie campagne d’information, y compris auprès de praticiens parfois réticents. La prévention du cancer du col de l’utérus est elle aussi encouragée ; je vous avais interrogée la semaine dernière sur le sujet. Enfin, on lutte contre le tabagisme par une fiscalité dissuasive.

Concernant la branche famille, le Gouvernement a décidé de donner la priorité aux familles les plus pauvres, en particulier monoparentales.

Au moment où cette branche redevient excédentaire, l’alignement des plafonds de l’allocation de base, de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou PAJE, et du complément familial a fait débat. Il est vrai que cela représentera, au terme de la montée en charge de cet alignement, une économie de 500 millions d’euros par an.

Rappelons, madame la ministre, que vous vous êtes engagée à mener une réflexion approfondie sur le devenir des allocations familiales : il s’agit, soit de préserver leur nécessaire universalité, soit de les faire évoluer vers un système plus social. De cette réflexion découlera un vrai choix de société en matière de politique familiale.

À propos de la branche vieillesse et du secteur médico-social, là encore, il nous faudra aborder la question à l’aune de l’allongement de l’espérance de vie. Deux réformes sont nécessaires : la réforme systémique des retraites, qui est à venir, mais aussi la transformation du secteur médico-social, à travers la création d’une cinquième branche.

Saluons tout de même la hausse de 2,6 % de l’ONDAM médico-social. Des mesures nouvelles se voient ainsi affectées 515 millions d’euros, somme qui permettra des créations de places et une meilleure prise en charge des pensionnaires d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD.

Saluons aussi la revalorisation, sur trois ans, du minimum vieillesse. Cela conduira à terme à une augmentation de plus de 500 millions d’euros des charges du Fonds de solidarité vieillesse, ou FSV, dont le déficit reste bien sûr préoccupant. Mais là, la solidarité intergénérationnelle va en sens inverse : il ne faut pas non plus oublier les seniors les plus défavorisés.

Voilà donc, mes chers collègues, survolé en quelques minutes ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. S’il introduit un certain nombre de mesures audacieuses et innovantes, il reste à mes yeux un texte de transition, en attendant les grandes réformes qui feront débat : la retraite, l’autonomie et, de façon plus générale, le vieillissement. On ne fera pas non plus l’économie d’une réflexion sur les allocations familiales, je le répète.

Le principal point d’achoppement sera le financement. Demain, nous nous retrouverons en commission mixte paritaire, afin de discuter de la façon dont chacun souhaite construire ce budget.

Au fil de nos débats, le texte originel a subi un dérapage : on décompte près de 7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Cela a dénaturé un équilibre qui – il faut bien le reconnaître – reste fragile. Aussi ne pourrons-nous voter le texte tel qu’issu des travaux du Sénat.

Au-delà de l’aspect purement financier, c’est aussi une affaire d’éthique que d’inscrire notre système de protection sociale dans la durée. En reprenant la dialectique de Max Weber, j’opposerai à une éthique de la conviction, certes respectable, une éthique de la responsabilité.

En m’exprimant ainsi, je pense aux jeunes générations et à celles qui sont encore à venir : il ne faudrait pas qu’elles regrettent d’être venues, comme écrivait Alfred de Musset, « trop tard dans un monde trop vieux ». (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après cinq jours de débats très denses sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, nous avons la confirmation que notre système de protection sociale fait l’objet d’une véritable destruction de la part du Gouvernement. L’équipe Philippe-Macron amplifie les choix antérieurs, dont on a pourtant pu constater les effets désastreux, de la loi HPST à la loi Touraine.

Durant cette semaine, ce sont en réalité deux visions de l’avenir de notre système de sécurité sociale qui se sont affrontées, voire deux projets de société diamétralement opposés.

La vision, que vous avez présentée, madame la ministre, avec « tact et mesure », pour plagier les termes de l’article du code de la santé publique censé lutter contre les dépassements d’honoraires – dispositions notoirement insuffisantes –, consiste à transformer la sécurité sociale en un système étatique et fiscalisé qui prendrait en charge uniquement les prestations sociales des plus précaires : les familles monoparentales, les privés d’emploi, ou encore les retraités les plus fragiles.

Les autres n’auront d’autre choix que de recourir à un système assuranciel qui les protégera en fonction de ce qu’ils peuvent payer. On est loin du principe : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. » Ce projet de privatisation de la santé rejoint totalement celui de la droite.

Notre vision est aux antipodes de ces choix : nous défendons un système de protection sociale pour toutes et tous. Certes, il doit évoluer, mais il faut continuer à le faire reposer sur ses principes fondateurs : la solidarité, l’universalité des prestations, la gestion démocratique et le financement par la cotisation sociale.

Dans ce projet de loi, vous raisonnez en termes de restrictions budgétaires, donc, malgré votre refus de le reconnaître, d’affaiblissement du service public de santé.

Ainsi, madame la ministre, lorsque je suis intervenue pour dénoncer le niveau de l’ONDAM hospitalier, fixé à 2,3 % pour 2018, et jusqu’en 2020, soit un manque à gagner de 4 milliards d’euros par an, vous m’ave z répondu : « Le système dysfonctionne, non par manque d’argent, mais parce que nous n’avons pas fait les réformes nécessaires. Je souhaite un changement de philosophie. Je vous propose une réforme de fond qui réduira la gabegie et concentrera les dépenses sur les soins utiles. » Malheureusement, contrairement à ce qu’a dit mon collègue, il n’y a pas de consensus : le groupe CRCE, et lui seul, a voté contre cet ONDAM.

Nous accueillons aujourd’hui, dans les tribunes de notre hémicycle, des femmes et des hommes qui travaillent au quotidien à l’hôpital avec des moyens en baisse ; ils jugeront ! Malgré votre refus de voir la réalité en face, madame la ministre, ils vous diront qu’ils subissent le non-remplacement des départs à la retraite et les fermetures des services.

Ainsi, au CHU Henri-Mondor de Créteil, de lourdes menaces pèsent sur les services de chirurgie cardiaque et hépatique, six ans après une lutte emblématique qui avait permis de sauver le premier. Ces personnels soignants, toutes catégories confondues, sont en souffrance, car on leur demande de faire toujours plus avec moins !

Ils subissent les suppressions de lits, la vétusté du matériel, la pression hiérarchique des gestionnaires, qui suppriment les 35 heures, la réduction du nombre des jours de réduction du temps de travail – les jours de RTT. C’est vrai sur tout le territoire, des hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, à l’hôpital de Bastia, en Corse. Vous dites qu’il faut réduire la « gabegie » quand ces agents parlent de « pénurie ». Là encore, ils apprécieront vos propos !

Refuser obstinément d’aller chercher des recettes nouvelles, notamment en mettant un terme aux exonérations de cotisations patronales et en taxant la finance, c’est ne pas créer les conditions pour désengorger les urgences, ne pas desserrer l’étau asphyxiant les hôpitaux, ne pas revitaliser et améliorer la psychiatrie de secteur, ne pas lutter contre les renoncements aux soins, ne pas combattre les déserts médicaux, ne pas garantir le suivi des personnes en perte d’autonomie, ne pas assurer un maillage territorial comprenant, pour le moins, un hôpital public de proximité, une maternité, un établissement médico-social, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, et un centre de santé par bassin de vie.

Madame la ministre, pourquoi n’êtes-vous pas aussi sévère avec les entreprises, qui bénéficieront en 2019 du versement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, ou CICE, dû au titre de 2018 et des réductions de cotisations pour environ 25 milliards d’euros ? Ne pensez-vous pas que le terme « gabegie » est plus approprié ici ?

Vous menez une politique des « deux poids, deux mesures ». Aucun article de ce PLFSS n’est consacré aux moyens de combattre la fraude patronale, qui s’élève pourtant à 20 milliards d'euros, tandis que vous traquez la fraude sociale sans commune mesure. Le Défenseur des droits a d’ailleurs mis en garde sur ce qui serait des erreurs de déclaration, plus que des volontés intentionnelles de fraude.

Tandis que vous justifiez la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les 100 foyers les plus riches, soit une perte de 3,4 milliards d’euros pour satisfaire les biens communs, vous vous acharnez sur les salariés et les retraités, en augmentant la contribution sociale généralisée, la CSG, de 1,7 %.

Nos amendements, conjugués à d’autres, ont permis de limiter un peu cette injustice. Ainsi, la Haute Assemblée, bien qu’elle n’ait hélas pas voté sa suppression, a tout de même rejeté la hausse de la CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité, pour les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap et pour les artistes auteurs.

Malheureusement, ces avancées, ainsi que les reculs que nous avons évités sur les articles portant sur la politique familiale risquent d’être balayés à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, comment ne pas regretter que la généralisation du tiers payant soit remise à plus tard ou que vous n’ayez pas entendu, madame la ministre, les nombreux Français qui auraient préféré un débat plus approfondi sur les conditions de l’extension vaccinale avant d’être mis devant le fait accompli ?

Enfin, nous serons très vigilants, dans les mois à venir, sur les engagements que vous avez pris concernant la limitation des prix des médicaments.

Mes chers collègues, en 2017, il n’est pas utopique, pour permettre une prise en charge à 100 % de tous les soins pour toutes et tous, de vouloir mettre à contribution le capital… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Oui, mes chers collègues, le capital !

M. Jean Bizet. Le grand capital !

Mme Laurence Cohen. Il n’est pas utopique non plus de répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, comme nous l’avons démontré avec mon collègue Dominique Watrin tout au long de ces débats.

Toutefois, ni le gouvernement Philippe-Macron ni la droite sénatoriale – on l’entend avec le brouhaha qui règne dans l’hémicycle – n’en ont la volonté politique.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour le groupe Union Centriste.

J’en profite pour le remercier du travail qu’il a mené, en qualité de rapporteur général de la commission des affaires sociales, au côté du président Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après les débats le plus souvent constructifs du premier PLFSS du quinquennat (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.) – j’ai assisté à tous les travaux de la semaine et puis donc vous le certifier, mes chers collègues –, plusieurs remerciements s’imposent.

Ils vont tout d’abord à mes collègues rapporteurs et aux administrateurs pour leur travail de préparation, ainsi qu’à M. le président de la commission, Alain Milon. Néanmoins, je vous en adresse aussi, madame la ministre, pour votre disponibilité et votre écoute, deux qualités essentielles pour conduire vos missions avec votre autorité bienveillante.

M. Philippe Bas. Fayot ! (Rires.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Non, je dis très simplement ce que tout le monde a ressenti lors de ces débats, indépendamment, d’ailleurs, de la place occupée dans l’hémicycle. (M. Philippe Bas fait un signe d’excuse.)

Enfin, je remercie évidemment l’ensemble de mes collègues présents d’avoir abordé, la semaine dernière, des sujets souvent passionnants, mais qui appellent des réponses très techniques.

Dans sa majorité, madame la ministre, le groupe Union Centriste du Sénat a reçu votre projet de loi avec un a priori positif. En effet, nous nous retrouvons en grande partie dans la vision de la politique sociale que vous comptez mener tout au long de ce quinquennat. Nous soutenons l’impératif d’équilibre des comptes sociaux, avec un ONDAM maîtrisé et, surtout, les objectifs et la méthode pour y parvenir. Ceux-ci tiennent en quelques mots : pertinence des actes, prévention et innovation. J’y ajouterai la révision de la tarification à l’acte à l’hôpital.

Le plan de lutte contre les déserts médicaux et l’attention que vous portez aux enfants et aux publics les plus fragiles, avec l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés – l’AAH – et du minimum vieillesse, sont ici partagés par tous.

L’approbation que nous apportons à votre politique générale trouve néanmoins ses limites avec l’article 7. Le Sénat dans sa grande majorité et notre groupe en particulier se sont opposés à la taxe additionnelle à la CSG pour les pensions des retraités supérieures au SMIC.

En effet, si nous souscrivons à la politique et à la philosophie générale de l’article consistant à redonner du pouvoir d’achat aux actifs, sa mise en œuvre apparaît très complexe et la participation des retraités ne nous semble pas opportune. En tout cas, elle est plutôt perçue comme injuste par les retraités eux-mêmes.

Plusieurs solutions de substitution ont été envisagées. Le groupe centriste avait notamment proposé de la remplacer par une légère hausse de la TVA, ce qui aurait permis de faire contribuer les consommateurs étrangers au financement de notre système de protection sociale. Pour ma part, je regrette que l’on ait laissé passer l’occasion de faire converger le taux normal de CSG applicable aux actifs et aux retraités pour un même niveau de revenus, bien sûr en exonérant les pensions de la taxe additionnelle.

Au-delà de cette question, madame la ministre, il faut poursuivre la réflexion sur la diversification des sources de financement de la sécurité sociale, car nous ne pourrons pas éternellement augmenter la CSG ou baisser les cotisations sociales.

Nous avons également supprimé, sur l’initiative de notre collègue rapporteur Élisabeth Doineau, l’article 26 relatif à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.

Par la suppression de cette mesure, qui ne revêtait aucun caractère d’urgence, nous avons souhaité en appeler à une réflexion d’ensemble sur la politique familiale de notre pays.

Le principe d’universalité a été remis en cause par votre prédécesseur, madame la ministre. Vous avez souhaité engager une réflexion sur la politique familiale : nous en attendons les fruits avec impatience.

Nous avons supprimé deux mesures, certes parmi les plus emblématiques, de votre PLFSS, mais nous regrettons aussi les votes négatifs du Sénat survenus, contre l’avis des rapporteurs et de la commission, sur certaines dispositions des articles 7 et 8.

Nous avons soutenu l’article 8 et, à cet article, les mesures de transformation du CICE en diminution des charges sociales en faveur des entreprises. Ces dernières pourront ainsi renouer durablement avec la compétitivité.

Nous vous avons également soutenue, madame la ministre, dans votre projet de supprimer le régime social des indépendants, le RSI, qui avait perdu la confiance des assurés depuis ses débuts, il faut le dire, chaotiques.

Toutefois, le Gouvernement n’a pas le droit à l’erreur et nous vous remercions d’avoir accepté plusieurs amendements pour garantir un portage politique fort en la matière et un pilotage efficace pour que cette réforme offre de meilleures conditions de recouvrement, notamment aux assurés.

Enfin, je voudrais de nouveau affirmer notre soutien sur trois axes de votre projet de loi : la prévention, l’encouragement des innovations et la pertinence des actes.

La prévention est essentielle, car elle permet d’éviter de nombreuses pathologies chroniques et, parfois, des épidémies. C’est ainsi que nous avons soutenu l’obligation de vaccination. Nous vous invitons surtout à renforcer la médecine scolaire, qui est dans une situation alarmante.

L’innovation est au cœur de votre politique : en matière d’organisation des soins, avec la promotion de la télémédecine, par exemple, ou pour lutter contre les déserts médicaux. Pour éviter les 30 % d’actes inutiles ou redondants que vous dénoncez, il faut espérer que cette année verra la mise en œuvre du dossier médical personnel, le DMP, permettant aux acteurs de terrain de proposer les soins les plus pertinents et les plus économiques.

Madame la ministre, mes chers collègues, la situation des finances sociales de notre pays s’améliore, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Je vous rappelle que la dette se situe toujours à un niveau très important, dépassant les 150 milliards d'euros, malgré la qualité de la gestion de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et du Fonds de réserve pour les retraites, le FRR.

Le Gouvernement ouvre de nombreux chantiers : stratégie nationale de santé, lutte contre les déserts médicaux, politique familiale et réforme systémique des retraites – celle-ci devra rassurer les 40 % des Français qui craignent de ne pas percevoir à l’avenir de retraite. Notre groupe sera un partenaire exigeant. Nous vous soutiendrons de manière constructive, si la concertation avec le Parlement s’affirme encore plus.

Le présent PLFSS, premier chapitre de cette relation, en est une bonne illustration et un bon gage pour l’avenir. Par conséquent, le groupe Union Centriste le votera, dans sa version modifiée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quel regard le groupe socialiste et républicain porte-t-il sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à l’issue d’une semaine de débats où des visions bien différentes de l’avenir de notre protection sociale se sont dessinées ? Un regard contrasté, mêlant satisfaction, déception et interrogation.

Nous sommes effectivement satisfaits quand le Sénat supprime la hausse de 1,7 point de la CSG applicable aux retraités – nous avions déposé un amendement identique à celui qui a été adopté –, mais aussi quand les personnes dédommagées au titre de la prestation de compensation du handicap sont exonérées et qu’une compensation de cette hausse de CSG est mise en place pour les artistes auteurs.

Notre satisfaction est grande, encore, quand le Sénat réaffecte les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, majorant ainsi la part de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, attribuée au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

Dans la troisième partie du projet de loi, relative aux recettes, nous nous félicitons de décisions obtenues, soit avec notre appui, soit sur notre initiative.

Je citerai la fin de l’inégalité de traitement devant les charges sociales des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, pour les tâches effectuées au domicile de personnes âgées ou en situation de handicap ; la possibilité de rendre cumulable le dispositif d’année blanche avec le dispositif d’exonérations partielles applicables aux jeunes agriculteurs ; l’offre « service emploi association » accessible aux entreprises de moins de 20 salariés ; l’exonération de la taxe sur les véhicules de société pour les véhicules fonctionnant au superéthanol E85 ; l’exclusion des médicaments génériques – c’est un point important – de la taxe sur le chiffre d’affaires des grossistes répartiteurs.

Je mentionnerai enfin plusieurs points déterminants dans la quatrième partie relative aux dépenses : la suppression de la baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, qui avait été envisagée par alignement du montant et des plafonds de ressources de l’allocation de base sur ceux du complément familial ; la réforme de la tarification de la dialyse, très attendue par les personnes concernées, à travers un forfait unique, adapté au profil de chaque patient, dispositif qui permettra le développement de la dialyse à domicile ; la suppression du dispositif d’ajustement à la baisse, au-delà d’un plafond de dépenses, des prix et tarifs des dispositifs médicaux et des prestations associées ; le rejet d’un amendement de la majorité sénatoriale visant à supprimer le pécule constitué par le cumul des allocations de rentrée scolaire des enfants confiés aux services d’aide sociale à l’enfance.

En revanche, je voudrais revenir sur quatre motifs de déception et de vive opposition à travers des rejets d’amendements.

Tout d’abord, le tiers payant généralisé, devenu généralisable. C’était, madame la ministre, un signe fort adressé aux familles ayant des revenus modestes, un instrument facilitant l’accès aux soins, déjà en place dans de nombreux pays européens. Nous serons attentifs au suivi du rapport qui sera remis en mars prochain.

Parmi ces sujets de déception ou d’opposition, figurent aussi la revalorisation du niveau minimum des pensions de retraite des exploitants agricoles, le report de la date de revalorisation des pensions de retraite du 1er octobre au 1er janvier, l’abaissement de 30 % à 20 % du taux des cotisations patronales sur la distribution d’actions gratuites par les grandes entreprises.

Nous confirmons, madame la ministre, notre soutien à l’ensemble des mesures de prévention. S’agissant de la forte augmentation du prix du tabac, elle exigera, dans le même temps, une lutte déterminée contre la contrebande et les contrefaçons. En ce qui concerne la taxe sur les boissons sucrées, nous avons compris que des négociations étaient encore en cours avec les fabricants. À ces mesures, s’ajoutent la consultation gratuite de prévention du cancer pour les femmes âgées de 25 ans et l’obligation vaccinale portée à 11 vaccins, que nous approuvons.

Nous confirmons aussi notre appui attentif aux mesures d’expérimentations organisationnelles et à l’inscription de la téléconsultation et de la télé-expertise dans le champ ordinaire de l’assurance maladie.

Enfin, le caractère universel de notre protection sociale, confirmé en 2016 avec la protection universelle maladie, est accentué par la disparition du RSI.

J’en viens à deux motifs d’inquiétude, mes chers collègues : l’hôpital et les autorisations temporaires d’utilisation – les ATU.

Tout d'abord, il y a urgence à redonner du sens et des moyens à l’hôpital public, réorganisé dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, et dont le forfait hospitalier est porté à 20 euros : vous avez affirmé – à plusieurs reprises, je crois – que l’hôpital n’était pas une entreprise, madame la ministre. Dix-huit ans après la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, toutes les conséquences doivent en être tirées en matière de gouvernance, modes de rémunération, liens avec la ville, organisation des urgences et financement des investissements.

Ensuite, il existe un risque de déstabilisation de notre système des ATU, qui est pourtant envié dans le monde entier, car il permet un accès rapide des malades aux médicaments en innovation de rupture. Madame la ministre, nous suivrons, avec beaucoup d’attention, votre prise en main de ce dossier.

Mes chers collègues, nous ne sommes ni dans la majorité présidentielle ni dans la majorité sénatoriale ; notre jugement ouvert sur les propositions formulées nous conduira à nous abstenir sur le vote final de ce projet de loi.

Ce projet de loi de financement n’est pas un acte isolé. Il doit être lu en miroir avec d’autres décisions ou positionnements. J’ai en tête, d’un côté, les déclarations radicales du président de Goldman Sachs, de l’autre, un étonnant rapport récent du FMI, que je vous invite à lire, mes chers collègues, ou encore un communiqué du Défenseur des droits, tirant la sonnette d’alarme sur la situation des enfants vulnérables et l’urgence d’un plan de lutte contre la pauvreté.

Entre le libéralisme ultime, qui ignore la dimension humaine, et un pays refermé sur lui-même, nous croyons fortement qu’il existe un espace politique pour affronter les réalités d’un monde global, en gardant les fondations de solidarité, de justice sociale et de lutte contre les inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, notre assemblée se réunit aujourd’hui pour donner un avis final sur l’ensemble du PLFSS pour 2018, au travers duquel sont proposées la maîtrise des dépenses de sécurité sociale, la mise en place d’innovations et d’expérimentations pour la résorption des déserts médicaux, enfin l’anticipation des transformations techniques et numériques de la santé.

Notre groupe soutient les objectifs de renforcement de l’accompagnement des plus fragiles et de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2020 et de la CADES en 2024.

Le Gouvernement envisage un effort de limitation de l’augmentation des dépenses de sécurité sociale à 2,1 % pour l’année prochaine, avec une diminution du déficit global à 2,2 milliards d'euros, contre 5,2 milliards d'euros en 2017. C’est une première étape sur la route d’un équilibre des comptes en 2020, et vous avez, madame la ministre, notre entier soutien dans cette démarche.

L’article 7 porte sur l’allégement – 3,5 points – des cotisations sociales des salariés : c’est une véritable mesure en faveur du pouvoir d’achat !

En contrepartie, une hausse de 1,7 point de la CSG est prévue. Notre groupe a souhaité proposer un amendement tendant à réduire la hausse de la CSG sur les pensions de retraite à 1,2 point. Cette mesure avait un coût – 1,3 milliard d'euros –, mais nous est apparue comme un entre-deux raisonnable, un juste équilibre entre l’effort demandé par le Gouvernement et l’amendement tendant à abroger cette hausse de CSG sur les pensions de retraite, avec une perte de recette de 4,5 milliards d'euros qui, d’après nous, créerait des difficultés pour l’équilibre financier du texte.

Deux propositions de cet article 7 vont dans le bon sens : l’exclusion de la hausse de la CSG pour les personnes qui perçoivent la PCH et la suppression du remplacement du taux de cotisation maladie des exploitants agricoles par un taux progressif en fonction du revenu.

L’article 8, relatif au soutien aux entreprises, transforme le CICE et le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS, en un allégement pérenne des charges patronales, dans la limite de 2,6 SMIC.

Nous avons soutenu la proposition d’autoriser les EPCI à bénéficier de l’exonération des charges sociales en contrepartie du travail au domicile des personnes âgées et handicapées. Nous avons aussi soutenu les exonérations des cotisations sociales des vendangeurs.

Nous avons voté en faveur de la fusion de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et de la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C4S, ainsi qu’en faveur de l’extension du dispositif chèque emploi service universel, le CESU, de la mise en place d’une année blanche pour tous les créateurs d’entreprises, du doublement du plafond des microentreprises ou de l’adossement du RSI au régime général. Toutes ces mesures nous semblent favorables aux entreprises.

Après l’article 9 du projet de loi, nous soutenons la mesure visant à exonérer partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités exerçant en zone sous-dense et, ainsi, à lutter contre les déserts médicaux.

Nous soutenons également les mesures de prévention du cancer du sein, cancer colorectal et cancer de l’utérus. Notre amendement relatif à la prévention du cancer de la prostate n’a pas été voté.

À l’article 12, portant sur l’augmentation des droits de consommation applicables au tabac, nous avons appuyé la mesure proposée par le Gouvernement. Néanmoins, nous nous inquiétons des effets d’une telle mesure sur les ventes parallèles et sur la situation des buralistes. Nous attirons donc l’attention du Gouvernement sur une hausse des droits prélevés sur les ventes de produits de la Française des jeux, afin de soutenir la profession.

À l’article 13, nous souhaitons saluer la mise en place de 11 vaccins obligatoires. C’est une mesure courageuse et importante pour la protection individuelle et collective.

Ainsi, mes chers collègues, la poliomyélite, qui faisait encore 4 000 morts en 1957, a été complètement jugulée par une vaccination à près de 100 %. Mais la couverture vaccinale dans le cas d’autres infections est encore insuffisante pour une protection collective. Je rappelle la gravité de la coqueluche chez le nouveau-né : dix morts ont été recensés en 2015. Nous soutenons donc totalement cette initiative.

La suppression du tiers payant était évidente, sauf pour les personnes en affections de longue durée – ALD –, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle – la CMU – et les femmes enceintes. Actuellement, un tel dispositif est effectivement complètement inapplicable.

À l’article 13, nous sommes d’accord avec la nouvelle fiscalité sur les boissons sucrées.

Quant à la politique familiale, nous avons été sensibles à la proposition faite à l’article 25 de majorer le complément du mode de garde de 30 % pour les familles monoparentales et nous avons voté, par la suite, l’amendement de Mme Élisabeth Doineau tendant à conserver le statu quo de 2017.

Concernant l’allocation aux adultes handicapés et l’augmentation du minimum vieillesse, nous sommes bien sûr en phase avec les mesures adoptées.

Nous soutenons aussi les mesures portant sur la branche médico-sociale – personnes âgées et personnes handicapées –, dont le quatrième plan autisme.

Notre groupe a étudié avec intérêt les propositions d’expérimentations pour l’innovation de notre système de santé. Nous fondons beaucoup d’espoirs sur l’article 35, qui prévoit une série d’expérimentations pour l’hôpital, notamment les relations ville-hôpital, mais aussi pour nos territoires – projet de présence médicale accrue et pérenne, coconstruction avec les acteurs de terrain, consultations avancées en maison de santé, médecins spécialistes et médecins partagés, téléconsultation.

Comme vous, madame la ministre, nous ne souhaitons pas de coercition pour les jeunes médecins. Mais l’État doit avoir un objectif : un médecin à plein-temps ou à temps partiel dans chaque maison de santé. C’est un enjeu de santé publique et de viabilité de nos territoires ruraux !

Notre souhait porte donc aussi sur la mise en place d’un internat par faculté, le maintien de tous les centres hospitaliers universitaires, les CHU, et l’augmentation du numerus clausus.

Les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens. Nous avons voté en faveur de la dernière partie du texte, relative aux nouvelles dépenses de sécurité sociale pour 2018. Néanmoins, la suppression pure et simple de la hausse de la CSG sur les pensions de retraite, représentant un manque à gagner de 4,5 milliards d'euros, peut entraîner des difficultés quant à l’équilibre du PLFSS et du PLF.

Notre groupe proposait une solution intermédiaire pour éviter cette impasse financière et nous espérons que la commission mixte paritaire permettra de conclure un accord équilibré entre la nécessaire maîtrise des dépenses publiques et le souci de moduler la charge des retraités dans le cadre de leur participation à l’effort de redressement des comptes publics.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra à l’unanimité pour le vote final de ce PLFSS. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Tout ça pour ça !

M. Roger Karoutchi. Incroyable !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je suis heureux de pouvoir porter la position du groupe du RDSE sur ce PLFSS pour 2018, le premier de ce nouveau quinquennat.

Avant toute chose, le groupe du RDSE tient à saluer la qualité et la richesse de nos débats, avec une mention toute particulière pour vous, madame la ministre. Vous avez pris le soin de répondre de manière argumentée à chacune et à chacun d’entre nous, avec la volonté, bien entendu, de convaincre et une sincérité certaine. Nous remercions également les différents rapporteurs de notre commission des affaires sociales.

Toutefois, pour en venir à l’essentiel, s’agissant de l’augmentation de la CSG pour les retraités, la très grande majorité du RDSE n’est pas convaincue qu’un retraité dont le revenu mensuel net atteint 1 394 euros puisse être rangé dans la catégorie des retraités aisés…

C’est la raison pour laquelle le Sénat a adopté plusieurs amendements, dont celui du RDSE, visant à supprimer cette hausse. Si cette mesure devait être rétablie, il nous semblerait opportun a minima de relever le plafond des ressources à environ 1 600 euros par mois.

De même, la mise en place d’un taux progressif pour la cotisation maladie des exploitants agricoles nous semble inappropriée et c’est en ce sens que nous avons produit un amendement visant à supprimer cette disposition. Je rappelle que le taux de 3,04 % était un engagement pris par l’État en 2016. En métropole comme dans les outre-mer, la profession est en pleine crise, et ce taux progressif n’aurait fait qu’amplifier davantage le sentiment de détresse.

Avant le second examen du texte à l’Assemblée nationale et la probable réintroduction de ces deux mesures, le RDSE, si vous le permettez, madame la ministre, vous invite à bien prendre en considération les échanges qui ont animé notre hémicycle ces derniers jours et qui nous avaient conduits à supprimer ces dispositions.

Sur l’initiative de notre commission des affaires sociales, un article additionnel après l’article 11 a été inséré dans le texte, instaurant des mesures exceptionnelles pour les entreprises de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, mon territoire. Il s’agit de mesures légitimes qui vont permettre aux entreprises locales, actuellement en souffrance, de respirer et de relancer l’activité économique au plus vite. C’est essentiel pour nos deux territoires.

Je veux prendre le temps de remercier le Gouvernement d’avoir respecté ses engagements vis-à-vis de ces deux territoires sinistrés et la commission des affaires sociales d’avoir bien voulu porter cet amendement, absent du texte transmis par l’Assemblée nationale.

Au sujet des vaccins, le RDSE a apprécié tout particulièrement la réponse que vous avez faite à notre collègue Véronique Guillotin lorsqu’elle vous a interrogée au sujet du papillomavirus.

Néanmoins, nous serons vigilants, madame la ministre, quant au respect de l’engagement que vous avez pris dans cet hémicycle de saisir la Haute Autorité de santé et de travailler avec Santé publique France pour relancer des campagnes de vaccination.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, madame la ministre, mes chers collègues, a également subi des transformations à l’Assemblée nationale. Je voudrais revenir sur une disposition, fruit d’un amendement du rapporteur général : l’article 13 bis créant la contribution sur les boissons sucrées.

Même si nous souscrivons à l’objectif de ce dispositif tendant à renforcer la lutte contre l’obésité et la surconsommation de produits sucrés, nous considérons qu’il comporte malheureusement un certain nombre de limites : si l’on peut contrôler le taux de sucre dans des boissons sucrées, par exemple, comment s’y prendre pour les pâtisseries et les autres produits ? Et quid des cas où le sucre est présent en faible quantité dans des produits, alors qu’il ne devrait pas s’y trouver, comme dans la vinaigrette industrielle ?

Nous voyons dans cette mesure un énième recours à la fiscalité comportementale, qui regroupe entre autres la hausse des prix du tabac, encore présente dans ce texte, la multiplication des radars ou encore la taxation des véhicules polluants.

Ce type de fiscalité à deux inconvénients majeurs, à notre sens : il n’impacte quasiment que les populations les plus défavorisées, puisque les populations les plus aisées ne seront pas gênées par la hausse des prix ou des taxes ; il ne va pas favoriser une meilleure consommation, puisque les plus défavorisés vont se reporter en grand nombre sur des produits de substitution ou sur le marché noir.

Taxer, d’accord, mais ne devrions-nous pas prioritairement axer nos efforts sur l’éducation ?

L’éducation, madame la ministre, touche équitablement chacun, quel que soit le milieu social ou le niveau de rémunération. Comme de nombreux collègues, nous avons été déçus de voir la réforme du tiers payant, qui aurait bénéficié aux plus nécessiteux et aux plus vulnérables, supprimée avant son entrée en application. Si nous comprenons les problèmes de faisabilité que vous avez soulevés, nous restons convaincus que la suppression pure et simple n’était pas la seule solution possible. Nous verrons avec le recul.

Avant d’en venir aux éléments absents de ce texte que nous aurions aimé voir abordés, nous voulons saluer l’adoption de plusieurs mesures pleines de bon sens : la réflexion sur un organisme financier dédié à l’investissement immobilier des établissements de santé publics ; l’accès aux dossiers électroniques partagés pour les pharmaciens biologistes ; la possibilité d’une tarification pour les dialysés en fonction du patient et non de la prise en charge.

J’en viens maintenant aux mesures qui doivent réformer en profondeur notre système de santé pour répondre à certains défis majeurs auxquels il est aujourd’hui confronté. Citons le financement de nos établissements de santé – la tarification à l’activité, ou T2A, n’a pas atteint son objectif principal –, la lutte contre les déserts médicaux, et enfin, bien sûr, le manque de praticiens. Il faut là aussi une réforme d’envergure.

Nous espérons que le Gouvernement se penchera assez rapidement sur ces problèmes, dont nous n’ignorons pas la complexité. Nous aurons la possibilité d’en débattre dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Toutefois, parce que nous aimons le débat, parce que nous voulons aussi que notre pays avance, le RDSE, dans sa grande majorité, votera le texte amendé par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.

J’en profite pour le remercier du travail qu’il a conduit, à la tête de la commission des affaires sociales, avec le rapporteur général. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, permettez-moi d’abord de saluer le travail du rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, ainsi que de l’ensemble des rapporteurs, Catherine Deroche, Élisabeth Doineau, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Bernard Bonne, pour la commission des affaires sociales, ainsi qu’Alain Joyandet, pour la commission des finances. Leurs travaux nous ont permis d’examiner ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec discernement.

Les débats ont confirmé nos points de désaccord, notamment sur la hausse de la CSG, qui entraînera une baisse du pouvoir d’achat pour de nombreux Français.

Nous avons fait le choix, en toute responsabilité, de supprimer cette augmentation lorsqu’elle n’était pas compensée. Ainsi, nous avons exclu de ce dispositif les retraités, les personnes bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, ou PCH, et les artistes auteurs.

Nous avons peu d’illusion quant au sort de ces propositions, sauf éventuellement pour les bénéficiaires de la PCH. Madame la ministre, nous considérons que le Gouvernement choisit la mauvaise voie : s’attaquer aux 8 millions de retraités, que vous considérez comme des nantis, c’est mettre à mal la solidarité intergénérationnelle.

Je ne reviendrai pas sur toutes les mesures, plus catégorielles, qui ont été adoptées par le Sénat portant sur des baisses ou des allégements de charges. Mais si ces débats ont eu lieu, madame la ministre, c’est bien la preuve que vos réformes ne sont pas abouties.

S’agissant de la suppression du régime social des indépendants, ou RSI, nous avons souligné que cette réforme aurait dû faire l’objet d’un projet de loi distinct, et non d’un simple article du projet de loi de financement de la sécurité sociale – article de 30 pages et de 409 alinéas –, dont les délais d’examen sont contraints.

Nous avons exprimé des motifs d’inquiétude sur les conditions de rattachement des indépendants au régime général et nous avons essayé d’apporter quelques réponses.

Tout d’abord, cette réforme ne doit pas se traduire, pour les travailleurs indépendants, par plus de complexité. Or le passage d’un interlocuteur unique à trois interlocuteurs n’est pas synonyme de simplification. Cela a conduit le Sénat à prévoir des guichets dédiés à l’accueil et à l’accompagnement des indépendants.

Quant au niveau des cotisations, nous avons souligné que les travailleurs indépendants, qui attendaient de cette réforme une baisse des charges, vont être déçus : à prestations égales, l’adossement au régime général conduira, au pis, à une augmentation des charges, au mieux, au statu quo, comme l’affirme le Gouvernement.

Pour notre groupe, la suppression du RSI doit s’accompagner, à court terme, d’une simplification à la fois de l’assiette des cotisations, mais aussi des modalités de leur recouvrement. Nous resterons donc vigilants quant à la mise en œuvre de cette réforme.

Nous avons également dénoncé la continuité avec les années précédentes en matière de politique familiale.

L’an dernier, nous avions combattu la modulation des allocations familiales, qui signe la fin de leur universalité, et la réforme du congé parental. Ces deux mesures, qui représentent, à notre sens, des économies injustes au détriment des familles, n’ont malheureusement pas été remises en cause. Pis, vous poursuivez la casse de notre politique familiale avec la nouvelle baisse de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou PAJE.

Notre politique familiale comporte, de longue date, de nombreux dispositifs destinés à répondre spécifiquement aux situations des familles dont les ressources sont les plus modestes. Il n’en demeure pas moins qu’elle accordait aussi à chaque foyer, indépendamment de son niveau de revenus, une forme de compensation des charges familiales. Or, depuis le dernier quinquennat, cet élément constitutif fort de notre politique familiale est désormais dangereusement fragilisé – c’est le moins qu’on puisse dire.

Notre désaccord s’est traduit par le rejet de la nouvelle baisse de la PAJE, qui nous semble injustifiée et inopportune au moment où le Gouvernement souhaite ouvrir un débat « apaisé » sur l’avenir de notre politique familiale.

S’agissant de la branche vieillesse, notre collègue rapporteur René-Paul Savary l’a qualifiée dans son rapport de deuxième « homme malade » de la sécurité sociale. Nous avions contesté, l’an dernier, l’idée selon laquelle le problème des retraites aurait été réglé. Le retour à la réalité ne s’est pas fait attendre, sans pour autant que le Gouvernement en tire de conséquence.

Nous souscrivons à l’objectif d’unification des cotisations et des droits, mais il s’agit d’un objectif de moyen terme, laissant entière la question de l’accentuation à très court terme des déséquilibres. Il faudra donc y répondre rapidement par une réforme paramétrique, sans attendre la mise en place d’une réforme systémique, d’autant que l’exercice sera nécessairement complexe à mener.

S’agissant de l’assurance maladie, madame la ministre, nous avons soutenu les mesures de santé publique et de prévention que vous avez proposées sur le tabac, la vaccination, les consultations de prévention pour les jeunes femmes. La suppression de l’obligation générale du tiers payant témoigne d’un changement d’approche indispensable vis-à-vis des professionnels de santé.

Nous approuvons les mesures en faveur des nouvelles formes de prise en charge des patients, mais elles seront sans doute insuffisantes pour donner corps à cette ambition que nous partageons avec vous, madame la ministre, à savoir préserver l’accès à des soins de qualité sur notre territoire en rendant efficaces les modes d’organisation.

Limiter l’intervention de l’administration à une juste régulation, redynamiser l’exercice libéral de la médecine, donner une plus grande autonomie de gestion aux hôpitaux publics, favoriser le travail complémentaire du secteur public et du secteur privé et réaffirmer le rôle de l’assurance maladie dans le financement de notre système de protection sociale sont autant de mesures illustrant le changement de cap que nous appelons de nos vœux.

Ce changement de cap, nous ne le retrouvons que partiellement dans votre projet de loi. Nous n’avons pas pu illustrer ces mesures par des amendements, mais nous sommes convaincus que des mesures structurelles sont nécessaires.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur l’idée de donner plus d’autonomie de gestion aux hôpitaux publics. Le dialogue social mené aujourd’hui dans les hôpitaux souffre à la fois d’un excès de formalisme et d’un manque d’autonomie, ce qui ne permet pas d’adapter des décisions prises au niveau national à l’échelle locale ou d’innover. Cette innovation est cependant indispensable pour l’hôpital dans de nombreux domaines.

Tout d’abord, en matière d’innovation technologique : je pense à la télémédecine, à la robotique, mais aussi à la médecine prédictive grâce au progrès de la génétique, qui contribuera à un parcours du patient plus personnalisé.

Ensuite, en matière d’innovation organisationnelle : l’innovation technologique va, en effet, faire de l’hôpital un lieu de passage gérant les flux de patients. De fait, la mutualisation des équipements et l’approche collaborative doivent s’inscrivent dans cette nouvelle logique.

Enfin, pour garantir la pérennité du système, il est nécessaire de repenser l’hôpital en dépassant les prés carrés, l’individualisme et la dispersion génératrice de coûts. Il faut au contraire développer une vision collaborative et compétitive de l’hôpital, autour de plateaux techniques communs et partagés par différents intervenants en la matière – publics, privés, chercheurs, industriels, etc.

Nous sommes satisfaits de l’adoption de plusieurs mesures dont les bénéfices seront pour les patients. En matière de lutte contre les déserts médicaux, nous avons exonéré partiellement de cotisations vieillesse les médecins acceptant de reprendre ou de continuer une activité, afin qu’ils puissent cumuler activité libérale et retraite.

En matière de dispositifs médicaux à domicile, nous avons supprimé le plafonnement du nombre de prestations fournies aux patients à domicile, qui aurait pour conséquence de les priver de ces prestations et de freiner le développement de l’ambulatoire.

Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, nous restons très préoccupés par la situation des comptes sociaux. Nous avons tous le même objectif : l’égalité de toutes les Françaises et de tous les Français devant l’accès aux soins. Mais, devant l’ampleur des réponses à apporter, il y a urgence à agir, madame la ministre.

Le groupe Les Républicains votera le texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Ouverture du scrutin public solennel

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, modifié.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Yves Daudigny et Guy-Dominique Kennel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert et je suspends la séance jusqu’à seize heures quarante-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 28 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 239
Pour l’adoption 204
Contre 35

Le Sénat a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, modifié.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne prendrai que quelques minutes pour vous faire part de l’immense plaisir que j’ai eu à discuter l’ensemble des articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec les parlementaires présents dans cette assemblée pendant ces cinq jours.

Les débats ont été très posés, extrêmement constructifs et de très grande qualité. J’ai souhaité et j’ai pu chaque fois exposer mes convictions – essayer de convaincre, comme l’ont dit certains –, parfois avec succès d'ailleurs, puisque nombre d’amendements ont été retirés par différents groupes quand j’ai pu donner des explications nécessaires. D’autres amendements, bien entendu, ont été votés contre mon avis, mais c’est la loi du genre.

Je ne peux que le déplorer, à l’issue de son examen par cette assemblée, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne ressemble plus tout à fait à ce qu’il était au départ,…

M. Jean-Claude Carle. Il est bien meilleur !

Mme Agnès Buzyn, ministre. … puisqu’il présente désormais un modeste déficit – 7 milliards d’euros, excusez du peu ! (Exclamations amusées.)

M. Alain Milon. Pas du tout, madame la ministre !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Cependant, le travail va évidemment se poursuivre en commission mixte paritaire.

Je souhaitais vous remercier de la qualité de ces débats et de votre écoute. Nous avons pris le temps de discuter de sujets qui concernent de près la vie de nos concitoyens : la vieillesse, la retraite, la santé, la politique familiale. Le débat ne fait que commencer puisque ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte de transition – cela a été dit par M. Amiel –, qui commence à définir des orientations.

Dans les années à venir, les débats avec vous seront sans doute extrêmement riches. (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018
 

5

Candidature à une délégation sénatoriale

Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Avenir de l’Institut français

Débat organisé à la demande de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir de l’Institut français, organisé à la demande de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Les commissions qui ont demandé ce débat disposeront d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme la présidente de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes très chers collègues, « il suffit de passer un peu de temps à l’extérieur de notre territoire pour le constater : toutes les puissances renforcent aujourd’hui les moyens de leur politique étrangère. Si nous voulons rester maîtres de notre destin et assurer notre souveraineté, il faut que nous disposions d’un instrument diplomatique efficace, agile et capable de défendre nos intérêts ».

Monsieur le secrétaire d'État, sans doute ces phrases ne vous sont-elles pas étrangères : ce sont celles de M. le ministre Le Drian lui-même, prononcées il y a à peine quelques jours devant l’Assemblée nationale. J’y souscris pleinement.

Toutefois, j’ai malgré tout le regret de vous dire que, en matière de diplomatie culturelle, nous avons depuis de trop nombreuses années été bercées de bonnes paroles, alors que, sur le terrain, nos outils se paupérisaient d’année en année et que, paradoxalement, le besoin et la demande de France n’avaient jamais été aussi importants – après le Brexit, ils sont même plus forts encore. Les propos de M. le ministre des affaires étrangères sont-ils donc d’énièmes vœux pieux ou sont-ils enfin annonciateurs d’un changement d’attitude à l’égard de notre politique culturelle extérieure ?

À l’occasion de chacun de nos déplacements à l’étranger, nous ne manquons pas de visiter l’Institut français, l’Alliance française, le lycée français ou l’antenne de Campus France qui portent nos couleurs et nos valeurs dans le monde. Et nous suivons bien sûr avec attention l’offre audiovisuelle extérieure, qui fait partie intégrante de notre diplomatie culturelle globale.

Tous ces opérateurs qui agissent sur le terrain, parfois dans des conditions difficiles, sont remarquables et je tiens à leur rendre hommage pour leur inaltérable engagement à valoriser la culture et la langue françaises, mais aussi à susciter les échanges et les coopérations interculturelles.

Sachez également, monsieur le secrétaire d'État, que notre commission a créé, sur mon initiative, une mission d’information sur la francophonie au XXIe siècle, qui a publié en début d’année un rapport sous la signature de nos collègues Louis Duvernois et Claudine Lepage. J’espère que ces travaux pourront utilement contribuer aux réflexions en cours dans le cadre du « Plan de promotion de la langue française dans le monde » récemment annoncé par le Président de la République.

Revenons, mes chers collègues, au sujet qui nous réunit ce soir : l’un des fers de lance de notre diplomatie culturelle, l’Institut français.

Le Sénat garde un œil très attentif sur l’Institut, à la création duquel il a contribué en 2010. Vous savez que notre ambition initiale – j’ai une pensée pour Jacques Legendre – était de lui rattacher le réseau des instituts français, mais ce projet a fait long feu et son abandon nous laisse un goût d’inachevé.

Plus grave, depuis sa création, chaque année sans exception, les moyens alloués à l’Institut français se sont réduits comme peau de chagrin. Est-ce ainsi que les gouvernements successifs ont entendu donner son envol au nouvel opérateur ? En 2018, certes, les moyens se stabilisent enfin, mais à quel maigre étiage !

Rendons-nous à l’évidence : l’Institut est aujourd’hui exsangue et ne peut plus assurer l’ensemble des missions qui lui sont confiées, en dépit de l’engagement exemplaire de ses personnels. Arrive un moment où il faut choisir : soit on réduit la voilure, soit on met des moyens au service des ambitions !

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes en période budgétaire, et vous ne m’en voudrez donc pas de rappeler quelques chiffres qui doivent nous alarmer. Depuis sa création, en 2011, l’Institut a vu son budget fondre de 24 %, ce qui, compte tenu de ses charges fixes, a conduit à diminuer ses crédits d’intervention de 35 %.

Les coupes sont extrêmement alarmantes : 43 % de baisse au cours du précédent quinquennat pour le département du cinéma, 44 % pour le département de la langue française, du livre et des savoirs, et même 55 % a pour le département de la coopération artistique ! S’agissant des collaborations de l’Institut avec les collectivités territoriales que nous représentons, les moyens alloués ont baissé de 35 % en à peine trois ans.

En février dernier, lorsque le contrat d’objectifs et de moyens de l’Institut français nous avait été soumis ici au Sénat, notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication avait émis les plus grandes réserves : d’un côté, des ambitions immenses, auxquelles nous ne pouvions que souscrire ; de l’autre, s’agissant des moyens, des subventions notoirement insuffisantes sans aucune visibilité pluriannuelle, pour un opérateur qui porte pourtant la voix de la France et de la francophonie, qui valorise nos industries culturelles et créatives, qui promeut le français à l’étranger et qui, faute d’une rebudgétisation rapide, devra probablement baisser pavillon.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé l’organisation de ce débat en séance publique, une initiative à laquelle mon collègue de la commission des affaires étrangères, le président Christian Cambon, a bien voulu souscrire, ce dont je le remercie. Je remercie aussi par avance l’ensemble des collègues qui participent ce soir à ce débat.

Ce débat m’a paru utile pour évoquer ensemble les missions, les moyens et les perspectives d’avenir de l’Institut, mais aussi, car il ne faut pas les oublier, des alliances françaises, qui concourent également au rayonnement de la langue et de la culture françaises, avec des moyens toujours plus réduits.

La question d’une nouvelle articulation entre l’Institut français et la Fondation Alliance française devra également être évoquée, mais prenons garde de nous précipiter sur des solutions simplistes dans le seul but de gérer la pénurie.

Mes chers collègues, je vous invite donc à un large débat pour que, collectivement, nous prenions enfin nos responsabilités et réfléchissions à bâtir une politique culturelle extérieure digne du grand pays qui est le nôtre. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern, au nom de la commission de la culture. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je partage entièrement les inquiétudes de Mme la présidente Catherine Morin-Desailly sur la trajectoire budgétaire de l’Institut français.

Sachez que nous sommes, sur toutes les travées de cet hémicycle, collectivement inquiets de ce décalage grandissant entre les bonnes intentions, la bonne volonté des gouvernements successifs, et le manque criant de moyens.

Nous avons besoin, monsieur le secrétaire d'État, non plus de bonnes paroles, mais d’actes, d’actes « sonnants et trébuchants », si vous voyez ce que je veux dire… (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Je n’ignore pas la contrainte budgétaire qui est la vôtre – c’est aussi la nôtre ! Je suis, moi aussi, partisan d’économies courageuses sur le train de vie de l’État, mais taillons dans les dépenses de fonctionnement, et non d’investissement. En effet, je considère que la politique culturelle extérieure est un investissement, qui rapporte ensuite à notre économie culturelle, créative, touristique, mais aussi, tout simplement, industrielle.

Bien souvent, et vous le savez aussi bien que moi, les succès culturels de la France à l’étranger précèdent et préparent ses succès commerciaux.

Pour contourner cette contrainte budgétaire, il faudrait faire preuve d’imagination et développer, ici ou là, des solutions innovantes qui permettront à la culture française de garder sa place dans le monde. Ne pourrait-on, par exemple, envisager des regroupements, des mutualisations, à une échelle soit européenne, soit francophone ?

Les actions conjointes franco-allemandes me semblent, à cet égard, particulièrement intéressantes. Je me suis laissé dire que, à Rangoon, l’Institut français de Birmanie partageait ses locaux avec le Goethe-Institut… Mais peut-être pourrait-on aller plus loin qu’une simple colocation ? Le conseil des ministres franco-allemand de juillet dernier a d’ailleurs évoqué la création d’instituts culturels franco-allemands intégrés dans le monde, peut-être au Ghana, en Mongolie, en Tanzanie…

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous en dire un peu plus et préciser quelle pourrait être le rôle de l’Institut français dans ces nouveaux dispositifs ?

La piste d’une coopération renforcée avec des équivalents francophones me semble également à étudier : la France porte bien souvent seule la charge financière de promotion de la langue française dans le monde. Nos collègues Louis Duvernois et Corinne Lepage ont d'ailleurs publié l’an dernier un rapport sur la francophonie qui formulait de nombreuses et intéressantes propositions pour une francophonie du XXIe siècle.

L’une de ces propositions était de « mutualiser nos actions, voire nos implantations culturelles et linguistiques, avec d’autres pays francophones ».

En avril 2015, avec la commission de la culture, j’ai eu l’occasion de visiter la Maison Denise Masson à Marrakech. Cet établissement est le fruit d’une coopération non pas seulement franco-marocaine, mais Francophonie-Maroc. Ce qui est bon pour la francophonie l’est aussi pour la France, et je suis persuadé qu’il existe, avec nos partenaires francophones, de belles occasions à saisir pour continuer à faire rayonner la culture et la langue françaises de par le monde.

Une telle proposition ne pourrait-elle pas s’intégrer dans le plan pour la promotion de la langue française dans le monde annoncé par le Président de la République le 2 octobre dernier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir de l’Institut français touche à une question fondamentale, qui est celle de notre diplomatie d’influence.

La France a été pionnière dans ce domaine. Elle hérite de son histoire une présence culturelle forte, sur tous les continents. Mais cet héritage n’est pas immuable. Il doit être non seulement préservé, mais aussi transformé, modernisé et adapté aux réalités du XXIe siècle.

En effet, la concurrence est forte, démultipliée par la mondialisation de l’information et le tournant des réseaux sociaux. Elle nécessite que nous soyons très présents, sur tous les fronts, pour défendre notre vision du monde. C’est pourquoi notre commission a appelé, dans un rapport récent de notre ancien collègue Jacques Legendre et d’Hélène Conway-Mouret, à une remontée en puissance de notre diplomatie culturelle. Nous renouvelons aujourd’hui cet appel.

Or où en est l’Institut français ? Je ne reviendrai pas sur la trajectoire budgétaire évoquée par la présidente Catherine Morin-Desailly, mais la question des moyens est évidemment essentielle.

Depuis sa création en 2011, l’Institut français a su imposer sa marque, comme symbole du rayonnement culturel de la France. Il est connu et remarqué dans le monde entier. Il faut d’ailleurs en remercier ses équipes et présidents successifs, qui ont su l’implanter dans le paysage culturel non seulement français, mais aussi mondial.

Au-delà de la seule culture française, l’Institut français encourage les échanges culturels à travers le monde, et se place ainsi comme un acteur important d’une diplomatie culturelle globale. Aujourd’hui, la perspective d’un rapprochement avec la Fondation Alliance française doit être l’occasion de mener une réflexion plus large sur le fonctionnement de notre diplomatie culturelle.

Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquerai quelques pistes qui seront autant de questions.

Tout d’abord, la demande de culture française à l’étranger est multiforme et probablement variable selon les régions du monde, les pays et les publics, français ou étrangers.

Y a-t-il toujours concordance entre l’offre de culture française à l’étranger et la demande exprimée ? Sans se limiter à cette approche, adopter une démarche empirique, fondée en premier lieu sur le terrain et les retours d’expérience, me paraît essentiel.

Ensuite, pour une diffusion auprès de publics les plus larges possible, ne faut-il pas réfléchir aux synergies entre l’Institut français et les autres acteurs français à l’international ?

Les opérateurs de l’audiovisuel extérieur – TV5 Monde, France Médias Monde – sont des partenaires naturels de l’Institut français. Quel est le nombre de collaborations entre l’Institut français et les opérateurs audiovisuels ? Peut-on évaluer leur impact en termes d’audience ? Cela doit être possible, même si c’est difficile. Peut-on encore augmenter ces partenariats afin de permettre aux opérateurs audiovisuels de bénéficier de l’expertise de l’Institut français, et accroître l’impact de notre politique d’influence ?

Enfin, même si on ne peut évidemment pas réduire la diplomatie culturelle à cette dimension, elle est aussi un instrument de la diplomatie économique. Mes chers collègues, sachez que les exportations des industries culturelles et créatives françaises représentent 32 milliards d’euros. Comment l’Institut français est-il associé à cette dimension, qui est inséparable de son action ?

Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais remercier la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, d’avoir pris l’initiative de ce débat sur un sujet essentiel, dont nous suivrons avec attention les développements, en particulier le président de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. André Vallini, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la présidente Morin-Desailly, monsieur le président Cambon, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française.

Ces deux structures sont dans des situations très différentes, puisque l’Institut français est un établissement public chargé de la mise en œuvre de l’action culturelle extérieure de la France à l’international, parallèlement avec le réseau culturel de nos ambassades. La Fondation Alliance française anime quant à elle un réseau de 813 alliances locales, associations de droit local, qui réalisent plus de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires et s’autofinancent à 96 %.

La Fondation connaît des difficultés financières très importantes, en raison notamment d’un conflit très dur qui l’oppose à l’Alliance française de Paris Île-de-France, mais aussi parce que la subvention de l’État à la Fondation a diminué de 20 % depuis 2013.

Sa situation est très critique et, pour en sortir, ses dirigeants sont prêts à saisir l’occasion intéressante du rapprochement souhaité par le Président de la République entre la Fondation Alliance française et l’Institut français. Ce rapprochement est souhaitable depuis longtemps. Jean-Marc Ayrault et moi-même avions commencé à y réfléchir voilà quelques mois. Il est aujourd’hui nécessaire, je dirai même inéluctable.

La complémentarité entre l’Institut français et l’Alliance française est telle que des synergies doivent être trouvées pour éviter des concurrences stériles et coûteuses. Je mentionnerai les cours de français en ligne : les alliances et les instituts sont actuellement en train de mettre en place des offres numériques concurrentes, ce qui n’est acceptable ni financièrement ni politiquement.

Il faut donc faire le contraire et développer la complémentarité de l’approche par la langue qui est celle de l’Alliance et de l’approche par la culture qui est celle de l’Institut français, puisque, on le sait, apprendre le français amène souvent à s’intéresser à la culture française ; réciproquement, s’intéresser à la culture française conduit souvent à apprendre le français.

Certes, ce rapprochement provoquera des réticences et des résistances. Pour avoir vécu le rapprochement entre l’Agence française de développement, l’AFD, et la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, je me doute, comme vous, des problèmes que vous allez rencontrer, monsieur le secrétaire d'État… Mais ce rapprochement, je le répète, est aujourd’hui nécessaire.

Je terminerai par deux remarques complémentaires.

Tout d’abord, je suis convaincu, quitte à froisser quelques fonctionnaires du Quai d’Orsay, qu’il ne faut pas rester sur l’échec de 2010 du rattachement du réseau culturel public des ambassades à l’Institut français. La première rationalisation est là.

Ensuite, le rapprochement, que j’approuve, entre l’Alliance et l’Institut ne doit pas être seulement un moyen de gérer la pénurie de ressources publiques ; il doit s’accompagner de moyens supplémentaires pour donner à la France le rayonnement culturel qui doit être le sien en raison de son histoire et de sa culture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs – chers collègues, allais-je dire ! –, j’ai grand plaisir à m’exprimer à cette tribune, à prendre connaissance des travaux que vous avez conduits et à entendre vos recommandations.

Ce débat vient au bon moment, dans la mesure où, vous l’avez signalé, un certain nombre de réflexions ont été engagées et différents rapports publiés : il est utile que le Gouvernement puisse s’en inspirer. Je citerai le rapport sur le contrat d’objectifs et de moyens de Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret qui, à l’époque, avait quelque peu sonné l’alarme, tout comme le rapport de Louis Duvernois sur la francophonie. De plus, les interventions qui viennent d’avoir lieu seront suivies d’autres.

Nous sommes réunis autour d’un sujet majeur, celui de l’influence, du rayonnement de notre langue et de notre culture, auquel, vous le savez, le Président de la République attache un soin particulier : il a eu l’occasion de s’exprimer lors de la Conférence des ambassadeurs le 29 août dernier, en annonçant son souhait de mettre en place un plan ambitieux de promotion de la langue française, de défense du plurilinguisme. En effet, nous sommes dans un monde ouvert et la langue française est elle-même ouverte, véritable passerelle vers autant de cultures qui en sont des affluents. Dans le contexte de l’élaboration de ce plan, toutes vos réflexions sont précieuses.

Ont notamment été évoqués les moyens. Mme la présidente Morin-Desailly et Claude Kern ont signalé une paupérisation sur le terrain, ainsi que le besoin « d’actes sonnants et trébuchants ». Il est vrai, nous en avons débattu à l’Assemblée nationale lors de l’examen du budget, que le ministère des affaires étrangères a beaucoup contribué au rétablissement des finances publiques ces dernières années. On en arrive – pardonnez-moi cette expression triviale – à être un peu à l’os.

Si nous voulons conserver notre ambition, celle d’une diplomatie véritablement universelle, qui constitue un réseau très dense – vous êtes, en tant que sénateurs et sénatrices, souvent amenés à rencontrer les diplomates, les conseillers culturels et le monde associatif travaillant avec ce réseau –, nous ne pouvons continuer cette spirale de baisses de moyens, y compris humains, car ces acteurs sont très sollicités et font des miracles avec ce qu’ils ont à leur disposition.

On pourrait toujours faire mieux, mais le Gouvernement a tenu à stabiliser en 2018 la subvention à l’Institut français. C’est un premier coup d’arrêt à une baisse qui avait lieu depuis plusieurs années.

Nous serons vigilants pour que, dans le cadre du programme 185, aux côtés d’autres priorités telles que les bourses ou l’AEFE, c'est-à-dire l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’Institut français puisse bénéficier des moyens nécessaires pour déployer une véritable diplomatie culturelle ambitieuse et audacieuse, qui nous permette de tenir notre rang. Au reste, il faut le souligner, cet été, une université américaine a estimé que nous étions au premier rang des pays les plus influents. Nous devons partager ces lauriers avec tous ceux qui œuvrent au quotidien pour la diffusion de la culture, de la langue et des valeurs que nous véhiculons.

Claude Kern a évoqué les coopérations qu’il faudrait conclure avec un certain nombre de pays voisins et amis, tels que l’Allemagne ou les pays francophones.

Des actions sont conduites avec l’Allemagne, notamment au travers du réseau unique des instituts culturels nationaux de l’Union européenne, dont nous allons prendre la présidence à l’été prochain, ce qui nous donnera l’occasion d’apporter des messages importants.

Nous travaillons aussi avec le Goethe-Institut dans le cadre du Fonds culturel franco- allemand, qui encourage des initiatives de coopération culturelle en pays tiers, conduites conjointement par les deux réseaux diplomatiques français et allemand. Par exemple, le programme franco-allemand Africalab Adaya sur le continent africain met en relation les jeunes entrepreneurs culturels de cinq pays d’Afrique de l’Ouest. Cette volonté d’agir ensemble peut être amplifiée, je le concède, mais l’Institut y est très ouvert.

En revanche, nous avons encore des marges de progression sur la coopération avec nos amis francophones. Renseignements pris, puisque vous avez évoqué ce sujet, je me suis tourné vers nos amis du Quai d’Orsay pour m’assurer que nous travaillions avec d’autres instituts comme le Centre culturel canadien. C’est en réalité assez rare ; donc, dans le cadre du plan que nous élaborons pour répondre au souhait du Président de la République, nous devons mettre l’accent sur ce point.

Mme la présidente Morin-Desailly a évoqué le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française, qui figurait au cœur de l’intervention d’André Vallini. Ce sujet, complexe, mérite à tout le moins un sens diplomatique aigu. C’est pourquoi l’ambassadeur de France Pierre Vimont a été missionné. Il a consulté les différentes parties prenantes et devrait publier son rapport assorti de préconisations dans quelques semaines.

Il faut permettre une meilleure synergie, mais ne pas se précipiter sur des idées simplistes. Tout cela doit avoir du sens : les alliances et les instituts sont malheureusement parfois en concurrence, notamment pour des raisons – j’ai quelque pudeur à employer un terme anglais dans cet hémicycle – de business model, puisque les cours de français contribuent au financement des différents acteurs. On pourrait vouloir rationaliser, mais cela suppose d’enlever des moyens à l’un des acteurs. Réfléchissons-y avec attention.

Le modèle des alliances françaises s’appuie sur les initiatives locales, qu’il ne faut pas décourager. Certes, il peut y avoir un cadre défini de Paris, quelle que soit l’instance de tête, mais il est important que les membres qui font vivre les alliances françaises sur le terrain aient leur voix au chapitre à l’échelon national. Ce sont elles qui, au quotidien, parviennent à mobiliser des moyens, du mécénat, ce qui manque parfois, tant pour la Fondation Alliance française – elle reconnaît d'ailleurs son échec de ce point de vue – que pour l’Institut français, pour qui les ressources propres de ce type restent assez résiduelles, de l’ordre de 11 %. C’est vous dire si l’enjeu de la mobilisation de ces ressources est important.

Robert del Picchia a évoqué les synergies avec les autres opérateurs, notamment dans le monde de l’audiovisuel : TV5 Monde et France Médias Monde sont mobilisés, de même que RFI. J’ai en tête la semaine de la langue française, à laquelle sont associées les rédactions de France Médias Monde et de RFI, ou un certain nombre de prix décernés ensemble, tels que le prix « découverte » et le prix « théâtre ».

Des conventions avec TV5 Monde prévoient des collaborations autour des saisons culturelles croisées, pour lesquelles on ne peut que tirer notre chapeau à l’Institut qui réussit à les conduire avec maestria. On se souvient tous de l’Année France-Colombie, qui a été une réussite. Nous préparons France-Israël, puis France-Roumanie.

Message reçu, mesdames, messieurs les sénateurs ! Vous avez émis le souhait d’une diplomatie culturelle ambitieuse qui permette à la France de jouer un rôle important dans ce monde multipolaire, où elle a une voix différente à porter et à faire partager. Une langue, c’est aussi un point de vue sur le monde. Il nous appartient, ensemble, de lui donner les moyens nécessaires.

Les quelque vingt interventions qui vont suivre seront autant d’éléments pour enrichir les réflexions du Gouvernement, qui est venu ici puiser à bonne source. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’une des missions de l’Institut français est de promouvoir la langue française et de faire rayonner sa culture. Ses missions sont parfaitement complémentaires avec celles de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Ainsi, comment le Gouvernement compte-t-il mettre à profit cette coopération, tout en assurant le maintien et le développement de ces deux structures ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, dans l’effort consenti pour promouvoir la langue française, on trouve les actions conduites par l’Institut français et celles qui sont conduites par les alliances françaises.

Près de 600 000 à 800 000 apprenants ou personnes sont touchés par ces actions. Finalement, à l’échelle de plus de 250 millions de francophones, un certain nombre d’autres structures sont très concernées par notre action en faveur de de la langue française. Vous avez cité l’AEFE. Celle-ci bénéficie de la mobilisation des parlementaires, qui souhaitent le maintien de son budget. Il en est ainsi pour les années 2018 et 2019, même si nous avons à gérer une régulation budgétaire de 2017.

Au regard de ce contexte, il est extrêmement important que nous arrivions à faire travailler les uns avec les autres avec toujours plus de fluidité. Nous gagnerions à instaurer au Quai d’Orsay une sorte de conférence annuelle réunissant tous ces opérateurs. En effet, nous avons l’habitude d’entretenir un dialogue bilatéral avec chacun d’entre eux, mais dans les moments que nous connaissons, il est temps de décloisonner et de faire tomber quelques « murs de Berlin » entre institutions. Je prends votre question comme une incitation à tenir ce genre de réunions plus fréquemment au Quai d’Orsay.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour la réplique.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je m’inquiète cependant des moyens alloués à l’Institut dans son contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019, qui font craindre une responsabilité nouvelle sur l’AEFE. Or l’Agence a déjà annoncé pour les deux années à venir, malgré un budget maintenu, selon vos dires, monsieur le secrétaire d’État, 180 suppressions de postes confirmées et 160 autres potentielles dans les écoles françaises, consécutives, entre autres, à l’annulation de 33 millions d’euros de crédit cet été. C’est énorme !

En parallèle, j’ai été choquée de voir que les frais d’inscription devraient augmenter, d’autant qu’un tiers du budget social destiné aux étudiants étrangers est consacré à un programme d’excellence qui semble se développer. Nous ne sommes pas contre ces programmes d’excellence, mais nous craignons une politique trop axée sur un certain élitisme.

Je vous rappelle que les écoles françaises à l’étranger inscrivent plus de 60 % d’élèves étrangers qui suivent l’enseignement français.

Monsieur le secrétaire d’État, votre proposition d’une conférence annuelle au Quai d’Orsay…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Une conférence des opérateurs de la langue !

Mme Christine Prunaud. … est la bienvenue, comme toute concertation entre ces organismes et vous-même.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre de l’Institut français, c’est évoquer la place de la culture française dans le monde.

Dans une société en pleine mutation, le « modèle français », reconnu au fil des siècles, doit se réinventer afin de perpétuer le rayonnement de la France et de la francophonie. L’Institut français y contribue en exerçant une mission de promotion de l’action culturelle extérieure de la France en matière d’échanges artistiques, de diffusion dans le monde du livre, du cinéma, de la langue française, des savoirs et des idées.

En 1906, lorsque Julien Luchaire a fondé le premier culturel français en Italie, à Florence, le jeune professeur de langues de l’université de Grenoble ambitionnait de créer « une maison, ouverte à la fois aux jeunes Français et à leurs pareils italiens, où ils travailleraient ensemble, se connaîtraient, nourriraient entre eux des liens qui s’étendraient aux familles, à la société de la ville ».

En 2017, à l’heure où l’Europe est soumise à des tensions, cette connaissance commune est plus que nécessaire pour resserrer les liens des Européens.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires est particulièrement sensible à cette entreprise de coopération culturelle à l’étranger. Nous entendons donc y apporter une attention particulière à l’occasion de l’examen prochain du projet de loi de finances pour 2018.

La question des moyens financiers de l’Institut culturel est l’objet de ma présente interrogation. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, j’ai constaté avec satisfaction que vous étiez conscient des difficultés financières rencontrées par les instituts dans le monde et que vous aviez défini des moyens d’action que vous souhaitez privilégier.

À l’heure de digitalisation de la société, nous souhaitons que vous puissiez consacrer un budget dédié à l’aspect numérique de la promotion de notre culture à l’étranger.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous avez rappelé dans quel cadre historique s’inscrit notre tradition de diplomatie culturelle, et vos propos m’invitent à évoquer un point précédemment soulevé par André Vallini : le souhait d’asseoir notre diplomatie sur l’action culturelle a conduit à une intrication très étroite entre les instituts locaux et le réseau du ministère.

À l’évidence, notre modèle diffère de celui du British Council ; les missions sont assurées, en France, grâce à notre conception très régalienne de l’action publique.

Nous allons effectivement resserrer les liens entre Européens, et ce dans le cadre du nommage internet en coopération, ou NIC. Toutefois, il faut prendre en compte les aires linguistiques qui existent sur notre continent : quoique distinctes, elles peuvent coopérer. Je songe en particulier à l’hispanophonie, à la lusophonie ou à la francophonie. La France pourrait prendre la tête d’un mouvement visant à ce que ces différentes aires se parlent davantage.

À ce titre, je vous l’avoue, je suis un peu nostalgique de l’Union latine. Cette dernière avait été créée par Philippe Rossillon, et il serait bon de la remettre au goût du jour. Cet outil permettait un dialogue entre les différentes « phonies ». À mon sens, il s’agissait là d’un message intéressant, et nous pourrions réfléchir à le reprendre.

En outre, j’entends votre ambition numérique. Sachez qu’un certain nombre d’actions sont d’ores et déjà conduites en la matière par l’Institut français. J’ai notamment en tête le programme SafirLab, destiné aux jeunes entrepreneurs culturels du Maghreb et du Proche-Orient. Ces derniers se sont d’ailleurs réunis à Paris il y a une quinzaine de jours pour débattre du numérique.

L’Institut français lui-même a l’ambition de faire évoluer ses outils, et notamment son site internet, pour le rendre plus complet.

Bien sûr, l’ambition numérique est essentielle dans le monde que nous connaissons, et je vous remercie de la porter haut !

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, pour la réplique.

Mme Colette Mélot. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens simplement à vous remercier de l’attention que vous portez à l’avenir de l’Institut français.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la diplomatie culturelle est un vecteur essentiel de la diplomatie d’influence. À ce titre, tous les instruments qui concourent aux politiques de coopération culturelle doivent être consolidés. Force est, hélas !, de constater que tel n’est pas le cas aujourd’hui.

D’une part, les tentatives de rationalisation des moyens ont échoué. Je pense bien sûr à l’échec de l’expérimentation du rattachement du réseau culturel public à l’Institut français.

D’autre part, si le contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019 confirme l’Institut français dans son rôle d’opérateur pivot de la politique culturelle extérieure de la France, les dotations qui lui sont chaque année attribuées en loi de finances ne sont pas à la hauteur de cette ambition : nous aurons l’occasion d’en reparler très bientôt, au fil des débats budgétaires.

En attendant, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître l’état de développement des outils numériques mis en place au cours des dernières années, au travers de différentes plateformes telles que Culturethèque, IFcinéma ou encore IFverso.

Depuis 2013, une équipe est chargée d’approfondir ce chantier du numérique. Elle suit, en particulier, la mise en œuvre du projet IF 360, qui donnera accès à la production culturelle française à des publics du monde entier. Ce projet est censé aboutir en 2018 ; je souhaite tout simplement savoir où il en est.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous abordez deux points : celui des moyens et celui du numérique.

Pour ce qui concerne les moyens, je l’admets, il est un peu paradoxal de disposer d’un contrat d’objectifs et de moyens, d’assigner de nombreuses missions et de réduire les dotations à la portion congrue. On me dit que c’est là la norme. Mais, à mon sens, cette question mérite qu’une réflexion soit menée avec le ministre de l’action et des comptes publics : les contrats d’objectifs et de moyens doivent permettre, au moins, de tracer une trajectoire.

Ensuite, en fonction des contraintes, la trajectoire peut être adaptée. Mais, en l’occurrence, je me réfère à l’engagement des signataires, figurant à l’annexe 2, article 1er du contrat d’objectifs et de moyens. Que dit-on des moyens fixés pour une durée de trois ans ? Que « la consommation des écrits s’établira dans la limite de 27,8 millions d’euros en 2017 », point final. C’est un peu court !

Mme Françoise Laborde. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Dans le cadre des travaux menés avec le ministère de l’action et des comptes publics, nous devons donc désormais, de manière structurelle, disposer au moins d’une indication de trajectoire.

Je sais que, dans cet hémicycle, siègent d’anciens maires, qui ont géré des budgets…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. … et qui savent les difficultés que l’on peut rencontrer en la matière. En pareil cas, on s’ajuste. Mais, je le répète, il faut à tout le moins une trajectoire.

Pour ce qui concerne le numérique, la plateforme IF 360 jouera effectivement un rôle d’agrégateur. Elle sera mise en service au premier semestre de 2018 : c’est donc une question de mois, voire de semaines. D’ailleurs, il serait possible de convier à ce lancement les sénateurs et les députés qui suivent tout particulièrement ce sujet. Sachez que les équipes sont très mobilisées : aujourd’hui, à l’heure d’internet, il s’agit naturellement d’un chantier essentiel.

Madame la présidente, pardonnez-moi, je constate que mon temps de parole est épuisé. Je précise simplement que le numérique est aussi utilisé pour la formation à distance. L’Institut français permet, en effet, de former des professeurs de français langue étrangère, ou de compléter les compétences d’un certain nombre de personnels, travaillant, notamment, sous des contrats locaux. Ainsi, il joue un rôle en matière de ressources humaines, pour la valorisation des talents.

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous invite tous à respecter votre temps de parole, faute de quoi notre ordre du jour sera fortement décalé.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, pour ce qui concerne les moyens, je tiens à vous remercier de votre honnêteté. Il est vrai que les ajustements ne sont pas toujours évidents et que, pour écrire un contrat d’objectifs et de moyens sans disposer de grandes ressources en face, il faut faire preuve d’équilibrisme.

Quant au lancement de la plateforme IR 360, nous serons ravis d’y participer. J’en suis persuadée, les parlementaires ne manqueront pas de communiquer à son sujet pour la porter haut et fort.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à formuler quelques remarques au sujet de l’Institut français.

En 2010, nous avons consacré un long débat au statut de cet organisme. En définitive, nous avons échoué, tel Roland à Roncevaux ! (Sourires.) Privé de son réseau, l’Institut français a pour ainsi dire perdu ses jambes. Ainsi, on dispose d’une centrale à Paris, qui fait de la programmation, qui formule des propositions et, plus largement, accomplit un excellent travail. Ensuite, que se passe-t-il ? L’action ne suit pas.

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. Richard Yung. C’est un problème. Le Quai d’Orsay a résisté avec la plus grande énergie au rattachement des instituts français à l’AEFE. Ils ne voulaient pas de ce modèle. Dont acte : nous n’allons pas revenir sur cette discussion.

Cela étant, l’Institut français subit deux problèmes.

Premièrement, il s'agit bien sûr de la dotation budgétaire. En 2012, celle-ci s’élevait à 49 millions d’euros ; en 2018, elle ne sera plus que de 28 millions d’euros. En six ans, c’est presque la moitié des crédits qui ont disparu, tout simplement ! Nous devons mettre nos discours en accord avec la réalité. Je sais que c’est difficile, mais on ne peut pas faire autrement.

Deuxièmement, le Gouvernement doit se pencher sur le statut dont disposent les instituts français à l’étranger, à savoir celui d’établissements à autonomie financière. Sans insister davantage, je signale que le problème est, en l’occurrence, la coordination de ce statut avec la LOLF.

Troisièmement, et enfin, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur les alliances françaises.

Je comprends bien les difficultés qu’éprouve la Fondation Alliance française. Cette dernière peine à se positionner, et elle a du mal à trouver de l’argent. Au fond, peut-être n’est-ce pas une mauvaise idée de la rapprocher de l’Institut français.

En la matière, comme toujours en France, une multitude d’agences s’occupent de tout : du cinéma, du livre, de la musique, etc. Certes, je ne suis pas sûr qu’en rapprochant deux pauvretés on obtienne grand-chose de solide… Mais, comme l’a souligné Mme la présidente de la commission, il faut étudier cette piste.

Quoi qu’il en soit, je défendrai mordicus l’indépendance des alliances françaises locales. Ces dernières sont toutes des associations de droit local, et ce statut leur permet de traverser les différentes tempêtes que nous essuyons en France ! (Marques d’approbation.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nouveau, je vous invite vivement à respecter vos temps de parole : chacun des orateurs dépasse de beaucoup les deux minutes qui lui sont imparties.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne les moyens, il me semble que nous avons peu ou prou fait le tour du sujet.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Toutefois, les voix qui s’expriment dans ce débat me permettront de porter le message d’une ambition réaffirmée à l’échelon interministériel.

Pour ce qui concerne le statut des établissements locaux, vous avez raison : peut-être devons-nous prévoir une légère modification de la LOLF pour garantir l’autonomie financière de ces structures et pour qu’elles puissent continuer à recourir à un certain nombre de financements locaux, à commencer par le mécénat. On ne peut pas, d’un côté, les inciter à conclure des partenariats et, de l’autre, leur refuser l’assurance que l’argent ainsi dégagé soit dédié à des actions culturelles sur le terrain. Aux yeux des acteurs locaux, si ces fonds remontent jusqu’à Paris, ils risquent, pour ainsi dire, de finir dans le tonneau des Danaïdes…

Ce sujet figure, très clairement, dans la seconde série d’actions qui doivent être conduites avec le ministère de l’action et des comptes publics.

Dès l’été dernier, un groupe de travail conjoint a été constitué pour réfléchir au statut des établissements à autonomie financière, les EAF. Pour sa part, le ministère des affaires étrangères considère qu’il faut avant tout modifier la LOLF.

Peut-être faudrait-il évoquer la question avec les présidents, les rapporteurs généraux et les membres des deux commissions des finances, car cette réforme pourrait se traduire par une proposition de loi organique. Peut-être serait-il bon d’en parler également aux deux pères de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert ; à mon sens, il serait utile de recueillir leur opinion sur ces sujets.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste.

Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce constat a été rappelé à plusieurs reprises : la contrainte budgétaire a été particulièrement lourde pour l’Institut français au cours des dernières années. Les établissements ont donc dû développer et diversifier leurs ressources en assurant des prestations de services payantes, telles que l’organisation de sessions d’examens, la location d’espaces, l’apport d’outils et d’expertise aux réseaux culturels et surtout la mise en place de cours de français.

Le travail a été accompli, et, par leur ampleur, ces ressources extrabudgétaires ont permis aux établissements d’obtenir un taux d’autofinancement très élevé.

Toutefois, en dépit de ces ressources complémentaires, la diminution continue des ressources budgétaires a forcé certains instituts et certaines antennes à fermer.

La contrainte budgétaire imposée à l’Institut français pèse donc fortement sur les objectifs de notre politique d’influence culturelle. Or de nombreux organismes thématiques placés sous la tutelle du ministère de la culture, comme le Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, le Centre national des arts plastiques, le CNAP, ou l’Office national de diffusion artistique, l’ONDA, disposent d’un département « Affaires internationales » dont les actions peuvent se révéler redondantes par rapport à celles de l’Institut français, voire entrer en concurrence avec elles.

Dans ces conditions, n’est-il pas envisageable de desserrer l’étau budgétaire appliqué à l’Institut français en coordonnant mieux l’intervention de tous ces acteurs ? Monsieur le secrétaire d’État, y travaillez-vous ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous dire quelles sont les pistes à l’étude ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, en moyenne, sur le terrain, les instituts français parviennent à collecter environ 67 % de leurs ressources grâce aux prestations qu’elles proposent et grâce au mécénat. Il faut s’en réjouir. C’est bien la preuve que, pour employer une expression familière, ils ne restent pas les deux pieds dans le même sabot.

Pour ce qui concerne les autres opérateurs, notamment le CNC, un travail est bel et bien mené conjointement, et c’est heureux : les différents orateurs l’ont rappelé, les montants des crédits ont eu tendance à baisser au cours des cinq dernières années. Il est d’autant plus nécessaire que chaque euro dépensé soit utilement employé. Voilà pourquoi une coordination est nécessaire.

Je citerai, comme exemple, la fabrique des cinémas du monde. Cette action qui, pendant le festival de Cannes, permet de mettre en avant les cinémas du Sud, est conduite en commun par l’Institut français et par le CNC.

Le budget cinéma de l’Institut français représente 11 % de son budget total. Naturellement, ces fonds doivent être examinés au regard du budget international dévolu au CNC.

Au total, en 2015, grâce à ces actions conjointes, près de 25 000 supports cinématographiques en langue française ont circulé dans le monde et plus de 40 000 projections publiques de films en français ont été organisées à l’étranger. Il faut s’en féliciter.

Au-delà du cinéma, si on examine le livre, et si on observe d’autres organismes placés sous la tutelle des ministères partenaires, on aboutit à ce constat : une trentaine de conventions régissent les relations entre l’Institut français, Unifrance, le Centre national du livre ou encore le CNAP. Ainsi, l’Institut français manifeste son désir de ne pas rester un acteur isolé. Bien au contraire, il est appelé à prendre sa place dans un écosystème plus vaste, tout en conservant un cadre et une cohérence propres.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.

Mme Sonia de la Provôté. Monsieur le secrétaire d’État, votre propos conforte ma question. Nous ne doutons pas que des actions sont accomplies en commun, mais une vision et une programmation globales mériteraient d’être précisées, pour tous les domaines que nous avons évoqués.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite moi aussi vous interroger sur le rapprochement entre l’Institut français et l’Alliance française qu’a évoqué le Président de la République.

Nous avons, d’un côté, l’Institut français, créé par la loi du 27 juillet 2010. Il s’agit d’un établissement public à caractère industriel et commercial, un EPIC, dont la mission est de promouvoir et de diffuser la langue et la culture françaises. C’est un opérateur placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture. Le réseau de coopération et d’action culturelle, qui, comme Richard Yung l’a rappelé, n’est pas rattaché à l’Institut français, compte quant à lui 124 établissements à autonomie financière, ou EAF, dont 98 pluridisciplinaires.

Nous avons, de l’autre côté, l’association Alliance française, fondée en 1883. Celle-ci accorde un label à ses différentes antennes, qui sont généralement nées d’initiatives locales émanant de francophones et de francophiles. Régies par le droit local, indépendantes tant financièrement que statutairement, elles revêtent le plus souvent la forme d’associations à but non lucratif.

L’Alliance française doit notamment la richesse de son action à la diversité des profils de ses antennes et à la souplesse du système associatif, tandis que l’une des forces des instituts français réside dans le pilotage de politiques culturelles. Si les instituts français et les alliances françaises sont considérés comme des réseaux complémentaires, leurs règles de fonctionnement sont donc très différentes.

J’en arrive à ma question : le rapprochement concerne-t-il uniquement la Fondation Alliance française et l’Institut français à Paris, comme l’a suggéré André Vallini, travail qui créerait indéniablement des synergies ? Ou bien a-t-il vocation à se décliner localement dans toutes les antennes de ces deux structures ? Comment ce rapprochement pourrait-il prendre une telle forme, compte tenu des statuts si différents ? Dans ce cas, le rapprochement ne risque-t-il pas de brouiller la lisibilité et partant la visibilité du dispositif engagé ?

M. Richard Yung. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, entendons-nous bien : le Président de la République a déclaré qu’il fallait travailler au rapprochement entre, d’une part, l’Institut français de Paris, de l’autre, la Fondation Alliance française. En effet, les alliances françaises existant sur le terrain ont leur propre statut juridique, qui varie selon les pays.

M. Robert del Picchia. Tout à fait, elles sont indépendantes !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Sur ce point, je n’ai pas eu le temps de répondre à Richard Yung, mais, en définitive, vous relayez le même message que lui : on ne saurait menacer la vitalité de ce tissu en mettant sous une même toise l’ensemble des structures concernées. Il faut donc veiller, autant que nécessaire, à la situation de chacune des alliances françaises ; nous devons faire le plus grand cas de cette décentralisation internationale.

Aujourd’hui, il s’agit de réfléchir au rapprochement des structures parisiennes pour mieux appuyer les réseaux.

Localement, misons sur l’intelligence collective. Ce n’est peut-être pas une règle générale, mais, la plupart du temps, la réflexion entre, d’une part, les services diplomatiques chargés des questions culturelles et, de l’autre, le monde associatif, notamment les alliances françaises, aboutit à un modus vivendi, voire à des synergies.

Certes, le monde est vaste, et on peut trouver des contre-exemples. Mais, je le répète, on ne saurait appliquer une règle unique, une seule et même toise partout dans le monde : il faut tenir compte des réalités du terrain. C’est ce qui nous caractérise, vous, sénateurs, et moi, ancien sénateur : nous faisons du sur-mesure.

Tel est le réflexe qui doit nous guider dans l’appréciation locale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le secrétaire d’État, j’éprouve bien sûr les inquiétudes exprimées par mes collègues quant au sous-financement chronique que subit l’Institut français. J’ajoute que, au titre du projet de loi de finances pour 2018, la subvention aux alliances françaises chute de 11,3 %.

Cet assèchement budgétaire est encore aggravé par la suppression de la réserve parlementaire, qu’il me semble indispensable de remplacer par un fonds de dotation spécifiquement dévolu à la présence française à l’étranger. Je rappelle que, via la réserve parlementaire, quelque 425 000 euros ont été attribués l’an dernier aux alliances françaises !

L’une des pistes envisagées est le rapprochement entre l’Institut français et le réseau des 840 alliances françaises, grâce à la création d’un groupement d’intérêt économique, ou GIE. C’est une solution que j’approuve.

Créer des synergies et développer des complémentarités est toujours une bonne idée – c’était déjà le but lors de la création de l’Institut français –, mais il faut aussi veiller à éviter la présence concomitante d’un institut français et d’une alliance française dans une même ville. Cette situation, qui s’observe encore trop souvent, entraîne des rivalités, en particulier dans la course aux financements extérieurs. L’enseignement français était traditionnellement réservé aux alliances ; mais beaucoup d’instituts français essayent désormais de s’approprier cette compétence du fait des contraintes d’autofinancement.

Pour les instituts français qui souhaiteraient poursuivre une mission d’enseignement en lien avec les alliances françaises, j’attire votre attention sur une synergie possible et concrète : la création d’un volontariat international d’enseignement francophone, ou VIEF. Force est de constater la disparition progressive des postes de lecteurs français à l’étranger. Cette évolution a pénalisé notre présence, tant dans les universités locales que dans nos écoles. Il faut trouver des solutions.

Ce VIEF serait une formidable occasion de séjour à l’étranger pour nos jeunes, au terme d’une brève formation pédagogique. De plus, il permettrait à des retraités de déployer leurs compétences en vivant une compétence internationale. Aussi, il s’agirait là, à mon sens, d’une proposition concrète susceptible de combler un tant soit peu le terrible sous-financement observé.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, votre propos était si dense que je ne pourrai y répondre intégralement ! Mais j’irai consulter le Journal officiel, notamment pour retrouver votre dernière suggestion in extenso.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous renvoie à notre proposition de loi !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne les chiffres des subventions accordées aux alliances françaises, je n’aboutis pas à une réduction de 11 %. Nous pourrons y revenir au cours du débat budgétaire. En exécution, au titre de l’année 2016, je dispose du chiffre de 5,6 millions d’euros de subventions pour les alliances françaises. L’exécution 2017 n’est pas achevée : je ne dispose donc pas des données correspondantes. Mais, au sein du projet de loi de finances pour 2018, je constate que les crédits inscrits à cet égard s’élèvent à 6,5 millions d’euros.

Pour ma part, j’observe donc une progression. S’y ajoutent 28 millions d’euros de coûts paramétriques par an, lesquels correspondent aux agents payés par le ministère et travaillant au sein des alliances dans des fonctions diverses et variées, notamment en tant que directeurs.

Il me semble donc que, budgétairement, la situation ne correspond pas au drame qui a été décrit. Mais, je le répète, nous aurons l’occasion d’en débattre plus longuement.

J’en viens à la réserve parlementaire.

Le Président de la République l’a rappelé lors de sa venue devant l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE : nombre de parlementaires aidaient des actions associatives, qui relevaient des domaines tant éducatif et social que culturel. Un certain nombre de structures bénéficiaient de ce concours, et il faut effectivement trouver un dispositif de substitution. J’y travaille avec ardeur, de concert avec Jean-Yves Le Drian. Dans les toutes prochaines semaines, nous devrions être en mesure de proposer un moyen d’accompagner ces associations au titre de l’année 2018. Un appel à projets pourrait être lancé par le ministère.

Dans ce cadre, l’avis des conseils consulaires pourrait être sollicité. On pourrait également consulter les parlementaires et de membres de l’AFE, qui seraient réunis au sein d’une commission dédiée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère disposerait de vos avis, instruits de la connaissance que vous avez du terrain. Dès lors, il pourrait sélectionner à bon escient les actions dignes d’être soutenues.

M. Robert del Picchia. Très bonne proposition !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un rapport dont je souligne, à mon tour, la grande qualité, et qui a été déposé en février dernier, nos deux collègues Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret soulignaient avec une certaine gravité le décalage structurel existant entre, d’une part, les missions généreuses de l’Institut français, et, d’autre part, la disparition rapide et considérable des moyens dont il disposait pour les satisfaire.

Le projet de budget pour l’exercice 2018 ne corrigera ni n’atténuera ce décalage, qui pose le problème de la sincérité du contrat d’objectifs et de moyens. Notre débat d’aujourd’hui est sans doute destiné à sanctionner sa nature chimérique.

Il faut rappeler que la loi de juillet 2010 consacrait l’Institut français comme « l’opérateur pivot de l’action culturelle de la France à l’étranger » et que la loi de juillet 2016 le plaçait sous la double tutelle des ministères chargés des affaires étrangères et de la culture. Dans la pratique, les moyens réduits du second ministère cité ne lui ont jamais permis d’assurer pleinement cette tutelle. L’apport budgétaire modeste prévu par le ministère de la culture pour l’exercice 2018 ne réduira pas son exercice déséquilibré.

Il faut donc le reconnaître aujourd’hui, moins de dix ans après la création de l’Institut français : compte tenu de ses capacités budgétaires réduites, cette instance n’a jamais pu jouer le rôle de coordinateur de l’action culturelle et scientifique de l’État à l’étranger qui lui était dévolu.

Avec le projet de budget pour 2018, c’est une bonne partie des activités culturelles de la France à l’étranger qui sont considérablement réduites : j’en veux pour exemple la suppression de cinquante-deux emplois au sein de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques instants, vous nous disiez que nous étions à l’os : en l’occurrence, nous attaquons la moelle ! (Sourires.)

La disette favorise rarement l’échange et la collaboration. Elle pousse au contraire les survivants à défendre ce qui leur reste !

Plus généralement, et en conclusion, je m’interroge sur la volonté politique de notre pays de développer et, pis encore, de maintenir le rayonnement de sa culture et de sa langue à l’étranger.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous parlez d’un contrat d’objectifs et de moyens « chimérique » – c’est le qualificatif que vous avez employé. Le Gouvernement n’en a pas moins l’envie d’agir, et de faire au mieux.

Le jugement que vous portez est très sévère. Pour ma part, je me réfère aux bons auteurs et aux bonnes sources : dans leur rapport, Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret ont effectivement tiré la sonnette d’alarme. Mais ils ont reconnu que, depuis sa création, l’opérateur avait imposé sa marque.

Certes, comme Mme la présidente de la commission l’a souligné, les moyens de l’Institut français ont été réduits, en l’espace de quelques années, dans des proportions significatives. Dès lors, une stratégie de ciblage des actions a été menée.

Il y a donc bien une stratégie. En particulier, l’action de l’Institut a été déployée en priorité vers des pays identifiés en vertu de leur fort potentiel, que ce soit en Afrique francophone, aux Caraïbes ou sur les rives sud et est de la Méditerranée. S’y ajoute un certain nombre de pays prescripteurs ou émergents en Europe.

Sur cette base, on a établi une cartographie de trente-neuf pays à fort potentiel, sur lesquels il conviendrait de concentrer davantage les moyens. En parallèle, on peut prévoir des actions complémentaires vers des zones auxquelles la France a peut-être moins de moyens à consacrer. Il faut notamment faire en sorte que le tissu associatif des alliances françaises garantisse des relais efficaces et utiles.

Quoi qu’il en soit, je récuse le terme « chimérique » : avec les moyens mis à leur disposition, les agents de l’Institut français font des trésors ! Leur travail porte ses fruits, à preuve le classement que j’ai précédemment évoqué : selon une récente étude universitaire, la France est placée en tête du classement pour ce qui est du rayonnement dans le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste.

M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, seulement près d’un quart des enfants français vivant à l’étranger sont scolarisés dans notre réseau d’enseignement. Les autres enfants inscrits dans les consulats français – 300 000 à 400 000 en tout –, suivent un enseignement local.

À la faveur de mes déplacements à l’étranger, j’ai observé que nombre d’entre eux ne parlent pas français : 15 % environ en Europe du Nord, 50 % en Australie, les deux tiers en Amérique latine et jusqu’à 80 % – le record constaté – à Annaba, en Algérie. Pourtant, l’article 2 de notre Constitution énonce que la langue de la République est le français. Voilà pourquoi j’aspire à ce que tous les enfants français à l’étranger puissent apprendre à parler français.

Pour y parvenir, nous pourrions créer un « chèque éducation » à l’étranger. Ce « chèque éducation », destiné à 100 % de nos jeunes compatriotes vivant à l’étranger, permettrait à tous d’accéder à un apprentissage du français non seulement dans nos écoles, mais aussi au travers des instituts français, des alliances françaises ou bien du Centre national d’enseignement à distance. Sans oublier la solution des associations Français langue maternelle, ou FLAM, dites « les petites écoles du samedi », créées par des parents.

Un contrôle régulier grâce au passage du diplôme d’études en langue française, le DELF, nous permettrait d’évaluer leur maîtrise de notre langue.

Ces dispositions solidifieraient les finances des instituts français et des alliances françaises, en leur permettant d’apporter un service au public.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous envisager de créer une nouvelle priorité au sein du programme 185, en fixant pour objectif d’apprendre notre langue à tous les enfants français à l’étranger ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission de la culture, ainsi que Mme Nicole Duranton, applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous êtes assurément disruptif ! En effet, votre proposition d’un « chèque éducation » correspond à une forme de révolution copernicienne…

Je ne porterai pas de jugement de valeur, mais, puisque vous avez rappelé que de nombreux enfants français sont scolarisés hors du réseau de l’AEFE, je voudrais souligner qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres : très clairement, le secteur privé ou associatif a toute sa place en matière d’enseignement et d’éducation.

Face à la demande croissante d’enseignement en français et à l’impossibilité dans laquelle sont certains établissements de s’agrandir, il n’est pas choquant que l’on puisse compléter l’offre éducative grâce à d’autres acteurs.

Les uns et les autres accomplissent un travail remarquable, qu’il s’agisse du réseau AEFE ou de Mission Laïque française, ou même des acteurs privés qui émergent de plus en plus, parfois sur des formules pour lesquelles il existe une demande croissante, comme l’enseignement bilingue – français-anglais ou français-chinois, par exemple –, voire trilingue. Ce n’est pas dévaloriser le français que de permettre l’acquisition du plurilinguisme.

Dans un contexte où, nous le savons, un certain nombre de contraintes budgétaires ont pesé sur l’exécution de l’année 2017 en ce qui concerne l’AEFE, il n’est pas inutile que nous puissions marquer une pause et réfléchir au modèle pour l’avenir : comment faire en sorte d’assurer le mieux possible l’enseignement en français à l’étranger ?

De ce point de vue, toutes les contributions sont les bienvenues, étant entendu qu’on ne peut plus réfléchir continuellement de façon paramétrique – plus ou moins 2 % chaque année. Nous devons mener une réflexion plus large ! C’est un appel à contributions que je lance…

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour la réplique.

M. Olivier Cadic. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de vous montrer si ouvert. Soyons disruptifs ensemble !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est, historiquement, l’un des pays pionniers en matière de diplomatie d’influence. C’est d’ailleurs ce qui nous permet aujourd’hui de jouer un rôle important dans certaines zones du monde ; je pense en particulier au rôle que nous jouons aujourd’hui au Moyen-Orient, qui s’appuie sur ces fondements.

Il serait paradoxal et regrettable que, à l’heure où d’autres pays s’essaient à ce type de démarches, nous abandonnions ou atténuions nos propres efforts, pensant que nos acquis seraient éternels. Il faut au contraire au redoubler d’efforts. À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai trois questions.

Tout d’abord, après l’arrêt de l’expérimentation lancée avec nos implantations culturelles dans quelques pays dans la foulée de la création de l’EPIC « Institut français », en 2011, nos instituts français sont tous aujourd’hui des établissements à autonomie financière. Ce statut est en délicatesse avec les principes de la LOLF, mais il offre la garantie d’un fonctionnement responsable et flexible. Comment en garantir la pérennité ? Vous avez évoqué une évolution de la LOLF : à quelle échéance ?

Ensuite, pourquoi imposer des plafonds d’emplois aux établissements à autonomie financière, alors que la croissance autofinancée de leurs activités est le sens même de leur mission et de leur influence ?

Enfin, dans certaines villes comme Lisbonne ou Vienne, nos instituts siégeaient dans des lieux symboliques, qui constituaient par eux-mêmes une présence, une influence et une histoire. Nous avons vendu, ou tenté de vendre, ce patrimoine. Pouvons-nous envisager une remise en cause de cette politique d’abandon ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison : nos acquis ne sont pas éternels, et nous devons les conforter sans cesse en étant créatifs.

S’agissant des établissements à autonomie financière et de leur mise en conformité avec la LOLF, je crois que ce chantier devra être conduit en 2018. Regardons, là aussi, les conclusions du groupe de travail dans les toutes prochaines semaines. Ensuite, dans la mesure où la LOLF elle-même est le fruit d’une initiative parlementaire, je ne serais pas choqué que, si nous arrivons, Gouvernement et Parlement, à trouver une rédaction commune, la LOLF puisse être amendée pour permettre à nos établissements à autonomie financière de continuer, localement, à bénéficier de fonds qu’ils vont chercher de façon vertueuse.

Cette collaboration, nous devrons la mener dans le même esprit que celui qui a présidé à l’élaboration de la LOLF : un esprit totalement transpartisan, guidé par le seul intérêt général.

S’agissant du patrimoine en général, j’ai bien entendu votre propos. Jean-Yves Le Drian s’est dernièrement exprimé sur la question de manière très ferme : les joyaux que nous possédons contribuent sans conteste à notre influence.

Ainsi, notre ambassadeur au Canada m’expliquait que sa résidence, construite dans les années 1930 et qui possède un cachet certain, est fréquentée pour un certain nombre de conférences ou autres rencontres parce qu’elle est un lieu à part, un lieu qui a son charme. Gardons-nous de négliger cela !

Je crois, monsieur le sénateur, que nous pouvons nous rejoindre sur ceci : on ne peut pas mettre partout nos diplomates dans des open spaces… Ce que nous y perdrions en supplément d’âme n’est pas une affaire de romantisme, mais d’efficacité de notre action diplomatique !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.

M. Jean-Yves Leconte. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des ouvertures contenues dans votre réponse.

Permettez-moi de souligner la mobilisation de l’ensemble des collaborateurs des instituts français et des alliances françaises, auxquels nous devons rendre hommage. Ces femmes et ces hommes, qui travaillent souvent sur des contrats locaux, parfois toute une carrière, sont les ouvriers au jour le jour de la présence française à l’étranger : ne les oublions pas dans nos réformes !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Noël Guérini. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’actualité récente ne me démentira pas : la France a retrouvé une place qu’elle n’aurait jamais dû céder dans le concert des nations.

Dans le droit fil de notre histoire, notre politique étrangère, indissociable de notre présence sur de nombreux théâtres d’actions militaires, entend être à la hauteur d’une France qui rayonne.

Si la fierté peut être de mise, sachons aussi rester modestes. Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, d’exprimer une inquiétude, alors que nous débattons cet après-midi du rôle et de l’avenir de l’Institut français.

Cet établissement public, chargé de la délicate mission de favoriser la promotion des arts et des lettres à l’étranger, pour utiliser une expression volontairement désuète, vient d’atteindre l’âge de raison. Or ce jeune parcours n’a pas été un long fleuve tranquille : souvenons-nous de l’instabilité de la gouvernance et de la grève de 2015, qui nous avait conduits à constater que l’institut était en quête « d’un nouveau souffle, d’une nouvelle ambition et d’une position plus claire ».

Spectacle vivant, livre, cinéma, soutien à tous les savoirs et aux idées : tels sont les secteurs d’intervention de l’Institut français, aux côtés d’un réseau de 160 services de coopération, de 124 établissements à autonomie financière et de quelque 800 alliances françaises installées sur les cinq continents. Pourtant, d’un point de vue financier, cette année encore, si ce n’est pas la peau de chagrin, c’est au moins la disette.

Ne vous méprenez pas : je mesure qu’il importe de réduire la dette publique. Après avoir subi une baisse de 25 % entre 2011 et 2017, au prétexte que le numérique compenserait ce recul, les crédits alloués à l’Institut français stagneront en 2018. C’est bien et court à la fois… Sans sous-estimer l’importance des réseaux sociaux, il ne faut pas céder aux dangereuses illusions que peut nourrir la multiplication des clics.

Monsieur le secrétaire d’État, ne pourrions-nous pas sanctuariser ces crédits, afin de réaffirmer au monde que la patrie des droits de l’homme reste fidèle à sa vocation universaliste et aux Lumières, en même temps qu’elle n’hésite pas à être au diapason de la révolution numérique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez raison : pour voyager beaucoup à l’étranger, comme un certain nombre de membres de cette assemblée, je constate comme vous une indéniable envie de France. J’ai pu le constater encore ce matin en rencontrant l’AmCham Europe, les représentants des grandes entreprises américaines en Europe.

Nous devons donc constamment faire preuve d’initiative, avec modestie, mais aussi la conscience que nous sommes attendus ; cela vaut dans le domaine européen et, comme vous l’avez rappelé, dans le domaine culturel.

Vous avez rappelé certains aspects du bilan des dix dernières années. Il faut dire que, après que M. Darcos eut présidé à la naissance de l’Institut français, un ensemble de circonstances a fait que, pendant deux ou trois ans, il n’y a pas eu de présidence stable.

Désormais, M. Buhler, un éminent diplomate, assume la présidence de l’institut. Je ne doute pas que lui-même et la directrice générale, très dynamique, réussiront à ancrer encore plus fortement l’institut dans son écosystème.

Vous l’avez souligné à juste titre : les réseaux sociaux, c’est bien, et nous devons indéniablement y être présents, mais il faut aussi du contact et le maintien d’un certain nombre d’activités ou de prestations physiques.

C’est pourquoi nous avons été conduits à sanctuariser les crédits de l’Institut français pour 2018, comme vous en avez émis le souhait. Nous nous attacherons, dans la programmation pour 2019 et 2020, à tenir compte autant que possible dans le cadre du programme 185 de l’ambition réaffirmée par les plus hautes autorités de l’État, laquelle passe par l’Institut français, mais aussi par d’autres canaux – j’y reviendrai peut-être plus tard, madame la présidente, car je m’aperçois que mon temps est écoulé…

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les collectivités territoriales sont devenues des partenaires de l’Institut français : celui-ci a déjà signé une vingtaine de conventions avec des régions et des grandes villes. Aujourd’hui, toutefois, faute de moyens, l’institut ne semble plus en mesure de poursuivre cette politique de conventionnement avec les collectivités territoriales.

Or cette politique présentait un intéressant effet de levier, puisque, pour un euro mis sur la table par l’institut, les collectivités territoriales abondaient d’autant. Ce mode de cofinancement nous a d’ailleurs longtemps été présenté comme l’une des solutions miracles à la baisse des subventions publiques.

Toutefois, pour que cofinancement il y ait, il faut une mise de départ minimale ! Or, aujourd’hui, faute de moyens pour l’Institut français, l’effet de levier fonctionne à l’envers : pour tout euro que l’institut n’est plus capable de mettre sur la table, c’est autant de financements des collectivités territoriales qui sont perdus pour l’action culturelle extérieure.

En 2014, quelque 3,12 millions d’euros avaient été mobilisés sur ce dispositif, dont 1,4 million d’euros de mise de fonds initiale de l’Institut français. En 2017, seul 1,8 million d’euros a pu être mobilisé, car l’Institut français n’a été en mesure d’abonder qu’à hauteur de 900 000 euros…

Monsieur le secrétaire d’État, quelles actions concrètes le Gouvernement peut-il mettre en place pour renverser ce cercle devenu vicieux ? Quelles sont les perspectives de collaborations futures entre les collectivités territoriales et l’Institut français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Excellente question !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Au cœur d’une semaine consacrée à l’action locale – je salue les élus locaux présents dans les tribunes pour assister à nos débats –, je vous remercie, madame la sénatrice, de soulever cette question importante.

En effet, les collectivités territoriales participent de plus en plus au budget de l’institut : pour 765 000 euros en 2016, 872 000 euros en 2017 et, d’après nos anticipations, 950 000 euros l’année prochaine. En face, l’institut doit pouvoir faire sa part du chemin, d’autant que l’argent utilisé de cette façon est le mieux employé, compte tenu de l’effet de levier dont vous avez parlé.

Je transmettrai au président de l’Institut français le souhait ardent du Sénat, et, plus largement, je pense, de l’ensemble de la représentation nationale, qu’une place particulière soit faite dans la répartition des crédits à ceux qui sont destinés à abonder les programmes conduits conjointement avec des collectivités territoriales françaises.

Aujourd’hui, une trentaine de collectivités territoriales environ ont conclu un partenariat de ce type avec l’Institut français, pour promouvoir à l’international des créateurs ou des opérateurs culturels implantés dans ces territoires ; je pense à quelques exemples dans l’Yonne, comme vous pensez sans doute à d’autres cas dans vos départements respectifs.

Ces dispositifs ont accompagné l’émergence de talents confirmés ; plus de 80 tournées par an ont ainsi été organisées. Plus généralement, ils ont permis l’accompagnement d’artistes ou de professionnels dans des rendez-vous prescripteurs ou des salons. Nous sommes persuadés qu’il convient de les renforcer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le secrétaire d’État, les collectivités territoriales jouent pleinement leur rôle en finançant l’action culturelle extérieure. Je regrette que l’État, quant à lui, ne soit plus en mesure de les accompagner.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Haut, pour le groupe La République En Marche.

M. Claude Haut. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la dimension culturelle est la première des dimensions de l’influence de la France. C’est par elle que se font aujourd’hui beaucoup de nos entrées partenariales. D’ailleurs, des pays qui ne jouaient pas cette carte précédemment le font dorénavant en grand nombre.

La France bénéficie d’un capital très important, grâce à son histoire, ses valeurs et ses créateurs, alors que notre politique dans ce domaine est, malgré tout, relativement modeste.

Il est indispensable de renouer avec une politique de promotion de la francophonie, mise en retrait ces dernières années. La coopération linguistique, le soutien aux lycées français à l’étranger, notre rôle dans les institutions francophones, la place des instituts de recherche dans le monde et le développement du français sur internet, dans les médias, les livres et le cinéma doivent être renforcés, dans notre intérêt comme dans celui de nos acteurs culturels et économiques.

Comme l’avait proposé le Président de la République durant sa campagne, l’Institut français pourrait évoluer vers une grande agence culturelle internationale.

L’enseignement du français et en français n’est pas une valeur du passé ; c’est un vecteur essentiel de notre influence, mais aussi de la lutte contre la diffusion du radicalisme. Des moyens importants devront lui être consacrés, en particulier en Afrique.

Monsieur le secrétaire d’État, des moyens pourraient-ils être mis en œuvre pour permettre la possible transformation de l’Institut français en grande agence culturelle internationale, comme le chef de l’État l’a évoqué ? (M. André Gattolin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, j’ai, sans mentir, bu vos paroles… (Sourires.)

Vous avez eu raison de souligner qu’un certain nombre de pays jouent cette carte de l’influence culturelle. Il faut mesurer que la Chine, par exemple, a multiplié les ouvertures d’instituts Confucius dans le monde entier : 900 centres, si je me souviens bien, c’est dire !

M. André Gattolin. Et l’enseignement y est gratuit !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Dans ce contexte, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers.

S’agissant de la francophonie, je me souviens très bien de la visite que le futur Président de la République et moi-même avons faite le 17 mars dernier à Villers-Cotterêts, pour rendre hommage à Alexandre Dumas, mais aussi pour souligner, dans cette ville emblématique où François Ier a fait du français la langue officielle du royaume, l’importance d’une ambition francophone affirmée. Cette ambition passera par le plan qui est en cours d’élaboration.

J’ai retrouvé dans vos propos, monsieur le sénateur, ceux de Leïla Slimani, qui vient d’être nommée représentante personnelle du chef de l’État pour la francophonie et qui souhaite, si je puis dire, « déringardiser » la notion de francophonie.

Il ne s’agit pas d’être méprisant vis-à-vis de l’action des pères fondateurs de la francophonie, qui a été remarquable. Il s’agit de s’adapter, pour que notre jeunesse française et les jeunesses des pays francophones mesurent que la francophonie est un formidable espace de liberté et d’échanges : grâce à elle, par exemple, un jeune Sénégalais a des perspectives d’échanges et de travail avec le Canada, la Suisse ou le Vietnam !

Mme Slimani, votre serviteur et tous ceux qui sont attachés à la cause francophone ont à cœur de faire évoluer celle-ci dans le bon sens ; l’Institut français y contribuera aussi.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste.

M. Jacques Le Nay. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le modèle économique de l’Institut français.

Les moyens de l’Institut français se sont en effet considérablement réduits depuis sa création. L’État demande par ailleurs à l’institut de diversifier ses ressources propres, issues du mécénat et de cofinancements de la Commission européenne et des collectivités territoriales.

L’apport de ces ressources propres reste limité et très variable dans le temps. Elles sont passées, entre 2016 et 2017, d’environ 15 % à environ 12 % du budget de l’Institut français. La concurrence est vive, et le mécénat beaucoup plus dynamique dans certaines parties du monde que dans d’autres ; enfin, il fait toujours naître le risque de créer une certaine dépendance de l’opérateur vis-à-vis de ses financeurs. Le modèle économique est donc fragile.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, ne faudrait-il pas permettre à l’Institut français de diversifier davantage ses ressources propres ? Le développement de cours de français en ligne est envisagé : combien cette activité est-elle susceptible de rapporter ? Enfin, les compétences de l’Institut français dans le domaine de l’expertise culturelle ne pourraient-elles pas être davantage valorisées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les ressources propres de l’Institut français : elles représentent en moyenne 11 % de son budget. Pour l’Institut français, Paris est central. À l’étranger, souvent, les instituts arrivent à 50 % ou 60 % de ressources propres, ce qui est heureux.

En ce qui concerne la diversification des ressources, vous avez sûrement raison.

Pour ce qui est de l’enseignement du français, un certain nombre de vos collègues ont insisté aussi sur la nécessité de ne pas cannibaliser les prestations offertes par les alliances françaises. On voit bien que, dans ce domaine, une sorte de course aux financements peut exister ; nous devons veiller à ce que cela ne se fasse pas dans une incohérence totale.

S’agissant de l’expertise culturelle et de l’ingénierie, je pense que des savoir-faire reconnus existent au sein de l’Institut français : on y trouve des femmes et des hommes de talent, qui maîtrisent tout à fait les codes culturels et le montage de projets.

Il y a là une piste que je retiens : nous devons inciter l’Institut français à se pencher sur la possibilité de vendre un certain nombre de prestations à d’autres acteurs, publics ou privés, afin de valoriser son expertise, sans que cela se fasse au détriment des missions qu’il conduit.

Cette idée mérite réflexion, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir apporté votre pierre à l’édifice de ce débat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour la réplique.

M. Jacques Le Nay. Les crédits publics ont un fort effet de levier sur la recherche de partenaires et cofinanceurs. Les ressources propres ne doivent donc pas être conçues comme venant se substituer à l’argent public, mais comme venant l’accompagner et permettre d’en démultiplier l’impact.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous savons aujourd’hui que le soft power est essentiel au maintien de notre rayonnement international, alors que, simultanément, la demande de culture française est toujours aussi forte dans le monde. C’est à l’aune de ce double constat que nous devons décider ce que nous voulons faire de notre réseau d’opérateurs à l’étranger.

De ce point de vue, ce débat sur l’avenir de l’Institut français est bienvenu. Il pose deux questions.

Celle, tout d’abord, de la restructuration du réseau culturel français. Lors de son audition, le 24 octobre dernier, par notre commission, Jean-Yves Le Drian a en effet affirmé étudier « la pertinence d’un rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française, afin de favoriser les synergies et de décupler notre action dans le domaine culturel ».

Deux conventions, de 2010 et 2012, portant sur le rapprochement des identités visuelles et les synergies à rechercher avaient permis d’amorcer cette restructuration. Force est cependant de constater que, sept ans plus tard, ce rapprochement n’est pas allé très loin.

La seconde question posée par le débat est celle des moyens financiers. En février dernier, Jacques Legendre et moi-même avions souligné la contradiction, par rapport au contrat d’objectifs et de moyens 2017-2019, qui pouvait exister entre la restructuration en cours et les moyens de plus en plus modestes.

En effet, depuis sa création, en 2011, les crédits totaux dévolus à l’Institut français ont diminué de 25 % et ses crédits d’intervention, de 34 %. Quant au ministère de la culture et de la communication, sa dotation n’est que de 2,3 millions d’euros. De surcroît, les ressources complémentaires restent marginales pour compenser le déclin structurel des crédits alloués à l’institut.

Si l’une des composantes concernées se trouve à ce point contrainte financièrement, il est à craindre que ce rapprochement ne puisse être mené dans de bonnes conditions.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’heure où la concurrence en matière d’offre linguistique s’intensifie – vous avez parlé des centres Confucius, mais il y a aussi tous nos partenaires européens, avec lesquels nous sommes malheureusement en concurrence –, comment pouvons-nous préserver notre influence culturelle avec des moyens en déclin ? Je vous remercie donc de nous éclairer sur les moyens financiers que vous envisagez de mettre au service de notre réseau culturel.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, je ne puis que faire le même diagnostic que vous en ce qui concerne l’importance du pouvoir d’influence et la nécessité d’endiguer la chute des crédits qui a eu cours ces dernières années.

Comment être performant avec des contraintes et face à une concurrence accrue ? En étant créatif. Cela tombe bien : en France, on n’a pas trop de pétrole, mais on a des idées… (Sourires.) Plus sérieusement, notre souhait est d’arriver à stabiliser au moins la contribution de l’État. Il est important que les deux ministères de tutelle puissent accompagner pleinement l’opérateur en termes budgétaires.

S’agissant du rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance française, un travail d’audit financier et budgétaire, engagé par Pierre Vimont, se poursuit conjointement avec des inspections missionnées par les ministres.

Ce travail nous permettra d’y voir plus clair, parce que, comme vous le savez, un certain nombre de points juridiques restent en suspens du fait de litiges entre la Fondation et l’Alliance française Paris Île-de-France. Il nous faut donc tenir compte de tous ces éléments.

Je forme le vœu que nous parvenions à dépasser un contexte qui n’est agréable pour personne. J’ai conscience que des questions juridiques se posent et que certaines discussions sont particulièrement vives, mais nous devons avant tout nous rassembler autour d’une ambition, celle du rayonnement de la langue française et de la France. J’espère que les prochaines semaines nous permettront d’aboutir.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour le groupe Les Républicains.

M. Ronan Le Gleut. La France est un grand pays, qui porte un message universel et dont la culture rayonne dans le monde.

Hélas, lorsque le déficit dérape, nos dirigeants ont une fâcheuse tendance à se servir du patrimoine immobilier national comme variable d’ajustement, y compris quand il s’agit de bâtiments emblématiques et symboliques !

La vente de trésors nationaux comme le palais Clam-Gallas de Vienne ou la maison Descartes à Amsterdam a constitué une erreur majeure, non seulement en termes de visibilité et de rayonnement pour notre pays, mais aussi en termes de stratégie, puisque la France doit désormais louer à prix d’or des bâtiments pour ses différents services et représentations.

Il faut stopper l’hémorragie et il n’est pas trop tard, monsieur le secrétaire d’État ! La France saura-t-elle éviter de renouveler cette faute dans l’hypercentre de Lisbonne, où le bâtiment qui abritait notamment l’Institut français et l’Alliance française est vide et invendu depuis plus d’un an ?

Plus largement, le Gouvernement ne pourrait-il pas envisager la création d’un groupe de réflexion composé de parlementaires, de personnalités du monde de la culture et de l’économie, qui serait chargé de repenser la gestion immobilière de l’Institut français et du réseau culturel français dans le monde ?

Il ne faut pas reproduire les erreurs du passé ! Il faut chercher des solutions innovantes pour maintenir notre patrimoine à l’étranger grâce à la recherche de partenariats avec le secteur privé, le monde associatif et le monde économique. Il y va du rayonnement et de l’influence de la France !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, nous avons déjà engagé le débat tout à l’heure, et je vous confirme que l’immobilier national contribue au rayonnement de la France.

Vous avez évoqué le cas d’un certain nombre de cessions qui ont eu lieu : je vous informe qu’elles ont abouti à une prise de conscience, qui a notamment conduit le ministre de l’Europe et des affaires étrangères à s’exprimer assez fermement sur le sujet.

À l’inverse, je voudrais souligner certains exemples vertueux, qui nous ont permis de préserver un patrimoine monumental, je dirai même majestueux.

Vous le savez, nos services culturels à New York sont hébergés dans un magnifique bâtiment, un hôtel particulier qui se trouve en face de Central Park. Grâce à l’action d’Antonin Baudry il y a quelques années, une véritable librairie française s’y est installée, laquelle a permis de rénover des pièces qui sont absolument fabuleuses grâce au mécénat. Je vous invite d’ailleurs, si vous passez à New York, à vous rendre dans cet institut, car les locaux sont vraiment de toute splendeur ! C’est à ce type d’initiatives modèles qu’il faut parvenir pour préserver un certain nombre d’éléments de notre patrimoine immobilier.

Monsieur le sénateur, j’ai pris note de vos préoccupations s’agissant de Lisbonne ; nous ne manquerons pas de faire part à l’échelon interministériel de la préoccupation exprimée par le Sénat et, en général, par le Parlement.

Encore une fois, notre patrimoine immobilier contribue au rayonnement de la France, parce qu’il est constitué de lieux où il est facile de faire venir des personnes influentes, d’organiser un certain nombre de prises de parole ou de débats : on vient plus facilement dans un édifice qui a une histoire qu’au vingtième huitième étage de la tour Machepro du Guidon !

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre contribution à ce combat, qui est désormais commun.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Ronan Le Gleut. Merci monsieur le secrétaire d’État, d’avoir à nouveau cité la ville de Lisbonne, car l’Institut français se situe en plein centre de la municipalité. Bien des solutions existent pour faire vivre un édifice qui pourrait continuer à appartenir à la France. Nous pouvons en discuter.

Mme Hélène Conway-Mouret. Nous sommes d’accord !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Didier Guillaume. Avec ses réseaux scolaires et de coopération culturelle, éducative et universitaire, qui sont composés de femmes et d’hommes de très grande qualité, la France dispose d’un outil universel au service de la diffusion de ses grands messages, donc de son influence dans le monde.

Nos réseaux disposent de relais politiques, scientifiques et associatifs dans les territoires où ils exercent leur fonction, relais fortifiés par une histoire longue et une expertise irremplaçable.

Cantonné à une offre essentiellement artistique de la France, l’Institut français s’est malheureusement peu à peu ossifié, a vu ses moyens rognés, faute d’une lecture claire des objectifs à atteindre et malgré de très nombreuses compétences internes. N’est-il pas isolé des macro-stratégies diplomatiques suivies dans les grandes régions du monde ?

Aussi faut-il réinvestir dans nos réseaux d’influence et, avant toute chose, doter l’Institut français d’un contrat d’objectifs et de moyens ambitieux et ouvert à nos messages !

Il convient de transmettre des messages cohérents qui font écho aux positions internationales de la France. La réduction des budgets, d’une part, le changement de paradigme qu’impose l’Agenda 2030 du développement durable, la concurrence des modèles de civilisation et les enjeux économiques auxquels sont confrontés nos grands opérateurs économiques, d’autre part, obligent désormais la France à dessiner un schéma synergique.

Ce schéma doit rassembler autour de l’Institut français l’ensemble de nos réseaux scolaires, universitaires, éducatifs et culturels, pour mettre l’Europe au cœur de nos actions de rayonnement en produisant des initiatives européennes dans nos réseaux à l’étranger, pour porter l’excellence de nos institutions culturelles et pour organiser les synergies entre les divers réseaux d’influence de façon à diffuser les messages globaux de la France, en coopération avec l’Alliance française notamment.

La France dispose d’acteurs qualifiés pour devenir les messagers efficaces de ce schéma. Ces nouveaux programmes de développement ne devraient-ils pas être relayés, via l’Institut français et nos réseaux, afin de contribuer plus efficacement et dans un contexte budgétaire que nous savons contraint à l’aide publique au développement de notre pays, dans une acception large et assumée ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président Guillaume, quelque part, je vois dans votre projet de schéma synergique reliant l’Institut français à d’autres acteurs éducatifs, culturels et linguistiques une proposition assez disruptive ! Finalement, c’est peut-être avec ce type d’initiative que l’on réunit les constructifs des deux rives !

J’écoute M. Olivier Cadic et vous-même formuler des propositions audacieuses, même si elles ne sont pas tout à fait de même nature…

M. Didier Guillaume. Ah, tout de même ! (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Mais, je le répète, ces suggestions sont toutes les deux audacieuses et j’y vois le souhait sincère de contribuer au succès de l’action du Président de la République ! (Nouveaux sourires.)

Vous avez par ailleurs raison de mentionner le caractère parfois isolé de l’Institut français, bien qu’il existe un certain nombre de conventions de partenariat. Votre réflexion me donne l’occasion d’apporter une précision au sujet d’une proposition que j’ai faite tout à l’heure : lancer une conférence française des opérateurs en matière linguistique et culturelle.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Il existe déjà une conférence des opérateurs au Quai d’Orsay, mais elle concerne l’ensemble des opérateurs, y compris donc des instances qui ne sont pas forcément concernées par cette question.

Puisqu’il convient d’être stratège et d’employer les moyens disponibles à bon escient, il me semble de bonne politique de pouvoir disposer d’une enceinte réunissant une fois par an des personnes qui cherchent à s’accorder sur un certain nombre d’objectifs. Cela peut également contribuer à servir les politiques que vous avez mentionnées, comme l’Agenda 2030 et les objectifs de développement durable, les ODD. Cet enjeu est naturellement au cœur de notre ambition.

Je vous remercie sincèrement de vos propositions, monsieur Guillaume : vous l’avez compris, nous allons les examiner avec beaucoup d’attention.

Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains.

Mme Vivette Lopez. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir de l’Institut français. Cet établissement chargé de porter une ambition renouvelée par la diplomatie d’influence contribue au rayonnement de la France à l’étranger, dans un dialogue renforcé avec les cultures étrangères, dans un souci d’écoute, de partenariat et d’ouverture.

Depuis la promulgation de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine en juillet 2016, le ministère de la culture partage à nouveau la tutelle de l’Institut français avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Alors que l’Institut français est reconnu comme un outil d’influence et de coopération, mais également comme un pôle d’expertise et de conseil, je constate avec satisfaction que l’action culturelle extérieure de l’État est citée en troisième position dans la feuille de route qui vous est fixée par le Premier ministre.

Pourtant, en dépit de tous ces beaux signaux très positifs, le ministère de la culture demeure un très piètre financeur de l’Institut : moins de 2 millions d’euros en 2018 pour un budget de près de 3 milliards d’euros, soit une subvention quatorze fois moins élevée que son autre ministère de tutelle ! Peut-être devrions-nous prendre exemple sur nos voisins allemands, qui n’hésitent pas à faire du business en faisant appel à des financements extérieurs à l’État.

Je crois tout de même qu’il faut prendre conscience que l’Institut français va bien au-delà des missions qui sont les siennes. Nous avons pu le constater au cours de nos déplacements : il existe de nombreux échanges entre chercheurs pour la coopération scientifique et économique.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que l’Institut français est actuellement au cœur des enjeux du numérique et cherche à en faire un vecteur de l’influence française, pourriez-vous nous préciser si le ministère de la culture envisage de renforcer le soutien qu’il accorde à cet établissement, soutien dont il a toujours et partout un besoin indéniable et urgent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous parlez d’or ! Effectivement, cela fait un an et demi à deux ans que l’Institut français est à nouveau sous la cotutelle du ministère de la culture et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Au moment précis où le ministère de la culture voit ses crédits progresser, il serait judicieux qu’il puisse continuer à être présent, au même titre que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. La commission de la culture du Sénat devrait d’ailleurs elle-même transmettre ce message au ministère car, en définitive, la cotutelle est synonyme de co-implication à tous égards.

J’en profite pour vous répondre sur l’un des sujets que vous avez abordés, qui peut paraître à tort un peu secondaire, à savoir la question des chercheurs français.

Bien souvent, ces chercheurs souhaitent se faire publier dans les revues anglo-saxonnes, parce que ce sont ces revues qui comptent dans la communauté scientifique mondiale, hélas ! Dans ce domaine, nous devrions également déployer notre stratégie d’influence. De mon point de vue, il ne faut écarter aucune piste : pour permettre à des chercheurs français de publier en langue française, pourquoi ne pas travailler à des partenariats avec ces fameuses revues anglo-saxonnes, de façon à obtenir des numéros bilingues, dans lesquels on trouverait les articles à la fois en français et en anglais ?

Cette proposition permettrait de toucher le monde entier, mais également de promouvoir la langue française et d’éviter qu’un chercheur camerounais ou sénégalais ne soit obligé de lire un article en anglais. Je profite de ce que vous avez mentionné les chercheurs pour verser cet élément de réflexion au débat et vous remercie de votre implication sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour le groupe Les Républicains.

Mme Jacky Deromedi. Je souhaite aborder cinq points.

Premièrement, il existe une synergie nécessaire entre les instituts, le Centre international d’études pédagogiques et le Centre national d’enseignement à distance. Une coordination et une mutualisation des moyens seraient facteur d’efficacité.

Deuxièmement, il paraît essentiel d’élaborer des plateformes communes à tous les organismes qui concourent au rayonnement de la langue française et de la francophonie à l’étranger, en particulier les alliances, la Mission laïque française et l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, et ce, non seulement dans le but de faire des économies, mais aussi dans celui d’utiliser des outils performants.

Troisièmement, je souhaite évoquer internet et les réseaux sociaux. Ces outils ne s’opposent pas à la présence des acteurs sur place, les enseignants en particulier. Simplement, de nouvelles formes de pédagogie et d’aide à la consultation et à l’apprentissage doivent être développées.

Quatrièmement, l’Institut français d’Agadir dispose d’un théâtre en plein air, seul lieu capable d’accueillir trois cents personnes, qui n’est pas couvert et qui est donc difficilement utilisable. Il est impossible à l’institut de réaliser une couverture sur ses fonds propres. Le nouveau mécanisme envisagé par le Président de la République permettra-t-il de venir en aide aux instituts français ?

Cinquièmement, et enfin, j’évoquerai encore l’Institut français d’Agadir et, plus spécifiquement, la question des tests en langue et en culture françaises que doivent passer les étudiants étrangers dans le cadre des opérations Campus France.

Certains instituts français peuvent faire passer ces tests, d’autres non. Celui d’Agadir joue un rôle opérationnel de collecte des informations et d’aide à l’établissement des dossiers, mais ne peut pas procéder lui-même à la réalisation des tests, qui doivent être effectués à Marrakech. La plus grande université du Maroc, avec 150 000 étudiants, se trouve pourtant à Agadir. Il semblerait qu’il y ait un défaut d’appréciation sur le sujet.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des réponses que vous pourrez m’apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous avez raison : l’Institut français, le Centre international d’études pédagogiques, le CIEP, et le Centre national d’enseignement à distance doivent tous travailler ensemble.

Pour en avoir discuté avec Jean-Michel Blanquer – le CIEP est placé sous son autorité –, je peux vous assurer qu’il existe vraiment de sa part une volonté de contribuer au rayonnement de la langue française et au déploiement de notre influence.

Même si un certain nombre d’opérateurs seront sûrement conduits à s’agréger autour d’Expertise France dans le cadre de la réforme des agences et de l’expertise, le CIEP conserve une spécificité et une expertise telles qu’il doit continuer à exercer ses missions avec ambition, tout en étant davantage relié avec les autres opérateurs de la culture et de la langue françaises, avec lesquels il pourrait développer des synergies.

Vous avez mille fois raison sur un autre point : dans le domaine du numérique, assurons-nous de la cohérence et la convergence des outils ! Aujourd’hui, chaque établissement réfléchit à ses outils, sans toujours regarder ce que fait le voisin. Il nous faut des outils numériques performants et cohérents.

S’agissant de l’Institut français d’Agadir, je ne suis pas en mesure de vous répondre pour le moment. Si vous me l’autorisez, je le ferai une fois que j’aurai examiné le dossier avec attention. En effet, je ne voudrais pas vous induire en erreur, madame la sénatrice. Cela étant, j’entends votre préoccupation au sujet de la nécessité de couvrir le théâtre, afin de permettre à un certain nombre d’événements de s’y tenir, quel que soit le temps.

Enfin, j’ai bien saisi qu’il existait un problème au sujet des tests de français entre les Instituts d’Agadir et de Marrakech : nous examinerons attentivement cette question et vous répondrons très prochainement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour la réplique.

Mme Jacky Deromedi. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, et reste donc en attente de votre réponse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour le groupe Les Républicains.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. La mission de l’Institut français est de développer l’influence et l’attractivité de la France par la promotion de sa culture et de sa langue.

Aujourd’hui, nous comptons à peu près 300 millions de francophones dans le monde. En étant optimiste, on estime qu’il devrait y en avoir 750 millions aux environs de 2065. Il est vrai cependant que la francophonie et l’enseignement du français sont en recul dans un certain nombre de pays du monde, en Afrique notamment, mais aussi en Amérique du Sud.

Pour que le français demeure la langue de l’excellence culturelle, il faut relancer son apprentissage et renforcer sa place à l’étranger. Le Président de la République l’a rappelé : pour lui, la francophonie est essentielle et constitue un sujet majeur.

Comme de nombreux collègues l’ont indiqué, le budget de l’Institut français est en baisse depuis plusieurs années. Certes, d’autres acteurs agissent également pour la promotion de la langue française à l’étranger, comme les différentes Alliances françaises, qui sont des émanations de la société civile, ou l’Organisation internationale de la francophonie, qui est une institution politique, mais l’Institut français reste le seul service culturel de la France.

Monsieur le secrétaire d’État, entendez-vous donner les moyens à l’Institut français de demeurer un acteur de la mise en œuvre de la politique francophone du Président de la République ?

Ne pensez-vous pas souhaitable que la Fédération internationale des professeurs de français, qui œuvre aujourd’hui pour la promotion de notre langue dans les systèmes d’éducation locaux, soit associée à l’Institut français dans le cadre d’une coopération rapprochée et pérenne, notamment dans les pays où le français est en recul ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, vous avez raison : il y a 274 millions de francophones dans le monde aujourd’hui. Les projections dont nous disposons laissent penser qu’il y en aura 750 millions à l’échéance de 2050, mais je reste très prudent par rapport à ces chiffres, car, comme vous l’avez dit, il existe des zones où le français est en déclin. La progression du nombre de locuteurs n’est pas automatique : le nombre de francophones est l’agrégat de populations issues de pays dits « francophones », ce qui ne signifie pas pour autant que l’ensemble de la population de ces pays parle le français.

Nous devons nous impliquer dans ce dossier au travers notamment du Partenariat mondial pour l’éducation, que le Président de la République soutient, et dont la conférence de financement se réunira à Dakar en février prochain.

En outre, je tiens à saluer la Fédération internationale des professeurs de français. J’ai en effet eu l’occasion de rencontrer son secrétaire général il y a quelques semaines. Il s’agit d’une structure très légère, composée de quatre ou cinq membres, me semble-t-il, qui essaie d’apporter un soutien à tous ces professeurs de français dans le monde. Souvenez-vous que l’on parlait des hussards noirs sous la Troisième République ; aujourd’hui, ces professeurs qui se démultiplient sur le terrain sont les hussards de la langue française !

Madame la présidente, puisque c’est la dernière question, permettez-moi de finir sur une tonalité plus poétique en appliquant à la francophonie les paroles qu’une chanson écrite par le groupe breton Tri Yann, « La Découverte ou l’ignorance », consacrent à la Bretagne et à la langue bretonne :

« J’ai longtemps ignoré que j’étais francophone…

« Français sans problème,

« Il me faut donc vivre la francophonie en surplus

« Et pour mieux dire en conscience…

« Si je perds cette conscience,

« La francophonie cesse d’être en moi.

« Si tous les francophones la perdent,

« Elle cesse absolument d’être…

« La francophonie n’a pas de papiers,

« Elle n’existe que si à chaque génération

« Des hommes se reconnaissent francophones…

« À cette heure, des enfants naissent en francophonie…

« Seront-ils francophones ? Nul ne le sait…

« À chacun, l’âge venu, la découverte… ou l’ignorance ! »

Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à vous et à l’implication du Sénat, ce sera la découverte ! (Bravo ! et applaudissements.)

(M. Philippe Dallier remplace Mme Valérie Létard au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous remercier en mon nom et en celui de Robert del Picchia, qui représente la commission des affaires étrangères.

Nos deux commissions comptaient sur ce débat pour poursuivre leurs travaux. Vous avez pu mesurer, compte tenu de l’implication des sénateurs présents cet après-midi, qu’ils représentent les départements ou les Français de l’étranger, à quel point cette politique d’influence dans un climat de concurrence qui se renforce est pour nous un sujet de préoccupation majeur.

Certaines pistes ont été évoquées. Nous avons abouti à des consensus. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, vous avez ouvert le débat en formulant quelques suggestions. Vous nous avez dit que le message était reçu de votre côté ; soyez sûr que nous avons également bien entendu le vôtre !

S’il faut mettre en place de nouveaux schémas de synergie, comme l’a suggéré notre collègue Didier Guillaume, s’il faut être disruptif ou s’il faut créer une nouvelle agence, je souhaite cependant vous mettre en garde. En effet, si la créativité est bien sûr nécessaire, il faudra toujours aussi un minimum de moyens : c’est ce que nos débats budgétaires démontreront dans les jours à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous avons encore prouvé cet après-midi qu’un débat qui nous concerne tous pouvait devenir très intéressant, très actif et réactif.

Monsieur le secrétaire d’État, je me demande si toutes les propositions émises ne pourraient pas faire l’objet d’une résolution du Sénat, qui contribuerait à soutenir les engagements que vous avez pris en ce qui concerne l’Institut français et, plus largement, notre politique et notre diplomatie culturelles à l’étranger. Nous allons réfléchir à cette idée de résolution au sein de nos deux commissions et agir en ce sens ! (MM. Jean-Pierre Bansard et M. Didier Guillaume applaudissent.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l’avenir de l’Institut français.

7

Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens

Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires économiques, sur le thème : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens ».

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

La commission qui a demandé ce débat disposera d’un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée qui ne devra pas excéder dix minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », nous avons été désignées par la commission des affaires économiques, ma collègue Annie Guillemot et moi-même, pour évaluer l’application de cette loi.

Pour ma part, j’évoquerai les contrats de ville ; Annie Guillemot, quant à elle, parlera du Nouveau Programme national pour la rénovation urbaine, le NPNRU. Ce sera l’occasion de vous présenter les conclusions du petit tour de France que nous avons réalisé.

Nous avons cherché à répondre à plusieurs interrogations : la nouvelle géographie prioritaire est-elle pertinente ? Comment sont pris en charge les quartiers sortants ? Comment sont mis en place les contrats de ville ? Les acteurs de la politique de la ville ont-ils été au rendez-vous ? Quel est leur niveau d’engagement ? Les crédits spécifiques de la politique de la ville interviennent-ils en complément des crédits de droit commun ? Comment se sont déployés les conseils citoyens ? Ont-ils les moyens de fonctionner ? Enfin, comment est mis en œuvre le NPNRU ? Comme vous le voyez, les questions ne manquaient pas. Il s’agit de sujets récurrents, qui remontent du terrain et sur lesquels nous souhaitions apporter un éclairage.

Les nouveaux critères de la géographie prioritaire, plus objectifs, sont globalement adaptés à l’objectif de resserrement et de simplification de la géographie prioritaire poursuivie par la loi Lamy. Néanmoins, nous avons constaté lors de nos déplacements que ces critères ne permettaient pas de prendre en compte certains territoires moins denses, comme le bassin minier, ou des poches de pauvreté enclavées dans des zones de mixité sociale.

Nous avons recommandé au Gouvernement d’identifier les poches de pauvreté non retenues dans la géographie prioritaire en raison du seuil d’habitants et d’évaluer si elles nécessitent la mise en place d’outils spécifiques. Pour les quartiers sortants, c’est-à-dire ceux qui ne répondent pas aux critères de la nouvelle géographie prioritaire, la loi Lamy a mis en place un dispositif de veille active. Or nous avons constaté que les moyens et le suivi de ces quartiers sont insuffisants.

Il nous paraît important que tous les quartiers sortants fassent l’objet d’un suivi par l’État, indépendamment de l’existence d’un contrat de ville. Ce suivi permettra de savoir de quels dispositifs ils bénéficient et, surtout, quelle est leur situation économique et sociale, afin que les pouvoirs publics puissent intervenir le plus tôt possible en cas de décrochage. Le risque est en effet réel lorsqu’ils sortent de ce dispositif.

J’en viens aux contrats de ville, qui mettent en œuvre la politique de la ville. Quelque 435 contrats de ville ont été signés. Ils reposent sur trois piliers, qui permettent d’assurer une meilleure cohérence entre les actions menées au titre du volet économique et social et celles qui sont menées au titre du volet urbain.

Les modalités du pilotage des contrats de ville à l’échelle intercommunale sont globalement satisfaisantes. Néanmoins, l’impact des réformes territoriales sur la mise en œuvre de ces contrats, notamment en Île-de-France, devra faire l’objet d’un examen attentif.

Au titre du pilier « cohésion sociale », nous avons choisi de porter notre attention sur la tranquillité publique, question récurrente des habitants des quartiers prioritaires. Outre que les services de police et la justice doivent amplifier leurs actions pour assurer la tranquillité des habitants dans ces quartiers, les bailleurs sociaux ont eux aussi un rôle à jouer, notamment avec la mise en place de gardiens d’immeuble. Nous avons proposé de renforcer leur présence, ainsi que les dispositifs de médiation.

Pour en avoir beaucoup entendu parler lors de nos déplacements dans les quartiers, il nous semble que les questions liées aux rodéos, dont a parlé le Président de la République à l’occasion de sa venue dans le Nord méritent de faire l’objet d’une évolution législative.

On constate toutefois dans certains quartiers l’échec des politiques publiques. Les conditions de vie des habitants et celles des personnels de proximité sont devenues dangereuses et la mise en place d’une zone de sécurité prioritaire ne suffit pas toujours. Il ne faut pas abandonner ces quartiers « en difficulté extrême ». Nous proposons, au contraire, qu’ils fassent l’objet d’un traitement global des difficultés qui nécessitera un renforcement des moyens de droit commun, lequel ne peut se faire au détriment des autres quartiers.

Je dirai un mot du volet économique. La question de l’emploi est fondamentale dans les quartiers, où le taux de chômage est largement supérieur à la moyenne. Nous considérons qu’il ne faut pas opposer les aides à la personne aux aides en fonction de l’implantation géographique des entreprises. Autrement dit, il ne faut pas opposer emplois francs et zones franches urbaines. Une réflexion sur ces deux formes d’actions doit être menée en toute transparence, afin de retenir les dispositifs les plus efficients.

S’agissant des moyens financiers, nous avons constaté que, contrairement à ce que prévoit la loi, les crédits de droit commun sont peu, voire pas détaillés dans les contrats de ville.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Létard. Nous avons bien entendu le Président de la République dire que les crédits seraient sanctuarisés. Il ne faudra pas qu’ils soient gelés en fin de parcours ! Nous l’avons vu en 2017. En 2018, il faut que la totalité des crédits soient au rendez-vous : sanctuarisés, ils doivent être disponibles tout au long de l’année.

M. le président. La parole est à Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques.

Mme Annie Guillemot, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient d’évoquer maintenant les conseils citoyens et le Nouveau programme national de renouvellement urbain, ou NPNRU. L’affirmation du principe de coconstruction avec les habitants est un axe majeur de la loi Lamy, qui trouve sa traduction au travers des conseils citoyens et des maisons de projet dans le cadre du NPNRU.

Le conseil citoyen a pour vocation de réunir, au sein d’une même instance, des habitants des quartiers tirés au sort et des représentants des associations, comme des acteurs locaux.

Certains élus ont pu faire preuve d’une certaine réticence à le mettre en place, notamment lorsque préexistaient dans certains territoires des instances de participation ou lorsque la mise en place de précédents dispositifs participatifs avait échoué. Ainsi, 1 054 conseils citoyens ont été recensés et trois quartiers prioritaires sur quatre sont couverts.

Néanmoins, le conseil citoyen nous a paru être encore une instance balbutiante. Son rôle demeure largement à conforter. Ainsi, l’articulation entre les conseils citoyens et les autres dispositifs de démocratie participative doit être précisée. Les moyens dont ils bénéficient, en termes de locaux, de budget et d’accompagnement, seront également décisifs pour éviter leur essoufflement. L’État doit maintenir une participation significative au fonctionnement de cette instance.

J’en arrive au programme national de renouvellement urbain, ou PNRU. À ce propos, il faut, me semble-t-il, noter que, au regard de la satisfaction unanime que recueille le PNRU, la loi Lamy a prévu la mise en œuvre d’un nouveau programme national de renouvellement urbain centré, en priorité, sur les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants. Ainsi, 216 quartiers ont été retenus. En complément, 274 quartiers dits « d’intérêt régional » ont été choisis, pour lesquels l’ANRU interviendra, mais dans une moindre mesure.

S’agissant du financement du NPNRU, chacun s’accorde à dire que l’enveloppe de 6 milliards d’euros était insuffisante. Les acteurs locaux nous ont fait part de leurs doutes sur l’ambition de ce programme et ont partagé leur crainte de voir leur projet contraint. Comment, dans ces conditions, mobiliser les habitants pour coconstruire le projet ?

Nous avons proposé, avec Valérie Létard, de porter le montant du NPNRU à 10 milliards d’euros et de rétablir la parité de financement entre l’État et Action Logement. Nous avons été partiellement entendues, puisque le projet de loi de finances prévoit que le montant du NPNRU soit porté à 10 milliards d’euros, dont un milliard d’euros, monsieur le ministre, sera financé par l’État.

Toutefois, les modalités de financement de ces 4 milliards d’euros supplémentaires ne sont pas actées à ce stade. S’il semble acquis, en effet, qu’Action logement participera à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires, la participation des bailleurs sociaux est, pour l’heure, incertaine en raison des débats sur la réforme des aides personnalisées au logement, les APL, dans le parc social.

Nous espérons que ce doublement des crédits dédiés au NPNRU permettra, outre l’augmentation des enveloppes destinées aux quartiers d’intérêt régional, de mener des projets ambitieux de rénovation urbaine, qui porteront sur l’habitat, mais dépasseront le cadre du logement pour inclure l’aménagement et les équipements publics, dont les écoles.

Afin d’éviter une déperdition de concours financiers, nous souhaitons également rendre possible, pour ces quartiers d’intérêt régional, l’insertion, dans les conventions ANRU-région, d’une clause de revoyure qui permettrait, à mi-parcours, de redéployer des crédits au sein d’une région.

Nous avons en outre entendu de nombreuses critiques concernant ce fameux règlement du NPNRU. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé plusieurs adaptations : une rationalisation des études demandées pour les projets de rénovation du NPNRU, qui s’inscrivent dans la continuité du PNRU, le réexamen du dispositif de scoring, qui pénalise les communes les plus vertueuses, ainsi que le réexamen des montants des aides octroyées aux bailleurs sociaux.

Nous espérons que l’augmentation du montant du NPNRU permettra ces assouplissements et que sera privilégié le recours aux subventions plutôt qu’à des prêts bonifiés, sous peine d’accroître plus encore l’endettement des communes.

J’en viens enfin à un aspect sur lequel nous voulons insister, ma collègue Valérie Létard et moi-même. Les politiques de peuplement nous paraissent essentielles à la réussite d’un projet de rénovation urbaine. Le NPNRU doit, plus encore que le premier programme de rénovation urbaine, favoriser la mixité sociale et fonctionnelle.

Pour favoriser cette mixité sociale, nous pouvons agir sur les attributions de logements sociaux, en veillant à ce que les ménages les plus modestes ne soient pas systématiquement orientés vers les quartiers faisant l’objet d’un programme de rénovation urbaine. À ce sujet, je dois vous l’avouer, nous craignons que, dans le cadre du projet « Un logement d’abord », tous les locataires en difficulté ne viennent dans les quartiers déjà en difficulté.

La mixité sociale suppose parfois de repenser entièrement le quartier en favorisant les démolitions et en acceptant ce que nous appelons des « jachères urbaines ». Nous croyons qu’il faut aussi prendre en compte cette situation.

Quant au traitement des copropriétés, il constitue l’un des défis majeurs du NPNRU. Nous souhaitons qu’il soit remédié à l’absence de recensement exhaustif des copropriétés situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les QPV. En outre, nous estimons que des outils mieux adaptés doivent également être mis en place pour faire face à l’augmentation du nombre de copropriétés en difficulté.

En conclusion, monsieur le ministre, nous avons estimé que si la réforme de la politique de la ville était bien engagée, elle souffrait cependant d’un manque de moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d’abord, de saluer le travail réalisé par la commission des affaires économiques, qui avait, sous l’égide du président Lenoir, lancé ce rapport. Je veux aussi remercier les deux rapporteurs, qui se sont beaucoup investis sur cette question de la politique de la ville.

Je suis d’autant plus satisfait de m’exprimer devant vous ce soir que cette intervention s’inscrit, vous le savez, dans le prolongement de celle du Président de la République. Lors de son déplacement à Roubaix et à Tourcoing, ce dernier a souligné avec force l’importance qu’il accorde à la politique de la ville, dossier qui constitue selon lui une priorité nationale et nécessite une mobilisation de tous. Ainsi sera-t-il possible d’agir de la manière la plus efficace possible sur ces quartiers fragiles prioritaires dont un certain nombre se heurte, hélas, aujourd'hui à des problèmes particulièrement importants ; sans doute aurai-je l’occasion de revenir sur le sujet en répondant à vos questions.

La politique que nous entendons mener ne se situe pas en opposition aux politiques menées jusqu’alors. Je salue d'ailleurs la présence sur les travées de la Haute Assemblée de Patrick Kanner, qui a eu, lorsqu’il était ministre, la charge de ce dossier. De même, vous avez évalué le travail réalisé dans le cadre de ce qu’on a appelé, à juste titre, la loi Lamy.

Conscient de la somme de travail réalisé et considérant que la critique systématique des politiques menées en la matière serait inopportune, je n’entends pas faire le procès du passé… Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, nous sommes face à une responsabilité collective. Un certain nombre de quartiers posent aujourd'hui des problèmes considérables, pour ceux qui y vivent, au premier chef, mais aussi pour les élus locaux qui doivent quotidiennement faire face à la gestion de ces difficultés.

Nous allons, dans les deux mois qui viennent, travailler en collaboration avec Jean-Louis Borloo pour évaluer un certain nombre de problèmes et essayer de mettre en place des solutions. À défaut de tout changer d’un coup, elles nous permettront de commencer à agir le plus efficacement possible.

Le rapport établi au nom de la commission des affaires économiques contient vingt-sept propositions très claires sur des sujets importants pour la politique de la ville. Je commencerai par le point sur lequel vous avez conclu, madame Létard, les questions financières. Vous avez dit que, s’il y a de bonnes perspectives, la difficulté, ce sont les moyens financiers pour les mettre en œuvre. Mais existe-t-il un dossier qui échappe à cette équation ? (Sourires.)

Votre rapport évoque le programme 147. Nous avons pris l’engagement de sanctuariser ces crédits sur le quinquennat, et nous l’avons fait dès le projet de loi de finances pour 2018, dégageant à leur titre 448 millions d'euros.

Dans le cadre de votre recommandation n° 9, vous soulignez qu’il convient d’éviter le rabot. Le Gouvernement s’y est très clairement engagé. Ce que nous avons été dans l’obligation de faire en septembre dernier est la conséquence d’engagements qui n’avaient pas été financés. Nous prenons l’engagement de ne pas revenir sur ce point. Si tel n’était pas le cas, je ne doute pas que vous sauriez me le rappeler – je connais votre vivacité d’esprit ! (Sourires.)

Dans son discours, le Président de la République a repris l’une de vos propositions : il s’engage à mobiliser tous les ministères dans l’identification des crédits de droit commun. En effet, ce qui est demandé dans ces quartiers où les habitants aspirent à pouvoir vivre dans les mêmes conditions qu’ailleurs, c’est le retour au droit commun. Soyez assurées que nous nous employons à mobiliser tous les ministères pour y parvenir !

Parmi les domaines clairement identifiés par les habitants et les élus locaux, l’on trouve la sécurité. Dans un certain nombre de quartiers, en effet, la vie est devenue très difficile, compte tenu des incivilités – le terme est modéré ! Le Gouvernement entend répondre à cette situation en mettant en place la police de sécurité au quotidien.

J’en arrive à l’éducation, sujet dont je mesure l’importance. Pour m’être déjà déplacé à un certain nombre de reprises, je connais la situation. Je le sais, dans certains quartiers, nombre de parents ne parlent pas le français et il y a 60 % d’allophones. Cela nécessite bien évidemment des mesures spécifiques, que nous avons d'ailleurs commencé à prendre dès cette rentrée avec le dédoublement des classes dans les zones REP +, qui se recoupent assez largement avec les quartiers prioritaires.

Dans la même perspective, nous allons encourager les internats et affichons notre volonté d’assurer un vrai stage à l’issue de la classe de troisième. Des crédits importants sont fléchés pour permettre une politique de formation ambitieuse.

Toujours sur le plan de la lutte contre le chômage, nous allons procéder, dès l’année 2018, à une expérimentation sur les emplois francs dans un certain nombre de quartiers représentant 25 % de la population des quartiers prioritaires. Nous tirerons les leçons de l’expérience précédente, qui n’avait pas été un succès, pour faire en sorte que ces nouveaux emplois francs aient un réel impact positif.

Les services publics constituent un autre volet de notre politique de la ville. Il n’est pas concevable, mais c’est pourtant la réalité, qu’ils aient disparu, ou soient, en tout cas, moins importants qu’ils ne devraient l’être, dans bon nombre de ces quartiers. C’est le cas, par exemple, de La Poste, comme de certains commissariats et d’un nombre non négligeable de services publics.

Au sujet de la politique de restructuration de ces quartiers et du NPNRU, que vous avez évoqué, le Gouvernement a décidé d’y consacrer 1 milliard d'euros. J’ai signé à midi, à quelques minutes près, un protocole d’accord avec Action Logement, qui s’engage à investir 2 milliards d'euros.

Au terme des signatures ou engagements passés, nous en sommes déjà à 8 milliards d'euros, et je ne désespère pas du tout que nous arrivions finalement, même si l’accouchement s’effectue un peu dans la douleur (Sourires.), à trouver une solution avec les bailleurs sociaux pour boucler ce budget à 10 milliards d'euros. Nous répondrions ainsi au souhait très clairement exprimé, tant par les collectivités que par les auteurs du rapport, tous conscients qu’il est absolument indispensable de maintenir une action forte.

Je dirai pour conclure, puisqu’il me reste seulement quelques secondes de temps de parole, que tout cela doit se faire et se fera dans un processus de coconstruction et de rassemblement, au-delà des sensibilités diverses. En décidant de proposer la présidence de l’ANRU à Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois, nous lançons d'ailleurs un message clair. Sur un tel dossier, compte tenu de la situation particulièrement grave dans quelques dizaines de quartiers, où il faut mener une action très forte et rapide, nous sommes conscients de la nécessité de rassembler au maximum et de travailler ensemble pour apporter des solutions.

Je vous ai d'ailleurs entendu rappeler il y a quelques minutes que nous devons prêter attention à la démographie et au renouvellement des populations. Le plan « logement d’abord » ne doit pas vous inquiéter. Je suis tout à fait conscient qu’il est nécessaire de favoriser la mixité sociale. S’il y a construction, et il y aura construction de 10 000 pensions de famille supplémentaires et de 40 000 logements d’intermédiation locative, nous tiendrons compte de la nécessaire mixité.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Monsieur le président, je vous écoute et j’en termine donc par ces propos à la fois rassurants et optimistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – M. Patrick Kanner et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

Débat interactif

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que les auteurs de questions disposent chacun de deux minutes au maximum, y compris la réplique. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le Président de la République est intervenu, le 14 novembre dernier, dans la métropole européenne de Lille, pour fixer le cap d’une politique de la ville renouvelée.

Depuis quarante ans, tous les gouvernements se sont évertués à trouver des solutions, afin de gommer les inégalités entre la périphérie et le centre de nos métropoles. Pourtant, aujourd'hui encore, plus de 5 millions de nos concitoyens vivent dans des quartiers dits « de géographie prioritaire », dont le revenu moyen par habitant est inférieur de 60 % au revenu médian, c'est-à-dire à 11 250 euros par an.

Les collectivités locales et leurs élus sont en première ligne du combat quotidien pour faire en sorte que ces territoires, et surtout leurs habitants, ne décrochent pas totalement.

Je m’appuierai sur le cas de la métropole européenne de Lille pour illustrer le travail des pouvoirs publics locaux. La métropole européenne de Lille pilote l’un des plus importants contrats de ville français. Il concerne 360 000 habitants. Ce contrat de ville inclut un programme de renouvellement urbain à dix ans. Dans ce cadre, 7 000 logements devraient être traités, qu’ils soient détruits, reconstruits ou réhabilités.

Des incertitudes pèsent sur ce programme, dont les deux tiers dépendent des capacités d’autofinancement ou d’emprunt des bailleurs, notamment à cause d’un manque de visibilité.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les modalités de mise en œuvre des annonces du Président de la République et sur la place qui sera faite aux collectivités locales.

Sur la forme, dans la définition du plan de bataille voulu par le Président de la République et pour lequel il a confié une mission à M. Jean-Louis Borloo, quelle place sera faite aux collectivités locales et, en premier lieu, aux intercommunalités, qui sont les pilotes de ces contrats de ville ?

Sur le fond, le Président de la République a annoncé le doublement du budget de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui passerait de 5 milliards d'euros à 10 milliards d'euros.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Dany Wattebled. Dans quel cadre sera mobilisée l’enveloppe supplémentaire et quelle sera sa destination ? Qui aura la maîtrise sur le terrain de cette enveloppe supplémentaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur la place qui sera faite aux collectivités locales dans ce dossier particulièrement important.

On ne peut agir sur la politique de la ville qu’en collaboration et en coconstruction avec les collectivités locales. Je n’imagine pas qu’il puisse en être autrement ! En effet, je l’ai dit il y a quelques minutes, ce sont nos collègues élus locaux qui sont directement au contact des difficultés, puisqu’ils gèrent leurs collectivités. Il est évident que nous allons – nous le faisons dès aujourd'hui lors de nos discussions – construire avec eux.

De plus, les collectivités locales, quelles que soient les strates, ont un impact important et indispensable sur la politique de rénovation de ces quartiers. Vous ne devez donc ressentir aucune inquiétude à ce sujet.

Le Gouvernement a la volonté de travailler avec les collectivités. Le Président de la République a décidé de mettre en place un conseil présidentiel de la ville. Il fait ainsi la démonstration d’une volonté très forte de faire de ce dossier un enjeu national. Ce conseil devrait se réunir à l’Élysée tous les trois mois. Il est bien évident – cela a déjà été le cas – que nombre d’élus en charge de ces quartiers y seront représentés. Nous travaillerons avec eux.

J’en viens au programme ANRU. Les dossiers sont bien évidemment déjà en cours de finalisation. Le processus se poursuivra, je le rappelle tout de même, jusqu’en 2031, ce qui nous laisse un peu de temps pour les signatures ! (Sourires.) Je souhaite, cela va de soi, que nous allions le plus vite possible. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne les critères retenus pour le classement des quartiers relevant de la politique de la ville, s’agissant, en particulier, des revenus pris en compte.

Aux termes de la loi de programmation de 2014, le QPV correspond à un espace urbain continu regroupant au moins 1 000 habitants et dont le revenu médian est défini comme critère unique de classification.

Or la référence à ce revenu médian apparaît aujourd'hui pénalisante pour des communes avec des quartiers très défavorisés et les fait sortir de la classification QPV issue de la nouvelle géographie. En effet, d’une certaine manière, des méthodes de calcul du revenu moyen médian neutralisent certes les plus hauts revenus, mais aussi tous les bas revenus, ainsi que les minima sociaux.

C’est ainsi que dans ma commune, l’une des plus pauvres de France, le passage au revenu médian a exclu un quartier anciennement classé.

Cette méthode du revenu médian fait en effet, monsieur le ministre, mes chers collègues, ressortir les quartiers qui font plus de 1 000 habitants, regroupés dans des « carreaux » contigus de 200 mètres de côté et qui concentrent les populations ayant de faibles revenus. Or le territoire de l’ex-bassin minier du Nord-Pas-de-Calais se caractérise par un habitat spécifique en « cités », nettement moins dense que les barres HLM, et par une pauvreté diffuse : l’écart entre les revenus est donc moins important que dans d’autres territoires entre ces quartiers et le reste de la ville. Vous admettrez que cette double peine est difficile à admettre pour les élus locaux !

L’approche antérieure à 2014, fondée sur des critères multiples – minima sociaux, taux de familles monoparentales, taux de chômage, pourcentage de la population sans diplômes… – était donc plus juste, parce que plus proche de la réalité.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si vous entendez intervenir auprès des services de Bercy afin de faire évoluer les critères de classification. Dans la négative, envisagez-vous des mécanismes correctifs ?

J’ajoute, pour conclure, que cet infléchissement de la législation serait en cohérence avec les engagements pris par l’État dans le cadre de l’engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais signé en mars dernier par le Premier ministre, M. Bernard Cazeneuve. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur des critères qui ont été définis par la loi de 2014. Dans ce texte, il est mentionné qu’il n’est pas prévu d’actualisation de la géographie prioritaire avant 2020, ce qui correspondra à l’achèvement de la nouvelle génération des contrats de ville, afin que ceux-ci puissent produire tous leurs effets.

Convenez que cette définition de la géographie prioritaire sur la base d’un critère unique permet tout de même de faciliter son actualisation. Dès lors que la définition d’une politique demande la prise en compte de certains critères, nous entendons protester ceux qui ne répondent pas exactement à ce cadre et considèrent qu’il faut le revoir… Nous en avons récemment fait l’expérience en matière de revitalisation rurale sur les zones de revitalisation rurale, ou ZRR. Là, c’est un peu la même chose.

Je veux, sinon vous rassurer, du moins vous dire que nous sommes très attentifs à ce qui se passe sur votre territoire. Vous avez rappelé le contrat concernant le bassin minier signé par le Premier ministre Bernard Cazeneuve au mois de mars 2017.

J’ai eu l’occasion de le dire, y compris en répondant à des questions d’actualité, lors de son passage à Amiens, le Président de la République a souligné que l’intention du Gouvernement était de respecter intégralement ce contrat. Si ma mémoire est bonne, ce dernier prévoit aussi la rénovation de 23 000 logements, ce qui n’est pas rien. Nous ferons en sorte que l’engagement pris par le Premier ministre Bernard Cazeneuve soit respecté. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Pemezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 48 millions d'euros, tel est le montant investi par l’État pendant les dix dernières années sur la politique de la ville. Quelque 48 millions d'euros pour retrouver, même s’il y a eu des réussites qu’il ne faut pas nier, des quartiers où règne la violence au quotidien, où la désespérance est généralisée, où le chômage est endémique. Pour certains, ces quartiers ont même quitté le territoire de la République !

Ancien rapporteur de la loi ANRU, je ne veux pas remettre en cause les bonnes intentions qui animent la politique de la ville. Il n’en reste pas moins qu’il faut s’interroger, aujourd'hui, sur le bon usage de ces crédits et sur les raisons de cette sorte d’inefficacité chronique.

Je suis maire d’une ville qui comptait 73 % de logements sociaux lorsque j’ai récupéré sa gestion en 1989. Je connais donc les difficultés, le temps, la volonté qui sont nécessaires pour transformer un quartier, mettre en place la mixité et permettre à certains d’accéder à la propriété.

Les règles étaient déjà compliquées pour faire en sorte que les gens vivent bien dans leurs quartiers. Aujourd'hui, et depuis quelque temps déjà, avec toutes ces lois successives – je pense à la loi SRU, cette loi idéologique, à la terrifiante loi ALUR et, aujourd'hui, à l’attribution des droits au logement opposable, les DALO, par les services des préfectures –, on est en train de remettre en cause l’équilibre sociologique des quartiers.

Monsieur le ministre, stop à tous ces textes, à toutes ces normes, à toutes ces lois ressenties par les élus comme des actes de méfiance et qui mettent en cause leurs initiatives ! Je crois qu’il faut revoir l’usage de tous ces crédits. Il faut les concentrer, cesser le saupoudrage et ouvrir la porte à l’expérimentation.

Ma question est la suivante : êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à refaire confiance aux élus et à travailler avec eux ? Je crois en effet que la politique de la ville, ils la pratiquent au quotidien et ils connaissent ses problématiques.

Je voudrais vous interroger plus précisément sur les DALO. Pour avoir été vous-même un maire et un élu local, ne croyez-vous pas qu’il revient aux maires, plutôt qu’aux services des préfectures, de gérer ces attributions ? Ce qui se passe est complètement aberrant !

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Pemezec. Les maires connaissent la sociologie de leurs quartiers et de leur ville ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, s’il y a des normes et des lois, c’est souvent parce qu’il y a eu des élus pour les voter ! (Sourires.) J’en sais quelque chose pour y avoir largement contribué pendant neuf ans… Je ne puis donc que vous inviter à faire preuve de concision dans la rédaction législative.

Plus sérieusement, je conviens qu’il y a une grande complexité de nos procédures. Je vous entends et je souhaite – je profite de la présence en séance du directeur de l’ANRU pour l’affirmer – que l’on simplifie au maximum les choses. Vous avez rappelé les montants considérables qui ont été consacrés à cette politique. Elle a tout de même porté des fruits – il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain !

Vous me demandez si nous sommes prêts à transférer vers les mairies la gestion des contingents DALO actuellement assurée par les services des préfectures.

À cette question, je réponds non et ce n’est pas une marque de défiance à l’égard des collectivités. En la matière, la solution retenue me paraît la bonne.

En revanche, la concertation entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités est de plus en plus nécessaire. Bien sûr, dans ces quartiers, il est indispensable de ne pas inventer le mouvement perpétuel : que la rénovation se traduise par une absence de mixité sociale serait la pire des choses. C’est tout l’enjeu du débat que nous devons avoir, car c’est là le vrai chemin qu’il nous faut suivre ensemble. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République en marche.

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son discours sur la politique de la ville le 14 novembre dernier, le Président de la République a fait de l’émancipation par la formation professionnelle, la culture et l’école une priorité. Il a ainsi exprimé son souhait de voir rouvrir les internats d’excellence dans les zones rurales et dans les quartiers difficiles. Lancés en 2000 dans le cadre du plan de relance de l’internat scolaire public, puis promus à la suite de la dynamique Espoir banlieues de 2008, ils ont rencontré un fort succès et le bilan est très largement positif au regard de l’amélioration des résultats scolaires des adolescents internes. Toutefois, jugés trop couteux par la précédente majorité, les internats d’excellence ont été dissous dans les autres internats, plus précisément dans le dispositif des internats de la réussite.

L’annonce du Président de la République requiert quelques éclaircissements. Plusieurs types d’internat coexisteront-t-ils ? Réhabilité, le label « internat d’excellence » s’accompagnera-t-il d’un surcroît de moyens ? Les établissements qui en bénéficieront sont-ils les mêmes que ceux qui relevaient jadis du dispositif ? Plus généralement, quels seront les budgets affectés au développement des internats ? Quel sera le calendrier ?

Le Président de la République a aussi souhaité valoriser les bonnes pratiques engagées localement qui répondent à un réel besoin des quartiers, mais qui ne sont pas transposables : je pense par exemple à une initiative locale dans mon département, la Digitale Académie, à Montereau-Fault-Yonne, qui lutte efficacement contre le décrochage post-bac.

Comment ces dispositifs innovants, locaux et non transposables peuvent-ils être valorisés et promus ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. La question des internats d’excellence a été posée. Dans son discours, le Président de la République a très clairement annoncé le développement de la politique de l’éducation nationale en faveur des internats d’excellence dans les territoires les plus ruraux, mais aussi dans les quartiers politique de la ville.

En effet, la question de l’éducation et de la formation est tout à fait centrale dans la politique que nous devons mener ensemble. Cela concerne l’école primaire, car c’est là que tout commence. À ce titre, la politique de dédoublement des classes engagée par le ministre de l’éducation nationale sera accélérée à la rentrée 2018. Cela concerne également les stages, car, dans les quartiers politique de la ville, il faut accoutumer les jeunes à la question de l’entreprise et de l’emploi. Par ailleurs, il faut une mobilisation du grand plan concernant la formation et promouvoir les emplois francs à destination des jeunes.

Certes, les questions budgétaires n’ont pas été totalement réglées, mais l’accélération du processus d’internat d’excellence dès 2018 dans un certain nombre de quartiers constitue l’une des priorités du Président de la République, en synergie totale avec le ministre de l’éducation nationale.

Quant aux accélérateurs d’innovation sociale, nous y sommes tout à fait favorables. D’ailleurs, d’ici à la fin du mois de février prochain, dans le cadre du plan que nous allons mettre en place, nous procéderons à un relevé des bonnes pratiques pour parvenir à les dupliquer.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville, dont nous fêtons les quarante ans cette année, s’inscrit dans une double action – action sociale auprès des habitants et action urbaine –, qui constitue les deux pieds de cette politique depuis sa création. Or, cet été, que Philippe Rio, initiateur de l’appel de Grigny, qualifie d’« été meurtrier », vous avez procédé à une triple attaque des fondements de cette politique.

Ont ainsi été remis en cause des emplois aidés pourtant essentiels dans ces territoires, car ils permettent aux associations de disposer de moyens humains pour l’aide aux devoirs et aident au bon fonctionnement des associations sportives, culturelles… Ce sont autant d’éléments concrets au service des habitants de ces quartiers. Combien d’associations n’ont pas pu assurer leur rentrée ? Avez-vous un chiffre à nous communiquer, monsieur le ministre ? Il serait intéressant d’en débattre.

Nous ne pouvons accepter cette décision d’autant plus que vous avez opéré – c’est le deuxième volet de cette attaque – une suppression de crédits, à hauteur de 46,5 millions d’euros. Là encore, combien de projets utiles ont été stoppés en raison de cette nouvelle coupe, qui se conjugue avec la baisse des dotations aux collectivités territoriales ?

Enfin, en attaquant la prétendue rente des offices d’HLM, ce gouvernement pénalise directement la construction et la réhabilitation des immeubles dans ces quartiers, puisque les bailleurs sont les principaux financeurs de la rénovation urbaine.

À ce titre, monsieur le ministre, comment croire le Président de la République quand il indique vouloir relever le nouveau plan national de rénovation urbaine à 10 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros serait financé par l’État ? Comment feront les bailleurs pour accompagner cet effort, alors que l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 ampute déjà leurs finances de 1,7 milliard d’euros ?

Les habitants ont besoin d’engagements forts. C’est urgent, comme en témoigne l’appel de Grigny. Monsieur le ministre, quand allez-vous arrêter de nous annoncer des milliards d’euros qui n’existent pas ? Pensez-vous concrètement pouvoir aller plus loin pour l’ANRU que le simple engagement des 15 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2018 ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Xavier Iacovelli et Mme Sophie Primas applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, il est difficile de répondre à la caricature par des propositions. Pour ma part, j’ai l’habitude de sortir des postures. Votre question ne m’étonne pas : elle est formulée chaque semaine depuis un certain temps ! (M. Fabien Gay s’exclame.) Vous avez parlé d’été meurtrier. Les mots ont un sens et il vaut mieux éviter certaines expressions.

J’en viens aux emplois aidés. La loi de finances pour 2017, que votre groupe n’a pas votée,…

M. Fabien Gay. Nous sommes cohérents !

M. Jacques Mézard, ministre. … – c’était sous le précédent gouvernement –, prévoyait 290 000 emplois aidés. Nous en sommes pratiquement à 330 000. En d’autres termes, nous avons créé plus d’emplois aidés qu’annoncé. Il est bon de rappeler les véritables chiffres.

En ce qui concerne la politique menée, il est facile d’affirmer qu’il faut simplement plus de moyens financiers. Je le répète : ce dossier est particulièrement difficile d’abord pour ceux qui vivent dans ces quartiers. Vous avez parlé de Grigny, monsieur le sénateur, mais ce gouvernement n’est pas responsable du déficit chronique de la ville. J’entends les demandes du maire de Grigny et connais les difficultés qu’il rencontre sur son territoire.

M. Fabien Gay. Cela ne concerne pas que lui !

M. Jacques Mézard, ministre. Je m’y suis d’ailleurs rendu, ai discuté avec le maire et visité un quartier avec lui. Que je sache, la situation de Grigny ne date pas du mois de juin dernier. Par le plan que nous allons mettre en place, nous essayons de donner davantage de moyens et de solutions aux quartiers qui, dans les quartiers prioritaires, ont le plus de difficultés.

On peut, certes, se contenter de postures, monsieur le sénateur, mais ce ne sera jamais mon cas.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour le groupe Union Centriste.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour réellement changer nos quartiers prioritaires, réaménager, détruire, reconstruire, réhabiliter sont des conditions nécessaires, mais pas suffisantes. En effet, ce sont les habitants qui y vivent qui feront de ces quartiers des quartiers comme les autres. Nous le savons tous, c’est dans la durée – j’insiste sur ce point – que l’on mesurera la réussite ou l’échec.

Il faut donc assurer dès le départ une nouvelle mixité, à travers une politique de peuplement adaptée. C’est très difficile à faire. Il faut aussi assurer à ces habitants de l’emploi, de la réussite scolaire, de la tranquillité publique et aussi la présence de services. Cependant, et je tiens à le souligner, il faut aussi que les familles qui vivent dans ces quartiers, qui ont des droits, assument leurs devoirs liés à la parentalité.

Toutes ces actions doivent être menées de façon concomitante. Dans ces quartiers, les politiques publiques d’accompagnement de proximité sont essentielles et doivent être contractualisées entre tous les acteurs concernés. Pour porter leurs fruits, elles doivent en outre être évaluées et réadaptées en fonction des résultats ; le risque est grand sinon de voir certains quartiers sombrer à nouveau.

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement dans ce domaine ? Quels éléments de mesure, d’évaluation, de suivi et de corrections éventuelles entend-il mettre en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je partage votre analyse et vos propos. Oui, les résultats se mesurent dans la durée : c’est une réalité, en particulier dans ce domaine. Oui, il faut une politique de peuplement adaptée, c’est même l’alpha et l’oméga. Vous avez rappelé le devoir des familles pour assurer la parentalité : c’est un enjeu majeur mais particulièrement difficile (M. Daniel Dubois opine.), compte tenu de ce que nous savons sur les renouvellements de population dans un certain nombre de ces quartiers.

Pour assurer la contractualisation, qui est absolument indispensable, et pour procéder à des évaluations – car notre pays manque souvent de véritables évaluations des politiques menées –, nous avons les préfets délégués et les délégués des préfets. Je tiens à leur rendre hommage, car ils jouent un rôle important, qui est appelé à croître. Le travail qu’ils sont amenés à accomplir avec les différents acteurs me semble tout à fait fondamental. C’est même selon moi l’instrument le plus efficace de la politique déconcentrée de l’État dans ces quartiers.

Pour les avoir presque tous rencontrés en les réunissant au ministère, je puis attester qu’il s’agit de serviteurs de l’État qui connaissent les quartiers et peuvent avoir un rôle encore plus efficace pour faciliter la contractualisation et l’évaluation qu’à juste titre vous souhaitez, monsieur le sénateur. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour la réplique.

M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, je suis rassuré par vos propos, mais ce sont maintenant les faits qui parleront. Il ne faut surtout pas de politique au coup par coup. On utilise le droit commun, mettons en place une politique d’exception dans ces quartiers.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand nous légiférons pour les 5 millions d’habitants des quartiers populaires, nous devons avoir à l’esprit l’ampleur des inégalités qu’ils subissent : un taux de pauvreté à 42 %, un taux de chômage à 27 %, souvent des logements insalubres. Ces inégalités sociales ont un impact direct sur l’état de santé des habitants : l’espérance de vie à la naissance y est, par exemple, beaucoup plus faible.

Face à cette urgence sociale, notre responsabilité collective est engagée. Il est de notre devoir de tenir la promesse républicaine d’égalité sur notre territoire. Nous le devons aux habitants. C’est un principe de justice sociale ; c’est aussi une question de dignité.

Vous le savez, les habitants de nos quartiers populaires ne sont pas des oisillons qui attendent la béquée. Ce sont des citoyens qui souhaitent simplement qu’on leur offre les mêmes chances de réussite.

Quand, le 13 novembre dernier à Clichy-sous-Bois ou le 14 à Tourcoing, j’ai écouté le Président de la République et pris connaissance des mesures qu’il proposait pour les 5 millions d’habitants de nos quartiers, pour eux, j’ai eu envie d’y croire : envie de croire notamment au doublement de l’enveloppe prévue pour le Nouveau Programme national pour la rénovation urbaine, le NPNRU, envie de croire à un investissement massif pour l’expérimentation d’une nouvelle version des emplois francs.

Monsieur le ministre, permettez-moi toutefois d’avoir une crainte au regard de la traduction budgétaire et de la faiblesse des financements qui rendent tout engagement inatteignable ou insincère.

En ces temps où la parole politique est dévalorisée, c’est jouer avec le feu que de ne pas respecter ses engagements. Veillez à ne pas en rester au stade des incantations et des effets d’annonce. Monsieur le ministre, le 24 octobre dernier, vous avez confirmé l’engagement de l’État, décidé par le précédent gouvernement, dont Patrick Kanner faisait notamment partie, de 1 milliard d’euros pour la rénovation, indiquant ainsi votre engagement annuel de 65 millions d’euros. Comment expliquer alors que, pour 2018, nous ne soyons qu’à 15 millions d’euros ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer une estimation du nombre d’emplois francs qui seront signés en 2018 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, nous devons permettre à tous nos concitoyens vivant dans ces quartiers d’avoir les mêmes chances de réussite. Il est tout à fait normal que nous travaillions tous à cet objectif, mais il est difficile à atteindre compte tenu de la situation que nous avons constatée. Nous allons faire le maximum pour aller dans ce sens.

Vous avez une crainte sur les finances et vous avez raison d’être inquiet. Vous avez parlé d’insincérité dans les budgets ; nous en savons quelque chose après ce que nous avons constaté en arrivant aux commandes ! (M. Patrick Kanner s’exclame.)

De ce point de vue, il est nécessaire de savoir tourner la page. Nous avons indiqué très clairement la sanctuarisation des crédits du programme 147, le milliard d’euros pour l’ANRU. Vous vous étonnez que seulement 15 millions d’euros de crédits de paiement soient prévus. Regardez ce qui a été prévu en 2017 !

Les crédits ont été fixés en fonction des dossiers prêts à être lancés. Sur ce sujet, je puis vous rassurer devant le directeur général de l’ANRU ici présent : Patrick Kanner sait comment cela fonctionne, nous tiendrons les engagements que nous avons pris sans aucune difficulté.

M. Xavier Iacovelli. Et sur les emplois francs ? Allez-y, répondez, monsieur le ministre !

M. le président. C’est moi qui préside la séance, mon cher collègue, et j’allais dire que M. le ministre avait quasiment épuisé son temps. (M. le ministre se rassoit.)

La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste.

Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès que l’on évoque la politique de la ville apparaît une problématique qui me tient tout particulièrement à cœur et qui concerne les enjeux de mobilité. Nous savons que Mme Élisabeth Borne organise en ce moment les Assises de la mobilité partout en France. Sans vouloir interférer dans ses travaux, il est nécessaire de réaffirmer l’impérieuse nécessité d’offrir des solutions de déplacement et de transport aux populations les plus modestes ou aux territoires les plus enclavés, pour ne pas dire no man’s land.

La réponse à ce besoin passe nécessairement par un portage politique volontariste de sortir du « tout-voiture », répondant par la même occasion à des contraintes environnementales désormais prioritaires, et par la capacité de nos différentes strates administratives compétentes de renouer le dialogue, loin des clivages politiques partisans, uniquement porté par l’intérêt général.

Monsieur le ministre, faites-vous bien de l’intermodalité une politique prioritaire à la fois dans les actions et les financements ? Considérez-vous bien que les transports en commun du quotidien, sous toutes leurs formes, font partie intégrante des solutions d’avenir pour notre planète et que l’équité territoriale doit engendrer, demain, une ville sans couture ? (Mme Valérie Létard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, la mobilité est l’un des éléments essentiels du travail que nous devons réaliser ensemble sur ces territoires. Que constatons-nous ? Y compris en Île-de-France, et peut-être là plus qu’ailleurs, d’une commune à l’autre, nos concitoyens ont du mal à trouver un emploi, car cela se traduit souvent par des déplacements d’une heure, voire d’une heure et demie, alors que le poste ne se trouve qu’à quelques kilomètres de leur domicile.

Ce constat, qui n’est nullement une découverte, est le résultat des différentes politiques qui ont été menées depuis des années. Il s’agit là véritablement d’une responsabilité collective et ce n’est pas que la faute de l’État, quoi qu’en disent ceux qui s’en tiennent à des postures. Dans le dossier du Grand Paris, la question de la mobilité me paraît essentielle.

Madame Vullien, vous me demandez si le Gouvernement veut favoriser l’intermodalité. La réponse est oui, bien évidemment ! Nous sommes dans une période de mutation considérable en matière de transport, je dis bien : considérable. Voilà quelques jours, j’étais au lancement de la première voiture autonome française ; en matière de transports, les choses vont s’accélérer dans les années qui viennent. À ce titre, les annonces du ministre des transports, dans le cadre des Assises de la mobilité, vont tout à fait dans ce sens.

Quoi qu’il en soit, cela ne se fera pas en un jour. Le concours des collectivités locales est nécessaire – il y va de l’intérêt général – et c’est tout à fait dans cette démarche que nous nous inscrivons.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour la réplique.

Mme Michèle Vullien. Monsieur le ministre, je vais vous parler lyonnais : « Il suffit pas d’y dire, faut encore y faire ! » (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de 2014 a fait rentrer dans la politique de la ville, grâce au critère unique du revenu par habitant, des quartiers situés en zones rurales. Patrick Kanner a mis en œuvre avec efficacité cette politique, je peux en témoigner à Auch.

Le Président de la République a indiqué vouloir mieux cibler l’action de la politique de la ville sur les quartiers en très grande difficulté. Si cette décision se comprend au regard des principes et valeurs de la République qui nous rassemblent, pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, sur le maintien dans le dispositif, de façon durable dans le temps, des quartiers politique de la ville situés en zones rurales ?

Il est en effet essentiel que l’action collectivement déjà engagée, qui a souvent déjà produit des effets positifs et qui suscite légitimement de fortes attentes des citoyens, des associations et des élus, ne soit pas déçue.

L’inscription dans le projet de loi de finances pour 2018 de 15 millions d’euros de crédits de paiement pour l’ANRU laisse comprendre que très peu de projets de renouvellement urbain seront réalisés et financés en 2018. Est-ce à dire que l’année 2018 sera consacrée au mieux à des études, au pire à rien ? S’il en est ainsi, quel message faites-vous passer aux habitants de ces quartiers ?

Comment l’État, par le truchement de l’ANRU, va-t-il compenser le désengagement ou l’affaiblissement de nombreux acteurs comme les bailleurs sociaux, les départements et les régions ? Le calcul de la participation de l’ANRU au financement va-t-il être revu à la hausse pour opérer les nécessaires compensations ?

Enfin, dans une perspective d’aménagement du territoire moderne, le temps n’est-il pas venu de penser différemment les stratégies d’accueil et de peuplement à partir d’une relation « métropole-territoires ruraux ou périphériques » reconsidérée, qui permettrait de donner un sens concret au principe d’égalité des territoires auquel nous sommes tous attachés ? (Mme Sophie Taillé-Polian et M. Patrick Kanner applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, rassurez-vous et rassurez le Gers : il n’y aura pas d’abandon par l’État de la politique de la ville dans le quartier d’Auch, auquel vous tenez particulièrement, pas davantage que dans le quartier prioritaire d’intérêt régional de ma bonne ville d’Aurillac. Le Gouvernement n’entend pas modifier la liste des quartiers qui ont été retenus dans le cadre de la politique de la ville. Il n’y a donc pas de raison d’être inquiet.

Sur la question des 15 millions d’euros, comme je l’ai dit voilà quelques instants, les dossiers qui seront prêts seront financés. Cela a été fait en total partenariat avec l’ANRU et il n’y a aucune difficulté à cela. De grâce, les difficultés sont déjà suffisamment nombreuses pour ne pas y ajouter des craintes injustifiées !

Vous parlez de la relation entre la métropole et les territoires ruraux. Je sais, pour avoir signé un contrat dans le Gers en présence de la métropole et du pays présidé par votre collègue Raymond Vall, que vous êtes très allant dans ce domaine. Nous ne pouvons qu’inciter toutes les métropoles, y compris les plus célèbres, à pratiquer une politique du ruissellement qui favorisera tous les territoires ruraux. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, je souligne que je suis un sénateur écologiste rattaché au groupe RDSE – comme quoi, monsieur le ministre, tout peut arriver ! – et je m’y trouve plutôt bien. (Sourires.)

Monsieur le ministre, mesdames les auteurs du rapport d’information à l’origine du débat qui nous réunit aujourd’hui, mes chers collègues, ma question porte plus particulièrement sur le dispositif des conseils citoyens. Dans son rapport sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine en 2014, dit projet de loi Lamy, notre ancien et regretté collègue Claude Dilain déclarait : « La participation [des habitants] ne doit pas être vue comme un obstacle et une source de délais supplémentaires, mais comme une possibilité d’améliorer le projet comme d’éviter des risques de blocages ou d’insatisfaction ultérieurs. »

Nous multiplions régulièrement les instances de consultation et de participation des citoyens. Nous en avons d’ailleurs inscrit le principe dans notre Constitution, via l’article 7 de la Charte de l’environnement. Nous l’avons confirmé en ratifiant plusieurs traités internationaux. Cette participation se pratique aujourd’hui dans des domaines diversifiés, en particulier l’environnement et l’urbanisme.

Le dispositif des conseils citoyens a été qualifié d’« instance balbutiante » par les auteurs de ce rapport d’information. Monsieur le ministre, ma question est simple : comment envisagez-vous de renforcer les conseils citoyens, de les conforter dans leur mission et d’engager une mise en cohérence des différents systèmes de participation des habitants sur les territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, je suis particulièrement heureux que vous soyez heureux dans votre nouveau groupe ! (Sourires.)

La question que vous posez est pertinente et concerne l’avenir et le fonctionnement des conseils citoyens. Il n’est pas facile de mettre en place de telles structures et de les faire fonctionner, mais c’est une bonne initiative. Aujourd’hui, on dénombre 1 157 conseils citoyens, soit environ 15 000 membres. Vous connaissez le système du tirage au sort et vous savez les difficultés pratiques de renouvellement.

Il faut aujourd'hui tirer le bilan du fonctionnement des conseils citoyens. Pour avoir rencontré depuis quatre mois un certain nombre de membres de conseils citoyens – souvent des représentants particulièrement engagés et volontaires –, je mesure tout à fait l’intérêt de permettre le meilleur fonctionnement possible de ces instances.

La question de la formation me paraît particulièrement importante. En effet, il n’est pas forcément facile de se retrouver du jour au lendemain dans un conseil citoyens. Certes, un système de formation existe déjà, mais l’État doit développer cette capacité. En effet, aujourd’hui, sur le territoire, ainsi que l’attestent mes déplacements, les résultats sont hétérogènes : certains conseils citoyens fonctionnent très bien, d’autres ont du mal à trouver leur équilibre ou sont très silencieux.

Nous avons pour volonté de renforcer l’animation des conseils citoyens avec, si c’est possible, un rapprochement des acteurs en place, de prolonger la dynamique impulsée avec les formations – cela me paraît essentiel –, et de favoriser la mise en réseau des conseils citoyens.

Pour que la politique de la ville réussisse, nous avons intérêt à permettre aux conseils citoyens d’être le plus actifs possible…

M. le président. Il faudrait conclure !

M. Jacques Mézard, ministre. … et d’être un élément de représentation de ces quartiers, sans toutefois entrer en concurrence avec les structures de démocratie représentative. (M. Yvon Collin applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Vous dites vouloir renforcer l’encadrement et l’animation des conseils citoyens pour faire avancer la démocratie citoyenne. La réponse se trouve dans l’intitulé de notre débat aujourd’hui : « Politique de la ville : une réforme bien engagée, mais fragilisée par un manque de moyens ».

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour le groupe Les Républicains.

M. Serge Babary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville vise à réduire les écarts de développement au sein des villes, à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers défavorisés et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants.

À l’occasion des quarante ans de la politique de la ville, le 6 octobre dernier, le Gouvernement a souhaité donner un nouvel élan à la politique de la ville et s’est engagé à augmenter de 1 milliard d’euros le financement du nouveau programme national de rénovation urbaine, le NPNRU. Cette annonce s’inscrit dans le cadre de l’engagement présidentiel de porter le NPNRU de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros.

En parallèle, l’article 52 du projet de loi de finances pour 2018 impose, en contrepartie de la baisse des APL de 60 euros dans le logement social, une réduction des loyers de solidarité, qui sera finalement étalée sur trois ans.

Pour l’année 2018, la baisse des loyers correspondra toutefois à une perte de 822 millions d’euros. Cette perte devra être absorbée par les offices publics de l’habitat, qui détiennent 2,5 millions de logements. Cette mesure, qui intervient en pleine négociation du futur NPNRU pour les années 2018–2024, a des effets directs sur la capacité d’autofinancement des organismes d’HLM et va nécessairement fragiliser la politique locale en faveur du logement social.

Je m’inquiète donc de la capacité des bailleurs à investir au cours des prochaines années dans les quartiers prioritaires et des incidences de ces mesures sur la réalisation des projets engagés dans le cadre du NPNRU.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me préciser aujourd’hui les contreparties qui seront données aux bailleurs sociaux afin de limiter l’impact de ces mesures sur l’ensemble de la chaîne de production de logements ? Les engagements de l’État en matière de rénovation urbaine pourront-ils être tenus ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Babary, je n’engagerai pas un nouveau débat sur l’article 52 du projet de loi de finances.

Ce que je peux vous dire, c’est que nous travaillons avec les bailleurs sociaux afin de trouver une solution acceptable et consensuelle. Je ne doute pas que nous y parviendrons dans les semaines qui viennent.

Sans remettre sur le tapis la question de la restructuration du secteur, je rappellerai que, d’un point de vue financier, 1 milliard d’euros sur l’ANRU, cela correspond, d’ici à 2031, à 65 millions par milliard, c’est-à-dire que 2 milliards d’euros correspondent à 130 millions d’euros par an, le déclenchement, je l’ai rappelé il y a quelques instants, par rapport à l’année 2018, dépendant des signatures et du lancement des projets sur le terrain.

Je pense donc que nous arriverons à boucler le budget du NPNRU, car c’est l’intérêt général. C’est l’intérêt bien sûr des collectivités locales, mais aussi des bailleurs sociaux.

Vous avez évoqué les contreparties. Nous sommes justement en train de finaliser un certain nombre de propositions qui me permettent, là aussi, de vous adresser un message rassurant.

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.

M. Serge Babary. Je vous remercie, monsieur le ministre.

Je serai évidemment attentif à vos propositions. Pour un territoire que je connais bien, la métropole de Tours, qui compte cinq quartiers d’intérêt national, la perte pour les six bailleurs sociaux qui suivent le projet ANRU est de 21 millions d’euros par an. Je ne suis donc pas certain que les engagements qui ont été pris lors du protocole de préfiguration pourront être honorés. Je le dis en présence du directeur général de l’ANRU.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche.

M. Frédéric Marchand. Monsieur le ministre, parmi les dix objectifs de la politique de la ville fixés par l’Observatoire national de la politique de la ville figure en sixième position : « Garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance. »

En tant qu’élus locaux, nous savons que certains de nos quartiers inscrits en QPV sont, hélas ! devenus des zones de non-droit dans lesquelles la tranquillité des habitants est contrariée, pour ne pas dire mise à mal, par nombre d’actes délictueux et des commerces illicites. Le trafic de stupéfiants en est certainement l’illustration la plus parlante, une réelle économie parallèle s’installant même dans ces quartiers. De véritables filières sont mises en place et il n’est pas rare de voir de nombreux mineurs pris dans un engrenage infernal.

Combien sommes-nous à avoir tenté de faire entendre raison à ces jeunes, à leur avoir proposé des parcours de vie et d’insertion et à nous être entendus répondre que leur activité était sans doute beaucoup plus lucrative que tel ou tel parcours ?

Dans les cellules de veille auxquelles nous participons, nous mesurons que le droit à la tranquillité et à la sécurité n’est pas forcément le même pour tous.

Le Président de la République a insisté sur ce sujet lors de son déplacement dans la métropole lilloise le 14 novembre dernier, en évoquant le lancement d’une expérimentation de la police de sécurité du quotidien dans ces quartiers dès 2018. Cette présence policière est fortement attendue par nos concitoyens et par les élus locaux.

Ce déploiement se fera dans le cadre d’une stratégie de sécurité partagée par les élus locaux et par les associations, stratégie qui repose à la fois sur la prévention et la répression.

Dans le Nord, et plus particulièrement dans la métropole lilloise, l’appétence est grande pour expérimenter ce dispositif et des demandes ont été faites dans ce sens.

Monsieur le ministre, pour répondre aux attentes et aux interrogations des élus locaux, pouvez-vous nous préciser les contours des missions qui seront dévolues à cette police dans les QPV, les moyens spécifiques leur seront dédiés et la date à laquelle les sites retenus seront annoncés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, vous avez raison, dans un certain nombre de quartiers, la sécurité au quotidien est devenue un véritable problème. Nous avons déjà évoqué les raisons de cette situation, en particulier l’évolution démographique. J’ai parlé d’un certain mouvement perpétuel s’agissant du renouvellement de population. Nous sommes au cœur du sujet.

Vous l’avez rappelé, le Président de la République a indiqué que la politique de sécurité du quotidien serait fléchée prioritairement sur un certain nombre de quartiers fragiles que nous connaissons tous et dans lesquels nous commencerons l’action dès l’année 2018.

La concertation est en cours sous l’égide du ministre d’État, ministre de l’intérieur. L’expérimentation sera réalisée en 2018. Il s’agit in fine de la création de 10 000 postes, ce qui n’est pas neutre. Un nombre important d’entre eux, mais pas tous, seront affectés dans les quartiers prioritaires. Les sites retenus seront annoncés en fin d’année. Je ne doute pas, monsieur le sénateur, que vous saurez faire part au ministre de l’intérieur de l’intérêt de flécher un certain nombre de ces postes sur les quartiers que vous connaissez particulièrement.

J’ajoute qu’un certain nombre de dispositifs doivent par ailleurs être également développés. C’est ainsi le cas des centres de loisirs et de la jeunesse de la police nationale, qui fonctionnent bien. C’est également le cas des délégués à la cohésion police-population, dont le rôle doit être renforcé. Ces policiers à la retraite consacrent une partie de leur temps à remplir ce rôle et à établir un lien nécessaire entre la police et la population. On pourrait parler aussi des EPIDE, les établissements pour l’insertion dans l’emploi, qui sont un réel succès et dont l’action me paraît tout à fait utile.

En tout cas, il est tout à fait indispensable de faire de la sécurité une priorité. Il est aussi de notre intérêt à tous de changer l’image de ces quartiers.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, pour ma part, je considère que les annonces du Président de la République ne sont pas très fortes. J’ai cherché le renouveau, mais je n’ai trouvé que des recettes un peu usées ! Et il ne s’agit pas là d’une caricature ou d’une posture, monsieur le ministre.

La mobilisation prioritaire des politiques de droit commun en faveur des quartiers, la construction partenariale des projets avec les villes, les expérimentations : tout cela figurait déjà dans la loi Lamy. Il n’y a rien de nouveau !

Renvoyer le renouveau à des politiques contractuelles entre l’État et les collectivités est, me semble-t-il, le plus sûr moyen de ne pas disposer des crédits nécessaires. Ayons ensemble la lucidité de regarder l’état des contrats de ville : ils sont mort-nés, faute de moyens suffisants.

En outre, une telle approche individualise le rapport entre ces communes et l’État, alors qu’il convient de mener une politique nationale.

Je suis conscient qu’il faut territorialiser la réparation. Je parle bien de « réparation ». L’État doit réparer, il ne peut donc pas contractualiser avec les communes où, nous en avons tous fait le diagnostic, une intervention est nécessaire. La meilleure intervention, c’est de rétablir l’égalité.

Le Président de la République nous dit que les habitants veulent la République, rien que la République. Nous disons tous cela ! Mais il faut reconnaître que la République est déficiente. Elle l’est encore davantage avec le budget qui nous est présenté.

Par ailleurs, alors que nous faisons tous le même constat, je suis étonné que la seule mesure concrète qui soit annoncée soit la création d’emplois francs. On crée encore des aides destinées aux entreprises alors que l’efficacité des zones franches dans ces quartiers n’a jamais été démontrée. Je pourrais vous citer des exemples, mais je n’en ai pas le temps. J’ai consulté Les Échos, les études de la Banque de France, celles de l’INSEE, soit un spectre très large : l’efficacité de ce dispositif n’a pas été démontrée.

M. le président. Il faudrait conclure !

M. Pascal Savoldelli. Enfin, comme mes collègues, je m’interroge, monsieur le ministre : allez-vous sanctuariser les dotations des collectivités qui comptent des quartiers prioritaires et ne pas renvoyer cette question à une date ultérieure en septembre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, j’aurais été étonné que vous trouviez dans les dispositions préconisées par le Président de la République un quelconque point positif ! (M. Pascal Savoldelli s’exclame.) Ce n’est pas grave. Nous avons l’habitude, les uns et les autres, de ce type de débat.

Dès la rentrée, je me suis rendu dans les zones classées REP+ pour voir le résultat du dédoublement des classes. Je rappelle que 2 500 classes ont été dédoublées dès cette année : ça, c’est du concret ! La police de sécurité du quotidien et les moyens nouveaux qui seront mis en œuvre sont un plus, c’est également du concret, et cela intéresse nos concitoyens.

Vous doutez de l’utilité des emplois francs au motif, si j’ai bien compris, que l’argent est fléché vers les entreprises. Je rappelle que de très petites entreprises peuvent avoir recours à ces emplois et qu’elles en sont satisfaites. En réponse à la question qui m’a été posée précédemment, j’indique que 20 000 emplois francs seront créés dès l’année 2018 dans des quartiers représentant 25 % de la population.

Vous dites, monsieur le sénateur, que la République est déficiente. La République n’est certes pas parfaite, mais nous sommes tous responsables de cet état de fait, y compris les collectivités locales. L’État n’est pas toujours responsable, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Les responsabilités sont parfois sur le terrain, comme je l’ai constaté un certain nombre de fois en tant qu’élu local. C’est trop facile de flécher les responsabilités de cette manière !

Nous voulons construire ensemble pour améliorer la situation. C’est la volonté du Gouvernement. Ceux qui voudront participer à cet effort seront les bienvenus, les autres nous apporteront un concours efficace par leurs observations.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste.

Mme Valérie Létard. Monsieur ministre, j’ai écouté toutes les interventions. Beaucoup de questions ont été posées. Il convient maintenant de revenir au sujet central, à savoir l’annonce faite à l’Assemblée nationale du doublement de l’enveloppe, la contribution de l’État de 1 milliard d’euros consacrés au NPNRU, les 4 milliards d’euros apportés par d’autres acteurs du monde du logement et dont nous avons besoin de connaître les périmètres.

J’aimerais avoir votre avis, monsieur le ministre, sur un point symbolique.

En 2017, les autorisations d’engagement pour l’ANRU s’élevaient à 150 millions d’euros, les crédits de paiement à 15 millions d’euros. Cette année, les autorisations d’engagement s’élèvent à 15 millions d’euros et les crédits de paiement à 15 millions d’euros. C’est bien, car nous sommes en phase d’amorçage, nous n’en demandons pas plus, mais est-ce une bonne chose symboliquement ? Ma question porte en fait sur l’ambition de l’État de remettre en route sa contribution.

Par ailleurs, cela a été dit, contrats de ville et NPNRU : même combat ! Ils sont destinés aux gens, il faut donc mettre les moyens.

On parle du droit commun. Que met-on dans le droit commun ? Comment, dans le cadre de la mission que le Président de la République a confiée à Jean-Louis Borloo, ces nouvelles ambitions seront-elles mises en musique ? Comment seront-elles coordonnées ? À quels publics s’adressent-elles ?

À titre d’exemple, j’évoquerai les emplois francs. On voit bien que ce ne sont pas tous les publics de la géographie prioritaire qui sont concernés. Pourtant, cette mesure a déjà été expérimentée. Comment et à quel rythme sera-t-elle généralisée, si elle a vocation à perdurer ?

Pour terminer, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les questions qui ne manqueront pas de se poser en lien avec ce qui se passe sur le budget du logement. Je sais votre investissement sur cette question et le travail que le Sénat est en train de mener, mais, attention, la vente de patrimoine et toutes ces questions risquent de poser des problèmes en termes de mixité dans ces quartiers. En effet, vendre du patrimoine, c’est réduire la production de logements, au risque de ne plus pouvoir obtenir la mixité attendue. Quel est votre avis sur cette question, monsieur le ministre ? (Mme Fabienne Keller applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Valérie Létard, je commencerai par répondre à votre dernière question sur les ventes de logements.

Les réponses qui ont été apportées à cette question ce matin lors de la signature du protocole avec Action Logement, à laquelle vous avez assisté, sont parfaitement claires. Le Gouvernement et Action Logement souhaitent développer la vente de logements du parc HLM. Aujourd'hui, seuls 7 000 à 8 000 logements sont vendus chaque année, soit 0,2 % du parc, et ce pour des raisons techniques que vous connaissez comme moi, mais aussi du fait du manque d’enthousiasme, et c’est un euphémisme, qu’entraînent ces difficultés.

Dès lors que les choses sont calées, que l’on vend aux locataires et qu’on les protège, le système est vertueux. C’est d’ailleurs l’un des meilleurs systèmes pour relancer ensuite la construction de logements sociaux. La réticence de certains bailleurs sociaux, mais pas tous, est originale. Les filiales d’Action Logement vont, elles, s’investir très fortement dans ces ventes, comme vous l’avez clairement entendu.

Pour le reste, la symbolique, c’est très joli, mais ce qui compte dans un budget, vous le savez comme moi, c’est ce qui est concret. Nous avons dit très clairement que nous serions au rendez-vous des besoins du NPNRU et je maintiens que cet engagement sera tenu.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur l’un des aspects de la loi Lamy, qu’il convient, à mon sens, de conforter d’urgence.

Lors de la nouvelle définition des quartiers relevant de la politique de la ville, un certain nombre de quartiers ont été sortis du zonage prioritaire : l’article 13 de la loi a prévu de consolider la situation de ces territoires par la mise en place d’un dispositif de veille active. Certains de ces quartiers ont été inclus dans des contrats de ville, mais pas tous. Par ailleurs, certains autres contrats de ville ont identifié de nouveaux quartiers qui n’étaient pas intégrés, mais dont la situation sociale ou économique paraissait malheureusement suffisamment dégradée pour justifier une veille active d’un autre type afin qu’ils ne deviennent pas de futurs quartiers prioritaires.

Il semble que ces quartiers aient du mal à bénéficier des moyens de droit commun alors qu’ils ne peuvent évidemment plus accéder aux moyens de la politique de la ville. Je dirai, si vous me permettez cette expression, que c’est « le double effet Kiss Cool ». Ces quartiers peuvent se retrouver dans une situation extrêmement difficile et qui se dégrade.

Ma question porte sur la politique de veille active. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour éviter de nouveaux décrochages de ces quartiers ? Un suivi plus attentif, avec des indicateurs sociaux pertinents, permettant de mettre en œuvre des aides ciblées, ne pourrait-il pas être mis en œuvre ? Il nous semble extrêmement important d’éviter de nous retrouver dans quelques années dans des situations dégradées susceptibles de provoquer de nouvelles difficultés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je connais la situation des quartiers de veille active, car j’en ai un dans ma ville.

M. Jacques Mézard, ministre. La politique du Gouvernement sur ce sujet n’a pas changé par rapport à ce qui a été mis en place par la loi Lamy et à ce qui a été fait au cours des deux ou trois dernières années. Un processus de collaboration entre les collectivités locales et l’État a été mis en place. Les difficultés des quartiers que vous suivez particulièrement doivent évidemment être traitées en collaboration et en concertation avec les services déconcentrés de l’État. En tout cas, il n’y a pas, bien sûr, de volonté de ne pas veiller de manière attentive à ces quartiers.

Si certains d’entre eux ne relèvent plus du dispositif de veille active, c’est parce que des ministères précédents ont considéré qu’ils n’avaient plus vocation à en faire partie. Il serait désagréable en effet qu’ils y reviennent. Ce n’est vraiment pas le but du jeu.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Vous avez dit voilà quelques instants à notre collègue le sénateur Corbisez que l’on ne pouvait pas revoir la géographie prioritaire, que cette révision était prévue en 2020. En revanche, monsieur le ministre, vous avez les moyens de mettre en œuvre de manière plus forte la politique de veille active. Cela relève de votre responsabilité !

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains.

Mme Fabienne Keller. Monsieur le ministre, j’évoquerai la question de l’emploi. Le travail est bien sûr un élément très important dans le parcours de vie des personnes habitant les quartiers fragiles. À cet égard, vous allez certainement nous présenter votre projet d’emplois francs, qui est une belle idée, tout à fait intéressante.

Les activités dans les quartiers relevant de la politique de la ville assurent la présence de commerces, d’artisans, d’entreprises, cette exemplarité du travail au cœur des quartiers sensibles. C’est un objectif poursuivi depuis de longues années par les zones franches urbaines, qui sont l’objet, monsieur le ministre, de ma question.

Je tiens d’ailleurs à témoigner ici de leur efficacité, contrairement à ce qui a pu être dit, notamment lorsqu’elles sont associées à la rénovation urbaine, à un programme d’aménagement permettant l’installation des entreprises dans de bonnes conditions de sécurité, d’organisation et d’efficacité. Cela a été le cas en particulier au Neuhof, ce quartier très fragile de France, où plusieurs zones artisanales ont été installées.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer le maintien des zones franches urbaines ? Comme vous le savez, la visibilité et la stabilité de ces dispositifs est essentielle à leur efficacité.

Par ailleurs, est-il envisageable d’abaisser le seuil à partir duquel une réduction de l’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu est possible ? Aujourd’hui, les entreprises installées en zone franche doivent recruter une personne sur deux dans les quartiers de politique de la ville pour bénéficier de cette réduction. Ne peut-on pas abaisser ce seuil à une personne sur trois afin que plus d’entreprises soient créées dans ces quartiers ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Fabienne Keller, j’entends vos réflexions sur les zones franches urbaines, mais force est de constater que tout le monde ne partage pas votre avis. Il m’est ainsi arrivé d’entendre parler d’entreprises « boîtes aux lettres » dans ces zones.

Cela étant dit, je pense que le dispositif a globalement porté ses fruits, à en croire Bercy, puisque les exonérations fiscales se sont tout de même élevées à 234 millions d’euros en 2016, ce qui n’est pas neutre. On peut donc considérer aujourd’hui que le bilan global est assez positif. Pour l’heure, il n’entre pas dans nos intentions de revenir fortement sur ce dispositif, si c’est la question que vous me posiez.

Favoriser l’emploi des habitants de ces quartiers dans le cadre des dispositifs existants ou que nous allons mettre en place est bien sûr une priorité. C’est l’un des enjeux fondamentaux de la politique de la ville dans les quartiers prioritaires.

Comme je l’ai déjà indiqué, nous allons créer 20 000 emplois francs en 2018, l’objectif étant qu’ils soient réellement créés. Les moyens seront là, mais il faut arriver, pour éviter certains échecs antérieurs, à mettre en place un dispositif permettant la création de ces 20 000 emplois francs. J’ai dit qu’il s’agissait d’une expérimentation, mais elle a vocation à être développée en fonction du bilan que nous en tirerons.

Je partage vos préoccupations, madame la sénatrice, et je sais le soin que vous apportez à ce dossier.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour la réplique.

Mme Fabienne Keller. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

J’insiste sur la complémentarité pour les jeunes entre les emplois francs et les zones franches urbaines. Il s’agit de leur permettre d’effectuer des stages et de trouver du travail au cœur des quartiers sensibles.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Patrick Kanner. Monsieur le ministre, la rénovation urbaine et le renforcement de l’article 55 de la fameuse loi SRU, qui impose la construction de logements sociaux, sont les deux facettes d’une même problématique au service de la solidarité et du renouvellement urbain. Pour lutter contre les ghettos, l’enfermement, il est nécessaire d’avoir un rythme de construction de logements sociaux partout dans notre pays. La loi SRU sert à cela.

Il y a deux semaines, le délégué interministériel à la mixité sociale dans l’habitat, M. Thierry Repentin, vous a remis un rapport extrêmement intéressant sur l’application de la loi SRU. Si, dans son rapport, le délégué interministériel encourage à poursuivre le travail engagé avec succès lors du précédent quinquennat, il émet aussi plusieurs recommandations.

Ainsi la commission nationale SRU relève-t-elle que 523 communes n’ont pas respecté leurs engagements. Ce chiffre est en forte hausse, cette hausse étant liée aussi aux nouvelles conditions de mise en œuvre de la loi SRU.

Parmi les communes pouvant être sanctionnées, les préfets ont proposé de n’en carencer cette fois-ci que 36 % sur la période 2014–2016, alors que la proportion était de 56 % sur 2011–2013, seul bilan réalisé pendant le quinquennat précédent.

Le constat est le même s’agissant de l’utilisation des moyens mis à disposition des préfets : la commission est contrainte de constater que le niveau et la nature des sanctions envisagées contre les communes proposées à la carence ne correspondent pas à l’éventail à disposition des préfets. Enfin, elle établit des disparités régionales très fortes, les majorations d’amendes variant du simple au triple en fonction des régions.

Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur le sujet. Quelles suites allez-vous donner à ce rapport, s’agissant notamment du renforcement des moyens mis à disposition des préfets ? Vous avez écrit à ces mêmes préfets afin que leur action puisse être développée. Nous souhaitons être rassurés sur cette volonté politique qui va dans le sens de la solidarité territoriale. (Mme Sophie Taillé-Polian applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Kanner, la commission nationale s’est réunie sous la présidence de Thierry Repentin et a formulé un certain nombre de recommandations. L’avis qu’elle a émis, à l’unanimité, concernant la période 2014–2016 m’a été transmis. À la suite de celui-ci, j’ai écrit à chacun des préfets de région en leur demandant de réaliser un effort supplémentaire. Les réponses, que je n’ai pas encore reçues, ne devraient pas tarder à arriver.

Sachez toutefois que le message que je transmets est que je n’entends pas revenir sur les dispositions de la loi SRU en ce qui concerne ce dossier. Je demande très clairement aux préfets d’appliquer les dispositions légales et les recommandations, en sachant quand même qu’il existe des disparités entre les régions, ce qui peut amener à revoir certains équilibres, et qu’il est nécessaire, sur le plan national, que l’appréciation de cette problématique ne soit pas trop différente selon les régions. C’est ce que nous essayons, aujourd’hui, de réaliser, et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit aux préfets en leur demandant de me renvoyer des propositions.

J’entends aussi vos propos sur les sanctions financières, sachant que les constructions permettent d’atténuer très clairement le montant des pénalités. (M. Patrick Kanner opine.) Nous sommes tout de même dans un système assez vertueux, beaucoup de travail ayant été réalisé. Un certain nombre de communes ne veulent pas jouer le jeu. (M. Patrick Kanner opine de nouveau.) Lorsqu’elles sont bien fléchées, nous en tirons les conséquences.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Votre réponse me satisfait, monsieur le ministre, sous réserve naturellement du suivi extrêmement attentif du ministère en la matière.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, à la mi-juillet, le rapport de nos collègues Mmes Guillemot et Létard sur l’application de la loi Lamy concluait que la réforme de la politique de la ville était « bien engagée, mais fragilisée par un manque de moyens ». Quelques jours après, par un décret, l’État annulait plus de 46 millions d’euros de crédits de paiement et plus de 130 millions d’euros d’autorisations d’engagement affectés à la politique de la ville, notamment sur le programme 147, c’est-à-dire des crédits destinés aux programmes d’actions des associations intervenant dans le cadre des contrats de ville.

Le gel des crédits à l’échelle de mon département, la Meurthe-et-Moselle, représente 200 000 euros.

Au démarrage du contrat de ville, l’État finançait avec la métropole du Grand Nancy 850 000 euros, à parité. Aujourd’hui, l’État a diminué sa participation de 200 000 euros, mais pas la collectivité.

Les associations, forces vives de la politique de la ville, se voient donc pénalisées par des coupes budgétaires dans leurs subventions, parfois en raison des baisses de dotations de l’État et par la suppression des emplois aidés.

Monsieur le ministre, sur la base factuelle et objective de ce constat, quelles solutions comptez-vous apporter et mettre en œuvre pour permettre aux associations, dans le cadre des relations contractuelles nouées localement avec l’assentiment de l’État, de poursuivre leurs missions au service de la politique de la ville ? (Mme Fabienne Keller applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Husson, ce que l’on appelle le « coup de rabot » est intervenu. Ce qui est important, c’est que nous avons pris l’engagement qu’il n’y en aurait plus sur les budgets suivants. (M. Jean-François Husson marque son scepticisme.) Si nous avons été amenés à prendre ces décisions par rapport au budget, sur lequel je ne veux pas épiloguer durablement, mais que la Cour des comptes elle-même avait qualifié d’insincère, nous ne l’avons pas fait de gaieté de cœur, mais parce que la stabilité des finances du pays l’exigeait. En outre, il y a chaque année des annulations de crédits, quelle que soit la sensibilité politique des gouvernements successifs.

À l’échelle de mon ministère, nous avons essayé de faire en sorte que l’annulation porte principalement sur les lignes gérées au niveau central, à concurrence de 22 millions d’euros, ce qui n’exclut pas, dans une moindre mesure, des conséquences au niveau local.

Pour le reste, dans la mesure où nous proposons dans le projet de loi de finances de sanctuariser les crédits de la politique de la ville au plus haut niveau, rabot inclus, pour 2018 et pour l’ensemble des années suivantes, je pense que les associations trouveront les moyens de poursuivre leur politique.

J’ajoute que nous avons bien sûr maintenu les 4 000 postes d’adultes-relais qui étaient prévus en 2017. En ce qui concerne les emplois aidés, j’y insiste bien que peu d’entre vous m’aient interrogé à ce sujet, la volonté a été très clairement exprimée, confirmée par un courrier de ma part cosigné par la ministre du travail, de les flécher prioritairement sur ces quartiers.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, vous avez évoqué le « coup de rabot ». Comme vous l’avez également laissé entendre, les politiques de la ville ont besoin d’un vrai coup de pouce. Afin de changer le visage de nos quartiers, pour reprendre les termes du Président de la République, il faut s’appuyer à la fois sur la cohésion et l’implication des habitants autant que des associations. Cohésion, solidarité, présence et proximité pour agir au quotidien : là, vous actionnez le bénévolat plutôt que la mise en œuvre de moyens financiers de la puissance publique.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour le groupe Les Républicains.

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin du mois d’août, les habitants de deux immeubles du quartier des Izards à Toulouse ont découvert dans les parties communes de leurs résidences HLM un message imprimé en plusieurs exemplaires, signé « La Direction ».

Destiné « À tous les habitants de la tour et du quartier des Izards », ce message avait pour but de les « prévenir ». « Si vous avez – je cite – la moindre complicité avec la police qui pourra empêcher nos activités qui se passent dans le hall, vous en assumerez les conséquences. Refusez le moindre coup de main de la police ».

Est-il nécessaire de préciser que le véritable auteur de ce message n’était pas la direction de Toulouse Métropole Habitat, mais bel et bien des dealers qui ont fait de ces deux immeubles le siège de leur fonds de commerce et font vivre un véritable enfer à leurs habitants.

Dans leur excellent rapport, nos collègues Valérie Létard et Annie Guillemot rappellent que la question de la tranquillité publique est une demande récurrente des habitants des quartiers prioritaires. Elles proposent de renforcer la présence des gardiens et des dispositifs de médiation, chose faite en l’occurrence, mais qui se révèle parfois insuffisante.

C’est la raison pour laquelle les deux rapporteurs recommandent « dans les cas les plus extrêmes, où les conditions de vie des habitants et celles des personnes de proximité sont devenues dangereuses, la mise en place d’un traitement global des difficultés ».

Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il reprendre à son compte cette sixième recommandation du rapport ? Si oui, pouvez-vous nous détailler les mesures concrètes qui en découleront, ainsi que les moyens humains et financiers que vous comptez leur consacrer ? (Mme Fabienne Keller et M. François Bonhomme applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice, je crois avoir, au moins partiellement, répondu à ces questions dans mon intervention liminaire. Bien sûr, nous connaissons la situation de quelques dizaines de quartiers où la sécurité est devenue particulièrement problématique. Ce qui s’est passé dans le quartier des Izards à Toulouse est révélateur, tant de l’état d’esprit qui peut régner parmi ceux qui commettent ces délits que de l’inquiétude de nos concitoyens.

À cet égard, la mise en place de la police de sécurité du quotidien de manière prioritaire dans ces quartiers me paraît indispensable, en collaboration, bien sûr, avec les collectivités locales. Je rappelle que, dans chaque commune, les maires ont un pouvoir de police et qu’il convient d’instaurer une collaboration extrêmement étroite entre les collectivités et la police nationale ou la gendarmerie selon les quartiers.

En tout cas, le Président de la République a très clairement affirmé la volonté de lutter de manière extrêmement ferme contre la délinquance dans ces quartiers et d’assurer la sécurité à nos concitoyens. Au quotidien, il est en effet extrêmement difficile de vivre de telles situations. Un certain nombre de quartiers, nous le voyons bien, sont proches d’une situation de dérive républicaine, où, pour reprendre une expression que j’ai déjà employée à plusieurs reprises, la République s’est retirée. Notre objectif prioritaire, c’est de restaurer la République dans ces quartiers ! (M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le ministre, puisque j’ai le privilège de terminer ce round de questions, je vous ai entendu répondre à la question de fond posée par Valérie Létard que vous seriez au rendez-vous du financement des besoins en PNRU.

J’ai écouté le Premier ministre devant le Congrès des maires, cet après-midi, et je vous avoue que, chez ces derniers, le scepticisme prédomine. Le Président de la République a annoncé à Lille le doublement de l’enveloppe du PNRU de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros, dont on sait que les trois cinquièmes reposent sur les bailleurs sociaux. Je ne vais pas reprendre le débat sur l’article 52, que vous avez amorcé durant cette séance, mais l’on voit bien qu’il y a une incompatibilité en termes d’investissement, même si vous augmentez la TVA.

Pourquoi ne faites-vous pas, comme en son temps Jean-Louis Borloo, que vous avez appelé à juste titre en tant qu’expert à vos côtés, un plan de cohésion sociale et une loi de programmation pluriannuels qui nous garantiraient le rétablissement de la confiance ? C’est ma première question.

Ma deuxième question porte sur l’emploi. Je n’ai rien contre les emplois francs, sauf que ceux-ci sont annoncés sur un quart du territoire. Dans le même temps, on supprime les contrats aidés. Actuellement, nous le voyons bien, le sujet majeur pour aller au bout d’une politique de la ville, c’est l’emploi. Nous avions réussi, à une certaine époque, à avancer sur le sujet grâce à un plan de relance de l’économie qui, contrairement à ce qu’a dit le Premier ministre, a rapporté au final 5 milliards d’euros de plus que ce qu’il a coûté.

Pourquoi ne territorialiseriez-vous pas la politique de la ville dans des contrats de territoire avec les grandes agglomérations, puis à travers un plan de cohésion sur cinq années qui nous garantirait le rétablissement de la confiance ?

Mme Valérie Létard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Monsieur Daubresse, je ne vais pas terminer par la polémique alors que je sais que nous avons la capacité de travailler ensemble de manière très constructive.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je vous le confirme, monsieur le ministre.

M. Jacques Mézard, ministre. Vous parlez de rétablir la confiance, la collaboration et la concertation avec les élus locaux, qui sont indispensables, mais il faut aussi que ce soit réciproque. J’ai parlé de posture, voilà quelques instants. J’étais également présent au Congrès des maires, où le Premier ministre a d’ailleurs été accueilli de manière républicaine, et je m’en réjouis. Les annonces, en tout cas les explications qu’il a données ont permis de lever un certain nombre d’ambiguïtés.

Vous parlez des emplois francs, que nous allons mettre en place à concurrence de 20 000 et qui ont vocation à être développés les années suivantes, et vous avez mis en regard la suppression des emplois aidés. Non, monsieur le sénateur, les emplois aidés ne sont pas supprimés ! Un candidat à l’élection présidentielle avait proposé la suppression de tous les emplois aidés ; je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler son nom.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je n’ai pas été à sa réunion, monsieur le ministre !

M. Jacques Mézard, ministre. Je le sais, nous en avons parlé.

Il n’en reste pas moins, je le répète, que les emplois aidés se sont élevés à 330 000 en 2017, alors que le budget en prévoyait 280 000. Il a été indiqué très clairement par le Gouvernement qu’il y aurait 200 000 contrats aidés en 2018 puis chaque année durant le quinquennat, fléchés de manière prioritaire sur certains territoires et secteurs d’activité, dont les quartiers prioritaires. Nous ne sommes donc pas dans un processus de suppression des emplois aidés sur les quartiers prioritaires, où je connais pertinemment le besoin de dispositifs permettant d’accompagner vers l’emploi et de faciliter la vie d’un certain nombre de gens en difficulté.

Je suis en train de préparer une mission confiée à Jean-Louis Borloo, vous l’avez rappelé, et je le fais en toute confiance et avec plaisir, pour que d’ici à deux ou trois mois nous puissions, en utilisant aussi son expérience, formuler un certain nombre de propositions ; nous reviendrons alors vers vous. Je ne doute d’ailleurs pas que vous nous aurez présenté d’ici là quelques propositions auxquelles nous serons très sensibles.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Politique de la ville : une réforme bien engagée mais fragilisée par un manque de moyens. »

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de la qualité de ce débat, mais également d’avoir, les uns et les autres, respecté vos temps de parole.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 22 novembre 2017 :

De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Désignation des vingt-sept membres de la mission d’information sur Alstom et la stratégie industrielle du pays.

Débat : « Représentation des communes déléguées dans les communes nouvelles ».

Débat : « Quelles énergies pour demain ? ».

De dix-huit heures trente à vingt heures trente et de vingt-deux heures à minuit :

(Ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

Débat sur la thématique des collectivités locales.

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (n° 362, 2016-2017) ;

Rapport de M. Didier Marie, fait au nom de la commission des lois (n° 87, 2017-2018);

Texte de la commission (n° 88, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

 

nomination d’un membre d’une délégation sénatoriale

Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.

Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature a été ratifiée : Mme Nadia Sollogoub est membre de la délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault.

 

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD