M. le président. Il faut conclure !

Mme Maryvonne Blondin. Je terminerai par un mot en faveur des langues de France, richesse immatérielle qui mérite un accompagnement plus important.

Madame la ministre, le groupe socialiste et républicain vous accorde sa confiance pour votre premier budget, mais sera très vigilant, notamment pour les orientations du CAP 2022 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, force est tout d’abord de reconnaître l’effort accompli en faveur de la culture, en particulier en faveur de la mission « Culture », dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques. En effet, s’agissant des crédits budgétaires sur lesquels s’exerce le contrôle de la représentation nationale, le budget global pour 2018 du ministère de la culture est relativement stable, voire en légère augmentation – selon les interprétations –, là où 58 % des communes françaises ont été contraintes de réduire la voilure.

Au-delà des questions budgétaires, notre groupe partage votre vision, madame la ministre, qui fait de la culture l’un des fondements de l’éducation. À cet égard, je salue votre volonté et celle de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de faire davantage entrer la culture à l’école, qui est le lieu privilégié pour permettre à tous, notamment à ceux qui en sont le plus éloignés, d’accéder à l’éducation artistique et culturelle. C’est la raison principale pour laquelle le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Culture ».

Si cette relative stabilité est à souligner, l’évolution des équilibres internes au budget soulève toutefois nombre d’interrogations et d’inquiétudes.

Le travail en profondeur de la commission de la culture, dont je salue la bienveillante présidence de Catherine Morin-Desailly, a d’ailleurs suscité de nombreux débats, extrêmement intéressants et passionnés, dans lesquels, par-delà nos sensibilités diverses, nous avons dû constamment tenter de démêler ce qui pouvait relever de l’effet d’annonce ou d’une réalité crédible.

Prenons par exemple le point fort de ce budget, qui est sans aucun doute l’effort qu’il assume en direction des territoires. Il est vrai que les crédits déconcentrés en faveur des collectivités et des citoyens sont en hausse de 6 %, à 860 millions d’euros, ce dont nous nous félicitons. En vérité et dans le détail, si vous souhaitez véritablement aider les petites collectivités rurales à entretenir leur patrimoine historique avec un fonds dédié à hauteur de 15 millions d’euros seulement, j’ai bien peur que ne vous soyez loin du compte, surtout lorsque l’on connaît, parce que l’on a été élu local, le coût monstrueux de la moindre reprise en sous-œuvre d’un bâtiment, si tant est que la DRAC ait daigné vous donner préalablement une autorisation dans les délais impartis…

Si l’on ajoute à cette situation préoccupante la suppression de la réserve parlementaire, qui permettait de venir en appui des nombreuses demandes, de graves difficultés sont en vue, comme l’a souligné Philippe Nachbar, parce que la politique patrimoniale dépasse le simple cadre culturel. Elle contribue à réduire la fracture territoriale et recrée de l’attractivité économique ou touristique dans des communes, souvent rurales, qui possèdent un patrimoine. Entretenir ce patrimoine et rénover les centres historiques dégradés est donc une absolue nécessité.

Nous avons par ailleurs d’autres interrogations.

Comment ne pas être favorable à la rentrée scolaire en musique et au plan Chorales, sachant combien la musique peut apporter à notre jeunesse ? Je suis bien placé pour en parler…

Comment ne pas être tout autant favorable à l’ouverture des bibliothèques le dimanche ? Là encore, les moyens réels sont-ils à la hauteur de l’ambition collective ? Nous en doutons !

Aujourd’hui, ce sont des communes exsangues et sans cesse montrées du doigt comme dépensières qui doivent pourtant financer, sur leur budget de fonctionnement, des musiciens intervenants ou des personnels du secteur culturel. Certes, vous avez confié, au mois de septembre dernier, une mission à l’académicien Érik Orsenna et les évaluations sont en cours, mais, encore une fois, aucun budget spécifique n’est prévu.

Au titre des satisfactions, je tiens à saluer, madame la ministre, votre annonce du principe de compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs, qui contribuent activement au dynamisme et au rayonnement culturel de notre pays. C’était une préoccupation de notre groupe, et je me félicite qu’elle ait été entendue par le Gouvernement. Il est en effet vital que les écrivains, les compositeurs, les photographes, les traducteurs, les sculpteurs, qui vivent des droits d’auteur et qui ne cotisent pas à l’assurance chômage, ne subissent pas l’impact d’une hausse de la CSG, alors même qu’ils contribuent activement au dynamisme et au rayonnement culturel de notre pays.

Malheureusement, au-delà de certains motifs de satisfaction, des sujets d’inquiétude, déjà évoqués en commission, demeurent. Il me paraît essentiel d’en rappeler ici quelques-uns.

Je pense au financement des travaux du Grand Palais ou d’autres grands chantiers patrimoniaux, sans parler de l’état de délabrement du palais Garnier qui pose question. Je pense aussi à la baisse des autorisations d’engagement des crédits consacrés aux musées ou à la fin du mécanisme de soutien à la sécurisation des salles de spectacle. Je pense également au manque de reconnaissance des enseignants des écoles d’art régionales, à la baisse des crédits alloués à la Philharmonie, qui, à travers ses trente orchestres du Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, le DEMOS, offre aux plus jeunes un accès à la musique, ou encore au devenir des engagements du Gouvernement s’agissant du financement des conservatoires.

Je conclurai mon propos en revenant sur la création du pass culture, dont les contours demeurent flous. Le Gouvernement veut donner à chaque jeune de dix-huit ans un pass de 500 euros destiné à financer des entrées dans des musées ou des monuments historiques, des places de spectacle, des livres ou de la musique. Soit ! La mission chiffre le coût final à l40 millions d'euros, alors que son périmètre n’est pas encore calé. Son coût pourrait, en réalité, se chiffrer à plusieurs centaines de millions d’euros.

En outre, les milieux culturels s’inquiètent, à juste titre, du fait que ce pass puisse générer un effet d’aubaine pour les géants internationaux qui ne financent pas la culture en France, comme Netflix et Amazon, sans parler des risques de détournements frauduleux observés par exemple en Italie, où cette mesure a déjà été tentée.

Par ailleurs, même si tout le monde a bien compris que le jacobinisme a la vie dure, il eût été certainement utile d’observer attentivement et d’analyser préalablement ce qu’il se fait déjà dans certaines régions françaises, notamment en Pays de la Loire, région chère au président de notre groupe, Bruno Retailleau, où ce type de dispositif existe depuis bientôt vingt ans. Les expérimentations et initiatives locales sont autant de laboratoires qui font la richesse de notre pays. Les ignorer, même si c’est la mode, est une erreur, et le Sénat est dans le rôle de représentant du territoire que lui confère l’article 24 de la Constitution lorsqu’il le rappelle.

Comment ne pas sourire lorsqu’un présentateur, ô combien médiatique, réussit à obtenir en un clin d’œil le désormais fameux loto du patrimoine, alors que des sénateurs, certes moins médiatiques mais d’une compétence avérée, le recommandaient depuis des années sans avoir plus de chances au grattage qu’au tirage ?

M. Roger Karoutchi. Des noms ! (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Alors, oui, madame la ministre, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Culture », mais gardera un œil particulièrement attentif sur l’exécution budgétaire ainsi qu’une oreille avisée sur l’harmonie de l’ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit et bien dit. Dans un cadre budgétaire contraint visant à respecter enfin les engagements de la France auprès de ses partenaires européens, il est clair que ce budget consolidé de la mission « Culture » témoigne de l’importance accordée par le Président de la République à l’implication de l’État dans ce domaine et, plus généralement, au rôle joué par la culture comme facteur de cohésion sociale et d’agrégateur constructif de nos identités collectives.

Pour mémoire, on rappellera combien cette mission avait vu ses moyens singulièrement diminuer durant les trois premières années du précédent quinquennat (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain), avant de reprendre par la suite un peu de couleurs, sans parvenir toutefois à les ramener au niveau de 2011. Aussi, pour un premier exercice budgétaire de la nouvelle majorité présidentielle, cette consolidation est de bon augure, d’autant que le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une augmentation de 50 millions d’euros au cours des trois années à venir.

Précisons que « consolidation » ne signifie heureusement pas ici « reproduction à l’identique » des choix passés. Cela reviendrait en effet à une forme de conservatisme culturel : tout le contraire de ce dont le secteur a besoin aujourd’hui. Au cours des décennies écoulées, les pratiques culturelles des Français ont considérablement évolué. L’explosion du numérique et son impact sur celles-ci constituent l’un des exemples les plus visibles de ce bouleversement, mais ce n’est pas le seul.

Face à ces changements, nos politiques publiques sont restées beaucoup trop statiques et pas toujours à la hauteur des défis à affronter. C’est le revers de la création, en 1959, d’un grand ministère des affaires culturelles en France. L’institutionnalisation à la française a rarement été source d’agilité et de réactivité…

Parmi les quatre grandes missions historiques assignées à ce ministère – encourager la création, protéger et valoriser notre patrimoine, assurer le rayonnement international de la culture française et démocratiser l’accès de nos concitoyens à la culture –, cette dernière, qui est pourtant la légitimation première de toute politique publique dans un État démocratique digne de ce nom reste pourtant sur un échec patent. « La culture pour tous » est en effet loin d’être une réalité dans notre pays. La dernière grande étude conduite par le ministère sur les pratiques culturelles, qui date de près de dix ans, souligne que 52 % de nos concitoyens ont une fréquentation nulle ou très exceptionnelle des équipements culturels. Certes, nos grands établissements culturels – en particulier les musées – enregistrent des niveaux élevés de fréquentation, mais leur clientèle est de plus en plus touristique et étrangère.

Durant le dernier quinquennat, les ministres de la culture qui se sont succédé ont, de façon un peu malhabile, tenté de justifier les moyens qui leur étaient alloués par un discours de nature toujours plus économique – attractivité touristique du pays, nombre d’emplois induits, retombées économiques du secteur… –, reléguant de fait la démocratisation de la culture au rang d’objectif louable, mais non prioritaire…

Au mois de mai dernier dans les colonnes du Monde, Michel Guerrin posait crûment cette question : « Comment séduire les 50 % de Français exclus de la culture ? Disons-le brutalement, la culture est le seul secteur où les pauvres paient des impôts qui contribuent à construire une offre qui ne profite qu’aux riches. » Il poursuivait en rappelant que le problème de l’accès à la culture se pose non seulement en termes d’inégalités sociales, mais également en termes géographiques : « Nos flambeaux culturels sont plantés dans les grandes villes et, plus que cela, au centre de ces métropoles : le déséquilibre entre territoires est vertigineux. »

Dans un rapport de 2004, trop prestement passé aux oubliettes, Bernard Latarjet pointait déjà un inquiétant paradoxe : le nombre d’artistes et de spectacles ne cesse d’augmenter depuis trente ans, alors que le public de l’offre culturelle stagne.

C’est bien pour cette raison que le Président de la République a choisi de faire de l’accès à la culture sa priorité.

À quoi servent en effet une politique de soutien à la création, une politique de préservation et d’enrichissement du patrimoine national, une politique d’acquisitions d’œuvres et d’édification de nouveaux établissements, si celles-ci ne sont pas accompagnées d’une vigoureuse politique de diffusion et d’accessibilité sur tout le territoire national et d’un réel effort à destination de l’ensemble du corps social et plus seulement d’une petite élite culturelle ?

À quoi cela sert-il si nous ne savons pas nous adapter aux nouvelles pratiques culturelles de la jeunesse afin de mieux leur transmettre notre richesse artistique et patrimoniale en pleine intelligence et complémentarité avec les moyens déployés par notre système éducatif ?

Cette volonté politique d’affronter enfin le défi de l’accessibilité de la culture de qualité au plus grand nombre, c’est celle qui, dans cette mission budgétaire, s’incarne notamment à travers une augmentation très sensible des crédits de soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle : 173 millions d'euros en 2018, contre 119 millions d'euros programmés pour 2017.

Faire davantage circuler sur tout le territoire les grandes œuvres que recèlent nos musées parisiens, faire tourner en France les spectacles mis en scène par nos grands théâtres nationaux, élargir encore les horaires d’ouverture de nos bibliothèques et de nos musées et – plus qu’une cerise sur le gâteau – préfigurer la mise en place d’un pass culture destiné à notre jeunesse, en prenant au préalable soin de dresser un véritable état des politiques tarifaires existantes, de bien circonscrire les champs culturels concernés pour mieux calibrer cette offre et les moyens pour la faire connaître afin de la rendre effective et performante dès le courant de l’année 2019, c’est bien cela dont la mission « culture » pour 2018 est le nom. L’enjeu est de taille.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est sans réserve que le groupe La République En Marche votera les crédits de cette mission. (M. Julien Bargeton, rapporteur spécial, applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention portera spécifiquement sur le programme 175 « Patrimoines », dont les crédits enregistrent une baisse de 3,95 % en autorisations d’engagement et de 0,28 % en crédits de paiement. Même en tenant compte des transferts entrants, si l’on note une légère progression de 0,22 % en crédits de paiement, la baisse en autorisations d’engagement est notable, de l’ordre de 3 %. En réalité, même en crédits de paiement, en euros constants, en tenant compte de l’inflation, les moyens ne progressent pas.

Derrière une volonté affichée de faire du patrimoine un axe majeur de votre politique culturelle, madame la ministre, ces chiffres nous alertent sur la réalité des moyens budgétaires que le Gouvernement a souhaité accorder à ce programme, qui demeure le parent pauvre de votre budget. C’est le seul programme de la mission qui ne bénéficie pas d’une augmentation, alors que la transmission du patrimoine aux générations futures constitue l’une de vos orientations stratégiques pour l’année à venir. Je rappelle pour mémoire que 2018 sera l’année européenne du patrimoine.

Comme l’a mis en avant notre ancien collègue Yves Dauge dans son excellent rapport intitulé Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés, des centaines de bourgs et de villes petites ou moyennes sont en train de mourir, leurs centres historiques se vident de leurs habitants et de leurs commerces, leurs patrimoines bâtis se dégradent.

La politique patrimoniale est essentielle pour recréer de l’attractivité économique, mais aussi pour réduire la fracture territoriale entre les grandes métropoles et la France des petites villes et de la ruralité. C’est donc aussi un enjeu de cohésion sociale. Cette situation alarmante doit être renversée par une politique volontariste en mots, mais surtout en actes et sur la durée. Une revitalisation de grande ampleur est vitale pour la survie de ces territoires et de leurs centres historiques.

La loi LCAP a permis des avancées importantes avec la création des sites patrimoniaux remarquables, qui permettent de recréer des conditions d’attractivité économique et touristique, dans ces communes. Le chantier est immense, et il faut aller plus loin.

Nous nous réjouissons des quelques mesures que le Gouvernement propose pour la revitalisation de ces territoires. Je pense au fonds de 15 millions d’euros pour la restauration du patrimoine situé dans les communes de moins de 10 000 habitants ou aux 9 millions d’euros concernant la revitalisation des centres-bourgs et des petites villes. Nous ne pouvons que vous encourager en ce sens. Pour aller plus loin, je compte proposer des amendements visant à faire bénéficier ces territoires fragilisés d’une fiscalité plus incitative.

J’en viens aux autres points du programme. Nous nous inquiétons des baisses importantes sur plusieurs actions essentielles : la baisse de crédits de 10 % en autorisations d’engagement et de 2,1 % en crédits de paiement sur l’action n° 03, Patrimoine des musées de France, tout comme celle de l’action n° 08, Acquisition et enrichissement des collections publiques, dont les crédits de paiement enregistrent une baisse de 4,5 %. Par ailleurs, le fonds du patrimoine, qui permet d’enrichir les collections des musées de France, passe de 3,6 millions d'euros en 2017 à 1,09 million d'euros en 2018.

Les petits musées nationaux de province seront les premières victimes de ces coupes, madame la ministre. Où est donc la cohérence ? Ces dispositions sont en contradiction avec votre volonté de recréer de l’attractivité dans les petites villes et les centres anciens.

Les crédits destinés à l’archéologie préventive, autre action majeure pour le patrimoine, enregistrent eux aussi une baisse, de l’ordre de 1,5 million d'euros en crédits de paiement. Cette réduction de moyens concerne les projets de centre de conservation et d’étude, les CCE, cogérés par l’État et les collectivités territoriales, qui remplacent petit à petit les dépôts archéologiques. Les CCE ont un rôle majeur en matière de conservation du patrimoine archéologique, dans le double but de favoriser la recherche et la vulgarisation des activités scientifiques de l’archéologie. Outre la plus grande accessibilité des objets issus des fouilles, ces structures sont nécessaires dans les territoires, tant pour valoriser l’histoire locale, qui constitue une forme importante de lien social, que pour contribuer à l’acceptabilité des recherches archéologiques, en particulier de l’archéologie préventive. Il s’agit donc à nouveau d’une coupe dans les moyens à destination des territoires.

Je conclurai sur l’action n° 01, Patrimoine monumental. Madame la ministre, vous mettez en avant les 5 % d’augmentation concernant l’entretien et la restauration des monuments historiques hors grands projets, dont les crédits passent de 310,5 millions d'euros en 2017 à 326,2 millions d'euros en 2018 en autorisations d’engagement, ce que nous saluons. Toujours est-il que, lorsque l’on regarde les chiffres en crédits de paiement – c'est-à-dire l’argent dépensé sur une année –, ceux-ci passent de 334,4 millions d'euros en 2017 à 332,9 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 0,46 %. Or, plusieurs l’ont souligné avant moi, ce secteur connaît une situation très critique depuis quinze ans. Cette baisse des crédits est donc on ne peut plus inquiétante.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue !

Mme Marie-Pierre Monier. Faisons en sorte de ne pas nous engager dans le cercle vicieux de la dégradation et du manque d’entretien, qui aboutirait au scénario catastrophe où l’État serait contraint de vendre nombre de ses monuments historiques. L’action Patrimoine monumental sert trop souvent de variable d’ajustement pour financer d’autres actions.

Pour conclure, madame la ministre, si plusieurs dispositions vont dans le bon sens, les crédits que vous accordez au programme « Patrimoines » ne nous paraissent pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous présentant aujourd’hui le premier budget de la culture de ce quinquennat, je vous présente bien plus que le budget d’un ministère : c’est une part essentielle du projet présidentiel et de la feuille de route du Gouvernement. Dans tout projet politique, l’ambition donnée à la culture est en effet l’un des miroirs les plus clairs du type de société que l’on souhaite porter. « Presque tout ce qui caractérise l’humanité se résume par le mot culture », affirmait François Jacob, comme vous l’avez rappelé, madame Blondin.

Notre ambition est majeure. Le Président de la République n’a cessé de le rappeler tout au long de sa campagne, et il l’a réaffirmé devant le Parlement réuni en Congrès : la culture est au cœur de son projet. Ce projet doit permettre à la France de relever les défis du XXIe siècle pour rendre à notre pays son optimisme et pour que chacun puisse trouver sa place dans la société. En effet, tel n’est pas le cas aujourd’hui. Comme vous l’avez souligné, monsieur Gattolin, nombre de nos concitoyens se sentent exclus, ou à contre-courant, des orientations prises, depuis quelques décennies : mondialisation, numérique, innovation, évolutions économiques et sociales, choix sociétaux.

C’est d’abord pour tous ceux-là que je veux développer une politique culturelle : pour que tous ceux qui souffrent d’une forme d’exclusion, d’injustice ou de désœuvrement puissent participer à la vie culturelle de leur commune, de leur région, de notre pays. Pour que tous ceux qui se disent que cette société avance sans eux, ou contre eux, aient accès à ce levier essentiel d’émancipation : l’exploration culturelle, la découverte d’un lieu, l’apprentissage d’un art.

Notre politique culturelle doit être une politique d’émancipation pour chacun et de solidarité entre tous. En effet, la culture est ce qui, individuellement, nous tient le plus solidement debout et ce qui, collectivement, nous tient le plus solidement ensemble.

Néanmoins, pour que la culture joue ce double rôle, il faut combattre les logiques d’exclusion ou d’auto-exclusion qui la traversent elle-même. Tous nos citoyens ont accès à une forme de culture, mais, notre vrai défi, c’est l’exploration, la diversité. Des barrières et des déterminismes contraignent des millions de citoyens dans leurs choix culturels. Nous devons les faire tomber. C’est ici ma mission.

Je me battrai – j’insiste sur ce point – pour que chacun dans notre pays, qu’il vive en ville ou à la campagne, qu’il soit professeur ou ouvrier, qu’il soit né ici ou à l’étranger, puisse pratiquer un art, appréhender l’histoire et ressentir devant l’immensité de la création l’élan singulier que chacun dans cet hémicycle a sans doute un jour éprouvé. Pour cela, j’ai pris un parti clair : la politique culturelle que je promeus est une politique culturelle de proximité. Nous irons au-devant de ceux que ce ministère n’a pas réussi à toucher, en particulier dans les zones rurales et périurbaines, dans les villes moyennes, en outre-mer et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous donnerons à chaque citoyen les moyens de son autonomie.

Le projet de budget pour 2018 en est la traduction directe. Les crédits de la mission « Culture » seront renforcés : ils s’établiront à plus de 2,9 milliards d’euros, en hausse de 42 millions d'euros par rapport à 2017. Les moyens seront rééquilibrés en faveur des territoires. Les crédits déconcentrés seront en effet portés à 860 millions d’euros, soit une hausse de 6 %. J’ai par ailleurs demandé à mes services d’examiner les missions et les crédits aujourd’hui gérés à Paris qui devraient ou pourraient être déconcentrés.

Madame Robert, je tiens à réaffirmer qu’on ne trouve dans ce budget aucune baisse de crédits pour les structures hors label et réseau. Il n’y a qu’un transfert de 15 millions d'euros sur l’éducation artistique et culturelle et le programme 224. Pas un euro n’est supprimé.

Pour conduire cette politique de proximité, nous nous appuierons bien sûr sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur. Nous soutiendrons également les associations. Madame Robert, nous coopérerons encore plus étroitement avec les collectivités territoriales : j’ai proposé aux associations d’élus de bâtir pour cela un nouveau cadre de contractualisation plus souple et plus solidaire. Nous innoverons en poussant ce ministère à agir aussi, beaucoup plus, en dehors de ses propres canaux institutionnels.

Enfin, nous nous appuierons sur quatre relais privilégiés.

Le premier d’entre eux est l’école.

Pour que la culture soit un levier d’émancipation pour chaque citoyen, elle doit occuper une place structurante dans le développement de chaque enfant. Nous allons la mettre au cœur du nouveau modèle d’école bâti par ce gouvernement. C’est une ambition que je partage avec Jean-Michel Blanquer, et nous en avons encore discuté ce matin à l’occasion de son anniversaire. (Exclamations amusées sur diverses travées.)

M. Roger Karoutchi. On n’a pas été invités ! (Sourires.)

Mme Françoise Nyssen, ministre. Nous avons défini deux priorités : la pratique artistique et la lecture. Nous allons, d’ici à 2022, en faire une réalité hebdomadaire pour tous, de la maternelle au lycée. Le budget de l’éducation artistique et culturelle augmentera significativement dès l’année prochaine : il dépassera 110 millions d'euros, en hausse de plus de 30 millions d'euros.

Mme Françoise Nyssen, ministre. Madame Laborde, je vous remercie d’avoir souligné à quel point l’éducation artistique et culturelle permettait de lutter contre les fractures sociales. Nous accentuerons également le pilotage ministériel de cette politique. Jusqu’à présent, les crédits étaient dispersés : nous avons souhaité les rassembler au sein d’un seul et même programme et les renforcer.

Pour développer la pratique artistique, nous généraliserons à court terme un outil simple et concret : les chorales. Je m’exprimerai prochainement, avec le ministre de l’éducation nationale, sur la mise en œuvre d’un plan Chorales. Les partenariats entre les écoles et les conservatoires sont féconds, je l’ai constaté récemment encore lors de mon déplacement à Rouen à vos côtés, madame la présidente de la commission de la culture. Je souhaite aussi qu’une Fête de la musique à l’école voie le jour, dont la première édition aura lieu le 21 juin 2018.

Par ailleurs, nous développerons dès l’année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et établissements culturels locaux : nos structures labellisées, les structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires, et les lieux patrimoniaux. L’objectif est d’avoir 100 % d’écoles jumelées d’ici à 2022, pour favoriser les sorties et les activités culturelles.

Évidemment, nous soutiendrons aussi toutes les actions entreprises hors temps scolaire. Monsieur le président Éblé, monsieur Hugonet, je vous confirme le soutien à DEMOS. Dans le prolongement de cet effort en direction des jeunes, nous commencerons à mettre en place le pass culture, un passeport culturel pour accompagner l’entrée dans l’âge adulte et la citoyenneté. C’est précisément parce qu’il s’inscrit dans le sillon du parcours d’éducation artistique et culturelle suivi par les jeunes, de la maternelle au lycée, que ce passeport a un sens. Il n’est pas une mesure isolée.

Plusieurs d’entre vous – Mme Robert, M. Bargeton, Mme de la Provôté, M. Hugonet – ont souligné la nécessité de mener une réflexion approfondie sur le périmètre, la mise en œuvre et le financement de ce pass. Nous avons d’ores et déjà engagé une telle réflexion, et nous la poursuivrons tout au long des prochains mois.

La méthode d’élaboration du pass est évidemment déterminante pour sa réussite. À cette fin, nous avons créé une start-up d’État pour le concevoir, chargée de construire l’outil et de déterminer les contours de l’offre dans les prochains mois, en concertation avec les différentes parties prenantes : les futurs usagers d’abord, c’est-à-dire les jeunes, les partenaires potentiels de l’offre, publics et privés, et les collectivités territoriales, bien sûr, nombre d’entre elles ayant déjà lancé des expériences de ce type. Cette méthode de coconstruction est la meilleure voie pour aboutir à un outil en phase avec les usages. Le périmètre de l’offre et le financement seront définis au fur et à mesure de la concertation, en fonction des propositions qui seront mises sur la table par nos partenaires potentiels.

Nous partons sans a priori. Nous avons choisi une méthode innovante, qui fera grandir le pass pas à pas, de façon incrémentale. Cette méthode, je l’ai dit, s’appuie sur la coconstruction, seule manière selon nous de bâtir une politique qui soit en phase avec les usages et qui préserve la diversité culturelle, et non pas une politique qui soit plaquée par le haut.

Un premier grand événement de concertation aura lieu dans deux semaines : un « open lab » – en bon français, un laboratoire ouvert – sera organisé le 18 décembre à la MC93 en Seine-Saint-Denis. Il marquera le lancement de la construction du pass.

Comme je l’ai déjà indiqué, nous lancerons une première version opérationnelle du pass en septembre prochain. Par ailleurs, 5 millions d’euros sont prévus dans le budget pour 2018 afin de franchir ces différentes étapes.

Le deuxième relais de notre politique culturelle de proximité, ce sont les bibliothèques, car elles sont un service public ouvert à tous et accessibles sur tout le territoire. On en dénombre plus de 16 000, soit autant que de points de contact de La Poste. Ainsi, 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de vingt minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.

Comme vous le savez, j’ai confié une mission à Érik Orsenna, qui me rendra ses conclusions d’ici à la fin de l’année. L’objectif est d’aider les bibliothèques à ouvrir « plus ». L’État apportera un accompagnement financier. Un financement supplémentaire est bien sûr prévu, monsieur Hugonet, puisque l’État abondera la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques de 8 millions d’euros dès 2018. Je sais que vous vous êtes mobilisée, madame Robert, en faveur de cet objectif, et je vous en remercie.

Cependant, tout ne se résume pas à des moyens financiers. L’objectif est également d’aider les bibliothèques à ouvrir « mieux », pour devenir ce que j’appelle des « maisons de services publics culturels », c’est-à-dire des lieux qui proposent, comme elles sont déjà nombreuses à le faire, plus que le seul prêt de livres : des services d’aide aux devoirs, des cours de français ou de langues étrangères, des ateliers d’aide à la rédaction de CV. Il s’agit de faire des bibliothèques des lieux de lien, le lien étant si important pour la société aujourd'hui.

Nous accompagnerons ce mouvement dès l’année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir les différentes parties prenantes – élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales – et accompagner les projets d’ouverture.

J’ai fixé un objectif : je souhaite que, à la fin de l’année 2018, nous ayons aidé 200 bibliothèques, soit deux par département, à s’engager dans une transformation.

Le troisième relais de notre politique culturelle de proximité, c’est le patrimoine, car c’est l’une des ressources culturelles les plus équitablement réparties sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants. Sa mise en valeur peut nous aider à insuffler de la vie là où les commerces ferment, là où les transports en commun se font rares, là où l’exclusion frappe.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai présenté le 17 novembre ma stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, laquelle comprend quinze grandes mesures. Elle s’appuiera sur un budget renforcé. Les moyens dédiés à l’entretien et à la restauration du patrimoine s’établiront à 326 millions d’euros en 2018, soit une hausse de 5 % par rapport à 2017. Un tel niveau n’a jamais été atteint depuis dix ans.

Ce budget sera sécurisé sur la durée du quinquennat : les 326 millions d’euros seront reconduits chaque année. J’ai bien entendu que vous seriez vigilants s’agissant de l’effectivité de cette reconduction. Monsieur Nachbar, j’en prends une nouvelle fois l’engagement devant vous.

Nous ferons un effort particulier en faveur des petites communes et des territoires en situation de désertification, car le patrimoine, y compris le patrimoine industriel, comme cela a été dit, peut y être un levier de revitalisation essentiel.

La stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine prévoit ainsi la création dès 2018 d’un fonds spécifique de 15 millions d’euros pour la restauration du patrimoine situé dans des communes de moins de 10 000 habitants.

Une expérimentation sur la revitalisation des centres-villes anciens est actuellement conduite dans dix-sept villes de France, dans le prolongement des propositions faites par votre ancien collègue, Yves Dauge. Plusieurs ministères participent à cette expérimentation, dont le ministère de la culture, qui y consacrera 9 millions d’euros l’année prochaine.

Nous allons conseiller les collectivités concernant leurs plans de restauration patrimoniale, notamment, et le développement de lieux culturels de proximité. Nous allons par ailleurs engager un travail avec les architectes des Bâtiments de France, les ABF, pour faire évoluer leur rôle. Ce point a été soulevé par le rapporteur. Je souhaite qu’ils puissent intervenir davantage en amont des autorisations, qu’ils jouent un rôle de conseil, afin de fluidifier les délivrances. Un groupe de travail réunissant des ABF et des élus sera lancé dans les prochains jours. Il me fera des propositions au début de 2018.

La stratégie pluriannuelle prévoit également la création d’un loto du patrimoine par la Française de jeux pour le patrimoine en péril. Il pourrait rapporter environ 20 millions d’euros. Une plateforme est en ligne depuis deux semaines déjà sur le site du ministère de la culture, dans le cadre de la mission qui a été confiée à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril. Elle permet aux citoyens de signaler des monuments près de chez eux.

Pour conclure sur le patrimoine, qui est un axe prioritaire sur lequel nous nous rassemblons, j’indique que les crédits seront bien consommés en 2017 et que je serai vigilante à cet égard en 2018. Vous avez raison, la bonne exécution des crédits est essentielle. J’ajoute que les crédits ne baissent pas. J’aurai l’occasion, madame Monier, d’y revenir au cours de l’examen des amendements.

Enfin, j’en viens au quatrième relais fondamental de notre politique, par lequel j’aurais d’ailleurs dû commencer, à savoir les artistes et les créateurs. J’aurais pu commencer par eux, parce qu’il n’y a pas de vie culturelle sans eux et parce qu’ils savent, mieux que personne, établir ce lien de proximité que nous convoitons entre les œuvres et nos concitoyens.

Leur budget sera conforté l’an prochain et porté à près de 780 millions d’euros. Il sera marqué notamment par une hausse des crédits en faveur des structures labellisées.

Les moyens nouveaux dégagés, à hauteur de 6 millions d’euros, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : résidences dans des zones rurales ou des quartiers, projets hors les murs, festivals itinérants…

Pour soutenir la création, nous allons continuer de veiller aux conditions de vie des professionnels. Nous avons trouvé une solution pour compenser la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs. Le Gouvernement a choisi de mettre en œuvre un dispositif par voie réglementaire permettant aux caisses gérant les prestations sociales des artistes et auteurs de compenser cette hausse. C’est une très bonne nouvelle, dont je tenais à me réjouir à nouveau devant vous.

Je dirai également un mot des artistes et des techniciens intermittents du spectacle. Nous serons extrêmement attentifs à l’accord de 2016.

M. le rapporteur spécial Bargeton a rappelé l’importance du Fonds d’urgence pour le spectacle vivant. J’ai le plaisir de vous confirmer qu’il est prolongé en 2018 et qu’il sera doté de 4 millions d’euros. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, a vocation à en prendre le relais. Nous discutons avec le ministère de l’intérieur la reconduction de son intervention.

Pour vous rassurer, madame Laborde, je vous confirme que je suis attentive au FONPEPS. La pleine adaptation de ce fonds à l’enjeu majeur de la consolidation de l’emploi et la mise en œuvre de mesures pérennes lui permettront de donner sa pleine mesure. L’engagement de l’État, à hauteur de 90 millions d’euros d’autorisations d’engagement, est intact.

Toujours pour soutenir la création, nous allons l’aider à gagner en visibilité. Nous investirons dans de nouveaux lieux de diffusion. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, la Cité du théâtre aux Ateliers Berthier est à cet égard un exemple parlant. Cette Cité réunira l’Odéon, la Comédie-Française et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Nous veillerons au respect du calendrier et des coûts, respect dont vous avez rappelé l’importance. Par ailleurs, comme vous, je serai attentive à la diffusion nationale des spectacles.

Pour gagner en visibilité, je souhaite également que nous lancions en 2018 l’équivalent des Journées du Patrimoine pour la création. Il s’agirait de journées portes ouvertes et de visites pour les citoyens dans des lieux dédiés à la création partout en France : établissements publics, mais aussi ateliers d’artiste, galeries, fonds d’art contemporain. Nous allons y travailler.

Je tiens à dire que j’ai été sensible aux difficultés dont l’Association pour le soutien du théâtre privé, l’ASTP, nous a saisis. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements. L’État et la Ville de Paris feront un effort conjoint pour compléter son budget en 2018.

Pour soutenir la création encore, nous allons aider les filières à se structurer. J’ai présenté lundi dernier le rapport que j’avais commandé au mois de juin dernier à Roch-Olivier Maistre sur le projet de Maison commune de la musique, rapport dont je partage la teneur. Il confirme la pertinence d’un opérateur public au service de toutes les musiques et formule dix recommandations. Le ministère organisera dans les semaines qui viennent une concertation rapide avec les organisations professionnelles pour en discuter. J’annoncerai en début d’année les décisions que le Gouvernement aura prises sur cette base. Je souhaite naturellement mettre à profit ce temps de réflexion pour engager une discussion avec le Parlement. Vous le savez, Roch-Olivier Maistre propose la création d’un établissement public, à partir de ce qu’est aujourd’hui le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV. Si une telle mesure devait être adoptée, elle devrait être entérinée dans une loi.

Nombreux sont les parlementaires qui se sont mobilisés à la suite de la parution de ce rapport, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Je salue ceux qui sont présents aujourd’hui. Nous aurons l’occasion de poursuivre cette discussion.

Pour soutenir davantage la création, nous allons l’accompagner encore plus à l’international. À cet effet, je mobiliserai l’Institut français. Je rappelle que le ministère a retrouvé une cotutelle avec le ministère des affaires étrangères ; vous en avez débattu il y a quelques jours.

Nous allons par ailleurs renforcer largement le soutien à la musique française, qui est en pleine effervescence. Nous avons ainsi décidé de doubler l’année prochaine la subvention du ministère au Bureau export. Nous y reviendrons là encore à l’occasion d’un amendement. Nous souhaitons aller plus loin au cours de ce quinquennat pour accompagner la musique française, avec toute l’ambition qu’elle mérite. En 2019, la subvention de l’État sera de 2,7 millions d’euros, grâce au soutien du Parlement, que je tiens à remercier.

Parallèlement à cette initiative, le CNC va réformer son aide aux vidéoclips musicaux, qui sera portée à 3 millions d’euros. C’est une première en Europe, et un soutien important à la filière musicale, à l’heure où 82 % des internautes, des jeunes, déclarent aller sur YouTube pour regarder et écouter des vidéoclips musicaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, derrière le projet de budget pour 2018, plus que le projet d’un ministère, se joue celui de la France : c’est une promesse de civilisation que nous offrons à nos enfants.

Pour finir, permettez-moi de vous rappeler l’histoire d’un jeune homme, Janek, le narrateur d’Éducation européenne, de Romain Gary. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il vit des mois terré au fond d’un trou, dans la forêt, parmi les résistants polonais. Dans le cauchemar de la peur, du froid et de l’obscurité, sa survie tient à trois choses : à l’amour de celle qu’il rencontre, à l’amitié de ceux qui l’entourent et à la culture. Il trouve « sa raison d’être », au sens premier, dans les poèmes qu’il lit, dans les airs de piano qu’il part écouter au péril de sa vie et dans la grâce d’un violoniste qui, en quelques notes, fait « sortir le monde du chaos ». « Au commencement mourut la haine », écrit-il, « aux premiers accords, la faim ».

L’amour et l’amitié ne relèvent pas de nous – quoique… –, la culture, si ! Elle peut changer des vies. Voilà la détermination que montre ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)