Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons unanimement saluer la louable intention de développer le fret ferroviaire. Une intention peut inspirer une résolution. Mais une résolution n’a pas forcément valeur d’amorce.

Le constat, nous l’avons fait ; très récemment encore, notre collègue Éric Bocquet soulignait à juste titre, dans le cadre d’une question écrite au Gouvernement, que la part du ferroviaire s’élevait à près de 30 % dans le transport de marchandises en 1985, pour à peine plus de 10 % aujourd’hui. Madame Assassi, vous relevez fort justement la régression du réseau ferré national, qui est passé de 34 000 à 29 000 kilomètres.

Il suffit de sillonner la France par le train, lorsque celui-ci est à l’heure ou fonctionne, pour contempler le triste spectacle des embranchements particuliers, les EP, laissés à l’abandon : de désolantes friches ferroviaires sur toutes les lignes, notamment sur les grandes artères qui firent les belles heures de l’Étoile du Nord, du Mistral ou de l’Oiseau Bleu.

Mais on ne peut pas vivre de nostalgie, fût-elle ferroviaire, et le rail constitue plus que jamais une alternative intéressante au « tout-routier ».

Oui, mon cher collègue Éric Bocquet, le fret ferroviaire est un enjeu d’avenir, et pas seulement pour des raisons environnementales. C’est aussi une question de bon sens, de compétitivité, de multimodalité, donc d’aménagement du territoire. Si l’on met des conteneurs sur les rails, ce n’est pas seulement pour rentrer dans les clous de la COP21, mais aussi pour proposer des solutions innovantes, utiles, rapides et performantes aux acteurs économiques. Comme vous, je regrette le manque de moyens dédiés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Le fret est d’ailleurs un enjeu d’aménagement notamment pour ma région, les Pays de la Loire, région maritime, ouverte sur l’Atlantique, dont l’économie portuaire aurait tout à gagner d’une excellente distribution ferroviaire vers l’hinterland. La région vient d’engager une nouvelle démarche pour demander à l’État français le raccordement de Nantes-Tours au corridor Atlantique, parce que le projet de voie ferrée Centre Europe Atlantique est stratégique.

Nous aurions pu nous inspirer de la route ferroviaire aménagée aux Pays-Bas en 2007 : la ligne de la Betuwe, longue de 160 kilomètres, dédiée au transport de marchandises, relie le port de Rotterdam à son hinterland allemand, pour un coût de 5 milliards d’euros. Ce sillon néerlandais ouvert à plusieurs opérateurs est particulièrement actif.

On peut signaler aussi l’ouverture aux marchandises d’un axe Chine-France, nouvelle route de la soie, récemment testée au profit d’une enseigne connue d’articles de sport. Il s’agit d’une alternative au bateau, deux fois plus rapide. Nous verrons ce qu’il en adviendra dans les prochains mois.

Notre territoire maritime, le deuxième au monde, offre des perspectives immenses pour connecter nos ports, qui perdent pourtant régulièrement des parts de marché.

Lors des assises de l’économie de la mer, le Premier ministre a affirmé : « Je ne choquerai personne si je dis que la France n’a pas un trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Et je n’étonnerai personne si je dis que si l’on ne fait rien, cela ne va pas s’arranger. » Il ajoutait : « Je l’ai dit, les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves. »

Connecter ambitieusement les grands ports maritimes au centre de gravité européen aurait pu relancer le fret ferroviaire en même temps que l’activité des principaux ports français. Mais, pour cela, il eût fallu une vision à long terme, et un coup d’avance dans l’aménagement du territoire. Les majorités se succèdent et détricotent les politiques antérieures ou les laissent mourir dans l’oubli.

Pour autant, je ne pense pas utile ni constructif d’opposer les enjeux de rentabilité aux aspects sociaux ou environnementaux. Il s’agit de trouver des solutions pérennes qui profiteront à l’emploi, à l’économie, et donc à tous les bassins de vie concernés.

La loi portant réforme ferroviaire adoptée en 2014 n’a pas permis, hélas, d’atteindre les objectifs assignés et de clarifier les projets de développement pourtant nécessaires à la relance de l’activité de fret. Elle a même alourdi les contraintes des opérateurs privés.

L’examen du projet de loi de finances pour 2018 n’a pu, semble-t-il, à ce stade, éclaircir la situation : on constate le report dans le futur des difficultés budgétaires de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. On parle d’échelonner certains paiements ou de retarder la mise en œuvre de projets.

Comme l’a dit notre excellent collègue Gérard Cornu dans le cadre de l’examen du rapport pour avis sur les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, il faut redéfinir les priorités avec le Parlement et les inscrire dans une loi de programmation, avec une garantie de financement.

Ce ne sont pas les crédits consacrés aux transports combinés qui vont amorcer une vraie relance du fret ferroviaire.

Il faut prendre en compte des paramètres précis, exposés en commission, sur la réalité des pertes de marchés de Fret SNCF, malgré une recapitalisation de 1,4 milliard d’euros en 2005. Des gains de productivité sont à rechercher.

Mes chers collègues du groupe CRCE, votre proposition de résolution occulte le fait que le déclin du fret ferroviaire était amorcé avant l’ouverture à la concurrence de 2006. Ce déclin est aussi la conséquence du déclin industriel de la France.

Je souhaite que la loi sur les mobilités annoncée par le Gouvernement permette d’engager une relance de l’infrastructure au bénéfice du fret ferroviaire, par l’adoption d’une stratégie tournée vers les entreprises.

Nous voterons contre cette proposition de résolution aux contours trop flous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Babary. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Serge Babary. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation du fret ferroviaire illustre parfaitement les contradictions qui affectent parfois les politiques publiques.

L’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement, en 2009, était de porter, d’ici à 2022, la part du transport alternatif à la route de 14 à 25 % ; en 2015, on était descendu à 10 % !

Plusieurs exemples, tels que ceux de la Suisse et de l’Autriche, démontrent à eux seuls que le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité, mais qu’au contraire, une politique publique volontariste permet d’obtenir des résultats satisfaisants.

Si la Suisse, pays montagneux et sans industrie lourde, maintient, depuis 2000, la part modale du fret ferroviaire à un niveau supérieur à 40 %, c’est parce qu’elle a su prendre les mesures réglementaires qui s’imposaient : mise en place d’une redevance poids lourds, subventions au transport combiné, restrictions à la circulation des poids lourds, avec interdiction de circuler la nuit et le week-end, restrictions relatives à la dimension et au poids maximaux autorisés des camions, tout ceci s’ajoutant à des investissements dans le réseau ferroviaire.

Une dynamique comparable a été constatée en Autriche, où ont été prises des mesures similaires.

Quid de la France ?

Si l’État affiche depuis des années sa volonté de développer le fret ferroviaire, il multiplie cependant les mesures qui pénalisent le secteur.

À de multiples reprises, notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, l’un des tout premiers centres de triage français, a tenté d’alerter les gouvernements successifs sur l’incompréhensible déclin du fret ferroviaire.

À chaque fois, il lui a été répondu que le développement ferroviaire était une priorité gouvernementale !

Quelles ont été les mesures prises pour redynamiser le secteur ?

L’abandon de l’écotaxe ! L’absence d’indicateur de productivité imposé à Fret SNCF ! L’augmentation de 40 à 44 tonnes du tonnage autorisé des camions de plus de quatre essieux, via le décret du 4 décembre 2012 !

Cette augmentation du tonnage autorisé a-t-elle apporté de l’emploi en France ? A-t-elle amélioré les conditions de circulation ou de travail des routiers ? A-t-elle permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Évidemment non !

Elle a surtout justifié un surcoût d’entretien de la voirie d’environ 500 millions d’euros, comme nous l’apprend le Conseil général de l’environnement et du développement durable !

Le 30 août dernier, le ministre Nicolas Hulot a affirmé : « Si l’on veut tenir nos engagements climatiques, il faudra s’attaquer au transfert du transport routier au ferroviaire. »

Or, si le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France augmente de près de 10 % pour 2018, la part de ce budget dédiée au fret accuse une baisse de 5 millions d’euros par rapport à 2017.

Où est la cohérence ?

Il devient indispensable et urgent d’améliorer le cadre stratégique et réglementaire du transport ferroviaire de marchandises.

Il faut donner les moyens au transport ferroviaire de concurrencer le transport routier. C’était d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la conclusion du référé remis par la Cour des comptes en juillet dernier.

Les effets externes différenciés produits par ces modes de transport en termes d’incidence sur l’environnement, de congestion de la circulation ou d’accidents, doivent être pris en compte de manière globale dans la détermination du prix à payer par les utilisateurs pour accéder à l’infrastructure.

L’État doit adopter une vision plus stratégique pour que le fret devienne un levier de développement économique et de création d’emplois, s’inscrivant en outre parfaitement dans la transition énergétique.

Il faut retrouver une vraie offre commerciale de fret ferroviaire actant le retour du wagon isolé, mais aussi entretenir et moderniser le réseau.

Le développement des LGV, les lignes à grande vitesse, devait permettre au fret d’investir les anciennes lignes ; pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?

Il est également important de réfléchir à un maillage territorial cohérent : désengorger l’Île-de-France et le site de triage du Bourget, mais aussi donner des débouchés ferroviaires aux ports de l’Atlantique, en particulier Nantes – ses responsables le demandent instamment.

M. Christophe Priou. Tout à fait !

M. Serge Babary. Des études réalisées par l’association Rhône-Alpes Centre Océan démontrent qu’il est possible de revitaliser la desserte nationale par la transversale Nantes-Lyon, via le centre de triage de Tours-Saint-Pierre-des-Corps et le port sec de Vierzon.

Par ailleurs, on ne peut pas accepter que le savoir-faire des cheminots français soit abandonné et que des kilomètres de lignes et des sites ferroviaires de qualité soient laissés à l’abandon.

Pendant ce temps, des « trains de camions » accidentogènes traversent notre pays, sans impact positif sur l’économie française.

Pour illustrer mon propos, je note que depuis le début de mon intervention, trente poids lourds sont passés sur l’autoroute A10 à proximité du centre de tri ferroviaire en déshérence de Saint-Pierre-des-Corps : un camion toutes les dix secondes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, soit 8 500 camions par jour, des trains incessants de camions ! Ce trafic, je l’ai d’ailleurs moi-même subi en tant que maire de Tours.

Monsieur le secrétaire d’État, il devient donc urgent que le Gouvernement prenne des mesures concrètes pour développer le fret ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Éliane Assassi, permettez-moi tout d’abord d’excuser Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui préside en ce moment même la clôture des Assises nationales de la mobilité.

Permettez-moi également, madame la présidente, de remercier le groupe CRCE de cette proposition de résolution qui me donne l’occasion d’exposer, devant vous, les actions du Gouvernement en faveur du fret ferroviaire.

En effet, le fret ferroviaire est indéniablement un secteur important de notre politique de transports, mais il connaît aussi – vous le mentionnez dans votre texte, madame la sénatrice, et cela a été rappelé dans chaque intervention – de réelles difficultés.

Le ministre d’État Nicolas Hulot l’a dit : le transfert du transport routier vers le ferroviaire est une condition nécessaire à la tenue de nos engagements climatiques, lesquels sont rappelés dans le plan Climat de juillet dernier, et l’ont été hier encore lors du sommet pour la planète présidé par le chef de l’État, Emmanuel Macron.

Accroître la part du ferroviaire dans les transports de marchandises a en effet un double impact positif : d’une part – ceci a été souligné, mais je le redis, c’est mon rôle – sur l’environnement, grâce à une réduction des émissions de polluants, et, d’autre part, sur la sécurité et la congestion routières, par la diminution induite du trafic de poids lourds sur les routes.

Pour autant, le poids du ferroviaire dans l’ensemble des transports de marchandises n’a cessé de décliner. J’ai noté des chiffres très différents d’une intervention à l’autre, mais le mouvement est là. Je vous donne les chiffres du Gouvernement : la part du ferroviaire est passée de plus de 16 % en 2000 à 10 % en 2016, soit une chute de six points.

Sachez néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette part modale s’est stabilisée autour de 10 % depuis 2011, grâce notamment aux efforts de l’État pour soutenir ce mode de transport.

Comment a-t-on procédé ? En fléchant notamment des projets d’investissement dans les budgets de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – ainsi d’un projet régional normand, la désormais célèbre ligne Serqueux-Gisors.

Pour autant, la situation n’est pas satisfaisante, et les difficultés du fret sont encore trop nombreuses.

Trois facteurs externes doivent être pris en compte pour expliquer ces difficultés : premièrement, la faible densité industrielle – elle est en France trois fois moindre qu’en Allemagne – et la répartition inégale des sites industriels sur notre territoire ; deuxièmement, la moindre compétitivité des ports français par rapport à leurs concurrents européens et l’insuffisance de la desserte ferroviaire de leur hinterland ; troisièmement, la crise économique de 2008, qui a malheureusement entraîné une contraction de la demande de transport de fret et accéléré la désindustrialisation dans de nombreux secteurs industriels particulièrement utilisateurs du mode ferroviaire.

Parallèlement, l’activité de fret ferroviaire connaît, depuis une dizaine d’années, des difficultés d’adaptation face à la très forte concurrence du mode routier.

Force est de constater que c’est bien le transport routier, largement dominant – vous l’avez rappelé, madame Assassi –, qui fixe les standards en termes de prix et de qualité de service, et notamment pour les dessertes fines des territoires.

Le transport routier a en effet su s’adapter à une économie de flux tendus et a su, par là même, prendre une place essentielle dans le transport de marchandises.

J’aimerais revenir, à ce stade de mon propos, sur deux points importants que vous soulevez dans votre proposition de résolution concernant le transport routier.

Premier point : nous vous rejoignons sur le déficit de compétitivité dont souffre le pavillon français dans un cadre européen de concurrence exacerbée. En effet, sur les longues distances, la part du pavillon étranger n’a cessé de croître depuis le début des années 2000.

C’est pourquoi, dans le cadre des négociations sur le paquet routier, le Gouvernement s’attache à promouvoir les conditions d’une concurrence saine et équilibrée intégrant les impératifs sociaux, environnementaux et, naturellement, de sécurité routière.

Je rappelle que la lutte contre le dumping social participe d’une plus grande reconnaissance du juste prix du transport et permet de favoriser le report modal vers le ferroviaire.

Second point : madame Assassi, vous évoquez la circulation des poids lourds de 44 tonnes sur le territoire national. Sachez que cette circulation a été assortie de nombreuses conditions techniques supplémentaires s’appliquant aux véhicules, telles que l’abaissement des charges à l’essieu, l’obligation des suspensions pneumatiques ou encore le respect de la norme Euro.

Ces actions du Gouvernement, visant à promouvoir les conditions d’une concurrence plus équilibrée, sont évidemment nécessaires. Mais elles doivent être couplées à un véritable plan d’action pour permettre au fret ferroviaire de regagner des parts de marché.

C’est pourquoi le Gouvernement œuvre actuellement pour améliorer l’attractivité du fret ferroviaire en France.

Plusieurs actions ont déjà été menées. Je souhaite mentionner deux d’entre elles.

Premièrement, les entreprises ferroviaires ont mis en œuvre des politiques commerciales et de propositions d’offres correspondant enfin aux attentes des chargeurs.

Ainsi, en plus des offres « train massif » ou « train entier », qui sont naturellement les plus demandées, je tiens à souligner – un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, y ont fait allusion – que l’offre « wagon isolé » est bien maintenue en France, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays européens.

Ce maintien répond à un besoin avéré des chargeurs. En effet, des secteurs d’activité structurants de l’économie française, utilisant fréquemment le mode ferroviaire, comme la sidérurgie, ont fait part de leur souhait de disposer, en France et en Europe, d’un service d’acheminement de wagons isolés performant et compétitif.

C’est pourquoi Fret SNCF n’a pas abandonné ce segment de marché et a procédé, à partir de 2010, vous le savez, à la mise en œuvre d’une offre appelée « multi-lots multi-clients », s’appuyant sur une nouvelle organisation des acheminements de wagons isolés.

Deuxièmement, une rénovation de haut niveau du cadre social a été engagée.

C’est tout le sens des négociations sociales qui se sont tenues au premier semestre de l’année 2016. Elles ont permis de poser un nouveau cadre social commun à l’ensemble du secteur ferroviaire, propice à créer les conditions d’une concurrence loyale entre les différents opérateurs.

Que faisons-nous, aujourd’hui, concrètement, pour le fret ferroviaire ?

Conscient de ses difficultés, mais aussi de ses atouts – ils ont été largement rappelés –, le Gouvernement mène actuellement, et parallèlement aux assises de la mobilité, une réflexion globale sur le fret ferroviaire, afin de le rendre plus compétitif et plus performant.

Cette réflexion s’appuiera notamment sur les conclusions de la mission confiée à Jean-Cyril Spinetta par Édouard Philippe, Premier ministre, sur le modèle économique du transport ferroviaire.

Pour relancer le fret ferroviaire, nous allons devoir relever plusieurs défis, dont, en premier lieu, celui de la disponibilité et de la qualité des sillons, qui restent deux conditions préalables à l’amélioration de sa fiabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens aux objectifs que le Gouvernement s’est fixés.

Premier objectif : garantir une bonne irrigation des territoires, problème soulevé par un certain nombre d’entre vous, notamment par les membres du groupe dont émane cette proposition de résolution.

L’irrigation ferroviaire de tous les territoires, qui reste un facteur essentiel pour leur économie, s’appuie sur une démarche de pérennisation des lignes capillaires de fret.

Une approche locale, impliquant l’ensemble des contributeurs potentiels, régions, autres collectivités locales, chargeurs, État, a été privilégiée.

Sur la période 2015-2017, l’État s’est ainsi engagé, via une dotation de l’AFITF, sur un montant de 30 millions d’euros, soit 10 millions d’euros par an, ce qui a permis de traiter près de 800 kilomètres de lignes sur cette période.

Afin de poursuivre cette dynamique positive, l’État maintiendra, sur la période 2018-2020, le principe de sa contribution annuelle à hauteur de 10 millions d’euros par an, pour accompagner les collectivités locales et les acteurs économiques.

Parallèlement, et afin de favoriser un recours plus important au mode ferroviaire, l’État a engagé des démarches auprès de la Commission européenne afin notamment d’obtenir la possibilité de mettre en place des dispositifs d’aides publiques à la création, ou encore la remise en état et la modernisation des secondes parties d’installations terminales embranchées, connues sous le nom d’ITE.

Deuxième objectif du Gouvernement : améliorer la performance dans l’intermodalité.

Dans le cadre de la politique de report modal, le développement du transport combiné demeure une priorité absolue. Celui-ci constitue, dans la chaîne logistique globale, un segment important, en matière notamment d’attractivité des ports et des nœuds logistiques.

Une mission confiée au CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, a confirmé la nécessité de poursuivre le soutien au transport combiné au-delà de 2018. Un nouveau dispositif, plus performant, est en cours d’élaboration et sera bientôt notifié à la Commission européenne.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que le Gouvernement est également mobilisé en faveur du développement du ferroutage sur les grands axes de trafic, afin de diversifier les solutions de transports massifiés et les autoroutes ferroviaires.

Troisième objectif : développer la compétitivité de nos ports maritimes – un certain nombre d’entre vous y avez fait référence.

Cet objectif est bien entendu lié à celui d’une amélioration de l’intermodalité.

En ce qui concerne les grands ports maritimes, un des objectifs de la stratégie nationale portuaire est de renforcer la compétitivité et la durabilité des modes massifiés, en développant le report modal, notamment à partir des points d’entrée maritimes. Le Gouvernement promeut donc un certain nombre de mesures en faveur du développement du fret ferroviaire en vue de desservir les grands ports maritimes français.

Quatrième objectif : accompagner les innovations technologiques adaptées au transport de marchandises.

Parmi les principales mesures, l’État accompagne les acteurs du secteur du fret ferroviaire dans des actions de réduction des nuisances sonores liées au fret ferroviaire, s’inscrivant ainsi dans une politique européenne volontariste en la matière.

Par ailleurs, la mise en circulation de convois ferroviaires de fret plus longs et plus lourds a été identifiée depuis longtemps comme un facteur de progrès pour le fret ferroviaire. Cela permet en effet d’optimiser l’usage du réseau et des sillons disponibles et d’améliorer les recettes des opérateurs pour chaque train.

La France peut être considérée comme à l’avant-garde à l’échelon européen sur ce sujet. En effet, une partie des axes majeurs de fret sont d’ores et déjà adaptés à la circulation de trains de 850 mètres – je pense aux axes Paris-Marseille-Perpignan, Paris-Le Havre, Dourges-Paris ou encore frontière luxembourgeoise-Perpignan –, alors que le standard des 750 mètres constitue encore une cible au niveau européen.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous aurez pu le comprendre, améliorer la performance du fret ferroviaire est le défi que nous devons relever pour assurer son développement. Les entreprises ferroviaires et le gestionnaire d’infrastructures se mobilisent afin de permettre aux chargeurs d’orienter leurs choix vers ce mode de transport plus vertueux en matière environnementale. Le Gouvernement prend également toute sa part à cet effort en confirmant son soutien au fret ferroviaire et en agissant pour lui redonner toute sa place dans l’ensemble du transport de marchandises, qui est, je le rappelle, un maillon essentiel de l’attractivité de notre économie.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur la présente proposition de résolution, tout en remerciant ses auteurs de l’avoir déposée, ce qui lui a permis d’exposer devant vous les grands axes de sa stratégie en la matière pour les mois et les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du règlement du Sénat,

Considérant que l’article 10 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement donne pour objectif au niveau national de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2020 ;

Estime que le transport ferroviaire de marchandises correspond à une activité d’intérêt général ;

Considère urgent la définition d’un objectif le rééquilibrage modal, fondé sur une législation spécifique au secteur routier permettant d’internaliser les coûts externes notamment environnementaux. Il est souhaitable que la reconnaissance du juste prix du transport à l’échelle nationale et internationale soit également encouragée ;

Appelle par conséquent de ses vœux : la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’État, l’instauration rapide d’une nouvelle taxe poids lourds dont les ressources doivent être fléchées pour les investissements sur le réseau ferré et fluvial ; la reprise d’une politique ferroviaire de marchandise ambitieuse ;

Fret SNCF doit redevenir un véritable organisateur logistique au service de l’intérêt général et non un simple opérateur ferroviaire enfermé dans une logique comptable. Elle doit bénéficier des moyens financiers, matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de son rôle de service public au service de la Nation ;

Pour l’heure, l’aide financière apportée au mode ferroviaire pour l’accès au réseau doit être maintenue. La subvention au transport combiné dite « coup de pince » doit être réévaluée ;

Propose également un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité wagon isolé qui doit être déclaré d’intérêt général ;

Propose la préservation des installations ferroviaires, notamment des triages, des gares Fret et des installations terminales embranchées (ITE). La création d’ITE doit par ailleurs être imposée dans toutes les nouvelles zones d’activités économiques qui se créent, dès lors que leur relation au réseau ferré national est possible ;

Propose de préserver du foncier pour les installations logistiques en zones denses et urbaines, organiser la desserte de proximité à partir d’acheminement amont par le mode ferroviaire ;

Développer le trafic ferroviaire à partir des ports maritimes en analysant et massifiant les flux de marchandises vers les hinterlands.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)