Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que vous n’avez pas lu le texte sorti de l’Assemblée nationale et je ne suis pas sûre que vous écoutiez mes réponses.

Dans le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale, il est écrit que la SNCF est intégralement détenue par l’État. « Intégralement », cela signifie à 100 % ! Il n’est pas possible que l’État détienne 99 %, 75 % ou 52 % des titres. C’est 100 % !

Dès lors, les schémas qui sont évoqués, notamment celui de La Poste, ne sont pas possibles. Une fusion qui déboucherait sur une détention partielle du capital, même majoritaire, est inenvisageable puisque, de nouveau, 100 % du capital doit être détenu par l’État.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne s’appellera plus la SNCF !

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je ne suis pas persuadée que vous cherchiez à être rassurés. En tout cas, je pense vous avoir donné tous les éléments permettant d’affirmer, très solennellement, que ce texte porte le projet d’une entreprise intégralement détenue par l’État, ce qui exclut clairement tous les schémas précédemment évoqués. (M. Alain Fouché opine.)

Mme Fabienne Keller. C’est clair !

Mme Éliane Assassi. Non, ça ne l’est pas !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je me permets de rappeler, mes chers collègues, que nous avons près de 250 amendements à examiner. De vraies questions se posent – j’en ai rappelé certaines lors de mon intervention en discussion générale. Nous pouvons avoir des points de discussion, voire de désaccord, mais sur de vrais sujets, et je trouve un peu dommage que nous passions un temps fou à discuter de problèmes qui n’existent pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Fouché applaudit également.)

Gardons notre énergie, gardons notre temps pour aller au fond des choses ! Cela a été dit et redit, par Mme la ministre et par Jean-Paul Émorine, qui présidait la commission des affaires économiques – un grand président – au moment où ces sujets étaient en discussion.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas pour cela qu’ils ont raison !

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Aujourd’hui, on nous propose un texte dans lequel l’État est actionnaire à 100 %. À quoi jouez-vous, chers collègues du groupe CRCE ?

Mme Éliane Assassi. Pardon de ne pas être d’accord ! Nous pouvons partir !

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Vous jouez à essayer de vous faire peur, de nous faire peur. Si demain, un gouvernement voulait privatiser la SNCF, ou même ouvrir un tant soit peu son capital – 1 % ou 2 % –, il ne le pourrait pas avec le texte proposé aujourd’hui. Il faudrait qu’il dépose un autre projet de loi. À ce moment-là, vous pourriez monter aux créneaux, et vous nous trouveriez d’ailleurs sans doute à vos côtés.

Mais là, la question ne se pose pas.

Cela me rappelle tout à fait l’exemple évoqué par le président Émorine. J’étais jeune sénateur au moment de l’examen du projet de loi qui portait réforme de La Poste. Vos amis faisaient déjà signer des pétitions dans la rue contre sa privatisation. Dix ans après, où en est la privatisation de La Poste ? Pourtant, ce qui avait été voté à l’époque était beaucoup moins protecteur que les mesures proposées aujourd’hui, puisque La Poste devait être détenue à 100 % par des capitaux publics, et non à 100 % par l’État, d’où l’entrée au capital de la Caisse des dépôts et consignations.

Une fois de plus, il n’y a pas de sujet ! Il n’y a pas de débat ! Il est clairement indiqué que la SNCF est une société détenue à 100 % par l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Il ne faut pas s’étonner, je crois, de la gravité et de la passion que suscite l’examen de cet article 1er A. Quoi de plus naturel ! Nous parlons de la SNCF, entreprise historique, du chemin de fer qui a accompagné l’industrialisation de notre pays et permis le déplacement de nos compatriotes durant des décennies.

Je comprends tout à fait qu’il y ait de la passion, et une profonde gravité dans le moment que nous vivons.

Pourquoi ? De trois EPIC, on fait une SA. Or on sait très bien qu’avec une SA, la situation peut évoluer.

Que signifie « évoluer » ? Nous avons des précédents ! Je ne doute pas que M. le rapporteur croit profondément à ce qu’il dit. Mais dans quelques mois ou dans quelques années, d’autres personnes seront là ; il y aura une ou un autre ministre. Qui peut dire, ici, ce qu’il adviendra de la SA ? Que s’est-il passé avec Aéroports de Paris ? Avec EDF-GDF ? Avec la Française des jeux ? Ce sont des vraies questions !

Inutile d’essayer de rassurer : la SA ouvre une possibilité !

Par ailleurs, on nous explique que le cas de La Poste avait suscité des remarques de la Commission européenne, qui souhaitait son changement de statut en SA. Je vous signale quand même que la Commission européenne avait exigé de l’Allemagne qu’elle ouvre son service de l’eau à la concurrence et que celle-ci a refusé. Ce sont donc des régies publiques qui gèrent ce service de l’eau, y compris au détriment des groupes français qui voulaient s’installer outre-Rhin.

Cela signifie que l’on peut engager un bras de fer sur ce type de questions.

Enfin, on nous vante une grande politique pour la SNCF. Ce n’est pas vrai ! Pour l’essentiel, le rapport Spinetta comprend deux mesures : la fin du statut pour les nouveaux entrants et le changement de statut de l’entreprise.

Voilà ce qui est visé, dans la droite ligne du libéralisme débridé que le Gouvernement met en œuvre depuis un an. La grève coûte très cher, mais on ne veut pas céder, comme pour le reste, et j’y insiste, ce n’est pas une grande politique.

Une vraie grande politique pour la SNCF consisterait à opérer un basculement de la route vers le rail, au niveau tant du fret que du transport de voyageurs. Si on nous proposait une telle démarche, nous pourrions discuter. Mais on ne nous la propose pas ! (Mmes Angèle Préville et Michelle Meunier applaudissent. – Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

M. Frédéric Marchand. J’entends les mots « passion », « gravité »,… Je vous en conjure, mes chers collègues, ni excès, ni caricature, ni chiffon rouge !

Je voudrais attirer l’attention de la représentation nationale sur le fait que nous sommes attendus, je l’ai dit il y a quelques instants dans la discussion générale. Nous sommes attendus et nous sommes regardés. Par les cheminots. Par les usagers. Par les collectivités territoriales.

Alors, de grâce, évitons les débats qui n’en sont pas, les postures démagogiques et politiciennes !

Mme Éliane Assassi. Nous allons sortir de l’hémicycle ! Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps !

M. Frédéric Marchand. Je ne vous demande pas de sortir, madame Assassi. Je vous demande de respecter la nature des débats et de contribuer à l’élaboration d’un texte qui, comme je l’ai souligné tout à l’heure, fera date.

À nouveau, nous sommes attendus et regardés. (Mme Éliane Assassi sexclame.) Donc, s’il vous plaît, respectons-nous les uns les autres ! Faisons en sorte d’avancer pour garantir ce qui est notre bien commun : le service public ferroviaire à la française. C’est ce qui nous anime ce soir.

Mme Éliane Assassi. Blabla ! Blabla ! Blabla !

M. Frédéric Marchand. Voilà pourquoi nous voterons contre cet amendement n° 48.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends bien l’argumentaire de certains collègues, pour qui nous nous faisons peur alors que toutes les garanties possibles nous ont été fournies.

En particulier, je comprends tout à fait que mes collègues du groupe Les Républicains adoptent cette stratégie. J’ai relu intégralement les débats de 2006, dans lesquels M. Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’économie, expliquait à la gauche qu’elle n’avait rien compris. Celle-ci dénonçait un risque d’ouverture du capital de GDF, mais il avait donné plein de garanties et elle lui faisait des procès d’intention !

Donc je comprends bien, mes chers collègues du groupe Les Républicains, que vous ne soyez pas plus inquiets aujourd’hui que vous ne l’étiez à l’époque !

La construction d’Engie, qui ne s’appelle plus GDF, vous a peut-être permis de créer une belle entreprise, mais pas d’améliorer le service public du gaz dans ce pays, en particulier au regard du prix du gaz, et ce indépendamment de l’évolution des cours mondiaux. L’association UFC-Que choisir a mené des études très pointues sur le sujet.

C’est très facile de nous dire aujourd’hui : « vous jouez avec le feu ». Mais le passé a son poids et l’expérience doit nous être utile !

Si encore, madame la ministre, un argumentaire précis nous était présenté, montrant qu’un changement de statut en SA aux capitaux entièrement publics – tout ce que vous avez dit – offre véritablement des capacités d’emprunt et d’investissement supérieures, ainsi qu’une amélioration des conditions de réalisation du service public, cela pourrait se discuter. Mais tel n’est pas le cas !

Car votre seul argument, madame la ministre, c’est la fusion des trois structures !

Je n’ai a priori aucune philosophie en la matière. Est-ce mieux d’avoir une seule structure ou trois connectées ? Je n’en sais rien et, à la limite, je peux vous faire confiance sur un projet d’unification. Mais dans ce cas, faites un EPIC unique !

Dès lors, nous pouvons penser que soit vous considérez les structures publiques lourdes et inopérantes par nature – vous voudrez donc les changer à terme –, soit vous êtes en train de nous expliquer que le choix de la société anonyme vous donne des libertés pour l’avenir, et c’est bien ce qui nous fait peur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en fait, vous voulez faire sauter le verrou du statut d’établissement public pour pouvoir privatiser dans un second temps. Souffrez que nous ne soyons pas d’accord. Souffrez que nous ayons d’autres propositions à soumettre au débat, ici, au Sénat. Nous sommes le Parlement ; nous avons la possibilité et le droit d’exprimer des points de vue divergents de ceux qui peuvent paraître aujourd’hui dominants.

Monsieur le président de la commission, vous nous dites en substance : circulez, nul besoin de débat ! Et vous, monsieur le rapporteur, vous vous adressez d’emblée à nous, sénatrices et sénateurs du groupe CRCE, en prenant d’ailleurs un air désolé, pour nous annoncer votre décision de considérer que tous nos amendements de suppression à venir ne mériteront pas de débat.

Dès lors, madame la présidente, je demande en cet instant une suspension de séance, pour permettre à mon groupe d’établir à son tour une stratégie au regard de ce qui vient d’être dit par le rapporteur et le président de la commission.

Mme la présidente. Je vous accorde cinq minutes de suspension, madame Assassi.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote sur l’amendement n° 48, tendant à la suppression de l’article 1er A.

M. Olivier Jacquin. Je précise tout d’abord à M. Marchand que je n’ai nulle intention de retirer l’ensemble de mes amendements.

Sur cet amendement n° 48, nous avons une position proche de celle que défendent ses auteurs, à ceci près que, en supprimant l’article, on laisserait Gares & Connexions dans l’EPIC SNCF Mobilités, ce qui ne nous convient pas. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Il ne faut pas s’étonner que le débat prenne cette tournure après tout ce que l’on a lu ou entendu, tant dans le rapport Spinetta qu’en ce moment même, en termes de risque de privatisation, du moins de suspicion de privatisation.

Mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur un autre point. Madame la ministre, vous dites qu’un des avantages du statut proposé serait de conférer plus d’unité à l’ensemble de l’entreprise ferroviaire ainsi constitué. Je partage cet argument. En effet, ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent des dégâts qu’a causés une trop forte séparation entre RFF et SNCF voilà quelques années : cela s’est vraiment révélé négatif pour l’activité ferroviaire.

Cependant, je sens poindre une contradiction entre ceux qui, d’un côté, veulent plus d’unité et ceux qui, de l’autre, plaident pour des filialisations nombreuses, pour rendre étanches les liens entre, par exemple, Gares & Connexions et SNCF Réseau. J’ai entendu le rapporteur valider ce projet de société anonyme et donc, en quelque sorte, l’argument en faveur de plus d’unité. Mais, tout à l’heure, il va certainement plaider pour des filiales relativement étanches des entreprises mères. Il y a là une contradiction, que l’on a aussi retrouvée lors de l’audition extrêmement intéressante du président de l’ARAFER. Lui plaide pour moins d’unité, puisque, pour une réelle ouverture à la concurrence, il faut effectivement que le réseau soit véritablement neutre.

C’est cette position de neutralité du réseau que nous défendrons. Voilà pourquoi il sera proposé, dans le cadre d’un certain nombre d’amendements de repli, que SNCF Réseau puisse connaître un destin différent de SNCF Mobilités.

Par conséquent, madame la ministre, je voudrais vous entendre sur ce point, sachant qu’existe la tentation, d’un côté, d’aller vers plus d’unité pour l’activité ferroviaire, ce qui est compréhensible, et, de l’autre, d’isoler les structures les unes des autres.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président Maurey, avec ce débat préalable nous ne perdons en réalité pas de temps ; au contraire, nous en gagnons. Il nous permet en effet de poser un certain nombre de fondamentaux.

Il ne faut pas l’oublier, je m’en suis moi-même rendu compte en allant à la manifestation organisée à l’occasion des 80 ans de la SNCF, cette dernière est, d’une certaine façon, le symbole de la France depuis 1937. Elle est le symbole des congés payés, de la Résistance, avec notamment la bataille du rail. Elle est aussi le symbole de l’aménagement du territoire, avec ces magnifiques photographies qui ornaient nos manuels de géographie quand nous étions jeunes ; je me souviens encore, pour ce qui me concerne, de la photographie du Capitole. Elle est encore le symbole de la performance technologique ces dernières années, avec le TGV. La SNCF est ainsi liée à de nombreux souvenirs personnels.

Face à cela, c’est vrai, le débat a été amorcé avec une sorte de défiance, qui résulte de la méthode employée par le Gouvernement et par vous, madame la ministre. Ce fut, dans un premier temps, ne l’oublions pas, la mise à l’écart de la proposition de loi sénatoriale. Ce fut aussi le régime des ordonnances, qui, d’une certaine façon, a pu créer de la suspicion. Ce fut encore le rapport Spinetta, qui a pu être perçu comme un brûlot, une provocation, un ballon-sonde lancé sans doute pour faire bouger les lignes. Ce fut, enfin, et ça l’est encore, un certain nombre d’annonces, distillées au compte-gouttes. D’où la nécessité de rétablir la confiance. À ce titre, il est vrai que les mots ont tout leur poids : dans l’expression « établissement public » figure le terme « public » ; derrière l’expression « société anonyme », apparaît peut-être le risque de privatisation. D’où la nécessité, je le répète, au cours de ces quelque soixante-douze heures de débat, d’apporter des garanties aux usagers, aux cheminots et aux autorités organisatrices.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 265
Pour l’adoption 15
Contre 250

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de trente-six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 68, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 13

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Vous l’aurez compris, il s’agit encore, bien sûr, d’un amendement tendant à nous opposer au changement de statut. Sont ici visés les alinéas 2 à 13 de l’article 1er A. Certes, on nous a expliqué qu’il n’était nul besoin de débattre sur ce type d’amendements, qu’il ne s’agissait que d’un point de détail. Selon moi, la grève en cours depuis plusieurs semaines et les inquiétudes exprimées montrent, au contraire, toute l’importance du sujet. Quand on est obligé de mettre une ceinture et des bretelles, c’est qu’il y a un loup quelque part et que l’on peut se poser des questions. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Madame la ministre, depuis le début, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de vous interroger en commission sur les raisons de ce passage en SA, dont tout le monde nous dit qu’il n’est pas nécessaire pour l’ouverture à la concurrence, ouverture que vous-même, je l’ai bien compris et j’en prends acte, souhaitez. Le passage en SA n’a donc aucun caractère obligatoire, ce que nous a confirmé le président de l’ARAFER, toujours en commission, plaidant même plutôt pour l’inverse.

Si tout cela n’est pas fait dans l’idée d’unifier, idée que, pour ma part, je ne comprends pas trop, le seul avantage à passer en SA est de pouvoir augmenter le capital. Mais comment ? On peut se poser des questions sur la suite. En tout cas, je ne vois pas d’autre raison. J’aimerais tout de même avoir, à un moment donné, une réponse assez claire sur les raisons précises du passage en SA.

Mme la présidente. L’amendement n° 232, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

La société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales

par les mots :

Les établissements publics à caractère industriel SNCF, SNCF Réseau, SNCF Mobilités et leurs filiales

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

société nationale

II. – Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les attributions dévolues à la SNCF par le présent code à l’égard de SNCF Réseau et de SNCF Mobilités sont identiques à celles qu’une société exerce sur ses filiales, au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce.

IV. – Alinéas 13 à 19

Supprimer ces alinéas.

V. – Alinéa 22

Supprimer les mots :

la société

VI. – Alinéa 24

Remplacer le mot :

filiale

par les mots :

direction dédiée

VII. – Alinéas 29 à 64

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Par cet amendement, nous souhaitons nous aussi nous opposer fermement à la transformation des établissements publics à caractère industriel et commercial SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sociétés anonymes.

Si le projet de loi prévoit que le capital social de la SNCF sera détenu intégralement par l’État et incessible, nous avons de bonnes raisons de penser que l’abandon du statut d’EPIC ne constituera qu’une première étape vers une ouverture ultérieure du capital des nouvelles SA. Souvenons-nous, mes chers collègues, de ce qui s’est passé dans d’autres secteurs économiques, comme ceux des télécommunications ou, cela a été rappelé, de l’énergie.

Nous estimons donc que le statut d’EPIC constitue le meilleur rempart contre une privatisation éventuelle. Il nous prémunit ainsi contre toute ouverture de capital. Il interdit le versement de dividendes aux actionnaires, en l’occurrence, à l’État. Il offre la garantie illimitée de pouvoir recourir à des emprunts à des taux d’intérêt bas, bien inférieurs à ceux qui sont pratiqués sur les marchés financiers.

L’enjeu, madame la ministre, est de pérenniser la maîtrise publique du service public des transports, de maintenir Gares & Connexions dans le giron de SNCF Réseau et d’empêcher la filialisation, à terme, de cette activité.

Mme la présidente. L’amendement n° 69, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

La société nationale à capitaux publics

par les mots :

L’établissement public industriel et commercial

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

société nationale

II. – Alinéa 4, première phrase, alinéa 6, première phrase, alinéa 7, alinéa 15, alinéa 18, alinéa 57, seconde phrase, alinéa 59, première phrase

Supprimer les mots :

société nationale

III. – Alinéas 5,13, 29, 36 et 47

Supprimer ces alinéas.

IV. – Alinéas 22 et 45

Remplacer les mots :

La société

par les mots :

L’établissement public industriel et commercial dénommé

V. – Alinéa 59, première phrase

Remplacer la seconde occurrence des mots :

la société

par les mots :

l’établissement public industriel et commercial dénommé

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. L’argument consistant à dire que la transformation des trois EPIC structurant aujourd’hui la SNCF en société nationale ne conduira pas à la privatisation de la SNCF ne nous convient pas. D’autant qu’il ne s’agit pas là d’une innovation et que nous avons la preuve, par l’histoire, que cela ne se fera pas dans le sens de l’amélioration du service des usagers ni de la santé économique de l’entreprise. En effet, comme nous l’avons indiqué dans l’objet de notre amendement, le mouvement de transformation des EPIC nationaux en sociétés anonymes remonte déjà aux années soixante-dix : ce fut notamment le cas, à l’époque, de l’ERAP, l’Entreprise de recherches et d’activités pétrolières, devenue Elf Aquitaine, société d’abord publique, puis privatisée et absorbée par Total en 1994. Plus révélateur encore de la pente abrupte vers la privatisation et de la casse sociale annoncée, on peut citer l’exemple de l’ancienne entreprise publique SEITA, fondée en 1926, devenue EPIC en 1959, puis société nationale en 1980, avant d’être privatisée en 1995, entraînant une série de fermetures d’usines avant son rachat par Imperial Tobacco, dont elle est devenue filiale avec, à la clé, un plan social de grande ampleur et la suppression de 2 440 emplois en Europe.

Je ne reviendrai pas sur les autres transformations en société anonyme que nous avons déjà évoquées : TDF, La Poste, France Télécom, ou encore GDF, EDF et, bientôt, Aéroports de Paris.

L’argument expliquant cette évolution est bien connu, à force d’avoir été répété : ces établissements paraissent de nos jours atteints d’une malformation congénitale, leur caractère trop public, qui les rendrait inadaptés au secteur d’activité dans lequel ils évoluent, soit parce qu’ils sont gênés par les pesanteurs administratives, soit parce qu’ils tirent de leur attachement à l’État des avantages économiques à l’égard de leurs concurrents.

Permettez-nous de vous rappeler la définition d’un EPIC, afin de préciser de nouveau en quoi il est absolument nécessaire de conserver ce régime juridique pour ce secteur d’activité essentiel qu’est le ferroviaire : que ce soient des créations pures ou des nationalisations anciennes, comme c’est le cas pour la SNCF, la personne morale de droit public que représente l’EPIC a pour but la gestion d’une activité de service public, dont le bon fonctionnement est essentiel ; compte tenu de la spécificité du service public à assurer, une entreprise industrielle ou commerciale privée soumise à la concurrence ne peut pas être aux manettes. C’est la raison même de l’existence des EPIC.

Mme la présidente. L’amendement n° 71, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

remplit des missions de service public dans le domaine du transport ferroviaire et de la mobilité

par les mots :

concourt au service public ferroviaire et à la solidarité nationale

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. La vocation de cet amendement tient en un rappel.

Le rail, tout comme son caractère public, est le garant d’un maillage territorial efficace et remplit aujourd’hui un rôle tout aussi social qu’économique, lui permettant de concourir à la solidarité nationale. Avec la libéralisation et le changement de statut, c’est la nature même du service public qui est mise en cause.

Un rôle social, car le rail est un rappel de l’État dans des zones qu’il a parfois abandonnées. Quand vous habitez dans un territoire enclavé, le train constitue souvent le dernier service public accessible et le moyen de se rapprocher des zones les plus denses. En cela, le réseau ferré est un outil structurant du territoire de la République.

Un rôle social, aussi, car le rail constitue, pour de nombreuses personnes, le seul moyen de locomotion possible. L’avion est beaucoup plus cher et d’un accès plus éloigné, et la voiture demande des investissements importants. Il ne reste alors plus que le train.

Un rôle économique, enfin, car les entreprises ont tout intérêt à avoir un réseau ferré efficace, faisant l’objet d’un investissement public massif, pour transporter facilement et de manière performante leurs salariés et leurs marchandises.

Outre ces éléments, on ne peut omettre les enjeux environnementaux du réseau ferré. Le Grenelle de l’environnement verra-t-il ses objectifs suivis par la France en matière de part modale du non-routier et du non-aérien ? Alors que, d’après un rapport de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, 45 000 personnes meurent chaque année, en France, de l’exposition à l’ozone et aux particules, il est urgent de revaloriser le moyen de transport le moins polluant dans notre pays.

De par son rôle structurant et son caractère universel, le rail doit faire l’objet d’un fort investissement public, mais il est nécessaire de rappeler qu’il est l’affaire de toutes et de tous, et un acteur majeur de la solidarité nationale. Quand nous entendons des éditorialistes avancer, sans aucun recul, que « la SNCF coûte 1 000 euros à chaque Français, même ceux qui ne prennent pas le train », je me demande si leur position est la même en ce qui concerne l’éducation nationale, la sécurité sociale, les aides à la presse, pour celles et ceux qui ne scolarisent pas leurs enfants, ne sont pas malades et ne lisent pas cette même presse.

C’est pour lutter contre ce genre d’arguments totalement fallacieux que cet amendement vaut la peine d’être adopté. Il importe de se rappeler que seul le service public est un garant social dans notre République.