M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l’article L. 744-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur d’asile, n’a pas statué sur la demande d’asile dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande, le demandeur d’asile accède au marché du travail dans les conditions prévues à l’article L. 314-4.

« Selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, le mineur non accompagné qui bénéficie des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail et qui dépose une demande d’asile est autorisé à poursuivre son contrat pendant la durée de traitement de la demande. »

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. L’amendement a été très bien défendu par mon collègue. Il porte sur le délai de neuf mois pour accéder au marché du travail.

Le demandeur d’asile doit remplir de nombreuses conditions. Il doit avoir introduit sa demande d’asile auprès de l’OFPRA dans un délai de vingt et un jours et avoir accepté les conditions matérielles d’accueil proposées par l’OFII, lesquelles sont toujours plus restrictives, comme nous l’avons vu à l’article 9.

Ainsi, de nombreux réfugiés ou exilés se trouvent maintenus dans des conditions de dénuement qui nous semblent contraires à la dignité humaine et susceptibles de caractériser des traitements inhumains ou dégradants prohibés par l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme.

Aussi, l’amendement que nous défendons vise à faciliter l’intégration des demandeurs d’asile en leur donnant la possibilité d’accéder à l’emploi six mois après l’introduction de leur demande.

Je pense que le Gouvernement pourrait suivre notre amendement, qui a été rédigé en lien étroit avec les recommandations du rapport d’Aurélien Taché, ce dernier souhaitant impulser une nouvelle politique des étrangers vivant en France.

Nous faisons souvent référence à l’Europe ; nous l’avons encore fait tout à l’heure. En l’occurrence, les demandeurs d’asile peuvent travailler trois mois après le dépôt de leur demande en Allemagne, en Suède, au Portugal ou en l’Italie. Nous ne sommes pas nécessairement obligés de nous aligner sur les standards les plus bas !

Pour terminer, je veux faire part de mon expérience. Durant plusieurs années, j’ai présidé une agence de développement dans mon département. Je me suis parfois retrouvé dans des situations paradoxales, défendant des « sans-papiers » – comme on les appelait alors – en activité et devant répondre à des patrons qui me demandaient comment contourner les lenteurs administratives et obtenir l’autorisation de les embaucher. Des démarches ont été menées avec le préfet de l’époque, dont beaucoup ont été concluantes.

Le présent amendement doit aussi nous inciter à examiner cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.

Dans le droit positif, un demandeur d’asile peut travailler à compter d’un délai de neuf mois. L’amendement vise à faire passer ce délai à six mois.

À la limite, le délai n’a pas beaucoup d’intérêt, si je puis me permettre cette expression : il faut l’apprécier en fonction du délai d’appréciation de la demande d’asile elle-même.

Si nous sommes capables de traiter une demande d’asile en moins de neuf mois, le délai actuel de neuf mois convient parfaitement, puisque celui qui n’aura pas obtenu de réponse pourra alors éventuellement travailler.

Si le délai pour pouvoir travailler passe à six mois, il faut à tout prix que l’OFPRA et la CNDA soient capables de rendre une décision sur la demande d’asile dans un délai inférieur à cette durée, pour que les choses soient parfaitement cohérentes.

Très concrètement, que le délai soit de six ou de neuf mois, le risque est de donner une autorisation de travail à un demandeur d’asile dont la demande de statut de réfugié sera, au bout du compte, définitivement rejetée. Quelles seront les conséquences juridiques d’une telle situation ? En pratique, comment fera-t-on ? Va-t-on dire à celui qui se sera vu refuser le statut de réfugié qu’il n’a plus non plus le droit de travailler et qu’on doit le raccompagner à la frontière ? Je rappelle que, entre-temps, il aura été obligé de demander un autre titre dans un délai de deux mois et de faire un choix. Je n’entrerai pas dans le détail du système, qui est complexe.

C’est la raison pour laquelle, tant que nous n’avons pas la certitude que l’OFPRA et la CNDA sont en mesure de rendre une décision dans un délai inférieur à celui qui est fixé pour trouver un travail, nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Sur cette question, le Gouvernement soutiendra les amendements déposés par M. Capus et par M. Amiel, qui reprennent des propositions faites à l’Assemblée nationale. Je demande donc aux auteurs des deux amendements qui viennent d’être présentés de s’y rallier.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le rapporteur, vous m’inquiétez énormément si vous estimez que le droit positif est respecté aujourd’hui. Quand je pense au nombre de fois où vous avez fait référence au droit positif depuis le début de ce débat…

De fait, le droit positif n’est absolument pas respecté. La directive évoque un droit « effectif » au travail, et pas simplement le droit de demander une autorisation à la DIRECCTE.

Je vous passe la lecture des trois pages du Cerfa qui établit la liste des documents à fournir pour déposer une demande à la DIRECCTE. Dix prises de parole n’y suffiraient pas…

Le droit au travail n’est absolument pas un droit effectif aujourd’hui. Doit-on, dans vos propos, monsieur le rapporteur, entendre le droit positif comme étant le non-droit ?

Sur le fond, il me semble qu’il n’y a pas d’outil plus puissant pour l’intégration que le travail. Il n’y a pas plus utile pour la société que les personnes qui arrivent dans notre pays avec des talents et qui peuvent les exprimer aussi vite que possible. Permettre aux demandeurs d’asile de travailler renforcerait notre société et sa capacité à intégrer les nouveaux arrivants.

Je reconnais qu’une difficulté peut apparaître si la demande est, au final, rejetée. Il me semble toutefois que, si la personne concernée a énormément de talent, on peut résoudre cette difficulté. Quoi qu’il en soit, une telle mesure permettrait de se dispenser d’un certain nombre de procédures dont nous avons malheureusement longuement parlé aujourd’hui.

Des raisons de coût plaident également en faveur de la disposition que je défends : si un demandeur d’asile est immédiatement capable de vivre par son travail, pourquoi le logerait-on ? Pourquoi lui donnerait-on une allocation spécifique ?

On m’a expliqué que l’Allemagne n’était pas un modèle à imiter. Pour ma part, je ne cherche pas de modèle, mais je considère qu’il y a, dans tous les pays, des mesures positives que l’on ferait bien de reprendre. Or il se trouve que, en Allemagne, par exemple, l’équivalent de l’OFPRA réalise un bilan de compétences des demandeurs d’asile. Il ne serait pas inutile que nous fassions de même !

Vraiment, monsieur le ministre d’État, si l’on ne veut pas que la demande d’asile soit un poids pour la société, comme vous l’avez à de nombreuses reprises appelé de vos vœux depuis deux jours, il faut permettre aux demandeurs d’asile d’exercer leurs talents.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Premièrement, je précise que, en Allemagne, en Suède, au Portugal et en Italie, un demandeur d’asile peut accéder au marché du travail soit dès le dépôt de sa demande, soit à partir de trois mois.

Deuxièmement, monsieur le rapporteur, j’ai arrêté les mathématiques après le baccalauréat, mais je me rappelle de ce qu’on appelle, dans cette matière, « raisonnement par l’absurde ». Que le délai soit de trois, six , neuf, douze ou vingt-quatre mois, votre raisonnement ne peut pas tenir !

Je m’interroge, après avoir écouté l’avis du ministre d’État, sur les raisons pour lesquelles l’amendement n° 88 de notre collègue Emmanuel Capus n’a pas été discuté en même temps que celui de notre collègue Leconte et le nôtre. Préférant le mieux-disant au moins-disant, nous nous rangerons à l’avis exprimé et voterons l’amendement n° 88. Il n’est pas tout à fait identique au nôtre, mais il faut aussi savoir privilégier un esprit de rassemblement pour aller vers le mieux-disant.

M. le président. Monsieur Savoldelli, retirez-vous l’amendement n° 74 ?

M. Pascal Savoldelli. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 74 est retiré.

Monsieur Leconte, retirez-vous l’amendement n° 298 rectifié bis ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 298 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 88 est présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

L’amendement n° 382 rectifié est présenté par MM. Amiel, Yung et Lévrier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Rétablir le 1° A dans la rédaction suivante :

1° A À la première phrase, le mot : « neuf » est remplacé le mot : « six » ;

II. – Alinéa 5

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Toutefois, l’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de deux mois à compter de la réception de la demande d’autorisation de travail pour s’assurer que l’embauche de l’étranger respecte les conditions de droit commun d’accès au marché du travail. À défaut de notification dans ce délai, l’autorisation est réputée acquise. Elle est applicable pour la durée du droit au maintien du séjour du demandeur d’asile. »

L’amendement n° 88 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié.

M. Martin Lévrier. Cet amendement vise à rétablir la version de l’Assemblée nationale.

L’article 26 bis permettait de réduire de neuf à six mois l’accès au marché du travail par le demandeur d’asile en cas de non-réponse de l’administration. Il paraît très important de permettre à un étranger ayant fait des démarches en ce sens et n’ayant pas obtenu de réponse de l’administration dans un délai raisonnable d’accéder au marché du travail après six mois et non neuf. Nous le savons tous, le travail est un outil majeur pour favoriser l’intégration.

M. le président. L’amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Poadja, Mme Billon et MM. Henno et Kern, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 299 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rétablir le 1°A dans la rédaction suivante :

1°A À la première phrase, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « six » ;

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, qui ont le même objet. Nous nous en sommes déjà expliqués, et la commission des lois a pu exposer sa façon de concevoir les choses et se prononcer sur la stratégie et les choix à tenir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Je demande le retrait de l’amendement n° 299 rectifié bis au profit de l’amendement n° 382 rectifié, que je soutiens.

Monsieur le rapporteur, nous faisons, c’est vrai, le pari que l’OFPRA puisse donner sa réponse en six mois. C’est tout l’objet du projet de loi que nous présentons, et nous allons essayer de gagner ce pari.

M. Jean-Yves Leconte. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 299 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 382 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas lamendement.)

M. le président. L’amendement n° 300 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

le mineur non accompagné

par les mots :

l’étranger

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Si cet amendement était rejeté, un mineur en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation qui dépose une demande d’asile pourrait poursuivre son contrat le temps de l’examen de sa demande, ce qui ne serait pas autorisé pour un majeur pourtant dans la même situation. L’objet de cet amendement est donc d’étendre une telle possibilité aux majeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Retrait, sinon rejet.

M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° 300 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 300 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 26 bis.

(Larticle 26 bis est adopté.)

Article 26 bis
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 26 ter - Amendement n° 101 rectifié

Article 26 ter

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 331 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 511 est présenté par MM. Bargeton, Amiel, Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.

L’amendement n° 543 rectifié est présenté par M. Arnell, Mmes M. Carrère et Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Guillaume, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 331 rectifié bis.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 26 ter, supprimé par la commission des lois, concernant la délivrance de plein droit d’une autorisation de travail au mineur isolé étranger qui a été confié à l’ASE.

La suppression de l’article proposée par le rapporteur, au motif que cette disposition est déjà satisfaite par les textes en vigueur, ne nous paraît pas apporter les garanties suffisantes, dans la mesure où la circulaire du 25 janvier 2016, qui fixe les modalités de délivrance de l’autorisation provisoire de travail, distingue, en réalité, en s’appuyant sur les dispositions de l’article R. 5221-22 du code du travail, les mineurs isolés étrangers selon qu’ils ont été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant ou après l’âge de seize ans.

Par cet amendement, nous souhaitons au minimum que le Gouvernement nous apporte une clarification sur le droit en vigueur, notamment sur la portée de la circulaire de janvier 2016.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 511.

M. Martin Lévrier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 543 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement a toute son importance, puisqu’il a pour but de rétablir la seule mesure du texte qui était consacrée aux mineurs non accompagnés en contrat d’apprentissage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission estime que ces trois amendements identiques sont en réalité satisfaits. Ils tendent à rétablir l’article 26 ter, supprimé en commission, qui réaffirmait le principe selon lequel l’autorisation de travail est accordée de droit aux mineurs non accompagnés s’agissant d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Or cette disposition est déjà prévue par le droit positif. L’article L. 5221-5 du code du travail précise, à son deuxième alinéa : « L’autorisation de travail est accordée de droit à l’étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. » Ainsi, les mineurs isolés étrangers ne sont nullement exclus de cette disposition.

C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé le Conseil d’État dans une décision rendue par voie d’ordonnance le 15 février 2017. Il rappelle très clairement que les mineurs isolés étrangers confiés au service de l’ASE entre l’âge de seize et dix-huit ans « doivent être regardés comme autorisés à séjourner en France […] lorsqu’ils sollicitent, pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée, une autorisation de travail. Par suite, cette autorisation de travail doit leur être délivrée de plein droit. » Le Conseil d’État ajoute que ne peuvent y faire obstacle ni les conditions d’opposabilité de la situation de l’emploi, définies par l’article R. 5221-22 du code du travail, ni l’examen de la demande au regard des conditions posées par l’article L. 313-5 du CESEDA relatif à la délivrance d’un titre de séjour à un mineur étranger devenu majeur.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a considéré que ces trois amendements étaient déjà satisfaits par le droit en vigueur. Elle en demande donc le retrait. À défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérard Collomb, ministre dÉtat. Sur le plan strictement juridique, il me semble que M. le rapporteur a raison, puisque les trois amendements ne visent à inscrire dans la loi que la transcription d’une interprétation jurisprudentielle, au demeurant déjà appliquée par les préfets. Pour autant, ces amendements ont le mérite de la clarté. Sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. En ces circonstances, il faut bien regarder ce qui se passe sur le terrain. Pour les jeunes âgés de plus de seize ans qui arrivent sur le territoire, le regard posé sur eux est différent. La circulaire Valls leur impose de justifier suivre depuis au moins six mois une formation initiale pour pourvoir poursuivre leur cursus établi avec l’aide des services de l’ASE.

J’ai publié sur ce sujet un rapport d’information avec l’un de nos anciens collègues, Jean-Pierre Godefroy. Nous avions tous deux pu remarquer combien les départements recevaient de la part des préfectures, des DIRECCTE et des juridictions des réponses différentes, dues à des interprétations divergentes.

Nombreux sont évidemment les mineurs non accompagnés de plus de seize ans à n’avoir pas eu le temps de suivre une formation initiale de six mois. Souvent, d’ailleurs, ils sont inscrits à des cours de français organisés dans le cadre de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, lesquels ne sont pas considérés comme de la formation initiale.

Je veux donc mettre en avant ce problème, pour alerter sur la réalité vécue sur le terrain. Si ces amendements ne connaissent pas une issue favorable, je vous demande, monsieur le ministre d’État, de vraiment vous intéresser à ce qui se passe sur le terrain, afin de garantir une égalité de traitement pour l’ensemble des mineurs non accompagnés présents sur le territoire.

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Malgré la démonstration juridique solide faite par le rapporteur, je me rangerai à l’avis du ministre. Certes, au terme d’un raisonnement juridique impeccable, le Conseil d’État arrive à conclure que l’interprétation du texte en vigueur aboutit à reconnaître une autorisation d’office de ces contrats d’apprentissage. Mais je crois vraiment que la rédaction que nous proposons au travers de ces amendements identiques rend le texte beaucoup plus lisible et permet justement de répondre à l’observation faite par Mme Doineau, à savoir qu’aujourd’hui les services compétents sont dans l’hésitation.

Il n’y a pas de débordements à craindre au regard des droits accordés à ces jeunes. Nous entendons simplement que soient appliqués les principes en vigueur, et il vaut mieux que le code du travail les précise explicitement.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je rejoins Mme Doineau, parce que j’ai vécu ce problème sur le terrain voilà moins d’un an encore, lorsque je m’occupais d’un CFA. Ces jeunes font face à de grandes difficultés. Il faut donc faire très attention à leur situation, et la clarification proposée est vraiment nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 331 rectifié bis, 511 et 543 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, nadopte pas les amendements.)

M. le président. En conséquence, l’article 26 ter demeure supprimé.

Article 26 ter (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 26 ter - Amendement n° 343 rectifié ter

Articles additionnels après l’article 26 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Bonnecarrère, Louault, Henno, Kern et Janssens, Mmes Gatel, Guidez, Vullien et Loisier, MM. Moga et Poadja, Mme Vermeillet, MM. Luche et Vanlerenberghe, Mme Létard, MM. Delcros et Détraigne et Mme C. Fournier, est ainsi libellé :

Après l’article 26 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« . .. À l’étranger qui a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de l’enseignement et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. »

La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Le cas est moins fréquent, mais il arrive que certains mineurs non accompagnés veuillent suivre un cursus universitaire. Cet amendement vise donc à faciliter l’attribution de la carte de séjour temporaire mention « étudiant » aux mineurs non accompagnés, dont la sensibilité les porte vers la poursuite d’études universitaires et à qui n’est attribué le titre temporaire de séjour qu’à la condition du suivi d’une formation professionnelle.

Article additionnel après l'article 26 ter - Amendement n° 101 rectifié
Dossier législatif : projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie
Article additionnel après l'article 26 ter - Amendement n° 99 rectifié

M. le président. L’amendement n° 343 rectifié ter, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et Jacques Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 26 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« .. Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation scolaire, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Que de regrets, une nouvelle fois, mes chers collègues ! Dès lors qu’une mission d’information sénatoriale transpartisane reconnaît, dans le cadre de ses conclusions, qu’il existe un certain nombre de difficultés et que nous entendons des témoignages sur la manière dont les choses se passent sur le terrain, et ce malgré le fait que les principes en vigueur devraient être respectés par la jurisprudence, il eût été bien mieux d’inscrire ces principes dans la loi.

Cela vaut aussi pour ces amendements. En l’état actuel du droit, aucune carte de séjour n’est délivrée de plein droit aux jeunes confiés à l’ASE entre l’âge de seize et dix-huit ans, y compris s’ils sont scolarisés ; seuls les étrangers confiés avant l’âge de seize ans peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de plein droit d’une carte de séjour temporaire pourtant la mention « vie privée et familiale ». Nous rejoignons donc les préoccupations exprimées par Mme Doineau.