Mme Colette Mélot. Certains ont évoqué le Rocamadour ; d’autres, le camembert. Pour ma part, je pourrais parler du brie ! (Exclamations amusées.)

M. Antoine Lefèvre. Ah ! La dame de Melun !

Mme Colette Mélot. Le brie de Meaux ou le brie de Melun – ce sont les deux appellations d’origine –, comme vous voudrez ; il y en d’autres encore.

Cet amendement tend à supprimer l’article 11 octies, relatif à l’ouverture de la dénomination « fromage fermier ».

Cet article introduit une nouvelle définition du fromage fermier en admettant la possibilité d’un affinage en dehors de l’exploitation agricole. Or la mention valorisante « fermier » est définie par le décret n° 2007–628 et se limite aux fromages « fabriqués selon des techniques traditionnelles par un producteur agricole ne traitant que les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci ».

Dans la nouvelle disposition, l’association des notions « fromages fermiers » et « affinage hors de l’exploitation » pose problème aux producteurs laitiers fermiers à plusieurs titres.

Tout d’abord, lorsque le processus qui va du lait au produit fini affiné est réalisé entièrement sur une même ferme, l’identité du producteur et la provenance du produit sont clairement connus du consommateur via l’étiquette. C’est évident.

Toutefois, lorsque l’étape finale d’affinage a lieu hors de la ferme, c’est souvent la marque, donc l’identité du seul affineur qui est mise en avant. Là, c’est très fréquent ; affineur, c’est un vrai métier. Cela induit, d’une part, une perte de traçabilité pour le consommateur, qui aura du mal à savoir où et comment le produit concerné a été fabriqué, et, d’autre part, une perte de valeur ajoutée pour le producteur fermier, alors même que c’est son travail qui rend possible l’utilisation de la mention valorisante « fermier » sur le produit.

Enfin, il faut le noter, l’introduction d’une telle disposition va à l’encontre d’une décision du Conseil d’État, qui a fait supprimer la possibilité d’affinage des fromages fermiers à l’extérieur de la ferme, en se fondant sur les arguments selon lesquels l’affinage est partie intégrante de la fabrication d’un fromage affiné. Le producteur agricole doit être directement responsable et les pratiques d’affinage doivent être traditionnelles.

M. le président. L’amendement n° 152 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° 184 rectifié.

M. Pierre Cuypers. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 184 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 272 rectifié ter.

M. Michel Canevet. À l’instar de Mme Mélot, je crois qu’il faut effectivement faire attention.

Le risque est que le terme « fermier », dont la définition est assez précise aujourd’hui, ne soit galvaudé à l’avenir. Nous aurons peut-être demain des boîtes avec en gros la mention « fermier » et en tout petit la mention « affiné à l’extérieur ». Cela ne va pas dans le sens de la nécessaire information des consommateurs.

D’ailleurs, on voit de plus en plus des grandes sociétés industrielles racheter des petits producteurs et s’arroger ainsi à leur profit des marques et signes de qualité alors que les process de production changent. Soyons attentifs, notamment dans la rédaction de l’article, à ce que sont les usages traditionnels, d’autant qu’ils ne sont pas forcément bien définis dans les textes.

Au demeurant, une telle orientation me semble en contradiction avec les démarches de circuits courts et de vente directe qu’un certain nombre de producteurs mettent en place actuellement. J’invite donc à la prudence.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 665 rectifié.

M. Franck Menonville. Notre collègue Joseph Castelli, qui est à l’initiative de cet amendement, s’inquiète des conséquences de l’article 11 octies, qui permet l’affinage hors de la ferme. Il considère que nous risquons d’envoyer un message brouillé au consommateur et une dilution de la traçabilité, l’identité de l’affineur occultant celle du producteur.

Aussi, et afin de ne pas amoindrir le caractère valorisant de la mention « fermier », cet amendement vise à supprimer l’article 11 octies. Cela étant, les précisions et les arguments que j’ai entendus au cours du débat sont rassurants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Les auteurs de ces amendements identiques souhaitent supprimer l’article 11 octies, qui sécurise pourtant la pratique de l’affinage des fromages fermiers en dehors de l’exploitation.

Cette pratique, le plus souvent dans des caves collectives, est ancienne, et n’avait pas posé de problème jusqu’à ce qu’un arrêt du Conseil d’État de 2015 la prive de base réglementaire.

L’article 11 octies apporte une réponse définitive à cette insécurité juridique tout en assurant une bonne information des consommateurs, dès lors qu’il sera indiqué de manière claire et précise que l’affinage a eu lieu en dehors de la ferme.

Le consommateur pourra donc choisir en toute connaissance entre un fromage fermier affiné à la ferme et un fromage fermier affiné en dehors de la ferme conformément, dans ce cas, aux usages traditionnels.

La commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue des débats, je vous inviterai au ministère de l’agriculture à venir partager un immense plateau de bons fromages affinés à cœur, issus de nos territoires respectifs. (Marques denthousiasme et exclamations amusées sur de nombreuses travées.)

M. Gérard Longuet. Avec quels vins ?

M. Olivier Jacquin. Et avec des huîtres !

M. Stéphane Travert, ministre. Comme je l’ai souligné précédemment, il n’y a pas lieu d’agiter des peurs. L’appellation « fromage fermier » n’est nullement remise en cause.

Selon certains savoir-faire ancestraux, l’affinage du fromage se fait en dehors de l’exploitation, par exemple dans des cavités naturelles qui existent ailleurs. Encore une fois, l’objectif est d’encadrer l’affinage quand il est fait à l’extérieur, en conformité évidemment avec le cahier des charges. Cela ne va pas plus loin.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de ces amendements de suppression ; à défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Mme Colette Mélot. Notre amendement est soutenu par l’Association nationale des producteurs laitiers fermiers, qui représente 16 organisations et regroupe 914 producteurs adhérents. C’est donc la voix des producteurs laitiers fermiers, qui veulent défendre leurs produits.

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’« agiter des peurs ». Ces professionnels revendiquent simplement la reconnaissance de leur travail et de leur artisanat ! Ils craignent que des fabricants autres que fermiers ne puissent revendiquer l’appellation « fromage fermier » si l’on permet l’affinage extérieur.

La suppression de l’article va donc, me semble-t-il, dans l’intérêt des 6 000 producteurs laitiers fermiers, qui, pour la grande majorité, affinent eux-mêmes leurs fromages et dont l’efficacité économique dépend essentiellement de la plus-value jusqu’à présent attachée à la mention fermière.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. J’attire l’attention de nos collègues sur les risques que ferait courir la suppression de cet article.

En supprimant cet article, on reviendrait au droit actuel, qui n’offre pas du tout de cadre juridique sécurisé pour les producteurs, pas même pour ceux qui sont en zone AOP. D’ailleurs, monsieur le ministre, en écho à votre invitation, je pense qu’il serait plus opportun de venir goûter les fromages dans les territoires où ils sont fabriqués. (Exclamations amusées.)

M. Stéphane Travert, ministre. Mais avec plaisir !

M. Bernard Delcros. Je vous invite donc à venir en Auvergne et dans le Cantal, où nous avons plusieurs AOP.

Aujourd’hui, il n’y a pas de cadre juridique ! À la suite de l’arrêt du Conseil d’État en 2015, nous sommes dans une impasse. Même en zone AOP, où des cahiers des charges très rigoureux permettent de produire un fromage à la ferme et de l’affiner dans une zone définie – ces cahiers sont validés par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO –, il n’est pas possible d’accorder la mention « fromage fermier ». Là est l’enjeu.

Je vous invite donc à faire extrêmement attention et à bien mesurer les conséquences de la suppression de cet article. Nous aboutirions à un résultat contraire à l’objectif. En prétendant sécuriser, nous ne sécuriserions rien du tout !

Pour ma part, je suis même – j’ai déposé un amendement en ce sens, et nous aurons l’occasion d’en discuter – pour sécuriser véritablement les consommateurs et les producteurs, en réservant la mention aux affinages qui répondent au cahier des charges des zones AOP.

Mais ne supprimons surtout pas cet article ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Voilà un exemple concret de sujet sur lequel nous faisons œuvre utile ! (Exclamations amusées.) Il est vrai, mes chers collègues, que, sur certains débats, j’ai parfois eu le sentiment que nous n’étions pas vraiment dans notre rôle de législateur.

En l’occurrence, il y a un vide juridique. Je me réjouis donc de la position de la commission et du choix du Gouvernement de la soutenir. Nous sécurisons à la fois les fromages fermiers affinés à la ferme et les fromages fermiers affinés collectivement en dehors de la ferme.

Et cela va même plus loin !

Nous qui aimons bien tout ce qui est ancien et les vieilles pratiques, nous voilà précisément au cœur du sujet. Pour certaines d’entre elles, cela fait plus d’un siècle que des paysans produisent, transforment chez eux et font affiner chez un affineur, soit collectivement, soit par une entreprise. Et il est très important de le dire : combien de producteurs fermiers disparaîtraient si on ne leur permettait plus d’affiner collectivement les fromages fermiers qu’ils produisent en plus de ceux qu’ils vendent directement ? Car c’est ça la réalité !

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Daniel Gremillet. Dans mon département, nous avons le munster fermier. Sur le versant alsacien, il n’y a que des affineurs : des producteurs fermiers, en plus de leur production propre vendue directement sur les marchés, vendent à des affineurs. On a tous des exemples identiques dans nos régions. Je suis donc content de la position de la commission, qui vise à sécuriser, sans tromperie vis-à-vis du consommateur. Tout figure clairement sur l’étiquette, c’est parfait pour nous qui voulons enrichir l’étiquette « producteur fermier ». Si le fromage est affiné ailleurs, on précise où et par qui. Au moins, il y a une très grande transparence. Merci de cet amendement, qui vraiment sécurise le système fermier de notre pays !

M. Ladislas Poniatowski. C’est un producteur de fromage qui parle !

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Eu égard aux arguments de Mme le rapporteur et de M. le ministre, nous retirons notre amendement.

M. le président. L’amendement n° 665 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Je partage l’avis de M. Gremillet, mais pour les produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine, ou SIQO. La différence est fondamentale !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je souhaite vivement que cet article ne soit pas supprimé. Je défendrai d’ailleurs un amendement visant à enrichir le texte et à le sécuriser – un amendement identique sera présenté à juste titre par d’autres groupes –, et à défendre véritablement les fromages fermiers, y compris affinés à l’extérieur, mais dans un cadre très serré.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques. J’ai eu une discussion avec M. Labbé dans les couloirs pour lui expliquer le dossier. Je souhaite non seulement que l’avis de la commission soit suivi, mais aussi qu’il le soit de façon unanime. Je comprends les amendements de certains. Nous sommes tous des sénateurs de la Nation issus d’un territoire. Or, comme pour le vin, dont nous avons beaucoup parlé les jours précédents, nous avons la chance d’être un pays où chaque territoire a son fromage. En revanche, aucun fromage ne ressemble à un autre ni n’est affiné de la même façon – comme l’a rappelé Daniel Gremillet aucune histoire n’est identique. Il est donc normal que les amendements diffèrent en fonction des régions de chacun.

Mais pour se grandir ici, il faut comprendre tous les territoires. C’est toute l’importance d’un rapporteur, car il auditionne tout le monde. Il faut quelques jours pour affiner un camembert fermier, contrairement au saint-nectaire. Voilà pourquoi très peu de saint-nectaire peuvent être affinés à la ferme. Il s’agit pourtant bien d’un fromage fermier qui respecte les traditions, et la position de l’Assemblée nationale a été très claire : on marque bien qui affine et on précise « dans les conditions traditionnelles ».

Notre collègue voudrait que seuls les produits sous signes d’identification de la qualité soient concernés. Or, comme pour les vins de pays, l’intérêt du fermier, c’est qu’il est fermier ; mais pour autant il n’est pas forcément en AOP ou en IGP. Voilà pourquoi il est nécessaire d’adopter à l’unanimité la position de Mme la rapporteur. Nous sommes tous Français, issus de territoires très différents. Lorsque nous aurons fini d’étudier ce texte, les plus assidus d’entre nous pourraient se retrouver dans la bonne humeur, chacun apportant le vin et le fromage affiné de son territoire. (Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je constate que vous dérogez aux propos que vous avez tenus hier sur la diététique, puisque les invitations à manger du fromage sont multiples. (Sourires.)

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, ce qui est bon ne fait pas grossir, chacun le sait bien ! (Nouveaux sourires.)

Tous les arguments en faveur de la position de Mme la rapporteur ont été développés. Ce débat est utile. J’ai reçu en début de semaine la Confédération paysanne, qui était très inquiète de ce texte. Je pense qu’elle a trouvé ici matière à être rassurée.

Je ne peux m’empêcher néanmoins de pointer une contradiction. Sur certaines travées de cet hémicycle, il y a la volonté de promouvoir une agriculture de groupe. Mais quand des producteurs se rassemblent pour affiner ensemble, on veut leur retirer un avantage concurrentiel leur permettant de mieux valoriser leurs fromages, à savoir l’appellation « fermier ». Restons cohérents. Nous avons eu toutes les garanties que les petits producteurs pourront continuer à utiliser la mention « fermier » s’ils élèvent et affinent leurs fromages de façon traditionnelle. Comme Michel Raison, j’appelle à un vote unanime !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je me suis exprimé voilà quelques instants sur l’article. Dans des cas comme celui-ci, notre position doit pouvoir évoluer en fonction du débat. Mme la rapporteur et M. le ministre ont levé toutes les craintes.

M. Didier Guillaume. Il n’y a donc plus aucun problème. Nos collègues Labbé et Tissot, que je respecte, veulent que le dispositif concerne les seuls produits sous SIQO. Or c’est une autre démarche, mes chers collègues ! Personnellement, je suis favorable aux signes de qualité, aux AOP, aux AOC, aux IGP, etc. Nous avons eu le débat hier, il faut aller dans cette direction.

Toutefois, il s’agit ici de permettre à un fermier, à un éleveur, de pouvoir faire ce travail, de pouvoir donner à un affineur ses tomes, ses fromages pour qu’ils soient affinés douze jours, quarante jours, etc. (M. Laurent Duplomb sexclame.) Peut-être entreront-ils ensuite dans les produits sous SIQO, dans une aire géographique ou dans un signe de qualité. Il me semble que toutes les garanties sont ici données. C’est un premier pas avant l’obtention, par exemple, d’un signe de qualité. Laissons aux petits éleveurs la possibilité de faire affiner par quelqu’un d’autre leurs fromages.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Pour plus de clarté pour le consommateur, de cohérence et de logique, pourquoi appeler « fermier » un produit qui ne l’est pas ?

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il l’est !

Mme Angèle Préville. Il faut laisser cette appellation à ceux qui continuent à produire des fromages fermiers. Inventons une autre dénomination tout aussi valorisante. L’intérêt de la production fermière, c’est précisément qu’elle se fait à la ferme. Ça me gêne beaucoup d’appeler « fermier » un fromage qui n’est pas intégralement produit à la ferme. Trouvons une autre appellation : artisanal, par exemple. Mais laissons la mention « fermier » à ce qui l’est !

M. Laurent Duplomb. Cela a toujours été ça !

M. le président. Madame Mélot, l’amendement n° 137 rectifié quinquies est-il maintenu ?

Mme Colette Mélot. Le débat a nourri ma réflexion : je retire mon amendement (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.), car j’ai confiance dans les paroles qui ont été prononcées ici ce matin.

M. le président. L’amendement n° 137 rectifié quinquies est retiré.

Monsieur Canevet, qu’advient-il de l’amendement n° 272 rectifié ter ?

M. Michel Canevet. Je le retire, monsieur le président. (Même mouvement.)

M. le président. L’amendement n° 272 rectifié ter est retiré.

M. Ladislas Poniatowski. Le débat était utile !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 469 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell, Artano, Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.

L’amendement n° 539 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot et Kanner, Mmes Tocqueville, Monier et Préville, MM. Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, MM. Jacquin et Roux, Mme Taillé-Polian, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

1° Après le mot :

fermiers

insérer les mots :

sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine

2° Remplacer les mots :

en conformité avec les usages traditionnels

par les mots :

conformément à leurs cahiers des charges

3° Après les mots :

au premier alinéa

insérer les mots :

parmi lesquelles figure obligatoirement l’affichage du nom du producteur,

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 469 rectifié.

M. Joël Labbé. Comme vous, je souhaitais que l’article 11 octies ne soit pas supprimé, car le rôle de la Haute Assemblée est d’enrichir et d’affiner le texte. (Sourires.)

L’objectif, pour nous, est de valoriser les productions et d’éviter qu’elles ne soient banalisées. Cet amendement, identique à l’amendement n° 539 rectifié qui sera présenté par un autre groupe, vise à préciser les questions de qualité. Il s’agit d’ajouter pour les fromages fermiers « sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine » et de remplacer « en conformité avec les usages traditionnels », dont la valeur juridique n’est pas évidente, par « conformément à leurs cahiers des charges ». Je pratique habituellement plutôt le langage poétique, mais je me suis mis au langage juridique ! Par ailleurs, nous proposons à la fin de l’article d’insérer les mots « parmi lesquelles figure obligatoirement l’affichage du nom du producteur », car c’est essentiel.

Les fromages fermiers peuvent être affinés en dehors de la ferme, mais d’une façon extrêmement cadrée, traçable et lisible.

La rédaction actuelle de l’article pénalise fortement les producteurs fermiers, qui ne pourront plus faire valoir leur travail. Elle pénalise aussi les consommateurs, qui ne pourront plus identifier clairement les produits. L’amendement vise à prévoir que le terme fermier reste réservé aux fromages affinés sur la ferme. Si, dans le cadre d’une AOC et conformément à un cahier des charges, le fromage est affiné en dehors de l’exploitation, le nom du producteur doit être mentionné sur l’étiquette.

Il ne s’agit pas d’écarter les autres fromages. Ils continueront d’exister. On peut effectivement trouver d’autres dénominations commerciales. Mais le fromage fermier, c’est du fromage fermier et il doit rester fermier, conformément à ce que demandent avec force les producteurs, car le risque est grand que l’industrie ne s’approprie la mention « fermier » – pour son plus grand profit, d’ailleurs, et non au bénéfice des producteurs !

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l’amendement n° 539 rectifié.

M. Henri Cabanel. L’amendement ayant été parfaitement défendu par mon collègue Joël Labbé, je n’ai rien à ajouter.

M. le président. L’amendement n° 185, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après le mot :

fermiers

insérer les mots :

sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine

2° Remplacer les mots :

en conformité avec les usages traditionnels

par les mots :

conformément à leurs cahiers des charges

3° Après le mot :

décret

rédiger ainsi la fin de l’article :

, parmi lesquels le nom du producteur. »

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement va dans le même sens : il vise à sécuriser l’affinage extérieur à la ferme. Il est la transposition d’une pétition signée par plus de 35 000 personnes, dont les grands chefs Antonin Bonnet, Michel Bras et William Frachot, qui vous a été remise mardi, monsieur le ministre.

L’article 11 octies, dans sa rédaction actuelle, ouvre la voie à une confusion. Sa simple suppression, cela a été dit, ne suffit pas ; nous ne la souhaitions d’ailleurs pas. Aujourd’hui, l’appellation « fromage fermier » est strictement encadrée. Pour obtenir cette appellation, un fromage doit être produit et affiné dans la ferme du producteur. Si l’article est voté tel quel, demain, un fromage affiné en dehors de la ferme pourra être appelé « fermier » sans autres contraintes.

Nous risquons donc d’entraîner une confusion dans les produits et en conséquence de léser des producteurs. Cela pourrait s’accompagner d’une perte de qualité pour des raisons lucratives, peu respectueuses de nos savoir-faire et du travail paysan.

Il nous faut donc remédier à cela et clarifier le texte avant que le mal ne soit fait. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place une information du consommateur sur l’étiquette afin de garantir l’origine et la qualité du produit. C’est nos savoir-faire et nos artisans qui sont en danger. Aussi, contrairement à l’essentiel des amendements en discussion commune sur cet article, nous demandons que l’étiquetage précise le nom du producteur. Sinon, c’est l’authenticité d’un travail qui risque de se perdre.

Nous vous invitons à voter en faveur de cet amendement plein de bon sens et pragmatique pour préserver la richesse et la diversité de nos produits.

M. le président. L’amendement n° 434 rectifié bis, présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains et MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Détraigne, Kern, Canevet et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Après le mot :

fermiers

insérer les mots :

sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine

2° Remplacer les mots :

en conformité avec les usages traditionnels

par les mots :

conformément à leurs cahiers des charges

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Le pas le plus important, à savoir éviter de supprimer cet article, a été franchi. Je remercie les collègues qui ont retiré leurs amendements, car cela permet de donner un cadre juridique aux fromages fermiers. Ce pas étant franchi, deux solutions s’offrent à nous.

La première consiste, dans le cadre juridique défini, à réserver l’appellation « fromage fermier » à des fromages produits à la ferme, certes affinés en extérieur, mais dans le cadre d’un cahier des charges très strict, défini par les AOP et validé par l’INAO, l’Institut national de l’origine et de la qualité. C’est la solution, et celle que je défends.

La seconde solution est d’ouvrir davantage cette appellation et de l’accorder aux fromages produits à la ferme et affinés en dehors de la ferme, mais sans véritable garantie. Car quelle signification ont les mots « en conformité avec les usages traditionnels » Quelle est la validité juridique de ces termes ? Cela ouvre la porte – pas pour tout le monde, bien sûr – à des dérives, notamment de la part de l’industrie. Celle-ci en profitera pour donner la mention « fromage fermier » à des fromages qui ne sont pas affinés dans des conditions suffisamment proches de ce que l’on entend par fromage fermier, avec le risque de tromper le consommateur.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement afin que, ayant ouvert la possibilité d’affiner en extérieur, on sécurise la mention fromage fermier et le consommateur par le respect de cahiers des charges correspondant à ceux des AOP.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteur. Notre assemblée vient de redire largement son attachement à cet article. Nos collègues sont aussi largement revenus sur la nécessité de respecter le cahier des charges des fromages traditionnels. À notre sens, il n’y a donc pas de motif d’instaurer une discrimination entre fromage sous SIQO et autres.

Aussi, l’avis est défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Pour les mêmes raisons que Mme la rapporteur, je ne souhaite pas introduire de différenciation entre les SIQO et les autres produits. Nous avons tous rappelé ici notre attachement à l’appellation « fromage fermier » et à leur mode de production.

L’avis est défavorable sur l’ensemble des amendements.