Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. Cet article modifie le régime juridique des centres de formation d’apprentis, qui deviendraient des organismes de formation de droit commun. Autrement dit, il libéralise les ouvertures de CFA, dont le financement variera, on le sait, en fonction du nombre de contrats.

Les régions n’ayant plus la compétence de l’apprentissage, les inégalités territoriales risquent in fine de s’amplifier. Les CFA ayant peu d’effectifs ou étant « non rentables », qu’ils soient dans des secteurs de niche ou en zone rurale, risqueront ni plus ni moins que de disparaître.

Cela me conduit à parler de l’enseignement agricole, totalement oublié dans ce projet de loi, alors que le contexte économique agricole actuel n’encourage déjà pas à la signature de contrats d’apprentissage dans un secteur soumis à de vraies spécificités – la saisonnalité des travaux, la soumission aux aléas climatiques, le caractère dangereux de certaines tâches, le travail avec des êtres vivants, le caractère coûteux du matériel. Rappelons-le, l’enseignement agricole est marqué par une territorialisation forte des cultures et des savoir-faire, la branche des métiers de l’agriculture n’est pas vraiment structurée et le deuxième pilier de la PAC est géré par les régions.

Le projet de loi risque d’engendrer une désorganisation de l’enseignement agricole, d’autant plus à craindre en période de démographie décroissante. Une régulation par les branches semble illusoire, dans la mesure où celles-ci sont peu implantées dans les territoires. L’étude de la situation des EPLEFPA, les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles, montre que nombre d’entre eux sont déjà fragiles financièrement. Mes inquiétudes pour l’ensemble des territoires ruraux sont très fortes. Je vous proposerai donc un amendement à ce sujet.

Mme la présidente. L’amendement n° 212, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à revenir sur l’une des dispositions qui introduisent une logique de marché dans le système d’apprentissage, notamment par l’instauration d’un financement des CFA lié au nombre de contrats conclus – ma collègue vient de le souligner.

Actuellement, vous le savez, les CFA reçoivent une enveloppe globale, qui est complétée par d’éventuels financements, souvent importants, des régions. Cela permet de les développer de manière homogène, dans un souci d’équilibre et d’aménagement du territoire. Or la mise en place du financement par contrat revient, selon l’Association des régions de France, à la fermeture d’environ 700 CFA dans le pays, soit une quarantaine pour une région comme la belle région de Normandie. Évidemment, les petits CFA ruraux seraient les premiers concernés. En effet, ils concluent moins de contrats que d’autres centres, parce qu’ils sont dans des zones plus faiblement peuplées et dispensent des formations plus rares, des formations émergentes qui ne représentent pas de gros effectifs.

Tout cela risque de concourir à accroître le « déménagement » des territoires, que l’on observe de plus en plus, avec des territoires, notamment ruraux, qui se désertifient. Cela engendre un véritable sentiment d’abandon chez nos concitoyens.

En matière de formation, l’accessibilité, y compris géographique, d’un établissement est une dimension extrêmement importante. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article. Les CFA doivent pouvoir continuer d’exister dans la plupart de nos territoires ; c’est ce qui permettra à un maximum de nos jeunes d’accéder à des formations diverses et variées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Les CFA pourront être librement créés, mais ils seront soumis au même régime de création et de déclaration d’activité que les organismes de formation. Ils resteront soumis à un contrôle pédagogique, ainsi qu’à un contrôle administratif et financier.

En outre, des règles spécifiques sont prévues pour les CFA, compte tenu de leurs missions d’enseignement et d’accompagnement des apprentis, telles que des versements supplémentaires par rapport au coût des contrats. Les régions auront également la possibilité d’intervenir au titre de l’aménagement du territoire, sur des enveloppes actuellement en discussion avec le Gouvernement.

Cet amendement est contraire à la position de la commission et à l’esprit même du texte que nous avons élaboré. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Même avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié quater, présenté par MM. Vial, Paccaud, Danesi, Joyandet, Revet, Cambon et Carle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

publics

insérer les mots :

par France compétences

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Cet amendement est relatif à l’agence France compétences ; plusieurs dispositions concernent cette institution, dont on connaît le rôle et l’importance.

Le présent amendement tend à permettre à France compétences de remplir sa mission, prévue au cinquième alinéa de l’article L. 6123-5 du code du travail, de publication et d’appréciation de la valeur ajoutée des formations, notamment en alternance.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. L’agence France compétences n’aura pas la mission de publication des informations sur les formations des CFA et des lycées professionnels ; c’est le rôle des services de l’État – la DEPP, pour l’éducation nationale, et la DARES, pour le ministère du travail –, qui publient déjà des enquêtes sur le suivi des publics en alternance. Ces services ont d’ailleurs commencé à travailler pour disposer des indicateurs prévus à l’article 11, en tenant compte des enjeux de confidentialité des données au regard des exigences de la CNIL.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Monsieur Vial, l’amendement n° 38 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Vial. Non, compte tenu de ces observations, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 130, présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

quand les effectifs concernés sont suffisants

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer le fait d’exiger qu’une formation compte des effectifs « suffisants » pour que soient publiés ses taux d’insertion, d’obtention du diplôme, de réussite et autres indicateurs.

Cet amendement a été adopté par la commission de la culture et de l’éducation ; il a été discuté en commission des affaires sociales, qui a, me semble-t-il, un point de vue différent, arguant notamment du fait que les statistiques portant sur de petits effectifs ne seraient pas forcément pertinentes. Je le présente tout de même, parce qu’il me semble important, dans un souci de transparence envers les élèves, les futurs apprentis et leur famille, que des données statistiques soient fournies. En outre, j’ai peur que l’argument se retourne contre les « petits » CFA ; quand les gens auront à choisir, ils se tourneront peut-être plus facilement vers les CFA qui auront publié des chiffres que vers ceux qui ne fourniront pas le même degré d’information.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Ce sujet a effectivement été débattu en commission des affaires sociales. Cette condition d’effectifs permettra de ne pas imposer de contraintes de publication difficiles à assumer pour de petites structures. En outre, un effectif faible ne permettra pas de dégager des données objectives sur la qualité du CFA ou du lycée professionnel – les intéressés sont très craintifs vis-à-vis de la communication de ces données –, et celles-ci pourront varier d’une année sur l’autre. Enfin, cette dérogation ne concernera que peu de CFA, car ces centres accueillent en moyenne plus de 400 apprentis.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis que le rapporteur.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 130 est-il maintenu ?

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 130 est retiré.

L’amendement n° 270 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bansard, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet, Cambon, Cardoux, Carle, Chaize, Cornu, Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Ginesta et Grand, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, H. Leroy, Longuet et Magras, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Raison, Mme Renaud-Garabedian, MM. Savin, Schmitz et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. L’Assemblée nationale a ajouté, parmi les informations que devront communiquer chaque année les centres de formation d’apprentis et les lycées professionnels, la « valeur ajoutée » de leur établissement. Le présent amendement vise à supprimer ce critère, totalement imprécis et non évaluable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. La notion de « valeur ajoutée » est en effet peu claire et peut recouvrir un grand nombre de choses. Les établissements pourront avoir du mal à appliquer cette obligation. Par conséquent, il sera compliqué d’effectuer une évaluation comparée des établissements sur cette notion imprécise.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. De quoi s’agit-il ? Si l’on ne compare les établissements qu’au regard du taux d’accès au diplôme ou du taux d’insertion dans l’emploi, on risque d’aboutir à une sélection dans tous les centres de formation d’apprentis, qui ne prendront plus de jeunes en difficulté.

La valeur ajoutée est un concept maintenant assez bien rodé, puisqu’il est utilisé dans les lycées ; lorsque l’on publie des données sur ces établissements, on tient en effet compte du niveau des acquis des jeunes. La valeur ajoutée est donc le taux de transformation, en quelque sorte, entre le niveau des acquis des jeunes et le taux de résultat. C’est une notion assez rodée dans les lycées ; il n’y a pas de raison que l’on n’y arrive pas dans les CFA.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 270 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 271 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bansard, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet, Cambon, Cardoux, Carle, Chaize, Cornu, Courtial, Cuypers, Dallier, Danesi et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Deseyne et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Ginesta, Grand et Gremillet, Mme Gruny, M. Hugonet, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, H. Leroy, Longuet et Magras, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Raison, Mme Renaud-Garabedian, MM. Savin, Schmitz et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La période d’apprentissage ne peut être inférieure à cent cinquante heures. » ;

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Fixer un nombre minimal d’heures de formation est important pour éviter le risque d’un apprentissage ne comportant que quelques heures, suivant les référentiels.

Cet amendement a pour objet de fixer un seuil minimal de 150 heures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. La durée minimale d’un apprentissage sera ramenée à six mois ; un minimum de 150 heures de période d’apprentissage semble donc satisfait.

La modulation de la durée minimale pourra intervenir pour prendre en compte les acquis préalables de l’apprenti, ce qui est de nature à développer l’apprentissage. Par conséquent, il ne paraît pas nécessaire de faire figurer cette obligation dans la loi. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Pourquoi ne parle-t-on plus du seuil de 150 heures ? Parce que, on l’a vu précédemment, le contrat d’apprentissage peut durer de six mois à trois ans. Prévoir 150 heures n’a donc pas le même sens s’il s’agit d’une formation de six mois ou de deux ans.

Le projet de loi prévoit que la durée de formation ne peut être inférieure à 25 % de la durée totale du contrat. Je considère donc que cet amendement est satisfait. J’en propose le retrait ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 271 rectifié est-il maintenu ?

M. Max Brisson. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 271 rectifié est retiré.

L’amendement n° 289 rectifié, présenté par MM. Magner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach et Manable, Mmes Monier, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Cet amendement vise à revenir sur une disposition adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat, qui confie la présidence du conseil d’administration des lycées professionnels à l’une des personnalités extérieures qui le composent. Plus grave encore, il suffirait qu’il y ait, dans l’établissement, une section d’enseignement professionnel pour que cette règle s’impose.

Je le sais, le conseil d’administration des lycées agricoles est présidé par des personnalités extérieures, mais il s’agit d’un type spécifique d’établissement et d’enseignement, qui relève d’ailleurs du ministère de l’agriculture et non de celui de l’éducation nationale.

Un bon chef d’entreprise n’a pas forcément de grandes qualités de pédagogue ni de connaissance de l’ensemble des enseignements ; il n’aura pas forcément l’écoute ni la confiance de l’ensemble du corps professoral. En outre, que penser de la situation d’un lycée d’enseignement général qui comprendrait une section d’enseignement professionnel et qui serait alors présidé par un chef d’entreprise et non par son proviseur ?

L’alinéa 23 de l’article 11 constitue un pas de plus vers la mainmise des entreprises locales sur les formations et vers la remise en cause du caractère national de celles-ci. Nous vous proposons donc de le supprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Forissier, rapporteur. Il est, selon nous, indispensable que les lycées professionnels se rapprochent du monde économique et professionnel. C’est pourquoi la commission a souhaité confier la présidence du conseil d’administration des lycées professionnels à une personnalité extérieure, qui pourra être issue du monde de l’entreprise. Cela ne remettra pas en cause les attributions du chef d’établissement, qui gardera bien entendu la responsabilité de la partie pédagogique.

L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. J’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis. Je veux rappeler qu’il s’agit d’une disposition proposée par la commission de la culture et de l’éducation et retenue par la commission des affaires sociales. Elle nous paraît constituer un vrai plus dans le travail que nous menons ce soir pour rapprocher le monde de l’entreprise et le monde de l’enseignement professionnel.

Le rapporteur l’a fort bien rappelé à l’instant, on peut tout à fait conjuguer, au travers de cette disposition, l’insertion du milieu professionnel dans les lycées professionnels avec le rôle pédagogique des directeurs d’établissement. Je ne peux donc qu’abonder dans le sens du rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Il s’agit d’un président de conseil d’administration et non d’un proviseur, il ne faut pas mélanger les choses.

En outre, je veux le dire à M. Magner, je ne voterai pas cet amendement, et je trouve excellente cette proposition de notre commission, car elle répond largement à une longue revendication de l’actuel président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, qui a longtemps présidé l’Association des régions de France et qui souhaite ardemment que les lycées professionnels soient présidés par des personnalités extérieures.

M. Jacques-Bernard Magner. Ce n’est pas un critère !

M. Loïc Hervé. Mais c’est un argument !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Tourenne. Ce n’est ni un argument ni une référence. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Loïc Hervé. On le lui dira !

M. Jean-Louis Tourenne. Chacun peut trouver des témoignages qui lui conviennent, comme chacun est capable de trouver des citations qui confirment la philosophie qu’il développe.

Il y a tout de même dans ce que vous dites un danger et – veuillez m’excuser, je ne trouve pas d’autre mot – une forme d’hypocrisie. Nous laisser entendre qu’il pourrait y avoir à la tête d’un établissement un président qui ne servirait à rien et un proviseur qui, lui, aurait toute latitude pour conduire non seulement la pédagogie, mais encore l’organisation de son établissement – la pédagogie est sérieusement dépendante de l’organisation, du projet d’établissement – signifierait que l’on a un président complètement fantoche. Ce n’est pas une grâce à lui faire, tout de même !

Qu’il y ait un rapprochement entre l’entreprise et le lycée professionnel semble nécessaire, mais la seule solution est-elle que le chef d’entreprise qui entre soit immédiatement propulsé président du conseil d’administration, avec tout ce que cela peut représenter en termes de dégâts et d’orientations ?

Un établissement d’enseignement est effectivement un établissement dans lequel on apprend un métier, mais c’est aussi un établissement où l’on fait de l’éducation, où les élèves apprennent à devenir des citoyens, à maîtriser des sciences, à se comporter avec les autres. Le chef d’entreprise a-t-il toutes les qualités pour cela ? Un établissement d’enseignement n’est pas une société commerciale, avec toute la noblesse que cela représente, que l’on peut faire présider par un chef d’entreprise simplement parce qu’il a cette qualité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Les lycées professionnels sont des établissements publics locaux d’enseignement, dont le conseil d’administration est chargé de définir la politique pédagogique. Par conséquent, le président du conseil d’administration a bien un rôle dans la définition de cette politique. En tant qu’ancien chef d’établissement je sais de quoi je parle !

Je suis tout à fait d’accord pour que l’entreprise soit associée au fonctionnement de l’établissement en participant au conseil d’administration, mais pas pour que l’on délègue la présidence à un chef d’entreprise ou à quelqu’un d’une entreprise qui ne représentera qu’un seul secteur d’activité, alors que plusieurs secteurs d’activité coexistent dans les lycées professionnels. C’est contre-productif pour le bon fonctionnement de l’établissement.

Je soutiens donc vraiment cet amendement, qui est important pour l’avenir de nos lycées professionnels.

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Il n’y a pas que des lycées professionnels publics, il y a aussi, par exemple, des lycées professionnels privés sous contrat d’association. Il ne faut pas confondre le rôle du chef d’établissement et celui du président du conseil d’administration.

M. Loïc Hervé. Absolument !

M. Martin Lévrier. Dans les établissements privés sous contrat, le chef d’établissement est un directeur et le président du conseil d’administration est un bénévole ; il peut être chef d’entreprise ou autre.

Dans l’ensemble des CFA que je connais, il y a une différenciation entre le chef d’établissement et le président du conseil d’administration. C’est très sain et c’est très bien ainsi. Je ne vois donc pas où est le problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.

M. Jacques-Bernard Magner. Je suis désolé que le ministre de l’éducation nationale soit parti ; j’aurais aimé avoir son avis sur cette affaire.

Si, maintenant, l’enseignement privé doit devenir le modèle de l’éducation en France…

M. Martin Lévrier. Mais non, c’était un exemple !

M. Jacques-Bernard Magner. C’est ce que vous venez de dire ! (M. Martin Lévrier sesclaffe et lève les bras au ciel.)

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Mais non !

M. Jacques-Bernard Magner. En définitive, dans nombre de projets de loi sur l’éducation que l’on voit arriver, c’est le privé le modèle. Cela commence à suffire de s’inspirer de ces modèles !

Nous connaissons la différence entre un chef d’établissement et un président de conseil d’administration – nous l’avons vécu, nous avons eu d’autres vies que celle que nous vivons aujourd’hui. En tout état de cause, cela a été dit précédemment, le projet pédagogique doit être soutenu par le président du conseil d’administration de l’établissement. Or il n’y a pas qu’une seule filière enseignée dans un établissement d’enseignement professionnel.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je ne veux pas allonger le débat, je veux simplement préciser qu’un chef d’entreprise est avant tout un professionnel. Il n’est pas seulement référent dans son métier.

Par ailleurs, l’école privée n’a jamais été citée comme une référence, c’est juste un modèle parmi d’autres.

Enfin, notre collègue du groupe La République En Marche l’a dit, dans les CFA gérés par les chambres de métiers ou les chambres de commerce, une partie du programme est consacrée à l’enseignement général, et le président de la commission de formation est un chef d’entreprise. Or il y a des métiers multiples dans ces CFA.

Quand on est dans un lycée professionnel, on a une finalité professionnelle, et il me semble intéressant que l’on permette à un représentant de la vie économique d’être présent en tant que président du conseil d’administration, non comme directeur d’un établissement. Rapprocher l’école de l’entreprise, c’est aussi permettre, très concrètement, que l’on intègre, dans le projet professionnel, la finalité de l’enseignement dispensé aux élèves.

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je m’associe tout à fait à ce que viennent de dire Françoise Gatel et Martin Lévrier.

Beaucoup d’entre nous ont été maires et, à ce titre, ont présidé le conseil d’administration de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ; ce n’est pas le président du conseil d’administration qui fait fonctionner l’EHPAD ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ce n’est qu’un exemple, mes chers collègues !

Les chefs d’entreprise qui s’engagent pour faire fonctionner un CFA sont des gens motivés, et ils feront tout pour que ce centre fonctionne. Je ne vois donc pas où est le problème.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Pour apporter une touche d’humour après ces discussions un peu vives, je dirais que la beauté de la commission des affaires sociales est d’aller du CFA jusqu’à l’EHPAD. (Rires.)

Mme la présidente. Je trouvais, comme vous, que le spectre couvert par la comparaison était large. (Sourires.)

Je mets aux voix l’amendement n° 289 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 729, présenté par M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Mouiller et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Supprimer les mots :

En accord avec le président du conseil d’administration,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Forissier, rapporteur. Cet amendement de clarification vise à éviter une incohérence avec les attributions du président du conseil d’administration des établissements publics locaux d’enseignement ; ce dernier ne disposant pas de pouvoir décisionnaire, il ne peut donner un accord. Sa seule attribution est de présider les séances du conseil d’administration ; les unités de formation par apprentissage seront donc créées sur l’initiative du seul chef d’établissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 729.

(Lamendement est adopté.)