compte rendu intégral

Présidence de M. Philippe Dallier

vice-président

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer,

Mme Françoise Gatel.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

création d’une juridiction interrégionale spécialisée à toulouse

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 316, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Micouleau. Créées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les juridictions interrégionales spécialisées, ou JIRS, regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction disposant d’une compétence et d’une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière.

Disposant également de moyens techniques renforcés pour mener à bien leurs enquêtes, les JIRS ont, en particulier, démontré toute leur efficacité en matière de trafic de stupéfiants.

Notre pays compte aujourd’hui huit juridictions interrégionales spécialisées, mais aucune n’est implantée dans la région Occitanie, pourtant forte de deux importantes métropoles : Toulouse et Montpellier.

Élue locale toulousaine, je peux ici témoigner de l’inquiétante multiplication des crimes et délits liés au trafic de stupéfiants dans la quatrième ville de France et ses communes voisines. Nul n’ignore, par ailleurs, que la frontière franco-espagnole du Perthus, au sud de Perpignan, constitue l’un des principaux points d’entrée de trafiquants sur notre territoire.

L’absence de JIRS en Occitanie est, de toute évidence, préjudiciable à la lutte contre ce fléau. Elle l’est également à la bonne administration de la justice et aux justiciables qui doivent, dans certains cas, parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour relier Bordeaux ou Marseille, deux JIRS aujourd’hui engorgées, de l’avis même des professionnels.

Reprenant une interrogation portée depuis plusieurs années par le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, par bon nombre de parlementaires, passés ou actuels, et par les professionnels du droit toulousain, ma question sera très simple : envisagez-vous, madame la ministre, de créer aujourd’hui une JIRS à Toulouse ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Brigitte Micouleau, la question de l’organisation et du fonctionnement des juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée fait actuellement l’objet d’une large réflexion au sein du ministère de la justice ; vous en trouverez des traductions dans le prochain projet de loi pour la justice.

Ces travaux se fondent sur un récent bilan, établi par la direction des affaires criminelles et des grâces.

De l’avis de l’ensemble des acteurs concernés, l’efficacité de l’action judiciaire dans ce domaine suppose de conserver un nombre réduit de JIRS, celui-ci s’élevant actuellement à huit, comme vous l’avez rappelé.

La complexité des dossiers traités par ces unités nécessite effectivement l’intervention de magistrats expérimentés, maîtrisant des techniques à la fois opérationnelles et juridiques complexes, pour appréhender le caractère souvent national, voire transnational de cette délinquance.

Il convient donc d’éviter la dispersion des moyens pour assurer le maintien d’équipes performantes en la matière.

Depuis la création des JIRS en 2004, le parquet de Toulouse s’est dessaisi de seulement cinquante dossiers au profit de la JIRS de Bordeaux, ce qui ne paraît pas, au moins au plan quantitatif, justifier la création d’une nouvelle structure, et ce d’autant que la JIRS de Bordeaux semble en mesure d’assurer convenablement le traitement des procédures qui lui sont confiées.

J’ajoute que la juridiction de Toulouse ne se trouve pas démunie sur le plan procédural. En effet, à l’instar des magistrats des JIRS ou de toute autre juridiction, les magistrats qui la composent peuvent recourir aux techniques spéciales d’enquête utilisées dans la lutte contre la criminalité organisée.

Néanmoins, je constate avec vous, madame la sénatrice, que la présence d’une JIRS constitue au plan local un levier fort pour lutter contre la délinquance organisée, notamment contre les trafics de stupéfiants, dont l’agglomération toulousaine n’est pas épargnée.

C’est donc à l’aune de ces équilibres, et dans la volonté d’impulser, au plan national, une forte dynamique contre ces formes de délinquance, que la réflexion sur l’implantation et le fonctionnement des JIRS doit se poursuivre.

Sans en attendre l’aboutissement, Toulouse bénéficiera en 2018 d’un renforcement de son équipe de magistrats pour la mise en œuvre, notamment, de la politique de reconquête républicaine.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Brigitte Micouleau. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, dont je prends acte.

Je voudrais tout de même insister sur le fait que la criminalité organisée liée au trafic de stupéfiants se banalise sur la métropole de Toulouse - de par vos liens avec cette ville, vous ne pouvez raisonnablement pas ignorer ces faits.

J’en veux pour preuve la publication, ces derniers jours encore, d’un énième article dans la presse locale détaillant le commerce totalement décomplexé des dealers. Ces délinquants publient, sur les réseaux sociaux, leurs meilleures offres, leurs promotions ou encore des plans d’accès aux sites de revente… En toute impunité, au nez et à la barbe des enquêteurs et des juges !

Il est donc essentiel de doter les serviteurs de l’État de réels moyens pour répondre à ces provocations et à l’ensemble des trafics.

avenir des contrats à durée déterminée d’usage

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la question n° 384, adressée à Mme la ministre du travail.

Mme Sophie Primas. Madame la garde des sceaux, je souhaite aujourd’hui attirer l’attention du Gouvernement, comme je l’ai fait à de nombreuses reprises, sur les contrats à durée déterminée d’usage, les CDDU, très utilisés dans la branche hôtels, cafés, restaurants et, particulièrement, par une petite section de cette branche : les traiteurs. Ces contrats visent à faire face à la fluctuation de l’activité, mais, plus encore, à son imprédictibilité.

Par deux arrêts en date du 23 janvier 2008, la chambre sociale de la Cour de cassation a remis en cause les bases légales de ce dispositif, en considérant que la qualification conventionnelle du contrat d’« extra » dépendait de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère « par nature temporaire » de l’emploi. Or la preuve de ce caractère « par nature temporaire » de l’emploi est souvent impossible à apporter.

À défaut de cette preuve, et même si l’employeur respecte strictement les dispositions conventionnelles, les juridictions requalifient la relation de travail de CDD en CDI, et de temps partiel à temps complet. Ces décisions, aboutissant à des condamnations de plusieurs centaines de milliers d’euros, mettent à mal le dispositif économique de ces entreprises, et j’insiste sur le cas des traiteurs, qui sont, à l’heure actuelle, économiquement fragiles.

Parallèlement, dans un rapport d’évaluation publié en décembre 2015, l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, a proposé de transformer le contrat déterminé d’usage en contrat « à durées déterminées successives », ce qui sécuriserait juridiquement l’équilibre économique et social des secteurs concernés.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous avions déposé, avec ma collègue Pascale Gruny, un amendement visant à définir, dans le code du travail, la notion d’« emploi par nature temporaire ». Malheureusement, cette disposition est tombée avec l’échec de la CMP réunie sur le texte.

Aussi j’en appelle à vous aujourd’hui, une fois de plus, pour essayer de trouver une solution à cette situation, qui devient périlleuse pour les entreprises.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Sophie Primas, le contrat à durée déterminée d’usage, ou CDDU, permet à un employeur d’un secteur d’activité défini, soit par voie réglementaire, soit par une convention collective, de recruter un « extra ». Le recours à ce type de contrat répond à des besoins ponctuels et immédiats, pour des postes spécifiques et pour une durée limitée dans le temps.

Comme pour les contrats à durée déterminée, le CDDU ne doit pas avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon la jurisprudence, en cas de contentieux entre un salarié et son employeur, il revient à l’employeur de justifier que le recours à des contrats successifs avec un même salarié est justifié par des raisons objectives que traduit l’existence d’éléments concrets établissant le caractère temporaire des emplois occupés. Le juge doit fonder son appréciation au cas par cas et peut requalifier, le cas échéant, le CDDU en CDI.

Lorsque le juge requalifie un CDDU en CDI, il remet en cause, non pas l’emploi en tant que tel, mais la relation de travail unissant un même salarié, constamment réemployé sous CDD, et son employeur. Dans ce cas, la relation de travail n’est manifestement pas temporaire. Elle traduit, au contraire, des besoins durables, auxquels l’emploi d’un salarié en CDI devrait pouvoir répondre.

Dans les faits, le juge n’intervient que pour des situations d’espèce dans lesquelles le recours au CDDU serait abusif.

Une réforme des CDDU visant à introduire un nouveau cadre pour des contrats successifs à durée déterminée serait, en tout état de cause, toujours soumise à la règle selon laquelle le contrat ne saurait pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Cette règle apporte une garantie essentielle pour lutter contre la précarisation de l’emploi des travailleurs salariés.

La vraie question est celle de l’adéquation du cadre de recours au CDD aux caractéristiques propres d’un secteur ou d’une branche. Pour cette raison, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a ouvert la faculté aux partenaires sociaux de la branche de négocier cette adaptation, s’agissant, par exemple, de la durée du délai de carence entre deux contrats, de leur durée ou du nombre de leurs renouvellements.

C’est cette ouverture à la négociation qui constitue, nous semble-t-il, la réponse pertinente au problème soulevé.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Sophie Primas. Je voudrais vraiment attirer votre attention, madame la ministre, sur le secteur auquel je pense ici : non pas tout le secteur de la restauration, mais la toute petite partie qui concerne les traiteurs.

L’activité des traiteurs est extrêmement fluctuante. Elle peut être très forte au printemps, en fin d’année ou encore à la rentrée, du fait des séminaires d’entreprise. Et puis, soudain, plus rien !

Par conséquent, le recours aux extras apparaît obligatoire pour ces entreprises connaissant des fluctuations et, encore une fois, une forte imprédictibilité dans leur activité.

J’y insiste de nouveau, je ne fais pas référence à la restauration dans son ensemble. En effet, année après année, les services des ministères – ce sont souvent les mêmes personnes – ont beaucoup de mal à comprendre ce point. Ils mènent des négociations avec les grands syndicats de la restauration, mais ne s’occupent pas beaucoup de cette activité particulière des traiteurs. Le syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs, le SYNHORCAT, essaie aujourd’hui d’entrer en négociation avec eux.

Depuis trois ans, des condamnations sont prononcées, assorties de sanctions de 120 000, 130 000 ou 140 000 euros, soit des montants très élevés pour des entreprises qui ont déjà du mal à sortir la tête de l’eau au regard des conditions économiques actuelles. Cela met en péril des activités. Je vous remercie donc de votre attention sur ce dossier.

état d’avancement du projet de la bassée

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, auteur de la question n° 361, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adressait à M. le ministre de la transition écologique et solidaire. Je remercie Mme la ministre Élisabeth Borne de bien vouloir me répondre.

À chaque belle saison dans mon département, les riverains et les municipalités remettent en état bâtis et jardins, à la suite des débordements réguliers de la Seine et de l’Aube. Cette situation est incompréhensible pour les habitants et pour les élus, sachant ce qui a été mis en œuvre pour réguler la Seine et son affluent.

En effet, à la suite des inondations de 1924 à Paris, la décision de construire des barrages-réservoirs a été prise et le projet Chabal est né. C’est ainsi que, sur le département de l’Aube, plus de 5 000 hectares de terres agricoles et forestières ont été engloutis, afin de protéger la capitale des inondations et des sécheresses.

Les quatre réservoirs – 800 millions de mètres cubes d’eau stockés –, dont un sur la Marne, de 349 millions de mètres cubes, sont insuffisants.

Un cinquième ouvrage était pourtant prévu, appelé « projet de la Bassée ».

Présenté en conseil d’administration des Grands lacs de Seine en mai 2010, il a été officiellement reconnu par arrêté du préfet de bassin au début de l’année 2011. Des études techniques et environnementales devaient démarrer en 2013, se prolonger en 2014 et se terminer par une réunion publique à la fin de cette même année.

Ce projet avait deux objectifs : l’un, environnemental, pour valoriser la zone humide de la Bassée aval ; l’autre, hydraulique, afin de diminuer les niveaux de la Seine en crue en région d’Île-de-France.

La Bassée devait avoir un volume de stockage de l’ordre de 10 millions de mètres cubes, devenant ainsi un ouvrage de ralentissement dynamique des crues. Nous savons que les quatre réservoirs ne suffiraient pas à absorber un événement exceptionnel comme celui de 1910.

Cette année encore, 73 villages de mon département ont été déclarés en état de catastrophe naturelle à cause des débordements de la Seine et de l’Aube, et c’est sans parler de la région parisienne.

L’établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs doit donc redéfinir ses stratégies d’adaptation. La Bassée fait-elle toujours partie des objectifs de régulation ?

Madame la ministre, ma question est donc la suivante : le projet va-t-il enfin voir le jour, afin que toutes les communes ne soient plus touchées par les inondations ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame la sénatrice Perrot, vous avez interrogé M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, celui-ci m’a chargé de vous répondre.

Le risque d’inondation ou, pour les territoires côtiers, de submersion marine concerne 17 millions de nos concitoyens et menace un tiers de nos emplois. C’est pourquoi la prévention de ce risque et l’atténuation de ses conséquences font partie de nos priorités.

S’agissant, en particulier, du projet pilote de la Bassée, situé en Seine-et-Marne, l’État a renouvelé son engagement financier, en décembre 2016, à travers un avenant au programme d’actions de prévention des inondations Seine et Marne franciliennes.

Cela s’est fait après la levée des points de vigilance qui avaient été exprimés par la commission mixte inondation, une commission associant paritairement des représentants des collectivités et les services de l’État en vue d’émettre un avis sur l’attribution de subventions au titre du Fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Il revient maintenant aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ou à leurs groupements, qui sont intéressés au titre de l’exercice de leur compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – la fameuse compétence GEMAPI –, de porter le dossier pour finaliser la décision et entamer sa mise en œuvre.

Dans la continuité des actions déjà entreprises en matière de prévention des inondations en région d’Île-de-France et sur les territoires riverains de la Seine, plus en amont, ces collectivités pourront s’appuyer sur un partenaire aux compétences techniques reconnues dans ce domaine d’action. Vous l’avez mentionné, il s’agit de l’établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs. Ce dernier a d’ores et déjà mené les premières études du projet.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Évelyne Perrot. J’ai parlé de l’Île-de-France, car on ne peut pas ne pas l’associer à ces tragédies hivernales. Mais sachez, madame la ministre, que, dans notre département, l’incompréhension est grande. La constitution des réservoirs a été un véritable déchirement pour certains, poussant même des propriétaires terriens au suicide. Dès lors, on ne peut pas, aujourd’hui, continuer à regarder les inondations passer ! Il faut absolument que l’Île-de-France mène à bien ce projet de la Bassée, qui permettrait, à la fois, de réguler et d’éviter un stockage trop important en amont.

installation de parcs photovoltaïques sur d’anciennes décharges

M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, auteur de la question n° 373, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Bernard Lalande. Je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur l’interdiction d’installation de parcs photovoltaïques sur d’anciennes décharges, interdiction qui empêche la valorisation de sites rendus stériles.

La loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, vise à encadrer l’aménagement de la côte, pour la protéger des excès de la spéculation immobilière, et à permettre le libre accès du public aux sentiers littoraux. Elle concerne plus de 1 210 communes riveraines de la mer, mais aussi de grands lacs, d’estuaires ou de deltas.

La loi Littoral a ainsi interdit la réhabilitation ou imposé la fermeture de sites dont l’affectation antérieure rend toujours impossible une remise en l’état naturel.

Je pense notamment, madame la ministre, à d’anciennes décharges pour lesquelles, dans de nombreux cas, les élus locaux ont fait réaliser les travaux qui s’imposaient pour permettre la lente dégradation des déchets enfouis, tout en prévenant tout risque d’incidence sur l’environnement alentour.

Compte tenu de la particularité de ces sites, due à leur affectation antérieure, et de la volonté des élus locaux de valoriser les surfaces dans un cadre réglementaire contraint s’agissant de communes littorales, des maires et des présidents d’établissements intercommunaux ont jugé propice d’y installer des parcs photovoltaïques. C’est le cas en Charente-Maritime, plus particulièrement au sein de la communauté d’agglomération Royan Atlantique.

Le site pressenti pour recevoir ce projet photovoltaïque comprend deux anciennes décharges mitoyennes, exploitées entre 1973 et 2004. À la suite à l’arrêt de cette exploitation, des travaux de réhabilitation du site ont été réalisés entre 2013 et 2014 par la communauté d’agglomération, afin de limiter l’impact sur l’environnement.

Il n’y a plus de constructions ou d’installations liées à l’activité de la décharge sur le site. Le bâtiment « historique » a été démoli en 2013.

Au titre de sa réhabilitation, le site a fait l’objet de divers travaux d’aménagement, avec, pour objectif principal, de permettre la lente dégradation des déchets enfouis, tout en prévenant les risques d’incidence sur l’environnement alentour. La décharge a donc été isolée pour les lixiviats et le relargage des pollutions dans la zone ostréicole, étant rappelé que la communauté d’agglomération Royan Atlantique intègre les territoires de l’île d’Oléron et de Marennes.

Ces aménagements ne permettent pas le reboisement de la zone, laquelle couvre une superficie de sept hectares.

Le parc photovoltaïque, lui, concernerait une emprise d’environ trois hectares, pour un hectare de panneaux solaires.

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Lalande. Pour ne pas avoir à renoncer à cet axe de développement, et alors que notre pays peine à atteindre les objectifs fixés en matière de production d’énergie renouvelable, je demande au Gouvernement d’envisager l’ouverture des anciennes décharges à l’installation de parcs photovoltaïques.

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur Lalande, vous avez interrogé M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, celui-ci m’a chargé de vous répondre.

La loi Littoral définit les bases sur lesquelles reposent, depuis plus de trente ans, la lutte contre l’artificialisation des territoires littoraux et la protection de leurs espaces naturels. Elle vise l’équilibre entre un développement urbain particulièrement dynamique et la protection d’un cadre paysager et environnemental exceptionnel.

Cette loi a largement contribué à ce que le littoral français conserve une beauté et un attrait touristique de premier ordre. Elle est souvent perçue comme un modèle que nous envient la plupart de nos voisins.

Je tiens donc à rappeler qu’il n’est pas question, pour le Gouvernement, de revenir sur les fondamentaux de cette loi, auxquels il est très attaché et qui contribuent à l’engagement du Président de la République d’atteindre le « zéro artificialisation nette ».

La progression de l’artificialisation des sols se poursuit sur le littoral à un rythme bien plus élevé que sur le reste du territoire national – avec une hausse de 2,7 % entre 2000 et 2006 – et la perte en milieux naturels s’accélère.

Il est donc impératif, comme le préconise le plan Biodiversité présenté le 4 juillet dernier par Nicolas Hulot, de limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, de requalifier les sites dégradés, de réduire les effets de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols sur le fonctionnement des écosystèmes et l’érosion de la biodiversité.

L’accélération du développement de l’énergie solaire est également un enjeu majeur aux niveaux national et international. C’est pourquoi M. Sébastien Lecornu a récemment annoncé le lancement du programme « Place au Soleil » destiné à mobiliser tous les détenteurs de grands fonciers artificialisés inutilisés, afin de produire de l’énergie solaire.

Le Gouvernement entend donner la priorité, notamment, à l’implantation sur le bâti ou sur les surfaces déjà imperméabilisées, en respectant le principe de l’extension de l’urbanisation en continuité avec l’existant. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’il s’est engagé à simplifier les dispositions du code de l’urbanisme pour faciliter le développement du photovoltaïque sur les parkings et les serres solaires.

M. le président. La parole est à M. Bernard Lalande, pour répondre à Mme la ministre.

M. Bernard Lalande. J’entends bien votre réponse, madame la ministre, mais je suis absolument convaincu que des terres mortes ne peuvent rester mortes ! Les transformer en terres de production d’énergie renouvelable serait juste et raisonnable. (Mme Sophie Primas applaudit.)

rénovation du tunnel routier du col de tende

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 176, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, ma question porte sur la rénovation du tunnel routier du col de Tende, situé dans la vallée de la Roya et reliant les communes de Tende, en France, et de Limone, en Italie.

Inauguré en 1882 et déclaré d’utilité publique en 2007, ce tunnel routier a fait l’objet d’un traité ratifié en mars 2007 entre la France et l’Italie, prévoyant l’aménagement d’un second tunnel, construit à côté de l’ancien, les travaux de 176 millions d’euros étant financés à 42 % par la France, mais dirigés par l’Italie.

En mai 2017, la police italienne révèle le vol de 200 tonnes de métal et de pièces maîtresses, bloquant les travaux de construction avec, en parallèle, le déclenchement d’une enquête judiciaire. Le site est à l’arrêt depuis, mais la circulation est toujours aussi intense dans l’ancien tunnel qui, malgré sa vétusté, demeure un maillon essentiel de l’aménagement du territoire de la vallée de la Roya.

L’ouverture à la circulation du premier tunnel est inconstante. Les conditions d’exploitation se sont dégradées avec le temps et la circulation à voie unique ne favorise pas son entretien. Le tube doit régulièrement faire l’objet de contrôles de sécurité, compte tenu de son ancienneté.

De plus, ce tunnel est situé sur le réseau secondaire. Son franchissement gratuit en fait un axe particulièrement fréquenté entre Nice et Turin, et, pourtant, inadapté à une circulation moderne tant en nombre de véhicules que pour l’accès des poids lourds, que les maires de la vallée ont réussi à faire interdire.

La livraison du nouveau tunnel, initialement prévue pour 2018, devrait finalement avoir lieu en 2027, puisqu’il faudra a priori recommencer un appel d’offres européen.

Madame la ministre, les maires des communes rurales de la vallée de la Roya veulent pouvoir offrir à leurs administrés des solutions de mobilité et ne plus subir cette image d’enclavement territorial, alors que la ligne ferroviaire tourne au ralenti.

Quelle action le Gouvernement compte-t-il entreprendre pour ces tunnels, sans attendre neuf ans de plus ? Va-t-il renégocier avec l’Italie la construction du nouveau tunnel ? Si oui, des échéances plus proches seront-elles fixées ? Envisage-t-il, enfin, d’intervenir directement pour la rénovation et la remise aux normes de l’ancien tunnel ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Madame Estrosi Sassone, la question du col de Tende est bien sûr essentielle pour nos relations avec les régions italiennes du Piémont et de la Ligurie.

Le traité de Paris du 12 mars 2007, conclu entre la France et l’Italie, a entériné une solution de mise en sécurité du tunnel, qui prévoit, d’une part, la réalisation d’un tube neuf à proximité immédiate du tunnel actuel et, d’autre part, la réfection complète et l’élargissement du tunnel existant.

Le traité confie la maîtrise d’ouvrage de l’opération globale à l’État italien, via l’ANAS, société autonome de l’État italien, chargée de la gestion des infrastructures routières. Le conseil départemental des Alpes maritimes, le conseil régional de la région sud et l’État français, membres de la commission intergouvernementale des Alpes du Sud, financent à hauteur de 42 % cette opération.

Lors de la réunion de la CIG en novembre 2017, les représentants italiens ont indiqué un retard de douze mois dans la construction. Alors que le chantier est actuellement à 40 % de son avancement, la mise en service de la totalité du nouveau dispositif, annoncée pour février 2020, sera malheureusement décalée, suivant un calendrier que les représentants italiens devront préciser lors de la prochaine commission intergouvernementale, prévue en octobre prochain.

Enfin, les caractéristiques de l’accès français au tunnel, qui sont, comme vous le soulignez, très contraintes, ont conduit les communes concernées et le conseil départemental des Alpes-Maritimes à adopter des mesures de restriction du trafic de poids lourds. Le trafic des véhicules légers n’est pas concerné et pourra ainsi bénéficier de l’amélioration apportée à terme par le chantier.

Le gouvernement français n’envisage donc pas de renégocier le traité de Paris de 2007. Je reste bien sûr très attentive aux informations qui seront transmises par l’État italien, et je ne manquerai pas de vous en informer.