Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.

M. Daniel Chasseing. Madame la secrétaire d’État, avant d’envisager de créer des TGV, il faut effectivement au moins maintenir ce qui existe, notamment les trains Intercités. Ce que vous venez donc de m’indiquer est une bonne nouvelle.

J’espère que tout cela va se réaliser. L’ancienne région Limousin est désormais une sous-région. Aucun décideur, qu’il se situe à Paris ou ailleurs, ne peut prendre le train Paris-Limoges, car aucune communication n’y est possible : pas d’internet ni de téléphone, rien ne fonctionne. Sans parler des retards en permanence. Vous venez d’annoncer l’installation du wifi en 2019. Je m’en réjouis. Pour ce qui est de prendre l’avion, c’est tout aussi difficile, faute d’une desserte régulière.

Nous sommes donc totalement sinistrés. Il faut que, le plus rapidement possible, la ligne POLT, qui fut emblématique voilà quarante ans, soit rénovée. L’ancienne région Limousin doit pouvoir continuer à recevoir des décideurs qui puissent rentrer chez eux le soir et, ainsi, permettre l’installation d’entreprises sur son territoire.

publication des chiffres sur la population active

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, auteur de la question n° 307, adressée à Mme la ministre du travail.

Mme Catherine Troendlé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre du travail et porte sur la décision de son ministère de rendre publics les chiffres de Pôle emploi de façon trimestrielle.

Je concède que cette décision part d’une bonne intention, visant à mettre davantage l’accent sur l’évolution tendancielle et à lutter contre la volatilité des chiffres du chômage.

Toutefois, le caractère tendanciel de ces chiffres peut être observé en continuant d’adopter une publication mensuelle et en étudiant les résultats avec une plus grande précision. Par ailleurs, ce temps de latence de trois mois empêche de calculer le taux de la population d’actifs dans le pays.

Cela est dommageable, car, vous l’ignorez peut-être, bon nombre de nos voisins d’outre-Rhin continuent de publier les chiffres du chômage mensuellement, en rendant public le taux de la population active, afin d’escompter une action plus précise et coordonnée.

Au regard de ces éléments, je souhaite connaître la position du ministère concernant la publication des chiffres portant sur la population active.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Troendlé, je vous réponds au nom de Mme la ministre du travail, Muriel Pénicaud, qui ne peut malheureusement être présente ce matin.

Depuis avril dernier, Pôle emploi et la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, diffusent tous les trimestres, plutôt que mensuellement, comme auparavant, leur publication commune sur le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi.

Ce rythme de diffusion est sans incidence sur celui de l’estimation des taux de chômage nationaux et infranationaux. En effet, la publication trimestrielle Pôle emploi-DARES ne porte que sur les inscrits à Pôle emploi. Les chiffres concernant le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail et la population active continuent à être publiés par l’INSEE tous les trimestres.

Par ailleurs, disposer d’une information mensuelle plutôt que trimestrielle sur les inscrits à Pôle emploi ne permet pas une analyse plus précise du marché du travail. En effet, les variations mensuelles du nombre de demandeurs d’emploi, à l’échelon national et, a fortiori, infranational, peuvent être fortement affectées par des phénomènes ne relevant pas directement de la conjoncture, tels que les comportements d’inscription sur les listes de Pôle emploi, la modification des règles d’inscription, ou encore l’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.

Mme Catherine Troendlé. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je n’attendais pas un revirement total s’agissant de la façon de faire du ministère du travail. Néanmoins, il aurait tout de même été plus judicieux de prévoir une publication mensuelle, qui aurait permis d’adapter, au plus juste et en temps réel, l’ensemble des actions mises en œuvre pour lutter contre le chômage.

devenir des maisons de l’emploi

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 392, adressée à Mme la ministre du travail.

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le Gouvernement scande depuis plus d’un an que le travail et la lutte contre le chômage sont ses priorités – le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, avait lancé : « Travaillons pour que le chômage reflue ! » –, les annonces concernant le futur budget pour 2019 sont sombres pour l’emploi, puisque le bruit court d’une réduction de crédits de 15 % !

Cette question orale s’impose donc au vu des menaces qui pèsent sur les outils de lutte contre le chômage, parmi lesquels figurent les maisons de l’emploi.

Alors que la dotation de celles-ci avait déjà été réduite de moitié dans le budget pour 2018, la perspective de sa suppression totale pour 2019 va entraîner des réductions de moyens et des fermetures de nombreuses maisons de l’emploi.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le Sénat avait rejeté les crédits de la mission « Travail et emploi » lors de l’examen du projet de loi de finances.

Un tout récent contrôle budgétaire effectué par la commission des finances du Sénat a souligné l’extrême utilité des maisons de l’emploi. Les deux corapporteurs, de bords politiques différents, ont dressé un bilan globalement positif de leur action, jugeant que ces maisons avaient su trouver leur place parmi les acteurs de l’emploi et que leur travail était salué par l’ensemble des partenaires.

Les missions des maisons de l’emploi ne sont pas redondantes, bien au contraire. Ces structures apportent un éclairage supplémentaire et leur objet social est unique : accompagner, notamment dans les zones rurales, des populations en situation de difficulté chronique, et qui ont le plus grand mal à revenir, ou juste à venir sur le marché du travail.

La fracture numérique est de plus en plus flagrante et la dématérialisation des emplois et des offres est inaccessible pour ces populations.

Les maisons de l’emploi ont un rôle important à jouer au quotidien, y compris pour favoriser l’accès à la mobilité via l’aide à l’obtention du permis de conduire.

Il paraît donc irresponsable de détruire, par manque de soutien de l’État, cet outil de proximité, au plus près des problématiques de chaque territoire.

Je demande par conséquent à Mme la ministre du travail – une grande partie de mes collègues se joint également à cet appel –, au nom de la solidarité, le maintien de ce type de structures, et donc de leur financement.

Cet appel est d’autant plus pressant que, récemment, Mme Pénicaud a demandé à l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, de réfléchir « à une méthodologie robuste permettant d’indexer d’éventuelles baisses d’effectifs de Pôle emploi sur une décrue constatée du chômage », le chiffre de 4 000 suppressions d’emplois sur quatre ans étant évoqué par la presse.

Or le chômage, après une légère baisse à la fin de l’année 2017, ne décroît pas de façon pérenne, à notre grand regret à tous. Il a même récemment augmenté de nouveau, pour s’établir à 8,9 % en France métropolitaine, à 11,5 % dans ma région, les Hauts-de-France, et à 13,2 % dans mon département, l’Aisne.

Les chiffres sont têtus, hélas. Le chômage est catastrophiquement endémique !

Supprimer les contrats aidés, asphyxier les maisons de l’emploi, envisager à terme une réduction des personnels de Pôle emploi, voilà bien des décisions prises depuis Paris, sans concertation avec les acteurs locaux, au mépris de leur expérience et de leurs capacités.

Je fais aussi une nécessaire piqûre de rappel : le taux d’illettrisme dans l’Aisne atteint 17 % !

Qu’allons-nous faire de ces jeunes et moins jeunes si les structures destinées à les accueillir, les former et les coacher disparaissent par manque de moyens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Muriel Pénicaud, qui ne peut malheureusement être présente parmi vous ce matin.

Monsieur le sénateur Lefèvre, créé par la loi du 18 janvier 2005, le dispositif des maisons de l’emploi avait initialement deux missions : fédérer l’action locale des partenaires publics et privés en faveur de l’emploi, de la formation, de l’insertion et du développement économique, d’une part ; contribuer à mieux ancrer le service public de l’emploi dans les territoires, d’autre part.

Depuis la création de Pôle emploi en 2008, ces maisons ne constituent plus le guichet unique de l’emploi. Plusieurs opérateurs du service public de l’emploi sont notamment chargés de l’accompagnement des demandeurs d’emploi : Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi et l’APEC.

La labellisation des maisons de l’emploi a en conséquence été arrêtée en 2009, et les missions ouvrant droit à un financement de l’État ont été progressivement concentrées sur deux axes : premièrement, l’anticipation et l’accompagnement des mutations économiques ; deuxièmement, l’appui aux actions de développement local de l’emploi.

En 2018, au vu des missions variables et très territorialisées des maisons de l’emploi et des besoins prioritaires incombant par ailleurs à la mission « Travail et emploi », le choix a été fait, dans un contexte de contraction des finances publiques et dans la continuité des exercices budgétaires précédents, de poursuivre le retrait du financement de ces structures par l’État.

Un tel retrait n’entraîne pas pour autant la disparition des maisons de l’emploi qui existent actuellement. Il ne supprime ni l’éligibilité de celles-ci aux financements de droit commun de l’État ou d’autres financeurs, comme les collectivités territoriales, ni la possibilité pour elles de se porter candidates à des appels à projets. Ces structures conserveront également leur label « maison de l’emploi » et pourront poursuivre leurs activités, financées par d’autres contributeurs que l’État.

Les maisons de l’emploi pourront, par ailleurs, bénéficier des financements issus du PIC, ou plan d’investissement dans les compétences, notamment dans le cadre des appels à projets et expérimentations – formations aux métiers du numérique ou aux emplois verts, gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, innovation, etc.

Les pactes régionaux conclus entre l’État et les conseils régionaux seront également l’occasion de développer des actions de diagnostic des besoins en compétences des bassins d’emploi, domaine bien investi par les maisons de l’emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.

M. Antoine Lefèvre. Madame la secrétaire d’État, vos mots, après ceux que nous avons échangés ici même, notamment avec Mme la ministre du travail, lors de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ne permettront pas à nombre de nos concitoyens d’exercer cette liberté que vous leur promettez.

Le Gouvernement assume ce choix budgétaire et compte une fois de plus sur les collectivités locales pour « boucher les trous » ! Je souhaiterais que vous écoutiez davantage les acteurs locaux.

Mme la ministre a annoncé voilà quelques jours la création, d’ici à 2022, de neuf nouvelles écoles de la seconde chance destinées aux jeunes sortis sans formation du système scolaire. Vous-même, madame la secrétaire d’État, avez mentionné un certain nombre d’appels à projets dans votre réponse.

Le réseau des écoles de la seconde chance fête ses 20 ans, avec 124 sites-écoles sur le territoire, mais pas une seule école de ce type dans l’Aisne, alors que mon département s’est porté candidat.

Que faut-il faire ou dire pour que l’État centralisateur entende davantage les territoires les moins favorisés ?

Madame la secrétaire d’État, la situation est catastrophique, le mot n’est pas trop fort.

J’ajoute que dans les propositions du rapport CAP 2022, quelque peu passées sous silence par le Premier ministre, mais enfin révélées à tous, figure la mise en concurrence de tous les services d’aide au retour à l’emploi – cet objectif me semble plutôt louable – et le recentrage de Pôle emploi sur ses missions d’indemnisation, de contrôle et d’accompagnement des chômeurs les moins autonomes.

Vous pariez sur une hypothèse de chômage à 7 % en 2022, alors que, pour l’instant, on constate une augmentation faible, mais constante du taux !

Avec des effectifs notoirement insuffisants et une hausse de 20 % du nombre de demandeurs d’emploi par conseiller en deux ans, la mission de Pôle emploi va nettement se compliquer.

Merci de penser à tous ces éléments qui touchent directement nos territoires quand le Gouvernement voudra tailler à grands coups de serpe dans le budget de l’emploi.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Discussion générale (suite)

Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (texte de la commission n° 687, rapport n° 686).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 1er A

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette séance est l’aboutissement de plus de six mois de travail collectif.

Le groupe de travail pluraliste de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, a tout d’abord travaillé en étroite collaboration avec la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Ces travaux de réflexion ont ensuite abouti à l’examen d’un texte législatif que le Sénat a adopté de son propre chef.

Enfin, nous avons discuté de votre projet de loi, madame la secrétaire d’État.

Votre texte a pour objet louable de mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes. Nous partageons, en effet, le constat que les violences sexuelles et sexistes sont un fléau, qu’il faut dénoncer et combattre. L’actualité des derniers jours le démontre encore.

Je souhaite revenir sur l’historique de notre accord aujourd’hui. Car bien des revirements ont finalement débouché sur un texte utile, qui porte la marque du travail approfondi effectué par le Sénat.

Concernant la répression des viols commis à l’encontre des mineurs, rappelons que la proposition initiale du Gouvernement était inopérante, car contraire aux principes fondamentaux qui régissent notre droit. Elle instaurait une présomption irréfragable de culpabilité pour l’adulte qui aurait commis un acte sexuel avec pénétration sur un mineur. C’était donc une responsabilité automatique que le Conseil constitutionnel n’aurait pas manqué de censurer.

Alerté par le Conseil d’État, le Gouvernement a alors formulé une proposition alternative, qui consistait à ne rien changer pour les mineurs de plus de quinze ans et à prévoir, pour les mineurs de moins de quinze ans, que la contrainte morale, nécessaire à la qualification de viol, soit caractérisée par le simple abus qui a été fait de la vulnérabilité de la victime. Il s’agissait là d’une mesure incitative pour le magistrat, déjà utilisée d’ailleurs par celui-ci.

Vous proposiez également de créer une circonstance aggravante au délit d’atteinte sexuelle qui risquait de multiplier les correctionnalisations, ce que les associations ont, à juste titre, pointé du doigt.

Cette proposition, avouons-le, n’avait d’autre objectif que de répondre à des impératifs politiques, voire médiatiques. Afficher un seuil d’âge aurait été sans conséquence sur la réalité de la protection de l’ensemble des mineurs.

Le Sénat a choisi d’aller plus loin, en protégeant tous les mineurs victimes de viols, pas seulement ceux de moins de quinze ans, comme vous le proposiez, madame la secrétaire d’État, et pas uniquement ceux de moins de treize ans, comme l’a proposé, ensuite, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes du Sénat.

Sur la base de ce principe fondamental, ma collègue rapporteure de l’Assemblée nationale et moi-même avons réussi à établir le texte que nous vous soumettons, mes chers collègues, compromis conciliant l’exigence de répression et de prévention des infractions sexuelles et sexistes et la nécessaire préservation des droits et libertés fondamentaux.

Cette solution de compromis, que certains d’entre vous trouveront peut-être timorée, mais que nous estimons conforme à notre État de droit, porte sur la caractérisation de la contrainte ou de la surprise pour les faits d’agression sexuelle commis sur mineurs.

Il était, selon moi, essentiel de mieux définir les circonstances permettant au juge de retenir l’existence d’une contrainte ou d’une surprise, en prenant en compte la différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur des faits, ainsi que l’a toujours souhaité le Sénat, mais aussi « l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire » dans le cas spécifique des mineurs de moins de quinze ans, comme l’avait proposé l’Assemblée nationale.

Il s’agit, vous l’aurez compris, mes chers collègues, d’un « dispositif à deux étages », comme l’a défini le président Philippe Bas, qui concernera tous les mineurs et s’appliquera aux agressions sexuelles comme aux viols.

Je manquerais à mes devoirs si je ne mentionnais pas non plus les importantes évolutions adoptées par le Sénat.

Je pense à la modification de la définition du délit de non-dénonciation de mauvais traitements, afin d’en faire un délit continu, mais aussi à la suppression de l’aggravation des peines en cas d’atteinte sexuelle avec acte de pénétration, ainsi qu’aux garanties apportées à la question subsidiaire systématique, sans oublier la définition du délit et des circonstances aggravantes en cas d’administration d’une substance visant à altérer le discernement d’une victime d’agression sexuelle.

Je pense également à l’aggravation des peines prévues pour toutes les agressions sexuelles lorsqu’elles sont commises sur une personne vulnérable en raison de sa situation économique et en cas d’agression sexuelle autre que le viol lorsque celle-ci a entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, ou encore à l’enrichissement des circonstances aggravantes des violences commises en présence d’un mineur et à la création d’un nouveau délit d’atteinte à la vie privée afin de réprimer « le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne ».

Plusieurs articles reprennent également la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles que nous avions adoptée le 28 mars dernier : je songe aux dispositions concernant le délai de prescription des viols commis à l’encontre des mineurs, la répression du délit de non-assistance à personne en danger, ou encore l’extension de la surqualification pénale d’inceste.

J’ai bien conscience que le travail n’est pas fini, et je suis déterminée à rester attentive et mobilisée.

Nous devons convaincre, encore, que le sujet mérite un large consensus autour de mesures fortes et toujours plus efficaces visant à lutter contre toute forme d’agression sexuelle, en particulier celles qui sont commises à l’encontre de mineurs.

Il est de notre responsabilité de protéger les enfants des prédateurs et des outils de communication qui peuvent les mettre en danger. C’est un enjeu crucial pour aujourd’hui et pour demain.

Nous avons aussi l’obligation morale de nous occuper des plus faibles et des plus démunis. C’est même le ciment de notre vouloir-vivre ensemble. C’est une chance qu’il ne faut pas gâcher. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes. Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 25 novembre dernier, le Président de la République déclarait l’égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale de son quinquennat.

Moins d’un an après, c’est un plaisir et un honneur d’être aujourd’hui devant vous pour conclure ensemble l’élaboration du projet de loi constituant l’une des pierres angulaires de cette démarche. La promesse faite à l’occasion de la dernière Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes est tenue, et nous pouvons activement nous en féliciter.

Le texte que vous vous apprêtez à voter en lecture définitive est le fruit d’un long travail, engagé depuis plusieurs mois, voire depuis plusieurs années, bien avant l’élection présidentielle.

Une fois adopté, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes sera ainsi la première grande loi citoyenne du quinquennat, grâce à la mobilisation des 55 000 participantes et participants au tour de France de l’égalité femmes-hommes, ce qui en fait la plus grande consultation gouvernementale jamais organisée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous y ont largement contribué, et je veux vous en remercier.

Lors de ces rencontres, partout en France, nos concitoyennes et nos concitoyens nous ont dit l’urgence d’agir pour faire reculer les violences subies quotidiennement par des millions de femmes dans notre pays. Ces échanges ont montré la nécessité de répondre à un triple objectif : mieux prévenir les violences, mieux accompagner les victimes, mieux sanctionner les agresseurs. Telle est l’ambition qui a guidé le Gouvernement tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, qui marque des avancées majeures, lesquelles traduisent concrètement des engagements de campagne du Président de la République.

L’allongement à trente ans du délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs permettra une meilleure prise en compte des phénomènes d’amnésie traumatique et de la difficulté des victimes à parler des violences subies, particulièrement dans l’enfance.

La caractérisation de la contrainte facilitée pour les agressions sexuelles et les viols commis sur des mineurs de moins de quinze ans est tout aussi importante. Affirmer qu’un mineur, en dessous d’un certain âge, n’est pas consentant à un acte sexuel avec un majeur constitue, à nos yeux, un véritable enjeu de civilisation. Cet objectif se trouve aujourd’hui renforcé par la disposition soutenue par votre assemblée, qui permettra de mieux prendre en compte également la différence d’âge entre la victime et l’agresseur, pour protéger l’ensemble des mineurs et mieux condamner les auteurs des violences qui sont infligées aux mineurs.

La lutte contre le cyberharcèlement en meute, c’est-à-dire les « raids numériques », permettra aussi de garantir ce respect mutuel entre les femmes et les hommes sur internet. Ces comportements, aussi destructeurs dans le monde virtuel que dans le monde réel, se manifestent trop souvent à l’encontre des femmes.

La verbalisation du harcèlement de rue permettra de lutter contre ces comportements trop souvent tolérés. Aujourd’hui, en France, selon une étude menée par l’IFOP et la Fondation Jean-Jaurès, huit jeunes femmes sur dix déclarent craindre pour leur sécurité quand elles sortent seules dans l’espace public.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons eu une illustration récente dans l’actualité, puisque, la semaine dernière, une jeune femme a eu à subir ce phénomène de harcèlement de rue, qui s’est même poursuivi par des violences et une agression. Cet événement nous montre le continuum des violences sexistes et sexuelles, qui peuvent commencer par des bruits, des mots dégradants, puis se prolonger par des cris, des insultes et se terminer, dans ce cas précis, par un jet de cendrier au visage et un coup extrêmement violent porté à la jeune fille en question, dont le seul tort était de marcher dans la rue et de refuser d’être insultée.

La question de la lutte contre le harcèlement de rue est donc un enjeu de civilisation. Il s’agit de respecter les valeurs fondamentales de la République française, la liberté des femmes d’aller et venir comme bon leur semble et l’égalité entre les femmes et les hommes face à la question de l’occupation de l’espace public.

L’enjeu est grave, et l’indignation qui a suivi la révélation de cette affaire montre que notre société ne tolère plus ces violences.

Ces faits ont également permis à chacune et à chacun de se rendre compte de la réalité du harcèlement de rue que les femmes subissent depuis des générations. Trop souvent, on a considéré que la lutte contre ce harcèlement était un enjeu dérisoire, accessoire, qui n’était ni primordial ni important, ce harcèlement relevant d’une forme de fatalité : cela a toujours été ainsi et le restera…

Aujourd’hui, nous refusons cette fatalité et nous posons, avec le présent texte, un interdit social clair face au harcèlement quotidien que vit encore un trop grand nombre de femmes.

Au-delà de ces avancées majeures, le Gouvernement a souhaité réaffirmer sa volonté d’adapter l’arsenal répressif aux nouvelles formes de violences sexistes et sexuelles. Je pense notamment à l’inscription dans la loi de l’interdiction d’utiliser une substance, drogue du viol notamment, visant à altérer le discernement et de l’interdiction de ce que l’on a appelé le upskirting, en d’autres termes le voyeurisme, dont sont victimes de trop nombreuses femmes.

Avec le présent texte, nous envoyons un message clair : nous ne tolérons plus ces agissements ! Quelle que soit la manière dont elles sont exercées, toutes ces violences sexistes et sexuelles bouleversent la vie des victimes. Cela va de l’angoisse éprouvée quotidiennement dans une rue déserte sur le chemin du travail jusqu’à des psycho-traumatismes sévères. L’égalité réelle sera impossible tant que la société tolérera que s’exercent de manière aussi massive des violences à l’encontre de toute une partie de la population, c’est-à-dire des femmes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi dont nous avons débattu, amélioré par les deux chambres, et adopté en commission mixte paritaire, est, je le crois, équilibré et assurément bien plus protecteur que le droit actuel.

Je sais que toutes et tous vous partagez cette ambition, et je veux saluer l’engagement constant des deux chambres sur cette question, comme le montrent les travaux qui ont été conduits au sein des commissions des lois, mais aussi des délégations aux droits des femmes. Je crois que les enjeux portés par les textes amènent à construire des convergences. C’est ainsi que la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière a permis d’établir un consensus là où certains auraient voulu créer des clivages. Je tiens donc à vous en remercier. Face à l’importance de l’enjeu, vous avez su trouver un terrain d’entente pour faire en sorte que le présent projet de loi, une fois adopté et promulgué, permette de mieux condamner les auteurs de violences et de mieux protéger les victimes. Vous n’avez eu que cet objectif en tête, et de cela je vous en sais gré.

Je suis ravie de constater que la sagesse et l’esprit de responsabilité l’ont emporté sur des positions partisanes. Vous avez su montrer que, au-delà des oppositions, les parlementaires travaillent ensemble, toujours avec le soutien du Gouvernement, et sont résolument mobilisés dans la lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles.

Certains nous avaient annoncé une loi clivante ; c’est, au contraire, une loi consensuelle qui sera votée aujourd’hui. Elle n’en est pas moins forte et ambitieuse. Le travail réalisé a été rendu possible uniquement parce que, indépendamment de la commission mixte paritaire conclusive, les parlementaires se sont saisis de ce texte et l’ont considérablement enrichi par de nombreuses contributions pour renforcer l’arsenal protecteur que nous sommes en train de construire ensemble.

Il s’agit là non pas d’une conclusion, mais bien d’un commencement. La grande cause nationale du quinquennat déterminée par le Président de la République, à savoir l’égalité entre les femmes et les hommes, va continuer à se déployer dans de nombreux domaines. Nous avons encore quatre ans pour mener à bien ce combat culturel engagé par le Président de la République : atteindre enfin l’égalité entre les femmes et les hommes, avec l’appui, je n’en doute pas, de l’ensemble des parlementaires.

Le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes vient aujourd’hui compléter l’édifice que nous sommes en train de bâtir pour changer le quotidien de toutes et tous. D’ores et déjà, les mesures que nous prenons contre ces violences permettent de mieux accompagner les victimes.

Ainsi, dès la rentrée, nous mettrons en place des contrats locaux de lutte contre les violences, notamment intrafamiliales, qui assureront un meilleur repérage des victimes par un travail en réseau des professionnels de santé, de la justice, des forces de l’ordre et du tissu associatif.

Le ministère de l’intérieur ouvrira en septembre prochain une plateforme de signalement, gérée par des policiers spécifiquement formés par la mission interministérielle pour la protection des femmes, pour informer et orienter les victimes de violences sexistes et sexuelles.

J’ajoute que dix centres de prise en charge des psycho-traumatismes seront ouverts dans les territoires d’ici à la fin de l’année.

Enfin, la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail est également une priorité. J’en veux pour preuve les dispositions du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui renforcent considérablement les moyens et les résultats exigés en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail (M. Fabien Gay fait une moue dubitative.), ou l’appel à projets que nous avons lancé, pour un montant d’un million d’euros, afin d’épauler des initiatives soutenues par des organisations, des syndicats ou des associations.

Vous le constatez, la politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, c’est un ensemble : la loi n’est qu’un pilier parmi d’autres, indispensable, mais pas exclusif. La question de l’égalité est en jeu, partout, tout le temps, dans toutes les sphères de la société, et s’inscrit dans le plan global défendu par le Gouvernement.

La rentrée sera l’occasion de faire de nouvelles annonces fortes, qui viendront compléter ce dispositif. Vous le savez, nous portons une attention toute particulière aux plus jeunes, comme le montre le travail que mon collègue ministre de l’éducation nationale et moi-même avons engagé, pour les sensibiliser, dès le plus jeune âge, pour mieux protéger les enfants en leur inculquant notamment le respect d’autrui, le respect de son corps, la notion de consentement. Ainsi, un référent égalité sera nommé dans chaque établissement scolaire, afin d’accompagner les élèves. Par ailleurs, les séances d’éducation à la vie affective et sexuelle, prévues depuis la loi de 2001, seront obligatoires sur tout le territoire. Enfin, la mallette des parents intégrera des outils relatifs à la lutte contre l’exposition précoce à la pornographie, notamment.

Dans la continuité, nous lancerons une grande campagne de communication à partir de la rentrée, avec des spots diffusés à la télévision, à destination des témoins. En effet, s’il est une leçon à retenir de la vidéo que j’évoquais tout à l’heure, c’est que les témoins peuvent avoir un rôle important à jouer en la matière. Les violences envers les femmes ne doivent plus être une question privée : c’est un enjeu de société, qui concerne toutes et tous.