M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sur l’article.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je prends la parole sur cet article pour expliquer la position de mon groupe sur l’ensemble du titre IV du projet de loi, dont l’intitulé, au fond, dit très bien, madame la garde des sceaux, quel est votre état d’esprit : simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale. Au moins ne feignez-vous pas de renforcer les droits…

Ce titre comporte des mesures très disparates et d’intérêt inégal, sur lesquelles nous reviendrons, mais il marque une volonté générale : l’accroissement des pouvoirs du parquet, une marginalisation de l’information judiciaire, une simplification et une réduction des garanties et une forme de défiance vis-à-vis du juge, avec un statut du parquet dont nous savons qu’il n’est toujours pas modifié et qui fait évoluer de manière implicite notre système vers, peut-être, un système anglo-saxon.

Nous sommes préoccupés par cette simplification, qui a vocation à accroître les pouvoirs du parquet sans contrôle, à faciliter le recours à des techniques spéciales et à banaliser des procédures normalement réservées à l’état d’exception. Nous sommes inquiets pour les droits de la défense et pour l’équilibre des droits.

Madame la garde des sceaux, vous avez proposé l’abaissement du seuil des crimes ou délits permettant d’étendre largement des procédures d’exception. Vous souhaitez multiplier par deux la durée de l’enquête de flagrance, à laquelle correspondent des pouvoirs exorbitants permettant des géolocalisations ou des interceptions judiciaires.

Vous souhaitez également étendre les possibilités de perquisition à un plus grand nombre de délits, autoriser la pénétration dans un domicile hors du cadre de la perquisition et rendre facultative la présentation au procureur de la République pour une prolongation de garde à vue.

Autant de mesures qui étendent de manière importante les droits du parquet – encore faut-il mentionner le doublement de la durée pendant laquelle une personne ayant déposé une plainte simple et que le procureur de la République n’a pas reçue ne pourra pas encore déposer plainte avec constitution de partie civile.

Si la commission des lois a fort bien travaillé en supprimant des dispositions excessives ou préoccupantes, ce rééquilibrage ne va pas suffisamment loin – l’examen des nombreux articles de ce titre nous permettra de le démontrer dans le détail. De fait, nous sommes toujours devant une forme de confusion entre l’objectif de simplification et la réduction des garanties pour les libertés, sans certitude, il faut bien en convenir, de gains opérationnels.

C’est pourquoi, malgré les avancées incontestables réalisées en commission, nous défendrons des amendements destinés à renforcer les libertés et à rééquilibrer les pouvoirs entre la partie poursuivante et la partie poursuivie.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 229 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 291 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 229.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à supprimer l’interdiction, introduite par la commission des lois et qui ne me paraît nullement justifiée, de recourir à la plainte en ligne pour les crimes ou les délits contre les personnes mentionnés au livre II du code pénal. En effet, cette interdiction est contraire à l’objectif du Gouvernement de simplifier les démarches judiciaires des victimes en utilisant les ressources du numérique.

Bien évidemment, rien n’obligera une victime à déposer plainte en ligne. De même, s’il s’agit de faits graves ou exigeant une audition de la victime, la plainte en ligne sera nécessairement suivie de l’audition de la victime par les enquêteurs.

La plainte en ligne constitue ainsi une première démarche, facultative. Notre intention est de favoriser, de faciliter le dépôt de la plainte, pour que les victimes ne restent pas silencieuses chez elles.

Le dispositif adopté par la commission empêcherait, nous semble-t-il, la mise en place de la plateforme sur les violences sexuelles que nous allons lancer dans les jours qui viennent. Il empêcherait également des plaintes en ligne pour des faits de cyberharcèlement, de nature sexuelle ou non, qui constituent des atteintes aux personnes.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, il ne faut pas craindre le numérique, mais au contraire le faciliter !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 291 rectifié.

Mme Josiane Costes. Compte tenu de la volonté de développer la dématérialisation des plaintes, il est important de préciser explicitement l’interdiction pour les forces de l’ordre en charge du recueil des plaintes dans les services de police nationale et les unités de gendarmerie nationale de refuser le dépôt sur place, au motif que la victime pourrait porter plainte en ligne.

Il s’agit seulement de simplifier le parcours judiciaire des victimes et de protéger les personnes dépourvues de connaissances numériques, tout en permettant le développement d’outils de nature à faciliter le travail des forces de l’ordre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. L’amendement n° 229 du Gouvernement tend à revenir sur les restrictions que la commission des lois a apportées aux dispositions de l’article 26. La commission a souhaité restreindre le champ de la plainte en ligne en excluant celle-ci pour les crimes et les délits contre les personnes.

La commission ne peut qu’être opposée à la suppression de ce qui lui paraît une avancée. Elle considère que le contact avec un policier ou un gendarme au moment du dépôt de plainte, qui permet de recueillir de premiers éléments utiles à l’enquête, est absolument nécessaire pour certaines infractions, celles qui comportent des atteintes physiques aux personnes.

Peut-être pourrons-nous, dans le cours de la navette, affiner notre rédaction – nous n’y sommes pas opposés. Mais je ne pense pas que cela soit une excellente idée de permettre d’emblée une plainte en ligne pour l’ensemble des infractions.

Au reste, je voudrais que le Gouvernement nous fournisse des précisions sur le champ d’application qu’il envisage pour cette plainte en ligne.

En effet, l’étude d’impact du projet de loi indique : « Il paraît excessif de prévoir que n’importe quelle infraction, y compris par exemple un crime ou un délit grave contre la personne, puisse faire l’objet d’une plainte en ligne ». La commission des lois en a tenu compte. Or, dans l’objet de son amendement, le Gouvernement envisage explicitement la possibilité d’une plainte en ligne pour des faits graves. Cette apparente contradiction nous paraît mériter quelques éclaircissements.

Il nous avait semblé, à la lecture de l’étude d’impact, que la plainte en ligne viserait d’abord des escroqueries sur internet ou des fraudes à la carte bancaire, sans préjudice d’un futur élargissement de cette nouvelle procédure, si elle fait la preuve de son efficacité.

Nous souhaitons donc, madame la garde des sceaux, que vous précisiez le champ des infractions concernées par la plainte en ligne.

En toute hypothèse, la commission est défavorable à l’amendement du Gouvernement et à l’amendement identique n° 291 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux être très claire au sujet de cette plainte en ligne – ce sera aussi un élément de réponse à Mme de la Gontrie.

Au sein même de la procédure pénale, dont nous traitons dans le présent titre, il y a la défense et la protection des droits, notamment, ici, des droits des victimes.

La plainte en ligne est réellement, pour nous, un outil facilitateur pour les victimes. Elle leur permet soit de prendre plus rapidement un contact, soit d’éviter d’avoir à se déplacer et, dans des cas très précis – je pense notamment aux violences conjugales ou sexuelles –, d’avoir un contact frontal avec une personne qu’elles n’ont peut-être pas envie de voir au moment qui suit immédiatement l’agression.

C’est pourquoi nous ouvrons la possibilité – ce n’est qu’une possibilité – de déposer plainte en ligne. Il nous semble extrêmement important de prévoir cette autre voie d’accès au juge.

Une plainte en ligne sera évidemment suivie d’un contact physique avec un agent qui, ayant reçu cette plainte, prendra contact avec les victimes.

Cette mesure-là est vraiment, j’y insiste, une mesure facilitatrice pour les victimes, une mesure qui prend en considération les victimes.

S’agissant, monsieur le rapporteur, du champ d’application précis de la plainte en ligne, je dois dire que nous posons, dans ce projet de loi, un cadre général. Il s’agit de mettre en place ce cadre, après quoi nous aurons évidemment la possibilité de préciser comment il s’appliquera.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.

Mme Sophie Joissains. Quoique j’appuie la position de la commission des lois sur la plainte en ligne, je vous ai écoutée attentivement, madame la garde des sceaux. Une chose m’interpelle : vous parlez d’une possibilité, mais, en pratique, cela ne se passe pas ainsi.

Lorsqu’il y aura cette possibilité, évidemment, les commissariats étant complètement débordés, les gens seront renvoyés. On leur dira : Écoutez, vous pouvez déposer plainte en ligne, donc rentrez chez vous ! C’est exactement ainsi que les choses se passent dans la réalité.

Dans les maisons de la justice et du droit, par exemple, nous n’avons pas suffisamment d’agents assermentés dépositaires du secret professionnel pour aider toutes les personnes qui se présentent à ce guichet unique.

Ainsi, j’entends très bien votre propos sur le plan théorique, mais, pour avoir été longtemps adjointe à la politique de la ville, je vois bien comment les choses se passent en pratique : alors que les gens attendent des heures dans les commissariats, il sera bien commode de leur dire de rentrer chez eux pour déposer plainte en ligne…

Sans compter que, dans nombre d’endroits en France, il règne un illettrisme numérique phénoménal…

Je crains donc, madame la garde des sceaux, que votre dispositif ne soit au contraire un obstacle pour les victimes !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je partagerais vos craintes si elles étaient fondées. Seulement, je voudrais vous dire deux choses.

D’abord, l’article 15–3 du code de procédure pénale doit dissiper vos craintes, puisqu’il rend obligatoire le recueil d’une plainte quand une personne se présente au commissariat. (M. Henri Leroy sexclame.)

Mme Sophie Joissains. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne sais pas s’il y a des pratiques divergentes, mais il y a un texte qui garantit le droit des victimes à être entendues par les commissariats où elles se présentent. Il s’agit, je le répète, d’une obligation. (Mme Sophie Joissains sexclame.)

Ensuite, vous avez tout à fait raison de souligner que tout le monde n’a pas accès à internet chez soi. C’est parce que nous le savons bien que nous prévoyons une possibilité.

Mme Éliane Assassi. C’est ce qu’on nous dit à chaque fois !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il ne faut pas nier la réalité : entre cette possibilité qui est offerte et qui correspond réellement à une demande et à un besoin et l’obligation résultant de l’article du code pénal que je viens de mentionner, il me semble que nous élargissons les possibilités offertes aux victimes pour porter plainte.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Mme Josiane Costes. Très souvent, dans les commissariats, on incite certaines victimes à déposer une main courante plutôt qu’une plainte. Dans ces conditions, il est intéressant d’ouvrir la possibilité d’un dépôt de plainte en ligne au-delà des seules atteintes aux biens. (M. Alain Richard opine.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229 et 291 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 341, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

selon les mêmes modalités

par les mots :

, selon les modalités prévues par décret,

La parole est à M. le corapporteur.

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 341.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 293 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au moment du dépôt de plainte par voie électronique, les poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse sont expressément mentionnées.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. La simplicité de la procédure de plainte en ligne ne doit pas occulter la gravité de cet acte, déclencheur d’une procédure pénale. Il importe donc que les justiciables n’utilisent pas cette faculté comme certains utilisent parfois les réseaux sociaux : à des fins calomnieuses. Ils doivent, au contraire, être mis en responsabilité dès le début de la procédure.

C’est pourquoi nous proposons la mention des poursuites encourues en cas d’usage dévoyé de cet outil préalablement au dépôt de la plainte.

Une utilisation dévoyée de la plainte en ligne rendrait aussi plus difficile la tâche des forces de l’ordre en charge de trier et de traiter ces plaintes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. M. le président de la commission des lois a demandé ce matin aux auteurs de cet amendement des rectifications qu’ils ont opérées. Dans ces conditions, l’avis de la commission est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, vous voulez préciser que, au moment du dépôt de plainte par voie électronique, les poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse ou abusive seront expressément mentionnées. J’en suis désolée, mais l’avis du Gouvernement est défavorable.

Je n’ai pas d’objection à titre personnel à ce que, pour éviter des plaintes abusives, des mentions de ce type figurent sur les pages d’accueil des dispositifs qui assureront les plaintes en ligne. Toutefois, une telle précision ne relève à l’évidence pas de la loi, mais du domaine réglementaire. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement, quoique j’en partage l’objectif.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous voterons contre cet amendement. Devant son ordinateur, une personne sur le point de déposer plainte se verrait immédiatement « menacée » de poursuites pour dénonciation calomnieuse. Alors que nous essayons de faire en sorte que les personnes n’aient pas peur de déposer plainte, on leur dirait immédiatement : « Attention, ce que vous allez faire est très grave » ? Ce serait les effrayer et risquer d’anéantir la démarche consistant à les encourager au dépôt de plainte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 293 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 121, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La plainte par voie électronique ne peut être imposée à la victime. »

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Nous proposons de préciser que la plainte par voie électronique ne peut pas être imposée à la victime. À cet égard, nous faisons nôtres les arguments exposés précédemment par M. le rapporteur.

Développer le recours à la plainte en ligne ne fait que prendre en considération l’évolution actuelle vers l’extension de la dématérialisation des services de l’État. Toutefois, cette orientation ne saurait être imposée à la victime.

Il y a risque, a fortiori en l’absence de toute visibilité sur les décrets d’application, que l’institution de la plainte en ligne dans certains contentieux ne devienne le prétexte à des pratiques plus ou moins institutionnalisées de refus illicite de prise de plaintes de la part de services de police et de gendarmerie qui seraient désireux de soigner leurs statistiques, en renvoyant les victimes sur des plateformes en ligne à l’accessibilité et à l’efficacité aujourd’hui totalement virtuelles.

En outre, comme les rapporteurs l’ont souligné et comme le Défenseur des droits l’explique souvent, une partie de nos concitoyens restent peu à l’aise avec l’outil informatique.

Il convient donc de s’assurer que, en tout état de cause, une plainte peut toujours être déposée selon les règles générales du code de procédure pénale. Cette précaution passe par l’insertion à l’article 15–3–1 de ce code d’un alinéa garantissant expressément que le recours à la plainte en ligne ne peut pas être imposé à la victime.

De plus, dès lors qu’un décret devra préciser dans quels cas la plainte en ligne sera autorisée, il paraît utile de fixer ce principe dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Comme je l’ai annoncé précédemment, nous sommes favorables à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’avis est évidemment défavorable, dans la mesure où, je le répète, la plainte en ligne ne saurait être que facultative.

D’une part, lorsqu’une personne se présente au commissariat pour déposer plainte, l’article 15–3 du code de procédure pénale, que j’ai déjà mentionné, s’applique : « La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infraction à loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent ». Cet article n’est pas modifié.

D’autre part, lorsqu’un procureur de la République reçoit une plainte écrite, sous forme de lettre – ils en reçoivent –, il la renvoie évidemment vers les unités compétentes.

Il ne faut donc pas fantasmer : nous offrons un moyen supplémentaire, pas un moyen en moins. C’est vraiment mal comprendre notre projet et nous attribuer une intention que nous n’avons pas du tout que de penser que la plainte en ligne se substituera à d’autres formes de plainte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 132, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 26.

En l’état du droit, le tribunal correctionnel ne peut retenir un dossier que si la victime a été avisée de la date de l’audience, et il est contraint d’ordonner le renvoi si cette formalité n’a pas été accomplie. En imposant au tribunal correctionnel de renvoyer l’affaire à une audience sur les intérêts civils lorsqu’il a statué sur l’action publique, sans qu’il soit établi que la victime ait été avisée de la date d’audience, le présent projet de loi altère le statut des victimes. Selon nous, il s’agit d’une atteinte aux droits de celles-ci.

En effet, comment peut-on envisager, au vu des impératifs du droit à un procès équitable, de permettre à un jugement correctionnel d’intervenir à l’insu de la victime ? De plus, la condition prévue par le projet de loi autorisant le tribunal a passé outre l’avis à victime lorsqu’il estime que la présence de celle-ci n’est pas indispensable au débat repose sur un critère d’appréciation très large, laissé au seul arbitrage du tribunal, ce qui pose problème, d’autant que la question est insusceptible de recours de la part de la victime évincée.

Les répercussions négatives que cette mesure risque d’entraîner n’ont sans doute pas été suffisamment prises en considération, qu’il s’agisse du fonctionnement des services du greffe et des formations chargées des intérêts civils. Les avis à victime constituent une charge nécessaire, mais lourde pour les services du greffe, de la police et de la gendarmerie, qui sont, par ailleurs, soumis à d’importantes contraintes en termes de moyens. Il est donc à craindre que, dans certains services, cette disposition n’entraîne un désinvestissement de fait sur ce champ, conduisant l’absence d’avis à victime, aujourd’hui signe d’un oubli ou d’un dysfonctionnement ponctuel, à devenir une pratique généralisée aux dépens des victimes.

Enfin, la pratique du renvoi systématique devant les formations chargées des intérêts civils est de nature à engorger celles-ci dans des proportions au moins équivalentes au temps gagné devant le tribunal correctionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. Le principe est le suivant : lors de l’audience correctionnelle, au moment où la personne qui comparaît va être jugée, il paraît tout de même légitime, lorsque le tribunal veut disjoindre la sanction pénale et renvoyer l’affaire à une audience sur les intérêts civils à une date ultérieure, que ce dernier vérifie si cela ne pose pas de difficulté sur le principe.

La difficulté tient au fait que, à l’audience première où la sanction est prononcée, l’on ne soit pas certain que la victime ait été avisée de la date de l’audience et que l’on renvoie l’affaire à une audience sur les intérêts civils à une date ultérieure, alors même qu’elle n’a pas été avisée de la date de l’audience à laquelle la personne comparaissant va être jugée. Tout cela pose une difficulté de fond quant au rôle de la victime, à sa présence lors de l’audience correctionnelle au moment du jugement.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement que vous proposez. Votre amendement me semble résulter d’une éventuelle mauvaise compréhension du texte du projet que je présente.

L’objectif n’est nullement d’inciter les tribunaux à priver la victime de sa participation au procès, en renvoyant le jugement de l’action civile, alors même que la victime n’aurait pas été convoquée. La loi impose d’aviser la victime de l’audience et, si cela n’a pas été fait, le dossier doit être renvoyé. Nous ne changeons pas cette règle. C’est uniquement dans les cas où l’avis à victime a bien été adressé à cette dernière – en pratique par lettre simple –, mais que celle-ci n’est pas présente et qu’il n’est pas certain qu’elle ait eu connaissance de cet avis que le renvoi de l’affaire sur l’action civile est prévu. Cela évitera ainsi, selon nous, à la victime de découvrir après l’audience qu’une condamnation pénale a été prononcée en son absence et qu’elle doit elle-même intenter un procès civil devant le juge civil pour être indemnisée.

Madame la sénatrice, monsieur le rapporteur Buffet, si la rédaction que je propose est ambiguë, si vous estimez qu’elle peut être précisée, je veux bien la retravailler. Peut-être également faut-il transformer l’obligation de renvoi prévue par le texte en une simple possibilité, afin d’assouplir le dispositif ? Je suis prête à revoir ce texte à l’Assemblée nationale pour qu’il soit amélioré sur ces points, mais l’amendement de suppression proposé me semble devoir être rejeté.

Je le dis fondamentalement, cette mesure est favorable aux victimes, afin d’être sûr qu’il soit bien statué sur les intérêts civils.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 131, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Leconte, Kerrouche, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Lubin, Jasmin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 13 de l’article 26.

L’ajout de la possibilité pour la victime de se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel par voie de communication électronique constitue clairement un ajout bienvenu, dans la mesure où ce mode de saisine est prévu comme une possibilité supplémentaire.

Néanmoins, les dispositions envisagées pour l’alinéa 2 de l’article 420–1 du code de procédure pénale présentent a priori une difficulté au regard du respect des droits de la défense.

En effet, s’il peut paraître tentant de supprimer un délai de recevabilité pouvant être perçu comme rigoureux, il convient de relever qu’un délai est rendu impératif par la nécessité de mettre la défense en mesure de répondre à la constitution de partie civile.

Or la rédaction envisagée pour l’alinéa 2 de cet article conduirait à permettre au tribunal correctionnel de statuer sur une constitution de partie civile dont la défense n’aurait pas eu préalablement connaissance, et ce en violation de la notion de droit à un procès équitable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, corapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement. Permettez-moi d’en préciser les raisons.

Le texte dont nous avons à connaître prévoit que la victime peut se constituer partie civile au moyen d’une communication électronique et que cette constitution de partie civile est recevable dès lors qu’elle aura été reçue avant les réquisitions du ministère public. Cela constitue une avancée. Le fait de permettre à une victime de se constituer partie civile le jour de l’audience, voire à l’audience, avant que le procureur de la République ait entamé ses réquisitions est un plus par rapport à la législation existante. Il faut soutenir ce point.