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Financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées

Débat organisé à la demande de la commission des affaires sociales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires sociales, sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement bénéficiera de la même durée pour lui apporter une réponse.

La parole est à M. Philippe Mouiller, au nom de la commission auteur de la demande.

M. Philippe Mouiller, au nom de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi d’adresser mes remerciements au président Alain Milon pour la confiance témoignée au moment du lancement du groupe de travail sur l’accompagnement du handicap et à mes collègues de la commission des affaires sociales pour leur engagement au cours de ces dix mois de travail. Je remercie également Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État, pour les échanges de grande qualité que nous avons conduits à l’issue de ces travaux.

J’ai eu l’occasion de présenter un rapport intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, lequel a été approuvé à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Dans ce rapport, j’ai suggéré quarante propositions. Je ne peux pas les présenter toutes à cette tribune, mais je vous ferai part de deux grandes orientations qui sont à mes yeux particulièrement importantes.

La première a trait à la simplification de l’offre médico-sociale destinée aux personnes handicapées. Alors que nous entamerons, la semaine prochaine, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sujet ne me paraît plus pouvoir souffrir de report.

Les acteurs de l’accompagnement et les personnes handicapées sont unanimes dans leur souhait de voir s’améliorer la situation pour éviter des parcours inutilement complexes, des contraintes administratives et financières empilées qui limitent l’épanouissement des personnes et leur intégration dans la cité.

Cette complexité, mes chers collègues, est le fruit de notre histoire.

On pourrait, à bon droit, me répondre que, depuis la loi du 11 février 2005, ce principe simple et distinct se nomme « société inclusive », désignant de ces deux mots forts l’ambition de faire à toute personne handicapée une place dans la société qui tient compte de sa situation particulière. Mais c’est à mon sens confondre la destination et la traversée. Si le cap est partagé, les difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans leur vie quotidienne, dans leur accompagnement à domicile ou en établissement, n’ont pas connu, depuis 2005, d’atténuation particulière. Pis, la complexité de leur parcours s’est aggravée.

Le constat revient fréquemment : les parcours ne se mesurent pas à l’aune des personnes, mais à celles des structures.

Voilà plusieurs années que les gouvernements successifs ont pris conscience des écueils d’un modèle d’accompagnement qui se définit essentiellement par l’offre. Encore aujourd’hui, le principal déterminant d’une couverture territoriale, suffisamment étoffée, reste le nombre de places. Cet indicateur réduit l’accompagnement à la qualification d’un établissement ou d’un service unique et n’en traduit que très imparfaitement la pertinence.

Le pilotage par le nombre de places entretient par ailleurs un tropisme de la structure et maintient d’importants cloisonnements entre acteurs de l’accompagnement, là où l’on souhaite, au contraire, introduire plus de fluidité et de porosité.

Pour ce qui regarde le travail des personnes handicapées, je propose que l’ensemble des acteurs publics chargés de leur insertion et de leur maintien dans l’emploi soient réunis dans un seul et même service public de l’emploi.

Pour ce qui relève de l’accompagnement médico-social, il me paraît certes indispensable que les gestionnaires d’établissements et de services disposent d’une certaine liberté d’administration pour proposer des parcours plus modulaires. Toutefois, cette liberté doit être précisée au travers des instruments juridiques par lesquels ils contractualisent avec leur autorité tarifaire.

Pour rompre avec les travers d’une offre médico-sociale excessivement descendante, qui privilégie l’injonction statistique des bureaux centraux par rapport aux besoins réels du terrain, il est évident que la main doit être laissée à ceux qui accompagnent directement la personne.

Mais veillons à ce que ces parcours, construits au plus près des personnes concernées, ne les enferment pas dans de longs dispositifs intégrés, où les ruptures seraient certes moins fréquentes, mais où l’accompagnement s’éloignerait tout autant des attentes exprimées…

Cela m’amène au second point que je souhaitais soulever.

Le grand défaut de notre modèle réside dans l’écoute très insuffisante des besoins des personnes handicapées, qui devraient seuls guider la réponse que nous devons leur apporter. Or, en la matière, les progrès sont beaucoup trop timides. Les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui sont nos acteurs de première ligne, ne sont pas habilitées à porter un diagnostic circonstancié et territorialisé des besoins exprimés dans leur département. Elles ne sont là que pour rendre compte de la somme des besoins individuels qu’elles recueillent et qu’elles essaient de faire correspondre à une offre territoriale sur laquelle elles n’ont pas la moindre prise.

C’est pourquoi je suggère que soit créée une instance de proximité : une plateforme territoriale du handicap, ou PTH. Il me semble que son intervention viendrait combler un vide important ; une partie de la solution en dépend. Il s’agirait d’une structure territoriale dédiée, intervenant à l’échelon le plus pertinent, celui du bassin de vie, et réunissant l’ensemble des acteurs concernés par le parcours de vie d’une personne handicapée.

Trois missions lui seraient assignées.

Premièrement, après un recensement des besoins, la plateforme territoriale du handicap livrerait le produit de ses réflexions aux instances décisionnaires locales et nationales qui, chargées du redéploiement de l’offre, disposeraient alors d’une base quantitative et, surtout, qualitative suffisamment dense et circonstanciée pour prendre les décisions d’autorisation et d’implantation.

Deuxièmement, la PTH jouerait également un rôle d’animation et de coordination auprès de tous les acteurs du handicap intervenant sur le bassin de vie.

Troisièmement, elle serait dotée d’une mission de contrôle afin de s’assurer que le mécanisme descendant de la planification est atténué par une prise en compte des besoins du territoire.

Notre travail en appelle à une réforme du financement de l’accompagnement des personnes handicapées. Les élus qui siègent dans cet hémicycle sont particulièrement informés des inconvénients du cofinancement, par l’agence régionale de santé et le conseil départemental, d’un nombre important de structures chargées de cet accompagnement. Il n’est pas de réforme efficace de l’accompagnement sans respect scrupuleux d’un principe de financeur unique !

Au-delà de la concurrence des financeurs, c’est le financement des prestations par la personne elle-même qu’il est urgent de repenser et de rationaliser.

Le principal instrument de cette réforme à venir est incontestablement la prestation de compensation du handicap, la PCH. Cette dernière doit être profondément simplifiée et devenir le principal appui financier de toutes les dépenses d’accompagnement non médicales de la personne handicapée, essentiellement les aides humaines et les aides à l’aménagement du logement et du véhicule. Les aides techniques, qui relèvent actuellement de la PCH, alors que leur vocation est essentiellement médicale ou paramédicale, devraient à mon sens être financées par l’assurance maladie.

Outre une réduction certaine du reste à charge dont de nombreux usagers doivent encore s’acquitter, cette répartition simple et logique facilitera la vie financière des personnes handicapées qui, perdues entre les divers guichets, caisses et bureaux qui leur sont désignés, multiplient les démarches pour se faire rembourser les frais d’acquisition d’un fauteuil roulant, les frais d’installation de rampes d’accès, les frais de trajet entre domicile et établissement…

Tels sont, madame la secrétaire d’État, les vœux que formule la commission des affaires sociales à votre intention. Vous avez la responsabilité d’un ministère dont nos concitoyens en situation de handicap ont beaucoup attendu, sans toujours beaucoup recevoir. Les changements à apporter sont de très grande ampleur et la mise en place de la société inclusive, qui satisferait incontestablement les souhaits de tous, ne doit plus attendre. Nous devons agir avec méthode pour atteindre cet objectif que nous partageons tous. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Philippe Mouiller de me donner, grâce à ce débat et à son excellent rapport, l’occasion de rappeler la pleine convergence du Gouvernement et des sénateurs pour construire une société inclusive, c’est-à-dire une société qui donne pleinement leur place aux personnes en situation de handicap, conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.

Donner pleinement leur place aux personnes handicapées signifie non pas les laisser sans accompagnement, mais au contraire leur offrir tout l’appui dont elles ont besoin pour que leur indépendance en tout lieu de vie soit garantie, par des services modulaires, des solutions innovantes ou des dispositifs de répit, et leur proposer, comme vous l’avez indiqué, monsieur Mouiller, des « parcours ascendants ». C’est mon souhait, mon ambition, et je sais que nous la partageons.

Mais l’organisation actuelle de la réponse aux besoins des personnes, en particulier ce que l’on appelle l’« offre médico-sociale », ne répond pas pleinement à cet objectif. C’est pourquoi le « virage inclusif » de l’offre est au cœur de la feuille de route gouvernementale.

La nécessité de cette transformation est apparue dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », engagée à partir du rapport intitulé « Zéro sans solution », élaboré par Denis Piveteau à la demande du Gouvernement.

Ainsi, la poursuite de la mise en place de dispositifs plus soutenus reste indispensable, notamment pour les personnes présentant les besoins les plus complexes, mais elle ne doit pas constituer la seule réponse possible pour tendre vers ce « zéro sans solution ».

Près de 500 000 places en établissements et services pour personnes handicapées sont aujourd’hui recensées, dont 160 000 pour les enfants et près de 340 000 pour les adultes. Cela représente un budget d’environ 17 milliards d’euros. Force est de constater que la part des services dans l’ensemble de l’offre, malgré des progrès incontestables, reste insuffisante, en particulier pour les services d’accompagnement des adultes, qui ne représentent que 20 % des réponses.

Il nous faut donc changer de cap, faire tomber les murs, raisonner désormais en parcours accompagnés, quatre objectifs prioritaires devant guider notre action : ne pas laisser la personne et ses proches seuls face à l’absence d’un accompagnement ; faire évoluer l’offre afin qu’elle soit plus inclusive et plus souple ; renforcer la participation des personnes concernées à la mise en place des solutions d’accompagnement ; engager un mouvement de formation pour accompagner ces évolutions et ces professionnels.

Cette ambition est soutenue par la mise en œuvre de la stratégie quinquennale d’évolution de l’offre médico-sociale, qui permet de mobiliser un financement de 180 millions d’euros afin de proposer des solutions nouvelles et de répondre aux situations les plus complexes. Ces efforts ont été confortés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, avec le triplement des moyens consacrés à la prévention des départs en Belgique et des crédits spécifiques dédiés à la mise en œuvre de la stratégie pour l’autisme au sein des troubles neurodéveloppementaux.

Ces investissements supplémentaires permettront de développer les nouvelles réponses, très prometteuses, que sont les unités d’enseignement dans les écoles ordinaires, les pôles de compétences et de prestations externalisées, l’habitat inclusif ou l’emploi accompagné.

Je souhaite également que l’on puisse diversifier les accompagnements offerts par les établissements et services existants, en proposant des accueils de jour comme de nuit, des accueils temporaires ou séquentiels, ou encore des interventions hors les murs : c’est pour moi essentiel.

Cependant, diversifier, développer, transformer ne suffit pas. Nous avons aussi besoin d’assouplir, de gommer ces complexités administratives et financières qui constituent parfois des obstacles majeurs à notre ambition. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite généraliser les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec les associations gestionnaires. Cette généralisation devra sans doute être accompagnée, comme vous le proposez, monsieur le sénateur Mouiller, par une clarification des financements, encore trop morcelés, ce qui nuit à la cohérence de notre stratégie.

Oui, le chemin vers une société inclusive est encore aventureux, et les territoires doivent être pleinement mobilisés pour organiser cette réponse simplifiée et ajustée à l’ensemble des besoins. Concernant les territoires, il s’agit d’impliquer, comme vous le notez si bien, tous les acteurs susceptibles d’évaluer finement les besoins, d’animer l’évolution de l’offre et de fluidifier les parcours.

C’est d’ailleurs tout le sens que j’ai voulu donner à la démarche des « territoires 100 % inclusifs » que j’ai lancée cette année dans le Territoire de Belfort et qui vise à créer cette communauté de regard et d’action entre les acteurs pour accélérer la transformation. J’ai besoin de vous pour concrétiser cette ambition. Le virage inclusif est pris, le mouvement ne s’arrêtera plus.

Toutefois, ce virage n’est qu’un des leviers de la transformation profonde à laquelle nous aspirons.

Treize ans après la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la place de nos concitoyens en situation de handicap s’est améliorée, mais le fonctionnement de notre société reste encore trop souvent source d’exclusion et de défiance. C’est la raison pour laquelle le comité interministériel du handicap, réuni le 25 octobre dernier, a réaffirmé la détermination de l’État à changer le quotidien des personnes.

Cinq grandes priorités ont été définies dans ce cadre.

La première priorité est la simplification. Vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage à permettre l’attribution de droits à vie aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Cela pourra concerner l’allocation aux adultes handicapés pour les personnes dont le taux d’incapacité est supérieur à 80 %, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, mais aussi l’octroi de la carte mobilité inclusion ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. Ainsi, les personnes n’auront plus besoin de renouveler, parfois dix fois dans leur vie, les mêmes demandes.

Mais ce n’est pas tout : les personnes handicapées majeures sous tutelle vont pouvoir bénéficier d’un droit de vote inaliénable, elles auront le droit de se marier, de se pacser, de divorcer, de se soigner, sans devoir recourir à l’autorisation judiciaire, tout en conservant l’accompagnement par les tuteurs. C’est un progrès considérable qui permettra de reconnaître enfin les personnes handicapées comme des citoyens à part entière, et non plus comme des citoyens à part.

Par ailleurs, toute politique publique doit être pensée et conçue avec et pour les personnes en situation de handicap : « jamais rien pour nous sans nous », comme elles le disent très justement.

En deuxième lieu, la scolarisation sera également au cœur de notre action. Parce que la construction d’une société se joue dès le plus jeune âge, une grande concertation nationale vient d’être lancée, conjointement avec Jean-Michel Blanquer, afin d’effectuer le saut qualitatif nécessaire pour consolider l’école inclusive.

En troisième lieu, en matière d’emploi, nous poursuivrons le travail global engagé en faveur du soutien à l’activité des personnes handicapées, conforté par les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et nous rénoverons l’offre de services pour sécuriser les parcours vers et dans l’emploi.

En quatrième lieu, l’accès aux soins sera aussi considérablement facilité, avec la refonte des dispositifs d’aide à la complémentaire santé, la révision de la liste des produits et prestations remboursables, devenue tout à fait obsolète, et, bien sûr, l’amélioration du repérage des troubles de l’apprentissage et du neurodéveloppement, avec le développement d’un « forfait intervention précoce » dès le 1er janvier 2019.

Enfin, le Gouvernement affirme l’ambition très forte de permettre à toutes les personnes d’accéder aux nouvelles technologies pour favoriser leurs communications et leur autonomie. Mettre en lien les start-up, les développeurs et les personnes pour concevoir et tester de nouveaux outils constituera ainsi un nouvel enjeu interministériel.

Cette société du vivre ensemble s’incarnera également à travers la prochaine Conférence nationale du handicap, qui s’adressera à tous les citoyens et permettra de valoriser les initiatives et les pratiques locales. C’est à cette occasion que nous ouvrirons le chantier très attendu de la prestation du handicap, tant pour les enfants que pour les adultes, notamment pour mieux soutenir la parentalité des personnes en situation de handicap et mieux prendre en charge les besoins de compensation des enfants.

Le Gouvernement entend également reconsidérer le statut et la gouvernance des maisons départementales des personnes handicapées pour améliorer le pilotage de l’offre médico-sociale.

Parce que cette grande conférence doit être avant tout une dynamique émanant des territoires, des expériences locales, de la vraie vie, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à contribuer à ces échanges, qui nous permettront de construire ensemble ce « droit commun accompagné » et de bâtir une société inclusive qui redonne confiance et dignité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Daniel Chasseing et Yves Détraigne applaudissent également.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente. Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires pour le faire, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je tiens tout d’abord à saluer le travail effectué par le groupe de travail de la commission.

La loi de 2005 est une très bonne loi, mais sans moyens ; elle ne constitue donc, pour l’instant, qu’une bonne intention. Comme nous l’avons souligné lors de l’examen de la proposition de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, les moyens dévolus à l’accompagnement du handicap sont largement en deçà du nécessaire.

Je voudrais, dans le peu de temps qui m’est imparti, soulever plusieurs points qui me semblent problématiques.

J’évoquerai tout d’abord les inégalités territoriales. Les moyens des départements ne sont pas les mêmes, et leurs besoins non plus. Quelles garanties avons-nous quant à l’égalité de droits entre citoyens sur le territoire national ? Madame la secrétaire d’État, quels moyens allez-vous donner aux départements pour assumer ce nouveau transfert de compétence ? Quels moyens pour l’inclusion, si importante pour les parents et dont on parle tant, quand le Gouvernement n’est pas en mesure d’assurer à chaque enfant en ayant besoin l’accompagnement d’une auxiliaire de vie scolaire ?

J’ai rencontré dans le Pas-de-Calais des familles et des associations actives dans le domaine du handicap, notamment l’autisme. Elles nous racontent leur parcours pour faire aboutir les dossiers ; pour obtenir un premier versement, il faut souvent patienter six mois. Elles nous disent combien l’accompagnement médico-social tarde à se mettre en place une fois le diagnostic posé, ce qui laisse les familles concernées dans un désarroi total.

Enfin, les AVS ne sont pas suffisamment formées aux problématiques spécifiques des handicaps des enfants qu’elles accompagnent, et ne sont même pas toujours informées de la situation exacte de ces derniers… Quelles mesures comptez-vous mettre en place, madame la secrétaire d’État, pour mieux former les AVS ?

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, votre question aborde beaucoup de sujets.

Tout d’abord, il n’est pas question pour l’instant de transférer de compétences aux départements.

M. Michel Savin. Pour l’instant…

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat. Nous avons établi qu’il fallait en effet davantage d’équité territoriale. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, joue un rôle de régulation en la matière. J’ai donné des instructions aux agences régionales de santé pour qu’elles renforcent la coopération avec l’ensemble des territoires en vue de procéder à une péréquation en matière de dotations, des inégalités existant effectivement entre départements. Vous avez raison, madame la sénatrice : il n’est pas acceptable que les personnes handicapées soient traitées différemment selon les territoires. Nous devons instaurer l’équité.

Nous travaillons sur l’ensemble des cycles scolaires pour simplifier les choses. Il s’agit d’attribuer des moyens pour mettre en place un vrai projet de scolarisation qui suive l’enfant handicapé depuis la maternelle jusqu’au collège, afin qu’il n’ait pas à justifier sans cesse devant la MDPH d’un parcours scolaire de qualité. Ce point est également très important.

Il faut rétablir la confiance entre la personne handicapée et les administrations. Nous allons alléger la tâche des maisons départementales des personnes handicapées grâce à l’octroi à vie de certains droits, comme je l’ai précisé tout à l’heure, afin qu’elles puissent se consacrer pleinement à assurer un accompagnement sur-mesure et de qualité à l’enfant et à l’adulte handicapé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur l’orientation générale de la politique du Gouvernement à destination de nos concitoyens en situation de handicap.

Vous dites mener une politique d’inclusion des personnes handicapées dans la cité : les déclarations de principes, c’est bien ; leur concrétisation par des actes politiques, c’est mieux ! Or la réduction du taux de logements neufs accessibles votée par votre majorité lors de l’examen du projet de loi ÉLAN entre en contradiction avec vos orientations proclamées.

La politique inclusive recueille l’assentiment majoritaire des personnes handicapées, de leurs familles et de leurs associations de défense. Ainsi, il est tout à fait logique que les parents soient favorables à l’intégration de leur enfant handicapé en milieu scolaire « ordinaire », avec adaptation aux spécificités du handicap et recours aux auxiliaires de vie scolaire – si tant est que ces derniers puissent être respectés pour leur travail et rémunérés correctement.

Mais la réalité, parfois dure à entendre pour les parents, est que tous les enfants handicapés ne peuvent pas suivre une scolarité dans le milieu « ordinaire ». Certains risquent de ne pas trouver leur équilibre en cas d’intégration ratée ou à marche forcée.

De même, si certains travailleurs en situation de handicap souhaitent pouvoir s’orienter vers le milieu de travail « ordinaire », d’autres le refusent ; certains en rêvent, d’autres le craignent.

Je veux saluer la qualité du travail accompli par les entreprises adaptées et leur rôle essentiel dans l’accompagnement des personnes handicapées. Je rappelle d’ailleurs que, l’année dernière, le Gouvernement avait décidé de baisser les aides destinées à ce secteur, ce qui menaçait, en particulier, 700 emplois dans mon département du Pas-de-Calais. Seule une mobilisation de grande ampleur des acteurs du secteur et des élus a permis le gel de cette mesure, mais l’inquiétude demeure.

Je souhaite donc attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le fait que si l’avènement d’une société inclusive est évidemment plus que souhaitable, certaines personnes handicapées, plus fragiles, doivent bénéficier d’une intégration dans un milieu qui les protège davantage. Avez-vous conscience du travail mené par les professionnels du secteur protégé, et vous engagez-vous aujourd’hui à ne pas diminuer leurs moyens ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sophie Cluzel, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Vous avez vous aussi, madame la sénatrice, abordé de nombreux sujets.

Concernant la loi ÉLAN, nous souhaitons instaurer des droits réels. C’est pourquoi nous avons décidé l’abaissement du seuil pour l’installation obligatoire d’un ascenseur à R+3 : cela permettra de doubler l’offre de logements accessibles. Je rappelle en outre que toute personne pourra accéder au salon et aux toilettes de tout appartement, ainsi qu’aux parties communes de tout immeuble : nous maintenons cette ambition d’accessibilité universelle. Cela étant, il convient de construire de façon évolutive pour répondre à toutes les situations de handicap.

Par ailleurs, l’école inclusive que Jean-Michel Blanquer et moi-même appelons de nos vœux est une école de la République qui fait du sur-mesure pour les enfants handicapés, au travers d’un projet personnalisé de scolarisation et de réponses diversifiées selon les besoins. C’est tout l’enjeu de la concertation que nous menons et de la mise en place des pôles d’inclusion scolaire. J’ai bien sûr tout à fait conscience du travail accompli par les professionnels : je souhaite qu’ils puissent apporter leur expertise pour accompagner le parcours des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. Nous voulons que l’inclusion en milieu ordinaire soit le chemin pour tous, avec des adaptations et des réponses graduées selon les besoins. C’est cette école et cette société inclusives que nous promouvons.

Il en est de même pour le travail. Oui, certaines personnes ont besoin d’être plus encadrées pour accéder au travail, pour se construire. Pour autant, nombre d’entre elles aspirent à être accompagnées vers le milieu ordinaire. C’est pourquoi nous nous appuyons sur les dispositifs d’emploi accompagné et rénovons le financement des entreprises adaptées, en prévoyant un doublement des postes disponibles sur le quinquennat : leur nombre passera de 35 000 à 70 000. C’est aussi une passerelle vers le milieu ordinaire.

Nous changeons de paradigme, nous accompagnons les personnes là où elles veulent vivre, en aucun cas nous n’imposons quoi que ce soit.