Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Jacky Deromedi,

Mme Françoise Gatel.

M. le président. La séance est reprise.

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Article additionnel après l'article 58 - Amendement n° 473 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Discussion générale (interruption de la discussion)

Financement de la sécurité sociale pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019 (projet n° 106, rapport n° 111 [tomes I à III], avis n° 108).

Explications de vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à celles et ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe La République En Marche.

M. Michel Amiel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après une semaine de discussion et plus d’une centaine d’amendements adoptés, nous nous retrouvons pour voter un PLFSS profondément modifié, voire dénaturé. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ose le dire !

Certes, je tiens à saluer la qualité des échanges et les discussions qui ont été enrichissantes, mais surtout d’une particulière qualité technique au sein de cet hémicycle,…

M. Philippe Dallier. C’est déjà ça !

M. Michel Amiel. … avec près de 600 amendements déposés. D’ailleurs, je souhaitais remercier les ministres d’avoir fait preuve de disponibilité, et d’avoir eu à cœur de répondre à chaque parlementaire dans le respect du bicamérisme fondamental pour notre République.

Mais quelle vision de notre système de protection sociale ce PLFSS ainsi modifié porte-t-il ?

Au-delà du financement des comptes sociaux, quid des mesures concrètes et nécessaires pour l’avenir de notre pays et de son système social ?

Si l’objectif financier d’un retour à l’équilibre pour la première fois depuis dix-huit ans – régime général et fonds de solidarité vieillesse, FSV – est maintenu, il n’en reste pas moins que des modifications profondes des relations financières entre l’État et la sécurité sociale sont envisagées, qui nous écartent quelque peu du modèle assurantiel à la base de notre système de solidarité, tel que conçu par le Conseil national de la Résistance à la sortie de la guerre. Il nous faudra être vigilants sur ce point.

Pour autant, il ne faudrait pas balayer d’un revers de main ce retour à l’équilibre que beaucoup ont souhaité et que nous avons réalisé.

Ce texte contient de nombreux apports qui permettent l’accès des plus précaires à la protection sociale en finalisant les mesures du reste à charge zéro, reflet d’une action continue et forte au service des Français et d’un engagement de campagne du Président de la République sur l’accès réel aux soins.

Cet accès sera aussi simplifié avec la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les plus démunis.

Un autre aspect intéressant de ce PLFSS est l’amorce d’une véritable politique du médicament, avec une profonde modification non seulement du financement des molécules innovantes, mais aussi des règles liées à l’autorisation de mise sur le marché, l’AMM, ou à l’autorisation temporaire d’utilisation, l’ATU. Mais je reste circonspect quant à la réticence de notre assemblée à ne pas restreindre l’utilisation de la mention « non substituable ».

Sur l’organisation de notre système de santé, je salue aussi la fin, au niveau des hôpitaux, du « tout tarification à l’activité », ou « tout T2A », avec la création d’un forfait pour les maladies chroniques. Je m’inquiète aussi de la mise en place du dispositif, du processus futur pour son extension, et surtout de l’articulation qu’il faudra trouver entre la médecine de ville et l’hôpital.

Je me félicite également des nouvelles possibilités d’expérimentation accordées pour les vaccinations des personnels hospitaliers contre la grippe – je rappelle que c’est la première cause de mortalité par maladie infectieuse en France –, que notre groupe a portées, mais aussi contre le papillomavirus.

La priorité donnée à la prévention, au-delà du PLFSS, est l’un des points forts de votre politique de santé, madame la ministre. La maladie de bon pronostic est celle que l’on n’aura pas ; il faudra donc veiller à amplifier encore cette action.

Je trouve dommage la suppression par notre chambre du rapport sur les addictions, sujet ô combien sensible aux mesures préventives, alors même que nous avons voté pour la création d’un fonds de lutte contre les addictions.

Mais l’étude du PLFSS montre que ce texte, au-delà des éléments impactant notre système sanitaire, est un réel projet de solidarité entre les générations, entre les plus aisés et les plus démunis. Sur ce sujet, je déplore la posture qui a été prise par la majorité de cet hémicycle. (M. Roger Karoutchi sexclame.)

Alors que le Gouvernement, au terme de consultations importantes, réfléchit…

M. Roger Karoutchi. Ah bon ?...

M. Michel Amiel. … à une simplification pérenne de nos systèmes de retraite afin de les rendre plus justes et universels, vous avez décidé, sans en mesurer les conséquences, de modifier l’âge de départ à la retraite ainsi que la revalorisation des pensions. (MM. Roger Karoutchi et Philippe Dallier opinent.) Vous le revendiquez, très bien ! Moi, je revendique le contraire !

Pourquoi ne l’avez-vous pas fait lorsque vous étiez au pouvoir, il n’y a pas si longtemps ? (On la fait ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le gouvernement en place a annoncé qu’il ne reviendrait pas sur l’âge de départ à la retraite. Dois-je rappeler que reculer l’âge de la retraite, c’est surtout pénaliser injustement les seniors,…

M. Philippe Dallier. Et rogner les pensions, c’est quoi ?

M. Michel Amiel. … en particulier celles et ceux qui sont les moins qualifiés, ceux qui subissent la précarité et le chômage. C’est à ces personnes que vous demandez des efforts ! (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.)

Dois-je également rappeler que travailler plus tard, voire trop tard, entraîne parfois des conséquences néfastes sur la santé des travailleurs futurs retraités,…

M. François Grosdidier. Et en baissant leurs revenus, vous leur faites du bien ?

M. Michel Amiel. … de l’absentéisme et des coûts importants pour notre système de protection sociale, notamment – n’est-ce pas, monsieur Dériot – la branche AT-MP ?

Bref, ce genre de décision relative à l’organisation de notre système de solidarité sans la prise en compte de la globalité du système semble être du bricolage à la marge, à l’aune d’une réforme courageuse menée avec le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye.

M. Philippe Dallier. Bon courage !

M. Michel Amiel. Les lignes rouges étaient connues dès l’origine. Les franchir empêche un travail commun, mais ne remet pas en cause le bicamérisme, bien au contraire !

Je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que nous sommes impatients de voir la loi relative à la future organisation de notre système de santé.

M. Michel Amiel. Alors que la démographie médicale est en berne, que les médecins cherchent à avoir plus de temps médical et, parfois, de temps personnel, que les infirmières sont dans la rue aujourd’hui, les attentes sont fortes, surtout après les annonces à la fois ambitieuses et réfléchies du plan « Ma santé 2022 », qui a recueilli un large consensus. (M. Roger Karoutchi sexclame.)

Nous avions espéré que le Sénat validerait ce PLFSS du retour à l’équilibre financier, en attendant, sur le plan organisationnel, la loi santé que vous avez annoncée, madame la ministre, pour 2019.

Les amendements que la majorité sénatoriale a adoptés creusent encore ce déficit ou le compensent par une augmentation des taxes (Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.), ce qui paraît pour le moins paradoxal, compte tenu de certaines prises de positions, en particulier celles de M. Wauquiez.

Pour toutes ces raisons, et malgré de nombreuses avancées, notamment sur le plan sanitaire, nous regrettons de devoir voter contre ce PLFSS amendé par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Joseph Castelli applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a été l’occasion d’un débat dans notre assemblée qui a confronté deux projets de société différents.

En effet, le fil conducteur de votre projet gouvernemental, madame la ministre, est que les excédents de la sécurité sociale, obtenus à coups de restrictions budgétaires, participent désormais au désendettement de l’État. Pour ce faire, vous avez décidé de mettre fin, notamment, au principe de compensation intégrale par l’État des exonérations de cotisations sociales.

Mme Laurence Cohen. C’est un choix que nous récusons et qui nous a conduits à déposer une motion d’irrecevabilité constitutionnelle, hélas rejetée par tous les autres groupes de notre Haute Assemblée !

Ainsi, vous considérez les cotisations sociales, y compris les cotisations patronales, comme des charges qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, alors qu’elles sont la part socialisée des salaires perçus par les salariés.

Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer ce PLFSS pour 2019. L’ensemble des caisses nationales de sécurité sociale, réunies le 2 octobre 2018, l’a unanimement rejeté. Une première, à la hauteur d’une attaque sans précédent des principes fondamentaux qui gouvernent la sécurité sociale !

Entre le remboursement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour l’année 2018 et la baisse de cotisations décidée pour 2019, les entreprises et les actionnaires vont recevoir un cadeau de Noël de 40 milliards d’euros !

Je précise bien qu’il s’agit d’un cadeau puisque les entreprises n’ont aucune contrepartie à fournir en échange. Et cette mesure inique se prend en parfaite harmonie avec la droite sénatoriale…

Dans cette logique, vous ajoutez des exonérations sur les heures supplémentaires, sachant pertinemment qu’ainsi vous les encouragez !

C’est un non-sens d’inciter les entreprises à développer les heures supplémentaires, alors que notre pays connaît plus de 11 millions de chômeurs et précaires. Rappelons que, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, la précédente exonération avait fait perdre plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

La réalité de ce PLFSS pour 2019, c’est qu’il n’y aura pratiquement plus de cotisations patronales pour la sécurité sociale.

Une fois que vous avez réduit les recettes, madame la ministre, vous nous expliquez qu’il faut raboter les dépenses. L’hôpital n’a pas besoin de moyens supplémentaires, dites-vous, mais d’une réorganisation. Les personnels, celles et ceux qui portent leurs services à bout de bras, jugeront. Les infirmières sont d’ailleurs en ce moment même devant votre ministère…

Votre budget exige des hôpitaux un tour de vis supplémentaire de 910 millions d’euros, quand la Cour des comptes relève que le déficit des hôpitaux publics a quasiment doublé en 2017, atteignant 835 millions d’euros. Nous condamnons ce sous-financement.

Tandis que vous êtes d’une grande largesse avec ceux qui n’en ont pas besoin, vous imposez le quasi-gel, à 0,3 %, des allocations familiales et des pensions de retraite. L’inflation attendue étant de 1,7 %, vos choix se solderont par une baisse de pouvoir d’achat des personnes concernées.

Pour ce qui concerne les retraités, cette mesure injuste, additionnée à l’augmentation de la contribution sociale généralisée, la CSG, va leur faire perdre 700 euros par an, et entraîner pour 2020 une baisse du pouvoir d’achat de huit d’entre eux sur dix. Quant à la majorité sénatoriale, qui prétend les défendre, elle a aggravé la note en repoussant l’âge de départ à la retraite à 63 ans !

Alors certes, madame la ministre, cette décision a été adoptée contre votre avis, mais au nom, comme vous le faites, de l’équilibre budgétaire et de votre logique consistant à faire peser les choix austéritaires sur la majorité des Françaises et des Français, déjà fort malmenés. Entendez la colère qui gronde un peu partout dans le pays en ce moment…

La transformation de notre système de santé que vous appelez de vos vœux, vous ne pouvez pas y procéder avec seulement 400 millions d’euros. C’est en totale contradiction, d’ailleurs, avec les 3,8 milliards d’euros de réduction des dépenses de santé prévus pour 2019.

Ce n’est malheureusement pas un ONDAM à 2,5 % qui améliorera réellement la situation. C’est pourquoi nous portons un projet d’urgence pour les hôpitaux et les EHPAD publics, avec la création de 100 000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades et 100 000 emplois par an, pendant trois ans, pour les EHPAD, avec un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représente le vieillissement de la population.

Les conséquences de ce PLFSS pour 2019, ce sont concrètement, malgré vos engagements, de nouvelles fermetures d’hôpitaux de proximité et singulièrement de maternités.

S’agissant de notre amendement tendant à prévoir un moratoire sur les fermetures d’hôpitaux et de services, vous nous avez répondu que les fermetures actuelles étaient justifiées pour des raisons de sécurité. Nous ne sommes pas des irresponsables, mais estimez-vous, mes chers collègues, qu’accoucher dans sa voiture ou dans un camion de pompiers c’est plus sécure qu’à l’hôpital ?

Durant ces cinq jours, nous avons constaté que, si une partie de la majorité sénatoriale, dont le président de la commission des affaires sociales, pouvait partager avec notre groupe l’impératif de défendre un financement de la sécurité sociale par les cotisations, contre l’accélération de l’étatisation avec un financement par l’impôt, cela ne se manifestait pas dans les actes. Toutes nos propositions de suppression des exonérations patronales ont, en effet, été rejetées.

Nous avons été les seuls à proposer durant les débats de mettre à contribution les revenus financiers, de revenir sur les suppressions de cotisations sociales patronales, de mettre également à contribution les entreprises selon leur politique salariale, notamment concernant l’égalité des traitements des femmes pour un travail de valeur égale et le respect de l’écologie. Nous avons aussi été les seuls à proposer la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Quant à la situation catastrophique de la psychiatrie, elle n’est pas prise en compte dans ce PLFSS, si ce n’est indirectement avec le dispositif de l’incitation financière à l’amélioration de la qualité, l’IFAQ, qui risque même d’aggraver les choses.

On relève des mesures positives, mais qui, franchement, ne font pas le compte.

Madame la ministre, l’urgence, c’est d’embaucher 750 urgentistes et de rouvrir des lits d’aval.

Par ailleurs, vous mettez en œuvre le remboursement « 100 % santé » pour l’optique et les prothèses dentaires et auditives. Mais vous brouillez les pistes, car ce sont bien les patients qui paieront les mutuelles, lesquelles ne manqueront pas d’augmenter leurs tarifs et de réduire leur couverture. Pour mon groupe, ce qu’il faut mettre en œuvre, c’est le « 100 % sécu ».

Malgré quelques mesures positives, ce PLFSS n’est pas du tout de nature à faire reculer les renoncements aux soins et les déserts médicaux.

En utilisant le budget de la sécurité sociale pour réduire le déficit de l’État, votre gouvernement se livre au plus grand hold-up du siècle et vous franchissez sans état d’âme la ligne rouge.

Pour toutes ces raisons, et pour faire écho à tous les témoignages que nous avons entendus lors de notre tour de France des hôpitaux et des EHPAD, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, faut-il parler de moment historique ? De peu, avec 200 millions d’euros d’excédent pour 510 milliards de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires, la sécurité sociale redeviendra en effet excédentaire en 2019, avec une perspective d’extinction de la dette en 2024.

Ne boudons pas notre satisfaction de ne plus reporter nos dépenses de santé sur nos enfants. Mais la prudence doit demeurer de mise : ces résultats sont fortement liés à la progression de la masse salariale, donc à la conjoncture ; la branche maladie demeure déficitaire ; le déficit global cumulé des hôpitaux atteindra environ 1,5 milliard d’euros en 2018. Néanmoins, la pertinence de notre système de protection sociale, même s’il doit être adapté aux défis de notre société, est confortée dans ses fondements. Un signe de confiance est adressé aux jeunes générations.

Dans ce contexte, l’acharnement contre les retraités est incompréhensible. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.) Le quasi-gel des pensions de retraite, d’invalidité, des allocations familiales, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, est insupportable (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) quand le même gouvernement a allégé de 5 milliards d’euros, il y a un an, la fiscalité des plus aisés, finançant pour partie cet allégement par l’augmentation non compensée de 1,7 point de CSG pour plus de 6 millions de retraités. La mesure est inquiétante à l’amorce d’une réforme systémique des régimes de retraite.

Nous nous opposons avec la même force au dispositif imaginé par la majorité sénatoriale : hausse des cotisations des complémentaires, recul à 63 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Sans pénaliser la compétitivité des entreprises, un dispositif maintenant à 20 milliards d’euros le soutien pour l’exercice 2019 était possible.

Les minima sociaux, souvent avec des dispositions masquées et régressives, sont revalorisés. La plupart ne sont pas financés par la sécurité sociale, ce qui conduit à une autre grave interrogation. Quel rôle et quelle autonomie demain pour la sécurité sociale ? Vous mettez fin à la règle d’or de compensation par l’État des exonérations de charges, vous modifiez radicalement la trajectoire financière en captant pour le budget de l’État les excédents potentiels à venir, vous substituez aux cotisations sociales des parts de CSG ou de TVA, et vous mettez fin, ou presque, au paritarisme de gestion que vous aviez promu dans l’entreprise.

Madame la ministre, l’universalisation de la protection sociale ne peut être synonyme de baisse généralisée des prestations.

M. Martial Bourquin. Absolument !

M. Yves Daudigny. La sécurité sociale est une assurance contre les accidents de la vie pour l’ensemble des Françaises et des Français qui concourent à son financement. Nous réaffirmons, pour notre part, notre attachement aux piliers que sont la justice sociale et la solidarité collective.

Deux mesures faciliteront l’accès au soin. Toutefois, le remplacement de l’aide à la complémentaire santé par la CMU contributive pose la question d’une cotisation liée à l’âge, à l’opposé de la solidarité intergénérationnelle. La création du reste à charge zéro demandera une évaluation précise du comité de suivi quant à l’engagement des professionnels, la qualité des produits, l’attitude des patients et les montants des cotisations aux complémentaires, en particulier pour ce qu’on appelle les « petits contrats ».

Quelles sont les traductions du plan Santé dans la loi ? Pour la ville, les financements, la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé, les missions des assistants médicaux relèveront de la négociation conventionnelle. Nous avons soutenu l’expérimentation d’infirmiers référents – on dit souvent que les infirmiers sont les oubliés de la réforme –, troisième pilier d’un trio autour du patient avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant.

Pour l’hôpital, les mesures sont nombreuses, et elles ont été plutôt bien accueillies. Mais nous rappelons de nouveau avec force qu’elles n’apportent pas de réponse à la situation immédiate des hôpitaux dans lesquels la souffrance des personnels est générale. Nous soutenons les revendications communes des quatre grandes fédérations hospitalières dont le dégel complet de la réserve prudentielle de 415 millions d’euros et la création d’une mission de réflexion sur l’ONDAM. Quant à l’article sur la nouvelle tarification « à l’inactivité » visant à facturer aux services d’urgence la réorientation vers la médecine de ville, il a été opportunément supprimé.

La prévention est un, sinon le, pilier essentiel du progrès en santé publique. Nous ne doutons pas, madame la ministre, de votre engagement. Cependant, le financement du nouveau fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives ne nous paraît pas satisfaisant, et nous avons souhaité garantir la présence d’acteurs reconnus dans ses instances de gouvernance. Nos amendements visant à la taxation des produits alimentaires utilisant l’alcool comme argument de vente à destination des jeunes et à l’extension de la « taxe prémix » aux vins aromatisés sont des signes forts adressés aux industriels.

Nous avons par ailleurs défendu la suppression du plafonnement des exonérations aux aides employeur à la culture et aux vacances, l’augmentation des seuils de début de dégressivité et de sortie des charges sociales patronales du dispositif dit « de compétitivité » en outre-mer, et le maintien des seuils d’exonérations du dispositif du TO-DE, le travailleur occasionnel-demandeur d’emploi. Nous attirons votre attention sur l’importance et la gravité des pénuries de médicaments et de vaccins.

Pour conclure, je rappellerai l’absence d’ambition de la politique familiale et de la petite enfance, et l’annonce d’augmentations de certaines allocations dont les modalités nous interpellent parfois.

Rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale ne doit avoir qu’un seul objectif : répondre aux défis de notre système de santé, de l’allongement de la vie, de justice sociale quand l’individualisme primer le collectif. C’est un enjeu fondamental de cohésion sociale déterminant pour l’avenir d’une démocratie apaisée.

Vous l’aurez compris, le groupe socialiste et républicain votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Éric Bocquet et Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Guillaume Arnell. Vous avez clos les débats vendredi soir, madame la ministre, en nous avouant que c’était toujours un grand plaisir d’échanger avec le Sénat. Sachez que ce plaisir est partagé ! Même si nos positions divergent parfois, les échanges ont été, une fois de plus, constructifs et empreints de grand respect.

Ce PLFSS devrait marquer le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après dix-huit ans de déficit, parfois abyssal ! Cela mérite d’être souligné, même si cet équilibre reste encore fragile.

Le texte comporte de nombreuses avancées, que nous saluons.

En matière de prévention, nous souscrivons pleinement au redéploiement des examens obligatoires de santé de l’enfant jusqu’à ses 18 ans, à la mise en place d’une rémunération forfaitaire pour la prise en charge hospitalière de patients atteints de diabète et d’insuffisance rénale, ou encore à la vaccination contre les infections liées aux papillomavirus humains chez les jeunes filles et garçons.

Je me félicite du fait que nous ayons suivi les recommandations du plan Cancer, qui prévoyait de renforcer les campagnes d’information dans le cadre scolaire.

S’agissant de la protection des personnes les plus fragiles, nous saluons, madame la ministre, vos orientations : la fusion de la couverture maladie universelle et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, mesure phare du plan Pauvreté ; et la réforme du « reste à charge zéro » pour les soins dentaires, l’optique et les prothèses auditives, qui permettra de faire progresser l’accès aux soins dans les secteurs où les renoncements sont les plus importants.

Ces deux réformes symbolisent les valeurs humanistes qui sont au cœur de notre système de santé.

Nous saluons également la majoration du complément de mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap, la prolongation du congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, ou encore l’allongement du congé paternité pour les pères de nouveau-nés nécessitant des soins intensifs.

Au cours des débats, notre assemblée a apporté des améliorations au projet de loi. Je pense bien évidemment à la suppression de l’article 7 bis relatif aux prestations accordées par les comités d’entreprise ou à celle de l’article 29 quinquies instituant un forfait de réorientation des urgences, portées notamment par notre groupe. Le Sénat a été unanime !

Aussi, j’espère, madame la ministre, que les débats que nous avons eus porteront leurs fruits lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.

S’agissant plus particulièrement du dispositif du TO-DE, je tiens à rappeler que ces exonérations sont cruciales pour l’ensemble des filières agricoles. Notre assemblée s’est ardemment mobilisée pour le maintien du dispositif ; notre groupe également, même si nous regrettons que l’amendement de responsabilité, présenté par notre collègue Franck Menonville, qui aurait permis de concilier les intérêts de la filière agricole avec les objectifs du Gouvernement, n’ait pas emporté l’adhésion du Sénat. Je crains que la rédaction retenue ne soit in fine rejetée par l’Assemblée nationale.

Toujours sur l’article 8, je souhaiterais rappeler les incidences pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et tout particulièrement pour nos entreprises, déjà fragilisées dans un contexte post-Irma. Je redoute que la charge sociale supplémentaire qu’elles auront à assumer ne soit un véritable frein pour la reconstruction et le développement économique de nos territoires. Aussi, je demande une nouvelle fois à Mme la ministre des outre-mer de reconsidérer la position du Gouvernement sur cette délicate question : il y va de la pérennité de la vie économique locale.

Sur la question de la taxation du rhum, pour laquelle notre collègue Catherine Conconne a dépensé tant d’énergie, je veux dire qu’il n’y a pas de corrélation entre le taux d’alcoolisme et la production locale de rhum, toutes les études prouvant que les boissons les plus consommées sont la bière, le champagne et le vin. Il est pour le moins troublant que la taxation du vin soit un sujet presque tabou au motif qu’il s’agit d’un fleuron de notre gastronomie. Mais le rhum antillais, guyanais ou réunionnais n’est-il pas lui aussi un fleuron de la gastronomie française ?