M. Antoine Lefèvre. Ça commence !

M. Alain Milon. Nous alertons dès aujourd’hui le Gouvernement : si nous ne voulons pas que les retraités de demain soient paupérisés, cet élément devra être pris en compte dans la réflexion menée dans le cadre de la réforme systémique. Nous avons certainement tort d’avoir raison trop tôt ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je termine mon propos sur le volet santé, pour lequel nous partageons votre constat, madame la ministre, mais il y a urgence à agir, surtout dans le secteur hospitalier. Force est de constater que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne répond que très partiellement à cette urgence.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Alain Milon. Comme l’a souligné notre collègue et rapporteur Catherine Deroche, au fil des projets de loi de financement, de régulation en régulation, les dépenses de santé respectent l’ONDAM, mais à quel prix ? Baisses des tarifs, gels, puis annulations de crédits : les établissements de santé sont exsangues. (Le temps est dépassé ! sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Julien Bargeton frappe sur son pupitre.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Alain Milon. Je vais donc conclure.

Sans surprise, le groupe Les Républicains votera le projet de loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il a été amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Discussion générale (suite)

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Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux d’accueillir aujourd’hui M. Bernard Buis, sénateur de la Drôme, qui remplace notre ancien collègue Didier Guillaume. (M. Bernard Buis se lève.) Mon cher collègue, au nom du Sénat, je vous souhaite la bienvenue. (Applaudissements.)

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
Discussion générale (fin)

Financement de la sécurité sociale pour 2019

Adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Ouverture du scrutin public solennel

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Yves Daudigny, Jacky Deromedi et Françoise Gatel, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public solennel

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l’adoption 181
Contre 125

Le Sénat a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, modifié.

Avant de donner la parole à Mme la ministre des solidarités et de la santé, je souhaite remercier le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi que l’ensemble des rapporteurs. Ils ont grandement contribué à la qualité de nos débats, qui se sont pourtant déroulés dans un temps contraint. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je souhaite tout d’abord remercier très chaleureusement les présidents de séance qui se sont succédé la semaine dernière, ainsi que le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales et l’ensemble des rapporteurs et des sénateurs ayant participé à nos travaux. Chacun a contribué, dans la diversité, à la richesse des débats que nous avons eus sur ce texte. Il me semble particulièrement important que nos échanges se soient tenus dans une atmosphère sereine ; nous le devons à nos concitoyens, eu égard à l’importance des enjeux.

Je souhaite ensuite apporter quelques éléments de réponse aux prises de parole qui viennent d’avoir lieu.

Le Gouvernement ne partage évidemment pas tout à fait les options qui ont été adoptées par le Sénat… (Sourires.)

En particulier, le Gouvernement n’est pas favorable au recul – assez brutal, à notre sens – (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) de l’âge minimal légal de départ à la retraite à 63 ans.

M. Charles Revet. C’est bien dommage !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Cette mesure ne fait pas partie des engagements que nous avons pris devant les Français.

Nous ne partageons pas non plus la hausse, très massive, des taxes sur les organismes complémentaires d’assurance maladie. Cette hausse est évidemment contraire à notre objectif de réduire le reste à charge pour les Français et nous pensons que cette taxation augmentera inévitablement le coût des complémentaires.

M. Bruno Retailleau. Pas du tout ! Il faut remettre de l’ordre !

Mme Agnès Buzyn, ministre. Certains sénateurs ont évoqué le fait que le budget de la sécurité sociale serait insuffisant par rapport aux enjeux. Je tiens tout de même à rappeler que nous augmentons ce budget de 10 milliards d’euros d’une année sur l’autre et, au sein de cette enveloppe, 5 milliards iront directement à la branche assurance maladie, donc à la réforme de notre système de santé.

Il me semble donc que le projet présenté par le Gouvernement est équilibré. Il permet, d’une part, de consolider et désendetter la sécurité sociale, afin d’anticiper les nouveaux risques, sur lesquels nous aurons à débattre, probablement à la fin de l’année prochaine.

Ce budget permet, d’autre part, de créer les conditions favorables à l’emploi et au travail. Là aussi, c’est un engagement du Président de la République. Nous souhaitons tous la réduction du nombre de chômeurs et le Gouvernement essaye de trouver les conditions les plus favorables pour faciliter l’accès à l’emploi au travers des nombreuses mesures que nous avons prises : suppression des charges sociales salariales sur les heures supplémentaires et réduction des charges patronales au niveau du SMIC.

Nous avons décidé un investissement très important en faveur de la transformation du système de santé, sujet dont nous aurons à débattre l’année prochaine.

Nous avons créé de nouveaux droits pour les familles et je crois que nous avons atteint une forme de consensus avec le Sénat à ce sujet.

Nous avons aussi créé de nouveaux droits pour l’ensemble des Français. Je pense en particulier à deux très belles mesures : le « 100 % santé », c’est-à-dire l’accès sans reste à charge aux prothèses auditives et dentaires et aux lunettes, et la fusion de l’ACS et de la CMU-C qui va permettre à 3 millions de nos concitoyens d’accéder à une complémentaire santé à moindre coût, au maximum un euro par jour de cotisation, soit une diminution de 30 euros par rapport au coût mensuel actuel des complémentaires pour les retraités. C’est un gain substantiel pour les retraités modestes !

Je veux également retenir de nos débats des éléments clairs de consensus. D’abord, sur les avancées sociales, dont je viens de parler : la CMU-C contributive et le « 100 % santé ». Ensuite, sur le projet de transformation du système de santé : il me semble que la direction prise par le Gouvernement rencontre globalement l’adhésion des sénateurs de tous les groupes.

Je voudrais aussi dire que la proposition que j’ai faite d’un nouveau système de santé laisse toute sa place à l’ensemble des professionnels, non seulement aux médecins et aux pharmaciens, mais également aux infirmières. Ces dernières sont aujourd’hui inquiètes et je tiens à rappeler qu’elles ont toute leur place dans le système de santé à venir, puisque je propose notamment une meilleure répartition des tâches entre tous les professionnels.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous l’avez compris, sera complété par un projet de loi dédié à la transformation du système de santé, dont nous aurons probablement à débattre à la fin du premier trimestre 2019. Je sais que nos débats seront très riches et constructifs, comme ils le sont toujours au Sénat, et je tiens à vous en remercier à l’avance. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Madame la ministre, je vous remercie pour votre participation à ce débat.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)

PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Jacky Deromedi,

Mme Françoise Gatel.

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019
 

8

Diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la diplomatie climatique de la France à l’aune de la COP24, organisé à la demande du groupe Les Républicains.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur du débat disposera d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.

Dans le débat, la parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trois semaines avant la conférence internationale sur le climat de Katowice en Pologne, il a paru essentiel au groupe Les Républicains de faire un état des lieux sur l’avancement des négociations climatiques. Il y a deux raisons principales à cela.

Tout d’abord, parce que la France a une vraie légitimité, un vrai leadership, sur la scène internationale en matière de changement climatique. Il y a bien sûr eu l’accord de Paris, mais il y a aussi le fait que notre mix électrique est décarboné, notamment grâce au nucléaire.

Ensuite, parce que ce sujet revient chaque année depuis un quart de siècle à l’agenda des Nations unies et que les contributions nationales des gouvernements proposées dans le cadre de l’accord de Paris depuis trois ans ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement en dessous de 1,5 degré.

Malgré l’urgence, il faut accepter que la transformation du modèle de croissance hérité de la période préindustrielle vers une économie décarbonée prenne du temps. Elle nécessite surtout des changements en profondeur, qu’il convient d’accompagner. Il en est de même pour la société civile, qui ne peut pas du jour au lendemain modifier ses comportements.

Pour faire accepter des changements comportementaux, quatre ingrédients sont nécessaires : une trajectoire politique forte et cohérente sur le long terme ; la progressivité ; la transparence du financement ; de ce fait, l’acceptabilité par les citoyens. La fiscalité écologique doit être un moyen de fédérer les citoyens plutôt que de les diviser.

Limiter le réchauffement climatique n’est pas hors d’atteinte. Cela nécessite d’entamer une révolution énergétique globale, des transitions dans tous les pans de notre économie et de la société, et, bien sûr, cela réclame une volonté et du courage politique.

La COP24 a un rôle important, davantage que celui des deux précédentes COP. Il y est en effet prévu un bilan d’étape collectif des engagements climatiques nationaux. Son objectif principal est de finaliser le programme de travail de l’accord de Paris et de revoir les ambitions à la hausse.

Revenons sur les termes de l’accord de la COP21 de 2015. Les parties doivent limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2° Celsius par rapport aux niveaux préindustriels, en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5° Celsius ». Il s’agit également de revoir à la hausse la contribution nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour vérifier ces engagements, il est créé un cadre de transparence renforcé et une évaluation périodique des progrès réalisés est attendue. Enfin, les parties prévoient de débloquer 100 milliards de dollars chaque année à partir de 2020 pour les pays en développement.

Puis, il y a eu la COP22 à Marrakech. L’objectif de cette conférence était de définir les modalités d’application de l’accord sur le climat signé à Paris.

Le résultat de ces négociations est un support peu normatif. Les principaux éléments ressortant de la proclamation sont la nécessité « de rehausser d’urgence les ambitions et de renforcer la coopération », et la prise en compte des besoins spécifiques et des circonstances particulières des pays en développement.

Le fait le plus intéressant de ces négociations est sans nul doute l’accélération des financements, avec le Fonds d’investissement de Marrakech pour l’adaptation, le MICA, le Fonds d’adaptation, ou encore l’aide au Centre et réseau des technologies climatiques, et enfin le Fonds vert pour le climat.

Comme à la COP22, les futures règles visant à l’application concrète de l’accord de Paris sur le climat ont été négociées à la COP23, qui s’est tenue à Bonn en 2017.

De fait, la majorité des parties prenantes, acteurs étatiques comme ONG, ont annoncé avant la conférence que le moment clef pour l’application de l’accord de Paris serait la COP de Katowice, un an plus tard.

De la COP23, nous retiendrons le « dialogue de Talanoa », qui a été lancé dès janvier dernier pour collecter les contributions des pays signataires, afin de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius. Les contributions nationales devront ainsi être revues à la hausse avant 2020.

Je note aussi avec beaucoup d’intérêt la montée en puissance d’une thématique au sein de ces négociations internationales, mais aussi en France, dans le cadre des assises de l’eau : il s’agit évidemment de celle de l’eau, première ressource concernée par le dérèglement climatique, puisque 90 % des catastrophes naturelles lui sont liées. Cette question étant centrale dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre, elle doit être, me semble-t-il, un élément incontournable des plans climatiques.

Cela étant, le choix de la ville minière de Katowice pour la tenue de la COP24 est symbolique. En effet, la Pologne a un mix énergétique qui repose très largement sur le charbon, puisque 80 % de son électricité en provient. C’est aussi le cas dans de nombreux pays émergents. Cette ville incarne ainsi parfaitement les défis de la transition énergétique.

La COP24 sera l’occasion de finaliser les règles de mise en œuvre du pacte sur le climat, notamment concernant la transparence, c’est-à-dire la façon dont les États rendent compte de leurs actions et de leurs résultats. L’épineuse question du financement du réchauffement climatique sera également abordée. Ainsi, le « plan d’action de Katowice pour la transition juste » devrait être adopté.

Madame la secrétaire d’État, à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, nous prenons le sujet du dérèglement climatique très au sérieux. Nous avons auditionné voilà quelques jours Valérie Masson-Delmotte, paléo-climatologue et membre du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC. Venue nous présenter le rapport du GIEC, elle a insisté sur le rôle fondamental de la coopération internationale, mais aussi sur le fait que « le renforcement des capacités des pouvoirs publics nationaux, des collectivités locales, de la société civile, du secteur privé, des populations autochtones [pouvait] porter ces actions ambitieuses qui seraient nécessaires ». En effet, mes chers collègues, n’oublions pas que la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique passent, certes, par les grandes conférences internationales, mais aussi, et avant tout, par les territoires, par le bas, par l’échelon local.

La réussite ne sera possible que grâce aux acteurs de nos territoires, notamment les plus ruraux de ceux-ci. Je pense à l’action des agriculteurs, des associations et, bien sûr, des élus locaux, qui sont au cœur de l’aménagement des territoires et ont un rôle majeur de protection de la nature, particulièrement lorsqu’ils déploient sur le terrain les plans climat-air-énergie territoriaux.

En France, nous avons la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone visant à la neutralité carbone en 2050. À l’échelon de l’Union européenne, parmi les engagements pris, figure le paquet climat-énergie fixant des objectifs pour 2030.

Il est crucial que l’Europe conserve le leadership en matière climatique et puisse, dès la COP24, indiquer qu’elle rehaussera son ambition climatique.

Madame la secrétaire d’État, j’ai plusieurs questions à vous poser.

Quelles sont les propositions concrètes que la France fera au reste du monde pour relever ce défi du XXIe siècle qu’est la transition énergétique ?

Quels sont les objectifs de la diplomatie française à l’occasion de cette COP24 ?

Quel a été l’impact du rapport du GIEC du mois d’octobre dernier sur la stratégie de la délégation française ?

Enfin, la diplomatie française envisage-t-elle de mieux articuler la question climatique avec les deux autres grands enjeux du XXIe siècle, à savoir l’accès aux matières premières et la croissance démographique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie vivement de votre invitation à ce débat. Il est très important pour moi d’être là, car je considère que votre démarche est fondamentale.

Vous le savez, il n’y a pas plus grand défi que la lutte contre le changement climatique. Vous avez notamment cité, monsieur le sénateur, le rapport du GIEC. Plus que jamais, nous savons que nous vivons avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La France, vous avez raison, a une responsabilité particulière, parce que nous avons été les hôtes de l’accord de Paris. C’est ici que ce dernier a vu le jour et c’est sous l’impulsion de la France qu’il a été si rapidement ratifié. C’est aussi maintenant la responsabilité de la France, non seulement d’en défendre l’esprit et de s’assurer de sa mise en œuvre à l’échelle internationale en mobilisant ses partenaires, mais aussi, et surtout, à l’heure où, disons-le franchement, il est parfois menacé, de le rendre irréversible en focalisant l’action sur des objectifs concrets et en mobilisant l’ensemble de la société, pas uniquement les gouvernements.

Tels sont donc les deux objectifs majeurs de la diplomatie climatique française : défendre l’esprit et la mise en œuvre de l’accord de Paris et, surtout, encourager l’action concrète « par le bas », comme disait le sénateur Chevrollier. Même si je ne fais pas mienne cette expression, j’en partage en tout cas l’esprit.

Je souhaite maintenant insister plus en détail sur plusieurs points essentiels de notre diplomatie climatique.

La France mène une diplomatie climatique ambitieuse et elle sera à la hauteur. Elle se mobilise particulièrement en vue de la COP24.

Rappelons d’abord rapidement le contexte climatique dans lequel nous nous situons. Nous sommes actuellement sur une trajectoire d’élévation de la température mondiale moyenne estimée autour de 3 degrés d’ici à 2100. Nous sommes donc très loin des objectifs qui ont été retenus dans l’accord de Paris. Le rapport spécial du GIEC sur le 1,5 degré, dont vous avez entendu parler très récemment, a une nouvelle fois confirmé l’urgence climatique.

Dans ce contexte, la priorité est par conséquent de donner pleinement effet à l’accord de Paris. C’est pourquoi la COP24 est particulièrement importante. C’est même la plus importante après la COP21, puisque doivent y être discutées et décidées les règles d’application de l’accord. Elle doit aussi permettre de relever l’ambition des pays et de revoir à la hausse leurs contributions nationales.

Pour mémoire, l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, initialement prévue en 2020, est intervenue beaucoup plus tôt, il y a deux ans, dès novembre 2016, notamment grâce à l’action de la France, qui a été déterminante non seulement en Europe, mais aussi ailleurs dans le monde. Et la France est encore attendue.

Je sais qu’on a un peu tendance à accuser notre pays de tenir un double discours, ambitieux sur la scène internationale, et moins en interne. Je puis vous dire que tel n’est pas le cas. Notre politique est cohérente. C’est indispensable, car c’est la seule façon pour nous d’être crédibles à l’échelle internationale.

J’ai eu l’occasion de me déplacer aussi bien avec le Président de la République qu’avec le ministre d’État François de Rugy, voire seule, et je peux vous assurer que la voix de la France est spécialement écoutée. Nous sommes attendus et nous ne pouvons pas décevoir.

C’est dans ce cadre-là que nous avançons et que nous rassemblons autant que nous pouvons les différentes parties, notamment dans la perspective de la COP24.

Je le répète, ce sommet a deux objectifs majeurs : la mise en œuvre effective de l’accord de Paris et le rehaussement de l’ambition des États d’ici à 2020.

Pour contribuer au succès de la COP24, la France est aussi particulièrement active au sein de l’Union européenne. Vous le savez, elle négocie non pas seule, mais à travers l’Union européenne, qui négocie en notre nom, multipliant les échanges bilatéraux avec les acteurs clés de la négociation.

Je reviens par exemple aujourd’hui d’un voyage en Chine. Je pense que j’aurai l’occasion de vous en parler plus en détail. Avant cela, j’étais en Inde pour échanger avec nos homologues indiens.

M. Gérard Longuet. Vous n’étiez pas sur les barrages ?

M. Stéphane Ravier. En voilà du carbone ! Vous auriez pu faire des visioconférences !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Eh oui, messieurs, c’est aussi cela la réalité de la transition écologique ! (Sourires.)

J’échange aussi très régulièrement avec M. Kurtyka, le secrétaire d’État polonais chargé de l’environnement, prochain président de la COP24.

La France, je vous le disais, a un rôle moteur et elle est particulièrement engagée dans la perspective de cette COP, comme dans l’action concrète contre le changement climatique.

Quand le président Trump a malheureusement décidé de quitter l’accord de Paris en 2017, le Président de la République a aussitôt lancé le cri de ralliement « make our planet great again » et invité les acteurs internationaux, les associations, les entreprises, les ONG, les collectivités locales à se mobiliser et à prendre des engagements les plus ambitieux possible. Le One Planet Summit a ainsi eu lieu le 12 décembre 2017 à Paris. Il y a eu ensuite une deuxième édition, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

C’est vraiment une plateforme d’action, qui contribue à l’agenda, et qui se veut aussi un vecteur d’accélération du déploiement de la finance verte. Nous devons cependant passer à l’échelon supérieur.

La France est au rendez-vous ; elle continue à mobiliser et à agir, notamment sur la question des 100 milliards de dollars, mais cette somme ne suffira pas pour réaliser la transition écologique dans le monde. Nous le savons, celle-ci nécessite environ 32 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale. Il nous faut donc impérativement mobiliser l’argent privé. Cette somme existe bien quelque part, mais elle est au mauvais endroit.

Nous voulons, je le répète, accélérer le déploiement de la finance verte. C’est tout l’objet de la conclusion que le Président de la République a livrée du One Planet Summit à New York, en appelant, à terme, devant un parterre de chefs d’État, de chefs d’entreprise et de directeurs d’institutions financières, aussi bien publiques que privées, à rediriger 30 % à 40 % des investissements mondiaux vers des projets bas carbone. Nous en reparlerons, j’en suis certaine.

Par ailleurs, au sein de l’Union européenne, la France travaille au rehaussement de l’ambition climatique, et, pour tout dire, franchement, c’est difficile. C’est particulièrement difficile, parce que des États européens se sentent peut-être moins investis, moins responsables, ont moins l’envie de collaborer à l’échelle européenne. Cela ne vous aura pas échappé. La France considère, là aussi, qu’elle doit être au rendez-vous, et plus que jamais moteur sur la question. Nous tentons donc de rassembler, et nous militons activement pour que l’Union européenne affirme son leadership dans les négociations climatiques et fasse preuve aussi d’exemplarité sur son territoire.

Mme la présidente. Madame la secrétaire d’État, vous devez conclure.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. C’est d’autant plus important que la COP24 est perçue à l’échelon international comme une COP européenne. Il faut par conséquent que nous soyons au rendez-vous. Cela ne sera pas facile, mais les différentes briques sont en place.

Pour conclure, je veux vous dire que nous sommes mobilisés sur deux points : les négociations climatiques traditionnelles, au sens anglo-saxon du terme, et l’action. Je me réjouis d’en discuter avec vous aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Débat interactif

Mme la présidente. Mes chers collègues, chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Madame la secrétaire d’État, la fiscalité carbone du Gouvernement provoque la colère d’une grande partie de nos concitoyens, colère dramatiquement exprimée ce week-end. Pourtant, vous l’avez rappelé, l’urgence climatique est là.

Si, par principe, je ne m’opposerai pas à la hausse de la fiscalité sur le carbone, je ne peux que constater une délétère habitude, qui est de toujours ponctionner nos concitoyens plutôt que les activités économiques peu soucieuses de l’environnement. Pendant que nos compatriotes, obligés de rouler parfois 60 à 80 kilomètres par jour pour gagner un SMIC, voient le prix à la pompe augmenter, les exonérations fiscales demeurent pour le transport de marchandises et, pis encore, pour le transport aérien.

Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, le transport aérien est responsable de 3,2 % des émissions mondiales de CO2, un chiffre colossal pour seulement 3,7 milliards de passagers annuels. Chaque passager d’un long courrier consomme autant de carburant que s’il parcourait la même distance tout seul dans une voiture de grosse cylindrée. Pour ce qui concerne un court courrier, la consommation est équivalente à celle d’un petit camion.

Il n’y a pas de mode de transport de passagers plus polluant que l’avion. Or le trafic aérien double tous les quinze ans, et le rythme de 5 % de croissance annuelle sera maintenu pour au moins vingt ans, selon Airbus et Boeing. En cause, le développement des vols low cost, permis notamment par le prix très compétitif du carburant…

En effet, depuis la convention de Chicago de 1944, la taxation du kérosène est interdite sur les vols internationaux. C’est bien une aberration écologique, le plus souvent répercutée, comme en France, sur les vols intérieurs. Conséquence : le trafic aérien est tout simplement exclu des négociations internationales sur le climat et du périmètre des COP. Un comble !

Maigre consolation pourtant : en 2016, après quinze ans de négociations, l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui est une agence de l’ONU, a fini par adopter un accord, largement insuffisant cependant, autorisant le transport aérien à compenser ses émissions croissantes de CO2 en achetant des crédits carbone à d’autres entreprises.

Madame la secrétaire d’État, je pense que vous me voyez venir : pour rétablir un semblant de justice fiscale et conduire une politique de transition écologique cohérente, la France va-t-elle engager des négociations internationales pour mettre fin à l’aberrante exonération fiscale du kérosène ?