M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour répondre à M. le ministre.

Mme Martine Berthet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Vous en convenez, la situation des agriculteurs est préoccupante. Ces derniers comptent sur vous et sur l’évaluation des appels à projets pour que la situation puisse évoluer.

Il est primordial que la transmission des exploitations soit facilitée pour sauver l’agriculture française. On compte aujourd’hui trois départs en retraite pour une installation. La première proposition formulée par les agriculteurs dans le grand débat national concerne précisément la transmission des exploitations.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Allocution de M. le président du Sénat

M. le président. Mes chers collègues, dans ces périodes de désarroi, chacun peut comprendre les souffrances exprimées. La crise que traverse notre pays depuis l’automne dernier montre les fractures auxquelles le Gouvernement, les élus nationaux et les élus locaux doivent répondre : fracture sociale et fracture territoriale, mais aussi crise de confiance.

Face au malaise exprimé par nos concitoyens, chacun essaie de mieux écouter. C’est ce que nous faisons tous actuellement : les maires, élus de proximité, en premier lieu, mais aussi les parlementaires et le Gouvernement.

Toutefois, je veux le réaffirmer solennellement : rien – j’insiste sur ce terme ! – ne justifie le recours à la violence ; rien ne justifie de bafouer l’État de droit ; rien ne justifie les provocations contre la République.

Quand plus aucun symbole n’est respecté, comment s’étonner de la résurgence de comportements que nous pensions définitivement appartenir au passé ? La nausée que nous inspire la résurgence de l’antisémitisme, tout comme les récentes profanations d’églises, renforce notre détermination à ne jamais rien céder quand l’essentiel est en jeu.

Un certain nombre d’élus – députés, sénateurs, élus locaux – ont récemment été victimes d’agressions ou de menaces. Certains ont vu leurs locaux vandalisés. Je veux exprimer ici la solidarité du Sénat à leur égard et adresser un message de soutien tout particulier au président de l’Assemblée nationale, notre collègue Richard Ferrand.

Attaquer des hommes et des femmes qui investissent une grande partie de leur vie dans la défense de l’intérêt général et qui s’engagent au service de leurs concitoyens, c’est nier la démocratie, c’est malmener la République. (Applaudissements prolongés.)

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Article 74 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Explications de vote sur l'ensemble

Croissance et transformation des entreprises

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises (projet n° 28, texte de la commission spéciale n° 255, rapport n° 254, rapport d’information de la commission des affaires européennes n° 207).

Explications de vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
Proclamation du résultat du scrutin public solennel (début)

M. le président. Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il me revient d’ouvrir cette dernière discussion sur le projet de loi PACTE, ce qui est un plaisir et un honneur.

Je rappelle que ce projet de loi a pour objet d’aider les entreprises à se développer, en particulier les PME et les TPE, qui constituent le maillon faible de l’économie française. Il vise à simplifier leur vie administrative, financière et fiscale et à renforcer leurs sources de financement en fonds propres. Il tend aussi – j’y reviendrai – à développer leur « vocation sociale », pour reprendre les termes du rapport Notat.

Trois mois de débats préparatoires, un mois de débats en ligne, une discussion approfondie en commission spéciale à l’Assemblée nationale comme au Sénat, des échanges nourris dans les deux chambres et plus de 1 000 amendements examinés dans cet hémicycle : le travail a été sérieux et approfondi.

Pas moins de 47 articles ont été adoptés conformes, qui sont relatifs notamment au régime du VIE, le volontariat international en entreprise, aux experts-comptables, à la réforme de l’agrément des entreprises solidaires d’utilité sociale, à la création d’une procédure d’opposition aux brevets, ou encore à la représentation plus équilibrée des femmes dans les fonctions exécutives des sociétés.

De façon moins positive, 43 articles ont été supprimés, sur la réforme de la gouvernance de Business France, la limitation à trois du nombre de mandats d’un président de chambre de commerce et d’industrie, ou CCI, l’assouplissement du régime du prêt interentreprises ou encore la suppression de la délégation parlementaire à la sécurité économique, unanimement demandée par l’Assemblée nationale.

Le texte s’est enrichi de 47 articles nouveaux portant notamment sur l’interdiction de la mise à disposition et de l’usage de certains produits en plastique – nous avons eu un long débat sur ce sujet –, la suppression de l’interdiction de la fabrication de certains produits phytopharmaceutiques, l’autorisation, sous conditions, de l’ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche après-midi, ou encore les mesures relatives au réseau des CCI.

De nombreux points de divergence subsistent encore avec l’Assemblée nationale, notamment sur la suppression de l’obligation de stage préalable à l’installation des artisans – les discussions ont été nourries sur ce point –, la réforme de la gouvernance de Business France, le relèvement de 200 à 250 salariés du seuil pour l’obligation de mise à disposition d’un local syndical, ou encore le relèvement à 100 salariés de tous les seuils fixés à 50 salariés dans le code du travail. S’agissant de ces derniers points, le Sénat envoie ainsi deux messages négatifs au monde du travail. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Chers collègues, vous verrez, on vous demandera pourquoi vous avez voté ces dispositions !

Je pourrais citer encore des divergences sur la durée des soldes ou l’adaptation des règles relatives à l’ouverture dominicale des commerces.

Enfin, l’article 44 du texte, qui vise, selon le vocable que l’on privilégie, à ouvrir le capital ou à privatiser ADP, c’est-à-dire Aéroports de Paris, ainsi que La Française des jeux, a suscité de vifs débats et une forte opposition dans cet hémicycle.

Pour ce qui concerne ADP, le Sénat a rayé d’un trait de plume toutes les améliorations que le rapporteur avait apportées au dispositif adopté par l’Assemblée nationale : cahier des charges, conditions de la régulation, surveillance des différents tarifs. Chers collègues, permettez-moi de vous le dire, l’article 44 a été supprimé par une majorité pour le moins hétéroclite. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Bruno Sido. Et alors ?

M. Charles Revet. C’est la preuve qu’il était bien de le faire !

M. Bernard Jomier. C’était dans l’intérêt général !

M. Albéric de Montgolfier. C’est cela, le nouveau monde ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Raison. Monsieur Yung, est-ce ainsi que vous concevez la politique ?

M. Richard Yung. Vous ne faites pas de politique, mais moi oui ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ce n’est pas de la politique, c’est de l’idéologie !

M. Richard Yung. Chers collègues, ce n’est pas parce que l’on crie que l’on a raison !

La suppression de l’article 44, disais-je, a été votée par 124 sénateurs Les Républicains, 20 RDSE, 74 socialistes et 16 CRCE… C’est l’arche de Noé ! (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, revenons à bord… (Sourires.)

M. Richard Yung. Dix sénateurs Les Républicains et les trois quarts des sénateurs de l’Union Centriste ont toutefois voté cet article.

S’agissant de La Française des jeux, nous n’avons pas compris…

M. Philippe Dallier. Ce n’est pas grave ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Richard Yung. … en quoi cette entreprise engageait des orientations stratégiques, ni pourquoi vous n’avez pas pris en compte les 20 000 buralistes, qui pourront devenir actionnaires, ainsi que la possibilité d’homogénéiser et de concentrer la régulation.

Pour toutes ces raisons, il me semble difficile de parvenir à un accord avec l’Assemblée nationale. (Exclamations.)

M. Rachid Temal. Avec le groupe La République En Marche de l’Assemblée nationale, plutôt !

M. Richard Yung. Je le souhaite, mais je n’y crois guère.

M. Jean-François Husson, rapporteur de la commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Il faut y croire !

M. Richard Yung. Je doute en effet que les deux bords de cet hémicycle soient prêts à faire les compromis nécessaires. (M. Martin Lévrier applaudit. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Je le regrette, car le texte comporte d’excellentes avancées, qui ne seront malheureusement pas mises en valeur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe La République En Marche ne votera pas le texte issu du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de plus de deux cents articles aurait pu être découpé en au moins dix projets de loi, comme le prouvent les nombreuses et longues interventions qui ont eu lieu au début de chaque article essentiel – il y en a même eu une, relative à la privatisation d’ADP, qui ressemblait davantage à un meeting de campagne macronien qu’à une prise de parole sur article…

Pour notre part, nous sommes heureux qu’une majorité d’idées se soit dégagée pour refuser la privatisation et le bradage du monopole naturel que constitue ADP. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)

M. Fabien Gay. Monsieur Yung, ce n’est pas une majorité hétéroclite qui s’est exprimée, mais une large majorité d’idées, pour défendre l’intérêt général. Voilà ce qui s’est passé, tout simplement ! (Mêmes mouvements.)

Après le scandale des autoroutes, celui de l’aéroport de Toulouse-Blagnac et celui à venir de nos barrages hydroélectriques, voilà un premier coup d’arrêt dans la vente de nos actifs dans des secteurs stratégiques de l’État. Non, en France, tout n’est pas à vendre, surtout pour aller engraisser quelques multinationales comme Vinci ! (M. le ministre de léconomie et des finances manifeste sa désapprobation.)

Mes chers collègues, rendez-vous le 7 mars prochain : dans le cadre de son ordre du jour réservé, le groupe CRCE vous proposera de renationaliser les autoroutes… (Exclamations.)

Mme Sophie Primas. N’exagérons rien !

M. Fabien Gay. Quant à vous, monsieur le ministre, il vous faudra respecter la voix du Sénat. Il est inconcevable, dans le moment politique que nous traversons, que vous puissiez passer outre cette quasi-unanimité. Envoyer un message contraire serait désastreux, au moment où vous prônez le dialogue partout dans le pays.

Nous vous faisons une proposition : sortez de ce projet de loi les privatisations et intégrez cette question dans le grand débat national. Êtes-vous d’accord pour que l’État continue à céder des parts pour engraisser le privé ? Et comme vous êtes en train de réfléchir à un référendum à questions multiples, n’hésitez pas à poser cette question, à côté de celles qui porteront sur l’augmentation des salaires et le rétablissement de l’ISF !

M. Fabien Gay. Pour le reste du texte, il y a un fil rouge cohérent : amplifier, sous couvert de vouloir « moderniser et simplifier », le détricotage du code du travail. En réalité, vous voulez créer un nouveau western social, où la loi du plus fort deviendra la norme. Par exemple, en deux cents articles, il n’y a aucun droit nouveau pour les salariés ! L’entreprise serait au cœur de votre projet de loi, mais pas les entrepreneurs, ni les salariés, ni les sous-traitants, ni les collectivités territoriales !

Comment comprendre qu’un certain nombre de nos amendements répondant à l’intérêt général, faisant écho à la crise sociale que nous traversons et en lien avec le texte aient été déclarés irrecevables ou refusés ?

Augmenter le SMIC ? Pas à l’ordre du jour ! Augmenter les salaires ? Pas à l’ordre du jour ! Donner un droit d’intervention aux salariés ? Pas question, irrecevable ! Conditionner le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ? Pas de réponse ! Apporter de la transparence et encadrer les rémunérations des hauts revenus et les dividendes ? Votre réponse : « Vous n’y pensez pas, nous ne sommes pas en Union soviétique ! » (Sourires.)

Mme Françoise Gatel. C’est vrai !

M. Fabien Gay. Au terme de cette discussion, on ne sait plus, in fine, si ce texte sert l’intérêt général ou des intérêts particuliers !

Comment comprendre que nous ayons passé près de deux heures de débat pour renforcer la place de Paris au bénéfice de quelques centaines de traders londoniens qui seraient tentés de venir chez nous en raison du Brexit, alors que nous n’avons, à aucun moment, traité de la question de la relation entre donneurs d’ordres et entreprises sous-traitantes ? Pourtant, cette question concerne directement nos TPE et nos PME, qui, elles, représentent des centaines de milliers d’emplois dans le pays.

Les dégâts sont énormes avec ce nouveau texte : financiarisation accrue des entreprises, renforcement du secret des affaires via l’opacité des comptes, attaques contre nos mécanismes nationaux de solidarité et fragilisation des droits des salariés, changements de gouvernance pour la Caisse des dépôts et consignations et La Poste, ou encore casse des seuils sociaux.

Le Medef en rêvait, la droite ne l’avait pas fait, vous l’avez enfin réalisé ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Mettre à bas les seuils sociaux ! Cette mesure devrait autant participer à la création emploi que le CICE, c’est-à-dire à un niveau proche de zéro. (M. le ministre fait un geste de dénégation.) Mais vous avez réussi à faire croire que la présence syndicale, la représentation des salariés, un certain nombre de droits qui leur seraient concédés et les cotisations sociales constitueraient un frein au dynamisme de nos entreprises et à l’emploi.

C’est d’autant plus dogmatique que, en 2017, les 47 % d’entreprises interrogées par l’INSEE déclarant rencontrer des « barrières à l’embauche » les associaient davantage à l’incertitude sur la situation économique et à la difficulté de trouver une main-d’œuvre qualifiée qu’à la suppression des seuils sociaux.

Un jour, monsieur le ministre, il faudra nous dire quelle est votre vision de la société. Une société où il n’y a en fait qu’une seule règle : l’absence de règles ! Vous prolongez les mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et vous détruisez notre système de solidarité nationale. Pour vous, la protection des salariés et les cotisations sociales sont insupportables et deviennent des obligations, des règles, des contraintes, dont les entreprises devraient être libérées, car elles empêcheraient l’embauche dans notre pays.

Pourtant, nous devrions être fiers de notre modèle social et le défendre plutôt que tout faire pour le tuer à petit feu. Le monde entier nous l’envie ! Les cotisations sociales permettent de remplir les caisses de la sécurité sociale, et nous savons bien qu’un salarié bien soigné et bénéficiant d’une protection sociale est un salarié compétitif.

Enfin, sur nombre d’articles, votre texte tombe à plat. Vous parlez d’intéressement et de participation sans parler de partage de richesses ni de salaires. Nous avons travaillé sur une légère refonte de l’épargne retraite, alors que, en ce moment même, M. Delevoye conduit une consultation pour mettre à bas notre système par répartition.

Vous évoquez le statut d’auto-entrepreneur sans, à aucun moment, mentionner le fait que ce statut est dévoyé par des plateformes comme Uber ou Deliveroo pour exploiter des jeunes sans protection sociale. Heureusement que, parfois, les tribunaux vont plus vite que le législateur pour considérer que ces jeunes sont des salariés à part entière.

Votre texte, monsieur le ministre, connaîtra le même sort que les cinq derniers qui étaient relatifs aux entreprises : il ne résoudra rien ! Au contraire, il aurait fallu écouter le murmure qui monte dans le pays : « Partagez le gâteau ! Partagez le gâteau ! Partagez le gâteau ! »

M. Bruno Sido. Quel gâteau ?

M. Vincent Éblé. Et la cerise ?… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Fabien Gay. Je ne sais pas si c’est pour demain ou pour après-demain, mais ce jour arrive à grands pas. Les peuples en ont assez de souffrir pendant que d’autres accumulent des richesses. Alors, continuez à ne pas voir que ce système libéral s’écroule sous vos yeux et que l’espoir est revenu !

Comme le dit le poète Gibran Khalil Gibran, « les fleurs du printemps sont les rêves de l’hiver racontés le matin à la table des anges ». (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Que vienne vite ce printemps pour tous les peuples !

Le groupe CRCE votera contre ce texte. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi avait pour ambition de transformer notre économie. Cette ambition est louable, mais encore faut-il clairement identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans notre système. Et c’est peut-être là que le bât blesse !

Dans ce débat, le Sénat a eu un rôle essentiel : supprimer les privatisations d’ADP et de La Française des jeux. C’est vraiment une avancée essentielle, qui a été obtenue après des journées et des soirées de débats. En ce qui me concerne, je trouve très intéressant que la gauche et la droite défendent ensemble l’intérêt national, lorsqu’il s’agit de pépites publiques comme ces deux entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.)

La chambre haute, chambre des territoires, avec ses contradictions…

M. Julien Bargeton. C’est sûr !

M. Martial Bourquin. … et avec ses différents courants de pensée, a voulu, à une large majorité, garder dans le giron de l’État ces deux grandes entreprises publiques.

Nous, sénateurs socialistes, pensons profondément que privatiser des entreprises publiques florissantes, c’est privatiser des rentes !

M. Jean-François Husson, rapporteur. Et vous ne l’avez jamais fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Martial Bourquin. Ces rentes doivent revenir à l’État et peuvent permettre à notre économie, monsieur le ministre, d’être plus innovante ! On ne vend pas des bijoux de famille à des intérêts privés. Ces privatisations sont une aberration économique et une erreur politique. Certes, je sais bien que, après l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, on peut être tenté de faire un cadeau royal à Vinci, mais cela ne servirait pas l’intérêt national ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)

Dans les courriers relatifs au grand débat et lors de nos discussions avec les « gilets jaunes » reviennent sans cesse des reproches liés au bradage d’intérêts stratégiques, aux privatisations ratées des autoroutes et de l’aéroport de Toulouse et à l’abandon de notre industrie. En privatisant ses entreprises, la France perd la maitrise de son destin et de ses moyens d’action.

Monsieur le ministre, nous pensons que ce projet de loi PACTE est une occasion manquée. Nous regrettons que nos amendements, ambitieux, aient été rejetés. Ils visaient notamment à redéfinir l’entreprise du XXIsiècle et à créer une véritable codétermination avec les salariés. Nous pensons que le salarié doit être le sujet de la transformation de l’entreprise et du monde du travail, pas son objet !

Nous regrettons aussi l’acharnement contre l’économie sociale et solidaire, qui est symptomatique du caractère néolibéral de ce projet de loi. À l’heure où la sauvegarde de notre planète est devenue une priorité, les insuffisances de ce texte quant à l’environnement et au développement durable sont tout à fait incompréhensibles.

Monsieur le ministre, vous demandez aux salariés de participer au financement de l’investissement, alors que vous ne prenez aucune mesure contre les impressionnants dividendes des entreprises du CAC 40, qui ne participent pas, ou si peu, à l’investissement. Vous avez refusé de limiter les hauts salaires, qui sont un vrai scandale, mettent à mal notre cohésion sociale et renforcent le sentiment d’injustice.

La désindustrialisation est toujours en marche, malheureusement ! Et même si les « marcheurs » dirigent l’État, elle se poursuit, implacablement et inexorablement. J’ai une liste, longue, d’entreprises, notamment dans les Hauts-de-France, en Franche-Comté et dans plusieurs autres bassins industriels, qui connaissent de graves difficultés.

Le Gouvernement n’a pas de politique industrielle ! Nous l’avons dit à plusieurs reprises, et c’est vraiment dommage, parce que, face au Made in China ou au « Rendre sa grandeur à l’Amérique », il est plus que jamais nécessaire d’avoir un État stratège et une Europe capable de rivaliser avec ces deux continents.

Monsieur le ministre, ce gouvernement fait sans cesse référence à l’Allemagne, notre modèle économique, mais que fait ce pays aujourd’hui ? Après l’échec de Kuka, il a décidé de protéger ses entreprises stratégiques, en ramenant à 10 % du capital, contre 25 % auparavant, le seuil lui permettant de mettre à l’étude ou de bloquer des acquisitions étrangères dans des entreprises allemandes. Et nous, nous faisons tout l’inverse, en nous retirant de nombreuses entreprises stratégiques, dont l’État est actionnaire.

Il est plus que jamais nécessaire de mener un débat sur cette question et, plus généralement, sur la politique industrielle de notre pays. Il faut laisser les choix ouverts en matière de technologie industrielle, par exemple dans le secteur de l’automobile. Le tout-diesel a été un choix politique ; on va dorénavant nous imposer le tout-électrique ! Un tiers de nos sites industriels et les emplois qui vont avec risquent ainsi de disparaître. Sur ces questions, nous n’avons malheureusement pas eu beaucoup de débats.

En conclusion, le groupe socialiste et républicain, malgré quelques avancées sur la sauvegarde du stage de préparation à l’installation pour les artisans et l’adoption de nos amendements visant à mieux protéger les consommateurs, votera contre ce projet de loi.

Monsieur le ministre, nous avons une plus haute ambition pour nos entreprises et l’avenir économique de notre pays. Nous pensons que de nouvelles régulations doivent s’imposer, avec un État stratège omniprésent. Ce dernier prendrait tout de suite en main la question d’Alstom, dont le projet a été refusé par la commission européenne, en proposant une solution française, afin de garder cette pépite, qui est une entreprise stratégique.

Ce projet de loi oublie également les TPE et les PME, qui en sont finalement les grandes perdantes – je pense notamment à la mise en cause de l’allotissement, qui était une avancée considérable proposée par l’Union européenne.

Je le répète, nous voterons contre ce projet et nous sommes heureux d’avoir évité qu’ADP et La Française des jeux ne soient privatisées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Bruno Sido. C’est un peu facile…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans la discussion générale, j’avais fait part de l’accueil favorable de ce texte par le groupe du RDSE, avec, bien sûr, quelques réserves, et en espérant que des améliorations et des enrichissements puissent être apportés par notre assemblée.

L’une des difficultés rencontrées portait sur le champ extrêmement large de ce texte, ce qui a pu nuire à l’identification d’une ligne directrice claire. À mon sens, la cession des participations publiques et la gouvernance des grands groupes publics comme la Caisse des dépôts et consignations et La Poste auraient pu faire l’objet d’un texte distinct ; cela aurait été plus clair et plus cohérent.

Sur l’ensemble, on ne pouvait que se féliciter des objectifs annoncés de transformation économique avec plus de liberté, de simplicité et d’efficacité pour les entreprises et les entrepreneurs.

Finalement, le texte qui nous est proposé aujourd’hui répond-il à ces objectifs et a-t-il été vraiment amélioré pendant ces deux semaines de débat ? Permettez-moi d’en douter.

Si le Sénat, par le texte adopté par sa commission spéciale ou par la voie d’amendements, a apporté un certain nombre de précisions utiles et d’enrichissements pertinents, ceux-ci concernent principalement des aspects techniques et ne portent pas sur l’essentiel.

Il est impossible de balayer l’ensemble des thèmes abordés. Je n’évoquerai donc que ceux qui ont le plus animé les débats.

En premier lieu, la cession et la modification du régime juridique d’Aéroports de Paris, approuvées avec un encadrement plus strict par la commission spéciale – je lui rends d’ailleurs hommage, parce que son travail était difficile –, ont finalement été rejetées par la majorité de notre assemblée, avec, au passage, quelques moments de flottement durant le débat, reconnaissons-le.