M. Bruno Sido. Et alors ?

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Comme ce chiffre englobe l’ensemble des acquisitions, y compris les véhicules qui servent à des missions opérationnelles, on ne parvient pas à savoir si l’État respecte ses engagements en application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Madame la ministre, pourriez-vous apporter une réponse à la question écrite que j’ai adressée au Gouvernement ?

M. Bruno Sido. Bien joué ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. On peut effectivement engager ce débat. Je n’ai pas le détail de tous les chiffres, mais je peux vous dire que, aujourd’hui, l’État acquiert – puisque les obligations portent sur les achats et non sur le stock – 11 % de véhicules diesel, 15 % de véhicules électriques, 6,5 % de véhicules hybrides rechargeables, et 67 % de véhicules essence.

Cela étant, dans le cadre de la démarche « État exemplaire », le Gouvernement est en train d’instituer un suivi parfaitement transparent de ces chiffres.

Article additionnel avant l'article 26 - Amendements n° 727 rectifié bis et  n° 882 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel avant l'article 26 - Amendements n° 33 rectifié bis et n° 434 rectifié bis

Mme la présidente. L’amendement n° 65 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mmes Canayer et Morhet-Richaud, MM. A. Marc et Danesi, Mmes Deromedi et Bruguière, MM. Détraigne, Hugonet, Lefèvre et Moga, Mme Duranton, M. Cuypers, Mme Micouleau, MM. Longeot, Henno, Daubresse, Piednoir, Laménie et del Picchia, Mmes Lassarade et M. Mercier, MM. Vogel et Paccaud, Mme Goy-Chavent, MM. Charon et Decool, Mme Lopez, MM. H. Leroy et Janssens et Mmes A.M. Bertrand, Raimond-Pavero, Billon, Imbert et Noël, est ainsi libellé :

Avant l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au premier alinéa de l’article 265 sexies du code des douanes, après les mots : « d’identification 11 », sont insérés les mots : « et au butane et propane repris aux indices d’identification 30 ter et 31 ter ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Les taxis bénéficient aujourd’hui du remboursement d’une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, applicable uniquement au gazole et au supercarburant utilisés pour les besoins de leur activité professionnelle. Les conditions de ce remboursement sont définies à l’article 265 sexies du code des douanes.

Pour atteindre les objectifs environnementaux et sanitaires de l’État, il convient d’orienter les incitations pour encourager l’adoption de solutions alternatives et le développement d’un parc moins polluant.

Cet amendement a pour objet d’inciter les taxis à utiliser le gaz de pétrole liquéfié, le GPL, en élargissant à ce carburant le remboursement d’une fraction de la TICPE. Le GPL est une solution facile à adopter pour réduire les émissions de CO2 et de polluants locaux. Dans des conditions réelles de circulation, un véhicule GPL n’émet pratiquement pas de particules. Il contribue ainsi aux objectifs fixés en matière d’amélioration de la qualité de l’air et de réduction d’émissions de CO2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Le GPL bénéficie déjà d’une fiscalité avantageuse, à commencer par une taxe sur les carburants bien inférieure à celle qui est applicable au gazole ou à l’essence : 20,71 euros pour 100 kilogrammes nets contre 59,40 euros par hectolitre pour le gazole et 68,29 euros par hectolitre pour l’essence. Aussi, son prix à la pompe s’élève à 80 centimes d’euros environ par litre, contre 1,50 à 1,60 euro environ pour le gazole ou l’essence. Si on fait le même calcul pour les taxis, qui bénéficient d’un régime spécial de dégrèvement sur le gazole et l’essence, cela reste intéressant de rouler au GPL.

En outre, je ne vois pas pourquoi on étendrait ce remboursement au GPL et pas à d’autres carburants, comme l’éthanol E85 ou le gaz naturel pour véhicule, le GNV, par exemple.

La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi elle y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 65 rectifié quinquies est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Je remercie le rapporteur de ces précisions et retire mon amendement, madame la présidente.

Article additionnel avant l'article 26 - Amendement n° 65 rectifié quinquies
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article additionnel avant l'article 26 - Amendements n° 33 rectifié ter et n° 434 rectifié ter

Mme la présidente. L’amendement n° 65 rectifié quinquies est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Longeot, Mmes Vullien, Vermeillet et Billon, MM. Moga et Canevet, Mme Tetuanui, MM. Détraigne et Bockel, Mme Sollogoub et MM. Delcros, Cigolotti et Médevielle, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités pratiques d’un programme de soutien public pour l’émergence de filières françaises de biocarburants aéronautiques.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions relatives à la promotion d’un transport aérien plus propre

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. La filière aéronautique française est confrontée à un enjeu de taille : faire face au doublement du trafic prévu dans les trente prochaines années, tout en luttant contre le changement climatique.

Or, parmi les différentes solutions qui ont émergé pour un transport aérien plus respectueux de l’environnement, les biocarburants sont une solution incontournable. Le Gouvernement l’a d’ailleurs reconnu en s’engageant à mettre en place une filière biokérosène en coopération avec Air France, Airbus, Safran, Suez et Total. La France a en effet un rôle primordial à jouer. Les grands groupes évoqués, tout comme les start-up françaises innovantes, proposent des solutions complémentaires pour développer ce marché, contribuer à verdir le transport aérien et à créer des emplois.

Le présent amendement vise à ne pas mettre de côté le transport aérien et à poursuivre la dynamique engagée, en demandant au Gouvernement, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, de remettre au Parlement un rapport sur les modalités pratiques d’un programme de soutien public pour l’émergence de filières françaises de biocarburant aéronautique.

Mme la présidente. L’amendement n° 434 rectifié bis, présenté par MM. Fouché, A. Marc, Wattebled, Bignon, Guerriau, Decool et Chasseing, Mmes de Cidrac et Vullien, MM. Bonnecarrère et Moga, Mme Duranton, MM. Henno et Laménie, Mme Procaccia, M. Babary, Mme Raimond-Pavero et M. Grand, est ainsi libellé :

Avant l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les modalités pratiques d’un programme de soutien public pour l’émergence de filières françaises de biocarburants aéronautiques.

La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Cet amendement a pour objet de promouvoir les mobilités propres.

Le projet de loi que nous examinons comporte des mesures ambitieuses pour le développement durable des différentes mobilités. Or, parmi les différentes solutions qui ont émergé pour un transport aérien plus respectueux de l’environnement, les biocarburants font maintenant figure de solution incontournable.

Le Gouvernement a d’ailleurs lancé une feuille de route française pour les biocarburants aéronautiques. La mise en place d’un mécanisme de soutien à la demande, pour assurer l’émergence d’un marché pérenne, est bien identifiée comme une condition nécessaire à ce développement.

La France a un rôle primordial à jouer dans ce domaine. De grands groupes, comme des start-up françaises innovantes, proposent des solutions complémentaires pour développer ce marché et contribuer au verdissement du transport aérien. Des usines de production en France, dans des zones rurales, permettraient de créer des centaines d’emplois, d’assurer des débouchés pour les résidus des industries agricoles et forestières ou de la biomasse ligno-cellulosique, et de revitaliser ainsi une partie de nos territoires. Nous serions aussi en phase avec les principes de l’économie circulaire en faisant en sorte d’approvisionner directement plusieurs aéroports depuis des usines de proximité.

Les défis sont nombreux et les acteurs économiques ont besoin de confiance pour continuer à investir et bâtir ces usines capables de fournir les quantités suffisantes de biocarburants. Ces acteurs attendent donc avec impatience les détails pratiques d’un accompagnement public pour l’émergence de cette filière.

Je souhaite vraiment que cet amendement, essentiel pour le développement durable et la planète, soit adopté : on fait de gros efforts aujourd’hui en ce qui concerne l’automobile et les véhicules terrestres à moteur et, à l’inverse, pas grand-chose pour l’aviation, qui est pourtant très polluante à cause du kérosène.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Mandelli, rapporteur. Sur la forme, la commission a déjà eu l’occasion, à maintes reprises, d’indiquer qu’elle n’était pas favorable aux demandes de rapports.

Cela étant, sur le fond, les auteurs de ces amendements posent une question essentielle, celle de la décarbonation du transport aérien, pour laquelle nous disposons aujourd’hui de très peu de leviers d’intervention, si l’on excepte des solutions à plus long terme telles que les avions solaires.

Avec la mise en service d’appareils de moins en moins consommateurs d’énergie, le développement de carburants alternatifs aux carburants fossiles est certainement l’une des pistes à explorer. C’est d’autant plus souhaitable que nos filières agricoles françaises sont très bien placées pour y contribuer.

Une fois que le Gouvernement nous aura précisé ses intentions en la matière, j’inviterai malgré tout au retrait de ces amendements ; à défaut la commission y sera défavorable, pour les raisons de forme que je viens d’évoquer, et même si je reconnais le caractère primordial de la réflexion engagée par l’ensemble des acteurs du transport aérien eux-mêmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je partage naturellement la préoccupation des auteurs de ces amendements, à savoir que le transport aérien prenne toute sa part dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre du grand débat, on sent bien qu’il existe une attente forte en matière de justice : le fait de s’assurer que le secteur aérien contribue pleinement à cet objectif y participe.

Je voudrais souligner que le secteur du transport aérien est de fait le premier secteur à s’être doté d’un mécanisme mondial de plafonnement des émissions de gaz à effet de serre avec l’accord Corsia, pour Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation, auquel la plupart des pays ont adhéré de façon volontaire, et qui associera progressivement l’ensemble des pays. Cet accord prévoit le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre au niveau qu’elles auront atteint en 2020, quelle que soit la croissance du trafic aérien.

Par ailleurs, il existe un marché ETS – Emissions Trading Schemes – marché du carbone à l’échelle européenne, qui vise aussi à maîtriser les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : il faudra défendre l’idée d’un renforcement des exigences au niveau de ce mécanisme ETS, l’Europe étant le bon échelon pour aller plus loin – le niveau idéal est celui de la planète, mais on voit bien qu’un certain nombre de partenaires, je pense à la Chine ou aux États-Unis, ne sont pas volontaires pour aller au-delà de l’accord Corsia.

Parmi les leviers permettant de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur, il y a ceux qu’a mentionnés M. le rapporteur, comme l’amélioration des motorisations, les hybridations demain, les avions à hydrogène sans doute à un horizon plus lointain, mais il y a aussi le développement des biocarburants pour l’aéronautique, qui constitue certainement un enjeu très important.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé lors de la clôture des Assises du transport aérien, le 8 mars dernier, que nous allions élaborer une feuille de route pour le développement des biocarburants, afin d’aider la filière aéronautique à se structurer et à élaborer un calendrier réaliste de déploiement de cette solution. Le premier objectif est d’imposer 2 % de biocarburants dans le secteur aérien en 2025.

Le travail est en cours. Le cas échéant, je pourrai vous en présenter l’avancement. Nous n’en sommes plus à produire des rapports, mais à avancer sur l’élaboration d’une feuille de route sur les biocarburants. C’est pourquoi je demande aux auteurs de ces amendements de les retirer.

Mme la présidente. Monsieur Longeot, l’amendement n° 33 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu les propos du rapporteur et de la ministre. Ce projet de loi comporte des mesures ambitieuses pour le développement durable, qui concernent les mobilités routière ou ferroviaire : le transport aérien ne doit pas en être exclu. Au-delà du rapport demandé au Gouvernement, il faudrait quand même que l’on prenne un jour les choses en main : je maintiens donc mon amendement.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur Fouché, l’amendement n° 434 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Fouché. J’ai entendu M. le rapporteur parler du solaire. J’ai justement eu l’occasion de recevoir M. Piccard, qui a fait le tour du monde en avion solaire. Je vous invite à venir au Futuroscope voir le film consacré à son exploit : vous verrez, c’est très bien. Mais ce n’est pas pour autant que, demain, les gros transporteurs pourront utiliser cette énergie et que l’on fera le tour du monde grâce au solaire !

J’ai bien entendu vos propos, madame la ministre, mais je crois qu’il faut être plus déterminé et aller plus vite. Je maintiens également mon amendement, qui est un amendement d’appel.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je remercie mes collègues d’avoir maintenu leurs amendements, ce qui me permet de prendre la parole, que je demande depuis quelque temps !

J’ai essayé d’expliquer qu’il y avait électricité et électricité, hydrogène et hydrogène. Je regrette, dans tous ces amendements adoptés à l’instant, que l’on ne distingue pas l’électricité durable ou, au moins, peu émettrice de gaz à effet de serre…

M. Gérard Longuet. Décarbonée !

M. Bruno Sido. … comme le nucléaire – merci, monsieur Longuet ! L’hydrogène, aujourd’hui, est essentiellement issu du craquage du méthane et on ne parle jamais d’hydrogène durable, alors que c’est très important !

Enfin, je voudrais répondre à M. le président de la commission – mais on ne parle pas après un président… – qu’il est moderne, aujourd’hui, de faire du diesel bashing. Je fais tout de même remarquer que, à vitesse égale, on dégage moins de gaz à effet de serre avec le diesel qu’avec l’essence, puisque le diesel consomme moins. Quant aux particules, avec les filtres actuels, on émet beaucoup moins de particules, quasiment plus avec le diesel et les voitures modernes.

J’en reviens à l’aviation, et je m’adresse directement à Mme la ministre. Je suis issu, avec M. Longuet, d’un département, la Meuse, qui avait travaillé avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, sur un projet visant à reprendre le procédé Fischer-Tropsch, du nom de deux chimistes allemands bien connus qui ont permis de faire la synthèse du diesel grâce au charbon – dans le cas qui nous intéresse, c’était grâce au bois. Le CEA a réussi à créer cette première « brique », c’est-à-dire à fluidifier le bois et, une fois qu’il a été très finement moulu, avec ce procédé Fischer-Tropsch, à faire du gaz. Et à partir du gaz, on revenait à l’étape précédente et le problème était résolu.

Faute de moyens, le CEA a dû arrêter. Je vous propose, à partir du bois, de créer un kérosène particulièrement pur, apprécié par les motoristes de l’aviation, tant civile que militaire. Il y a là un vrai projet. Il faudrait aider le CEA à poursuivre cette expérience et voir si elle permet une production dans des conditions économiques raisonnables, en utilisant le procédé Fischer-Tropsch.

Mme la présidente. Merci de votre patience, monsieur Sido !

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je soutiens tout à fait les demandes de rapport. Le débat sur les rapports est très fréquent dans cet hémicycle, mais nous n’avons toujours aucune règle du jeu claire entre nous. Selon moi, il faut peu de rapports et être extrêmement fermes sur la qualité du petit nombre de rapports que l’on demanderait. Cela fait partie des sujets sur lesquels on a besoin de comprendre les grands enjeux, aujourd’hui, en termes quantitatifs.

En effet, Corsia est souvent mis en avant comme bouclier par le secteur du transport aérien pour dire qu’il va faire tous les efforts. Tout d’abord, Corsia est une réponse au système européen d’échange de quotas d’émission, ETS, mais on ne voit pas bien l’emboîtement aujourd’hui entre l’ETS européen et Corsia. C’est effectivement en raison d’un lobbying extrêmement féroce de la Chine contre la mise en place de l’ETS européen qu’a eu lieu en 2016, à Montréal, l’annonce de Corsia.

Nous souhaiterions avoir de bonnes indications sur l’imbrication entre le système ETS européen et Corsia, d’autant que, derrière, il y a cette question des biocarburants. Si jamais l’aviation mondiale vole à l’huile de palme, il n’y aura plus une seule forêt tropicale dans le monde et on grillera encore plus vite ! D’un point de vue quantitatif, puisque c’est bien le lobby de l’huile de palme qui est derrière les promoteurs de Corsia à l’échelle internationale, les capacités de production ne sont absolument pas suffisantes. Je le rappelle, l’huile de palme a d’abord une fonction alimentaire, et on est en train de jouer avec le feu en créant d’autres utilisations.

Quant à notre propre production de biocarburants à partir d’une production qui serait, elle, totalement durable, sera-t-elle suffisante pour l’aviation ? J’en doute, et c’est pourquoi je pense que, si rapport il y a, il doit d’abord porter sur les aspects quantitatifs.

Je suis d’accord avec Bruno Sido, on peut produire des biocarburants de bonne qualité pour l’aviation, mais rien ne dit que leur quantité sera suffisante. Dans tous les cas, on doit se doter d’une stratégie pour que, face à une offre alternative de déplacement rapide, notamment le TGV, les voyageurs ne prennent pas l’avion uniquement parce qu’il est moins cher, alors que l’avion ne paie pas la totalité de ses externalités.

En conséquence, il faut augmenter le prix de la taxation des externalités carbone de l’aviation. On entend bien la volonté d’aboutir au niveau européen. En cas d’échec, il suffit, je vous l’ai déjà dit, madame la ministre, de faire en sorte que la taxe Chirac soit adossée au prix de la taxe carbone, la contribution climat-énergie.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Dans le même sens que M. Dantec, je pense qu’il n’y a pas de moyen de transport propre, mis à part, peut-être, la marche et le vélo. Il faut partir de là.

Le développement des biocarburants peut être alléchant. On connaît des exemples intéressants sur la méthanisation : à partir du moment où l’on utilise les déchets agricoles, cela peut rendre quelques services. Mais se lancer en disant que, par le biocarburant, on va pouvoir servir l’aviation, cela me fait très peur ! Comme cela a été dit, il peut s’agir de l’huile de palme. Or nous allons devoir nourrir dix milliards de personnes. Pour y parvenir, la sauvegarde des terres agricoles me paraît très importante.

J’ai entendu que l’on pourrait partir de la forêt avec l’utilisation du bois. Cela soulève une vraie question sur la gestion des ressources et des forêts, notamment les forêts qui captent du carbone ; si on le relâche trop rapidement dans l’atmosphère, on aura tout perdu !

Un rapport ? Pourquoi pas, mais qu’il soit orienté vers ces questions.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous allons soutenir ces deux amendements, qui sont similaires, pour une raison très simple. Madame la ministre, vous avez dit : « Il faudra porter ce combat au niveau européen. C’est la bonne échelle… » Or plus nous aurons d’éléments pour asseoir notre position et mieux cela vaudra. Nous pouvons manquer d’outils, et un rapport au Parlement sera très utile, d’autant que nous ne pourrons pas créer une commission d’enquête ou une commission d’information sur tous les sujets qui nous intéressent. Nous voterons donc ces amendements.

M. Alain Fouché. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Mme Josiane Costes. Madame la ministre, le transport aérien est absolument indispensable pour le désenclavement de nos territoires, et il est appelé à se développer. Donc, je soutiendrai évidemment ces dispositions en faveur de l’utilisation de carburants de moins en moins polluants. Nous ne voudrions pas que désenclavement rime avec pollution.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Le sujet est tout à fait intéressant. On n’en est pas au point où l’on fabriquera tellement de biocarburants qu’on va affamer la planète. Au contraire, autour des biotechnologies, qu’il s’agisse de la voie fermentaire, des biotechnologies blanches ou d’autres possibilités, telles que celle qui a été exposée par Bruno Sido, il y a encore de la recherche, du développement à faire pour déboucher sur l’utilisation de déchets de bois. On en trouve chez nous, car la forêt française est actuellement sous-exploitée. Et l’on n’est pas près de détruire une telle quantité d’arbres que le processus de photosynthèse s’interrompe…

De plus, si l’on veut, afin d’améliorer les pratiques culturales, faire trois récoltes en deux ans ou envisager des cultures intermédiaires pour capter l’azote du sol, on sera peut-être bien content de les transformer en biocarburants. Il faut donc continuer à travailler, me semble-t-il, dans ce domaine-là.

Par ailleurs, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Opecst, est tout de même intéressant, car on voit bien que l’énergie électrique soulève le problème des batteries et de leur élimination. On ne sait pas, aujourd’hui, comment on va les recycler. Des filières commencent à s’occuper du recyclage, mais, comme indiqué dans le rapport, il faut encore définir des critères de qualité environnementale pour ces batteries. Il faudra également définir dès à présent des critères d’exigence en termes de performance de recyclage pour protéger cette industrie naissante. Donc, on en est déjà à fabriquer des voitures électriques dont on ne sait pas recycler entièrement les éléments.

Il faut travailler sur des voies parallèles. Il convient de continuer ces développements autour des biotechnologies, de la transformation de la biomasse, voire des déchets ménagers ou des autres cultures. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai, exceptionnellement, une demande de rapport, qui éclaircira peut-être nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Mandelli, rapporteur. Au vu de l’ensemble de ces interventions, je vous propose d’adopter cette demande de rapport, mais avec une rédaction un peu différente. Puisque le débat tourne autour des biocarburants, qui sont le cœur du sujet, je vous propose de rectifier cette proposition en précisant qu’il s’agit d’un rapport sur « la décarbonation du transport aérien ». On pourrait même, si vous le souhaitez, ajouter le terme « maritime ». Ces deux sujets, les émissions des transports maritime et aérien, comparées à celles de l’automobile, ont fait l’objet de nombreuses réactions de nos concitoyens depuis quelques mois. Je vous propose, monsieur Longeot, de rectifier votre amendement en ce sens. Si vous l’acceptiez, la commission émettrait bien volontiers, à titre exceptionnel, un avis favorable sur cette demande de rapport.

Mme la présidente. Monsieur Longeot, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

M. Jean-François Longeot. Je partage tout à fait ce point de vue, et j’accepte de rectifier mon amendement en ce sens.

Article additionnel avant l'article 26 - Amendements n° 33 rectifié bis et n° 434 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation des mobilités
Article 26

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 33 rectifié ter, présenté par M. Longeot, Mmes Vullien, Vermeillet et Billon, MM. Moga et Canevet, Mme Tetuanui, MM. Détraigne et Bockel, Mme Sollogoub et MM. Delcros, Cigolotti et Médevielle, et ainsi libellé :

Avant l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la décarbonation des transports aérien et maritime.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Nous étions prêts à soutenir ces amendements, mais la proposition du rapporteur me semble très intéressante, puisqu’elle nous permet d’étudier toutes les possibilités, à commencer par le bois – on en est encore loin –, en passant par d’autres énergies décarbonées. Donc, nous soutiendrons la proposition du rapporteur.

Mme la présidente. Monsieur Fouché, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le même sens que M. Longeot ?

M. Alain Fouché. Tout à fait, madame la présidente !

Mme la présidente. Donc, vous rendez votre amendement identique au précédent ?

M. Alain Fouché. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc également saisie d’un amendement n° 434 rectifié ter, présenté par MM. Fouché, A. Marc, Wattebled, Bignon, Guerriau, Decool et Chasseing, Mmes de Cidrac et Vullien, MM. Bonnecarrère et Moga, Mme Duranton, MM. Henno et Laménie, Mme Procaccia, M. Babary, Mme Raimond-Pavero et M. Grand, et identique au précédent.

La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je me réjouis que M. le rapporteur ait fait évoluer le point de vue de la commission, même si ce n’est pas strictement conforme à la pratique usuelle ; il s’est très judicieusement adapté à la séance, et je veux évidemment lui apporter mon soutien.

Je rejoins ce qu’a dit Ronan Dantec : on est un peu passé d’un excès à l’autre, car à une certaine période, les demandes de rapport étaient incessantes, tout comme les promesses émanant de vos prédécesseurs, madame la ministre, qui souvent, pour évacuer un amendement gênant, s’engageaient à remettre un rapport.

Or, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les rapports ne sont pas toujours rendus par le Gouvernement. Peut-être Claude Bérit-Débat, qui a suivi ce dossier dans le passé, s’en souvient-il, le taux des rapports réellement produits au Parlement est très faible, de même que leur qualité.

Ronan Dantec a raison, il faudrait trouver un juste milieu. Cela suppose de demander des rapports de manière raisonnée et raisonnable, et que, en contrepartie, le Gouvernement – et pas seulement vous, madame la ministre ! – mette un point d’honneur à satisfaire à cette demande, c’est-à-dire en formulant et en présentant au Parlement des rapports de qualité.

M. le rapporteur a proposé une bonne solution, à laquelle je me rallie évidemment. Il serait bon, à l’avenir, d’adopter une voie intermédiaire entre le « tout-rapport » et « le tout sauf un rapport ».