Sommaire

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

Secrétaires :

Mmes Catherine Deroche, Françoise Gatel.

1. Procès-verbal

2. Organisation et transformation du système de santé. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Question préalable

Motion n° 792 de Mme Laurence Cohen. – Mme Laurence Cohen ; M. Alain Milon, rapporteur ; Mme Agnès Buzyn, ministre ; M. René-Paul Savary ; M. Michel Amiel ; M. Daniel Chasseing ; Mme Élisabeth Doineau ; M. Guillaume Arnell. – Rejet par scrutin public n° 126.

Discussion générale (suite)

M. Dominique Théophile

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Bernard Jomier

M. Guillaume Arnell

M. Daniel Chasseing

Mme Catherine Deroche

Mme Élisabeth Doineau

Mme Corinne Imbert

M. Yves Daudigny

Mme Annie Delmont-Koropoulis

Mme Frédérique Vidal, ministre

Mme Agnès Buzyn, ministre

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance

Article additionnel avant l’article 1er

Amendement n° 293 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

M. Alain Milon, rapporteur

Article 1er

Mme Laurence Cohen

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Michelle Gréaume

M. Bernard Jomier

M. Stéphane Piednoir

Mme Angèle Préville

M. Daniel Chasseing

Mme Sonia de la Provôté

Amendement n° 290 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 285 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 286 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendements identiques nos 221 de M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, 417 de M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et 678 de M. Joël Bigot. – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 677 de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 452 de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° 380 de Mme Angèle Préville. – Rejet.

Amendement n° 238 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.

Amendement n° 734 rectifié de M. Bernard Jomier. – Adoption.

Amendement n° 287 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.

Amendement n° 396 rectifié de M. Stéphane Piednoir. – Devenu sans objet.

Amendement n° 22 rectifié de M. Vincent Segouin. – Devenu sans objet.

Amendement n° 103 rectifié bis de Mme Florence Lassarade. – Retrait.

Amendement n° 129 rectifié bis de M. Jean Sol. – Retrait.

Amendement n° 794 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 288 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 675 rectifié de M. Jacques Genest. – Rejet.

Amendements identiques nos 21 rectifié de M. Vincent Segouin et 172 rectifié bis de M. Roger Karoutchi. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 408 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Amendement n° 451 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

Amendement n° 104 rectifié bis de Mme Florence Lassarade. – Retrait.

Amendement n° 138 rectifié de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Retrait.

Amendement n° 289 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 711 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

Amendement n° 239 rectifié bis de M. Alain Marc. – Non soutenu.

Amendements identiques nos 222 rectifié de M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, et 395 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 669 de M. Michel Amiel. – Rejet.

Amendement n° 513 rectifié de M. Jean-Claude Tissot. – Rejet.

Amendement n° 521 rectifié de M. Patrice Joly. – Rejet.

Amendement n° 610 de M. Laurent Lafon. – Adoption.

Amendement n° 611 de M. Laurent Lafon. – Devenu sans objet.

Amendement n° 615 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 640 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Amendement n° 240 rectifié bis de M. Alain Marc. – Retrait.

Amendements identiques nos 173 rectifié de M. Roger Karoutchi et 223 de M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. – Retrait de l’amendement n° 223, l’amendement n° 173 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendement n° 607 rectifié de Mme Nadia Sollogoub. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Mme Laurence Cohen

M. Bernard Jomier

M. Stéphane Piednoir

Mme Angèle Préville

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Daniel Chasseing

Mme Frédérique Vidal, ministre

Amendement n° 712 rectifié de M. Bernard Jomier. – Rejet par scrutin public n° 127.

Amendement n° 23 rectifié de M. Vincent Segouin. – Retrait.

Amendements identiques nos 1 rectifié quater de Mme Corinne Imbert, 542 rectifié quinquies de M. Daniel Chasseing et 762 rectifié de M. Yves Daudigny ; sous-amendements nos 419 rectifié de M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et 826 de M. Michel Vaspart. – Rejet, par scrutin public n° 128, du sous-amendement n° 419 rectifié ; rejet du sous-amendement n° 826 ; adoption, par scrutin public n° 129, des trois amendements.

Amendement n° 757 rectifié de M. Yves Daudigny. – Retrait.

Amendement n° 592 de M. Michel Amiel. – Retrait.

Amendement n° 593 de M. Michel Amiel. – Retrait.

Amendement n° 594 de M. Michel Amiel. – Retrait.

Amendement n° 296 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 645 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Retrait.

Amendement n° 88 rectifié de M. René-Paul Savary. – Rejet.

Amendement n° 795 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 370 rectifié bis de Mme Véronique Guillotin. – Retrait.

Amendements identiques nos 120 rectifié bis de Mme Chantal Deseyne, 643 rectifié ter de Mme Corinne Imbert et 776 rectifié bis de M. Daniel Gremillet. – Retrait des amendements nos 120 rectifié bis et 643 rectifié ter, l’amendement n° 776 rectifié bis n’étant pas soutenu.

Amendement n° 613 rectifié bis de Mme Nadia Sollogoub. – Adoption.

Amendement n° 224 de M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. – Retrait.

Amendement n° 119 rectifié bis de Mme Chantal Deseyne. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Catherine Deroche,

Mme Françoise Gatel.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 29 mai 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale (suite)

Organisation et transformation du système de santé

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (projet n° 404, texte de la commission n° 525, rapport n° 524, avis nos 515 et 516).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Question préalable

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, madame la ministre de l’enseignement supérieur, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec humilité, mais détermination, que j’aborde, cette semaine, l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Je mesure pleinement les attentes dans vos territoires et l’exigence particulière, dans cet hémicycle, d’une réponse aux inquiétudes des citoyens et des élus.

Répondre à cette exigence, c’est d’abord et avant tout permettre à notre système de santé de tenir, demain, les promesses qu’il a toujours tenues. C’est l’enjeu de ce projet de loi et c’est ce que les Français demandent avec une insistance parfaitement justifiée. Chacun, sur ces travées, a pu, avant même que cela soit confirmé par le grand débat national, partager les attentes des Français pour un meilleur accès à des soins de proximité. Nous n’avons pas le choix, il faut répondre à l’urgence, dans des territoires qui se sentent abandonnés, et anticiper le déclin démographique.

Les défis structurels auxquels nous sommes confrontés sont le résultat de plusieurs facteurs, et je sais que nous partageons les mêmes constats. Un exemple me semble bien illustrer cet échec collectif : de 1991 à 2000, moins de 4 000 médecins ont été formés chaque année. Nous payons aujourd’hui au prix fort ce manque d’anticipation, à l’heure où le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de maladies chroniques deviennent des phénomènes de très grande envergure.

Dans un contexte d’inégalités grandissantes dans l’accès aux soins et de mutations démographiques majeures, la transformation de notre système de santé n’était pas une option, c’était une nécessité absolue. Nous proposons donc un changement de paradigme, qui est aussi un changement de culture, en raisonnant désormais autour de deux axes : d’une part, le temps médical accessible ou disponible, qui consiste à permettre aux médecins de faire ce pour quoi ils sont les mieux qualifiés, et, d’autre part, le décloisonnement, pour que l’exercice isolé devienne l’exception et l’exercice coordonné la norme.

Notre ambition – et je sais que nous la partageons tous – consiste à transformer notre système de santé dans son ensemble ; qu’il s’agisse des modes d’organisation, du financement, de la formation ou des conditions d’exercice des professionnels, nous ne devons négliger aucun moyen pour garantir et améliorer l’accès à des soins de qualité pour tous, dans tous les territoires. C’est la vocation de ce projet de loi que d’être l’un des instruments de cette transformation globale.

D’autres leviers – réglementaires, conventionnels, financiers, mais aussi d’animation territoriale et d’appui aux acteurs – viendront prolonger la loi. Je pense en particulier au déploiement, dès cette année, de 400 postes de médecins généralistes dans les territoires les plus en difficulté, et au déploiement des assistants médicaux, qui permettront rapidement de libérer du temps médical.

En matière d’organisation, je pense au développement des communautés professionnelles territoriales de santé, qui conduiront à une meilleure coordination des professionnels de santé pour améliorer l’accès aux soins de la population dans les territoires.

Je cherche à rassembler tous les acteurs autour de notre stratégie, et cette approche porte ses fruits puisque, hier, un premier syndicat de médecins généralistes a apporté son soutien à nos propositions, en annonçant qu’il signerait avec l’assurance maladie la convention sur les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé. C’est avec cet élan et cette adhésion que nous répondrons à la question de l’accès aux soins.

Le projet de loi initial comportait vingt-trois articles, et il a été enrichi par le travail parlementaire.

Conformément aux engagements pris, la première année commune aux études de santé, la Paces, et le numerus clausus, qui existe depuis 1971, seront supprimés dès septembre 2020. La Paces cédera la place à un système qui demeurera sélectif et exigeant, mais qui fera une meilleure place aux compétences, au projet professionnel et à la qualité de vie des étudiants. En développant les passerelles entrantes, la diversité des profils sera également privilégiée.

Le deuxième cycle des études médicales sera rénové, avec la suppression des épreuves classantes nationales. Il s’agira de créer une procédure d’orientation qui prenne en compte les connaissances, mais aussi les compétences cliniques et relationnelles, et qui soit respectueuse des projets professionnels des futurs médecins. Frédérique Vidal, avec qui je porte les premiers articles de ce projet de loi, vous précisera les détails de ces deux mesures dans quelques instants.

Le titre II s’attache à structurer des collectifs de soins de proximité dans les territoires. La création de projets territoriaux de santé doit aider à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs des territoires, quel que soit leur statut – libéral, en exercice regroupé ou coordonné, hospitalier, du secteur social ou médico-social, public ou privé –, en associant évidemment les élus et les usagers. Ce sont ces projets territoriaux qui formalisent le décloisonnement, pierre angulaire du plan Ma santé 2022.

Le statut des hôpitaux de proximité sera revu. Nous voulons que ces derniers soient mieux adaptés aux soins du quotidien et ouverts sur la ville et le médico-social. Les missions socles ont été inscrites dans la loi, tandis que les modalités de financement seront définies par les prochaines lois de financement de la sécurité sociale.

Je profite d’être devant vous cet après-midi pour le rappeler : il n’y a pas de carte hospitalière cachée. Au contraire, les hôpitaux de proximité sont une chance pour les territoires, nous allons y investir des moyens financiers importants et, avec la gradation des soins et les consultations avancées, nous assurons à tous nos concitoyens des soins de qualité en proximité.

Un chapitre du projet de loi est également consacré à l’acte II des groupements hospitaliers de territoire. Nous estimons que le projet médical doit désormais être le centre de gravité de ces groupements. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée, et la gouvernance médicale sera adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.

Un nouvel article du projet de loi, introduit à l’Assemblée nationale, offre également la possibilité aux professionnels paramédicaux de la filière de rééducation de cumuler une activité libérale, en ville, avec une activité publique, à l’hôpital ; cette mesure devrait permettre de faciliter l’exercice des kinésithérapeutes et des orthophonistes dans les hôpitaux.

Plus largement, l’examen à l’Assemblée nationale a conduit à modifier le périmètre de compétences de certaines professions de santé. Je pense en particulier à la délivrance, par les pharmaciens, de médicaments sous prescription médicale obligatoire, et à l’ouverture aux infirmiers de la possibilité d’adapter des prescriptions et de prescrire certains produits en vente libre.

Derniers pivots du projet de loi, qui sont aussi des conditions de notre réussite collective : l’innovation et le numérique. Notre ambition est de redonner à la France les moyens d’être en pointe sur ces sujets.

Nous inscrivons ainsi dans la loi le Health Data Hub, qui favorisera l’utilisation et l’exploitation des données de santé dans les domaines de la recherche, du pilotage du système de santé et de l’information des patients. Nous créons aussi l’espace numérique de santé, un compte personnel en ligne, qui permettra à chacun d’accéder au dossier médical partagé, à des applications sécurisées et à des informations de santé.

La dématérialisation des pratiques passera aussi par le renforcement de la télésanté. La création du télésoin permettra à des paramédicaux et à des pharmaciens de réaliser certains actes à distance, et cela ouvrira de nouvelles opportunités sur les territoires, dans des filières sous-dotées comme en orthophonie.

J’aimerais enfin partager avec vous une conviction : la politique que nous conduisons dans le champ de la santé ne peut se faire sans nouer une relation de confiance durable avec les élus. J’ai évoqué la nécessité du décloisonnement entre les professionnels de santé ; ce décloisonnement, il faut aussi le mettre en œuvre entre l’État, ses services déconcentrés, les opérateurs et les collectivités territoriales.

Pour construire le système de santé de demain, il ne faut pas de décision imposée d’en haut. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis convaincue, comme ministre, notre stratégie et ce projet de loi sont la meilleure réponse. Représentants des territoires et témoins privilégiés de la détresse de nos concitoyens, porte-voix de leur inquiétude grandissante quant à l’accès aux soins, vous serez également convaincus, je l’espère, de la nécessité et de la pertinence de ce texte pour répondre aux défis actuels et à venir.

Je le crois fondamentalement, un pays qui sait soigner est un pays qui peut guérir. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous allez examiner transforme notre système de santé et établit les perspectives de long terme qui adapteront celui-ci aux évolutions épidémiologiques et préserveront notre modèle social.

Cela nécessite que les professionnels de santé, dont les médecins, travaillent autrement. La coopération de différents professionnels, du patient et de l’entourage de celui-ci, au service du projet du patient, sera un élément déterminant de la qualité et de l’efficience du système de soins.

L’évolution des connaissances et des techniques continuera de transformer profondément et rapidement les métiers des professionnels de santé. L’intelligence artificielle au service du diagnostic, la génomique au service de la personnalisation des traitements, la télémédecine pour mettre à disposition de tous nos concitoyens l’expertise la plus pointue : voilà trois exemples, issus de notre capacité de recherche et d’innovation, qui induiront des évolutions majeures des métiers de la santé.

Dans tous les domaines d’activité, il faut, dès que l’on aperçoit l’horizon d’un changement majeur des compétences mobilisées, adapter sans délai le système de formation, premier facteur déterminant notre avenir, et donc notre première responsabilité vis-à-vis des générations futures.

C’est pour ces raisons que les deux premiers articles de ce projet de loi vous proposent une transformation majeure des études de santé et, plus spécifiquement, des études de médecine. Je me réjouis de la qualité du travail réalisé par les commissions, qui a permis d’enrichir et de préciser le texte qui vous est proposé. De nombreuses améliorations ont été apportées aux deux premiers articles. Le Gouvernement vous proposera de rediscuter certaines notions qui nous paraissent importantes pour nos concitoyens et qui contribuent, selon nous, à la construction d’une démocratie sanitaire ; je pense notamment à la participation des patients à l’enseignement.

Le premier article du texte supprime le numerus clausus et la Paces, que le Président de la République qualifiait, en septembre dernier, d’« acronyme funeste menant de bons lycéens à l’échec ». En quelques mots, il s’agit, avec ces deux dispositions, de faire vivre, dans la formation des médecins, tous les principes qui ont sous-tendu la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants : promouvoir la réussite des étudiants – tous les étudiants –, en diversifiant les profils des futurs médecins et en offrant une pluralité de voie d’accès aux filières de santé.

Aujourd’hui, plus de 40 000 étudiants s’inscrivent chaque année en Paces ; ce sont de bons lycéens, mais plus d’un tiers d’entre eux reprennent à zéro, après deux années vécues comme deux échecs, un cursus, et quelques-uns, parmi les plus fragiles, en sont durablement brisés. D’autres, anticipant ce risque, et ne disposant pas du soutien familial et social pour le prendre, n’osent même pas formuler ce projet ; cette autocensure participe à la reproduction sociale qui caractérise ces études. Cette situation n’est pas compatible avec notre volonté que chaque jeune, d’où qu’il vienne, ait les mêmes chances de mettre ses talents au service de la société tout entière.

Demain, un lycéen pourra commencer ses études supérieures dans une diversité de cursus. Dans ce cadre, il aura tous les atouts pour réussir et choisir, s’il le souhaite, de présenter sa candidature pour se lancer dans les études de santé. Celles-ci resteront évidemment sélectives ; l’excellence académique mais aussi d’autres compétences, utiles à ce métier, dans lequel la communication interpersonnelle tient tant de place, permettront aux candidats d’accéder aux filières de santé.

Le travail réalisé par les parlementaires a permis d’affiner ce premier article, de préciser dans la loi les grands principes qui doivent organiser l’admission des étudiants, dont celui de la nécessaire diversité des voies d’accès, de définir les organisations qui devront être fixées par les textes réglementaires et de maintenir une marge importante d’autonomie des acteurs locaux.

Les concertations que nous conduisons avec les acteurs sont extrêmement constructives. Nos universités ont préparé les parcours de licence permettant d’associer des contenus de santé à d’autres disciplines, et nous devons les aider à mettre ces évolutions en œuvre dès 2020, pour faire cesser le gâchis de la Paces.

Nos concitoyens nous l’ont répété avec force au cours des derniers mois ; leurs élus sont les premiers auxquels sont adressés leurs messages, leurs demandes, leurs colères et parfois leurs détresses. Agnès Buzyn et moi-même l’entendons sans cesse lors de nos déplacements.

Certains de nos territoires manquent de professionnels de santé et, nous le savons, la politique malthusienne de définition du nombre de médecins formés – le numerus clausus – y a contribué. Les citoyens nous le reprochent, et, ce faisant, le reprochent aussi aux gouvernements qui nous ont précédés. Ils ont raison ; supprimer le numerus clausus rend justice au bon sens qui commande de se passer des outils qui ont conduit à prendre les mauvaises décisions.

Pour autant, nous devons aussi la vérité à nos concitoyens. Aucune mesure ne permettra d’augmenter dès demain le nombre de médecins formés, et l’accès aux soins doit être amélioré par d’autres moyens ; ceux-ci figurent dans ce projet de loi. Cela dit, les études de médecine et, plus généralement, les études de tous les professionnels de santé doivent être repensées, avec pour souci constant de servir à terme les besoins de santé de la population et de former les professionnels dont nous avons besoin.

Les parlementaires ont proposé plusieurs évolutions du texte en ce sens, et nous serons bien entendu heureuses d’émettre un avis favorable sur celles-ci. Oui, bien sûr, comme l’a proposé le sénateur Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, l’organisation des études de médecine doit favoriser une répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire, au regard des besoins de santé. Ce point est si important qu’il mérite de figurer dans le projet de loi, traduisant ainsi le concept de responsabilité sociale des facultés de santé.

Le deuxième article exprime, plus tard dans les études médicales, notre ambition de concilier exigence, bienveillance et ouverture. Aujourd’hui, les études de médecine représentent un saut d’obstacles ne convenant qu’à un type d’intelligence. L’étudiant, sélectionné par des questionnaires à choix multiples en Paces, accède ensuite à telle ou telle spécialité en fonction de sa capacité à mémoriser une grande quantité d’informations et à cocher des cases.

Les qualités de synthèse, de décision en situation d’incertitude ou, plus simplement, la capacité à conduire un entretien ou un examen clinique sont peu évaluées et, finalement, ne comptent pas dans l’orientation, pas plus que le fait de s’être impliqué dans un travail de recherche ou d’avoir une expérience internationale. Est-ce bien cela que nous voulons pour nos futurs médecins ? En tout cas, eux nous disent clairement le contraire ; ils ne veulent plus de ce modèle dans lequel le bachotage intensif leur fait perdre le sens même de ce qui les avait conduits à s’engager dans cette voie.

Nous vous proposons donc de mettre fin à cette situation, de diversifier les critères d’évaluation des étudiants et de construire des parcours multiples, en perspective de l’internat du troisième cycle. Je suis convaincue que, ainsi mieux formés, ces étudiants nous soigneront mieux.

L’organisation du deuxième cycle devra également tenir la promesse de former les professionnels dont les territoires ont besoin. Nous avons résolument choisi de privilégier la découverte de tous les modes d’exercice, la diversité des terrains de stage et la qualité de l’encadrement pédagogique plutôt que les mesures coercitives. Envoyer un étudiant faire un stage à un endroit où il serait mal encadré n’est pas le meilleur moyen de susciter son intérêt pour l’exercice dans ce territoire. Gageons qu’il sera plus efficace de former à la maîtrise de stage des professionnels regroupés utilisant le plateau technique d’un hôpital local et de permettre à ces praticiens de transmettre leur passion à des jeunes.

Dans le même temps, l’organisation du deuxième cycle et les mesures d’accompagnement, par exemple de la mobilité, mises en place par l’État et par les collectivités locales, doivent favoriser des stages dans tous les territoires. C’est ensemble – État et collectivités, enseignants et étudiants – que nous relèverons ce défi.

Voilà en quelques mots la vision du Gouvernement sur cet aspect spécifique du texte ; deux articles pour transformer les études de santé, deux articles dont les lignes de force sont la réussite et l’épanouissement des étudiants, la diversité des trajectoires et des talents, la garantie de la compétence des professionnels au service de tous les territoires.

Je me tiens naturellement à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous engageons l’examen d’un projet de loi dont l’intitulé est riche de promesses : il entend réformer l’organisation de notre système de santé, mais aussi le transformer.

Nous partageons le sentiment d’urgence qui justifie cette ambition, comme nous avons partagé le diagnostic posé à l’issue de la stratégie de transformation de notre système de santé, dont chacun a reconnu la justesse. Cette concertation a fait émerger une volonté commune des acteurs de refonder un modèle décrit, à juste titre, comme à bout de souffle.

Le projet de loi qui nous est soumis présente des inflexions positives. La refonte attendue des études de santé permettra une sélection plus progressive des futurs professionnels médicaux et une diversification de leurs profils.

Néanmoins, l’ambition de ce texte, le troisième en dix ans censé répondre au même constat de crise de notre système de santé, ne me paraît pas, pour l’heure, à la hauteur des enjeux. Permettez-moi d’exprimer deux principaux regrets.

Le premier tient au contenu même du projet de loi, qui s’apparente, à bien des égards, à un cadre général d’orientations. Le renvoi très large à des ordonnances ou décrets, sur le contenu desquels nous avons encore peu d’éclairages précis, laisse beaucoup d’interrogations en suspens.

Nous comprenons la nécessité de poursuivre la concertation, mais le calendrier retenu pour l’examen de ce texte aboutit, nous le déplorons, à appauvrir le débat parlementaire. Sur des sujets majeurs pour les territoires, comme les hôpitaux de proximité ou les évolutions de la carte hospitalière, le débat aurait été plus serein s’il avait pu porter sur un modèle plus abouti. La commission n’a toutefois pas souhaité faire obstacle à l’avancée des réformes, mais elle attend que nos échanges permettent d’en affiner les contours.

À côté de ce sentiment d’inachevé, mon second regret touche à ce que nous n’avons pas trouvé dans le texte. Ce projet de loi peut-il prétendre transformer notre système de santé sans évoquer ni sa gouvernance ni son financement ?

Il me semble que nous ne pouvons plus ériger en priorité le décloisonnement des acteurs de santé sans revoir les contours d’un pilotage national qui contribue, en lui-même, à accentuer des logiques de silo. De même, nous voyons que toute tentative pour adapter les moyens d’action aux besoins des territoires se heurte à des limites dans une administration de la santé fortement centralisée.

Je regrette que ce projet de loi ne pose pas les bases d’évolutions de fond sur ces sujets. J’aurais souhaité, mesdames les ministres, y retrouver le souffle des grandes réformes en santé, dans la lignée des ordonnances Debré ou même, à un degré moindre, de la loi HPST, qui avait rénové en profondeur la territorialisation des politiques de santé et la gouvernance hospitalière.

L’ambition de ce texte réduit nos capacités d’initiative pour porter certains sujets. Je souhaite que nous poursuivions ensemble la réflexion, en particulier pour envisager, en matière de prise en charge des soins, le passage d’une architecture à double étage au principe d’un payeur unique. J’y vois un levier d’efficience, mais également un enjeu de lisibilité, et donc d’adhésion à notre modèle de sécurité sociale.

Vous connaissez également, madame la ministre, mes réserves quant aux modes actuels de financement des investissements, notamment immobiliers, des établissements de santé ; je n’ai pu inscrire dans le projet de loi le principe d’une banque des investissements, mais je souhaiterais que votre ministère puisse approfondir la réflexion sur ce sujet crucial pour l’avenir des hôpitaux.

Quoi qu’il en soit, la commission des affaires sociales a abordé l’examen du texte qui nous est présenté dans un esprit constructif. Ses apports ont été guidés par deux priorités : les territoires et l’ambition numérique.

Sur le premier volet, nos concitoyens ont exprimé, lors du grand débat national, des attentes fortes à l’égard du système de santé. Le satisfecit sur la réforme des études de santé ne doit pas nous conduire à endosser une communication parfois ambiguë sur la fin du numerus clausus. Ne nous trompons pas de débat, vous l’avez souligné, madame la ministre : les effectifs d’étudiants continueront d’être contraints par les moyens universitaires, qui ne sont pas extensibles à l’infini, et une sélection demeurera, selon des modalités certes nouvelles.

Surtout, la réforme n’aura pas d’effet à court terme sur la démographie médicale, le numerus clausus n’ayant au demeurant pas de lien avec la répartition territoriale des praticiens. Sur le sujet sensible de la présence médicale dans nos territoires, nous savons qu’il n’existe pas de solution miracle.

Je me réjouis que les échanges constructifs qui se sont poursuivis au sein de notre commission, associant différents groupes, puissent aboutir à proposer, au cours de nos débats, des évolutions utiles autant que pragmatiques.

D’autres propositions adoptées par la commission visent à encourager les jeunes praticiens à un ancrage rapide au sein d’un territoire et auprès d’une patientèle : d’une part, une incitation fiscale forte à l’installation rapide au sortir des études, d’autre part, une limitation de l’exercice comme remplaçant.

Une autre ligne directrice de nos travaux s’appuie sur la confiance dans les acteurs de terrain et dans les collectivités territoriales.

Je reconnais que, en s’inscrivant dans la continuité de la loi Touraine, adoptée voilà juste trois ans, le Gouvernement opte, au travers de ce projet de loi, pour un pragmatisme bienvenu ; les acteurs commencent à peine, en effet, à se saisir des outils mis en place par cette loi, comme l’ont montré nos collègues Catherine Deroche, Véronique Guillotin et Yves Daudigny dans un premier bilan.

Cela dit, si la commission a soutenu l’élaboration d’un projet territorial de santé comme levier du décloisonnement indispensable entre la ville, l’hôpital et le médico-social, je regrette que, une fois encore, on superpose et complexifie les outils. Veillons à ne pas décourager les porteurs de projets en gardant des dispositifs souples, sans céder à la tentation d’une hyperadministration de la santé.

Suivant la même logique, la commission a privilégié les démarches de volontariat des établissements pour la poursuite de l’intégration au sein des groupements hospitaliers de territoire. Il me semble que l’hétérogénéité des situations actuelles ne doit pas conduire à imposer à tous un schéma homogène.

Un autre axe d’évolution porte sur le lien entre l’État en région, à travers les agences régionales de santé, les ARS, et les élus du territoire. À mon sens, ce lien est aujourd’hui à repenser très largement. Et ce n’est pas en associant les parlementaires à des instances locales, en palliatif à la suppression du cumul des mandats, que nous y parviendrons.

La commission a privilégié des mesures plus opérationnelles, avec un renforcement des prérogatives du conseil de surveillance des ARS et du poids des élus locaux en son sein. Elle a également consolidé, en adoptant des amendements du groupe socialiste, le rôle de pilotage stratégique des conseils de surveillance des hôpitaux.

Sur la transformation numérique de notre système de santé, la commission a reconnu l’urgence d’agir en confirmant la mise en place d’une plateforme des données de santé et en rendant automatique l’ouverture d’un espace numérique de santé, levier de la coordination indispensable des parcours de soins.

Parallèlement, elle a conforté les obligations en matière d’accessibilité pour nos concitoyens éloignés des usages numériques.

Enfin, pour ne pas prendre un retard qui serait ensuite impossible à rattraper, la commission a renforcé les exigences d’interopérabilité applicables au secteur en instituant un mécanisme de certification, accompagné d’instruments à visée incitative pour les éditeurs.

Telles sont, madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, les orientations qui ont guidé notre commission des affaires sociales dans l’examen de ce projet de loi. Nous avons apporté des inflexions à un texte dont nous reconnaissons les apports tout en regrettant les limites.

En définitive, ce sont les moyens accordés pour accompagner son déploiement qui signeront, ou non, la réussite de cette réforme, là où les précédentes lois ont échoué à répondre à l’urgence d’une refondation de notre système de santé. Nous y resterons évidemment attentifs.

Je remercie nos collègues rapporteurs pour avis, Laurent Lafon et Jean-François Longeot, pour le travail qu’ils ont réalisé au sein de leurs commissions respectives et pour le regard complémentaire qu’ils ont porté sur ce texte, même si nous n’avons pas toujours été d’accord sur des sujets importants – et nous resterons en désaccord encore longtemps… (Sourires.)

En conclusion, la commission des affaires sociales vous demandera d’adopter ce projet de loi, sous réserve des amendements qui contribueront encore à l’enrichir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, sur l’initiative de sa présidente, Mme Catherine Morin-Desailly, le bureau de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rendre un avis sur ce texte, transmis au fond à la commission des affaires sociales, mais dont plusieurs dispositions intéressent la commission, et tout particulièrement les articles 1er à 2 ter qui traitent de la réforme des études de santé.

Cette réforme, qui fait largement consensus, a recueilli l’aval de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Nous avons notamment apprécié la méthode qui a prévalu et qui a permis de dégager un assez large consensus.

Saluons ici la mission du professeur Jean-Paul Saint-André, les différentes expérimentations et concertations avec les professionnels de santé, la mise en place de véritables groupes de travail, les nombreuses contributions écrites et les auditions, notamment celles organisées au Sénat, aux côtés des conférences des doyens de facultés de santé, de la conférence des présidents d’universités, ou encore des organisations représentatives des étudiants.

Je tiens également à remercier M. le président et rapporteur, Alain Milon, mais aussi notre collègue Jean-François Longeot, rapporteur pour avis et, bien évidemment, Mme la présidente Catherine Morin-Desailly.

Les inconvénients de la Paces à l’entrée dans les études de santé et ceux des épreuves classantes nationales à l’entrée en troisième cycle des études de médecine ont été assez largement dénoncés. Avec un taux de réussite inférieur à 30 %, le système met en échec de très nombreux jeunes, pourtant excellents bacheliers. Le coût pour les familles, comme pour la Nation, est également lourd et excessif.

La Paces est plus une année de sélection qu’une année de formation véritable. Les conditions d’études y sont peu satisfaisantes – amphithéâtres surchargés, quasi-absence de travaux dirigés… Surtout, le recrutement se fait selon un profil type très stéréotypé, celui du bachelier scientifique, titulaire d’une mention très bien et issu des classes sociales les plus favorisées.

Les expérimentations menées depuis 2013 et dont le nouveau dispositif s’inspire assez largement ont montré leur intérêt en termes de diversification des profils recrutés et d’instauration de parcours de réussite pour les étudiants.

Notre commission s’est interrogée sur la précipitation avec laquelle la réforme de la Paces va être mise en œuvre. Il nous semble peu réaliste de demander aux universités d’avoir élaboré toutes leurs nouvelles maquettes de formations dans moins de six mois.

Si les universités se contentent de transformer les Paces en « portails santé » et les antennes Paces en « mineures santé » sans aucune autre modification qu’un changement de nom, la réforme aura échoué, ce qui serait très dommageable.

Notons, et c’est un point positif de ce projet de loi, que le Gouvernement, en supprimant les épreuves classantes nationales, signe la fin de trois ans de bachotage intensif. Pour accéder au troisième cycle, les étudiants devront désormais avoir une note minimale à des examens qui resteront nationaux et valider les acquis du deuxième cycle par des simulations et des oraux.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également souhaité que les études de santé prennent mieux en compte les questions d’implantation territoriale des futurs professionnels de santé et, en particulier, que les étudiants en médecine de deuxième et troisième cycles se voient offrir des stages en zones sous-denses.

Enfin, il nous a semblé indispensable que ces mêmes étudiants bénéficient de programmes d’échanges internationaux, aujourd’hui sous-développés dans le cursus des études de santé, en particulier en médecine.

Voilà quinze jours, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a examiné ce projet de loi et adopté huit amendements, dont deux ont été intégrés au texte de la commission des affaires sociales que nous examinons aujourd’hui.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a toutefois souhaité que les amendements qui n’ont pas été retenus dans le texte soient de nouveau déposés lors de notre débat en séance publique. Je serai donc amené à les défendre devant vous, probablement cet après-midi ou ce soir.

Pour conclure, le Gouvernement, vous l’aurez compris, est contraint d’aller vite. La réforme de la première année des études de santé l’oblige à publier les décrets d’application de la loi avant la rentrée prochaine pour que les étudiants puissent s’informer, notamment à travers Parcoursup.

Pour ces raisons, mesdames les ministres, vous devez légiférer par ordonnances, le texte lui-même renvoyant trop souvent à des décrets et à des circulaires.

Si le Gouvernement, à travers ces mesures, entend bien réaliser une transformation profonde des études de santé et non de simples ajustements, nous ne pouvons que regretter cet affaiblissement du travail législatif qui, à terme, ne peut que fragiliser un projet de loi pourtant à même de créer les conditions d’une stratégie globale tant attendue.

Mes collègues et moi-même resterons donc très attentifs à la mise en œuvre de cette réforme pour faire en sorte que les objectifs poursuivis se concrétisent réellement. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les Français lors du grand débat national, à l’occasion duquel le thème de la santé s’est imposé de lui-même, les inégalités territoriales d’accès aux soins minent la cohésion nationale et notre pacte social en ajoutant une nouvelle fracture sanitaire et sociale aux nombreuses fractures, qu’elles soient territoriales, numériques, économiques ou en matière de transports, qui traversent déjà notre pays.

Dans ce contexte, et en cohérence avec l’attention constante qu’elle porte à la problématique des déserts médicaux depuis sa création, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, en particulier des dispositions du texte ayant des conséquences territoriales et de celles relatives à l’intégration du numérique dans notre système de soins.

À cet égard, j’observe avec regret que les constats posés dans le rapport de 2013 du président Hervé Maurey ou dans mon rapport pour avis de 2015 sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé sont toujours d’actualité.

Face à l’ampleur du phénomène de la désertification médicale, la commission a souhaité, en 2017, créer un groupe de travail, dont j’assure la coprésidence avec Hervé Maurey, consacré à cette question pour préparer l’examen du texte dont nous avons à connaître aujourd’hui.

Aussi, lors de la présentation de mon rapport pour avis, la majorité des membres de la commission, toutes sensibilités politiques confondues, a tenu à rappeler son attachement au principe d’égal accès aux soins, corollaire du droit à la santé défini par le préambule de la Constitution de 1946, et à la mise en œuvre de mesures de bon sens pour mieux réguler la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble de notre territoire.

Malgré l’accélération du rythme d’adoption des lois relatives à la santé depuis dix ans, les inégalités d’accès aux soins se creusent sur l’ensemble du territoire et les défauts de notre système de soins demeurent les mêmes, à savoir un cloisonnement entre médecine de ville et hôpital et une difficulté à assurer un parcours de soins continu pour l’ensemble de nos concitoyens.

Si toutes les professions de santé sont concernées, les inégalités d’accès aux médecins sont particulièrement marquées, alors même qu’ils occupent une place centrale dans notre système de santé avec leur rôle de prescripteur.

Les écarts de densité entre départements varient de 1 à 3 pour les médecins généralistes et de 1 à 8 pour les spécialistes, voire autour de 1 à 20 pour certaines spécialités comme la pédiatrie ou la gynécologie, avec des disparités infradépartementales encore plus fortes.

Ces inégalités vont continuer de se renforcer dans les années à venir, car la densité médicale retrouvera son niveau de 2015 seulement à horizon de 2030. D’ici à 2025, près d’un médecin généraliste sur quatre aura cessé d’exercer.

Il ne faut pas sous-estimer les conséquences de cette situation sur la santé des populations, car la carte des déserts médicaux se superpose à celle de la mortalité précoce, comme le montrent plusieurs géographes de la santé. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !

Qui plus est, les inégalités d’accès aux soins pèsent sur les finances publiques pour un montant estimé entre 900 millions et 3 milliards d’euros par an par la Cour des comptes.

Par ailleurs, les dépenses de santé et de médicaments sont plus importantes là où la densité de médecins est forte, sans que l’état de santé des populations concernées justifie cet écart. Réguler l’offre de soins, c’est non seulement améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, mais aussi maîtriser l’évolution des dépenses de santé.

Au cours de mes auditions, dont certaines ont été menées avec le rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, notre collègue Laurent Lafon, que je salue, la grande majorité des personnes et organismes que j’ai pu rencontrer ont exprimé des doutes sur la capacité du projet de loi que nous examinons à améliorer à court terme le quotidien de nos concitoyens.

Ainsi, la réforme du numerus clausus n’aura qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des futurs professionnels de santé sur le territoire. Du reste, je constate un recours important à des ordonnances sur des sujets aussi sensibles que les hôpitaux de proximité. En outre, plusieurs mesures me paraissent d’une portée limitée et essentiellement technique.

En commission, nous avions proposé à la commission des affaires sociales l’adoption de 30 amendements portant sur 18 articles autour de trois grands axes : adapter les études de médecine, notamment avec la question des stages, ainsi que certains éléments de notre système de soins à l’exigence de proximité ; réguler l’offre de soins et réaffirmer le principe d’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire ; libérer du temps médical dans tous les territoires en allégeant les contraintes administratives pesant sur les professionnels, en développant les partages de compétences et en soutenant le déploiement de la « e-santé ».

La commission a souhaité proposer des mesures plus resserrées et pragmatiques en séance publique. J’aurai l’occasion de vous présenter 12 amendements portant sur 8 articles.

Aussi, avant de conclure mon propos, je souhaiterais vous poser une simple question, mesdames les ministres : quand comptez-vous prendre les décisions pragmatiques et conformes à l’intérêt général qui s’imposent pour apporter une réponse durable à l’enjeu de l’égal accès aux soins sur l’ensemble de notre territoire ?

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 792.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (n° 525, 2018-2019).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe a déposé cette motion tendant à opposer la question préalable du fait de notre désaccord avec la philosophie générale du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Face aux inégalités croissantes en matière d’accès aux soins, comment penser que l’efficience de notre système de santé passe essentiellement par une réorganisation et une mutualisation de moyens rabotés, chaque année, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Comment ne pas dénoncer les dangers que ce projet comporte en réformant la carte hospitalière et en réduisant les hôpitaux de proximité à de véritables coquilles vides ?

Alors, bien sûr, quelques mesures vont dans le bon sens, et si notre motion n’est pas votée, nous les soutiendrons. Mais elles sont noyées par votre refus de sortir du carcan de l’austérité budgétaire.

Ainsi, vous proposez la suppression du numerus clausus que nous demandions depuis longtemps. Mais c’est une mesure en trompe-l’œil, puisque vous en transférez la responsabilité aux présidents d’université sans leur donner plus de moyens. Et pourquoi ne pas l’avoir aussi supprimé pour les paramédicaux, singulièrement les orthophonistes, qui manquent, sur tous les territoires, en exercice libéral comme hospitalier ?

En outre, ce projet de loi fait la part belle aux ordonnances, restreignant de facto les droits du Parlement.

Vous nous avez expliqué, madame la ministre, qu’il était nécessaire de faire vite pour inscrire dans Parcoursup la suppression de la Paces pour 2020. Même si nous apprécions positivement votre intention de venir nous présenter a posteriori les études d’impact et les ordonnances, convenez qu’il est compliqué de vous accorder ce blanc-seing.

Trente années de réformes successives, dont vous assumez la continuité, ont conduit notre système de santé dans l’impasse. Aujourd’hui, tous les voyants sont au rouge. Pour ne prendre qu’un exemple récent, mardi 28 mai, à midi, pendant cinq minutes, le président de Samu-France a appelé à cesser symboliquement le travail pour dénoncer « le point de rupture jamais atteint ». Et il a été largement suivi.

Il faut décréter l’état d’urgence sanitaire dans notre pays. Trop nombreux sont nos concitoyennes et nos concitoyens à ne plus pouvoir accéder à un médecin généraliste ou à un spécialiste, dans de bonnes conditions financières, de proximité et de délai.

Les personnels hospitaliers sont au bord de l’épuisement professionnel généralisé. Les élus locaux sont exclus des constructions des projets territoriaux de santé. Les cas de femmes accouchant dans les ambulances se multiplient, faute de maternités de proximité. Des services sont désertés par des praticiens, qui préfèrent exercer en établissement privé où ils gagnent mieux leur vie et où ils n’ont pas les mêmes contraintes. La dette des hôpitaux a atteint les 30 milliards d’euros. Les inégalités d’accès à la médecine de ville gagnent du terrain. Les ruptures de stock de médicaments se multiplient…

Nous ne sommes pas alarmistes, mais réalistes. Si notre système de santé tient debout, c’est grâce à l’engagement sans faille des personnels. Je veux ici le souligner.

Il faut donc revoir notre système de santé, ce qui nécessite de mettre en œuvre un plan d’investissement matériel, financier et humain.

Ce plan n’est pas une utopie au regard des 40 milliards d’euros trouvés par le Gouvernement quand il s’est agi de faire ce cadeau, sans contrepartie, aux grandes entreprises. C’est bien une question de choix politique !

Il faut absolument sortir du carcan financier imposé par Bruxelles et mettre en œuvre une politique ambitieuse en matière de santé. Les propositions ne manquent pas pour y parvenir. Malheureusement, nous sommes contraints par les articles 40 et 41 de la Constitution, par le recours aux ordonnances, et par la loi de financement de la sécurité sociale.

Ces propositions, qui permettraient de répondre aux besoins des populations, sont notamment en contradiction avec cette nouvelle définition en trois échelons des hôpitaux, laquelle, sous couvert de gradation des soins, éloigne encore davantage les patients des infrastructures et des professionnels qualifiés, aggravant ainsi le phénomène des déserts médicaux, qui se multiplient en zones rurales et urbaines.

Vous pouvez affirmer qu’il n’y aura plus de fermetures d’hôpitaux de proximité, mais vous les videz de leurs services essentiels, comme les urgences, la chirurgie ou la maternité et vous supprimez des lits.

Lors de notre tour de France des hôpitaux et des Ehpad réalisé avec les collègues de mon groupe et les députés communistes, nous avons constaté, depuis quinze mois, la souffrance des personnels face à la dégradation des conditions de travail, le besoin de reconnaissance des métiers face à un sentiment d’écrasement par la machine administrative et, enfin, l’urgence d’embaucher du personnel pour arriver à soigner les malades comme il se doit.

Je pense à une phrase entendue dans différents établissements visités : « Nous ne faisons plus de la qualité, mais de l’abattage. »

Cette conception de l’hôpital public n’est pas la nôtre. Pour notre part, nous demandons depuis longtemps l’arrêt des fermetures de lits, de services, de maternités et d’hôpitaux, ce que le collectif Inter-Urgences, qui appelle à une journée nationale de manifestation à Paris, le 6 juin prochain, a mis en tête de ses revendications.

En 2014, alors que notre groupe avait déposé une proposition de loi exigeant un moratoire sur les fermetures de services, d’établissements ou de leurs regroupements, la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine, avait répondu que, contrairement à ses prédécesseurs, elle ne conduisait plus une politique de fermetures des hôpitaux. Nous voyons aujourd’hui ce qu’il en est…

Force est de constater que, depuis 2014, les fermetures se sont poursuivies malgré les engagements des ministres successives, le nombre des établissements de santé passant de 3 111 en 2014 à 3 065 en 2016. Sur la même période, 46 établissements – pour le seul secteur public – ont fermé définitivement leurs portes.

Vous nous accorderez, mes chers collègues, que voter notre proposition de loi aurait été salutaire.

Dans ce contexte très dégradé, comment comprendre que Martin Hirsch annonce la fermeture de plus d’un millier de lits en gériatrie à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris d’ici à 2024, sans que votre ministère réagisse ?

Vous proposez de libérer du temps médical avec les 4 000 assistants médicaux pour les regroupements des professionnels de santé. Vous souhaitez favoriser l’exercice regroupé en maisons et centres de santé, nous disons : « Chiche ! »

Actuellement, les aspirations des jeunes praticiens à exercer en salariat dans des structures comme les centres de santé sont grandes. Donnons-leur les outils pour y parvenir en aidant réellement et concrètement les centres de santé à se développer. Il y a urgence à les accompagner en clarifiant le statut des professionnels exerçant dans ces centres, où les patients ont la garantie de bénéficier du tiers payant et de ne pas régler de dépassements d’honoraires, car il n’y en a pas.

Nous n’opposons pas médecine hospitalière et médecine de ville. Nous reconnaissons et défendons leur indispensable complémentarité.

Nous portons, avec nos collègues députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un projet alternatif de santé que nous avons élaboré avec des actrices et acteurs de notre système de santé, rencontrés tout au long de notre tour de France des hôpitaux, pour apporter une réponse immédiate aux problématiques dénoncées.

Selon nous, l’urgence sanitaire nécessite d’agir tout de suite, sans attendre 2022, et de mettre en place un plan d’investissement pour une santé de qualité, accessible à toutes et à tous, financé par la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux, par la suppression du CICE, du CIR et des exonérations de cotisations patronales et par une véritable lutte contre la fraude patronale aux cotisations sociales.

Avec cet argent, nous serions en capacité d’améliorer l’accès aux soins en créant 100 000 emplois à l’hôpital public et de revaloriser les carrières et les rémunérations des personnels. Est-il acceptable que les salaires des infirmières et des infirmiers en France soient les plus bas de tous les pays développés, selon l’OCDE ?

Avec cet argent, il est aussi possible de revenir sur les groupements hospitaliers de territoire, de créer 100 000 emplois statutaires par an, pendant trois ans, dans les filières gériatriques et les Ehpad, de revaloriser le point des conventions collectives du secteur d’aide à domicile, d’instaurer une véritable démocratie sanitaire en remplaçant les agences régionales de santé par des conseils cantonaux de santé, et en substituant aux conseils de surveillance des hôpitaux des conseils d’administration avec un droit de veto pour les représentants des personnels et les élus locaux.

Avec cet argent, il est possible de mettre en place un pôle public du médicament pour retrouver notre souveraineté en matière de production en France et de revaloriser le secteur psychiatrique pour garantir la continuité et la proximité du soin relationnel.

Bref, je n’entre pas dans le détail de nos 86 propositions. Il ne s’agit pas d’une liste à la Prévert, mais d’une réorientation des recettes de la sécurité sociale vers une autre politique de la santé.

C’est une question de choix politique. Nous regrettons, madame la ministre, que votre gouvernement s’inscrive dans la continuité des précédentes lois en matière de santé – notamment la loi HPST, dite loi Bachelot, et la loi Touraine.

Comment comprendre cet entêtement à poursuivre et à aggraver une politique qui a échoué et qui nous conduit aujourd’hui à la situation de pénurie de médecins, de recrudescence des renoncements aux soins et à la souffrance des personnels qui peut déboucher sur des drames ?

Cette politique ayant prouvé son inefficacité, il faut en changer, et ce de fond en comble. Ce n’est malheureusement pas ce que vous faites avec ce projet de loi.

Mes chers collègues, écoutez-nous, écoutez les infirmières de Valence qui chantent : « Y a de la colère dans les cathéters ! » Écoutez les personnels des urgences qui se mobilisent sur tous les territoires de notre pays. Votez notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement y est également défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je mets fin au suspense : nous ne soutiendrons pas cette motion tendant à opposer la question préalable.

Nous avons, nous aussi, repéré les faiblesses du projet de loi – ou plus exactement les manques qui le caractérisent –, même s’il comporte plusieurs points positifs. Selon nous, l’ambition de transformer le système de santé supposait d’aborder la question de sa gouvernance et celle de ses modalités de financement.

Comme l’a fort bien démontré le rapporteur et président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, dont nous saluons le travail, il nous paraît vain de faire du décloisonnement des acteurs du système de santé une priorité, sans remettre en cause le pilotage national de ce même système.

Maintenir une administration de la santé hypercentralisée et, en même temps, affirmer vouloir adapter les moyens d’action aux besoins des territoires ne nous apparaît pas opérant.

Nous estimons que le projet de loi manque d’ambition. Il se limite ainsi à fixer un cadre général ce qui, avec le recours aux habitations à légiférer par ordonnance, aboutit à un texte qui manque d’épaisseur. Le Parlement ne peut donc remplir pleinement son rôle de législateur.

Cependant, ce texte a d’ores et déjà été remanié par l’adoption de 131 amendements en commission, ce qui témoigne de la volonté de cette dernière d’y apporter des améliorations, dans un esprit constructif.

Alors que la santé ne figurait pas parmi les thèmes choisis par le Président de la République, la question de l’accès aux soins s’est imposée dans le grand débat national. Les Français attendent des réponses pour un meilleur accès aux soins.

C’est la raison pour laquelle nous considérons que nos travaux doivent se poursuivre pour nous permettre de débattre et d’enrichir encore le texte. Le groupe Les Républicains votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. À l’instar de mon collègue Savary, je ne ferai pas durer le suspense : nous ne voterons pas non plus cette motion.

Au-delà de ce que l’on peut penser de ce texte et de ses éventuelles insuffisances, il serait dommage de se priver d’un débat en séance publique sur des sujets aussi fondamentaux que ceux concernant la santé.

Nous avons fait cheminer la démocratie parlementaire et sociale, notamment à travers l’avenant aux conventions médicales pour la modulation des rémunérations et la mise en place des fameuses communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, avec la participation de l’ensemble des représentants des professionnels de santé.

Nous devons pouvoir discuter d’une question aussi fondamentale que la santé et faire avancer les choses. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre groupe ne votera pas non plus cette motion.

Nous pensons que ce projet de loi va dans le bon sens, même si tout ne peut être réalisé immédiatement.

La suppression du numerus clausus, l’augmentation de 20 % du nombre d’étudiants, une formation complètement différente, l’application des dispositions votées en commission – notamment sur l’initiative du président Milon –, la création des assistants médicaux, le déploiement de 400 médecins, une organisation à partir de projets territoriaux – même si la question des hôpitaux de proximité reste encore à préciser – sont autant de mesures intéressantes.

Le débat peut aussi nous permettre de trouver des solutions, avec, par exemple, l’adoption d’amendements proposés par plusieurs groupes politiques sur la question des médecins adjoints. C’est d’ailleurs tout à fait le rôle du Sénat que d’apporter des solutions concrètes pour améliorer l’accès aux soins de premier recours dans nos territoires – question récurrente de chaque débat auquel j’ai pu participer…

Ce texte peut nous permettre d’avancer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le groupe Union centriste n’est pas non plus favorable à cette motion.

Tout d’abord, sur le fond, il serait dommage de priver le Parlement du débat, alors même qu’un certain nombre d’entre nous regrettent les ordonnances prévues dans le projet de loi, qui réduiront de fait le débat. En effet, l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable nous empêcherait d’échanger sur un certain nombre de sujets.

Ensuite, sur la forme, les deux rapporteurs pour avis de ce projet de loi appartiennent à notre groupe et n’ont pas manifesté le souhait d’interrompre nos débats.

Telles sont les deux raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, fidèle à sa ligne de conduite, le groupe du RDSE est favorable au débat.

Nous sommes opposés à cette motion tendant à opposer la question préalable pour deux raisons essentielles. Tout d’abord, nous serons amenés, au fil de la discussion, à introduire dans le texte des mesures correctives ou additionnelles visant à améliorer le texte. Ensuite, la loi HPST était une loi de droite ; la loi de Marisol Touraine, une loi de gauche. L’efficacité et la réalité n’étant ni d’un côté ni de l’autre, trouvons une voie nouvelle en ouvrant le débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 792, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 270
Pour l’adoption 16
Contre 254

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 293

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, après plusieurs mois de travail avec tous les acteurs de santé, des heures d’auditions, de débats en commission des affaires sociales, et plus d’une centaine d’amendements adoptés, conformément aux règles de nos institutions, nous continuons aujourd’hui d’examiner, au sein de l’hémicycle, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Ce projet de loi est la traduction d’un engagement du Président de la République, tendant à « redonner du souffle à notre système de santé ». Ma Santé 2022 constitue une réponse concrète aux besoins quotidiens des Français en matière d’accès aux soins.

Ainsi, il y a consensus, me semble-t-il, sur le fait que Ma Santé 2022 reste un engagement collectif : c’est le plan de transformation tant attendu de notre système de santé, pour une meilleure organisation des professionnels au bénéfice des patients.

Il s’agit, d’une part, de faire face aux inégalités dans l’accès aux soins, de plus en plus de Français rencontrant des difficultés pour accéder à un médecin dans la journée et étant parfois contraints de se rendre aux urgences par défaut. Il s’agit, d’autre part, de donner corps aux aspirations des professionnels à mieux coopérer entre eux, à disposer de davantage de temps pour soigner leurs patients et à être formés autrement.

À la lecture de ce projet de loi, on peut retenir, me semble-t-il, une dizaine de mesures phares illustrant mes propos liminaires.

La plus emblématique d’entre elles est la suppression du numerus clausus, pour permettre la formation d’un nombre de professionnels de santé répondant aux besoins de nos territoires.

Répondre à l’enjeu de la démographie médicale est indispensable pour notre pays. L’objectif est d’augmenter de 20 % environ le nombre de praticiens formés. Le titre Ier de ce texte vise ainsi à améliorer le parcours de formation des professionnels de santé. On y trouve la réforme du deuxième cycle des études médicales et la suppression des épreuves classantes nationales, pour une orientation tenant mieux compte des compétences et aptitudes des élèves. Par ailleurs, un statut unique de praticien hospitalier est créé. Il est associé à la suppression du concours, pour faciliter l’entrée dans la carrière et diversifier les parcours professionnels.

Outre le décloisonnement des parcours de formation et des carrières des professionnels de santé que je viens d’évoquer, le titre II du texte, en particulier aux articles 7 et 8, fait de la qualité et de la pertinence des soins un enjeu prioritaire.

À l’article 7, un nouvel échelon infrarégional en matière de programmation de l’offre sanitaire et médico-sociale sera institué au niveau législatif par la création des projets territoriaux de santé. C’est un nouvel outil, dont l’objectif est d’assurer une meilleure coordination des actions conduites par les différents acteurs de santé. Les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, doivent continuer de se constituer sur l’initiative des acteurs de terrain.

L’ensemble des acteurs de santé que notre groupe a auditionnés ont préconisé une meilleure synergie entre l’hôpital et la médecine de ville. Nous nous réjouissons que cet article réponde à leur recommandation.

À l’article 8, avec notamment la création des hôpitaux de proximité pour les soins du quotidien – médecine, gériatrie et réadaptation –, il s’agit de réviser en profondeur la carte hospitalière.

Les premiers hôpitaux de proximité seront labellisés en 2020, l’objectif étant d’en créer 500 à 600 d’ici à 2022. Ils sont plus que jamais nécessaires, dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des maladies chroniques.

Ils assureront des missions hospitalières en médecine polyvalente : soins aux personnes âgées, soins de suite et de réadaptation, consultations de spécialités et consultations non programmées.

Lors de nos entretiens, madame la ministre, vous avez dit que le financement des hôpitaux de proximité serait examiné dans le cadre du futur projet de loi de financement de la sécurité sociale. Seule la gouvernance de ces derniers serait fixée par ordonnance.

Le débat en séance devrait nous permettre de mieux comprendre les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les ordonnances. Je sais, madame la ministre, que vous aurez à cœur de nous répondre.

Ma succincte description des mesures phares de Ma santé 2022 permet d’affirmer légitimement que ce projet de loi s’inscrit dans la perspective d’une santé au plus proche des patients, avec, notamment, la mise en place des parcours de soins.

L’adoption de ce texte permettra de libérer du temps médical, pour un meilleur accès aux soins. Notre système de santé pourra s’appuyer sur de nouveaux métiers, comme ceux des assistants médicaux.

Cela répond concrètement à la demande d’égalité en matière d’accès aux soins. Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé permettra à chaque Français d’avoir un médecin traitant, ce qui facilitera l’accès aux soins.

Pour conclure mon analyse de ce texte, j’évoquerai le titre III, qui répond au souhait du Gouvernement de développer le numérique en santé.

Ma Santé 2022 permettra de mettre en place des outils numériques pour les patients et les professionnels : ordonnance électronique, espace numérique de santé et développement de la télésanté.

Ces nouvelles technologies devraient participer à une mise en cohérence et déboucher sur de nouvelles synergies entre professionnels libéraux, hospitaliers et médico-sociaux. Il s’agira de s’assurer de la protection des données de santé de tous les Français à tous les âges de la vie.

Enfin, je ne peux terminer sans évoquer les outre-mer et les enjeux de santé auxquels ils doivent faire face.

Ma Santé 2022, c’est d’abord, pour l’outre-mer, une agence de santé pleinement fonctionnelle à Mayotte. Nous la devons aux Mahorais, afin de gérer au mieux, dans la plus grande proximité, l’organisation des soins dans ce territoire. Notre groupe présentera plusieurs amendements visant à développer l’attractivité du territoire et à désengorger le système de santé local.

C’est ensuite une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. La faculté de médecine des Antilles existe depuis 1988. Elle doit désormais jouer pleinement son rôle dans la formation des futurs médecins de la région. Actuellement, nos étudiants partent vers l’Hexagone à partir de la quatrième année afin de poursuivre leur parcours.

C’est enfin le règlement de la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne, qui fait l’objet de l’article 21, lequel a été complété par l’article 21 bis issu d’un amendement du rapporteur. À ce titre, nous défendrons un amendement visant à améliorer le dispositif de l’article 21 bis en outre-mer. J’espère que vous serez, mes chers collègues, sensibles à l’appel des Ultramarins sur cette question.

Vous l’aurez compris, ce projet de loi est important pour l’ensemble des Français. Nous serons ainsi présents et attentifs au cours des débats, et force de propositions à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, aux quatre coins de la France, de nombreux personnels de santé, en particulier des services d’urgence, sont devant leur hôpital pour dénoncer les plans de réorganisation liés à vos orientations budgétaires : ils ne veulent plus se taire face à l’inhumanité du soin.

Tel sera le cas demain, à Boulogne, où les personnels de santé dénonceront les départs à la retraite non remplacés et les contrats non renouvelés. Lorsque ce n’est pas pour ces raisons qu’ils font grève, madame la ministre, c’est pour d’autres, telles que la suppression de services ou de lits, des conditions de travail dégradées ou un manque de matériel. Une telle situation aboutit à la démission d’infirmières et de médecins dans les hôpitaux publics.

Pendant ce temps, vous faites le choix du maintien de la compression des dépenses de santé, à tel point que l’on parle aujourd’hui de cure d’austérité, alors qu’il faudrait un véritable plan d’urgence. Vous faites le choix de la rigueur plutôt que celui de l’amélioration des conditions de travail, amélioration nécessaire pour assurer la sécurité et le soin des patients. Bref, vous faites le choix de l’austérité financière plutôt que celui de l’humain.

Je reviendrai pour ma part sur trois points du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.

S’agissant de la réforme des études de santé, le texte prévoit la suppression du numerus clausus, la fin de la première année commune aux études de santé, la Paces, et la fin des ECN, les épreuves classantes nationales. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus et rejoints par d’autres collègues sur ce point.

Je souhaite simplement vous lire un extrait des débats qui s’étaient tenus le 21 juin 1971 à l’Assemblée nationale, et auxquels vous avez fait référence. Face à la proposition du ministre de l’éducation nationale Olivier Guichard d’instaurer la sélection en médecine, le député communiste Paul Cermolacce répondait ceci : « Nous proposons un plan d’urgence et de rattrapage pour l’amélioration de la formation des étudiants en médecine comprenant notamment la construction rapide des CHU pour la région parisienne et des CHR en province, le déblocage des crédits et des postes pour le développement du cycle d’enseignement et la mise en place d’un plan de construction d’urgence de lits hospitaliers publics. »

Presque cinquante ans plus tard, les faits nous donnent malheureusement raison. La fin du numerus clausus constitue donc à nos yeux une véritable avancée. Toutefois, nous craignons qu’il ne soit remplacé par des quotas régionaux fixés par les facultés de médecine et les ARS.

Pour augmenter le nombre d’étudiantes et d’étudiants formés, il faut augmenter les moyens des universités consacrés à l’enseignement et les capacités d’accueil en stages, je vous avais d’ailleurs interpellée sur ce sujet, madame la ministre. Il ne faudra pas que le futur décret remplace l’évaluation par d’autres critères de sélection.

Concernant les mesures pour lutter contre les déserts médicaux, vous prévoyez de favoriser le cumul emploi-retraite des médecins en diminuant les cotisations complémentaires. Sans compensation financière de l’État, une telle diminution des cotisations pourrait affecter les comptes des retraites.

La commission des affaires sociales a adopté un amendement visant à exonérer les praticiens exerçant en zones sous-denses, alors qu’il existe déjà des exonérations fiscales et sociales sans effet sur l’installation. Ces nouveaux dispositifs d’incitation ne changeront rien à la situation.

La priorité devrait être de revitaliser les territoires, pour les rendre attractifs pour les jeunes médecins, en y laissant les services publics que votre gouvernement supprime à tour de bras. Nous le savons, de nombreux jeunes professionnels ne souhaitent plus travailler seuls 24 heures sur 24. Ils aspirent à une vie de famille et aux loisirs, ce qui est légitime. Développer des centres de santé pluridisciplinaires avec des médecins salariés peut constituer l’une des solutions. Il convient également de refondre les contrats d’engagement, afin de les rendre réellement attractifs, conformément aux souhaits des étudiants.

Concernant l’organisation de la santé dans les territoires, les GHT, les groupements hospitaliers de territoire, sont devenus, depuis leur création en 2016, des outils de restructuration hospitalière et de concentration des moyens hospitaliers, soit de véritables mastodontes qui se sont développés au détriment des petits hôpitaux. Trop souvent, les plans de retour à l’équilibre s’enchaînent, mais les GHT ne servent qu’à partager les difficultés, sans augmentation des moyens alloués.

Le texte tend à accélérer le processus en mutualisant, entre établissements, les ressources humaines des professions médicales, pharmaceutiques et des sages-femmes. Alors que la fusion de la trésorerie et des fonctions support est encore facultative, elle constituera la prochaine étape.

Pour conserver leurs effectifs, les établissements publics de santé appartenant au GHT se trouvent en concurrence et doivent gagner des « parts de marché ». On se croirait dans une entreprise privée ! Pourtant, il s’agit de vies humaines. Votre gouvernement applique sa politique libérale à notre système de santé. Pour notre part, nous défendrons une autre logique, car la santé n’a pas de prix. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, mes chers collègues, deux ans après votre prise de fonction, madame la ministre, vous avez choisi de nous présenter une loi non pas de santé, mais d’organisation du système de soins.

D’aucuns y voient la marque d’un pragmatisme qui choisit de s’attaquer à un système de soins de moins en moins adapté aux défis sanitaires de notre temps, sans mettre en scène un débat théologique. D’autres soulignent le manque d’ambition du texte, son côté patchwork, et posent une question : cette loi est-elle de nature à apporter des réponses aux grandes questions de santé publique ? Est-elle à la hauteur des défis ? Aux uns et aux autres, l’avenir répondra.

Beaucoup, en tout cas, constatent que vous présentez une loi aux contours flous et au contenu flouté par un recours massif aux ordonnances.

L’instauration de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, en 1996, avait renforcé la légitimité du Parlement en matière de politique de santé. Avec ce texte, vous procédez comme jamais à une dépossession parlementaire. Nous ne mettons pas ici en cause le principe du recours aux ordonnances, légitime lorsque technicité et concertation se conjuguent. Mais nous rejetons la prétention d’un exécutif qui s’attribue une question aussi fortement politique que la carte de l’offre de soins par la conjugaison des ordonnances prévues aux articles 8 et 9. Les hôpitaux de proximité et l’ensemble des autorisations de soins sont des sujets majeurs, politiques avant d’être réglementaires.

Nous souscrivons volontiers au principe de gradation et de meilleure répartition territoriale. Mais il convient de ne pas marginaliser le Parlement, ce qui irait à rebours de l’évolution politique des dernières années, la santé ayant progressivement dépassé son statut de première préoccupation personnelle des Français pour devenir un sujet de débat collectif, sociétal et politique. Le Sénat devra s’opposer, concernant la santé, à cette conception régressive du débat démocratique.

Nous accueillons avec intérêt votre volonté de modifier le mode de sélection des étudiants se destinant aux professions de santé. Nous pensons à eux, parce que le gâchis humain actuel doit cesser. Mais nous savons que c’est le second cycle qui est déterminant dans la construction des représentations professionnelles et, donc, dans le devenir des étudiants. Nous approuvons également la suppression du verrou final, les ECN, qui perturbent ce second cycle. Mais nous restons insatisfaits, ces deux seules mesures d’entrée et de sortie n’étant pas accompagnées d’une évolution concernant le contenu du second cycle. Nombre d’amendements ont été déposés par mes collègues sur ce sujet, ce qui confirme l’insatisfaction qu’il provoque.

Madame la ministre, la désertification médicale, vous le savez, a des conséquences désastreuses pour nos compatriotes qui ne peuvent accéder aux soins dans des conditions satisfaisantes. Cela nous impose d’agir, je reviendrai sur ce point.

En outre, nous constatons que, sous la pression de la pénurie, les fondements de notre organisation des soins et du partage des tâches sont mis en question.

Soyons clairs. Oui, le partage des tâches doit aller plus loin qu’aujourd’hui. Des professionnels de santé sont sous-valorisés et sous-utilisés, alors qu’ils ont la compétence pour mieux contribuer aux parcours de soins et mieux articuler le sanitaire et le médico-social. Il nous faut trouver le bon équilibre : mieux les reconnaître et mieux prendre en compte leurs savoirs et leurs savoir-faire, sans méconnaître la nécessaire délimitation entre les fonctions de diagnostic, de soin et de délivrance des produits de santé. Le confusionnisme qui se répand ne constitue une réponse satisfaisante ni pour les professionnels ni pour les usagers. À cet égard, le texte transmis par l’Assemblée nationale n’a pas atteint un équilibre satisfaisant.

Le numérique dans le domaine de la santé, riche de progrès et d’innovations, est exposé aux mêmes dérives : il est un complément, une composante utile, au parcours de soins. Mais prenons garde à ce qu’il n’engendre pas un système de soins injuste, où certains verraient un médecin en face d’eux tandis que d’autres n’auraient droit qu’à un professionnel de santé derrière un écran. Je vous laisse deviner quels habitants de quels territoires auraient accès à telle ou telle solution. La même interrogation s’applique aux origines et aux classes sociales. Le numérique n’est pas un pis-aller à la désertification médicale. Il ne doit pas être à l’origine d’une médecine à deux vitesses.

Nous devons donc affronter plus volontairement la question de la désertification. Ce projet de loi, vous en conviendrez, serait entaché s’il ne marquait pas un nouveau volontarisme en la matière.

Les mesures incitatives produisent des effets, mais trop lentement. Quant au conventionnement sélectif, il produirait à coup sûr des effets collatéraux qui en feraient un remède peut-être pire que le mal.

Nous avons donc proposé à nos collègues de la majorité sénatoriale et de l’ensemble des groupes, qui ont accepté, de travailler ensemble à une solution. Je salue leur ouverture et leur sagesse. Il s’agit de mettre en œuvre au plus vite l’année de professionnalisation des IMG, les internes de médecine générale, dans les territoires. Cette année est déjà prévue par l’harmonisation européenne des cursus et un arrêté datant de 2017.

La mesure aurait un effet important et déterminant en termes d’attribution de temps médical, là où les besoins sont les plus importants, à un horizon singulièrement raccourci de trois ans. Elle est de nature à résoudre, en complément des dispositifs existants, la question qui nous est posée.

Madame la ministre, sur bien des sujets, votre projet de loi ouvre des pistes intéressantes. Oui, le statut des praticiens hospitaliers, les PH, doit être réformé. Oui, nous devons mieux accueillir les praticiens à diplôme hors Union européenne. Oui, l’espace numérique de santé est un défi enthousiasmant.

Nous constatons seulement que ce projet a insuffisamment mûri et qu’il gagnerait à un travail plus approfondi. Ce n’est pas un hasard si la procédure parlementaire normale prévoit deux lectures dans chaque assemblée. Mais votre gouvernement veut aller trop vite. Une bonne loi prend du temps, et vous ne prenez pas ce temps.

La loi HPST mérite, au vu de ses résultats, que des correctifs lui soient apportés. Alors que la loi de 2016, qui n’est pas encore pleinement entrée en application, n’a pas non plus été évaluée, vous invoquez l’urgence à légiférer. Nous sommes les champions en la matière, mais nous avons du mal à attribuer les moyens que ces lois requièrent. Ainsi ce projet ne manque-t-il pas d’engagements dont le financement ne paraît pas assuré.

Le texte qui sera adopté par le Sénat sera, nous l’espérons et nous y travaillons, amélioré. Nous nous prononcerons en fonction des résultats auxquels nous parviendrons.

À vous, madame la ministre, qui nous présentez une copie bien trop blanche, et qui de ce fait transformez le vote d’une loi en une question de confiance, je voudrais dire que vos propos et vos actes durant ce débat seront pour nous déterminants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis une dizaine d’années, de nombreux textes relatifs à notre système de santé ont été examinés par le Parlement. Tous sans exception ont dressé un diagnostic extrêmement précis et pertinent de la situation.

Je pense notamment à la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 ou, plus récemment, à la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Le bilan dressé voilà dix ans est malheureusement toujours d’actualité. Il faut bien le reconnaître, aucune de ces grandes lois n’a réussi à réformer en profondeur l’organisation de la santé dans notre pays, si bien que, trois ans après la loi Touraine, vous nous proposez, madame la ministre, un nouveau texte.

En effet, si notre système de santé est depuis longtemps reconnu pour être globalement performant et efficace, par rapport à ce qui existe chez nos voisins, il se heurte à de nombreuses difficultés et doit plus que jamais s’adapter aux enjeux actuels. Vous l’avez rappelé : « Nous sommes confrontés à un système trop cloisonné – entre ville, hôpital, médico-social, ou entre public et privé, entre professionnels de santé eux-mêmes – mettant insuffisamment en valeur la fluidité des parcours, la coordination entre professionnels, la qualité et la prévention. »

Par ailleurs, l’accès aux soins s’est complexifié en raison notamment de la métropolisation et de l’évolution des mentalités. Les jeunes médecins ne veulent plus exercer leur métier de la même manière que leurs prédécesseurs. Ils veulent plus de liberté et plus de loisirs, et souhaitent trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le médecin généraliste, c’était autrefois un homme et sa femme, qui était son assistante ; c’était un projet de couple. Aujourd’hui, les médecins doivent prendre en compte, dans le choix de leur lieu d’exercice, les possibilités d’emploi offertes à leur conjoint, ce qui rend difficile l’installation dans certaines zones. Le système doit donc nécessairement prendre en considération ces nouvelles pratiques.

Aussi, madame la ministre, deux questions s’imposent tout naturellement aujourd’hui : comment le texte que vous nous présentez pourra-t-il corriger les insuffisances des précédentes lois et quelles voies nouvelles explore-t-il ?

Nous le savons bien, une réforme d’envergure ne peut se faire sans la mobilisation de moyens humains et financiers correspondants. Nous ne pouvons que le regretter, ce projet de loi n’aborde pas cette question pourtant essentielle. Nous attendons avec impatience l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Nous déplorons également que plusieurs modifications législatives prennent la forme d’habilitations à légiférer par voie d’ordonnances. Madame la ministre, vous connaissez l’attachement du Sénat, et tout particulièrement du RDSE, au débat parlementaire ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle : les ordonnances constituent une forme de législation déléguée qui affaiblit le rôle du Parlement. Et, dans le climat actuel de défiance à l’égard de nos institutions, un tel affaiblissement n’est pas souhaitable.

Certes, lors de votre audition, vous vous êtes engagée à venir présenter chacune des ordonnances devant notre commission et à réaliser une étude d’impact. Mais, en définitive, vous nous privez de participer à l’écriture de dispositions importantes.

Pour autant, ce texte comporte de nombreuses avancées que nous tenons à saluer.

Je pense évidemment à la réforme des études médicales, et notamment à la suppression, attendue par tous, du numerus clausus, même si nous savons que le nombre d’étudiants admis en deuxième année dépendra en partie des capacités d’accueil des universités. Celles-ci auront-elles les moyens de former les 20 % supplémentaires de praticiens que vous escomptez ?

Vous supprimez également la Paces, qui favorise le bachotage et déshumanise les étudiants, ainsi que les épreuves classantes nationales. C’est une très bonne chose.

Les mesures proposées permettront par ailleurs de privilégier la diversité des profils et de prendre en compte, outre les connaissances des étudiants, leurs expériences et leur projet professionnel.

Nous approuvons également la réforme du statut de praticien hospitalier, même si celle-ci relève, là encore, d’une ordonnance. Je me félicite toutefois de la précision apportée par notre président-rapporteur quant à l’encadrement des écarts de rémunération entre les personnels titulaires et les personnels contractuels. Un tel encadrement permettra peut-être de mieux lutter contre le recours à l’intérim médical, sujet sur lequel je vous sais, madame la ministre, particulièrement impliquée.

S’agissant du volet relatif à l’organisation territoriale de la santé, nous saluons l’instauration du projet territorial de santé, qui devrait permettre une véritable coopération entre les professionnels de ville, l’hôpital et le secteur médico-social, et une meilleure coordination de l’offre de soins.

Nous sommes en revanche plus circonspects au sujet des hôpitaux de proximité, conçus comme le pivot de l’offre de soins sur les territoires. Il est en effet regrettable que le projet de loi, sur un sujet aussi sensible, renvoie en grande partie à une ordonnance, d’autant que, dans nos territoires, l’inquiétude est grande. Ces hôpitaux devront renoncer à leurs plateaux techniques, ce qui signifie la fin de la chirurgie et de l’obstétrique. Or la fermeture de services de maternité, dans certaines zones rurales notamment, risquerait d’aggraver la désertification médicale et l’absence d’attractivité de ces territoires, qui sont les plus isolés.

Madame la ministre, vous avez déclaré que votre priorité était de tout faire pour répondre à l’angoisse de la désertification médicale, dont il faut rappeler qu’elle ne concerne pas uniquement le milieu rural. Plusieurs mesures vont dans ce sens : outre la « suppression » du numerus clausus, vous prévoyez notamment d’étendre le dispositif de médecin adjoint aux zones sous-denses et d’attribuer de nouvelles tâches aux pharmaciens, aux infirmiers et aux sages-femmes.

Si ces mesures sont satisfaisantes, certains sénateurs du RDSE déplorent l’absence de mesures permettant la régulation de l’installation des médecins dans les territoires. Nous craignons en effet que la seule incitation financière à l’installation de jeunes médecins ne suffise pas à résoudre le problème de la désertification médicale.

S’agissant enfin des Padhue, la clarification des règles va dans le bon sens. Néanmoins, de par leur positionnement géographique, certains territoires de la République doivent pouvoir facilement recruter des professionnels ressortissants de pays voisins. Tel est l’objet de l’article 21 bis, qui étend à la Guadeloupe et à la Martinique un dispositif existant déjà en Guyane. J’ai d’ailleurs déposé un amendement dont l’objet est son extension à mon territoire, Saint-Martin.

Madame la ministre, le monde médical et nos concitoyens attendent beaucoup de ce projet de loi. J’espère que nos débats permettront de répondre à leurs aspirations. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau, M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons porte l’ambition de réformer notre système de santé, et notamment de résorber les déserts médicaux. La situation présente est le fruit de décisions anciennes – diminution du numerus clausus, hospitalo-centrisme –, mais aussi, plus récemment, de la volonté des jeunes médecins de mener une vie différente.

On constate de fortes disparités sociales et régionales dans l’accès aux soins, une inégale répartition des médecins, mais aussi des infirmiers – notamment en Ehpad –, sur les territoires, pouvant aller, sur certains d’entre eux, jusqu’à la pénurie.

Beaucoup de médecins sont proches de la retraite ; une aggravation est donc à prévoir dans les années qui viennent, avec une extension des zones blanches dans la France périurbaine et rurale et, si ce projet de loi ne remédie pas rapidement à cette situation, une désertification pure et simple des territoires ruraux.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Daniel Chasseing. Notre système de santé doit faire face à plusieurs problèmes : une population vieillissante, une forte croissance de la prévalence des pathologies chroniques, un encombrement des urgences par des pathologies qui devraient être traitées en médecine de ville, sans parler des problèmes de rupture d’approvisionnement en médicaments, dont le Sénat s’est saisi en juillet dernier à la demande du groupe Les Indépendants et du sénateur Jean-Pierre Decool – à ce sujet, madame la ministre, vous avez annoncé un plan d’action d’ici à la fin du mois de juin.

La France a la chance d’avoir un système de santé qui compte parmi les meilleurs au monde. Nous disposons d’excellents professionnels, d’une sécurité sociale parmi les plus complètes, d’un réseau hospitalier étendu et d’une recherche médicale de pointe – en la matière, les efforts doivent être poursuivis. Mais il nous faut retrouver une couverture médicale de premier recours dans tous les territoires.

Je salue, à ce titre, ce projet de loi d’organisation et de transformation du système de santé, dont les auteurs entendent remédier à cette situation, mais également la qualité du travail réalisé par la commission des affaires sociales et par son rapporteur Alain Milon, qui a veillé, lors de l’examen du texte en commission, à préserver la ligne directrice du texte tout en l’améliorant sensiblement.

La réforme des études contribuera, en supprimant le numerus clausus, à préserver nos filières médicales tout en humanisant la formation de nos médecins et en augmentant progressivement les capacités de formation de nos universités, en lien – nous l’espérons – avec les hôpitaux périphériques, les cliniques et les médecins généralistes.

Nous partageons totalement cet objectif d’augmentation de 20 % environ du nombre d’étudiants en deuxième année de médecine. Cet objectif devra être défendu par l’État et par les ARS auprès des universités – nous devrons être très vigilants sur ce point.

Nous saluons également l’adoption par la commission d’une mesure d’incitation fiscale à l’installation des jeunes médecins, à l’article 4, et l’amélioration du CESP, le contrat d’engagement de service public, pour les zones sous-denses, ainsi que la limitation des remplacements à trois ans, à l’article 4 ter – cette dernière mesure, notamment, me paraît importante.

Notre groupe défendra un amendement commun à plusieurs groupes visant à favoriser la mise à disposition par la faculté ou par les hôpitaux périphériques d’étudiants en dernière année de troisième cycle, qui pourront exercer comme médecins adjoints pour renforcer l’offre de soins dans les territoires sous-dotés en médecins.

Madame la ministre, nous devons absolument trouver une solution au problème, prioritaire, de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble de nos territoires. Les élus et la population l’attendent impatiemment. Si la mesure que j’ai évoquée n’était pas acceptée et organisée par un projet territorial de santé autour des CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, les élus des territoires demanderaient des mesures coercitives, et nous les soutiendrions.

La création de projets territoriaux de santé vise avant tout à mieux coordonner l’offre de soins dans les territoires afin d’améliorer les parcours de soins dans l’intérêt des patients et des professionnels de santé – nous y sommes favorables.

Le développement d’un réseau renforcé d’hôpitaux de proximité – c’est l’objet de l’article 8 – devrait permettre de repenser l’offre de soins à l’échelle des territoires, dans une logique de subsidiarité et de complémentarité entre médecine de ville et médecine hospitalière. Nous serons attentifs au contenu de l’ordonnance qui en précisera le fonctionnement et la gouvernance.

La numérisation de notre système de santé constitue un autre versant important du projet de loi. La généralisation et l’enrichissement du dossier médical partagé contribueront à améliorer la cohérence et la continuité des soins délivrés.

Avec le DMP, les pharmaciens, qui sont bien répartis sur le territoire, pourront, dans le cadre de protocoles établis avec le médecin traitant, s’investir davantage dans les soins prodigués aux patients.

Nous regrettons la suppression par la commission du droit opposable à bénéficier d’un médecin traitant dans les déserts médicaux. Aussi notre groupe défendra-t-il un amendement pour rétablir cette disposition ; il n’est pas concevable que des Français soient pénalisés financièrement et voient leur parcours de soins dégradé faute de médecin traitant.

Je défendrai également un amendement visant à élargir l’accès au dispositif d’évaluation à tous les praticiens à diplôme hors Union européenne, tout en restant vigilant, bien sûr, en matière de niveau de qualification des médecins autorisés à exercer.

Notre groupe proposera par ailleurs d’étendre le droit à l’oubli instauré pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer aux personnes ayant été victimes d’un infarctus du myocarde, en l’absence de facteur de risque de récidive.

Mesdames les ministres, mes chers collègues, dans nos territoires périurbains et ruraux, nos compatriotes attendent en premier lieu de cette loi des mesures efficaces pour résoudre les problèmes des zones sans médecins. Les mesures annoncées, 4 000 assistants médicaux et 400 médecins dans les déserts médicaux, vont dans le bon sens, mais ne suffiront pas.

La suppression du numerus clausus ne produira ses effets que dans dix ans. Il faut absolument, sans attendre, permettre aux étudiants en dernière année de troisième cycle de devenir médecins adjoints dans ces territoires. La mise en œuvre de cette mesure est possible ; elle doit être organisée à partir des hôpitaux de proximité.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Chasseing. Si cette mesure, en particulier, n’était pas retenue, nous irions vers des dispositions coercitives, qui sont souhaitées par 70 % de la population. C’est cette mesure que le Sénat, représentant des collectivités, doit apporter, au titre de sa contribution propre, dans ce projet de loi. (MM. Franck Menonville et Jean-Claude Requier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, après avoir discuté du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, voici venu le moment d’examiner ce texte – il était attendu – relatif à la santé.

Mais – il faut en convenir –, ce projet de loi recouvre essentiellement la réforme, bienvenue, des études médicales, des précisions et ajustements quant à l’organisation des soins et des dispositions relatives aux sujets importants que sont le numérique et les données de santé.

Le domaine du texte ainsi circonscrit, nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, mais surtout de l’article 45, de la Constitution.

Mme Catherine Deroche. Éternelle répétition : en PLFSS, argue-t-on, on ne peut pas ; mais, nuance-t-on, ce sera pour une future loi santé. Or, le moment venu, la loi en question laisse hors de son périmètre des sujets aussi attendus que, par exemple, l’innovation en santé – nous avions traité ce sujet dans notre rapport publié l’an passé sur l’accès aux médicaments innovants –, la filière visuelle ou les biosimilaires.

Dans l’attente des débats à venir, je me contenterai de dresser rapidement le bilan de la mission sur l’organisation territoriale de la santé que Véronique Guillotin, Yves Daudigny et moi-même avons menée depuis le début de l’année dans le cadre de la Mecss, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, et en préparation de l’examen de ce texte. Nous avons ciblé notre analyse sur les outils et dispositifs destinés à organiser la coordination entre les acteurs au niveau des territoires, outils et dispositifs issus des derniers textes législatifs, loi HPST de 2009 et loi Touraine de 2016.

Madame la ministre, votre projet de loi fait de ces outils des piliers de la « transformation » souhaitée de notre système de santé.

Un petit rappel, au préalable : les professionnels de santé se sont toujours, dans une mesure certes variable, coordonnés entre eux, avec ou sans formalisation juridique. À cet égard, la notion d’exercice « isolé », auquel les évolutions en cours sont supposées mettre fin, constitue assez largement un mythe.

Quoi qu’il en soit, l’inscription de leur activité dans un exercice coordonné est un argument décisif pour l’installation des nouvelles générations de professionnels.

Les communautés professionnelles territoriales de santé, ou CPTS, de taille et de modèle très variables, s’adressent aux professionnels de santé de premier comme de second recours, ainsi qu’aux acteurs du secteur médico-social. Elles nous ont paru utiles à la prise en charge des patients complexes. La place des coordonnateurs y est majeure.

Tandis que les équipes de soins primaires, ou ESP, organisées autour du premier recours et centrées sur les généralistes, visent à la prise en charge d’une patientèle, les CPTS tendent à organiser et à structurer une action sanitaire territoriale plus populationnelle.

Le constat est clair : la réussite de ces initiatives tient toujours à la force de volonté et à la ténacité de leurs instigateurs, dont il faut saluer l’engagement, mais aussi au soutien apporté par les équipes locales de l’ARS, qui doivent être facilitatrices et non directives.

Des bémols, néanmoins : la difficulté, parfois, à mobiliser les spécialistes, et le frein que constituait l’instabilité juridique entourant le dispositif de coordination et son financement.

Un point, en tout cas, fait consensus : celui de l’absolue nécessité de conserver un cadre juridique souple à la main des professionnels, ceux-ci devant avoir la possibilité de s’en saisir sur une base volontaire, avec des marges de manœuvre suffisantes pour permettre son adaptation aux besoins de leur territoire.

À côté de ces modes d’organisation existent différents dispositifs d’appui à la coordination des professionnels de santé : les MAIA, les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’autonomie, et les CLIC, les centres locaux d’information et de coordination, que nous connaissons bien, ainsi que, depuis la loi de 2016, les plateformes territoriales d’appui, à l’échelon départemental.

L’enchevêtrement de ces dispositifs d’appui, qui fonctionnent à une échelle territoriale souvent différente de celle des CPTS, entretient un sentiment de confusion bien compréhensible chez les professionnels de santé.

Certains de nos interlocuteurs se sont prononcés en faveur d’une fusion des différents dispositifs d’appui ou du pilotage des plateformes par les CPTS elles-mêmes. Mais l’essentiel est bien de développer l’idée d’un guichet unique de coordination.

Nous avons fait par ailleurs un point sur les groupements hospitaliers de territoires, les GHT, qui sont actuellement au nombre de 136. Le constat évident est celui d’une très grande hétérogénéité : le nombre d’établissements parties varie de 2 à 20, la population des territoires desservis de 100 000 à 2,5 millions d’habitants ; les effectifs s’inscrivent dans un rapport de 1 à 20, et les budgets s’échelonnent de 100 millions à plus de 2 milliards d’euros.

Le ressenti des acteurs est souvent celui d’un groupement hospitalier public de territoire plus que d’un GHT à proprement parler.

Une évaluation par territoire et des ajustements au cas par cas, sur le périmètre par exemple, selon des modalités plus souples, paraissent réalistes, mais, là encore, en accompagnant la dynamique locale.

Les GHT ont-ils permis de développer les relations avec la médecine de ville ? De nombreux GHT ont fait de cet objectif un axe de leur projet. Toutefois, le bilan apparaît, là aussi, inégal. Le déploiement des CPTS est attendu comme un moyen de faciliter ces échanges, mais les efforts devront également venir du monde hospitalier.

Un élément indispensable à cette coopération entre médecine de ville et hôpital sera en outre le développement d’outils numériques interopérables.

Pour le reste, je soutiens évidemment notre rapporteur Alain Milon et salue l’équilibre trouvé dans ses propositions. Je remercie également notre collègue Corinne Imbert pour son initiative sur la professionnalisation de la dernière année d’études.

Pour conclure, madame la ministre, je rappellerai les principes suivants, qui vaudraient dans d’autres domaines : souplesse, adaptation aux territoires et confiance dans les acteurs locaux, en attendant le PLFSS pour 2020 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’inégal accès aux soins est une préoccupation majeure pour nos concitoyens. Aucun territoire n’échappe véritablement à cette problématique qui cristallise les angoisses voire les peurs, pour ne pas dire les colères. Le manque de médecins peut tout aussi bien se ressentir s’agissant des généralistes que des spécialistes. Certains territoires cumulent ces difficultés.

Dès octobre 2017, soit quatre mois seulement après votre entrée en fonction, madame la ministre, vous lanciez, aux côtés du Premier ministre, un premier plan pour renforcer l’accès territorial aux soins, preuve de votre prise de conscience précoce sur cette question primordiale d’aménagement des territoires.

En septembre dernier, le Président de la République présentait sa stratégie de transformation Ma santé 2022. Ce plan de réorganisation de notre système était largement salué, notamment par les professionnels de santé, qui y voyaient la traduction de votre engagement à rechercher des solutions concrètes.

Le projet de loi Santé, que nous examinons aujourd’hui, ne représente qu’un chapitre de ce plan. Il vise à réformer les études des futurs professionnels de santé, en supprimant notamment le numerus clausus, à réorganiser notre système de santé afin de libérer du temps médical et de structurer les territoires, et à créer une véritable plateforme des données de santé.

Il suscitera néanmoins beaucoup d’impatience et d’insatisfaction, car il ne répondra pas immédiatement aux difficultés d’accès aux soins.

Le recours à de nombreuses ordonnances est également une source d’inquiétude. Un seul exemple : la labellisation des hôpitaux de proximité, dont la définition et la gouvernance restent encore assez floues, suscitera forcément soit le bonheur soit l’exaspération des élus et des professionnels d’un territoire.

Au sein du groupe Union Centriste, même si nous sommes partagés,…

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. C’est une lapalissade !

Mme Élisabeth Doineau. … nous sommes convaincus qu’il faut proposer et mobiliser une multiplicité d’outils pour répondre au cas par cas aux réalités des territoires.

Aussi avons-nous identifié trois pistes essentielles qui seront traduites, pour partie, en amendements visant à regagner du temps médical et à implanter les futurs médecins sur les territoires.

Première piste : décentraliser la formation.

La fin du numerus clausus n’entraînera pas immédiatement l’augmentation attendue du nombre de médecins, en raison du caractère limité des capacités d’accueil dont disposent les universités et les maîtres de stage, bien que le nombre de ces derniers ait enregistré une progression remarquable de 17 % lors de l’année écoulée.

C’est pourquoi nous pensons que décentraliser les formations est une piste à explorer, qui permettrait d’augmenter le nombre de places, de susciter davantage de vocations, avec pour effet de diversifier les profils, et de maintenir les étudiants sur leur lieu de vie. Cessons de concentrer nos étudiants dans les grandes métropoles – ils y restent souvent une fois leurs études terminées. Certains territoires donnent l’exemple : Laval accueillera à la rentrée prochaine des cours retransmis de la faculté d’Angers.

Cette proposition ne peut se traduire par un amendement ; son sort dépendra de la volonté des universités et de leurs doyens. Merci à vous, mesdames les ministres, de les intéresser à une telle ouverture !

Deuxième piste : priorité aux stages.

Nous le savons : les stages ambulatoires sont un levier essentiel pour faire découvrir les réalités des territoires fragiles, pour promouvoir la richesse des modes d’exercice et pour orienter les vocations des étudiants.

J’identifie plusieurs conditions pour faire de ces stages des expériences réussies, donnant envie de s’installer durablement dans ces territoires : offrir aux étudiants de bonnes conditions matérielles, et ce dès les stages d’externat ; garantir la qualité de l’encadrement et diversifier les lieux de stage, ce qui implique de mieux prendre en compte les retours d’expérience des stagiaires et de faciliter l’agrément des maîtres de stage – nous proposerons des amendements en ce sens ; organiser des politiques d’accueil des étudiants dans ces territoires, non seulement par la promotion du cadre de vie, mais aussi par la rencontre avec le réseau des professionnels de santé desdits territoires.

Troisième piste : favoriser le partage des tâches.

Le profil type du médecin d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier. Les 80 heures par semaine en pratique isolée sont derrière nous ; 97 % des médecins expriment le souhait de travailler en pluridisciplinarité. Ainsi le simple remplacement d’un médecin par un nouveau professionnel est-il aujourd’hui insuffisant. La Drees, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, indiquait récemment que les médecins généralistes travaillent en moyenne 54 heures par semaine.

Avec le vieillissement de la population et le développement des maladies chroniques, nos concitoyens doivent se rendre régulièrement chez leur médecin traitant ou chez un spécialiste.

C’est pourquoi nous devons favoriser le partage des tâches et regagner du temps médical. Nous proposons, dans cette perspective, de donner une définition claire des « équipes de soins primaires », en prévoyant un triptyque composé d’un médecin généraliste, d’un pharmacien et d’un infirmier libéral auquel viendraient s’ajouter, selon les besoins des patients, les autres auxiliaires médicaux.

Il est également nécessaire de fluidifier les parcours des professionnels de santé, en facilitant les exercices mixtes – c’est d’ailleurs ce que vous proposez, madame la ministre. Dans la continuité de vos propositions, nous voulons autoriser la pratique d’une activité libérale aux praticiens salariés à temps plein des Espic, les établissements de santé privés d’intérêt collectif.

Je soutiendrai tout amendement dont l’adoption aurait pour effet de permettre un meilleur partage des tâches, tout en restant très vigilante sur la nécessité de maintenir un haut niveau de qualité des soins. L’objectif n’est pas de déléguer à tout va – cela mettrait en danger à la fois les professionnels et les patients.

À ce stade de mon propos, je souhaite vous livrer un témoignage. Déléguée à l’accès aux soins avec le député Thomas Mesnier et le docteur Sophie Augros, j’ai pu mesurer, au cours de nos déplacements, combien le dialogue et l’accompagnement étaient nécessaires et essentiels. Expliquer les dispositifs, rencontrer les acteurs, relever les difficultés, comprendre les enjeux liés à chaque territoire, mettre du lien entre institutions et professionnels : autant d’actions qui mériteraient une véritable structuration. Or, sur les territoires, la déclinaison des mesures est perfectible. Nos concitoyens, les élus et les professionnels eux-mêmes ont besoin de mesurer les effets de la politique nationale.

Il convient de communiquer au plus près du terrain pour fédérer tous les acteurs. Je pense toutefois qu’un effort de simplification et de clarification est nécessaire et permettra une meilleure adhésion. Je suis persuadée par ailleurs que les élus locaux ont un grand rôle à jouer – vous l’avez dit, madame la ministre –, à la condition qu’ils maîtrisent pleinement l’ensemble des dispositifs.

Si ce projet de loi suscite globalement l’enthousiasme des Français, d’après un sondage publié aujourd’hui par un grand quotidien national, ceux-ci demandent aussi des mesures coercitives. Cette option est relayée par certains parlementaires, y compris de mon groupe ; à titre personnel, je n’y suis pas favorable. Car, pour pouvoir répartir, encore faut-il disposer du nombre de professionnels suffisant. Or, ce nombre, actuellement, fait défaut, s’agissant en particulier des médecins généralistes. Je me contenterai de citer un chiffre : en 2010, ces derniers étaient plus de 94 000 ; en 2019, ils ne sont plus que 87 000.

Dessiner le paysage de demain, en matière de santé, est indispensable ; quant à vos ambitions, madame la ministre, nous les partageons toutes, tous autant que nous sommes. Mais je crois beaucoup, au-delà d’un projet de loi, à la pédagogie et au partage des responsabilités pour engager une véritable dynamique. La santé est un sujet universel qui devrait nous unir, pour le bien de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Guillaume Arnell et Franck Menonville applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Sur ce sujet, beaucoup d’inquiétudes avaient été soulevées lors des discussions des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, mais elles avaient sans cesse été renvoyées à un futur texte de loi non financier, exclusivement consacré à la santé.

Nous y voici. Le présent texte représente donc l’unique porte d’entrée de ce quinquennat pour réformer de manière efficiente notre système de santé. Mis à part la réforme des études, qui est satisfaisante, ce nouveau projet de loi structuré autour de la réorganisation des soins nous laisse pourtant, précisément parce que nous en partageons le diagnostic et l’urgence, un goût d’inachevé !

C’est un texte administratif, qui continue de donner un pouvoir trop important, à mon sens, aux agences régionales de santé, sentiment d’autant plus marqué vu la taille XXL des nouvelles régions.

Nous sommes à un moment clé, madame la ministre. Ce texte arrive en discussion au Sénat après le grand débat national – cela a déjà été dit –, pendant lequel l’accès aux soins a été au cœur du débat politique, alors que le Président de la République n’avait pas retenu le sujet de la santé parmi les grands thèmes de cette concertation.

Cela fait des années que les questions de démographie médicale préoccupent les élus et nos concitoyens. Je vous reconnais le mérite de poser le sujet sur la table. Mais vous le faites sans y consacrer de moyens financiers et, surtout, en vous inspirant de la vision d’une médecine administrée ; le résultat ne saurait donc être vraiment satisfaisant.

Après avoir beaucoup parlé des MSP, on ne parle désormais que de CPTS et de PTS ! Je m’exprime volontairement avec ces acronymes, comme si tout cela allait régler les problèmes d’accès aux soins. Ce ne sont pas les murs qui soignent, madame la ministre – vous le savez. Il est certes nécessaire de créer de bonnes conditions d’exercice, et certaines collectivités y investissent beaucoup d’argent ; mais un tel investissement est vain sans médecins ni professionnels de santé !

Mme Corinne Imbert. S’agissant des CPTS, l’échelle retenue se situant entre 20 000 et 100 000 habitants, nous n’avons vraiment pas le même sens de la proximité – il faudra de la souplesse quant à leur périmètre.

Tous les médecins qui exercent ont un réseau, même si ce réseau n’est pas formalisé. Mon sentiment est qu’aujourd’hui, tous ces médecins qui exercent en dehors des MSP ou qui ne seraient pas impliqués dans une CPTS ne sont plus dans vos radars, alors qu’ils soignent chaque jour des patients.

Et, si la question des hôpitaux de proximité est majeure, si l’interaction entre l’hôpital et les professionnels de ville est un vrai sujet, commençons par améliorer les sorties d’hôpital ! Je crains que l’on ne soit en train de détricoter la médecine libérale, et je ne suis pas sûre que les solutions proposées dans ce texte pour répondre à la question de la démographie médicale aient été discutées en amont avec les professionnels.

Car, si la réforme des études est une bonne chose, elle ne règle pas la question de l’installation des jeunes médecins, qui est bien au cœur des préoccupations de tous.

À titre personnel, et comme vous, je suis défavorable aux mesures coercitives. Les mesures incitatives, souvent critiquées comme « ne marchant pas », ont au moins le mérite de permettre l’installation de jeunes praticiens. Dire qu’elles ne marchent pas est exagéré : quand, dans un département, 15 jeunes médecins s’installent grâce à de telles mesures incitatives, plus de 15 000 patients sont pris en charge !

Dans ce contexte, je vous proposerai, madame la ministre, comme plusieurs de mes collègues appartenant à différents groupes politiques de cette assemblée, un amendement visant à instaurer une formation professionnalisante en dernière année d’internat de médecine. Je me félicite du travail constructif dont cette proposition est le fruit ; afin de répondre efficacement aux besoins de médecins, nous proposerons que les étudiants de dernière année de troisième cycle de médecine effectuent une année de pratique ambulatoire en autonomie dans les zones sous-dotées. Plus de 3 400 futurs médecins généralistes sont ainsi potentiellement disponibles pour tout le territoire, soit une moyenne de 34 médecins par département. Si vous le souhaitez, certaines spécialités pourront être aussi concernées par cette mesure.

Vous en conviendrez, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition constitue une réponse rapide, efficiente et pragmatique aux difficultés rencontrées. Cette solution viendrait parfaitement compléter la fin du numerus clausus, qui, elle, produira ses premiers effets sur le temps long.

Je proposerai un autre amendement tendant à rendre obligatoires deux stages en médecine ambulatoire pour tout étudiant de troisième cycle.

Madame la ministre, vous connaissez les vertus de la Haute Assemblée en matière d’écoute, de propositions et de défense de l’intérêt général. Je vous demande donc, dans les circonstances actuelles, avec plus de solennité encore qu’à l’ordinaire, de vous appuyer sur l’expérience et la connaissance du terrain des parlementaires que nous sommes.

Soyez à l’écoute du Sénat ! Je pense que le sujet est trop grave pour se prêter à des querelles stériles. Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle évoquait la « certaine idée de la France » qu’il se faisait. Cette conception particulière de notre pays sera d’ailleurs réutilisée à maintes reprises par ses successeurs.

Madame la ministre, je vous le dis très solennellement aujourd’hui : au Sénat, dans ce lieu de défense des territoires et de la proximité, nous nous ferons toujours une certaine idée de la santé. Soyons ensemble capables de répondre à l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, si l’annonce du plan Ma santé 2022 avait suscité un large consensus, sa traduction législative, à travers une question centrale – ces mesures concourent-elles à un meilleur accès à des soins de qualité ? –, interroge, interpelle et soulève, du fait du recours aux ordonnances, de fortes oppositions.

Il y a une interrogation sur la superposition et la complexité des outils d’exercice coordonné. La volonté de mettre en réseau les professionnels d’un territoire pour organiser la prise en charge de tous les habitants et la cohérence entre des niveaux de coordination clinique, territoriale, complexe pour les cas difficiles, doivent se traduire dans des cadres juridiques souples, à la main des professionnels, pour leur permettre de s’en saisir facilement, de l’adapter aux besoins locaux, en ayant l’assurance de financements pérennes.

Il y a un doute sur le lien entre proximité et efficacité dans l’évolution souhaitée des GHT. J’insiste sur trois points de vigilance. D’abord, il faut que les nouvelles synergies permettent bien aux établissements périphériques de bénéficier des ressources médicales de l’établissement support pour garantir leur attractivité ! Ensuite, quel sera le rôle, maintenu ou non, en matière de qualité et de sécurité des soins pour les commissions médicales d’établissement ? Enfin, le rendez-vous de la loi de financement posera la question cruciale de la situation financière des hôpitaux. Dans le contexte de la grève actuelle des urgences, comment demander aux personnels de s’investir dans un projet de transformation si aucune réponse n’est apportée à leur problème de court terme ?

Et il y a une forte opposition quand le Gouvernement, par le biais des articles 8, 9 et 10, se prépare à redessiner par ordonnance la carte de l’offre de soins hospitalière sur l’ensemble de la France. Les autorisations sont « le trésor de guerre des hôpitaux », m’expliquait récemment un chef d’établissement, d’autant plus dans un contexte de grandes inégalités territoriales. Madame la ministre, vous vous engagez à un travail de concertation. Mais c’est dans la discussion parlementaire que les élus doivent définir précisément les critères et règles d’une nouvelle organisation.

Mes chers collègues, les membres du groupe socialiste et républicain sont résolument engagés dans la lutte contre les « déserts médicaux ». Après avoir formulé de nombreuses propositions, parce qu’il s’agit de l’intérêt général et parce que l’urgence est de répondre aux demandes de nos concitoyens désemparés, nous sommes totalement partie prenante d’une démarche commune, au-delà des sensibilités politiques. Madame la ministre, nous vous demandons de voir cette démarche comme une formidable occasion d’avancer.

En juin 2018, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie évoquait une « crise majeure d’un système touché dans toutes ses composantes ». Il invitait à « reconsidérer explicitement ce système de valeurs et de principes ». J’insiste sur les termes « valeurs » et « principes ». C’est leur réaffirmation qui conduira à la construction d’un système de santé conjuguant égalité, efficacité, innovation et solidarité, en mesure de répondre aux énormes besoins de santé des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Delmont-Koropoulis. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, voilà plus d’un an, le Premier ministre nous annonçait vouloir mettre fin aux « rafistolages en santé ». Cette volonté s’est ensuite traduite avec la présentation, au mois de septembre 2018, du plan Ma santé 2022. Avec ce projet de loi, vous ajoutez une pierre à l’édifice bancal qu’est ce plan.

Madame la ministre, ce texte était attendu par les patients, par les professionnels de santé et par les étudiants en médecine, car le diagnostic est grave et partagé par tous, y compris sur ces travées. Si notre système de santé est aujourd’hui à bout de souffle, les Français sont, eux, tout simplement à bout.

Chacun dans cet hémicycle est en effet confronté dans son territoire à l’une de ces situations : manque de moyens financiers pour un hôpital, manque de personnels soignants ou encore développement de zones en voie de désertification médicale.

Il n’est pas anodin que la question de l’accès aux soins se soit imposée lors du grand débat national. De nombreux citoyens renoncent aux soins faute de professionnels disponibles.

Annoncé comme une « transformation du système de santé », ce texte ne traite pas de plusieurs sujets essentiels, comme la prévention ou la revalorisation et l’attractivité des professions de santé libérales et hospitalières. Il n’y a rien non plus sur la recherche et l’innovation, alors même que la compétitivité de la France se dégrade dans le domaine pharmaceutique.

Madame la ministre, je regrette également que le Parlement ne soit pas pleinement associé à cette réforme. En effet, le projet de loi comporte de trop nombreuses mesures qui relèvent de futures ordonnances, comme les hôpitaux de proximité. Nous voilà privés d’un débat qui aurait pu enrichir le texte grâce à nos expériences dans les territoires, notre connaissance du terrain, des établissements et des besoins.

Toutefois, ce projet de loi comporte tout de même quelques points positifs qu’il faut souligner, comme la réforme du statut de praticien hospitalier et la création de l’espace numérique de santé.

Mais plusieurs dispositions nous interrogent. Si la suppression du numerus clausus et la refonte des premiers cycles des études vont dans le bon sens, qu’en est-il de l’accueil des nouveaux effectifs ? Qu’est-il prévu pour que les universités s’adaptent à l’arrivée de nouveaux élèves alors que la plupart des amphithéâtres sont déjà saturés ? Même question pour l’accueil de nouveaux internes dans les hôpitaux. Comment être certain que la suppression du numerus clausus profitera aux déserts médicaux, alors que moins de 15 % des étudiants en médecine choisissent le secteur libéral et qu’il n’est absolument pas souhaitable d’envisager des mesures coercitives d’installation ?

Le maillage du territoire et la coordination entre acteurs sont nécessaires pour répondre au mieux aux situations de désertification médicale. Veillons à ne pas suradministrer la santé. Laissons se développer les initiatives locales. Laissons les professionnels s’organiser librement.

Ce projet de loi est donc un début de réponse aux maux dont souffre notre système de santé. S’il contient quelques avancées, il n’est pas assez ambitieux. Et nous déplorons encore une fois le nombre important d’ordonnances prévues. Cela va nous priver d’une nécessaire visibilité sur les mesures et leurs conséquences.

Madame la ministre, nous sommes dans le flou. Mais nous sommes disponibles pour travailler avec vous et faire avancer le texte dans le bon sens, afin qu’il améliore le quotidien des patients et des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les différentes interventions que nous avons entendues au cours de la discussion générale démontrent que nous sommes tous ici désireux d’œuvrer à l’amélioration des systèmes de soins. Les diagnostics sont partagés.

Le mot « confiance » a souvent été prononcé. Agnès Buzyn et moi-même sommes très attachées à la confiance. Oui, il faut faire confiance aux territoires pour proposer la meilleure organisation possible. Mais vous devez aussi nous faire confiance pour veiller à la qualité de la formation et du système de soins partout sur le territoire. Plusieurs orateurs l’ont souligné, et je les en remercie.

Sur un tel sujet, qui intéresse l’ensemble de nos concitoyens, nous avons le devoir de réussir, après tant d’années d’insuccès et de tâtonnements.

J’évoquerai d’abord le numerus clausus. Auparavant, le nombre d’étudiants admis en deuxième année était défini à la place près, et de manière extrêmement centralisée. C’est cela que nous supprimons. L’ordre de grandeur a été évoqué à plusieurs reprises, comme il avait pu l’être à l’Assemblée nationale ou sur différents plateaux de télévision.

Vous l’avez bien compris, puisque vous vous êtes saisis du sujet : l’objet n’est pas d’annoncer une hausse de 17,2 % ou de 22 % partout. Il s’agit avant tout de nous adapter aux besoins en futurs professionnels et aux capacités de formation des territoires. Il y aura bien une augmentation du nombre de professionnels de santé, notamment de médecins, au service de nos concitoyens, mais aussi une diversification de ces médecins. Nous n’avons pas besoin de plus de médecins qui s’installent aux mêmes endroits ! Le vrai problème est qu’il y a parfois trop de médecins dans certains endroits et trop peu ailleurs.

En vue d’une répartition harmonieuse, nous vous proposons de repenser le recrutement de nos futurs médecins. Actuellement, le recrutement s’effectue de manière extrêmement standardisée, essentiellement sur des disciplines scientifiques et technologiques. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que nos jeunes médecins aient envie de travailler dans les CHU les plus performants avec de la technologie de pointe, au détriment parfois de ce que les médecins appréciaient le plus jadis : le contact humain et la capacité de nouer des relations personnelles.

Diversifier les recrutements, c’est faire en sorte que des jeunes ayant des compétences et des appétences autres qu’uniquement scientifiques ou technologiques puissent aussi avoir accès aux études de santé.

Certes, les antennes de Paces fonctionnent ; on a essayé de former les jeunes au plus près de chaque territoire. C’est évidemment très important. Mais nous voulons aller plus loin, en diversifiant vraiment les profils des jeunes qui se destineront aux études médicales.

Toutes les universités pourront être partie prenante. Les villes universitaires avec un CHU et une faculté de médecine ne seront plus les seules à pouvoir former les étudiants en première année et en début de cursus. Les étudiants de toutes les universités dans lesquelles nous serons capables de proposer des formations universitaires rejoindront ensuite les centres de formation hospitalo-universitaires, puis pourront retourner sur le terrain au cours de leur troisième cycle.

Aujourd’hui, les études sont extrêmement exigeantes. Nous déracinons les jeunes en les faisant partir pour leurs études dans des métropoles ou des villes disposant d’un CHU. Nous les y laissons entre neuf ans et quinze ans, selon les spécialités. Et ensuite, on leur demande naïvement pourquoi ils veulent y rester. Tout simplement parce qu’ils y vivent depuis dix ans ou quinze ans et que c’est là qu’ils ont noué des relations personnelles et professionnelles comme jeunes adultes !

Il faut donc penser un début de formation et une possibilité de troisième cycle au sein de chaque territoire, en augmentant la capacité de formation et le nombre de maîtres de stage et en faisant en sorte que les maisons de santé et les hôpitaux puissent être des lieux d’accueil. Ainsi, nous éloignerons moins longtemps les jeunes de ces territoires.

Il est évidemment très important de proposer des mesures incitatives. Au lieu de présenter l’exercice de la médecine dans ces territoires comme une obligation préalable pour pouvoir accéder ensuite aux grands centres hospitaliers qui font rêver les jeunes, faisons plutôt en sorte que ces derniers rêvent de travailler dans les territoires concernés. Cela nous ramène, précisément, à la diversité des jeunes et des parcours.

Ainsi que beaucoup d’orateurs l’ont souligné, le succès de la réforme réside dans le fait que la philosophie du texte soit bien diffusée sur chaque territoire. Vous le savez, j’ai pris un engagement qui vaut pour l’ensemble de l’enseignement supérieur : faire en sorte que chaque territoire soit fier de son enseignement supérieur !

La recherche et l’innovation en santé seront évidemment au cœur du projet de loi sur la recherche, qui est en préparation et en cours de concertation.

Vous pouvez compter sur mon engagement plein et entier pour que chaque jeune, où qu’il soit sur le territoire, puisse accéder à l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de la qualité des échanges que nous allons avoir. Je vois combien le sujet préoccupe l’ensemble des sénateurs présents aujourd’hui, de même qu’il nous préoccupe.

Je souhaite remercier M. le rapporteur, dont les propos témoignent de l’esprit constructif de la commission des affaires sociales. Il a été fait mention du pragmatisme de cette réforme pour apporter des réponses sur les territoires. Vous l’avez indiqué, cher Alain Milon, il n’y a pas de remède miracle ; nous le savons tous. Seuls un panel d’outils et la confiance dans les acteurs et les territoires nous permettront d’être au rendez-vous des besoins des Français.

Monsieur le rapporteur pour avis Jean-François Longeot, vous nous demandez quand nous prendrons des décisions pragmatiques pour répondre à l’urgence des territoires. Précisément, tout le projet de loi vise à y répondre. C’est la raison pour laquelle nous vous avons proposé un calendrier très contraint. Certes, je comprends que le recours aux ordonnances puisse être source de frustrations, même si nous nous sommes engagés à vous présenter les ordonnances et les études d’impact avant la loi de ratification. Mais nous pensons qu’il est aujourd’hui urgent d’agir, de décloisonner, de permettre plus de liberté d’organisation pour que les territoires puissent répondre aux besoins et rendre l’exercice médical et paramédical plus attractif dans les déserts médicaux. À mon sens, la réponse, c’est ce projet de loi.

Vous demandez également en quoi les mesures envisagées peuvent changer la donne. La philosophie du plan Ma santé 2022, c’est le pragmatisme. Il s’agit de donner aux acteurs des territoires des outils pour s’organiser, mieux travailler ensemble et mieux prendre en charge, notamment, les patients chroniques. Il n’est pas question d’être prescriptif ou d’avoir un modèle normatif unique.

Je pourrais également évoquer les 400 médecins salariés pour les territoires. Nous sommes évidemment tout à fait favorables à l’augmentation de ce nombre si la mesure est un succès. Il s’agit d’être en appui des territoires les plus fragiles et de répondre aux demandes des jeunes médecins qui cherchent aujourd’hui un exercice salarié.

Nous souhaitons libérer du temps médical. C’est l’objet des assistants médicaux. Nous espérons évidemment que la convention médicale sera signée le 15 juin prochain. Le volet télémédecine va permettre de mieux orienter les patients. Il ne joue pas un rôle supplétif ; il s’agit vraiment de faire gagner du temps dans l’exercice médical pour orienter les malades qui en ont vraiment besoin vers des soins de recours. Et nous sommes en train d’accompagner la valorisation des compétences des autres professionnels de santé.

Mmes Cohen et Apourceau-Poly ont beaucoup parlé de « rigueur budgétaire ». Je rappelle que l’Ondam augmente chaque année de plusieurs milliards d’euros. Cette année, alors que le Président de la République avait annoncé une hausse de 2,3 % par an, l’Ondam a augmenté de 2,5 %. Autrement dit, nous allons avoir 400 millions d’euros supplémentaires. Dans quatre ans, nous aurons augmenté le budget de l’Ondam de 1,6 milliard d’euros pour accompagner toutes ces réformes.

Je ne peux donc pas accepter le terme de « rigueur budgétaire ». Cette année, nous avons dégelé l’intégralité des réserves et des crédits mis en réserve, soit 415 millions d’euros – cela faisait de très nombreuses années que l’intégralité du dégel n’avait pas été rendue aux hôpitaux publics. Une nouvelle délégation budgétaire de 300 millions d’euros est intervenue en mars 2019. Nous avons augmenté de 0,2 % les tarifs d’hospitaliers en 2019 : c’est la plus forte hausse des tarifs hospitaliers depuis dix ans. Nous avons mis dans la balance 200 millions d’euros pour le financement de la qualité des soins dans les établissements de santé. Nous avons annoncé 100 millions d’euros de mesures nouvelles pour la psychiatrie, renouvelés chaque année. Nous avons ajouté 50 millions d’euros pour les soins de suite et de réadaptation en 2019 et 50 millions d’euros pour l’enseignement des professions de santé. Tout cela, ce n’est pas de la « rigueur budgétaire » !

Vous le savez comme moi, même si nous ajoutions des milliards supplémentaires, cela ne nous rendrait malheureusement pas les professionnels, notamment médicaux, qui manquent aujourd’hui sur le territoire.

Je tiens à le rappeler, le problème de démographie médicale que nous subissons est un problème international. J’ai organisé le G7 des ministres de la santé voilà quinze jours au ministère. Tous les pays du G7 souffrent de désertification médicale.

Mme Laurence Cohen. Parce que ce sont les mêmes politiques libérales partout !

Mme Agnès Buzyn, ministre. La métropolisation est un phénomène international. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a annoncé qu’il manquait d’ores et déjà 12 millions de professionnels de santé dans le monde. Par conséquent, sauf à repenser nos organisations, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, d’attirer ou de former en l’espace de quelques années un nombre de médecins suffisant pour compenser les manques. Cela nécessite de l’innovation organisationnelle. C’est le sens des réformes que je vous propose.

Madame Apourceau-Poly, vous affirmez que les dispositifs d’exonération ne changeront pas la donne, et vous nous appelez à rendre les territoires plus attractifs. C’est exactement ce que nous proposons. Rendre les territoires plus attractifs, ce n’est pas simplement miser sur des incitations financières ou des exonérations fiscales pour les médecins. Aujourd’hui, les médecins souhaitent s’installer dans des territoires où leur exercice professionnel est attractif. C’est ce que nous faisons avec les maisons de santé, les centres de santé pluriprofessionnels, l’augmentation des postes de médecins salariés – cela répond à leur demande –, la possibilité de cumul emploi-retraite pour les médecins les plus âgés, les statuts mixtes entre la médecine de ville et la médecine hospitalière… Tout cela contribue à rendre l’exercice médical plus attractif.

Monsieur Jomier, vous vous demandez si cette loi est de nature à apporter des réponses aux grands défis de santé publique. Comme vous l’avez vous-même souligné, ce n’est pas une loi de santé ou de prévention ; c’est une loi d’organisation du système de santé. C’est un choix assumé. Nous voulons répondre à l’urgence concernant l’accès aux soins sur les territoires. En matière de prévention, il y a d’autres outils. Chaque année, vous votez en loi de financement de la sécurité sociale des mesures d’accompagnement du plan Priorité prévention, que j’avais présenté en 2017. L’avenir dira si celui-ci répond aux attentes des territoires.

Je souhaite rendre des comptes aux élus et aux citoyens, et je me suis placée en situation de le faire. Le comité de suivi de la réforme se réunit tous les six mois. Mme Doineau, qui est déléguée à l’accès aux soins, y participe. Je regarde les indicateurs sur le nombre de maisons pluriprofessionnelles de santé créées ou le nombre de postes de médecins salariés pourvus. Tous les indicateurs sont suivis et rendus publics. Un premier bilan a d’ailleurs été publié le mois dernier.

Vous déclarez que cela prendra du temps. En effet ! Il faudra du temps pour réorganiser notre système. Mais pas tant que cela ! Nous pouvons, je le crois, avoir des résultats dès cet été. Si la convention médicale est signée, les médecins pourront avoir des assistants médicaux dès cet été ; les 4 000 postes pourraient être pourvus très rapidement. Cela dégagera entre 15 % et 20 % de temps médical pour les médecins, notamment en zone sous-dense. Les 400 postes de médecins salariés sont déjà ouverts au recrutement. J’espère donc avoir des résultats dès cette année.

Monsieur Arnell, vous avez évoqué la métropolisation des médecins. Comme je viens de le souligner, le phénomène est international. Tous les ministres du G7 qui étaient présents auprès de moi voilà quinze jours ont souhaité échanger sur les bonnes pratiques pour améliorer l’attractivité des territoires ruraux. Tout le monde s’accorde sur le fait que cela ne passe pas seulement par l’incitation financière. Il faut repenser les organisations pour rendre l’exercice médical en zone rurale plus attractif.

Vous craignez que la seule incitation financière ne suffise pas. Ce n’est pas ce qui est proposé dans le texte. C’est, j’en suis persuadée, l’exercice qui attire les médecins. Nous aurons l’occasion d’aborder dès ce soir les amendements qui portent sur ces sujets, c’est pourquoi je n’entrerai pas dans le détail.

Madame Doineau, je partage votre sentiment ; il faut effectivement, me semble-t-il, que les élus connaissent mieux les outils. Force est de le constater, même le plan que nous avons mis en œuvre en 2017 est encore insuffisamment connu. Les ARS doivent communiquent beaucoup plus régulièrement avec les élus locaux, notamment les maires, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux. Une mobilisation des ARS pour leur faire connaître les outils est absolument nécessaire. Je compte aussi sur les associations d’élus pour mieux informer les élus locaux de tous les outils dont ils peuvent se saisir.

Je vous rejoins également sur les mesures coercitives. Pour que des mesures coercitives fonctionnent, il faut qu’il y ait un nombre suffisant de professionnels à répartir sur un territoire donné. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Seules des organisations innovantes seront en mesure de répondre aux besoins.

Madame Imbert, selon vous, il s’agit d’un texte administratif qui donne le pouvoir aux ARS. Franchement, je pense, à l’inverse, que ce texte est tout sauf administratif. Le projet de loi est fait pour que les professionnels se saisissent d’outils et s’organisent comme ils le souhaitent pour couvrir un territoire. Les professionnels de santé, dans ce texte comme dans la convention médicale, acceptent une nouvelle responsabilité, territoriale ou populationnelle, qui n’existait pas jusqu’à présent. Ils vont pouvoir s’en saisir grâce aux outils, notamment les CPTS. Le texte donne aux acteurs le pouvoir de s’organiser et aux ARS le soin de les accompagner. Ce n’est pas du tout un texte administratif ou normatif.

Vous soulignez aussi que le thème de la santé n’avait pas été choisi par le Président de la République lors du grand débat national. C’est tout à fait normal. Nous avions déjà travaillé avec tous les acteurs dans le cadre d’une large concertation qui a duré plus de six mois. Le texte était en cours de rédaction ; il a été présenté aux parlementaires dès le mois de mars à l’Assemblée nationale. Il était logique que le grand débat national nous alimente sur des mesures de santé qui auraient pu figurer en plus dans la loi. Nous avons regardé ce qui était proposé. Il s’agissait essentiellement de constats, avec très peu de propositions concrètes, hormis la coercition. Je comprends que nos concitoyens puissent voir la coercition comme une solution à leurs problèmes. Mais tous ceux qui travaillent dans les territoires savent qu’elle ne fonctionne pas pour les professions sous-dotées. En d’autres termes, nous n’avons pas pensé que la santé n’était pas prioritaire ; nous avions d’ores et déjà travaillé à la rendre plus équitable sur le territoire grâce à ce projet de loi.

Madame Delmont-Koropoulis, vous dites qu’il n’y a rien dans ce texte sur la prévention, sur l’attractivité des professions, notamment hospitalières, ou sur l’innovation… Mais c’est un choix ! Ce n’est pas un texte sur la santé publique ou la prévention. C’est une loi d’organisation pour répondre à l’urgence que ressentent aujourd’hui les territoires en termes d’accès aux soins. Je ne veux pas d’une loi bavarde avec 280 articles ! Je veux répondre en urgence aux besoins. Cette loi ne traduit que les leviers législatifs nécessaires de Ma santé 2022. Il y a d’autres leviers – je l’ai indiqué – d’ordre réglementaire avec la convention médicale ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous les utiliserons également.

À propos de l’attractivité des professions de santé, une ordonnance sera élaborée avec les professionnels sur la gestion des ressources humaines hospitalières. La concertation est en cours.

Aujourd’hui, la loi que je vous propose est une loi d’urgence. Elle répond parfaitement, je le pense, à ce que vous ressentez tous les jours dans vos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé

TITRE Ier

DÉCLOISONNER LES PARCOURS DE FORMATION ET LES CARRIÈRES DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Chapitre Ier

Réformer les études en santé et renforcer la formation tout au long de la vie

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 293, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique est complété par les mots et deux phrases ainsi rédigées : « et les citoyens. Une conférence nationale de consensus traitant, au regard notamment des évolutions démographiques et épidémiologiques, de l’équilibre entre la qualité des soins, l’efficience économique et la qualité de vie au travail des professionnels de santé est organisée tous les ans. Les modalités de mise en œuvre et d’évaluation sont définies par décret. »

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. La mobilisation des Françaises et des Français ces derniers mois a porté sur les sujets démocratiques – je pense au référendum d’initiative citoyenne, le RIC – et sur ceux qui sont relatifs à la santé publique, la question de l’accès aux soins ayant été au cœur des débats.

Cette double exigence trouve sa concrétisation dans le besoin d’une démocratie sanitaire renouvelée, plus large, avec davantage de pouvoirs et de contre-pouvoirs pour les représentants du personnel, les usagers et les élus.

Les organismes professionnels représentatifs que sont la Fédération hospitalière de France, la FHF, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, la FEHAP, la Fédération de l’hospitalisation privée, la FHP, et UNICANCER ont proposé d’organiser une concertation préalable à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le juste équilibre entre impératif d’efficience économique, qualité de soins et qualité de vie au travail.

Il existe déjà une structure consultative, la Conférence nationale de santé, placée auprès du ministre chargé de la santé, dont la mission consiste justement à faire vivre la concertation et les réflexions autour des questions de santé.

Ce « Parlement de la santé » de 120 membres représente les collectivités territoriales, les usagers du système de santé, les conférences régionales de la santé et de l’autonomie, les organisations syndicales et patronales, les acteurs de la cohésion et de la protection sociales, les acteurs de la prévention, les offreurs de services de santé et les représentants des organismes de recherche, des industries des produits de santé et des personnalités qualifiées. Il est saisi pour avis sur les projets de loi de santé publique comme celui dont nous discutons actuellement, mais il n’est malheureusement pas sollicité concernant les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous me répondrez, madame la ministre, que notre groupe insiste sur les finances, mais, l’an dernier, l’ensemble des conseils d’administration des branches de la sécurité sociale ont voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui prévoyait la fin de la compensation intégrale des exonérations patronales par l’État. Cela n’a pas eu de conséquences sur le texte, non plus que notre opposition au Sénat. Nous sommes donc parfaitement conscients que cet amendement ne suffira pas à instaurer une véritable démocratie sanitaire, mais son adoption serait un pas positif dans cette direction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Si le sujet est intéressant, il me paraît curieux d’organiser une concertation chaque année portant spécifiquement sur le thème évoqué par Mme Gréaume. On pourrait tout à fait envisager que la Conférence nationale de santé travaille de manière ponctuelle sur cette question dans le cadre d’une proposition ou d’un avis. Il ne me semble cependant pas opportun d’y affecter chaque année une large part des moyens de la Conférence nationale de santé alors que d’autres thèmes relatifs à la santé publique méritent tout autant de faire l’objet d’une concertation. En outre, l’article 10 bis A prévoit l’intégration d’un volet portant sur la qualité de vie au travail dans le projet social de chaque établissement de santé. La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 293.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Permettez-moi, madame la présidente, mes chers collègues, de vous faire part de quelques observations générales sur le titre Ier du projet de loi.

Le titre Ier vise tout d’abord à réformer la formation des professionnels de santé. Trois moments clés sont visés : l’entrée dans les études de santé – c’est l’objet de l’article 1er –, l’entrée dans le troisième cycle de médecine et le choix d’une spécialité – c’est l’article 2 – et la formation continue des professionnels de santé – c’est l’article 3.

Si les nouvelles orientations proposées recueillent le consensus des acteurs, elles ne constitueront pas le cœur des réformes qui seront mises en place. Les trois premiers articles se bornent en effet à l’affirmation de grands principes dont la traduction concrète est renvoyée à la voie réglementaire ou à l’ordonnance. Nous devons donc croire sur parole le Gouvernement quant aux modalités effectives de la réorganisation des études de santé. Comme je l’ai souligné, la communication gouvernementale autour de ces mesures apparaît pourtant partiellement trompeuse, et je crains que la réforme des études de santé ne fasse au total de nombreux déçus.

Sur ce premier volet, la commission des affaires sociales a choisi de ne pas retenir les propositions visant à inscrire le contenu de certaines parties de la formation des professionnels de santé dans la loi. Outre que ces matières ne relèvent pas du niveau législatif, l’adoption de telles dispositions pourrait être contre-productive, car on pourrait alors se demander ce qu’il adviendra de tout le contenu qui ne serait pas énuméré.

Le titre Ier comprend par ailleurs des mesures éparses touchant à l’organisation des carrières en santé. On y trouve notamment un toilettage du CESP et un élargissement de l’exercice en tant que médecin adjoint. La principale mesure est portée par l’article 6, qui vise à réformer l’emploi hospitalier.

Sur ma proposition, la commission des affaires sociales a complété ce titre par des mesures constituant une incitation forte à l’ancrage rapide des jeunes médecins dans un territoire et auprès d’une patientèle.

L’article 4 bis prévoit ainsi que ceux qui s’installeront dès la fin de leurs études bénéficieront d’une large exonération de cotisations sociales, quel que soit leur mode d’installation. Nous avons, dans le même temps et en conséquence, souhaité limiter l’exercice en remplacement à une période de trois ans sur l’ensemble de la carrière des médecins diplômés. Il s’agit là de propositions sur lesquelles nous pourrons continuer de travailler ensemble dans cet hémicycle. En tout état de cause, ces propositions ont été introduites dans cet article pour éviter que des mesures plus importantes de coercition ou de régulation ne soient évidemment proposées à d’autres articles.

En conséquence, nous sommes défavorables aux amendements visant au renforcement des dispositifs d’exercice alternatif à l’installation : la multiplication de ces outils pourrait au total avoir des effets délétères sur l’installation pérenne de médecins dans un territoire de santé.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 293
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article 2 (début)

Article 1er

I. – L’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 631-1. – I. – Les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique relèvent, par dérogation à l’article L. 611-1, de l’autorité ou du contrôle des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé et donnent lieu à la délivrance de diplômes au nom de l’État. Ces formations permettent l’orientation progressive de l’étudiant vers la filière la plus adaptée à ses connaissances, ses compétences, son projet d’études et ses aptitudes ainsi que l’organisation d’enseignements communs entre plusieurs filières pour favoriser l’acquisition de pratiques professionnelles partagées et coordonnées.

« Les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle sont déterminées annuellement par les universités. Pour déterminer ces capacités d’accueil, chaque université prend en compte les objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle de ces formations. Ces objectifs pluriannuels, qui tiennent compte des capacités de formation, des besoins de santé et de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire, sont arrêtés par l’université sur avis conforme de l’agence régionale de santé ou des agences régionales de santé concernées. L’agence régionale de santé ou les agences régionales de santé consultent, au préalable, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées. Les objectifs pluriannuels d’admission en deuxième et troisième année du premier cycle sont définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins et permettre l’insertion professionnelle des étudiants.

« L’admission en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique est subordonnée à la validation d’un parcours de formation antérieur dans l’enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Des candidats, justifiant notamment de certains grades, titres ou diplômes, ainsi que des étudiants engagés dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique et souhaitant se réorienter dans une filière différente de leur filière d’origine, peuvent être admis en deuxième ou en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.

« Ces modalités d’admission garantissent la diversité des parcours des étudiants.

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine :

« 1° La nature des parcours de formation ainsi que les grades, titres et diplômes permettant d’accéder en deuxième ou, selon les cas, en troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 2° Les conditions et modalités d’admission ou de réorientation en deuxième ou troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 3° Les modalités de définition des objectifs nationaux pluriannuels mentionnés au I ;

« 3° bis Les modalités de définition d’objectifs de diversification des voies d’accès à la deuxième ou la troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

« 4° Les modalités d’évaluation des étudiants et les conditions de délivrance des diplômes ;

« 5° Les modalités de fixation du nombre d’élèves des écoles du service de santé des armées pouvant être accueillis en deuxième et troisième années de premier cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie et leur répartition par université ;

« 6° Les modalités de fixation des objectifs d’admission en première année du deuxième cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie des élèves des écoles du service de santé des armées et leur répartition par université ainsi que les conditions dans lesquelles ces nombres sont pris en compte par les universités et les agences régionales de santé pour la détermination des objectifs d’admission en première année du deuxième cycle des formations de médecine, de pharmacie et d’odontologie ;

« 7° Les conditions et modalités d’accès dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique pour les titulaires d’un diplôme d’un État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, de la Confédération suisse ou de la Principauté d’Andorre ;

« 8° Les conditions et modalités d’accès dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique pour les titulaires d’un diplôme des pays autres que ceux cités au 7° du présent II ;

« 9° Les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme sanctionnant des études de santé validé à l’étranger permettant d’exercer dans le pays de délivrance peuvent postuler aux diplômes français correspondants. »

II. – (Non modifié) L’article L. 631-2 du code de l’éducation est abrogé.

III. – L’article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche est ainsi rédigé :

« Art. 39. – L’État peut, à titre expérimental et pour une durée de six ans à compter de la rentrée universitaire 2020, autoriser l’organisation des formations relevant du titre III du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation selon des modalités permettant de renforcer les échanges entre les formations, la mise en place d’enseignements en commun et l’accès à la formation par la recherche.

« Les conditions de mise en œuvre du premier alinéa du présent article sont définies par voie réglementaire. Elles précisent notamment les conditions d’évaluation des expérimentations en vue d’une éventuelle généralisation.

« Au cours de la sixième année de l’expérimentation, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé présentent au Parlement un rapport d’évaluation des expérimentations menées au titre du présent article. »

IV. – (Non modifié) Le second alinéa de l’article L. 632-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « arrêtés du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre chargé de la santé » sont remplacés par le mot : « décret » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

V. – Le titre III du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le l du 2° de l’article L. 1431-2 est complété par les mots : « et se prononcent, dans les conditions prévues par le code de l’éducation, sur la détermination par les universités des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle des études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique » ;

2° Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 1432-4, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle est consultée dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation. »

VI. – (Non modifié) Au 3° du V de l’article L. 612-3 du code de l’éducation, les mots : « ou à une première année commune aux études de santé » sont supprimés.

VII. – (Non modifié) Les I, II et III sont applicables à compter de la rentrée universitaire 2020.

Les étudiants ayant suivi soit une première année commune aux études de santé prévue à l’article L. 631-1 du code de l’éducation, soit une première année commune aux études de santé adaptée prévue au 1° bis de l’article 39 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, soit une à trois années d’un premier cycle universitaire adapté conduisant à un diplôme national de licence prévues au 2° du même article 39, avant la publication de la présente loi, et qui auraient eu, en application des dispositions antérieures à la présente loi, la possibilité de présenter pour la première ou la seconde fois leur candidature à l’accès en deuxième année des études médicales, pharmaceutiques, odontologiques ou maïeutiques conservent cette possibilité selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

VIII. – (Non modifié) Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de la réforme du premier cycle des études mentionnées à l’article L. 631-1 du code de l’éducation en 2021 et en 2023. Ce rapport porte notamment sur les informations apportées aux lycéens et aux étudiants concernant les modalités d’accès aux études de santé, le taux de succès des candidats selon la modalité d’accès et la diversité des profils d’étudiants admis dans les études médicales. Le rapport transmis en 2023 présente en outre une analyse de la réussite des étudiants à l’issue de leur premier cycle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. L’article 1er portant sur la réforme des études de santé en premier cycle sera sans doute l’un des plus emblématiques de ce projet de loi, l’un des plus médiatisés également. Et pour cause, il correspond à une urgence : former plus de médecins pour faire face à la baisse démographique et répondre aux besoins de santé sur tous les territoires, même si ses effets ne se font sentir que dans dix ans. Vous vous étonnez, madame la ministre, que tous les pays du G7 vivent la même pénurie de médecins, mais tous les pays du G7 mènent la même politique libérale et l’amplifient ! C’est une mauvaise politique qu’il faut changer. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable, qui a été rejetée.

Vous acceptez enfin de supprimer le numerus clausus, ce qui va dans le bon sens. Avec les syndicats, nous dénonçons depuis longtemps ce couperet, convaincus que ce mode de sélection, d’une part, est responsable de la pénurie de professionnels de santé que nous connaissons actuellement et, d’autre part, que la première année commune aux études de santé, la Paces, constitue un véritable cauchemar pour les étudiants, et un gâchis d’intelligence et de compétences.

Cette ultra-sélection, synonyme d’échec pour 75 % des étudiants, ne garantissait en rien la qualité des futurs professionnels, notamment dans l’approche humaine des patients, tant s’en faut ! C’était même l’un des défauts unanimement reconnus de ce système.

Malheureusement, comme l’a souligné M. le rapporteur, il ne s’agit pas d’une véritable suppression du numerus clausus puisque les capacités d’accueil et de formation seront déterminées annuellement par les universités, en fonction d’objectifs nationaux pluriannuels établis par l’État et sans moyens supplémentaires.

Comment pensez-vous, mesdames les ministres, que les universités pourront accueillir et former plus d’étudiants en médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie dans ces conditions ? En fait, il s’agit d’une proposition somme toute limitée, puisqu’elle permettra, selon vous, madame la ministre, une augmentation maximale de 20 % des effectifs, même si j’ai bien compris que vous ne teniez pas à ce que l’on rappelle ces chiffres.

Je crains qu’il ne s’agisse donc plutôt d’un desserrement du numerus clausus, comme cela se pratique depuis quelques années, et d’une régionalisation de ce numerus clausus. Une fois de plus, vous restez au milieu du gué.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans souligner que la diversification des profils et des parcours est une mesure positive, à même de favoriser une prise en charge plus humaine des patients, ce que nous soutiendrons sans réserve !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, avant d’entamer l’examen des amendements sur l’article 1er visant à réformer le numerus clausus, je rappellerai que l’on évoquait déjà, lors de sa mise en place, les capacités des universités pour former les futurs médecins afin de justifier l’instauration de la sélection dans les études de médecine. L’argument des moyens matériels et des places de stage avait été invoqué pour limiter le nombre d’étudiants.

À l’époque déjà, les parlementaires communistes dénonçaient une pratique qui consiste à créer la pénurie pour mieux justifier les mesures d’élimination. Ils demandaient une augmentation constante et prolongée du nombre des étudiants à former. Malheureusement, pour former, il aurait fallu se donner davantage de moyens financiers et augmenter le taux d’encadrement. Je parle, évidemment, du nombre de professeurs nommés par faculté.

J’ai rencontré dernièrement le doyen de la faculté de médecine. Il me disait que, même en supprimant le numerus clausus, ce qui est selon moi une bonne chose, les choses ne s’amélioreraient pas pour autant faute de créer davantage de postes de professeurs pour former les futurs médecins et professionnels de santé. Si nous souhaitons réussir demain cette réforme, il faudra déployer, que vous le vouliez ou non, madame la ministre, des moyens supplémentaires !

Or nous sommes très inquiets quand nous entendons le Président de la République annoncer que le système restera sélectif et dire qu’il n’est pas question de rogner sur l’excellence de la formation. En l’absence de moyens financiers et humains supplémentaires, arriverons-nous à combler le déficit de professionnels de santé ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, alors que la pénurie de médecins contraint plus de 5 millions de nos concitoyens à vivre dans un désert médical, nous ne formons pas assez de futurs professionnels. Le système est tel qu’un grand nombre de jeunes sont éjectés de la formation médicale au cours des deux premières années d’études. Si la disparition du numerus clausus nous satisfait, de nombreuses interrogations demeurent.

Ce sont les facultés de médecine et les ARS qui auront désormais la main sur la formation des futurs médecins, et détermineront les effectifs d’étudiants en fonction des besoins des territoires. Mais comment s’organisera la nouvelle formation ? Le seul critère de débouchés locaux ne risque-t-il pas de remettre en cause le caractère national du diplôme ? Tiendra-t-il compte de la mobilité des étudiants, en France ou à l’étranger, en fonction de leurs souhaits ou de leurs projets professionnels ?

Se pose surtout la question des moyens financiers dont il faut doter les universités pour former plus et mieux. Travailleront-elles à moyens constants ou des moyens supplémentaires seront-ils engagés ? Qu’en est-il, enfin, de la question de la réforme globale des études de médecine ?

La suppression du numerus clausus est une bonne nouvelle, mais les enjeux de la démocratisation des études médicales et de la régulation de l’installation des médecins ne sont que partiellement traités.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’article 1er vise à instaurer un certain nombre de mesures auxquelles nous ne pouvons qu’être favorables. La réforme des modalités d’admission en deuxième année d’études médicales en fait partie. En effet, la suppression de la Paces met fin à un système organisé sur l’échec des étudiants, et c’est une bonne chose. Néanmoins, j’attire l’attention du Gouvernement : il est nécessaire que les nouvelles modalités de sélection soient garantes de l’égalité des chances entre les candidats, ce que permettait l’anonymat des épreuves qui prévalait jusqu’alors. Cette notion ne doit pas disparaître de nos textes.

Venons-en à la suppression du numerus clausus. Cette suppression serait la mesure phare permettant de répondre à la problématique de la désertification médicale. Or, si nous n’y sommes pas opposés, rien ne prouve que le nombre d’étudiants formés sera à la hausse et que la donne changera significativement. Certaines universités n’ont-elles pas récemment refusé d’augmenter le nombre d’inscriptions d’étudiants au motif que cette hausse excédait leurs capacités de formation ?

Le numerus clausus, par ailleurs, est passé de 3 200 à 9 300 places en dix ans, ce qui n’a pas suffi à enrayer le phénomène de désertification médicale, car il répond également à d’autres causes. Sans augmentation du budget alloué aux universités, il est illusoire de tabler sur un accroissement significatif du nombre d’étudiants en médecine et de considérer que cette mesure constituera une réponse satisfaisante au problème des déserts médicaux.

Enfin, on ne peut pas donner la priorité aux capacités de formation des universités sur les besoins de santé de la population dans la détermination du nombre de professionnels à former. C’est mettre la question des moyens avant celle de la finalité. Voilà pourquoi nous souhaitons corriger ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

M. Stéphane Piednoir. Sans doute les études de santé méritent-elles d’être réformées. De nombreux reproches ont été exprimés aujourd’hui, notamment sur la Paces, véritable mécanique pour sélectionner parmi les 40 000 étudiants qui s’inscrivent ceux qui sont à même de poursuivre leurs études. Le QCM systématique comporte bien des travers, comme cela a été dénoncé à plusieurs reprises.

Sans doute convient-il d’introduire dans la formation aux métiers de santé d’autres disciplines pour améliorer le contact avec la patientèle ou apprendre à gérer un cabinet. Sans doute faut-il trouver un moyen pour que ces étudiants ne perdent pas deux années. Car aujourd’hui, un élève qui ne réussit pas sa première année tente une deuxième fois sa chance, au risque d’en rester à la case post-bac.

Or ce nouveau système qu’il faudrait inventer existe déjà à l’université d’Angers : c’est le système PluriPass. Plutôt que de mettre sur pied une nouvelle usine à gaz, il aurait été préférable de s’inspirer de ce système qui fonctionne très bien puisqu’il présente un taux d’insertion et de réussite exemplaire.

Par ailleurs, je m’inscris en faux par rapport à ce qui a été dit sur le profil des étudiants qui réussissent. On a dit qu’ils avaient une formation scientifique : c’est heureux s’ils doivent soigner les gens ! On a aussi dit qu’ils obtenaient souvent le bac avec une mention bien ou très bien : tant mieux s’ils réussissent ! Comment peut-on reprocher à de bons élèves de réussir ? Devront-ils un jour s’excuser de leurs résultats ?

J’appelle aussi à une certaine vigilance sur la diversification des accès. Les « mineures santé » devront absolument garantir l’acquisition de connaissances solides et d’une bonne capacité à soigner. C’est indispensable.

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas exclusif !

M. Stéphane Piednoir. Pour avoir été professeur principal en terminale, je sais que beaucoup de vœux sont exprimés, mais que tous les élèves ne peuvent pas réussir dans toutes les filières !

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Mme Angèle Préville. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à alerter sur un sujet d’importance. Nous le savons, mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine, et ce d’autant plus quand il s’agit de la formation de nos futurs médecins. C’est pourquoi, sans vouloir ajouter d’injonctions supplémentaires, je demande que la formation des médecins et des professionnels de santé intègre un important module scientifique de santé par les plantes.

Ayant fait partie l’an dernier de la mission d’information du Sénat sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, j’ai pu mesurer combien la médecine par les plantes non seulement est promise à un grand avenir au vu des récentes découvertes scientifiques, mais surtout est plébiscitée par nos concitoyens, plus particulièrement par nos concitoyennes qui, pour avoir expérimenté sur elles-mêmes de genre de médecine, appellent de leurs vœux des législations favorables à la généralisation des pratiques douces et plus respectueuses de leur santé.

Les scandales sanitaires provoqués par certains médicaments ne sont pas étrangers à cette prise de conscience collective. La médecine par les plantes s’inscrit par ailleurs dans le désir de développement durable que nous voulons tous. J’insiste, car c’est là qu’est notre avenir. Les futurs médecins, qui n’exerceront que dans une dizaine d’années, doivent absolument être formés à ces pratiques vertueuses, non seulement pour le bien des populations, mais aussi pour le bien la nature que nous devons préserver, car la nature, c’est aussi nous, bien évidemment !

À toutes fins utiles, je rappelle que les résidus de médicaments que nous rejetons dans les eaux usées ne sont, pour la plupart d’entre eux, ni détruits, ni retenus, ni filtrés. Ils polluent donc de manière insidieuse, mais pérenne et grave, les eaux et les sols, et par là même toute la nature ! Le préjudice est terrible. On commence tout juste à en mesurer les effets sur notre santé. N’a-t-on pas trouvé des traces d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires dans les moules et les poissons ? N’assiste-t-on pas à la féminisation des poissons ? Nous devons nous montrer à la hauteur des enjeux et de nos responsabilités : améliorer notre système de santé, c’est aussi permettre à la médecine par les plantes de se développer !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. La réforme du premier cycle des études de médecine est un élément important du projet. Nous partageons la volonté du Gouvernement de diversifier les profils des médecins. Il s’agit d’humaniser la formation de nos médecins en supprimant la forme de sélection par l’échec qui caractérise actuellement l’admission en deuxième année. Nous le savons, en Paces, l’échec s’élève à 80 % alors que 90 % des étudiants ont eu le bac S avec mention. Le système de réorientation actuel après un échec est quasi inopérant, ce qui témoigne d’un dysfonctionnement majeur, et coûteux pour les finances publiques, de cette filière particulièrement sélective.

Bien sûr, il est nécessaire d’opérer une sélection. Nous devons être vigilants sur le nombre d’étudiants qui sera déterminé par l’ARS et l’université. Certes, il doit être en augmentation, madame la ministre, mais il importe d’accroître aussi le nombre des stages. Je pense notamment aux stages de découverte décentralisés pour le premier et le deuxième cycle, aux stages de formation dans les hôpitaux périphériques pour le troisième cycle et à la possibilité d’exercer comme médecin adjoint dans la dernière année du troisième cycle. Nous sommes donc favorables aux propositions de Mme le ministre de l’enseignement supérieur en ce sens. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra pleinement le projet du Gouvernement de réformer l’accès aux études de médecine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, sur l’article.

Mme Sonia de la Provôté. Madame la présidente, mesdames les ministres, cette réforme de la première année des études de médecine, qui se traduit notamment par la suppression de la Paces, est une bonne chose.

Ces dernières années, nous avions assisté à la montée en puissance de ces fameuses prépas payantes qui permettaient à ceux dont les familles avaient les moyens de réussir plus facilement le concours.

Cette réforme va à mon sens permettre une véritable diversification des origines sociologiques et des profils des futurs médecins.

S’il est important d’être doté d’un profil scientifique pour devenir un bon médecin, certaines qualités, qui ne se situent pas sur le terrain exclusivement scientifique, peuvent être des atouts. Je pense surtout à l’appétence, à l’envie de s’engager dans ce métier, qui est un métier de terrain et demande des qualités humaines exceptionnelles. Compte tenu du déficit démographique, on voit bien que, pour devenir un médecin de premier recours, il faut réellement s’engager et ressentir une véritable envie d’être aux côtés des patients, dans tous les territoires, y compris ruraux.

L’exercice de la médecine suppose d’être compétent en sciences humaines, d’être imprégné de valeurs éthiques et d’être doué pour l’empathie. Il faut aussi savoir communiquer oralement, être en mesure d’échanger, de comprendre l’autre pour s’adapter avec aisance à tous ceux que l’on rencontre dans sa profession. Ces qualités, indispensables pour faire un bon médecin, ne ressortent pas des QCM, lesquels font uniquement appel à une exceptionnelle mémoire.

La réforme règle la « question du barrage quantitatif » en mettant un terme à cette gestion par l’échec qui résultait de la Paces. Il reste maintenant à répondre pleinement à la question qualitative. Il est clair que cette réforme de la Paces ne peut pas être déconnectée de l’ensemble de la réforme des formations de santé. C’est tout au long du parcours que le jeune devra construire son chemin professionnel, ce qui n’est pas le cas actuellement. S’ils sont en définitive aussi peu nombreux à choisir d’aller exercer dans les territoires, aux côtés des patients, c’est sans doute parce que l’on n’a pas forcément su leur donner cette envie d’être auprès des autres et de se dévouer. Seuls quelques-uns ont eu le courage de rester sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. L’amendement n° 290, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le mot : « Toutefois », la fin du 2° du I de l’article L. 631-1 du code de l’éducation est ainsi rédigée : « , au niveau régional, les universités peuvent répartir ce nombre entre plusieurs unités de formation et de recherche pour répondre à des besoins d’organisation et d’amélioration de la pédagogie et pour améliorer l’offre de soins dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins. Un arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l’égalité des chances des candidats ; ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Pour simplifier le débat d’un point de vue politique, je voudrais revenir brièvement sur la suppression du numerus clausus dont on a beaucoup parlé.

Que se passe-t-il finalement ? La première année de médecine rentre dans le droit commun. Cela ne veut pas dire que les universités vont pouvoir former d’un seul coup tous les étudiants qui viendront, par la suite, peupler les campagnes de médecins. Non, cela veut simplement dire que les études de médecine vont, comme toutes les autres études, être soumises à la pénurie de moyens qui caractérise aujourd’hui l’université française.

Je ne vois pas du tout comment les universités, notoirement dépourvues de moyens, vont réussir, d’une part, à modifier la maquette de leurs formations – cela a été dit par notre rapporteur, que je suis complètement dans ce domaine – et, d’autre part, « en même temps », selon la formule consacrée (Sourires.), à augmenter significativement le nombre d’étudiants.

La réalité, c’est que le numerus clausus va disparaître tandis que les universités organiseront une forme de régulation beaucoup plus précoce par le biais de Parcoursup. Je crains que, l’année prochaine, le nombre d’admis en première année de médecine ne soit malheureusement pas plus élevé.

Je voudrais rappeler avec beaucoup de bienveillance à notre collègue Piednoir que je me souviens très bien de la discussion de la loi sur la réforme de l’université, défendue par la ministre ici présente au banc du Gouvernement. Dans le camp des Républicains, vous nous avez expliqué que cette réforme était indispensable parce qu’un taux d’échec de 60 % était insupportable. Et là, comme il s’agit de la Paces, vous nous mettez en garde contre le risque de décourager les meilleurs étudiants, estimant qu’une bonne sélection, se situant autour de 20 %, serait finalement positive !

M. Stéphane Piednoir. C’est un peu plus subtil que cela !

M. Pierre Ouzoulias. Il faut une certaine cohérence ! Si vous ne tolérez pas un taux d’échec à 60 % à l’université, vous ne pouvez admettre un taux d’échec à 80 % en Paces !

Je propose de diminuer ce taux d’échec, ce qui sera une très bonne chose pour les étudiants et pour les finances publiques !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je n’avais pas compris qu’il s’agissait de la défense d’un amendement ! Je pensais, cher collègue Ouzoulias, que vous vous exprimiez sur l’article !

Sachez que la rédaction de l’article 1er recueille le consensus de la grande majorité des acteurs de santé, comme des acteurs de la formation. À ce stade, tout au moins, la commission ne souhaite donc pas revenir sur la nouvelle organisation des études de santé.

En outre, après une lecture attentive de l’article et de l’objet de votre amendement, je ne suis pas certain que votre rédaction permettrait de passer au modèle de numerus apertus que vous décrivez.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, peut-être votre propos va-t-il me permettre de clarifier un certain nombre de choses par rapport au déroulement actuel des études de santé.

Un peu plus de 57 000 étudiants s’inscrivent en première année. S’ils réussissent quasiment tous leur année, ils sont seulement 13 000 à passer en deuxième année à l’issue du concours. C’est justement contre cette situation que nous souhaitons lutter en nous inspirant de ce qui a été mis en place à Angers avec l’AlterPaces. Notre objectif est d’éviter de contraindre au redoublement ces étudiants qui ont réussi une première année à l’université sans avoir néanmoins été admis à poursuivre leurs études de santé.

Si vous voulez absolument des chiffres, le redoublement de la première année de Paces coûte 55 millions d’euros. Cette somme pourrait trouver une utilisation beaucoup plus judicieuse que le redoublement imposé à des étudiants dont certains vont échouer une seconde fois ! C’est exactement sur ce sujet que nous sommes en train de travailler.

On peut maintenir une sélection à l’entrée des études médicales, notamment pour satisfaire nos compatriotes peu enthousiastes à l’idée que les futurs médecins soient moins bien formés que leurs prédécesseurs, et néanmoins garantir la réussite des étudiants, c’est-à-dire permettre à ceux qui n’atteindront pas la deuxième année de médecine de poursuivre leur cursus. Nous proposons non une fausse suppression du numerus clausus, mais une véritable modification du processus, ce qui me paraît important. Nous allons ouvrir la voie de la diversification, qui permet de privilégier les qualités humaines sans pour autant négliger la qualité de la formation. C’est sur ces deux pieds que nous devons être capables de marcher.

Le diplôme de médecin, délivré par une université, conservera évidemment sa dimension nationale. Le processus de sélection sera précisé par décret. Les universités, qu’elles comportent ou non des facultés de médecine, sont justement en train de le préparer sur le modèle des expérimentations qui ont fonctionné.

Monsieur Jomier, vous avez exprimé votre crainte de ne pas voir augmenter le numerus clausus. Je veux dissiper un malentendu mis en avant par quelques-uns. Cette année, certaines universités parisiennes, qui pratiquaient l’expérimentation et étaient donc en avance sur la loi, ont augmenté le numerus clausus. Et il y a eu maintien du numerus clausus dans un certain nombre d’autres universités : elles n’étaient pas entrées dans un processus d’expérimentation, car la loi n’était pas votée et elles n’ont pas pu faire valoir leur pleine capacité d’accueil. C’est précisément pour remédier à cette situation que nous souhaitons avancer.

La sélection cessera d’être exclusivement fondée sur des QCM. Il existe dans de très nombreux pays des oraux normés, validés, qui permettent de maintenir la qualité de la formation suivie par les jeunes sans pour autant tout faire reposer sur des QCM. Il faudra bien sûr diversifier le contenu des formations, mais je remercie sincèrement la commission de n’avoir pas souhaité entrer dans le détail de ce contenu, qui relève vraiment de l’équipe pédagogique et de l’ensemble des professionnels concernés.

À ce moment, je vais faire une allusion qui fera probablement rougir la personne qui siège près de moi. PluriPass a été mis en place à l’université d’Angers notamment grâce au doyen de la faculté de médecine de l’époque, qui est devenue ma conseillère. Croyez bien que le texte qui vous est soumis a été pour une large part inspiré de cette expérimentation qui n’est cependant pas forcément adaptable partout.

En tout cas, la philosophie et le principe qui nous guident – et je vous remercie, monsieur le sénateur Piednoir, de l’avoir signalé – visent en effet à garantir un large succès dans ces formations et une bien meilleure qualité de vie pour les étudiants tout en leur maintenant un très haut niveau de formation. Tout cela sera évalué au fur et à mesure, à l’instar de ce qui a été fait dans les universités qui ont expérimenté.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Toutes mes excuses, monsieur le rapporteur ! En effet, emporté par mon élan, je n’ai pas défendu l’amendement, car je ne voulais pas dépasser mon temps de parole. Je suis très content de m’être exprimé de la sorte, sur un plan plus général, permettant ainsi une discussion sur le fond qui a clarifié un certain nombre des intentions du Gouvernement.

Vous avez parfaitement raison, monsieur le rapporteur. Pour passer du numerus clausus au numerus apertus, il aurait fallu un budget, ce que l’article 40 de la Constitution nous a malheureusement interdit ! Nous aurions aimé proposer ici une loi de programmation qui aurait donné aux universités les moyens de modifier leur enseignement et d’accueillir plus d’étudiants.

Je partage votre sentiment, ce que nous proposons n’est pas satisfaisant, mais considérez qu’il s’agit d’un amendement d’appel !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 290.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 285, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

compétences

insérer les mots :

, ses souhaits

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En matière de prise en considération des souhaits des étudiants, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont, une fois de plus, et ce n’est pas coutume, fait une avancée remarquable en réformant le numerus clausus et en supprimant les épreuves classantes.

Toutefois, il me semble qu’il faut aller plus loin en inscrivant dans la loi la notion de « souhaits de l’étudiant », qui tient à deux éléments. Tout d’abord, je l’ai déjà évoqué, nous assistons non pas à une réforme pure et simple du numerus clausus, mais, finalement, à un report de son initiative. Les notions de numerus clausus et de capacité d’accueil comportent de nombreux points communs. Dans ce cadre, il nous semble essentiel d’évoquer les souhaits d’orientation des étudiants. Cela l’est d’autant plus que l’architecture que vous proposez, fortement décentralisée, risque d’aggraver les difficultés en matière de mobilité interrégionale.

De fait, la prise en compte des souhaits et aspirations des étudiants dans le processus d’orientation doit permettre aux ARS et aux universités d’anticiper au mieux les volontés de mobilité et de gérer les flux d’étudiants.

Cette problématique se ressent déjà dans certains centres universitaires, principalement au niveau des licences 3 et des masters, ce qui explique d’ailleurs pourquoi de nombreuses universités ont mis en place des outils de concertation en amont.

Cela doit également permettre de transformer radicalement la vision de l’orientation et d’en faire non un processus par défaut, mais un processus positif. À ce titre, la mention actuelle de « projet d’études » est largement insuffisante, car ce dernier renvoie exclusivement, in fine, à la question de l’intégration sur le marché de l’emploi. Or les choix des jeunes, lorsqu’ils avancent dans leur orientation, sont bien évidemment guidés par cette finalité, mais pas seulement.

La présence, dans le corps enseignant, de tels ou tels spécialistes, la possibilité de se diriger vers tel ou tel stage, les spécialisations et options disponibles, sans compter les éléments extérieurs aux études mêmes, font que l’orientation doit s’appuyer sur les souhaits des étudiants et non se contenter de plier les aspirations des jeunes aux moyens mis en œuvre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je vais être plus bref que Mme Apourceau-Poly, car sa proposition me semble déjà couverte par la notion de « projet d’études », dont on peut évidemment imaginer qu’il est élaboré par l’étudiant en fonction de ses souhaits.

C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. Sinon, son avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Madame Apourceau-Poly, l’amendement n° 285 est-il maintenu ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 285 est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 286, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles favorisent, par leurs modalités d’accès et leur organisation, la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. M. le rapporteur sera content, je vais être brève ! Beaucoup de choses ont été dites à propos du numerus clausus, y compris sur la position du groupe CRCE. Je ne vais donc pas en rajouter.

Je veux simplement signifier que cet amendement n° 286 est un amendement de repli. Nous souhaitons voir figurer dans cet article la mention de « la répartition optimale des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé ».

C’est une façon de prendre en compte les besoins sur les territoires, notamment pour ceux qui manquent gravement de professionnels. Nous souhaitons avoir, dès la formation, ce regard attentif et le préciser dans la loi.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 221 est présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 417 est présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

L’amendement n° 678 est présenté par MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mme Harribey, M. Lurel, Mme Blondin, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mmes Ghali et G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par leur organisation, elles favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire au regard des besoins de santé.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 221.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement a été voté en des termes identiques par les deux commissions, celle de la culture, de l’éducation et de la communication et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il s’agit de bien prendre en compte, dans la tenue des études de santé, l’implantation équilibrée des futurs professionnels. Je vais illustrer cette préoccupation par deux exemples. Nous voulons, d’abord, permettre à un jeune issu d’une zone sous-dotée de faire au moins sa « mineure santé » à proximité de chez lui pour éviter une coupure trop importante par rapport à son lieu de vie. Nous souhaitons, ensuite, proposer des stages en zone sous-dense à des étudiants plus âgés pour leur faire découvrir quelle y est la pratique médicale. Si tout le monde s’accorde sur le fait que tel n’est pas l’objectif premier des études de santé, qui est de former de bons professionnels, on sait l’intérêt, quelles que soient les études, de réfléchir à la question de l’implantation pour éclairer le choix des futurs praticiens sur leur lieu d’installation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 417.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je ne reviens pas sur le dispositif de l’amendement déjà présenté par mon collègue Laurent Lafon. Comme la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable souhaite que l’exigence d’une répartition équilibrée des futurs professionnels de santé figure parmi les objectifs des études de santé.

Nous convenons tous que l’objectif premier des études de santé consiste à former des professionnels compétents, capables de prodiguer des soins de qualité à l’ensemble de la population, en ville et à l’hôpital.

De même, nous le savons tous, la formation théorique et pratique des médecins joue un rôle fondamental dans leur premier choix d’installation. En effet, selon l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, 63 % des primo-inscrits à l’ordre des médecins s’installent dans la région où ils ont obtenu leur diplôme.

J’attire l’attention de l’ensemble de nos collègues sur le fait que la refonte du numerus clausus n’aura, à elle seule, qu’un effet limité, voire aucun effet, sur la répartition des professionnels de santé sur le territoire.

Qui plus est, il y a un risque de voir les moyens alloués aux universités se concentrer sur les établissements les plus importants et les plus éloignés des zones sous-denses.

Pour toutes ces raisons, il me semble raisonnable de faire apparaître, dès le stade des études, la nécessité de penser la démographie médicale en lien avec les besoins de santé de la population.

C’est la raison pour laquelle la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable propose de faire figurer cet objectif d’intérêt général à l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 678.

M. Joël Bigot. Le volet territorial du projet de loi Santé ne répond pas suffisamment, en l’état, aux besoins de santé des Français. L’accès à la santé s’est imposé comme une préoccupation majeure des citoyens dans le cadre du grand débat national destiné à répondre à la crise de défiance à laquelle votre gouvernement est confronté, madame la ministre. Nous pensons donc qu’il faut aller plus loin et faire entendre la voix des territoires.

C’est en ce sens que nous avons travaillé en commission, proposant des amendements qui apportent des réponses concrètes aux habitants des zones où la présence médicale est trop faible, voire inexistante.

L’article 1er du projet de loi réorganise le premier cycle des études de santé.

Il nous paraît essentiel que cette réorganisation de la formation permette de mieux faire correspondre les ressources disponibles aux besoins de santé des Français rendus inquiets par la disparition des médecins généralistes et spécialistes sur leur territoire.

Il est ainsi proposé de compléter l’article 1er en précisant que les études de médecine, par leur organisation, favorisent la répartition équilibrée des futurs professionnels au regard des besoins de santé.

Il pourrait en effet être utile que les futurs médecins soient formés là où les besoins d’implantation sont les plus patents en adaptant étroitement la répartition des étudiants en médecine aux besoins de santé constatés.

L’objet de notre amendement – qui vient en soutien de ceux qui sont défendus par les deux rapporteurs pour avis – est donc de prendre en compte, dès le stade de la formation et de l’organisation des études, une répartition équilibrée des futurs professionnels.

Il s’agit d’anticiper les besoins des territoires et de lutter contre la désertification médicale le plus en amont possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 286, présenté par Mme Apourceau-Poly, prévoit l’intégration de la « répartition optimale » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé.

Les amendements nos 221, 417 et 678 prévoient, quant à eux, l’intégration de la « répartition équilibrée » des futurs professionnels sur le territoire dans les objectifs généraux de formation en santé. Il y a, d’un côté, « optimale » et, de l’autre côté, « équilibrée ».

Je ne suis favorable à aucune de ces précisions. Selon moi, le premier et, à vrai dire, le seul objectif des études de santé est de former des professionnels prêts à exercer leur métier dans les meilleures conditions possible. Toujours selon moi, le but des études de médecine n’est pas non plus de répondre aux carences de l’offre de soins. Il est de former des médecins.

Je me demande par ailleurs quelle serait la traduction concrète d’un tel principe. Cela signifierait-il, par exemple, que les étudiants seront assignés à la faculté de leur département d’origine ou à celle dans laquelle ils ont fait leur première inscription ? Qu’adviendrait-il s’ils souhaitaient, ensuite, suivre une spécialité qui n’est pas enseignée dans cette faculté ?

Je crains en outre que, en adoptant un tel principe, nous ne posions les bases d’une formation au rabais des professionnels de santé. Si demain, nous envoyons un grand nombre d’étudiants en médecine faire des stages dans des zones en déficit de professionnels, ils ne seront pas aussi bien encadrés que ceux dont les stages se déroulent dans des zones mieux pourvues en professionnels.

Enfin, par quels médecins voulons-nous être soignés demain ?

J’ajoute une réflexion supplémentaire : est-il nécessaire d’inscrire tout cela dans la loi pour que cela soit appliqué un jour ?

En attendant, la commission s’est rangée à mon avis, qui est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il nous semble que ce deuxième alinéa est structurant et pose de grands principes qui définissent les objectifs et le déroulement des formations. Les amendements identiques proposés par les commissions de la culture et de l’aménagement du territoire et celui qui a été défendu par M. Bigot, qui rejoignent la proposition de Mme Cohen, nous semblent compléter de manière cohérente les orientations du Gouvernement.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis favorable sur les amendements nos 221, 417 et 678, auquel pourraient se rallier les auteurs de l’amendement n° 286.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous adhérons aux propositions des deux commissions, qui sont dans le même esprit que la nôtre. Nous allons retirer notre amendement n° 286 au profit de leurs amendements. Il n’est pas si fréquent que le groupe CRCE suive l’avis Gouvernement ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 286 est retiré.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je partage les interrogations de M. le rapporteur sur l’effectivité réelle de l’inscription de ce principe dans la loi. Nous en sommes tous d’accord, le contenu de la loi ne doit pas être trop déclaratif, il doit plutôt être normatif.

Dans le cas présent, il serait incitatif, ce qui n’est pas négligeable non plus en la matière. Bien sûr que nous formons des professionnels de santé pour ce qu’ils sont et pour répondre aux besoins de santé du pays !

Il n’en reste pas moins que la répartition de ces professionnels de santé dépend fortement des conditions de leur formation – le lieu où elle s’est déroulée, les représentations professionnelles qu’ils vont acquérir au cours des études. Là se trouve d’ailleurs la limite de l’exercice. C’est très bien de modifier le mode de sélection des étudiants en début de cursus, mais s’ils subissent tout au long du second cycle les mêmes représentations professionnelles que celles auxquelles ils sont actuellement confrontés, à l’issue de leur parcours, le résultat sera exactement le même !

L’incitation défendue par nos collègues rapporteurs pour avis des deux commissions et que nous soutenons par notre amendement nous paraît de nature à figurer clairement dans le texte pour souligner que le législateur se préoccupe aussi de cette question.

C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, que je soutiens fortement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Dans l’hypothèse où la régionalisation de la médecine se ferait un jour – idée qui n’est pas d’actualité, mais que nous partageons avec le président Milon –, il va de soi que le nombre de médecins formés serait établi en fonction des territoires et des régions. C’est la raison pour laquelle je suis très favorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour explication de vote.

Mme Sonia de la Provôté. Pour former des médecins, il faut aussi répondre à une vision de l’aménagement du territoire. Là où il y a le plus d’étudiants, il y aura le plus de médecins, c’est assez trivial comme réflexion.

Les besoins sont différents d’un territoire à l’autre, on le sait déjà depuis longtemps, mais les fractures se sont aggravées sur le plan de l’accès aux soins et le nombre des professionnels formés doit clairement répondre à ces fractures et à ces besoins. Il faut également prendre en compte le fait que les carences de spécialités varient d’un territoire à l’autre.

Les étudiants restent là où ils sont formés, mais plutôt dans les hôpitaux, dans les CHU, et de préférence dans les grandes villes ou les métropoles. Donc, on ne répond pas non plus complètement à la question.

Pour amener les étudiants à mieux connaître les territoires et à avoir plus d’appétence pour ceux vers lesquels ils ne seraient pas allés spontanément, il va falloir procéder à une réorganisation importante sur le plan universitaire et à une répartition plus juste des postes d’enseignants. Il faudra faire un gros effort pour que des enseignants puissent aider les étudiants, quel que soit l’endroit où ils sont formés, à accéder plus facilement aux études de médecine et à la spécialité vers laquelle ils souhaitent s’orienter. L’objectif est qu’ils ne soient pas obligés, en cours de cursus, de déménager et de quitter l’endroit où ils auraient pu avoir l’envie de s’installer.

Ce principe important va nécessiter, sinon des moyens importants, en tout cas une réorganisation considérable de la répartition des formateurs et des enseignants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Ces sujets ont été largement débattus en commission.

Dans cette loi Santé, je perçois beaucoup de bonnes choses et la philosophie dominante selon laquelle le travail doit se faire sur le terrain. Je ne suis pas convaincue que nous ferons avancer les choses en surchargeant la loi de grands principes. On s’est toujours accordé sur le fait qu’il fallait travailler avec les professionnels de terrain, les universités et les territoires pour organiser les choses et procéder aux répartitions.

Je ne suis pas spécialement favorable à l’inscription de ces principes dans la loi et je me range à l’avis du rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. L’aménagement du territoire est un problème auquel nous sommes tous confrontés, mais il ne faudrait pas que des solutions, qui peuvent paraître simples à première vue, se révèlent finalement simplistes.

La commission des affaires sociales a pris en compte le fait que les études de médecine ne mènent pas nécessairement à une installation sur un territoire, puisque des étudiants peuvent se destiner à des carrières internationales ou à la recherche.

Pour autant, la commission est bien consciente qu’il faut régler le problème de l’aménagement du territoire. Les deux positions ne sont d’ailleurs pas antinomiques, mais nous avons pensé qu’il était plus judicieux de ne pas inscrire ce point dans la loi pour laisser son autonomie à chaque faculté – c’est un principe qui est largement revendiqué. Les universités pourront ainsi s’adapter aux préoccupations de leur territoire et valoriser dans le même temps la recherche, l’innovation et la transmission des savoirs, ce qui est essentiel.

C’est la raison pour laquelle, sur la proposition de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable, ce qui n’est pas contradictoire avec notre engagement en faveur de l’aménagement du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Inscrire une telle précision dans la loi n’est pas une condition suffisante d’une répartition équilibrée des professionnels sur le territoire, mais c’est tout de même une bonne chose. C’est pourquoi je voterai ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221, 417 et 678.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 677, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles comportent obligatoirement une sensibilisation transversale à la bientraitance des patients et à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à prévoir que les étudiants sont formés dès le premier cycle à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

J’ai parfaitement conscience, madame la ministre, que l’article 1er n’a pas été écrit pour accueillir ce type d’amendement relatif au contenu des formations. Pour autant, il s’agit d’une question de culture et c’est quelque chose de très important durant les études de médecine.

Certes, il est évident qu’il n’est pas utile de préciser par voie d’amendement que les études de santé doivent par exemple valoriser la vaccination et sa promotion, mais ce n’est pas la même chose pour les violences sexistes et sexuelles.

Deux raisons militent pour que nous inscrivions cette précision dans le texte.

Tout d’abord, il y a urgence : entre le 1er janvier et le 1er juin de cette année, c’est-à-dire en cinq mois, soixante femmes sont mortes, victimes de violences conjugales. Or on peut imaginer que certaines d’entre elles avaient été examinées par des professionnels de santé, qui n’ont pas pu ou su évaluer leur situation et prendre en compte leur parcours de vie.

Ensuite, les médecins ne sont pas simplement des témoins de maltraitances, ils peuvent en être les auteurs. En effet, différents rapports, en particulier celui du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, ont relevé l’existence de nombreuses violences dites gynécologiques, c’est-à-dire des maltraitances infligées aux patientes par des pratiques médicales trop ignorantes ou méprisantes à l’égard des femmes.

Enfin, de manière générale et pour « dégenrer » la question, si j’ose dire, on peut penser que la bientraitance n’est pas encore suffisamment prise en compte dans la culture médicale qui s’attache en premier lieu aux soins, au diagnostic et à l’efficacité thérapeutique.

C’est pourquoi il nous paraît utile de distiller cette culture dès le premier cycle universitaire. Pour cela, il faut former les étudiants à ne pas pratiquer eux-mêmes de violences sexistes et à ne pas passer à côté de celles dont ils seraient témoins.

Mme la présidente. L’amendement n° 452, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles comportent obligatoirement une sensibilisation à la prise en charge spécifique concernant les violences sexuelles et sexistes.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Malheureusement, rien ne change ! Les violences sexuelles et sexistes continuent de perturber, mais aussi d’anéantir la vie de nombreuses femmes. Soixante femmes ont péri depuis le début de l’année sous les coups de leur compagnon ou conjoint. C’est tout simplement terrifiant. Compte tenu du fait qu’il n’y a eu que cent cinquante jours depuis le début de l’année, nous sommes au-delà du chiffre communément admis depuis des décennies d’une femme assassinée tous les trois jours.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Alors que les discours volontaristes se multiplient à l’envi, pourquoi n’arrivons-nous pas à résoudre ce scandale d’un autre âge ? Il faut donc agir, autant qu’on le peut et au plus près possible des femmes. Or, souvent, les médecins sont en contact avec ces femmes ; prises dans un engrenage pervers, elles ne portent pas plainte, mais elles viennent consulter pour leurs blessures.

Il s’agit donc de faire en sorte que tout médecin soit sensibilisé à la fois sur les mécanismes de harcèlement moral, mais aussi sur les chiffres, les statistiques, les études sociologiques et les faits dans leur dure réalité. Cette sensibilisation doit permettre aux médecins d’agir avec tact et respect et d’accompagner ces femmes qui sont psychologiquement dans l’incapacité de regarder la réalité en face, réalité qui les met en grave danger de mort.

Cela concerne bien les médecins qui doivent jouer leur rôle premier, soigner les blessures physiques et psychiques, mais aussi être dans l’humain, c’est-à-dire être la tierce personne à même d’aider à la prise de conscience afin que la vie de ces femmes, qui sont souvent des mères, soit préservée.

Ces violences qui ont des conséquences sociales dévastatrices doivent cesser, elles sont insupportables dans une société avancée comme la nôtre. Pour dépasser les logiques installées – ne pas intervenir, ne rien dire, ne pas se mêler… –, les médecins doivent être des sentinelles avisées à même de venir en aide. Pour être de tels professionnels, ils doivent être formés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. De nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte visent à préciser le contenu des études de médecine. Je le dis dès maintenant, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur chacun d’eux.

En effet, nous considérons qu’il ne revient pas à la loi de déterminer le contenu des études de médecine et de santé en général. En outre, si nous insérons des éléments de ce type, nous risquons d’en oublier, ce qui aurait finalement un effet négatif.

Pour ces deux raisons, sur ces deux amendements, comme sur ceux du même type, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. La prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes sont une priorité du Gouvernement.

D’ailleurs, depuis 2017, nous mettons en place une feuille de route, qui comprend la création de dix centres qui animeront des réseaux dédiés aux psychotraumatismes et à la prise en charge des victimes de violences, notamment les femmes et enfants, qui doivent trouver l’aide spécialisée dont ils ont besoin. Ces dix centres ont été créés il y a quelques mois et sont en train de développer leurs réseaux partout en France, notamment dans les hôpitaux.

Aujourd’hui, les enseignements relatifs aux violences faites aux femmes, aux stéréotypes de genre et au respect du corps d’autrui font partie intégrante des programmes de formation des médecins, notamment dans le module « Vulnérabilité » qui est organisé durant le deuxième cycle des études médicales.

Mais en réalité, ce que vous pointez du doigt, ce n’est pas tant l’acquisition d’une meilleure perception ou connaissance de ces sujets – les formations existent déjà –, mais plutôt un meilleur savoir-être de la part des médecins. Alors, comment faire en sorte que nos jeunes médecins développent des compétences particulières en la matière ?

C’est justement la question à laquelle Frédérique Vidal et moi-même tentons de répondre, en réformant le deuxième cycle des études de médecine. Ainsi, nous souhaitons changer les modes d’apprentissage et mettre en place des approches pédagogiques qui permettent d’être en face du patient ou de représentants, par exemple, d’une association de défense des droits des femmes. Cela permettrait de mieux prendre en compte les problématiques auxquelles vous faites référence et de changer la façon dont les femmes victimes de ces violences sont accueillies.

En ce qui concerne ces amendements, je suis totalement en phase avec l’avis du rapporteur : il ne faut pas détailler dans la loi le contenu des études. Nous avons eu le même débat à l’Assemblée nationale. Inscrire dans la loi certaines vulnérabilités présente le risque d’en oublier d’autres, tout aussi importantes, et de choquer les personnes qui sont atteintes de pathologies ou qui subissent des violences que nous aurions omis de citer. C’est pour ces raisons que je suis défavorable à ces deux amendements.

Je pense surtout que la réforme du deuxième cycle qui permettra d’intégrer les patients et les associations dans le cursus afin de développer le savoir-être des futurs médecins sera beaucoup plus utile en la matière que d’aligner les modules de formation thématiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je partage l’idée qu’il ne revient pas au législateur de se prononcer sur le contenu des formations. Nous risquerions d’oublier des éléments importants.

Je souhaite cependant attirer l’attention de l’ensemble de nos collègues sur le fléau que constituent les violences faites aux femmes. Ce fléau est mondial. Partout, des femmes souffrent et la mort peut être au bout de ce calvaire. Rien qu’en France, soixante féminicides ont été perpétrés depuis le début de l’année.

Madame la ministre, je connais votre sensibilité sur cette question extrêmement importante et il me semble que, durant les débats sur ce projet de loi à l’Assemblée nationale, Mme Vidal et vous-mêmes vous êtes engagées à adresser un courrier aux présidents d’université à ce sujet. Il me semble que cela pourrait contribuer à faire bouger les mentalités, ce qui est essentiel à la fois pour mieux accueillir les femmes quand elles sont victimes de violences et pour éviter que de telles violences ne se produisent – Laurence Rossignol a eu raison de mettre en avant ces deux aspects.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre. Durant les débats à l’Assemblée nationale, de nombreux députés ont voulu insérer dans le texte tel ou tel sujet et nous nous sommes effectivement engagées, madame la sénatrice, à écrire un courrier aux doyens des facultés de médecine pour leur demander d’être attentifs à ce que le cursus des études de médecine intègre bien ces problématiques – handicap, maladies rares ou génétiques, violences faites aux femmes et aux enfants…

Ce courrier est prêt à partir, mais avant de l’envoyer, nous avons voulu attendre la fin des débats au Sénat afin de l’adapter, le cas échéant, à l’aune de nos discussions. Le courrier partira donc dès le début de la semaine prochaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. J’ai bien entendu les avis du rapporteur et de Mme la ministre et je m’y rangerai, mais je voudrais remercier Mmes Rossignol et Préville d’avoir soulevé ce débat, ainsi que Mme Cohen d’avoir évoqué le courrier qui sera adressé aux responsables universitaires. Nous avons parlé des violences faites aux femmes, mais il faut également penser aux enfants, qui meurent eux aussi sous les coups de leurs parents ou de proches. Vous avez raison, madame la ministre, il est compliqué de faire la liste des vulnérabilités, nous risquerions d’en oublier, mais il était aussi très important de soulever ces questions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 677.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 452.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 380, présenté par Mme Préville, MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elles promeuvent l’orientation vers la médecine scolaire.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Notre horizon républicain consiste à promouvoir davantage d’égalité, c’est un idéal qui nous anime.

La médecine scolaire est un levier puissant pour cela, puisqu’elle permet un accès automatique aux soins et un suivi des enfants. Or la médecine scolaire n’est plus en mesure de remplir sa mission. En quelques années, nous sommes passés de 57 % à 47 % d’enfants qui ont passé la visite obligatoire à 6 ans. Cette diminution est d’autant plus préoccupante que le projet de loi pour une école de la confiance abaisse l’âge de l’instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans. Parallèlement, le nombre de médecins scolaires est passé de 1 400 à 1 000 depuis 2006.

Pour répondre à cette crise de vocations, cet amendement prévoit que les formations de santé promeuvent l’orientation vers la médecine scolaire. Il s’agit à la fois d’une mesure de justice sociale et de mettre en cohérence les différents projets de loi en cours de discussion.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La médecine scolaire rencontre en effet des difficultés qui appellent probablement des réformes importantes. Pour autant, ce n’est pas la seule spécialité en difficulté – je pense notamment à la médecine du travail. Il me paraîtrait peu équitable d’inscrire dans la loi un objectif de promotion spécifique de la médecine scolaire.

En outre, la mise en place d’actions de renforcement de l’attractivité de la médecine scolaire et des autres spécialités en difficulté me paraît plutôt relever de l’accompagnement des étudiants organisé par chaque université.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable, madame la présidente, mais je voudrais préciser que la politique de santé en faveur de l’enfant est un sujet prioritaire pour mon ministère – j’y travaille particulièrement depuis l’année dernière.

Selon nous, il faut agir de la manière la plus précoce en faveur de la santé de l’enfant pour nous donner toutes les chances de détecter les pathologies et les traiter le plus tôt possible. Agir précocement permet aussi d’inculquer des comportements favorables pour la santé de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra. C’est un moyen essentiel pour lutter contre les inégalités de santé.

La médecine scolaire est évidemment l’un des piliers de cette politique et il faut la promouvoir.

Pour cela, un enseignement transversal « Médecine scolaire » a été créé en 2017, il peut être suivi par tous les internes de médecine, qu’ils soient généralistes, de pédiatrie ou de santé publique. Il s’agit notamment de faire découvrir la médecine scolaire – des stages ont d’ailleurs été proposés – afin de rendre attractif ce mode d’exercice. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à l’évaluation qui sera faite de cette réforme mise en place en 2017.

En outre, le service sanitaire qui fait découvrir la médecine en milieu scolaire aux étudiants en santé devrait permettre que cette filière soit plus attractive pour les nouveaux étudiants de troisième cycle. Avec ce dispositif qui n’a démarré qu’en septembre 2018 – nous n’en sommes donc qu’à la première génération –, les jeunes peuvent découvrir ce qui se fait dans les écoles, collèges et lycées, ce qui peut leur donner l’envie de pratiquer cette médecine.

Pour autant, je suis défavorable à cet amendement, parce que privilégier dans la loi une orientation par rapport à une autre va aboutir à une liste à la Prévert et nous risquons, là encore, d’oublier des spécialités qui sont également déficitaires. En outre, les spécialités en déficit peuvent évoluer avec le temps.

Je le redis, je suis défavorable à l’inscription d’une telle priorité dans la loi, mais je suis extrêmement attentive à ce que cette filière soit attractive.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 380.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 238 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Chasseing et Luche, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Guerriau, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, en concertation avec les représentants du territoire

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. La responsabilité des territoires nous paraît insuffisamment énoncée dans cet article et nous souhaitons optimiser l’estimation des besoins en santé du territoire en y associant tous les acteurs régionaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La préoccupation exprimée par M. Chasseing nous semble satisfaite. Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous estimons aussi que cette demande est satisfaite. En effet, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, la CRSA, comprend les unions régionales des professionnels de santé, ou URPS. Ces instances seront donc bien consultées. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 238 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 238 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 734 rectifié, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Rossignol, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ces objectifs pluriannuels, déterminés par les besoins de santé du territoire, sont arrêtés par l’université en tenant compte des capacités de formation et de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire sur avis conforme de l’agence régionale de santé ou des agences régionales de santé concernées.

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Cet amendement vise, dans la détermination du nombre d’étudiants reçus en deuxième et troisième années de premier cycle, à faire primer le critère des besoins de santé du territoire sur celui de la capacité de formation des universités.

Il s’agit finalement de faire primer l’objectif sur les moyens, ce qui n’est pas insignifiant. Dans la situation actuelle, si nous partions de la capacité de formation des universités, nous en resterions finalement au système du numerus clausus et le nombre d’étudiants stagnerait, voire diminuerait. En revanche, si nous partons des besoins de santé de la population, personne ne peut contester que la hausse devrait être très importante.

La ministre de la santé nous rappelait, au début de nos débats, qu’il manquerait à terme 12 millions de professionnels de santé dans le monde et que la France serait également en situation de déficit. Il nous paraît donc important que le nombre d’étudiants soit défini à partir des besoins de santé des territoires et de la population, tout en tenant compte des capacités de formation des universités. Il ne revient pas aux moyens de déterminer la fin !

Mme la présidente. L’amendement n° 287, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Supprimer les mots :

des capacités de formation,

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Concernant l’objectif d’augmenter de 20 % le nombre de futurs médecins, le transfert aux universités de la responsabilité de rehausser leurs capacités d’accueil et de stages pourrait avoir des conséquences contradictoires dans certaines facultés. Ainsi, certains établissements pourraient proposer moins de places qu’auparavant. Je sais que ce n’est pas votre objectif, madame la ministre, mais c’est pourtant une conséquence envisageable pour les universités qui ont, ces dernières années, augmenté leur nombre de places en Paces.

Et même s’il faut avoir une vision nationale de la suppression du numerus clausus, nous pensons que les calculs du ministère de l’enseignement supérieur sont inférieurs aux besoins et que le budget actuel pour le redoublement de la Paces ne suffira pas. Ainsi, les universités et les ARS s’appuieront, pour déterminer leur numerus clausus, sur les capacités de formation des établissements et, on peut l’anticiper, les possibilités de stage.

Notre amendement revient en fait à passer d’une logique de moyens à une logique de finalité.

Mme la présidente. L’amendement n° 396 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mmes Deroche et Bruguière, M. Bonne, Mme Estrosi Sassone, M. Meurant, Mmes Delmont-Koropoulis et L. Darcos, MM. Savin, Perrin et Raison, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Bouloux et Mandelli, Mme Lamure et MM. Laménie, Revet, Bonhomme, Karoutchi et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Remplacer les mots :

sur avis conforme

par les mots :

après avis

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement a pour objet de simplifier la procédure relative à la détermination des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle des formations en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique.

Le projet de loi prévoit que les universités déterminent annuellement les capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle. Celles-ci sont déterminées après la prise en compte d’objectifs pluriannuels, arrêtés entre l’université et les agences régionales de santé, qui tiennent compte des capacités de formation et des besoins de santé du territoire. Ces derniers sont eux-mêmes définis au regard d’objectifs nationaux pluriannuels établis par l’État pour répondre aux besoins du système de santé et pour réduire les inégalités d’accès aux soins.

Pour respecter l’autonomie des universités et instaurer une confiance mutuelle entre universités et agences régionales de santé, un avis simple des ARS est tout à fait pertinent pour répondre aux objectifs du projet de loi et il permet de prévenir d’éventuelles situations de blocage.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet et Morisset, Mme Deromedi, MM. Saury, Babary, Genest, Perrin, Raison, Poniatowski et Mandelli, Mme Chauvin, MM. Bonne, Laménie, Pellevat, Rapin, Cuypers et B. Fournier, Mmes Canayer, Lamure et de Cidrac et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, troisième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et sur avis simple des unions régionales des professionnels de santé, des fédérations hospitalières et des conseils départementaux concernés

La parole est à M. Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. Cet amendement vise à associer les acteurs de terrain que sont les URPS, les fédérations hospitalières et les conseils départementaux dans la détermination des capacités d’accueil des formations sur le territoire.

La détermination des capacités d’accueil des formations en deuxième et troisième années sera dévolue aux universités sur la base des objectifs pluriannuels d’admission en première année du deuxième cycle de ces formations arrêtés sur avis conforme des agences régionales de santé.

Parce qu’il est important que la logique de décloisonnement entre la ville et l’hôpital intègre la réflexion dès les études médicales et parce qu’il est urgent que les universités et les ARS prennent en compte les besoins de terrains de stage en médecine de ville, cet amendement vise à faire participer les URPS et les fédérations hospitalières à la définition de ces objectifs pluriannuels.

Il est également impératif que les élus départementaux soient consultés en tant que représentants politiques de la population locale, car ils ont, depuis de nombreuses années, financé des projets favorisant l’installation de médecins sur les territoires. L’échelon départemental, associé aux URPS, est un relais d’information absolument nécessaire à la bonne évaluation des objectifs pluriannuels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 734 rectifié présenté par M. Jomier apporte une modification rédactionnelle qui conduit à faire primer le critère des besoins de santé du territoire sur celui de la capacité d’accueil de l’université dans la définition des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle.

Les objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle constituent l’outil qui remplacera demain le numerus clausus. Ils doivent donc prendre en compte les capacités de formation des universités, mais aussi des éléments prospectifs quant aux besoins de santé de demain dans l’intérêt des patients comme des futurs professionnels. De ce point de vue, la formulation proposée n’a pas choqué la commission des affaires sociales, qui a donné un avis de sagesse.

En ce qui concerne l’amendement n° 287, qui supprime la référence aux capacités de formation pour la détermination des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle, il me paraîtrait curieux de ne pas prendre en compte les capacités de formation, et donc les moyens universitaires, pour la détermination du numerus clausus nouvelle version.

J’espère d’ailleurs que cette prise en compte permettra, le cas échéant, d’adapter à la hausse les moyens des facultés – plusieurs responsables universitaires nous ont fait part de leur forte inquiétude face à la réforme à venir.

La commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 396 rectifié présenté par Stéphane Piednoir prévoit la substitution d’un avis simple à l’avis conforme des ARS pour la détermination des objectifs pluriannuels d’accès au deuxième cycle. Cela ne me paraît pas une bonne idée de laisser une telle autonomie aux universités, dans la mesure où ce seront les ARS, et non les universités, qui consulteront les acteurs de santé du territoire au travers des CRSA. L’avis est donc défavorable.

Enfin, l’amendement n° 22 rectifié présenté par Vincent Segouin précise la procédure de consultation pour avis des URPS, des fédérations hospitalières et des conseils départementaux concernés pour la fixation des objectifs pluriannuels d’admission en deuxième cycle.

Il est satisfait par la quatrième phrase de l’alinéa 3, qui prévoit la consultation des CRSA qui rassemblent l’ensemble des acteurs cités. Il paraîtrait étrange d’ajouter à cette consultation générale la consultation spécifique de ces instances, dont je ne doute pas que l’avis sera cependant pris en compte – Mme la ministre pourra cependant nous confirmer la philosophie du dispositif de consultation envisagé.

Au total, outre que cet ajout me paraît peu utile, il aboutirait à alourdir considérablement l’élaboration des objectifs de formation, dont le formalisme n’est déjà pas simple. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Concernant l’amendement n° 734 rectifié, l’article 1er prévoit bien que l’université doit prendre en compte les objectifs pluriannuels d’admission pour définir les capacités d’accueil. Les deux éléments – capacités de formation et besoins de santé des territoires – sont importants et nous devons être sûrs qu’un étudiant en santé pourra être accueilli tout au long de ses études dans des stages, de manière à garantir la qualité de sa formation. L’avis est donc défavorable.

J’apporterai la même réponse à l’amendement n° 287.

Nous nous sommes engagés à maintenir une formation de qualité. Pour cela, la formation doit inclure des stages qui vont permettre à l’étudiant d’acquérir certaines compétences, notamment celles qui ont été précédemment évoquées. Il revient aux universités d’arrêter les capacités d’accueil, mais dans un dialogue avec les ARS, comme cela est prévu dans cet article. Ce sont les ARS qui sont capables de donner le nombre de terrains de stage disponibles, notre objectif étant d’ailleurs d’augmenter aussi le nombre de maîtres de stage disponibles.

Les universités et les ARS doivent donc travailler ensemble ; c’est pourquoi nous avons prévu un avis conforme, et pas un avis simple. Un avis conforme ne remet aucunement en cause le principe d’autonomie des universités. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’amendement n° 396 rectifié.

Enfin, comme l’a précisé M. le rapporteur, la consultation des conférences régionales de la santé et de l’autonomie est prévue dans la loi ; y sont associés les URPS, les conseils départementaux, les représentants des usagers et les fédérations hospitalières. L’amendement n° 22 rectifié est donc satisfait ; c’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 734 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 287, 396 rectifié et 22 rectifié n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 103 rectifié bis, présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Vogel et Morisset, Mme Gruny, M. Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, M. Genest, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Pellevat, Pierre et Piednoir, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Rapin et Pointereau, Mme de Cidrac et MM. Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Quatrième phrase

Remplacer les mots :

la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées

par les mots :

les comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé

2° Compléter cet alinéa par les mots :

au regard du recensement des besoins prévisionnels en effectifs et en compétences auprès de l’ensemble des acteurs du territoire de santé

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Pour mieux définir les objectifs de formation, il est nécessaire de mieux en appréhender les besoins.

L’organisation de la formation doit se faire au plus près des lieux d’exercice, sur la base d’un diagnostic partagé par l’ensemble des acteurs.

Les objectifs de formation devraient être évalués en fonction de l’ensemble des lieux de stage universitaires et non universitaires et des demandes des territoires en effectifs et en compétences.

Cet amendement vise donc à intégrer ces besoins au moyen d’une méthodologie adaptée permettant de faire remonter les besoins des établissements qui sont représentés au sein des comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, ces derniers étant plus à même d’évaluer les besoins en formation.

Mme la présidente. L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par M. Sol, Mmes Eustache-Brinio et Deroche, MM. Calvet, Guerriau et Morisset, Mmes Bruguière, Gruny, Morhet-Richaud, Berthet, Deromedi et Bonfanti-Dossat, MM. Decool et Moga, Mme Kauffmann, MM. Lefèvre, Détraigne et Genest, Mme Raimond-Pavero, M. Mouiller, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, MM. Mandelli, Bonne, Laménie, Meurant, Piednoir et Bouloux, Mme A.M. Bertrand, M. Charon, Mmes Lamure et de Cidrac et M. Segouin, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Quatrième phrase

Remplacer les mots :

la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les conférences régionales de la santé et de l’autonomie concernées

par les mots :

les comités régionaux de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé

La parole est à M. Jean Sol.

M. Jean Sol. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté par mon collègue Morisset.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Le 2° de l’amendement n° 103 rectifié bis est satisfait par la rédaction adoptée par la commission à la troisième phrase de l’alinéa 3 de l’article 1er. Celle-ci précise que la détermination des objectifs régionaux de formation doit prendre en compte « l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé du territoire ». Il ne paraît donc pas utile de le préciser de nouveau à l’échelon national, d’autant que l’échelon territorial est plus adapté à un suivi de cette évolution.

Concernant le 1°, la commission n’est pas favorable à un contournement des CRSA pour leur substituer la consultation d’un organisme compétent uniquement en matière de démographie des professions de santé. La détermination des effectifs des soignants de demain ne doit pas uniquement dépendre de projections techniques liées aux professionnels de santé eux-mêmes : les collectivités locales, les établissements hospitaliers, les représentants des patients, pour ne citer qu’eux, doivent également pouvoir donner leur avis. Sans doute le fonctionnement des CRSA n’est-il pas toujours optimal, mais ce n’est pas en les contournant purement et simplement que nous pourrons régler le problème sur le long terme.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, comme sur l’amendement n° 129 rectifié bis, dont l’objet correspond au 1° de l’amendement n° 103 rectifié bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis également défavorable à ces amendements : la CRSA doit absolument jouer son rôle.

Cela étant, il est important que les observatoires régionaux de la démographie des professions de santé jouent un rôle plus important à l’avenir ; il faut renforcer leur capacité de pilotage. C’est pourquoi une réflexion est en cours sur leur rôle et leurs missions.

Reste qu’il ne faut pas modifier dans la loi les instances responsables : les CRSA constituent le bon échelon de détermination des besoins.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour explication de vote.

M. Jean Sol. Madame la présidente, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 129 rectifié bis est retiré.

Monsieur Morisset, l’amendement n° 103 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Morisset. J’ai pris bonne des arguments qui viennent d’être exposés. Je retire donc cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 103 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 794, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Remplacer les mots :

en deuxième et troisième année du premier cycle

par les mots :

en première année du deuxième cycle

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. À la suite de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, une telle cohérence rédactionnelle s’imposait. Je remercie la commission de s’en être aperçue. L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 794.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 288, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Après le mot :

territoriales

insérer les mots :

et sociales

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Comme trop souvent, il faut souligner un paradoxe : ce sont celles et ceux qui ont le plus besoin de notre système de santé qui n’y ont pas ou moins accès. Un rapport de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé rappelle que, en France, à 59 ans, les ouvriers ont une espérance de vie inférieure d’environ cinq ans à celle des cadres.

Tout cela fait de la France l’un des mauvais élèves des pays de l’Union européenne. Se pose dès lors la question des raisons d’un tel phénomène.

Les conditions matérielles de vie, mais également les conditions de travail peuvent conduire à des prévalences supérieures en matière de maladies chroniques et de troubles physiques divers, notamment musculo-squelettiques. Il faut aussi reconnaître le rôle des pratiques sociales dans certains des troubles de santé que connaissent les ménages les plus précaires. C’est pourquoi il est important de réfléchir à la pratique du sport encadré pour les patients atteints de diabète – cela fait l’objet d’expérimentations dans plusieurs régions – ou d’assurer un remboursement optimal des substituts nicotiniques par la sécurité sociale, pour faire reculer la consommation de tabac.

Selon nous, il faut porter une attention particulière aux inégalités sociales, au même titre que, comme nous nous y sommes attachés depuis le début de ce débat, aux inégalités territoriales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je vois mal comment un tel objectif pourrait être pris en compte pour la détermination du nombre de professionnels à former. Certes, on peut concevoir que les inégalités territoriales d’accès aux soins soient directement liées aux effectifs de professionnels de santé – surtout à leur répartition sur le territoire –, mais les inégalités sociales, dont l’accès aux soins, résultent d’autres facteurs, en particulier financiers. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 288.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 675 rectifié, présenté par MM. Genest et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, M. Courtial, Mmes Bruguière et Noël, M. Bouloux, Mme Lamure, MM. Cuypers, Bonhomme, Danesi et B. Fournier, Mme Deromedi et MM. Pointereau, Dufaut, Morisset et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, dernière phrase

Après les mots :

aux soins

insérer les mots :

, notamment dans les territoires périurbains, ruraux, de montagne, insulaires et ultramarins

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Il s’agit de mentionner explicitement dans la loi les territoires sur lesquels doit porter l’effort prioritaire de réduction des inégalités d’accès aux soins, que sont les territoires périurbains, ruraux, de montagne, insulaires et ultramarins. Les problèmes spécifiques de chacun et la désertification médicale subie par leurs habitants le justifient.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La précision que tend à apporter cet amendement a été supprimée par la commission des affaires sociales, qui a considéré qu’il revenait au Sénat de veiller à la préservation de la qualité et de la concision de la loi.

Outre que la précision n’apporte rien sur le plan juridique, toute énumération de ce type présente le risque d’oublier certains éléments pourtant potentiellement concernés. Quid, par exemple, des territoires urbains ? Certains peuvent pourtant être eux aussi des zones sous-dotées.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 675 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet et Morisset, Mme Deromedi, MM. Babary, Genest, Perrin, Raison, Poniatowski, Meurant et Mandelli, Mme Chauvin, MM. Bonne, Laménie, Pellevat, Pierre, Rapin, Cuypers et B. Fournier, Mmes Canayer, Lamure et de Cidrac et M. Gremillet.

L’amendement n° 172 rectifié bis est présenté par M. Karoutchi, Mme A.M. Bertrand, MM. Calvet, Chaize, Charon, Chatillon, Dallier, Danesi, Darnaud, Daubresse, de Legge et Duplomb, Mmes Duranton, Garriaud-Maylam et Gruny, M. Kennel, Mmes Lavarde, M. Mercier et Procaccia, MM. Sido, Vaspart et Vogel, Mme Ramond, M. Houpert, Mme Dumas et M. Mayet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les besoins territoriaux de formation sont inscrits dans les conventions que les universités passent avec les établissements de santé, publics et privés.

La parole est à M. Vincent Segouin, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.

M. Vincent Segouin. Cet amendement a pour objet de permettre aux établissements de santé privés de conventionner avec les universités pour mettre à disposition leur expertise et leur savoir-faire médical et chirurgical dans le cadre des formations des étudiants.

La lutte contre les déserts médicaux et l’égal accès aux soins, notamment l’accès à une offre médicale équilibrée et de qualité sur l’ensemble des territoires, constituent l’un des principaux enjeux de la transformation de notre système de santé. La suppression du numerus clausus national au profit d’une régulation territoriale devrait permettre de répondre d’une manière mieux ajustée aux futurs besoins en santé de la population. Toutefois, tous les acteurs de santé doivent être mobilisés autour de cet enjeu, tant sur la réduction des inégalités d’accès aux soins que sur l’insertion professionnelle des étudiants.

C’est pourquoi il est nécessaire que les établissements de santé privés participent eux aussi à cet objectif commun. Une meilleure connaissance par les futurs médecins de l’ensemble des environnements de soins, publics comme privés, améliorera l’efficience du système et favorisera les coopérations et les équilibres sur les territoires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Ramond, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié bis.

Mme Françoise Ramond. L’accès aux soins, notamment l’accès à une offre médicale équilibrée et de qualité sur l’ensemble des territoires, constitue l’un des principaux enjeux de la transformation de notre système de santé. La suppression du numerus clausus national au profit d’une régulation territoriale devrait permettre de répondre d’une manière mieux ajustée aux futurs besoins en santé de la population. Toutefois, tous les acteurs de santé doivent être mobilisés autour de cet enjeu, tant sur la réduction des inégalités d’accès aux soins que sur l’insertion professionnelle des étudiants.

C’est pourquoi il est proposé de permettre aux établissements de santé privés de conventionner avec les universités pour mettre à disposition leur expertise et leur savoir-faire médical et chirurgical dans le cadre des formations des étudiants. Le conventionnement porte aussi sur les conditions d’accueil. Une meilleure connaissance par les futurs médecins de l’ensemble des environnements de soins, publics comme privés, améliorera l’efficience du système et favorisera les coopérations et les équilibres sur les territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La précision proposée ne paraît pas pertinente pour quatre raisons.

Premièrement, cela semble apporter peu de choses sur le plan juridique. Il est tout à fait possible pour les universités de passer des conventions avec les établissements de santé appartenant au même territoire, sans que la loi le précise. La rédaction ne prévoit d’ailleurs ni la portée de cette précision ni son éventuelle sanction en cas de non-prise en compte de ces besoins de formation.

Deuxièmement, un tel dispositif serait en porte-à-faux par rapport à la logique proposée par l’alinéa 3 pour la définition des effectifs d’étudiants en filières MMOP. Celui-ci prévoit en effet que les capacités d’accueil déterminées par les universités tiennent compte d’objectifs pluriannuels de formation déterminés sur avis conforme de l’ARS, qui, comme l’a déjà précisé Mme la ministre, devra consulter au préalable les CRSA, lesquelles comprennent des représentants des établissements de santé. Il me paraît donc à la fois superfétatoire et illogique de contourner cette architecture pour prévoir une forme de consultation parallèle des seuls établissements de santé.

Troisièmement, le texte adopté par la commission prévoit que la fixation des objectifs pluriannuels doit tenir compte de l’évolution prévisionnelle des effectifs et des compétences des acteurs de santé des territoires, ce qui me paraît satisfaire assez largement la préoccupation exprimée.

Quatrièmement – c’est un argument de forme et de préservation de la qualité de la loi qui vient s’ajouter à ces raisons de fond –, la rédaction proposée n’a pas sa place à cet endroit du texte, puisque l’article 1er prévoit les grands principes structurants du premier cycle des filières de santé.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié et 172 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 408 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Lurel, Kerrouche et Fichet, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et Mmes Monier et Conconne, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La fixation des objectifs nationaux pluriannuels par l’État et les moyens alloués aux universités pour parvenir à atteindre ces objectifs donnent lieu à une information du Parlement qui est jointe en annexe du projet de loi de finances de l’année, avec l’ensemble de la politique publique en faveur de la lutte contre les déserts médicaux.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Il s’agit, par cet amendement, de redonner au Parlement l’occasion, au moins lors de la discussion du projet de loi de finances, de connaître chaque année les objectifs fixés par l’État sur le nombre d’étudiants en médecine et l’adéquation des moyens en faveur des universités que celui-ci consacrera pour leur permettre de remplir ces objectifs.

La fixation d’objectifs pluriannuels participe aux diverses dispositions nationales prises depuis de nombreuses années pour tenter de pallier la pénurie de médecins. Il est désormais indispensable, face aux difficultés rencontrées par la population, mais aussi par les élus locaux sur tous les territoires, d’avoir une vision globale de l’ensemble des dispositifs nationaux de lutte contre la désertification médicale, notamment dans le cadre d’un « jaune budgétaire » spécifique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je résume l’objet de cet amendement : il s’agit d’informer le Parlement sur la fixation des objectifs nationaux pluriannuels de formation des professionnels médicaux et sur les moyens alloués aux universités.

J’ose espérer que cela va de soi, ma chère collègue, et que ces éléments seront publics et figureront dans les documents budgétaires transmis au Parlement pour l’examen du projet de loi de finances ! Il ne me paraît donc pas utile de le préciser dans la loi – je pense que Mme la ministre pourra nous le confirmer. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la sénatrice, je comprends l’intérêt que vous manifestez pour le suivi tant du nombre de médecins qui seront formés que des financements.

Évidemment, les financements sont prévus dans le projet de loi de finances et seront donc connus. Quant aux objectifs, ils seront fixés de manière pluriannuelle pour permettre la montée en puissance de la formation.

Depuis la loi LRU, les lignes affectées à des objets particuliers n’existent plus dans les budgets des universités : seules la masse salariale et les dotations de fonctionnement sont retracées. Toutefois, le rôle de la ministre que je suis comme celui des parlementaires dans le cadre des lois qui ont été votées consistent à vérifier que les universités ont bien utilisé les financements qui leur ont été accordés pour faire ce à quoi la loi les engage.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Jasmin, l’amendement n° 408 rectifié est-il maintenu ?

Mme Victoire Jasmin. Non, je le retire, mais je tiens à insister sur le fait qu’il y a beaucoup d’incohérences. L’article 1er porte sur le numerus clausus ; or les universités n’auront pas forcément les crédits fléchés pour accueillir un plus grand nombre d’étudiants en médecine.

Je veux bien croire ce que disent aujourd’hui les ministres, en particulier la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, mais nous savons tous très bien – cela a été évoqué dès le début de nos débats – que, sans moyens, malgré toute leur bonne volonté, les universités n’auront pas les moyens d’accueillir un nombre beaucoup plus important d’étudiants en médecine, quand bien même elles le souhaiteraient.

Mme la présidente. L’amendement n° 408 rectifié est retiré.

L’amendement n° 451 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Daudigny et Tourenne, Mme M. Filleul, MM. Duran et Antiste, Mme G. Jourda, MM. Todeschini et Lurel et Mmes Monier et Conconne, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La fixation des objectifs nationaux pluriannuels par l’État donne lieu à un débat devant le Parlement sur les moyens alloués aux universités pour parvenir à atteindre ces objectifs.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Il s’agit de redonner au Parlement la possibilité de débattre des objectifs fixés par l’État sur le nombre d’étudiants en médecine et les moyens qu’il consacrera aux universités pour que celles-ci remplissent ces objectifs.

Ce projet de loi renvoie plusieurs dispositions à des ordonnances prises par le Gouvernement. Or il est indispensable de permettre périodiquement le débat, notamment sur les moyens financiers et humains qui seront dévolus à la formation des médecins français. Ce débat permettra, notamment au regard des évolutions démographiques et épidémiologiques, de veiller à l’équilibre entre la qualité des soins, la qualité de vie au travail des professionnels de santé, l’efficience économique et les objectifs fixés par le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Même dans le nouveau monde, nous sommes libres de débattre sur les sujets que nous jugeons importants, sans que la loi nous y oblige ni détermine le contenu de nos débats. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J’entends l’argument du rapporteur, mais il faut faire preuve de bon sens : les choses vont mieux en les écrivant qu’en les présupposant.

Nous venons de voter une disposition qui prévoit un avis conforme. Certes, cela ne touche pas à l’autonomie des universités, mais il est certain que ce sera l’ARS qui aura la haute main.

Par ailleurs, les universités ne pourront fixer le nombre d’étudiants qu’en fonction des capacités de formation, d’accueil et de stages. Or, en amont, on suggère soit un rapport, soit une information dédiée et claire. Tout cela a sans doute vocation à contourner l’article 40 – en tant que membre de la commission des finances, je ne dispose pas de tels détails.

Il me semblait de bon sens d’être favorable à cet amendement. Toutefois, nous le retirons.

À l’évidence, au-delà des débats qui auront lieu ici ou à l’Assemblée nationale, il restera un angle mort : après cette réforme, notamment sur le numerus clausus, on ne saura pas comment ce sera régionalisé et réparti et quelle sera la pluriannualisation. Je le regrette.

Mme la présidente. L’amendement n° 451 rectifié est retiré.

L’amendement n° 104 rectifié bis, présenté par Mmes Lassarade et Micouleau, MM. Vogel et Morisset, Mme Gruny, M. Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Bruguière, M. Genest, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Pellevat et Pierre, Mmes Chain-Larché et Thomas et MM. Rapin, Poniatowski et Laménie, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

dans l’enseignement supérieur et à la réussite à des épreuves, qui sont déterminées par décret en Conseil d’État

par les mots :

, notamment dans le cadre d’un portail santé ou de licences comportant une mineure santé et à la réussite à des épreuves

II. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de construction de portail santé et d’accès par des licences à mineure santé sont déterminées par décret en Conseil d’État.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement vise à préciser les « parcours de formation antérieurs » qui rendront éligibles aux études de médecine et à introduire dans le code de l’éducation le portail santé comme parcours de formation. Actuellement, les seuls parcours possibles seront les licences et les classes préparatoires.

Il n’est pas souhaitable de remplacer tout ou partie de l’actuel premier cycle par un cycle de licence dite « santé », qui risquerait de se traduire par une dilution de l’apprentissage des compétences, par l’impossibilité d’un enseignement professionnel au contact des patients et, par conséquent, par un allongement de la durée des études pour garantir que les compétences des futurs diplômés soient au moins équivalentes à celles que confère la formation actuelle. Les études de médecine sont indissociables de la pratique clinique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cette question a été longuement débattue, notamment lors des auditions qu’a organisées la commission des affaires sociales. La plupart des acteurs entendus – pour ne pas dire l’intégralité – sont tombés d’accord pour ne pas inscrire le portail santé dans la loi, car ils craignent – à juste titre, me semble-t-il – la recréation d’une nouvelle Paces sous un nouveau nom, en tout cas la mise en place d’une voie royale pour l’accès aux études de santé, en contradiction avec l’objectif de diversification des parcours prévus à l’article 1er.

L’organisation des majeures et des mineures santé sera cependant réglée par décret. Sans doute Mme la ministre pourra-t-elle nous apporter des précisions substantielles sur cette question majeure.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je remercie M. le rapporteur de cette analyse, car c’est exactement celle du Gouvernement. J’apporterai toutefois quelques compléments.

Les parcours antérieurs – et c’est très important dans la logique globale qui a été construite – pourront se faire dans des universités, y compris dans celles qui n’ont pas de facultés de médecine. Il est très important que celles-ci puissent organiser leur premier cycle de façon à permettre aux étudiants de démarrer ces formations sur place sans être obligés de se déplacer immédiatement.

Même dans les universités qui comportent d’ores et déjà des facultés de médecine, les équipes pédagogiques sont en train de travailler de sorte que, au sein de ces universités, différentes facultés puissent offrir au sein de leur cycle de licence une année qui permettra aux étudiants, grâce à des mineures santé, de candidater aux études de santé.

Ce processus peut fonctionner, parce que les facultés de médecine et les doyens des facultés de médecine ont une très longue habitude de travailler ensemble pour définir qui les formations de préparation aux actuelles ECN, qui les différents modules qui seront nécessaires au travers de diplômes interuniversités.

Par conséquent, tout le processus qui est en train d’être mis en place entre les facultés de médecine et les universités, qu’elles contiennent ou pas des facultés de médecine, permet de répondre à cet objectif. C’est à l’issue de ce processus et sur la base des propositions qui seront formulées que seront pris les décrets fixant les modules minimums nécessaires pour pouvoir accéder aux études de santé.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Morisset, l’amendement n° 104 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Morisset. J’ai pris bonne note des remarques du rapporteur et de la ministre. Je retire donc l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 104 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 138 rectifié, présenté par Mme Bonfanti-Dossat, M. Brisson, Mmes Eustache-Brinio et Micouleau, MM. Lefèvre, de Nicolaÿ, Courtial, Vogel et Morisset, Mmes Puissat, Gruny, Morhet-Richaud, Deromedi et Troendlé, M. Sol, Mme Lopez, MM. Genest et Poniatowski, Mme Garriaud-Maylam, MM. Mandelli, Pellevat, B. Fournier et Charon, Mme Lamure et M. Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

engagés dans les formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie

insérer les mots :

, de soins infirmiers,

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Aujourd’hui, des passerelles existent déjà pour rejoindre la deuxième année de médecine. Cependant, la réalité du terrain est tout autre : alors qu’une réforme permettra à des étudiants n’ayant pas eu d’enseignement dans le domaine de la santé d’accéder en deuxième année de MMOP, il est demandé aux infirmiers diplômés d’État deux ans d’exercice supplémentaires et la validation de leur dossier pour reprendre leurs études au même stade.

Cet amendement a donc pour objet de prévoir que les étudiants en soins infirmiers aient désormais la possibilité de s’orienter vers des études de médecine dès leur deuxième année d’études, au même titre que les autres professions de santé. Puisque le projet de loi créée des passerelles nombreuses vers les études de médecine, il paraît incohérent que les étudiants en soins infirmiers continuent à devoir justifier de deux années de pratique professionnelle après l’obtention de leur diplôme pour rejoindre une formation de premier cycle en médecine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La possibilité accordée aux étudiants infirmiers de se réorienter dans l’une des filières MMOP ne paraît pas souhaitable pour l’instant, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, une telle réorientation ne s’inscrit pas dans la logique de l’article 1er, qui organise les quatre filières MMOP et la circulation entre ces quatre filières uniquement. On peut imaginer que cela peut s’arranger dans le temps…

Ensuite, la préoccupation que vous exprimez légitimement a été en partie satisfaite à l’Assemblée nationale par l’adoption d’un dispositif expérimental organisant une transversalité entre les différentes formations médicales et paramédicales : c’est l’objet des alinéas 19 à 22 de l’article 1er. Sans doute cette expérimentation permettra-t-elle d’envisager le développement de passerelles entre ces différentes formations.

Enfin, il ne me paraîtrait pas équitable de prévoir une procédure de réorientation pour les seuls étudiants en soins infirmiers, en laissant de côté toutes les autres formations en santé.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cet amendement vise à permettre aux étudiants en soins infirmiers, du fait de leur parcours antérieur, de s’orienter vers des études de médecine.

Comme l’a souligné le rapporteur, des possibilités d’expérimentation ont été ouvertes. Toutefois, il faut faire attention à ce que ces jeunes ne fassent pas l’objet d’un traitement différent, ce qui risquerait de déséquilibrer les chances des différents candidats en défaveur de ceux qui n’auraient pas été inscrits dans les formations d’infirmiers.

La formulation du dispositif prévu permet d’engager des expérimentations et d’en voir les résultats. En effet, par définition, les formations aux autres métiers de la santé sont des parcours de formation antérieurs.

Dans la mesure où ces métiers de la santé sont en phase d’universitarisation, l’objectif que vous évoquez et que nous partageons sera bien satisfait après cette phase d’expérimentation. C’est pourquoi le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra lui aussi un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Bonfanti-Dossat, l’amendement n° 138 rectifié est-il maintenu ?

Mme la présidente. L’amendement n° 138 rectifié est retiré.

L’amendement n° 289 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’accès à ces mêmes formations, l’autorité académique fixe également, afin de faciliter l’accès des bacheliers qui le souhaitent aux formations d’enseignement supérieur situées dans l’académie où ils résident, un pourcentage de bacheliers retenus résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé l’établissement et de bacheliers boursiers, qui ne peut être inférieur à 10 %.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. L’amendement est retiré, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 289 rectifié est retiré.

L’amendement n° 711 rectifié, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Rossignol, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et l’égalité des chances des candidats

La parole est à M. Bernard Jomier.

M. Bernard Jomier. Mesdames les ministres, l’objectif de votre réforme des études médicales est d’instaurer des cursus plus ouverts et plus diversifiés. Nous souscrivons à cet objectif.

Dans ce contexte, vous insistez sur le fait que le cursus demeurera sélectif et qu’une place accrue sera accordée à l’oral, aucune épreuve orale n’existant actuellement. En commission des affaires sociales, vous avez précisé, madame la ministre de l’enseignement supérieur, à propos de la première année, que, « concernant la modification des épreuves, la concertation est encore en cours avec les facultés de médecine ; il y aura probablement une première liste d’admissibilité, pour éviter de faire passer plus de 50 000 étudiants à l’oral ».

Nous devons nous prononcer sur une procédure claire. Or l’article L. 631-1 du code de l’éducation, tel qu’il est actuellement rédigé, précise qu’un « arrêté détermine les critères de répartition de ce nombre de façon à garantir l’égalité des chances des candidats ».

Dans la nouvelle rédaction de l’article que vous proposez, vous avez supprimé toute mention de l’égalité des chances entre candidats dans les modalités d’admission en deuxième et troisième année de premier cycle. Ce n’est clairement pas un bon signal. Pour notre part, nous souhaitons réintroduire cette notion dans cet article. Il s’agit de garantir que l’égalité des chances entre les candidats demeurera une valeur essentielle dans le processus de sélection.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La réforme proposée est centrée sur la diversification des profils des étudiants des filières de santé. Il ne me paraît pas opportun d’y ajouter un objectif général d’égalité des chances des candidats alors qu’aucune des dispositions figurant à l’article 1er ne le traduit concrètement. Qui plus est, l’égalité des chances constitue un enjeu de politique universitaire en général. L’égalité des chances n’est pas, et ne doit pas être, limitée aux seules études de santé.

Je vous propose de ne pas brouiller davantage la lisibilité de cet article, qui contient déjà plusieurs grands principes. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le principe d’égalité est un principe supérieur qui s’impose à l’enseignement supérieur en général. Préciser dans la loi que ce principe s’applique à l’accès aux études de médecine pourrait laisser penser qu’il est moins observé, ou en tout cas moins important, dans l’accès aux autres études.

Le fait que les étudiants pourront débuter leurs études dans toutes les universités, y compris dans des universités de proximité, fera beaucoup plus pour assurer l’égalité des chances, car cela leur assurera un parcours de réussite. Croyez-moi, les étudiants eux-mêmes sont les meilleurs leviers pour mettre fin à l’autocensure. Or l’autocensure, c’est la base de l’inégalité des chances.

L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, je n’ajoute rien du tout, c’est vous qui supprimez de l’article du code de l’éducation la notion d’égalité des chances. Nous, nous ne demandions rien ! Nous n’avions pas l’intention d’ouvrir un débat sur cette question, c’est vous qui le faites en supprimant cette mention du code de l’éducation.

Le problème est que vous supprimez cette mention au moment où l’on s’apprête à passer d’épreuves anonymes, sous forme de QCM – nous ne les regretterons pas –, lesquelles garantissent 100 % d’égalité des chances, à des épreuves induisant une part de subjectivité. Nous n’allons pas ouvrir un débat philosophique sur l’égalité et l’équité. Un peu moins d’égalité peut être acceptable bien sûr – nous ne dirons pas le contraire – si c’est pour permettre une diversification et introduire des sciences humaines dans les cursus, si c’est pour faire en sorte que les épreuves ne soient plus une véritable boucherie pour les étudiants, mais que, au contraire, elles soient plus respectueuses de leur parcours.

Pour autant, la suppression de la mention de l’égalité des chances dans le code de l’éducation n’ajoutera rien à votre projet de loi, au contraire ! Nous maintenons donc cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 711 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. J’informe les membres de la commission des affaires sociales que nous nous retrouverons dès la suspension de séance pour une réunion de travail d’une heure afin d’examiner les amendements suivants.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.

L’amendement n° 239 rectifié bis n’est pas soutenu.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 222 rectifié est présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture.

L’amendement n° 395 rectifié est présenté par Mme Doineau, MM. Vanlerenberghe et Henno, Mmes Dindar, C. Fournier, Guidez et les membres du groupe Union Centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout étudiant ayant validé le premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique est admis en deuxième cycle de ces mêmes formations dans la même université. Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles des candidats ayant validé le premier cycle de ces mêmes formations dans une autre université ou des candidats justifiant de certains grades, titres ou diplômes étrangers de ces mêmes formations peuvent également être admis en deuxième cycle.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 222 rectifié.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement, déposé par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, est de nature technique et vise à sécuriser certaines situations. Il tend à prévoir qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions permettant à un étudiant en santé de changer d’université entre le premier et le deuxième cycle, ainsi que les conditions dans lesquelles certains étudiants justifiant de certains grades, titres ou diplômes, notamment européens, pourront être admis directement en deuxième cycle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l’amendement n° 395 rectifié.

Mme Élisabeth Doineau. Je remercie mon collègue Laurent Lafon d’avoir parfaitement défendu cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 222 rectifié et 395 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 669, présenté par MM. Amiel et Théophile, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent et MM. Richard et Yung, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

«  Les cas dans lesquels l’excellence du dossier universitaire du candidat peut justifier que son admission en deuxième ou troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique soit subordonnée au seul examen de son dossier ;

La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Cet amendement a pour objet de permettre de dispenser certains étudiants des épreuves d’admission en deuxième ou troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.

Le décret en Conseil d’État détaillant les modalités de mise en œuvre de l’admission rénovée à ces formations précisera notamment que des candidats peuvent être admis sur la base de l’excellence de leurs résultats académiques obtenus lors de leur parcours de formation antérieur dans l’enseignement supérieur. Pour les autres candidats n’ayant pas bénéficié de cette dispense, des compétences complémentaires devront être évaluées au cours d’épreuves, notamment orales.

Ces modalités d’admission favoriseraient la diversité des recrutements, tout en simplifiant la procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je comprends la préoccupation des auteurs de l’amendement. Il est vrai que, pour certains candidats dont les dossiers seraient particulièrement excellents, il pourrait être superflu d’organiser des épreuves supplémentaires, d’autant que les universités feront sans doute face à d’importants problèmes de moyens pour déployer la réforme du premier cycle, ne serait-ce que pour l’organisation des épreuves orales.

Je m’interroge cependant, monsieur Amiel, sur la compatibilité de votre proposition avec les objectifs affichés par le Gouvernement. Celui-ci a en effet insisté sur la nécessité de ne pas recruter les futurs professionnels de santé sur des critères exclusivement académiques. Il souhaite que l’on prenne également en compte la motivation des candidats, leur parcours ou tout simplement leurs qualités humaines, qualités que ne reflètent pas toujours les résultats académiques, fussent-ils excellents. Il me semble que ces éléments ne peuvent être repérés que lors d’épreuves orales.

Je crains par ailleurs que cet amendement, s’il était adopté, n’aboutisse à la création de deux circuits de recrutement parallèles des étudiants en santé : il y aurait ceux qui obtiendraient d’excellents résultats scolaires et les autres. Or rien ne garantit que les premiers souhaiteront poursuivre un parcours en santé. Dès lors, le risque est de recréer en partie les biais du système actuel.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’alinéa 4 prévoit que les candidats doivent réussir des épreuves en plus de la validation d’un parcours antérieur dans l’enseignement supérieur. Il s’agit de favoriser au maximum la diversification des profils des candidats. Ces épreuves – il ne s’agira pas exclusivement de QCM – pourront permettre de valider d’autres compétences.

Il semble que les meilleurs candidats issus de filières différentes puissent être reconnus sur la base de critères d’excellence et qu’ils puissent ainsi accéder à des formations en santé. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement tendant à préciser dans le décret d’application que les candidats ayant fait la preuve, en validant un cursus antérieur, qu’ils peuvent accéder à des études médicales pourront ne pas être soumis à des épreuves d’admission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je partage l’avis de la commission. L’objectif affiché par le Gouvernement ne doit pas passer au second plan, derrière les diplômes. Sur quels critères décidera-t-on que tel dossier peut passer ou non ?

Nous risquons de créer un système à plusieurs vitesses,…

Mme Corinne Imbert. C’est vrai !

Mme Laurence Cohen. … reposant sur des critères très subjectifs et ne favorisant pas la diversité des parcours défendue par le Gouvernement. Nous voterons donc contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Je n’ai pas le sentiment que l’excellence d’un parcours universitaire est incompatible avec l’humanité. Certes, les qualités relationnelles d’un candidat sont importantes, mais son socle de compétences constitue également un élément très positif pour la suite de son cursus universitaire.

Telle est la raison pour laquelle j’ai défendu cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Cet amendement va à l’encontre de la création de différentes voies d’accès au cursus médical. L’excellence d’un dossier universitaire est une notion très subjective. Un étudiant ayant un excellent dossier fera-t-il forcément un bon médecin ? Ne dit-on pas qu’il doit avoir également des qualités humaines, savoir nouer une relation avec le malade ?

Je pense que cet amendement est contraire aux propositions du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables, comme la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Permettez-moi d’ajouter quelques précisions afin d’être sûre d’avoir été bien comprise.

On peut évaluer beaucoup de compétences au cours de la première année d’un cursus universitaire. Certaines formations universitaires incluent dans leur cursus, dès la première année, des oraux, des prises de parole, etc. C’est tout l’intérêt d’avoir des profils variés, ayant suivi des formations diverses.

J’entends tout à fait vos réticences, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je précise que l’évaluation par les enseignants des capacités des étudiants en première année ne s’effectue pas, sauf dans la Paces, qui, je l’espère, sera supprimée, par des QCM. Je dois dire que c’est même assez rarement le cas.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 669.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 513 rectifié, présenté par MM. Tissot et Devinaz, Mme Lepage, MM. Leconte et Lurel, Mme Perol-Dumont, M. Vaugrenard, Mme Guillemot, MM. Jacquin, Madrelle et Mazuir, Mme Monier et MM. Montaugé, Temal, Tourenne et Vallini, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après le mot :

étudiants

insérer les mots :

, qui peuvent tenir compte d’un projet professionnel visant à s’installer dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique,

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à faire figurer, parmi les critères de sélection retenus pour accéder en deuxième cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique, le projet professionnel d’un étudiant s’engageant à exercer en zone sous-dense.

Il s’agit ainsi de valoriser le projet professionnel des étudiants qui s’engagent à travailler dans les zones à faible densité, comme cela se pratique en Australie, au Canada, au Japon et même dans certains États américains. Face au problème croissant de désertification médicale et de mauvaise répartition des médecins dans nos territoires, les pouvoirs publics doivent apporter un ensemble de solutions complémentaires. Tel est l’objectif de cet amendement.

Permettez-moi, pour illustrer ce problème, d’évoquer le cas de mon département, la Loire. Dans le nord du département, on ne compte, dans une zone comprenant une quinzaine de communes, qu’un seul médecin généraliste, âgé aujourd’hui de… 84 ans !

Mme la présidente. L’amendement n° 521 rectifié, présenté par M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Manable et Tourenne, Mme Monier, MM. Mazuir et Vallini et Mmes Perol-Dumont et Artigalas, est ainsi libellé :

Après alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … Les conditions et les facilités d’accès en deuxième cycle de formation de médecine pour les étudiants ayant un projet professionnel visant à s’installer, dans un premier temps et pendant une durée déterminée, dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, telle que définis en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ;

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à inclure dans la liste des critères de passage en deuxième cycle le fait pour un étudiant d’avoir le projet professionnel clair d’exercer dans une zone sous-dotée médicalement. Le stage d’un étudiant dans une zone déficitaire en personnels de santé doit être valorisé et pris en compte dans son évaluation.

Cette proposition présente l’avantage de permettre une certaine souplesse. L’étudiant pourrait en effet exercer dans des zones déficitaires en offres de soins et prendre le temps de découvrir ces territoires pendant une durée déterminée, mais il serait ensuite libre d’en partir ou d’y rester.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 513 rectifié vise à permettre la prise en compte d’un projet d’installation en zone sous-dotée dans les modalités d’évaluation des étudiants en premier cycle et les conditions de délivrance des diplômes.

L’amendement n° 521 rectifié vise également à permettre la prise en compte des projets professionnels d’installation en zone sous-dotée pour l’admission en deuxième cycle, qui serait alors facilitée.

Nous devons être clairs sur les objectifs que nous assignons aux études de santé. Je considère que leur premier objectif, et à dire vrai, à mon avis, leur seul véritable objectif, est de former les professionnels qui prendront demain les patients en charge. Il ne s’agit donc pas de répondre aux carences territoriales de l’offre de soins.

À cet égard, ce type d’amendements me paraît très peu souhaitable, voire dangereux. S’ils étaient adoptés, cela signifierait – vous me direz si j’exagère - qu’un étudiant pourrait poursuivre ses études de santé, parce qu’il aurait fait part de son intention de s’installer en zone sous-dotée, contrairement à un autre, qui aurait pourtant de meilleures compétences médicales.

Non seulement un tel dispositif me paraît très peu souhaitable pour la formation des professionnels de demain, mais il conduit à s’interroger sur le message qui serait alors envoyé aux zones sous-dotées. Implicitement, cela signifierait que ces zones devraient se contenter des professionnels qui ne seraient peut-être pas les meilleurs, mais qui seraient prêts à s’y installer et à y exercer.

Par ailleurs, il existe déjà des outils visant à inciter les étudiants à envisager un exercice en zone sous-dotée. Je pense au CESP, le contrat d’engagement de service public, qui monte en puissance et qui n’est pas corrélé, lui, aux résultats universitaires. Cela me paraît beaucoup plus sain.

Ces amendements me paraissent refléter une grande confusion s’agissant des objectifs des études de santé. La commission y est en conséquence défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. S’installer dans une zone sous-dotée, qu’elle soit rurale ou urbaine, n’est pas une punition ! On ne s’installe pas dans une telle zone, parce qu’on a fait de mauvaises études. Tel n’est pas le sens de mon amendement. Il ne s’agit en aucun cas d’affecter de manière obligatoire dans les zones déficitaires de moins bons médecins que dans les territoires suffisamment dotés.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. J’entends bien ce que dit M. Tissot, et j’aimerais bien être d’accord avec lui, mais, tel qu’il est rédigé, son amendement tend bien à prévoir que les étudiants ayant le projet de s’installer dans une zone sous-dotée seraient préférentiellement sélectionnés, ce qui est extrêmement dangereux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 513 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 521 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 610, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis Les modalités de diversification des voies d’accès à la deuxième ou à la troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique sans qu’aucune de ces voies ne puisse dépasser à elle seule une proportion des places offertes fixée par ce même décret ;

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. L’article 1er met fin à la Paces, dont les inconvénients ont été relevés par les uns et les autres, et instaure deux voies d’accès aux études de santé : la majeure santé et la mineure santé.

Rien n’est dit dans la version actuelle du projet de loi sur la proportion des étudiants qui accéderaient aux études de santé en ayant emprunté chacune de ces deux voies. Il nous paraît important, pour éviter que ne se reconstitue une forme nouvelle de Paces, une voie d’accès dominante, que soit au moins précisé par décret qu’un bachelier peut accéder dans de bonnes conditions aux études de médecine, quel que soit son choix, que ce soit par la majeure santé ou la mineure santé.

Cette information nous semble extrêmement importante pour l’efficacité de la réforme – il s’agit, je le répète, de ne pas reconstituer une nouvelle voie royale –, mais aussi pour sa lisibilité pour les futurs bacheliers et futurs étudiants en études de santé. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 611, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° bis Les modalités de diversification des voies d’accès à la deuxième ou à la troisième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique ;

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 610 nous paraît intéressant. Il tend en effet clairement à prévoir que le décret devra préciser concrètement la manière de parvenir à la diversification des profils universitaires en formation médicale, ce qui constitue l’un des objectifs centraux de la réforme.

Cet amendement vise non pas à inscrire dans la loi un pourcentage rigide d’étudiants qui devraient provenir de telle ou telle filière, ce qui pourrait être inadapté à la situation de certaines universités, mais à prévoir un pourcentage plafond d’étudiants provenant d’une même voie. Il me semble que ce serait un moyen efficace de ne pas recréer une nouvelle voie royale vers les études de santé, c’est-à-dire une sorte de Paces bis, et d’encourager les étudiants à s’inscrire dans d’autres parcours universitaires.

Il me paraîtrait par ailleurs souhaitable que le décret laisse une certaine marge aux universités pour adapter l’objectif de diversification des profils à leur maquette de formation.

L’amendement de repli n° 611 me paraît en revanche apporter peu de choses par rapport à la rédaction actuelle de l’alinéa 11.

La commission a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° 610 et défavorable sur l’amendement n° 611.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 611 et défavorable à l’amendement n° 610. (Sourires.)

Il est bien sûr important de diversifier les voies d’accès afin de recruter des étudiants aux profils plus variés. Néanmoins, il nous semble que les solutions proposées par les universités seront multiples. Fixer dans la loi des pourcentages nous paraît donc dangereux.

La formulation proposée dans l’amendement n° 611 nous paraît plus précise que la rédaction actuelle. En outre, cet amendement ne tend pas à fixer un pourcentage, lequel pourrait varier dans le temps en fonction du nombre de voies diversifiées susceptibles d’être offertes par les établissements.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je propose de mettre d’accord la commission et le Gouvernement : je suis défavorable à ces deux amendements, comme je l’ai dit en commission de la culture, laquelle les a d’ailleurs rejetés.

J’ai dit précédemment tout le bien que je pensais de ces deux voies d’accès. Je ne suis absolument pas convaincu qu’elles puissent contribuer à diversifier les profils. Je suis encore moins convaincu que la fixation de quotas – car c’est bien de quotas qu’il s’agit – permettra d’atteindre cet objectif.

Adopter ces amendements, ce serait en plus empiéter sur l’autonomie des universités, lesquelles sont à même de déterminer elles-mêmes ceux qu’il convient d’accepter par la filière dite « royale », le portail santé ou par les autres filières.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 610.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 611 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 615 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Iacovelli et Daudigny, Mme Conconne, MM. Manable, M. Bourquin et Tourenne, Mmes Monier et Blondin, M. Mazuir et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … Les modalités selon lesquelles des enseignements impliquant les associations de lutte contre les violences faites aux femmes et/ou aux enfants sont mis en place ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. J’ai déjà évoqué la question de la place des associations dans les futurs cursus universitaires. Mme la ministre Buzyn m’ayant répondu, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 615 rectifié est retiré.

L’amendement n° 640 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Charon, Pointereau et Sol, Mmes Malet et Garriaud-Maylam, M. Morisset, Mmes Deromedi, Puissat, Deroche et Richer, MM. D. Laurent, Savary et Mouiller, Mme Gruny, M. Gremillet et Mme Morhet-Richaud, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après les mots :

d’exercer

insérer les mots :

licitement et effectivement

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Il vise à s’assurer que les professionnels titulaires d’un diplôme validé à l’étranger sont pleinement qualifiés pour postuler au diplôme français correspondant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La précision n’apporte rien sur le plan juridique : cette condition fait déjà partie de la formulation retenue par l’alinéa 9, qui vise les diplômes en santé validés à l’étranger « permettant d’exercer dans le pays de délivrance ».

Je ne vois pas bien ce que serait un diplôme qui permettrait un exercice illicite… La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Imbert, l’amendement n° 640 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Corinne Imbert. Non, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 640 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. A. Marc, Chasseing et Luche, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Guerriau, Decool et Malhuret, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le même article L. 632-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au cours de chaque cycle des études de médecine, les étudiants suivent un stage chez un maître de stage agréé ou dans un service agréé hors établissement hospitalier public pour la formation médicale.

« Les modalités et les conditions des stages sont déterminées par décret pris en Conseil d’État. »

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. La formation pratique des étudiants doit s’ouvrir à l’ensemble des structures agréées pour la formation ou auprès des maîtres de stage pour la formation des études de médecine, afin que les étudiants puissent découvrir les différentes modalités de l’exercice de la profession de médecin.

Il convient aussi de proposer une professionnalisation précoce de la formation.

En outre, la mise en contact des futurs médecins avec des réalités différentes de celles qu’ils rencontrent dans les hôpitaux périphériques complétera utilement leur formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Les membres de la commission ont beaucoup travaillé sur l’amendement n° 1 rectifié quater, déposé par Mme Imbert. Mme Guillotin, MM. Jomier, Daudigny et Chasseing ont également apporté leur contribution sur ce sujet. Ces amendements transpartisans, que nous examinerons ultérieurement, répondent aux mêmes préoccupations que le présent amendement, mais dans des termes qui nous semblent préférables. Ils prévoient en effet la généralisation d’une pratique autonome ambulatoire en troisième cycle.

Par ailleurs, dans la mesure où, selon un rapport de l’IGAS de décembre 2017, les stages extrahospitaliers sont encore très peu répandus et où leur déploiement nécessitera l’agrément de nombreux maîtres de stage, il me paraîtrait assez peu sage de prévoir leur généralisation immédiate et obligatoire pour l’ensemble des études de médecine.

Je pense enfin qu’il serait très difficile de mettre en place des stages ambulatoires en premier cycle. La réforme des études de santé suppose en effet que ce dernier soit un cycle d’orientation universitaire, afin de garantir l’intégration d’étudiants de différentes filières.

Dernier argument : sur le plan rédactionnel, il me paraîtrait curieux d’intégrer des dispositions portant sur les trois cycles des études de médecine dans un article consacré uniquement au premier cycle.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement aux profits des amendements que j’ai évoqués. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 240 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Chasseing. Non, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 240 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 173 rectifié est présenté par M. Karoutchi, Mme A.M. Bertrand, MM. Brisson, Calvet, Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Daubresse et de Legge, Mme Deromedi, M. Duplomb, Mmes Duranton, Eustache-Brinio, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Kennel et Laménie, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Pierre, Mme Procaccia, MM. Revet, Sido, Vogel et Houpert, Mme Dumas, M. Mayet, Mme Boulay-Espéronnier et M. Gremillet.

L’amendement n° 223 est présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 30

Remplacer l’année :

2020

par l’année :

2021

L’amendement n° 173 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 223.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. La commission de la culture estime que l’entrée en vigueur de la réforme d’accès au premier cycle des études de santé, prévue en 2020 par le projet de loi, est prématurée. Pour intégrer les informations dans Parcoursup, il faudrait en effet que les nouvelles maquettes de formation des universités soient prêtes en novembre prochain.

Nous sommes au mois de juin. La loi n’est pas encore votée, des décrets devront ensuite être pris et un travail important devra être entrepris dans les universités pour mettre en place les mineures santé. Le délai nous semble donc très court, notamment si nous voulons assurer une bonne lisibilité aux bacheliers.

Pour lever toute ambiguïté, non pas dans un esprit de défiance à l’égard de la réforme, mais d’accompagnement et de bonne compréhension entre ses différents acteurs, la commission de la culture souhaite reporter d’un an la mise en œuvre de la réforme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je crains de décevoir notre collègue Lafon : l’avis est défavorable.

La réforme a déjà été reportée d’un an par les députés. En outre, comme elle est annoncée depuis plusieurs mois, les universités ont déjà commencé à réfléchir à sa mise en œuvre.

Il serait sans doute profitable de disposer de plus de temps pour la conception et l’application de la réforme, mais il ne semble pas opportun de sacrifier une classe d’âge supplémentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’avis est également défavorable.

Grâce aux expérimentations, des programmes sont déjà prêts dans un certain nombre d’universités.

Par ailleurs, comme je l’indiquais précédemment, les facultés de médecine ont l’habitude de travailler ensemble, et de très nombreuses universités dépourvues de faculté de médecine ont également commencé à réfléchir à l’application de la réforme.

Des territoires entiers se sont mobilisés, et l’attente est extrêmement forte, certains étudiants pensant qu’ils pourraient bénéficier dès cette année de ces nouveaux parcours.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Compte tenu des explications de Mme la ministre, je retire cet amendement, destiné à appeler l’attention du Gouvernement sur nos craintes relatives aux délais.

Mme la présidente. L’amendement n° 223 est retiré.

L’amendement n° 607 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, MM. Bonnecarrère, Canevet, Henno et Janssens, Mmes Guidez, Vermeillet, C. Fournier et Perrot, M. Cazabonne et Mmes de la Provôté et Vullien, est ainsi libellé :

Alinéa 32, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, y compris au regard de leur origine géographique

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement vise à ce que le rapport d’évaluation prévu se penche également sur l’origine géographique des étudiants. Nous avons beaucoup parlé de la nécessité pour les étudiants d’aller dans les territoires à l’occasion de leur stage, mais on pourrait également s’assurer qu’ils sont bien issus de tous les territoires.

Vous souhaitez, madame la ministre, diversifier le profil de recrutement des médecins, mais encore faudrait-il connaître précisément les différents profils. J’ai l’intuition qu’il est plus facile pour des étudiants de villes universitaires d’avoir accès aux études de médecine, mais peut-être ai-je tort. Il serait donc intéressant de mener une étude et, si l’on se rend compte que, dans certains territoires, les étudiants rencontrent des difficultés d’accès aux études de médecine, on pourrait apporter des mesures correctives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la sénatrice, vous avez raison, la notion de profil est très importante et elle inclut évidemment l’origine géographique des candidats.

Au regard des objectifs de la réforme, il ne me semble pas opportun de fixer une liste de critères dans la loi. Mais vous aurez évidemment accès, grâce au rapport, à toutes les informations, y compris l’origine géographique. Je considère donc que cet amendement est satisfait, et je vous invite à le retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Madame Sollogoub, l’amendement n° 607 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. Puisque ma demande est satisfaite, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 607 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

I. – L’article L. 632-2 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 632-2. – I. – Peuvent accéder au troisième cycle des études de médecine :

« 1° Les étudiants ayant validé le deuxième cycle des études de médecine en France ou les étudiants ayant validé une formation médicale de base au sens de l’article 24 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans un État membre de l’Union européenne, un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la Confédération suisse ou la Principauté d’Andorre. L’admission est alors subordonnée à l’obtention d’une note minimale à des épreuves nationales permettant d’établir que l’étudiant a acquis les connaissances et compétences suffisantes au regard des exigences de la formation de troisième cycle ;

« 2° Les médecins en exercice.

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine :

« 1° A Les modalités nationales d’organisation des épreuves de connaissances et de compétences ;

« 1° Les conditions et modalités d’accès au troisième cycle des études de médecine pour les étudiants et professionnels mentionnés au I ;

« 2° Les modalités d’organisation du troisième cycle des études de médecine, et notamment d’organisation d’échanges internationaux ;

« 3° Les modalités de répartition des postes ouverts aux étudiants de troisième cycle des études de médecine par spécialité et par subdivision territoriale, compte tenu des capacités de formation et des besoins prévisionnels du système de santé en compétences médicales spécialisées ;

« 4° Les modalités d’affectation sur ces postes, par spécialité et centre hospitalier universitaire. L’affectation par subdivision territoriale et par spécialité des étudiants ayant satisfait aux exigences des épreuves mentionnées ci-dessus s’effectue selon des modalités prenant en compte les résultats aux épreuves mentionnées au 1° A du présent II ainsi que le parcours de formation, le projet professionnel des étudiants et, le cas échéant, leur situation de handicap ;

« 5° Les modalités de changement d’orientation ;

« 5° bis Les modalités d’affectation des étudiants sur les postes mentionnés au 3° ;

« 6° (Supprimé) »

II. – (Non modifié) L’article L. 632-3 du code de l’éducation est ainsi rétabli :

« Art. L. 632-3. – Les postes ouverts aux élèves médecins des écoles du service de santé des armées par subdivision territoriale et par spécialité sont inscrits sur une liste établie, en fonction des besoins des armées, par arrêté du ministre de la défense et des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles ces postes sont répartis entre ces élèves. »

II bis. – (Non modifié) Le 1° de l’article L. 632-12 du code de l’éducation est abrogé.

III. – Le titre VIII du livre VI du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 681-1 et aux articles L. 683-1 et L. 684-1, la référence : « n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants » est remplacée par la référence : « n° du relative à l’organisation et à la transformation du système de santé » ;

2° L’article L. 681-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des articles L. 631-1 et L. 633-3 à Wallis-et-Futuna, la référence à l’agence régionale de santé est remplacée par la référence à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. » ;

3° L’article L. 683-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des articles L. 631-1 et L. 633-3 en Polynésie française, la référence à l’agence régionale de santé est remplacée par la référence à l’autorité compétente en matière de santé. » ;

4° L’article L. 684-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des articles L. 631-1 et L. 633-3 en Nouvelle-Calédonie, la référence à l’agence régionale de santé est remplacée par la référence à l’autorité compétente en matière de santé. »

III bis. – Au premier alinéa du III de l’article L. 713-4 du code de l’éducation, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « 4° du II ».

IV. – (Non modifié) L’article 39 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités est abrogé.

V. – (Non modifié) A. – Les dispositions des I et II sont applicables aux étudiants accédant à la première année du deuxième cycle des études de médecine à compter de la rentrée universitaire 2020.

B. – Les modalités d’affectation en troisième cycle des étudiants accédant à la première année du deuxième cycle des études de médecine de la rentrée universitaire 2020 à la rentrée universitaire 2022 sont précisées par décret.

VI. – (Non modifié) Les étudiants qui ne répondent pas aux conditions du I sans avoir épuisé, à l’issue de l’année universitaire 2021-2022, leurs possibilités de se présenter aux épreuves classantes nationales prévues par les dispositions antérieures à la présente loi peuvent accéder au troisième cycle des études médicales dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

VII. – (Non modifié) Sont abrogés :

1° L’article 20 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;

2° Le III de l’article 125 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

VIII. – Le Gouvernement remet au Parlement en 2024 un rapport d’évaluation de la réforme du deuxième cycle des études de médecine résultant du présent article. Ce rapport porte notamment sur l’apport des nouvelles modalités d’évaluation des connaissances et des compétences des étudiants, sur la construction de leur projet professionnel et le choix de leur spécialité et de leur subdivision territoriale d’affectation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Nous avons unanimement regretté le manque de clarté de cet article réformant les modalités d’accès au troisième cycle des études médicales.

Nous avons bien compris que les épreuves classantes nationales seraient supprimées. Toutefois, comme l’indique Alain Milon dans son rapport, la seule lecture de cet article, « même combinée à celle de l’étude d’impact, ne permet en effet pas de déterminer clairement les modalités futures d’affectation des étudiants par spécialité ».

Nous déplorons donc une nouvelle fois le fait que tout ou presque soit renvoyé à un décret. Pourtant, nous partageons le constat selon lequel il était nécessaire de revoir ces ECN, qui occupaient une place trop importante dans les études de médecine et qui, comme pour les QCM de la Paces, ne prenaient pas assez en compte, par exemple, le projet professionnel ou encore les aptitudes des étudiants pour telle ou telle spécialité.

Madame la ministre, nous espérons que vous allez pouvoir éclairer la représentation nationale, ainsi que les étudiants concernés, sur les modalités d’organisation de ce troisième cycle, puisque cette réforme est censée s’appliquer dès la rentrée prochaine. Vos précisions ne seront pas superflues.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. L’article 2 entend mettre fin à un dispositif de sélection qui n’est pas souhaitable, celui des épreuves classantes nationales. Du moins vise-t-il à en atténuer les écueils, en réduisant la place faite au contrôle des connaissances dans l’orientation vers une spécialité.

Le fait de conditionner l’orientation professionnelle des étudiants au rang de classement aux ECN a eu des effets délétères. J’en mentionnerai un qu’il me semble primordial de corriger : celui des représentations et des schémas que les étudiants intègrent au cours de leurs études et qui jouent un rôle déterminant dans l’orientation globale du système de santé.

Il est ainsi absolument essentiel que l’évolution des formations et des cadres d’exercice des étudiants aille vers davantage de pluridisciplinarité, d’apprentissage des complémentarités et d’articulation entre les différentes compétences, afin de préparer à la diversité des rôles et des missions attendues. Car nos besoins de coordination des professionnels et les difficultés éprouvées à mettre en œuvre cette coordination résultent aussi d’un défaut de polyvalence et d’expertise transversale acquis pendant les études. C’est en sortant du modèle de filiarisation et de surspécialisation que s’opérera la mue culturelle dont notre système de santé a tant besoin.

Parmi les évolutions souhaitables des cadres d’exercice figure bien sûr le développement des lieux de formation auprès des professionnels assurant l’offre ambulatoire de première ligne, notamment dans les zones sous-denses, où les besoins sont importants. C’est pour aller dans ce sens que nous proposons de conditionner l’entrée en troisième cycle à la réalisation d’au moins un stage dans une zone sous-dotée.

Nous discuterons également d’un dispositif travaillé avec la majorité sénatoriale et qui vise à faire de la dernière année du troisième cycle une année d’exercice en médecine ambulatoire, sous le statut de médecin adjoint. Ce dispositif soulagerait rapidement les territoires et serait à même, me semble-t-il, de recueillir l’assentiment des différentes travées de notre assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

M. Stéphane Piednoir. Je profite de cette prise de parole sur l’article 2 pour évoquer les conditions de formation de certains étudiants en santé.

Dans le cadre de leur formation, des étudiants sont sujets à des violences et des comportements qui n’ont pas leur place dans les universités et les centres hospitaliers universitaires, ni ailleurs, bien évidemment. Les enquêtes sur les violences dans le milieu médical, notamment à l’encontre des étudiants, montrent des choses assez révoltantes. Une enquête de l’intersyndicale nationale des internes de 2017 fait apparaître que 9 % des internes ont subi une forme de harcèlement sexuel et que 47 % d’entre eux se disent victimes de sexisme au quotidien. Une autre enquête menée par deux doctorantes en médecine nous indique que près de 30 % des externes ont subi des violences sexuelles dans le cadre de leurs études.

En mars 2018, la ministre de l’enseignement supérieur a annoncé des mesures contre les violences sexistes et sexuelles, notamment la mise en place d’une cellule d’accueil et d’écoute et le lancement d’une campagne de sensibilisation. Toutefois, en l’absence de procédure claire, notamment lorsque ces faits se déroulent dans le cadre des stages en santé, et en raison d’un fort sentiment d’impunité, on constate un très faible recours aux procédures disciplinaires.

Contrairement aux enseignants-chercheurs classiques, le personnel enseignant hospitalier relève aujourd’hui d’une juridiction disciplinaire nationale unique placée sous la responsabilité des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé. Pour briser l’omerta et responsabiliser les acteurs, notamment au sein des CHU, il me paraîtrait important de modifier cette organisation et éventuellement de créer une instance disciplinaire à l’échelon du centre hospitalier et universitaire. J’avais déposé un amendement en ce sens, rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution.

Nous devons réfléchir à cette question. Je serais intéressé de pouvoir entendre les ministres, tant de la santé que de l’enseignement supérieur, sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Mme Angèle Préville. J’associe à cette intervention ma collègue Hélène Conway-Mouret, qui ne peut être présente et avec qui je partage les mêmes convictions sur le sujet que je vais évoquer.

Nous avons tous à cœur la formation des médecins. C’est vers eux que nous nous tournons en toute confiance quand nous sommes souffrants. Nous leur confions notre santé, en espérant qu’ils seront en mesure de nous prescrire les traitements les plus appropriés, les plus efficaces et les moins coûteux.

Selon le Dr Jacques Boulet, généraliste depuis vingt ans et directeur du Centre d’enseignement et de développement de l’homéopathie, l’homéopathie est un complément à la médecine classique, une possibilité thérapeutique supplémentaire.

Nous considérons que l’homéopathie permet de soigner le patient, dont le bien-être est au centre de nos préoccupations, et de l’accompagner, souvent à travers un traitement préventif. Bien sûr, s’il est efficace, il est plus difficile à évaluer, puisque l’on ne tombe pas malade et que l’on n’a pas besoin d’un traitement allopathique plus fort.

Selon les sondages, un médecin généraliste sur trois prescrit quotidiennement des médicaments homéopathiques. Les sages-femmes sont 78 % à les prescrire régulièrement et 100 % des pharmacies les intègrent dans leur pratique quotidienne.

Cette méthode apporte une réponse adaptée et efficace dans 80 % des cas, notamment en ORL, en dermatologie, dans le traitement du stress, des insomnies et de la fatigue. Cela est vertueux et doit se poursuivre.

Une longue histoire lie désormais nos concitoyennes et concitoyens au traitement homéopathique. J’ai moi-même été interpellée sur le sujet, et j’ai entendu les inquiétudes des patients particulièrement attachés à cette médecine qui leur donne entière satisfaction.

Les médecins doivent pouvoir continuer à avoir le choix de prescrire en toute connaissance de cause de l’homéopathie, afin d’apporter aux patients confort et efficacité sur la durée. Si la polémique est vive autour du remboursement des médicaments homéopathiques en ce moment, nous maintenons que nos praticiens doivent être formés et à même de répondre à cet engouement et à la demande forte d’une médecine plus naturelle et plus douce, tout en prenant en compte les potentielles interactions avec les traitements déjà prescrits.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Alors que nous abordons l’article 2, un article important qui traite notamment de la question des stages, je voudrais rappeler l’importance de l’accès aux soins en milieu rural. Ce thème n’avait pas été identifié initialement dans le grand débat, mais il s’est imposé comme absolument essentiel.

Notre assemblée, chambre des territoires, se doit de répondre à cette attente des élus et des nombreux Français qui vivent dans des zones sous-dotées. La commission de l’aménagement du territoire, depuis sa création en 2011, fait régulièrement des propositions en ce sens, dont certaines seront présentées dans ce débat. Nous proposons notamment de développer les stages en ambulatoire.

Aujourd’hui, force est de constater que l’on forme davantage des praticiens hospitaliers que des médecins, de nombreux étudiants en médecine arrivant à la fin de leur cycle de formation sans jamais être sortis de l’hôpital. Le président du conseil de l’ordre des médecins reconnaît lui-même que plus de 75 % des stages, pourtant obligatoires, ne sont pas effectués. Je me réjouis donc qu’un grand nombre d’amendements – je crois qu’il y en a à peu près 25 – issus de l’ensemble des travées de cette assemblée et de plusieurs commissions – la commission de la culture, la commission de l’aménagement du territoire – portent sur ce sujet. Il me semble en effet essentiel d’aller dans ce sens au cours de nos débats, car nous ne risquons pas de faire découvrir aux futurs médecins ce qu’est la médecine de ville et, a fortiori, la médecine de campagne si ces derniers ne sortent pas de l’hôpital.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. L’article 2 organise une refonte des modalités d’accès au troisième cycle des études médicales, selon un mécanisme à trois étages comprenant la validation du deuxième cycle par l’obtention d’une note minimale, un nouvel examen des connaissances et des compétences ainsi qu’une personnalisation du parcours et des aspirations de l’étudiant dans le choix de sa spécialité.

Il est très important que l’on puisse accéder aux soins de premier recours en milieu rural et périurbain. Actuellement, c’est très difficile dans nos territoires.

Il faut développer les stages dès le deuxième cycle, mais aussi, bien sûr, en troisième cycle, notamment pour la spécialité de médecine générale. Ce sera l’objet d’un amendement commun pour faire en sorte que les étudiants en dernière année de troisième cycle puissent exercer comme médecin adjoint dans les territoires sous-dotés auprès d’un maître de stage.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je souhaite apporter des précisions sur la philosophie de l’article 2.

Le troisième cycle des études de médecine permet aux étudiants qui ont validé leur deuxième cycle de se présenter aux épreuves classantes nationales et d’acquérir une spécialisation.

La récente réforme menée par Mme Touraine a entraîné une multiplicité des spécialités et une filiarisation des études médicales dès le troisième cycle. Cela fait évidemment partie des sujets sur lesquels nous travaillons.

Monsieur Jomier, vous avez raison, la question des hiérarchies explicites ou implicites constitue un vrai sujet, le classement national ayant d’une certaine manière pour effet de hiérarchiser les spécialités. Cela explique que les étudiants préfèrent accepter un internat prestigieux au lieu de se demander de quoi ils ont réellement envie. Cette logique doit être modifiée.

Les nouveaux examens comprendront trois parties qui nous paraissent essentielles : un contrôle des connaissances et des compétences médicales de base, à travers des épreuves nationales ; des mises en situation, car les internes ont l’impression de passer leur deuxième cycle à préparer les ECN et ont beaucoup de mal à acquérir des compétences ou des aptitudes spécifiques au moyen de mises en situation, y compris par simulation – les gestes ne sont jamais réalisés la première fois sur le patient – ; enfin, la valorisation des choix effectués lors du deuxième cycle sera différente selon les spécialités. C’est bien la construction d’un projet professionnel qui doit se poursuivre tout au long des études.

Les stages, qui permettent une mise en situation, sont essentiels, bien sûr, mais nous sommes aussi responsables de leur qualité. Nous devons nous assurer de la capacité des maîtres formateurs et des hôpitaux à accueillir les étudiants pour leur transmettre les compétences et les connaissances nécessaires à l’exercice de leur métier.

Nous devrons être collectivement très vigilants pour que l’on ne puisse pas nous reprocher dans quelques années d’avoir réglé la question des territoires sous-dotés en y affectant des médecins qui ne sont pas complètement formés. Personne ne souhaite tomber dans cette contradiction, j’en suis certaine.

Monsieur Piednoir, vous avez évoqué la question des instances disciplinaires. C’est un sujet dont j’ai décidé de m’emparer de façon générale. Les instances disciplinaires des PU-PH sont effectivement différentes de celles des professeurs d’université qui ne sont pas en même temps praticiens hospitaliers.

Pour les PU-PH, les affaires sont systématiquement dépaysées, de manière à éviter les influences locales, et les commissions sont présidées par des magistrats. Le système est totalement différent pour les professeurs d’université, où une commission disciplinaire d’établissement statue en première instance, avec un appel possible auprès d’une instance nationale spécifique. Le dépaysement intervient donc dans un second temps.

Aucun des deux systèmes n’est vraiment opérationnel, car, dans le cas des violences sexistes et sexuelles, nos collègues, qu’ils siègent dans des instances nationales particulières ou dans des commissions disciplinaires locales, ne sont ni formés ni équipés administrativement et juridiquement pour gérer ce genre de situations.

Ces situations ne sont pas récentes, au demeurant, mais elles ont commencé à être ébruitées dès lors que nous avons mis en place des cellules d’écoute. Nous avons demandé au docteur Donata Marra de poser les bases d’une réflexion sur un observatoire et un service d’accueil spécifiquement destinés aux internes, aux stagiaires et aux étudiants en médecine, en tenant compte de la pression à laquelle sont confrontés des étudiants qui sont régulièrement confrontés à la mort.

Nous devons donc reposer globalement la question disciplinaire liée aux violences sexistes et sexuelles au sein des universités, aucun des deux systèmes qui cohabitent actuellement ne donnant satisfaction. Nous allons ouvrir ce débat et nous aurons l’occasion d’en reparler en d’autres circonstances.

Mme la présidente. L’amendement n° 712 rectifié, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Meunier, Rossignol, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes Van Heghe, M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Après le mot :

France

insérer les mots :

, dont un stage situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins définie à l’article L. 1434-4 du code de la santé publique,

La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. La multiplicité des amendements déposés sur les stages au cours des études de médecine montre, s’il en était besoin, que l’organisation de la formation est un vecteur reconnu par tous comme essentiel, non seulement dans le projet professionnel d’installation des futurs médecins, mais également dans le choix de leur lieu d’implantation et de vie. C’est pourquoi nous vous proposons de reprendre une disposition adoptée en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, puis supprimée en séance publique, qui conditionne l’accès à l’internat à la réalisation d’au moins un stage en zone sous-dotée en offre de soins ou caractérisée par des difficultés d’accès aux soins.

Un praticien ne s’installant pas dans un milieu qu’il n’a jamais expérimenté, la réalisation de stages dans des environnements différents de ceux des centres urbains, en particulier dans les territoires périurbains ou ruraux, sera l’occasion de découvrir d’autres pratiques de la médecine et de donner l’envie de pratiquer dans ces territoires. C’est un objectif que nous partageons tous, me semble-t-il, chaque groupe s’efforçant de rechercher la solution la plus opérationnelle possible.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à ce que les étudiants en médecine puissent accomplir des stages d’observation en milieu ambulatoire, le cas échéant en zones sous-denses. Pour autant, l’obligation posée par cet amendement nous apparaît trop contraignante à l’heure actuelle.

Nous manquons de maîtres de stage en milieu libéral et, plus encore, en zones sous-dotées. Qui plus est, l’organisation de la formation universitaire ne permet pas aux étudiants de se déplacer raisonnablement du lieu où ils reçoivent leur cours à un lieu de stage si celui-ci est éloigné de l’université. Je me demande d’ailleurs si cela n’obligerait pas les pouvoirs publics à prendre en charge les solutions de transport, voire le logement de ces étudiants. Certes, il existe des zones sous-dotées facilement accessibles, mais ce n’est pas le cas de toutes ces zones. Cela créerait donc des distorsions d’équité entre les étudiants. Nous risquerions, en fin de compte, de faire redoubler des étudiants faute d’avoir pu leur proposer des stages correspondant à leur maquette obligatoire de formation.

Je tiens également à réitérer mes observations sur la nécessité de ne pas tout mélanger dans les objectifs que nous assignons aux études de médecine. Celles-ci – je m’excuse de vous le répéter si souvent – ont pour objet de former des praticiens qui, demain, prendront en charge des patients et non de combler des besoins en zones sous-denses.

Nous devons donc veiller à offrir à ces étudiants le meilleur cadre de formation ; cela me semble extrêmement important. Or envoyer des étudiants dans des zones qui manquent de maîtres de stage aboutirait à dégrader leur encadrement et donc leur formation.

Gardons par ailleurs à l’esprit que les étudiants de deuxième cycle sont encore jeunes et dans l’incapacité de prendre en charge un patient. Si nous voulons que les stages en zones sous-denses aient une véritable utilité pour les étudiants comme pour la santé publique, il me paraît plus judicieux qu’ils aient lieu à la fin du troisième cycle.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est du même avis que M. le rapporteur.

Ces stages seraient répartis de manière très inhomogène sur le territoire. Ainsi, je vois mal comment les facultés de médecine d’Île-de-France pourraient proposer des stages en zones sous-denses. En outre, il n’y aurait pas assez de maîtres de stage disponibles en zones sous-denses pour accueillir 9 000 étudiants.

Surtout, ce n’est pas aujourd’hui une demande des médecins généralistes. Accueillir un étudiant de deuxième cycle impose de prendre énormément de temps de consultation pour lui apprendre à examiner un malade ou encore à rédiger une observation médicale. Ce temps de formation est du temps que ces praticiens ne dédieraient pas à la médecine générale, alors même qu’ils sont déjà débordés de patients en zones sous-denses. Ce n’est pas le moment, pour eux, de recevoir des étudiants qui ne leur apportent aucune aide, mais sont consommateurs de temps.

En outre, je rappelle que ces étudiants sont en stage le matin, mais en cours l’après-midi. S’ils avaient à parcourir une centaine de kilomètres matin et soir, ce ne serait pas envisageable.

Enfin, ce n’est pas du tout à ce moment des études que les médecins généralistes souhaitent pouvoir accueillir des étudiants en formation. Le troisième cycle est le meilleur moment pour proposer des stages en dehors des CHU et en zones sous-denses. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Nous sommes tous d’accord pour dire que les représentations se forgent au cours du deuxième cycle, mais le passage à l’acte est compliqué ; il a toujours été compliqué. Ces représentations sont très anciennes ; si elles dataient du ministère de Marisol Touraine, ce serait simple ! Cela fait bien plus longtemps que, quand on fait des études de médecine, on a, d’un côté, les disciplines royales et, de l’autre – je ne les citerai pas –, tout ce qui est considéré comme secondaire, voire comme une marque d’échec.

L’époque n’est pas si lointaine où tous les stages se faisaient à l’hôpital. Progressivement, on a institué la nécessité de sortir de l’hôpital, mais cela n’a pas été simple. Concernant le deuxième cycle, ce n’est d’ailleurs toujours pas complètement appliqué : il est encore compliqué, pour un certain nombre d’étudiants, de faire des stages ailleurs qu’en médecine ambulatoire.

Que disons-nous dans cet amendement ? Vous nous répondez, monsieur le rapporteur, madame la ministre, comme si ces étudiants allaient devoir faire un stage en ambulatoire dans une zone sous-dense, mais ce n’est écrit nulle part ! Il y a aussi des établissements hospitaliers dans ces zones, et non pas uniquement des praticiens libéraux.

Il s’agit bien de faire en sorte que des étudiants aillent dans ces territoires, ce que certains CHU pratiquent d’ailleurs déjà. Ainsi, le CHU de Clermont-Ferrand a mis en place une politique en la matière et a même changé l’organisation pédagogique du trimestre afin que les étudiants puissent passer plusieurs semaines d’affilée en stage, puis plusieurs semaines à l’université en enseignement théorique. Cela se fait dans le respect de l’autonomie d’organisation des universités.

Il n’y a donc pas d’obstacle réel, mais seulement une difficulté politique et culturelle à reconnaître qu’on doit aller dans certains territoires quand on est en deuxième cycle. Ce n’est pas une contrainte plus forte que celles qui sont actuellement présentes dans les maquettes d’enseignement et de stage. Surtout, cela correspond à l’évolution que nous souhaitons tous pour l’organisation de notre système de soins.

M. Yves Daudigny. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je ne soutiendrai pas cet amendement, et ce pour quelques raisons que je vais vous exposer.

Tout d’abord, comme cela a été rappelé, l’obligation existe déjà, pour les étudiants de deuxième cycle, de faire un stage en milieu ambulatoire. Toutefois, ce n’est aujourd’hui possible que pour 82 % des étudiants. Dès lors, comment trouver les maîtres de stage nécessaires pour recevoir l’ensemble des étudiants ?

Ensuite, il faut rappeler que l’indemnité mensuelle de transport versée aux étudiants est de 130 euros ; c’est parfois insuffisant pour se rendre sur des territoires éloignés du centre universitaire. Certains étudiants nous ont même indiqué qu’ils devaient verser une centaine d’euros de leur poche chaque mois pour le transport. Or personne ici ne cherche à ponctionner les moyens déjà faibles de ces étudiants de deuxième cycle.

J’ajouterai qu’imposer ce stage aurait pour conséquence que, si l’on ne trouvait pas de stage, on ne serait pas reçu en troisième cycle. Ce problème de fond me semble indésirable.

Nous aurons l’occasion, au cours de ces débats, de revenir sur les stages, mais cet amendement n’est en tout cas pas acceptable pour moi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. C’est sûrement compliqué, mais des solutions sont possibles. J’ai entendu Mme la ministre de l’enseignement supérieur affirmer que, plutôt que d’être uniquement hospitalo-centriste et universitaire, il faudrait aller voir ce qui se fait dans d’autres secteurs. Certes, mais quand nous proposons des solutions concrètes, on nous répond qu’on n’y arrivera pas !

Je vois bien que c’est compliqué, mais j’imagine qu’on pourrait organiser des stages d’une durée d’une semaine, qui permettraient aux étudiants de découvrir comment s’exerce la médecine libérale. Concernant les hôpitaux, il ne s’agit pas de responsabiliser les étudiants, mais de leur faire découvrir le métier. Peut-être de tels stages de découverte les intéresseront-ils suffisamment pour les convaincre d’aller, plus tard, s’installer dans les zones qu’ils auront découvertes.

À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je trouve que l’amendement qui nous est proposé par nos collègues du groupe socialiste est assez souple. Contrairement à ce que plusieurs intervenants ont affirmé, il n’y a pas d’obligation. J’y vois plutôt, comme vient de l’exprimer Daniel Chasseing, une sensibilisation. Il n’est pas non plus écrit que ce stage devra se dérouler en dehors d’un hôpital.

Je ne sais trop si c’est le bon moment pour commencer cette discussion, mais il me semble qu’il nous faut réfléchir aux stages et à leur qualité. Il y aurait beaucoup à dire au sujet du manque de personnel nécessaire pour accompagner les stagiaires. Il faudrait peut-être un bouleversement culturel, ou du moins trouver des pistes diverses et variées qui permettraient de sensibiliser les étudiants.

Je crois qu’il nous faut créer les conditions nécessaires pour que les étudiants aillent dans certaines zones différentes et sous-dotées, ce qui leur donnerait une certaine appétence pour aller exercer, par la suite, dans ces zones. Les liens qu’ils auront pu tisser avec les maîtres de stage sont importants de ce point de vue. Il faut donc que nous soyons ouverts.

Alors, à l’évidence, il y a des obstacles d’organisation, mais je suis attentive aux moyens de les surmonter. Certes, si l’on conserve l’organisation actuelle – cours le matin, stage l’après-midi –, cela ne marchera pas, mais pourquoi ne pas répartir cours et stages sur des périodes plus longues ? On pourrait alterner une ou deux semaines de cours et une ou deux semaines de stage. Quels sont les obstacles ? On est en train de réfléchir à une réorganisation de tout le système !

Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous sommes tous très inquiets quant à ce qui se passe dans tous nos territoires, ruraux ou urbains. Il faut donc faire preuve d’un peu d’innovation ! Cet amendement est intéressant de ce point de vue. C’est pourquoi notre groupe le soutiendra.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Pour ma part, je voterai contre cet amendement. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les externes doivent pouvoir découvrir, autant que c’est possible, d’autres terrains de stage que le CHU. Toutefois, chaque fois que les territoires peuvent les accueillir, ils le font déjà, dans les maisons de santé pluriprofessionnelles, par exemple. Quand on sillonne le territoire, que l’encadrement est dynamique et qu’il y a des médecins et des professionnels paramédicaux en nombre, les médecins sont même très favorables à l’accueil d’externes, dès lors qu’ils ont le temps de s’en occuper. Y compris en zone rurale, quand il y a des organisations solides, il est possible d’organiser de tels stages.

Le problème de la distance se pose néanmoins. Quand il y a 120 kilomètres entre un CHU et la zone rurale en question, il est délicat de retourner suivre des cours au CHU. Il faut prévoir des coûts d’hébergement et de déplacement. En somme, ce n’est pas toujours simple !

Dès lors, rendre de tels stages presque obligatoires serait compliqué. Il faut continuer de travailler et stimuler les territoires pour rendre ce système de plus en plus fréquent, afin que la découverte de ces territoires ruraux par les étudiants se fasse. Ces territoires en sont conscients ; du moins, je leur fais confiance. Les MSP, les pôles de santé et les hôpitaux comprennent tous aujourd’hui que, s’ils accueillent les stagiaires bien en amont, ils ont de bonnes chances de les fixer et de les garder le plus longtemps possible. Je ne suis en tout cas pas favorable à l’obligation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le numerus clausus n’existera bientôt plus. Dès lors, c’est le moment idéal pour revisiter complètement les choses. Je soutiendrai cet amendement, parce que nous sommes tous très alarmés par la situation actuelle. Nous nous posons beaucoup de questions sur les zones sous-denses. Or, quand des propositions sont faites, ce qui est nécessaire en fin de compte, elles sont rejetées !

Cet amendement tombe à point pour pouvoir aller plus loin. Évidemment, ma collègue Laurence Cohen a soulevé l’un des véritables problèmes qui se posent pour les étudiants : les cours ont lieu le matin, les stages l’après-midi. C’est le moment de revoir les choses.

On peut le faire aussi concernant le logement : les hôpitaux doivent prévoir l’hébergement des étudiants, y compris de ceux qui pourraient être en stage chez un généraliste. Pourquoi ne pourraient-ils pas être logés dans les hôpitaux de proximité ?

La question du transport a également été soulevée. Évidemment, 130 euros par mois et par étudiant, cela ne suffit pas. C’est vraiment le moment de trouver des solutions, si l’on ne veut pas voir s’aggraver la situation. Si l’on veut agir, cet amendement constitue l’une des solutions que l’on peut visiter.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Je veux mettre en perspective deuxième cycle et troisième cycle, ce qui est également l’objet d’un amendement que je défendrai un peu plus tard.

Le deuxième cycle doit à mes yeux rester le cycle de l’apprentissage pur et dur, même s’il peut se faire auprès d’un maître de stage. La difficulté principale est que les zones sous-denses dont il est ici question connaissent des pénuries de toutes sortes : on a évoqué les problèmes de transport et d’hébergement, mais on y manque aussi de maîtres de stage.

Je suis donc personnellement défavorable à cet amendement du fait du caractère obligatoire de son dispositif. La possibilité d’accomplir de tels stages existe déjà ! En revanche, comme je le défendrai dans quelques instants, le troisième cycle offre des possibilités de professionnalisation et de tels stages seraient alors plus intéressants.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je veux simplement réagir à ce qui a été dit par certains de nos collègues, selon lesquels cet amendement ne vise pas à créer une obligation.

Relisons pourtant l’alinéa 3 de l’article 2, tel qu’il serait modifié par cet amendement : « Les étudiants ayant validé le deuxième cycle des études de médecine en France, dont un stage situé dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante », peuvent accéder au troisième cycle. Les étudiants devront donc, si cet amendement était adopté, valider un stage de deuxième cycle dans une zone sous-dense, ce qui n’est pas toujours possible. Ce serait mettre en danger certains étudiants qui n’auront pas pu valider un tel stage, en ambulatoire ou en hôpital de proximité.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 712 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 127 :

Nombre de votants 304
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l’adoption 104
Contre 200

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 23 rectifié, présenté par M. Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Brisson et Longuet, Mme Morhet-Richaud, MM. Revet et Morisset, Mme Deromedi, MM. Genest, Perrin, Raison, Poniatowski et Meurant, Mme Procaccia, MM. Mandelli, Bonne, Laménie, Pellevat et Cuypers, Mmes Canayer, A.M. Bertrand et Renaud-Garabedian et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Après le mot :

nationales

insérer les mots :

et à la validation d’un stage en médecine générale d’une durée de trois mois

La parole est à M. Vincent Segouin.

M. Vincent Segouin. Cet amendement vise à revaloriser et à redynamiser la médecine générale, en rendant obligatoire la participation de l’étudiant à un stage en médecine générale, d’une durée minimale de trois mois, conditionnant la validation du deuxième cycle d’études. Un tel stage aurait pour avantage de faire découvrir la profession à l’étudiant tout en lui apportant une expérience utile.

Aujourd’hui, un étudiant sur cinq ne découvre pas la médecine générale et effectue l’intégralité de son externat en centre hospitalier. Pour renforcer l’intérêt pour la médecine générale et lutter contre la désertification médicale, il est nécessaire de développer des stages en médecine générale dès le deuxième cycle des études médicales. L’attractivité de la profession pourra être renforcée par un accès généralisé à ces stages de deuxième cycle, ce qui n’est malheureusement pas acquis dans toutes les facultés, malgré l’obligation réglementaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est évidemment favorable à l’idée d’une généralisation des stages en milieu ambulatoire au sein du parcours des étudiants en médecine. La découverte de la médecine générale et de l’exercice libéral permet en effet, bien souvent, de susciter des vocations. Je crains toutefois qu’ériger à ce titre une obligation législative pour l’accès au troisième cycle ne pose des difficultés pour un certain nombre d’étudiants, dans la mesure où, comme cela a été rappelé précédemment, nous manquons de maîtres de stage en médecine libérale.

La réalisation d’un stage en médecine générale en deuxième cycle est théoriquement obligatoire depuis 1997, année d’adoption d’un arrêté à ce sujet, mais elle est loin d’être observée en pratique sur l’ensemble du territoire, comme le soulignaient nos collègues Daudigny et Cardoux dans leur rapport sur les mesures incitatives dans les zones sous-dotées. Nous devons donc nous montrer extrêmement prudents quant à l’inscription de telles obligations dans la loi. Mme la ministre pourra néanmoins nous apporter des précisions sur la manière dont la généralisation des stages en milieu ambulatoire au cours du deuxième cycle est envisagée par le Gouvernement, de manière très concrète.

J’ai par ailleurs deux réserves relatives à la rédaction de cet amendement.

En premier lieu, contrairement à ce qui est affirmé dans son objet, son dispositif ne prévoit pas que ces stages de médecine générale devront avoir lieu en milieu ambulatoire ; les étudiants pourront satisfaire à l’obligation proposée dans les services hospitaliers de médecine générale.

En second lieu, je ne suis pas certain qu’il soit opportun de préciser, de manière rigide, que ces stages devront avoir une durée de trois mois, ni même qu’une telle précision ait sa place dans la loi, plutôt qu’au niveau réglementaire.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, à défaut de son retrait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Effectuer un stage est bien une obligation réglementaire, mais seuls 82 % des étudiants ont aujourd’hui la possibilité de réaliser un tel stage au sein d’un cabinet individuel ou d’une maison, d’un centre, ou d’un pôle de santé.

Tout repose, de fait, sur les démarches qui ont été engagées en vue d’augmenter le nombre de praticiens maîtres de stage agréés. Cet objectif est en train d’être réalisé, puisque nous constatons une hausse de 18 % du nombre de maîtres de stage agréés. Nous avons mobilisé les doyens et les départements de médecine générale pour identifier et former les maîtres de stage potentiels. C’est ce qui nous permet d’envisager aujourd’hui de tendre vers l’objectif de permettre à 100 % des étudiants de deuxième cycle d’opérer un stage chez un médecin généraliste.

Notre objectif est donc bien de satisfaire votre amendement dans la réalité. Je vous invite donc à le retirer ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Segouin, l’amendement n° 23 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Segouin. Non, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.

Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié quater est présenté par Mme Imbert, M. Bascher, Mmes Puissat, L. Darcos et Micouleau, MM. Sol, Vogel et Morisset, Mmes Gruny, Morhet-Richaud, Berthet et Deromedi, M. Longuet, Mme Bruguière, M. Lefèvre, Mmes Richer et Lassarade, M. Chatillon, Mme Noël, MM. Mouiller, Kennel et Cuypers, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, M. Pellevat, Mmes Delmont-Koropoulis et Deseyne, MM. Pierre, D. Laurent et Vaspart, Mme A.M. Bertrand, MM. Retailleau, del Picchia et Savary, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Poniatowski, Bonne, Meurant et Gilles, Mme M. Mercier, M. Piednoir, Mmes Chain-Larché, Thomas et Ramond, M. B. Fournier, Mme Canayer, MM. Courtial, Charon, Sido et Pointereau, Mme Deroche et MM. Laménie, J.M. Boyer, Gremillet et Duplomb.

L’amendement n° 542 rectifié quinquies est présenté par MM. Chasseing, Bignon, Capus, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Bouloux, Moga, Gabouty, Bonhomme et Mandelli et Mme Noël.

L’amendement n° 762 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Jomier, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … . – Pour les étudiants de troisième cycle des études de médecine générale et d’autres spécialités définies par décret, la dernière année du troisième cycle est une année de pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, et avec l’avis conforme du conseil départemental de l’ordre des médecins et de l’union régionale des professionnels de santé médecins libéraux.

II. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … Les modalités d’organisation de l’année de pratique ambulatoire en autonomie ;

La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quater.

Mme Corinne Imbert. L’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi et les discussions dans le cadre du grand débat national ces dernières semaines ont vivement fait ressortir dans l’actualité les problématiques d’accès aux soins dans les territoires ruraux et dans certains quartiers des villes.

Les difficultés d’accès aux soins sont au cœur du profond sentiment d’injustice et d’abandon ressenti par une grande majorité de nos concitoyens. Les médecins, les patients et les élus appellent, depuis plusieurs années, à des solutions structurantes qui répondraient enfin à l’urgence de la situation.

Face à un problème complexe, mais pas insurmontable, et dont les causes sont multiples, nous pouvons faire plusieurs constats.

D’abord, seuls 12 % des jeunes diplômés décident de s’installer en milieu libéral à l’issue de leurs études.

Ensuite, la mise en œuvre d’un quelconque mécanisme de conventionnement sélectif reviendrait à grever la jeune génération de nouvelles obligations contraires à l’exercice d’une profession libérale ; elle pourrait décourager des vocations.

Enfin, les mécanismes de régulation ont fait preuve de leur inefficacité partout où ils ont été mis en œuvre. Par exemple, ce système a rapidement été abandonné en Allemagne, où les jeunes médecins ont soit refusé de se conventionner pour pouvoir s’installer librement, soit préféré se diriger vers les hôpitaux. Cela n’a fait qu’accentuer les différences territoriales.

Un pari bien plus ambitieux serait celui de l’incitation et de l’accompagnement des jeunes professionnels dans les territoires, à travers une plus grande professionnalisation, principe fort qui serait inscrit dans la loi. C’est l’objectif de cet amendement, qui vise à permettre aux 3 500 étudiants de dernière année de troisième cycle des études de médecine générale d’exercer en tant que médecin adjoint, tout en favorisant la construction de leur projet professionnel. Le même objectif serait atteint de la même façon pour un certain nombre de spécialités, telles que l’ophtalmologie. La dernière année du DES de médecine deviendrait ainsi une année professionnalisante hors hôpital, dans les territoires.

Je me félicite de nouveau du travail constructif mené en commission des affaires sociales avec les différents groupes de cette assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 542 rectifié quinquies.

M. Daniel Chasseing. Les étudiants en dernière année de troisième cycle de médecine générale pourraient être mis à disposition des hôpitaux de proximité pour intervenir en qualité de médecins adjoints dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. Cela permettrait de recourir à ces médecins adjoints lorsqu’une carence de soins de premier recours est constatée par le conseil département de l’ordre, par le maire de la commune ou par la communauté professionnelle territoriale de santé. La dernière année deviendrait une année de professionnalisation hors hôpital, dans les territoires, sous la responsabilité d’un maître de stage, dans le cadre d’un projet territorial de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 762 rectifié.

M. Yves Daudigny. Cet amendement étant rigoureusement identique aux précédents, je ne reprendrai pas l’ensemble des arguments justifiant son adoption. Je veux néanmoins m’exprimer avec beaucoup de conviction.

Dans notre recherche et notre préoccupation, partagée évidemment sur toutes les travées de cette assemblée, je l’imagine, de proposer un dispositif efficient pour lutter contre les déserts médicaux, ou les zones sous-denses, le groupe socialiste a souhaité s’inscrire dans une démarche concertée, et ce dans un objectif d’intérêt général, pour répondre à ce qui est aujourd’hui une préoccupation de nos concitoyens.

Nous tenons à remercier le président-rapporteur, Alain Milon, ainsi que nos collègues des autres groupes porteurs d’un amendement identique, d’avoir souscrit à cette démarche, qui, je pense, fait honneur à la Haute Assemblée.

Je ne m’appesantirai pas sur la présentation du dispositif, qui vient d’être faite. J’insisterai cependant sur un point fondamental : s’il ne règle bien sûr pas tous les problèmes, cet amendement apporterait, s’il était voté, une réponse efficace et rapide à la problématique des déserts médicaux, notamment en familiarisant les professionnels de santé dont nous manquons – médecins généralistes, mais aussi un certain nombre de spécialistes, en premier lieu des ophtalmologistes –, à la pratique en zone sous-dense. Le dispositif permettrait de déployer plusieurs milliers de praticiens sur l’ensemble du territoire, et ce dès sa mise en œuvre, répondant ainsi aux besoins des populations, qui se sont fortement exprimées sur ce sujet à l’occasion du grand débat national.

M. Bernard Jomier. Très bien !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 419 rectifié, présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rectifié quater, alinéa 3

Après le mot :

priorité

insérer les mots :

et pour partie au moins

La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à saluer les amendements identiques portés par nos collègues Corinne Imbert, Daniel Chasseing et Yves Daudigny, qui constituent un véritable élément de réponse aux difficultés que connaissent les zones sous-dotées. Ils ont pour objet de prévoir que les étudiants de troisième cycle réalisent une année de pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans ces zones. Une telle disposition permettrait notamment de lutter contre la désaffection pour l’exercice libéral des jeunes médecins.

Le présent sous-amendement vise les mêmes objectifs en les confortant. Nous partons d’un constat simple, et mes collègues de l’Aveyron ou des Ardennes ne me contrediront pas : c’est parce que l’on connaît et que l’on apprécie un territoire que l’on se projette dans une installation. Ce n’est pas moi qui le dis ; ce sont les représentants des associations d’étudiants en médecine avec lesquels j’ai pu échanger au cours de mes auditions.

La formation des médecins témoigne à l’heure actuelle d’un hospitalo-centrisme fort. Ainsi, alors qu’un stage obligatoire d’initiation à la médecine générale de trois mois est prévu pendant les études de médecine, nombreux sont les étudiants à ne pas l’effectuer. Pourtant, 83 % des étudiants qui l’ont réalisé ont indiqué qu’il leur avait donné envie de pratiquer la médecine générale.

La Drees constatait néanmoins en 2017 que la médecine générale était la deuxième spécialité la moins attractive après la médecine du travail, alors même qu’elle fait défaut dans les zones sous-dotées. Dès lors, ce sous-amendement vise à préciser que, au moins une partie de l’année, la pratique ambulatoire en autonomie est réalisée en zone sous-dense. Il s’agit d’un dispositif relativement flexible dans la mesure où ce stage pourrait être réalisé dans le cadre d’un exercice partagé entre plusieurs structures ambulatoires.

Nous proposons une mesure qui se veut pragmatique, tenant compte des nouveaux moyens déployés en faveur de l’accompagnement des futurs médecins dans la construction de leur projet professionnel. Ainsi, le nombre de médecins agréés maîtres de stage universitaires a augmenté de 14 % entre 2018 et 2019. Ils sont plus de 10 000 à ce jour. De surcroît, les internes qui choisissent d’effectuer un stage en zone sous-dense peuvent désormais bénéficier, sous certaines conditions, d’une aide mensuelle de 200 euros.

Ces nouveaux moyens doivent aller de pair avec une véritable impulsion politique visant à développer les stages dans ces zones sous-denses. L’objectif est que les jeunes puissent découvrir des territoires méconnus et envisager l’exercice d’une médecine plus polyvalente.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 826, présenté par MM. Vaspart, Longeot, Bizet, Raison et Mandelli, Mme Morhet-Richaud, MM. Duplomb, Perrin, Pellevat, Nougein, D. Laurent, del Picchia, Paul et Revet, Mmes Troendlé, Deromedi et Ramond, M. Genest, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, MM. Moga, Brisson et Priou et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rectifié quater, alinéa 3

Supprimer le mot :

conforme

La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Toutes les analyses convergent : il est nécessaire, pour lutter contre les déserts médicaux, de faire connaître la pratique en cabinet libéral hors de l’hôpital public aux étudiants au travers de stages. L’amendement n° 1 rectifié quater, notamment, tend à répondre à cette demande.

Dans toutes les lois récentes relatives à la santé, on retrouve cette incitation au stage chez des médecins de ville. En pratique, la très grande majorité des stages a lieu dans les CHU des grandes villes, où les étudiants poursuivent leurs études, parce que les CHU sont très demandeurs et parce que les maîtres de stage ne sont pas suffisamment nombreux, la compensation financière qui leur est proposée n’étant sans doute pas assez incitative. Mais sa révision échappe au domaine de la loi.

Ce sous-amendement vise à supprimer le caractère conforme de l’avis demandé au conseil départemental de l’ordre des médecins et à l’union régionale des professionnels de santé, qui peut freiner la bonne mise en œuvre du dispositif proposé dans l’amendement n° 1 rectifié quater.

Mme la présidente. L’amendement n° 757 rectifié, présenté par MM. Daudigny et Jomier, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, Joël Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

II bis A. – Le second alinéa de l’article L. 632-5 du code de l’éducation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Au cours des deux semestres de la quatrième année du troisième cycle, ces fonctions sont nécessairement exercées en médecine ambulatoire. L’un des deux semestres doit être exercé dans des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. »

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le II bis A entre en vigueur le 1er janvier 2022.

Les internes ayant validé la troisième année du troisième cycle des études médicales avant le 1er janvier 2022 peuvent effectuer deux semestres complémentaires au cours desquels les fonctions mentionnées au second alinéa de l’article L. 632-5 du code de l’éducation sont nécessairement exercées en médecine ambulatoire.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement poursuivant la même philosophie que celui que j’ai présenté précédemment, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 757 rectifié est retiré.

L’amendement n° 592, présenté par MM. Amiel et Théophile, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent et MM. Richard et Yung, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – L’article L. 632-5 du code de l’éducation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les internes de médecine générale peuvent réaliser, au cours des deux dernières années sur les quatre ans que dure leur troisième cycle des études médicales, au moins quatre fois six mois de formation pratique dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, telle que définie en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. Cette formation professionnalisante peut s’effectuer selon les modalités prévues par l’article L. 4131-2 du même code. »

La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Dans le même esprit que ce qui a déjà été présenté, nous souhaitons professionnaliser les futurs médecins généralistes au travers de quatre stages de six mois en troisième cycle, dans l’hypothèse, et c’est ce qui risque de poser quelques problèmes, où le DES de médecine générale s’effectuerait désormais en quatre ans. Pourquoi la médecine générale serait-elle toujours en repli par rapport aux autres spécialités ? C’est une question que les enseignants en médecine générale, notamment, se posent.

On pourra nous objecter que le troisième cycle reste encore un cycle d’apprentissage, mais il me semble que, après six années de premier et deuxième cycle, plus deux années de troisième cycle, le jeune médecin, plus que le vieil étudiant, peut participer à une professionnalisation auprès d’un maître de stage, dans le cadre d’une stagérisation, voire de l’adjuvat, c’est-à-dire être médecin adjoint pendant un, deux, trois ou quatre semestres.

Mme la présidente. L’amendement n° 593, présenté par MM. Amiel et Théophile, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent et MM. Richard et Yung, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – L’article L. 632-5 du code de l’éducation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les internes de médecine générale peuvent réaliser, à la fin de leur troisième cycle des études médicales, au moins deux fois six mois de formation pratique dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, telle que définie en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. Cette formation professionnalisante peut s’effectuer selon les modalités prévues par l’article L. 4131-2 du même code. »

La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme la présidente. L’amendement n° 594, présenté par MM. Amiel et Théophile, Mme Schillinger, MM. Lévrier, Bargeton et Buis, Mme Cartron, MM. Cazeau, de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Marchand, Mohamed Soilihi, Navarro, Patient, Patriat et Rambaud, Mme Rauscent et MM. Richard et Yung, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 15

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.… – L’article L. 632-5 du code de l’éducation est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les internes de médecine générale peuvent réaliser, au cours du troisième cycle des études médicales, au moins deux fois six mois de formation pratique dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, telle que définie en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. Cette formation professionnalisante peut s’effectuer selon les modalités prévues par l’article L. 4131-2 du même code. »

La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Il s’agit également d’un amendement de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Je salue à mon tour ce travail transpartisan extrêmement important, qui s’est effectué dans mon bureau, concrétisé par les amendements identiques nos 1 rectifié quater de Mme Imbert, 542 rectifié quinquies de M. Chasseing et 762 rectifié de M. Daudigny. Pour reprendre les termes de M. Daudigny, il me semble que le Sénat peut s’honorer d’avoir su se mettre d’accord sur un texte aussi important pour l’avenir de la médecine en France.

Ces amendements ont pour objet d’organiser la dernière année d’études de médecine générale et d’autres spécialités définies par décret en pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones sous-denses, selon des modalités qui seront définies par voie réglementaire.

Le sous-amendement n° 826, présenté par Mme Morhet-Richaud, a pour objet de remplacer l’avis conforme de l’URPS et du conseil départemental de l’ordre des médecins pour la pratique ambulatoire des étudiants de dernière année de médecine par un avis simple.

Le sous-amendement n° 419 rectifié, présenté par notre collègue Longeot, vise à préciser que l’année de pratique ambulatoire doit se dérouler pour partie en zone sous-dense.

Enfin, je ne reviens pas sur les amendements de M. Amiel, qu’il vient de présenter.

Nous avons donc là un ensemble de sept amendements et de deux sous-amendements, dont les auteurs partagent la préoccupation de placer les étudiants de troisième cycle en pratique ambulatoire préprofessionnelle. Ils proposent d’atteindre cet objectif selon des modalités variables, mais proches dans l’esprit.

La commission des affaires sociales a travaillé, je le répète, de façon transpartisane à la rédaction des amendements nos 1 rectifié quater, 542 rectifié quinquies et 762 rectifié, qui me paraissent présenter l’équilibre le plus satisfaisant.

En premier lieu, les étudiants visés sont ceux de la dernière année du cursus médical, en médecine générale mais aussi dans d’autres spécialités qui seront précisées par décret. Cela permettra d’inclure certaines spécialités de premier recours, telles que l’ophtalmologie ou la gynécologie.

En deuxième lieu, cette rédaction ne fait pas référence à des stages pratiques, ni simplement à une pratique hors CHU, mais bien à une pratique ambulatoire en autonomie.

En troisième lieu, elle n’oblige pas les étudiants à trouver un lieu de pratique en zone sous-dotée, mais prévoit simplement que cette pratique sera faite en priorité dans ces zones, ce qui permettra d’éviter le redoublement d’étudiants qui n’auraient pas pu trouver de lieu de pratique.

Enfin, elle ne précise pas le statut sous lequel interviendra cette pratique, celui de médecin adjoint, tel qu’il est prévu à l’article 5, nous ayant paru potentiellement limitatif.

J’invite donc M. Amiel à retirer ses amendements au profit des trois amendements identiques, qui concrétisent le travail consensuel de la commission des affaires sociales.

Par ailleurs, la commission n’est pas favorable aux sous-amendements nos 419 rectifié et 826, car ils ne correspondent pas à l’équilibre transpartisan trouvé en commission. Nous considérons que l’ordre des médecins doit conserver un contrôle sur l’exercice des praticiens non inscrits au tableau de l’ordre. Nous considérons également que la priorité donnée à la pratique ambulatoire en zone sous-dotée est suffisante. Nous ne souhaitons pas aller jusqu’à une pratique obligatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Les trois amendements identiques visent à ce que des stages hors CHU en zone sous-dense soient proposés en troisième cycle pour toutes les spécialités, avec un régime spécifique pour la médecine générale, la dernière année s’effectuant en pratique ambulatoire sous statut de médecin adjoint.

Vous proposez, pour une liste de spécialités à définir – on comprend qu’il s’agira en priorité des spécialités de premier recours en plus de la médecine générale –, que la dernière année du troisième cycle soit réalisée en pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones sous-denses.

Pour la médecine générale, cela me paraît finalement assez cohérent avec ce qui est prévu dans le cadre du Saspas et de la phase de consolidation de la réforme du troisième cycle. Ainsi, nous proposons déjà que l’étudiant exerce en autonomie supervisée. L’objectif est bien d’accompagner l’étudiant en fin de cursus vers son autonomie complète d’exercice pour l’obtention de son DES.

En dehors de la médecine générale, il n’est pas prévu à ce stade que cet exercice soit impérativement réalisé en ambulatoire, parce que cela nécessiterait de disposer, pour ces spécialités, d’un nombre de maîtres de stage suffisant sur le terrain. On en est loin !

Il me semble problématique, par ailleurs, de poser un principe qui interdirait de facto toute réalisation de la dernière année de stage en établissement de santé. Certains parcours de formation le justifieront à l’évidence, et nous avons tout autant intérêt à favoriser également les stages dans les établissements hors CHU. En effet, on oppose beaucoup dans ce débat l’exercice en libéral à l’exercice hospitalier, dans l’idée de favoriser le premier. Or il s’agit aussi de favoriser certains exercices hospitaliers en zone sous-dense et hors CHU, car nous avons aujourd’hui 27 % des postes de praticien hospitalier vacants. L’objectif n’est donc pas d’orienter la totalité de nos étudiants vers la médecine libérale. Nous avons aussi besoin de médecins hospitaliers.

Le fait qu’une partie de la dernière année soit réalisée en zone sous-dense nous renvoie aux interrogations partagées précédemment sur le nombre de maîtres de stage, même si, ici, il ne s’agit pas d’accueillir les internes de la totalité des spécialités. Néanmoins, je suis d’accord avec vous, nous devons pouvoir en proposer suffisamment en zone sous-dense pour accueillir a minima les étudiants de médecine générale. Nous avons augmenté de 17 % le nombre de maîtres de stage universitaires entre 2017 et 2018. C’est une augmentation progressive, mais nous sommes encore loin de pouvoir accueillir la totalité des étudiants.

Enfin, poser, comme vous le faites, le principe que cette dernière année soit réalisée sous statut de médecin adjoint ou en autonomie – ce que vous appelez professionnalisation –, avec l’implication dans le dispositif du conseil départemental de l’ordre des médecins et de l’URPS, nous éloigne à mon sens du processus de formation dans lequel cette dernière année s’inscrit, pour nous rapprocher d’un modèle qui s’apparente à ce que je qualifierai d’un quasi-exercice. Si je ne suis pas fermée à ce que les conditions d’exercice au cours de la dernière séquence de troisième cycle évoluent, de manière cohérente avec le processus d’autonomisation progressive que j’évoquais, il est impératif que cette dernière année continue de s’insérer, à part entière, dans le cursus de formation de nos médecins généralistes. Elle doit constituer l’ultime étape avant la délivrance du DES.

Ces amendements témoignent à l’évidence de la volonté de trouver un équilibre destiné à apporter de nouvelles réponses aux problématiques de l’accès aux soins, tout en tenant compte des contraintes fortes liées au processus de formation que nous avons rappelées, autant de points sur lesquels nous devons encore travailler avec les parties prenantes. Leur mise en œuvre serait, à certains égards, problématique et risquée. C’est pourquoi j’y suis défavorable.

Je le rappelle, nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de proposer des maîtres de stage à tout le monde. Par ailleurs, si la troisième année s’effectue totalement en autonomie, nous nous éloignons d’un processus de formation prévu pour que les internes de médecine générale aient bien trois ans de formation. Pour notre part, nous proposons le Saspas, c’est-à-dire une autonomie supervisée, avec la certitude, donc, qu’un médecin généraliste supervise l’exercice de cette troisième et dernière année, même si l’étudiant gagne en autonomie.

En outre, tous les amendements visant à rendre ces stages obligatoires me posent problème, parce qu’il faut pouvoir proposer une quantité de stages suffisante. Je souhaite continuer à prôner l’attractivité des territoires plutôt que d’imposer une obligation, quelle qu’elle soit. Je pense que l’on ne peut obliger personne à aller soigner dans un endroit où il ne désire pas se rendre. L’exercice libéral ne sera pas plus attractif. Cette obligation n’est pas concevable en l’état.

À ce sujet, je souhaite porter à votre connaissance la très forte attractivité des contrats d’engagement de service public, un autre moyen de doter les territoires de zones sous-denses de médecins qui s’engagent vers une installation. Le nombre de jeunes bénéficiant de ces contrats croît d’année en année. Il me semble que tout ce qui rend attractif ce type d’exercice est beaucoup plus valorisant pour les étudiants que tout ce qui rend les choses obligatoires et contraignantes.

Le Gouvernement est également défavorable aux sous-amendements nos 419 rectifié et 826. Le quasi-exercice isolé de l’étudiant en dernière année me semble inconciliable avec la nature formatrice de la dernière année. Je suis favorable à l’autonomie supervisée.

S’agissant de l’amendement n° 592 de M. Amiel, je ne suis pas favorable à ce que la formation des médecins généralistes soit de quatre ans, car cela obligerait à revoir les maquettes de formation de toutes les spécialités aujourd’hui à quatre ans et qui devraient passer à cinq ans.

Concernant l’amendement n° 593, sachez, monsieur Amiel, que rien ne s’oppose à deux stages en zone sous-dense. Je vous demande donc de le retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.

Enfin, l’amendement n° 594 vise à ouvrir la possibilité qu’une partie des stages soit réalisée sous statut de médecin remplaçant ou adjoint. Nous nous éloignons là encore du processus de formation pour nous rapprocher d’un modèle de quasi-exercice. Je vous invite également à le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je veux remercier le rapporteur et les collègues issus de différents groupes qui sont à l’origine de ces amendements importants pour nos territoires ruraux, parfois urbains, et également ultramarins. Les démarches transpartisanes ne sont pas si fréquentes, et, quand elles existent, nous sommes souvent au cœur d’enjeux d’intérêt général. C’est le cas ici.

Je veux souligner l’équilibre de cette proposition, qui répond aux objectifs de formation des médecins, tout en visant l’intérêt général, dans des délais courts pour les populations des territoires, et tout en respectant le caractère libéral des professions concernées. Il n’y aura pas d’obligation d’installation à l’issue des stages de troisième année de troisième cycle, et la pratique ambulatoire en autonomie éclairera la prise de décision du médecin nouvellement diplômé, le moment venu, dans l’intérêt de toutes les parties prenantes. L’avis conforme du conseil départemental de l’ordre des médecins et de l’union régionale des professionnels de santé médecins libéraux est, à cet égard, une garantie que je veux souligner.

« Nous n’avons pas le choix, il faut répondre à l’urgence, dans des territoires qui se sentent abandonnés ». Ces propos sont les vôtres, madame la ministre. Vous les avez tenus cet après-midi, voilà quelques heures. Je ne saurais mieux dire, sauf à ajouter que le moment est venu de leur donner un sens politique concret.

J’ai bien entendu les arguments, souvent très techniques, que vous avez développés. Je ne suis pas un spécialiste du sujet, mais je me demande s’il ne serait pas envisageable, pour arriver à une solution partagée par notre institution et par le Gouvernement, de sous-amender les trois amendements identiques pour qu’un texte commun soit adopté. Ce moment de notre débat est essentiel. Des centaines de milliers, voire des millions de nos compatriotes, qui vivent difficilement sur les territoires ruraux en particulier, nous attendent sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Les auteurs de ces amendements essaient de répondre à une problématique qu’on vit toutes et tous non seulement en milieu rural, mais aussi en zone urbaine, à cause d’une pénurie de médecins. C’est une bonne chose que ces amendements soient transpartisans, mais nous ne les avons pas cosignés pour des raisons de fond qui nous gênent.

Nous trouvons que cette proposition oppose les genres. Aujourd’hui, je le répète, il y a une pénurie de professionnels non seulement en libéral, mais aussi, comme l’a très justement relevé Agnès Buzyn, en secteur hospitalier. Dans le Val-de-Marne, département d’Île-de-France, rien qu’aux urgences de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, il manque sept médecins. Je pourrais multiplier les exemples.

Je ne comprends pas qu’on n’essaie pas de traiter le problème de manière globale. Je l’ai dit lors de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable, la gradation des soins, avec ce que je considère comme une transformation des hôpitaux de proximité en coquilles vides, va aggraver la situation.

L’amendement n° 1 rectifié quater, qui est le plus structurant, impose quelque part une obligation, sur la base d’un postulat que je trouve assez étonnant. En effet, il est souligné dans l’objet, à juste titre, que seuls 12 % des jeunes diplômés décident de s’installer en libéral à l’issue de leurs études. Mes chers collègues, nous avons tous reçu des étudiantes et des étudiants. Quel est leur discours ? Ils ont envie de travailler collectivement, dans des équipes. C’est pourquoi ils choisissent de travailler comme salariés dans les centres de santé ou en libéral dans les maisons de santé. Pourtant, dans ces amendements, il n’est absolument pas fait référence à ce type d’exercice.

On parle de pratique ambulatoire en autonomie, alors que nous préférons une autonomie supervisée – l’étudiant continue à être encadré –, qui fasse vraiment partie de la formation de ces étudiantes et de ces étudiants.

Le temps qui m’était imparti étant terminé, je ne peux pas aller plus loin, mais je pense que vous aurez compris la philosophie de mon propos.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. En ce qui me concerne, je vois un avantage certain à ce stage de troisième année de troisième cycle.

Nous avons évoqué le cas des étudiants qui n’auraient pas envie d’aller en milieu rural, dans des territoires sous-denses, précisant qu’il serait difficile de le leur imposer. Nous avons également évoqué le cas d’étudiants qui ne trouveraient pas de stage, faute de maîtres de stage. Il y a un autre cas, celui des CHU qui ne peuvent pas libérer les internes, car ils ont du mal à fonctionner sans eux. L’obligation proposée par ces amendements reviendrait à obliger les CHU à libérer les internes pour qu’ils aillent hors CHU, à ce moment de leurs études, découvrir un autre mode d’exercice.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Oui, on est à un moment essentiel du débat !

Si l’on s’en tient au dispositif existant et au contenu actuel du projet de loi, il n’y aura pas de résolution, dans un terme raisonnable, de la question de la désertification médicale. Les mesures incitatives sont utiles, mais elles mettent du temps à produire leurs effets, et ceux-ci sont insuffisants. Il faut imaginer un autre dispositif !

Ce qui me marque, dans la réponse de la ministre, comme dans les propos de Laurence Cohen, c’est un énorme non-dit. Actuellement, le troisième cycle dure trois ans, mais l’harmonisation européenne des cursus et l’arrêté d’avril 2017 prévoient que la phase de consolidation soit mise en œuvre au 1er janvier 2020. Or personne ne nous en dit rien ! Pourtant, cette phase de consolidation, c’est la quatrième année du troisième cycle. L’harmonisation européenne prévoit même, éventuellement, une durée supérieure à une année.

Il n’est en aucune manière question de prendre quelque moyen que ce soit aux hôpitaux. On ne va pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il est question d’utiliser le temps médical supplémentaire de cette phase de consolidation pour le projeter là où tout le monde s’accorde à dire que le problème est le plus criant. Après, on se mettra bien d’accord, et la voie réglementaire sait être inventive, pour régler les questions.

Ces amendements sont rédigés avec suffisamment de souplesse – ils mentionnent la dernière année sans dire de quelle année il s’agit –, mais il est bien évident qu’il ne faut pas les appliquer en ne gardant que trois années dans le troisième cycle. Il faut passer à la quatrième année.

Je ne comprends pas votre réaction, madame la ministre. Vous êtes allée à un congrès important ce week-end, comme vous nous l’avez dit, et la presse spécialisée rapporte que vous aviez reconnu être favorable à ce que la dernière année du troisième cycle des internes de médecine générale se fasse en professionnalisation avec un statut de praticien adjoint. Oui ou non ? Si c’est non, dites-le-nous, mais si c’est oui, travaillons ensemble à cette solution !

En tout cas, si vous ne changez pas de position, vont arriver des mesures coercitives, qui seront contre-productives. Et rien ne sera réglé ! Ce sera même un désastre pour notre système de santé. C’est pourquoi il faut avancer dans un sens constructif, celui que nous vous proposons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je rejoins ce qui vient d’être dit, notamment par Bernard Jomier. Nous sommes vraiment au cœur de ce que nous devons apporter à cette loi.

Actuellement, des conseils départementaux créent des postes de salariés ; l’État va aussi créer des postes de salariés. Malgré tout, les secteurs ruraux sont dans un grand désarroi, car les déserts médicaux vont progresser, beaucoup de médecins ayant entre 55 et 65 ans. Nous allons assister à une catastrophe.

Avec ces amendements, nous ne proposons pas de coercition.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Eh non !

M. Daniel Chasseing. Nous ne proposons pas d’obliger les gens à s’installer en milieu rural. Il s’agit simplement de demander aux étudiants, en dernière année du troisième cycle, d’être des médecins adjoints épaulés par un maître de stage et par l’hôpital. En effet, ils pourront aussi travailler dans un service hospitalier, ils n’interviendront pas obligatoirement toute l’année en médecine libérale ; ils pourront par exemple être remplacés pendant un ou deux mois. Par conséquent, ils ne seront pas lâchés en pleine nature : ils seront au contact de l’hôpital, soit du CHU soit de l’hôpital de proximité ; et il n’y aura absolument aucune obligation.

On institue, au travers de ce texte, le projet territorial de santé. De quoi s’agit-il ? De mieux coordonner les soins entre l’hôpital et les professionnels exerçant en ville, de mieux coordonner l’offre de soins et le parcours médical des patients. Ce projet permettra de vérifier qu’il n’y a pas de zone blanche, non couverte, dans les territoires.

Au travers de cet amendement – je remercie d’ailleurs M. Milon et mes collègues qui ont déposé des amendements identiques –, il est simplement proposé que la dernière année des étudiants, qui, étant en fin de troisième ou de quatrième année, sont formés, soit consacrée à un stage de médecin adjoint, supervisé par un maître de stage, en relation avec le milieu de l’hôpital. Je ne vois donc pas de risque pour ces étudiants, qui auront des relais ; ils ne seront pas, je le répète, lâchés seuls dans la campagne.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Daniel Chasseing. S’ils ont des problèmes, ils pourront se tourner vers ces relais.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.

M. Michel Amiel. Nous le savons tous, les médecins sont des êtres sensibles et délicats, qu’il ne faut pas bousculer (Sourires.), mais je souscris à ce que vient d’indiquer mon collègue Chasseing. Il l’a précisé, il n’y a rien de coercitif dans tout cela. En outre, faire en sorte que la dernière année du troisième cycle soit une année de professionnalisation, durant laquelle le jeune médecin deviendrait autonome, ne me paraît, ma foi, absolument pas scabreux.

Je serais tenté d’aller un peu plus loin, car, mon collègue Jomier l’a rappelé, nous allons vers une quatrième année de spécialisation, mais ne bousculons pas les choses. Nous sommes bien conscients que nous examinons un dispositif qui permettrait d’entrouvrir les portes sans pour autant recourir à des mesures coercitives, lesquelles viendront peut-être, si nous n’instaurons pas ce mécanisme.

Je n’étais pas là mercredi dernier, sinon, je me serais volontiers associé à cet amendement « transpartisan » – peu importe le mot. Je retire donc mon amendement n° 592 et mes deux amendements de repli nos 593 et 594, pour soutenir ces amendements identiques, dont l’objet me paraît raisonnable, équilibré, non coercitif et qui ne me semble franchement pas dangereux du point de vue de la formation, de la fin du troisième cycle des études médicales. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. Les amendements nos 592, 593 et 594 sont retirés.

La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Je ne comprends pas non plus votre appréciation sur ces amendements, madame la ministre.

Vous avez parlé du Saspas, qui est aujourd’hui facultatif et n’est pas accessible à certains internes en médecine générale, faute de place en stage. Nous, nous ne mentionnons pas de stage dans cet amendement, nous parlons de pratique ambulatoire en autonomie. Ce n’est ni limitatif ni contraignant.

En fait, cette disposition libérera des places de stage. En effet, le problème est que des médecins qui aimeraient avoir du renfort, mais qui ne trouvent pas de successeur ni d’associé ont la tête dans le guidon, ils ne peuvent pas passer deux jours à la faculté pour devenir maîtres de stage. Ils considèrent en outre qu’être maître de stage est une forte responsabilité vis-à-vis de l’interne et n’ont donc pas la possibilité d’y consacrer le temps qu’il faudrait. Bref, on tourne en rond…

En outre, ce dispositif ne revient pas à galvauder la formation des internes ; la professionnalisation fait partie de la formation, c’est important.

Le Sénat vous offre une réponse, pragmatique selon moi, à la préoccupation de tous, et cette réponse a été réfléchie depuis des semaines, car nous connaissons les enjeux. J’aimerais donc que vous reveniez sur votre appréciation. Vous l’avez vu, tous les acteurs sont associés : l’agence régionale de santé, puisque le zonage est intégré dans l’amendement, le conseil de l’ordre des médecins et les URPS. Cela se fera donc dans la concertation, pour être au plus près de la population et des médecins.

Je le répète, la professionnalisation n’est pas un sacrifice de la formation, bien au contraire, elle en fait partie. Ce serait une preuve de courage que de saluer ces amendements ; tout le monde en sortirait grandi. Il n’y a pas de risque. Je le disais à la tribune, essayons de répondre ensemble à l’essentiel ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous vous retirons une épine du pied ! Vous voulez des mesures incitatives, parce que vous êtes contre les mesures coercitives : nous vous en proposons une, qui institue un cursus plaçant des médecins sur le terrain.

Vous avez fait la distinction, dans votre argumentation, entre le quasi-exercice, qui serait une professionnalisation et non une formation, et l’autonomie supervisée, qui serait une formation ; mais, quand on remplace un médecin, on est livré du jour au lendemain à soi-même, on prend ses responsabilités. Ceux qui sont médecins et qui sont passés par là le savent. On nous a formés – à l’époque nous étions sans doute mal formés, notre cursus ne durait que sept ans… –, et, du jour au lendemain, nous nous trouvions dans le grand bain, nous remplacions un médecin qui, par définition, n’était pas là. Est-ce que ça ne se passait pas bien ? Non, ça se passait très bien !

Ainsi, en dixième année – c’est un point majeur à avoir à l’esprit dans le cadre de la réflexion –, les étudiants peuvent quand même être un peu livrés à eux-mêmes, sous la responsabilité de l’université et du médecin associé. En outre, au travers de cet amendement, fort bien rédigé grâce aux efforts, en particulier, de Corinne Imbert – c’est elle qui, la première, a mis ce sujet sur le tapis –, on ne précise pas le statut de cette activité. Vous pourrez donc fixer par décret s’il doit s’agit d’un médecin adjoint, d’un médecin collaborateur – statut qui existe depuis longtemps, qui n’a pas été suffisamment utilisé et qui s’adresse en priorité à des médecins qui ont soutenu leur thèse – ou encore d’un médecin stagiaire, pourquoi pas ?

Autre aspect qui me paraît important par rapport aux amendements précédents relatifs au stage : vous avez, avec ce principe, deux médecins pour deux malades, alors que le principe du stagiaire repose sur deux médecins pour un malade. En conséquence, le service n’est pas tout à fait identique, certes, mais il n’empêche que cela répond au problème de la démographie médicale.

Vous avez donc là l’opportunité, mesdames les ministres, de marquer de votre empreinte ces nouvelles possibilités, qui amélioreront la formation, au travers de la professionnalisation, de nos médecins et répondront aux préoccupations d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je serai bref, car les collègues qui se sont exprimés avant moi l’ont fait de manière tout à fait remarquable et que je me reconnais totalement dans tout ce qui a été dit.

Je veux principalement féliciter les auteurs de ces amendements identiques, qui sont issus de différents groupes : Mme Imbert, MM. Chasseing et Daudigny. Ces amendements vont dans la bonne direction ; cela a d’ailleurs conduit le rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable à retirer l’amendement que la commission avait adopté, ou plutôt à le transformer en un sous-amendement.

Il est positif de prévoir que, durant la dernière année des études de médecine, les étudiants découvrent enfin, pour un grand nombre d’entre eux, ce qu’est l’exercice de la médecine en dehors d’un CHU. Si l’on veut avoir une petite chance qu’ils choisissent d’exercer leur profession sur le terrain, en ville ou à la campagne, mais en tout cas en dehors d’un centre hospitalier, il est évident qu’il faut adopter cette pratique ambulatoire d’une année, dans des affectations qui pourront varier.

Je voterai donc pour ces amendements et pour le sous-amendement de Jean-François Longeot, qui ne vise qu’à consolider le dispositif des amendements identiques. En effet, il tend simplement à préciser que les stages doivent s’exercer en priorité « pour partie au moins » dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. On veut ainsi sécuriser l’affectation d’une partie de ce stage au profit des zones défavorisées du point de vue de la démographie médicale. Cela ne me paraît pas illégitime, car les zones considérées comme sous-denses représentent, je le rappelle, 10 000 communes et 12 millions d’habitants. Indiquer, au travers de ce sous-amendement, qu’au moins une partie aura lieu dans ces territoires ne me paraît donc pas injustifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. J’ai toujours apporté mon soutien aux différentes mesures incitatives prises depuis quelques années. J’ai d’ailleurs répondu à votre invitation, madame la ministre, à assister, comme auteur d’un rapport sur le sujet, à la présentation par le Premier ministre du dernier plan de mesures. J’ai aussi toujours pensé qu’il était impossible de contraindre des médecins à s’installer pour plusieurs années dans un lieu où ils ne veulent pas exercer.

Je soutiens donc totalement cet amendement, tant d’imagination que de raison et de réalité. Son objet repose très largement sur la directive européenne qui fera, un jour ou l’autre, que le troisième cycle de médecine générale en France durera non plus trois mais quatre années.

C’est un amendement d’efficacité, dont les effets se réaliseront, non dans cinq ou dix ans, mais dès la mise en œuvre. C’est aussi un amendement d’équilibre, qui prend en compte les souhaits, les réserves et les avis des jeunes professionnels de la médecine, et qui s’appuie fortement sur le travail du conseil de l’ordre des médecins.

J’ai bien entendu vos objections, madame la ministre, portant sur la mise en œuvre, mais nous faisons confiance aux fonctionnaires du ministère de la santé et des autres ministères, pour venir à bout de ces difficultés pratiques et pour déterminer les modalités de la mise en œuvre du dispositif.

La situation de notre pays est grave ; elle est très mal ressentie par l’ensemble de nos concitoyens. Il y a besoin d’un choc, et c’est le rôle du Sénat, dans toute sa sagesse, avec raison et imagination, que de provoquer ce choc. Nous vous demandons de prendre en considération le travail qui a été fait ici et qui permet d’apporter des éléments de réponse à ce grave problème de notre société. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Il est des jours où on se sent très seul ; je pense qu’aujourd’hui en sera un pour moi… (Sourires.)

Je veux remercier nos collègues de ce travail collectif et du travail réalisé dans le bureau de M. Milon. Je souhaite néanmoins répéter mes réserves sur cette disposition.

Il y a aujourd’hui une situation importante – la désertification médicale –, et on ressent, dans les territoires, la pression de nos concitoyens et des élus à cet égard. Pour ma part, je ne pense pas que la réponse à cette désertification passe par un bataillon de vieux internes ou de jeunes médecins ; ce ne serait qu’une réponse ponctuelle.

Le second aspect de ces amendements qui me gêne réside dans l’exercice hors hôpital ; il s’agit de retirer de l’hôpital des internes de troisième année de troisième cycle, car on parle bien de troisième année – s’il s’était agi de la quatrième année, j’aurais eu une position différente.

Il y a eu, dans mon département, une crise hospitalière voilà quelques semaines : il n’y avait plus qu’un interne pour faire tourner un hôpital dit « périphérique », un hôpital de proximité – l’hôpital d’Épinal, qui est tout de même un gros hôpital –, où il y a de grosses difficultés. Aussi, retirer des hôpitaux ces internes de troisième cycle, que ce soit dans les services ou aux urgences, me pose problème.

Par ailleurs, avec ces amendements, la troisième année de ce troisième cycle ne serait plus une année de formation ; cela ferait de jeunes médecins, et la maquette de formation serait remise en cause. Je le rappelle, cette maquette a été faite pour que les médecins sortant du troisième cycle aient suivi un exercice diversifié ; ils ont un semestre aux urgences, ce qui me paraît important, un semestre pour la pathologie de la femme et de l’enfant, qu’ils peuvent faire en ambulatoire ou en hospitalier, un semestre obligatoire en ambulatoire, un semestre en médecine polyvalente, le plus souvent dans un service hospitalier, et un semestre en Saspas. À terme, l’objectif est que 50 % de ces trois années, de ces six semestres, soient passées en ambulatoire. Pour cela, il faut des maîtres de stage.

Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue !

Mme Véronique Guillotin. La problématique demeure donc celle des maîtres de stage.

Ces amendements me posent problème pour toutes ces raisons, pour leurs répercussions sur le milieu hospitalier et sur le statut du stagiaire ; sera-t-il un médecin ? Sera-t-il seul ?

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !

Mme Véronique Guillotin. Sera-t-il adossé à un maître de stage, sans quoi c’est un Saspas, ou sera-t-il lâché dans un territoire isolé ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Je suis également circonspecte sur cette proposition ; certains se sentiront donc moins seuls…

Cette mesure dépossédera un territoire pour couvrir d’autres besoins. Je l’ai dit en discussion générale, la réalité est que, de manière générale, nous manquons de médecins. Certains territoires ont tout fait pour attirer de jeunes internes dans des hôpitaux locaux ; avec cette mesure, ils n’en auront peut-être plus, Mme la ministre l’a dit. Nous avons aussi essayé, dans mon département, d’attirer des internes dans des stages en protection maternelle et infantile, la PMI ; de la même manière, peut-être ne les aurons-nous plus. Enfin, dans les urgences hospitalières, cela a été dit par ma collègue, on a un besoin criant d’internes ; c’est d’ailleurs avec les internes que les hôpitaux fonctionnent, puisque l’on manque de médecins.

J’ai vraiment le sentiment que l’on essaie de trouver une solution que l’on ne pourra sans doute pas appliquer et qu’elle empêchera des stages de se réaliser dans d’autres spécialités. Je m’abstiendrai donc, même si, je le sais, certains de mes collègues de la commission y seront favorables, M. Hervé Maurey l’a indiqué ; à titre personnel, je ne suis pas favorable à ces propositions.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Je veux compléter ce qu’a dit Bernard Jomier : il est bien précisé dans ces amendements que c’est la dernière année du troisième cycle qui est concernée ; cela tient donc compte de la directive européenne, qui va faire passer la durée du troisième cycle à quatre ans. En prévoyant ce stage en quatrième année, on ne supprime rien pour personne, on ajoute une année supplémentaire qui pourra être consacrée au terrain, ce qui me semble être une excellente chose.

En outre – il y a quelques médecins dans l’hémicycle –, nous avons tous fait le pas, à un moment ou à un autre, de travailler en autonomie, en faisant des remplacements, directement sur le terrain, sans avoir terminé toute notre formation. Aujourd’hui, pendant le troisième cycle, certains étudiants qui ne sont pas encore docteurs en médecine font des remplacements, et n’ont donc pas de maître de stage.

Il y a donc une formation, assurée par l’hôpital, par les remplacements et par le maître de stage, mais, je le répète, le texte de l’amendement mentionne bien la dernière année du troisième cycle, et la directive européenne devrait s’appliquer bientôt. (M. Daniel Chasseing et Mme Corinne Imbert applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je veux juste poser une question ou deux. Combien ces jeunes médecins, que l’on va mettre chez les libéraux, vont-ils gagner ? Qui va les rémunérer ? Les médecins qui auront ces jeunes dans leur cabinet ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de ces débats et ces échanges.

Je veux rappeler, au nom du Gouvernement, un certain nombre de choses.

Dans la rédaction actuelle des amendements, il est fait mention d’« une année de pratique ambulatoire en autonomie ». Nous avons beaucoup cherché la directive européenne qui doit faire passer à quatre ans la durée du troisième cycle de la formation des médecins généralistes, mais nous ne l’avons pas trouvée ; je ne sais donc pas de quoi il s’agit. En tout cas, actuellement, c’est bien une formation de trois ans.

Un certain nombre d’entre vous ont l’air de considérer que la troisième année n’est peut-être pas si utile, puisque l’on peut d’ores et déjà placer les internes en situation d’autonomie. On enverrait ainsi les plus jeunes, ceux qui ont le moins d’expérience et dont la formation est, en quelque sorte, amputée d’une année, face aux situations les plus difficiles, dans les déserts médicaux, avec impossibilité de parler avec des médecins plus confirmés. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous indique simplement ce qu’il me semble important de prendre en considération avant votre vote. Certains médecins ruraux ne veulent pas prendre la responsabilité d’être maîtres de stage pour des internes.

Nous entendons évidemment le désarroi des territoires ; mais vous devrez assumer devant les 12 millions d’habitants de ces territoires que cette solution est bien assez bonne pour eux, qu’ils auront des médecins dont la formation est amputée d’un an. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.) C’est bien ce qui est prévu dans les amendements : « une année de pratique ambulatoire en autonomie. » Vous pouvez considérer que l’on doit envoyer prioritairement dans les zones sous-denses des jeunes dont on a réduit d’un an la durée de la formation, mais c’est une immense responsabilité.

Nous avons évoqué précédemment la question des stages en médecine générale, qui sont demandés depuis une vingtaine d’années. En augmentant le nombre de maîtres de stage, nous atteignons enfin un taux de 100 %. Toutefois, vous pouvez décider d’inscrire dans la loi que la dernière année du troisième cycle, qui reste pour moi une troisième année de formation – puisque nous ne trouvons pas cette directive européenne à laquelle il a été fait référence de nombreuses fois –, se fera en « pratique ambulatoire en autonomie, en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ».

Cela dit, c’est une responsabilité très importante, et, pour le Gouvernement, on ne doit pas opposer les zones déjà sous-denses, dans lesquelles il y a un problème de médecins, aux zones bien dotées. Il faut redonner l’envie d’aller exercer dans ces zones. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Vidal, ministre. Cela me paraît essentiel. Vous allez placer en autonomie de jeunes médecins, dont la formation n’est pas terminée, seuls face à des patients très demandeurs, sans préciser qui assume la responsabilité en cas d’erreur médicale ; c’est une responsabilité importante que vous assumerez lors de votre vote. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

M. Bernard Jomier. Et l’arrêté du 21 avril 2017, ça vous dit quelque chose ? Tout ça est ridicule !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je ne comprends pas ce que vous nous dites, madame la ministre. Vous nous expliquez que vous allez prendre des mesures incitatives, et qu’il y en a déjà au travers des contrats d’engagement, que l’on signe pour exercer dans ces zones à l’issue des études. Les étudiants peuvent donc déjà signer ces contrats d’engagement, et ils sont dans la même situation que les étudiants visés par les amendements.

En outre, vous affirmez que les étudiants ne seront pas formés, parce qu’ils ne feront que sept années d’études plus deux, au lieu de sept plus trois ; mais il s’agit tout de même d’une formation sur le terrain. Pourquoi les obliger à rester dans les hôpitaux, où ils sont d’ailleurs dans les mêmes circonstances, où ils ne sont pas plus encadrés, où ils font fonctionner seuls les urgences ? Le risque pour le patient est donc le même à l’hôpital que dans les zones où nous souhaitons les envoyer.

Je ne comprends absolument pas votre obstination. Nous sommes contre les mesures coercitives, je l’ai toujours dit lors de discussions à ce sujet. Nous avons trouvé là une solution de compromis, qui nous semble acceptable ; on parle tout de même d’étudiants qui ont suivi un cursus de sept ans plus deux ans, alors que les études duraient autrefois sept ans seulement. On dit qu’il faut les laisser à l’hôpital pour continuer de faire vivre les services hospitaliers, mais dans quelles circonstances ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 419 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 128 :

Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 289
Pour l’adoption 35
Contre 254

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 826.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quater, 542 rectifié quinquies et 762 rectifié.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et républicain et, l’autre, de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l’adoption 311
Contre 16

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mesdames les ministres, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 296, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’utilisation d’algorithmes locaux mis en place par les universités est interdite.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons discuté, voilà un peu plus d’un an, de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Lors de l’examen de ce texte, et malgré nos désaccords, nous avions unanimement critiqué la politique d’opacité en matière de processus de sélection des bacheliers et des bachelières.

Au nom du secret des délibérations, la ministre avait considéré que le droit d’information des citoyens était caduc. Elle avait alors garanti qu’aucun algorithme local n’avait été mis en place.

Après avoir bataillé aux côtés des syndicalistes, universitaires et étudiants contre ces pratiques des universités, nous avons pu avoir confirmation de ce que nous dénoncions avec justesse. Un de nos collègues, membre du groupe LREM, a évoqué un taux de 25 % des filières utilisant des algorithmes locaux. Le Défenseur des droits a ensuite confirmé leur existence dans son avis du 18 janvier 2019, en regrettant que la très grande majorité des universités ait refusé de communiquer les informations relatives à l’examen des dossiers de candidature. Je peux vous confirmer que, dans certaines filières, aucun dossier n’a été ouvert par un enseignant ou par un membre du personnel administratif pour en regarder le contenu.

Par ailleurs, le Défenseur des droits a pointé du doigt le secret des délibérations du jury, qui « ne doit pas s’opposer à l’information des candidats sur le contenu exact et la manière précise d’évaluation de leurs candidatures ».

Il y a donc clairement eu de votre part, madame la ministre, une première volonté de faire peser sur les épaules des établissements des pratiques que vos services ont encouragées, avant un rétropédalage visant à couvrir les universités. Il me semble qu’appliquer le même dispositif aux études de médecine ne pourrait conduire qu’aux mêmes dérives. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à rendre publique l’utilisation des algorithmes locaux dans le cadre des études de médecine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont les dispositions lui ont paru très floues.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

La procédure d’accès aux troisièmes cycles sera nationale. De fait, la question des algorithmes locaux est sans objet.

Je réitère toute ma confiance aux professeurs d’université, aux enseignants-chercheurs et à l’ensemble des enseignants des universités dans leur capacité à prendre soin des étudiants et à les former.

Une nation qui doute de la capacité de ses professeurs à exprimer beaucoup de bienveillance à l’égard des étudiants est une nation malade.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je vous rassure, madame la ministre, je suis en pleine santé et ne me sens pas du tout malade, bien au contraire. Pourtant, je remets en cause les algorithmes qui ont été utilisés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 296.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 645 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Charon, Pointereau et Sol, Mmes Malet et Garriaud-Maylam, M. Morisset, Mmes Deromedi, Puissat, Deroche et Richer, MM. D. Laurent, Savary et Brisson, Mmes L. Darcos, Morhet-Richaud et Gruny et MM. Mouiller et Gremillet, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« I bis. – Les étudiants de troisième cycle des études de médecine effectuent au moins deux stages pratiques auprès de praticiens agréés-maîtres de stage des universités.

II. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … Les modalités d’organisation des stages pratiques mentionnés au I bis, qui doivent permettre un exercice autonome des étudiants ;

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Cet amendement vise à obliger les étudiants de troisième cycle des études de médecine à effectuer au moins deux stages pratiques auprès de praticiens agréés-maîtres de stage des universités.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, au profit de l’amendement n° 1 rectifié quater, que nous avons adopté voilà quelques instants, plus équilibré et plus consensuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. L’exercice en autonomie et en ambulatoire ne peut s’appliquer à toutes les spécialités. La mienne, par exemple, est uniquement hospitalière. Je serais bien embarrassée pour effectuer un stage en ambulatoire si j’étais encore étudiante…

Par ailleurs, nous manquons de maîtres de stage dans beaucoup de spécialités.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Madame Imbert, l’amendement n° 645 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Corinne Imbert. Non, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 645 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 88 rectifié, présenté par M. Savary, Mmes Berthet, A.M. Bertrand et Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mmes Bruguière, Canayer et Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Daubresse, de Legge et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi, Di Folco, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest et Gremillet, Mme Gruny, M. Guené, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre et Longuet, Mmes Lopez et Malet, M. Mandelli, Mme M. Mercier, M. Meurant, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Perrin, Piednoir, Pierre, Pointereau et Poniatowski, Mme Puissat, MM. Raison, Rapin, Revet, Saury, Sido et Sol, Mme Thomas et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 5, au début

Ajouter les mots :

Après consultation des conseils de surveillance des agences régionales de santé,

La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Il s’agit de prendre en compte les spécificités locales en consultant les agences régionales de santé avant de prendre le décret en Conseil d’État définissant les modalités d’admission dans les différents parcours. Chaque conseil de surveillance des ARS aura ainsi la possibilité de proposer des adaptations territoriales.

Bien évidemment, dans notre esprit, ce décret doit être pris au plan national. Toutefois, si l’on veut territorialiser un peu les choses, afin de mieux prendre en compte les difficultés locales, consulter les ARS me semble tout à fait pertinent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La préparation du décret implique la consultation des acteurs concernés, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi. Toutefois, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Le décret en Conseil d’État sera structurant et transversal. Il permettra de définir les modalités nationales d’organisation des épreuves de deuxième cycle d’accès, d’orientation et d’affectation dans le troisième cycle des études de médecine.

Il existe déjà des processus de consultation et de concertation obligatoires, préalablement à la publication des textes réglementaires. Il n’est pas d’usage qu’un décret en Conseil d’État – texte d’application générale par nature et donc non modulable selon les territoires – soit soumis à des instances locales telles que les conseils de surveillance des ARS.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est également défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 88 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 795, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

mentionnées au 1° du I

II. – Alinéa 10, seconde phrase

1° Remplacer le mot :

ci-dessus

par les mots :

au 1° du I

2° Remplacer la référence :

1° A du présent II

par la référence :

1° du I

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de coordination.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 795.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 370 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand, Castelli et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Requier, Vall et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, et notamment les modalités de la prise en compte d’un double cursus dans le cadre des études médicales

La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Cet amendement ne concerne pas les déserts médicaux, mais la recherche. Nous l’avons déposé après avoir été interpellés par plusieurs étudiants en double cursus médecine-sciences sur les difficultés qu’ils éprouvent à allier ces deux parcours, pourtant complémentaires.

Ce double cursus permet en effet de former des cliniciens à la recherche fondamentale, clinique et translationnelle par l’acquisition d’une formation à la recherche et d’un doctorat de sciences, au cours des études de médecine. Grâce à cette double compétence, ils participent au développement des innovations cliniques, enjeu majeur pour les patients et la médecine française de demain.

Le Gouvernement a indiqué vouloir prendre davantage en considération les à-côtés dans l’évolution des étudiants en médecine. Les auteurs de cet amendement proposent donc d’inscrire directement dans la loi la prise en compte de ces doubles cursus, qui représentent une chance pour la France.

Aujourd’hui, il paraît très difficile à un étudiant en médecine de poursuivre son cursus de sciences en raison des fortes exigences dans les deux matières, à la fois en termes de révision et en termes de présence au stage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cette préoccupation a paru légitime à la commission. Est-il pour autant nécessaire de l’inscrire dans la loi ? Le Gouvernement a-t-il prévu de répondre à cette situation par voie réglementaire ? Mme la ministre pourra sans doute nous éclairer sur cette question…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. La réforme des modalités d’entrée en troisième cycle prévoit bien de prendre en compte le parcours antérieur. Bien évidemment, les doubles cursus médecine-sciences seront très largement considérés, comme c’est déjà le cas en pratique. Il s’agit d’investissements personnels très importants.

Pour autant, inscrire cette dimension précise dans la loi impliquerait d’inscrire également tous les autres parcours et toutes les autres adaptations nécessaires. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, déjà satisfait ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Guillotin, l’amendement n° 370 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 370 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 120 rectifié bis est présenté par Mmes Deseyne, Lassarade et Micouleau, MM. Longuet et Danesi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud, Gruny et Puissat, MM. Morisset, Sol et Brisson, Mmes L. Darcos et Bruguière, MM. Lefèvre, Cuypers, Poniatowski, Savary et del Picchia, Mme Raimond-Pavero, M. Bonne, Mme Chauvin, MM. Mandelli, B. Fournier, Rapin, Piednoir, Pierre, Charon et Sido, Mme Lamure, M. Segouin, Mme de Cidrac et M. Laménie.

L’amendement n° 643 rectifié ter est présenté par Mme Imbert, M. Pointereau, Mmes Malet, Garriaud-Maylam, Deroche et Richer, MM. D. Laurent, Piednoir et Mouiller et Mme Gruny.

L’amendement n° 776 rectifié bis est présenté par MM. Gremillet et Panunzi, Mmes Thomas, Chain-Larché et Garriaud-Maylam et MM. Bonhomme, Karoutchi, de Nicolaÿ, Chatillon et Magras.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, et la réalisation de stages hors établissement hospitalier public

La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 120 rectifié bis.

Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à multiplier les stages hors hôpital, ce qui permettra d’irriguer rapidement le territoire avec des internes. Cela permettra également aux étudiants de découvrir les différentes modalités de l’exercice de la médecine et, peut-être, de susciter des vocations d’installation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 643 rectifié ter.

Mme Corinne Imbert. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 776 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 613 rectifié bis, présenté par Mme Sollogoub, MM. Bonnecarrère, Canevet, Henno et Janssens, Mme Vermeillet, M. Delahaye, Mme C. Fournier, M. Moga, Mmes Férat, Perrot et Billon, M. Cazabonne et Mmes de la Provôté, Saint-Pé et Vullien, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et de réalisation de stages auprès de praticiens agréés-maîtres de stages des universités

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. À condition d’y être accueillis par des praticiens agréés-maîtres de stage, les étudiants pourraient également effectuer leur stage dans les cliniques privées. Cette disposition permettrait de multiplier les possibilités de stage, alors que certains étudiants ne trouvent pas de lieux d’accueil.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Ces trois amendements visent à développer les stages de troisième cycle réalisés en ambulatoire.

À cet égard, la rédaction de l’amendement n° 613 rectifié bis a paru la plus pertinente à la commission, les autres amendements faisant référence à des stages hors hôpital public, qui ne recouvrent pas uniquement le champ ambulatoire.

La commission demande donc le retrait des amendements nos 120 rectifié bis et 643 rectifié ter au profit de l’amendement n° 613 rectifié bis ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous sommes très attachés à la diversification des terrains de stage. C’est quelque chose d’important.

Le troisième cycle permet de renforcer encore le développement d’une offre de stage diversifiée, notamment en ambulatoire dans des cabinets libéraux, dans des centres de santé et dans des maisons de santé pluridisciplinaires. Il est également possible d’effectuer des stages dans des cliniques, par convention.

Tous les terrains de stage seront les bienvenus. L’enjeu est toujours le même : il s’agit d’identifier et de former les praticiens maîtres de stage pour permettre aux vieux internes, ou aux jeunes médecins, de toujours bénéficier de conseils et d’accompagnement. C’est le cœur de ce qui fait aujourd’hui la qualité de notre formation. Vérifier la diversité de ces stages fera partie du suivi et de l’évaluation de cette réforme.

Les objectifs poursuivis par les auteurs de ces amendements étant déjà satisfaits, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Deseyne, l’amendement n° 120 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Chantal Deseyne. Non, je le retire.

Mme Corinne Imbert. Je retire également mon amendement !

Mme la présidente. Les amendements nos 120 rectifié bis et 643 rectifié ter sont retirés.

Je mets aux voix l’amendement n° 613 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 224, présenté par M. Lafon, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que de stages dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, telles que définies en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique

La parole est à M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis.

M. Laurent Lafon, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Cet amendement étant satisfait par l’adoption de l’amendement n° 1 rectifié quater, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 224 est retiré.

L’amendement n° 119 rectifié bis, présenté par Mmes Deseyne, Lassarade et Micouleau, MM. Longuet et Danesi, Mmes Deromedi, Gruny et Puissat, MM. Morisset et Brisson, Mme Bruguière, MM. Lefèvre, del Picchia, Savary, Poniatowski, Cuypers et Mandelli, Mme Chauvin, MM. Bonne, Pierre, Piednoir, Gilles, Rapin, B. Fournier, Charon et Sido, Mmes A.M. Bertrand, Lamure et de Cidrac et MM. Laménie et Gremillet, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

ouverts

insérer les mots :

, y compris dans le secteur libéral, de l’hospitalisation privée et du médico-social,

La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à faire bénéficier les étudiants d’une formation mixte, hospitalière et libérale. Il me semble important que le décloisonnement intervienne dès les études médicales.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 119 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 63 amendements au cours de la journée ; il en reste 610.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Discussion générale

3

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 4 juin 2019 :

À neuf heures trente :

Trente-six questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (texte de la commission n° 525, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 4 juin 2019, à zéro heure vingt-cinq.)

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER