M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Les amendements nos 88 rectifié et 40 rectifié ter ont un objet identique. Ils visent à intégrer dans la PPE des scénarios alternatifs prenant en compte la sûreté nucléaire. De telles modifications ne sont pas utiles au regard du droit existant. En effet, le code de l’énergie prévoit déjà l’obligation de fixer dans la PPE, pour la seconde période de cinq ans qu’elle couvre, des options hautes et basses en fonction des hypothèses envisagées.

Le pouvoir réglementaire peut donc tout à fait moduler les objectifs inscrits dans la PPE pour prendre en compte la sûreté nucléaire. Au demeurant, c’est déjà ce qui se passe en pratique, puisque, dans le cadre du projet de PPE, le Gouvernement se réserve la possibilité de demander la fermeture de réacteurs supplémentaires à EDF sous conditions assez strictes, notamment pour faire face à une décision éventuelle de l’ASN de suspendre le fonctionnement de plusieurs réacteurs pour une raison de sûreté.

Enfin, l’ajout d’informations sur la sûreté nucléaire au sein de la PPE alourdirait son contenu, alors que la commission a prévu qu’une feuille de route des opérations de démantèlement des installations nucléaires lui soit annexée.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Le projet de PPE définit une trajectoire crédible et réaliste de réduction de nos capacités nucléaires, avec notamment la fermeture de quatorze réacteurs d’ici à 2035. Cette trajectoire prévoit des fermetures de réacteurs, hors Fessenheim, au plus tôt en 2025. Elle assure donc à l’État une marge de manœuvre suffisante pour tenir compte des premières décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire en matière de prolongation des réacteurs au-delà de quarante ans et, ainsi, ajuster le nombre de réacteurs in fine arrêtés pour des raisons de politique énergétique.

Il ne paraît donc pas utile d’ajouter cette précision renvoyant à des scénarios alternatifs. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Je suis en grande partie d’accord avec vos propos, monsieur Dantec. Certaines centrales nucléaires ayant le même âge pourront probablement être prolongées, d’autres non. C’est assez curieux, mais c’est ainsi.

Madame la ministre, vous connaissez très bien le sujet pour avoir été directrice de cabinet de Mme Ségolène Royal. J’ai commis avec le député Christian Bataille, dans le cadre d’une mission parlementaire de l’Opecst présidée par Claude Birraux, un rapport démontrant qu’atteindre l’objectif de ramener à 50 % la part du nucléaire était, sinon impossible, du moins extraordinairement difficile, d’autant que des problèmes imprévus surgissent. Ainsi, l’Opecst mènera tout à l’heure une audition particulièrement importante sur le scandale de l’EPR de Flamanville, dont le démarrage est repoussé d’on ne sait combien d’années, ce qui reporte d’autant la fermeture de Fessenheim. Une telle situation était imprévisible a priori.

Par conséquent, s’il est bien de se fixer des objectifs, il faut être réaliste. Sinon, de deux choses l’une : soit il y aura des pénuries d’électricité en période de pointe, soit il faudra avoir recours à des importations massives d’électricité produite à partir de lignite, fortement émetteur de CO2.

J’appelle donc les uns et les autres à la plus grande vigilance et au plus grand réalisme sur cette question, car les Français entendent qu’on leur fournisse de l’électricité. Il ne s’agit pas de se faire plaisir en inscrivant telle ou telle disposition dans la loi !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Les précisions apportées par le rapporteur m’amènent à retirer l’amendement n° 88 rectifié. Un autre combat nous attend : il va falloir se mobiliser contre l’amendement n° 226 du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 88 rectifié est retiré.

Madame Préville, l’amendement n° 40 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Angèle Préville. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 32 et 33

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. L’alinéa 32 vise à prévoir, en annexe à la programmation pluriannuelle de l’énergie, une feuille de route relative aux opérations de démantèlement des installations nucléaires.

Si le succès du démantèlement de ces installations est essentiel, une telle feuille de route n’a pas vraiment sa place en annexe de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit rester un document de politique énergétique. Les éléments relatifs aux installations nucléaires sont par ailleurs débattus dans le cadre du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, qui fait actuellement l’objet d’un débat public.

De plus, le choix des réacteurs à fermer est d’abord du ressort de l’exploitant des centrales nucléaires. Les désigner dans une annexe à la PPE serait de nature à prolonger les discussions sur ce document et à introduire des retards préjudiciables pour la politique énergétique.

Pour ces raisons, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 32.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Dans un souci de rationalisation des outils de pilotage, la commission a refondu les feuilles de route annexées à la PPE en les ciblant sur l’essentiel : la rénovation thermique, qui découle d’une directive européenne du 30 mai 2018, le démantèlement des installations nucléaires, sur proposition de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, l’association des citoyens et des collectivités à la production d’énergie renouvelable, sur proposition de Mme Préville et de plusieurs de ses collègues. Il est d’ailleurs regrettable, madame la ministre, que le Gouvernement envisage de revenir sur ces deux derniers documents qui concourent à renforcer l’information du grand public sur des sujets essentiels.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. La PPE a vocation à fixer, énergie par énergie, les grandes orientations de la politique énergétique française. Pour ce faire, elle précise aussi les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs. Madame la ministre, comment pouvez-vous prévoir de ramener à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique en 2035, donc engager la fermeture de quatorze réacteurs, sans préciser quels moyens vous allez mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ?

Par ailleurs, vous soutenez que le choix des réacteurs à fermer est d’abord du ressort de l’exploitant. Certes, le décret du 8 avril 2017 portant abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim a été annulé en justice, mais ce choix résultait bien d’une décision politique.

Par conséquent, sans présager de vos décisions futures sur la construction d’un nouvel EPR ou de la concrétisation du projet Astrid, le démantèlement des deux réacteurs de Fessenheim, puis d’autres, dans les délais prévus doit plus que jamais, à mon avis, être inscrit dans cette feuille de route et engager le développement rapide de la filière du démantèlement.

Je rappelle que cette filière ne parvient pas à recruter et qu’elle manque cruellement de personnels, plus aucun étudiant n’ayant évidemment envie de s’y engager.

Il est donc important de formaliser de manière forte les moyens que vous comptez mettre en œuvre dans cette filière.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue en tant que ministre de l’écologie et je vous souhaite bon courage pour les prochains mois !

L’amendement du Gouvernement, permettez-moi de le dire, aura un effet pédagogique désastreux, au moment où le Sénat se préoccupe enfin de la fermeture d’un certain nombre de centrales nucléaires, question qui fut longtemps taboue. Certes, le démantèlement est un angle mort de notre discussion, et comme l’a très bien dit Mme la rapporteure pour avis, c’est un point important, y compris pour déterminer les centrales qu’il faudra fermer en priorité. Il y a donc bien un lien entre le démantèlement et les choix de fermeture dans le cadre de la PPE.

Alors que Sénat accepte de discuter de la réduction de la part du nucléaire de manière assumée, ce qui n’a pas toujours été le cas – je me suis un peu enflammé hier, vous n’étiez pas encore là, en parlant de moment « historique » –, vous voulez supprimer cette avancée collective ? Ce n’est pas un bon signal.

Je pense que le Sénat conservera les alinéas 32 et 33 de l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. M. Dantec a probablement raison lorsqu’il parle d’« effet pédagogique désastreux ».

Quand on ferme une centrale nucléaire, il faut évidemment prévoir son démantèlement. Je rappelle toutefois que la centrale de Chooz A, fermée depuis longtemps, n’a toujours pas été complètement démantelée, de même que celle de Brennilis. Permettez-moi de rafraîchir la mémoire de ceux qui l’auraient oublié ! Savez-vous pourquoi la centrale Chooz A n’a pas été démantelée ? C’est parce que les écologistes de l’époque ont trouvé une faille dans la procédure et qu’ils ont réussi à arrêter le démantèlement. Les écologistes !

M. Ronan Dantec. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Sido. Le démantèlement des centrales est extraordinairement difficile et onéreux. Par conséquent, prévoir un programme de démantèlement, des délais et un calendrier précis va au-delà de nos possibilités techniques, financières et politiques.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre. Ce sujet est bien sûr important. Je relève simplement qu’il est abordé dans le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.

La question, comme nous le verrons au cours de l’examen des amendements suivants dans quelques instants, est de savoir combien de feuilles de route nous souhaitons ajouter en annexe de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Celle qui est proposée en l’espèce pourrait être adoptée, en dépit de l’avis du Gouvernement. Je pense toutefois qu’il ne faut pas ajouter de feuilles de route portant sur des sujets déjà traités ailleurs.

Tel était le sens de l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Madame la ministre, mon intervention portera sur l’alinéa 33, sur lequel j’avais déposé un amendement. Je rappelle qu’il prévoit l’ajout d’une annexe sur la stratégie pour le développement des projets de production d’énergie renouvelable dont tout ou partie du capital est détenu par les citoyens, les collectivités territoriales et leurs groupements.

Il s’agit de faire en sorte que les citoyens et les collectivités territoriales puissent s’approprier ces sujets. Cela me semble vertueux et essentiel pour notre époque.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 174, présenté par M. Jacquin, Mme Préville, MM. Courteau, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Tocqueville et Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 32

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle comprend en annexe une feuille de route de la réduction de la consommation énergétique du transport aérien et du transport maritime déclinant l’objectif de réduction de la consommation énergétique de ces secteurs. »

La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Je salue l’intervention de M. le rapporteur sur le travail qui a été fait à propos de la réorganisation des feuilles de route issues des travaux de l’Assemblée nationale. Ces feuilles de route ont un sens. Nous allons pour notre part proposer d’en ajouter plusieurs.

L’amendement n° 174 vise à ajouter en annexe de chaque programmation pluriannuelle de l’énergie une feuille de route de réduction de la consommation énergétique du transport aérien et du transport maritime.

Bien que le secteur aérien représente moins de 2 % des émissions de gaz à effet de serre par passager transporté, ses émissions sont très élevées par comparaison avec celles d’autres modes de transport. Alors que le trafic aérien mondial devrait doubler à l’horizon 2050 et que la France est en pointe dans l’innovation technologique et industrielle dans le secteur aérien, il paraît nécessaire d’accompagner le verdissement de ce dernier.

Quant au transport maritime, lors de leur stationnement dans les ports, les grands navires continuent très majoritairement de se fournir en énergie en consommant des carburants lourds. Ils émettent ainsi une quantité très importante de polluants atmosphériques, notamment du soufre, de l’oxyde d’azote et des particules fines. La réglementation internationale en vigueur, bien qu’elle exige l’utilisation de carburants moins polluants lors du séjour en port que pendant la navigation, reste très peu efficace. Le plus haut standard appliqué pour le fioul marin admet une quantité de soufre 100 fois supérieure à celle qui est autorisée depuis quinze ans pour le fioul de nos voitures, soit un ratio de 0,1 % contre 0,001 %. Le carburant qui sera utilisé massivement à partir de 2021 contiendrait toujours 500 fois plus de soufre.

Une feuille de route permettant de suivre l’évolution de la consommation énergétique dans ces deux secteurs serait tout à fait pertinente et intéressante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement pose trois difficultés.

Tout d’abord, son adoption aboutirait à la multiplication du nombre d’annexes jointes à la PPE – nous l’avons déjà dit – alors que le travail de la commission a consisté à simplifier.

En outre, le document proposé n’est pas utile, la commission ayant déjà prévu qu’un volet existant de la PPE identifierait « les usages pour lesquels l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire sont une priorité ». Les transports aérien et maritime pourront être pris en compte dans ce cadre.

Enfin, et surtout, ces transports n’étant pas clairement limités dans l’amendement aux sociétés ayant leur siège social en France ou assurant des liaisons à destination et au départ de notre pays, le dispositif pourrait conduire à évaluer la consommation énergétique de sociétés étrangères.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. J’ajouterai quelques éléments à ce que vient de dire M. le rapporteur.

La PPE, comme vous le savez, comprend déjà un volet « transport », avec la stratégie de développement de la mobilité propre, qui inclut tous les modes de transport.

Par ailleurs, les transports aérien et maritime domestiques sont bien inclus dans les émissions territoriales de la France, mais ce n’est pas le cas du transport international. Au regard de la croissance actuelle et attendue du secteur, le Gouvernement a été favorable à la définition du budget carbone additionnel pour les transports aérien et maritime internationaux, afin qu’ils soient bien inclus dans nos stratégies.

Je souligne également que la loi d’orientation des mobilités prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la décarbonation des transports aérien et maritime.

Vous savez que nous défendons l’objectif de décarbonation dans toutes les instances internationales et européennes. Nous soutenons également la recherche et le développement dans ce but, notamment dans le secteur aérien.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Effectivement, la loi d’orientation des mobilités prévoit un rapport sur cette question en particulier. L’amendement que je défends tend, lui, à instaurer un suivi du verdissement des transports maritime et aérien dans les PPE successives.

Ce qui intéresse nos concitoyens est non pas de savoir s’il y a trop de feuilles de route, mais comment rendre les transports maritime et aérien plus vertueux. Je maintiens donc cet amendement, qui me paraît pertinent compte tenu de l’enjeu que constitue la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la sensibilisation du grand public à ces questions.

Le transport maritime est un très gros émetteur de gaz à effet de serre. Cette question doit être suivie dans la durée et non pas faire l’objet d’un unique rapport.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Je ne voterai pas pour cet amendement, mais je tiens à dire que le sujet abordé est important, s’agissant à la fois du domaine intérieur, qui relève de notre responsabilité, et du domaine extérieur.

Permettez-moi de rappeler l’enjeu aujourd’hui en termes de pollution simplement – je ne parle même pas de lutte contre le réchauffement climatique. À l’échelle de la planète, la pollution résultant du trafic maritime est équivalente à la pollution due au trafic automobile.

Alors j’entends dire que ce n’est pas le moment, qu’on propose trop de feuilles de route, mais on n’affronte pas le problème comme il conviendrait de le faire.

Que l’État réalise donc un état zéro, madame la ministre – ce sera plus facile –, avec l’ensemble des partenaires concernés du monde économique et industriel et les collectivités. Cela nous permettra de disposer d’éléments afin d’enrichir le débat public et nous conduira collectivement à être plus raisonnables, plus responsables. Peut-être que cela nous permettra également de mobiliser plus facilement des fonds aux côtés de nos concitoyens, qui nous rappellent régulièrement, parfois peut-être maladroitement, l’urgence à agir contre le réchauffement climatique.

Pour ma part, je le répète, je me préoccupe d’abord et surtout de la pollution de l’air.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. L’amendement d’Olivier Jacquin est tout à fait justifié.

Avez-vous eu connaissance de cette information selon laquelle les paquebots dans les ports polluent plus que des dizaines de milliers de voitures ? Pouvons-nous ne pas en tenir compte dans nos votes et faire comme si cela n’existait pas ? Il y a de plus en plus de paquebots, qui polluent de plus en plus. On a appris dans un reportage diffusé sur une chaîne nationale que des habitants allaient quitter le port près duquel ils habitaient depuis des dizaines d’années parce que la situation devenait insupportable.

Il existe certainement des solutions techniques, mais, en attendant, que les paquebots ne viennent plus dans les ports. Chaque année, 48 000 personnes décèdent du fait de la pollution ! On ne peut pas laisser mourir les gens ainsi ! Il faut s’attaquer au problème.

Il ne sert à rien de ne pas adopter l’amendement proposé tout en considérant qu’il faudra bien s’attaquer au problème qu’il tend à soulever. Il faut le faire maintenant !

Plusieurs villes d’Europe interdisent désormais à ces immenses paquebots d’accéder à certains ports, en attendant qu’ils soient équipés. Le gros problème, c’est que les moteurs, qui fonctionnent avec du fioul lourd, voire avec des fiouls impensables, tournent jour et nuit, y compris lorsque le paquebot est à l’arrêt. Pour les populations et pour les villes concernées, la pollution entraînée est épouvantable.

Il faut légiférer sur de telles questions ! On ne peut pas faire n’importe quoi dans un port et polluer ainsi. Il faut ensuite trouver des solutions techniques. Pour ce faire, mettons-nous autour d’une table, comme nous y invite Jean-François Husson.

Le reportage que j’ai vu était impressionnant, madame la ministre : il montrait, je le répète, que les paquebots polluent autant que des dizaines de milliers de voitures, y compris de voitures diesel !

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Chacun en a entendu parler à la radio ou a vu à la télévision les problèmes qui se posent à Marseille en particulier. Je suis entièrement d’accord sur le fond avec l’amendement de M. Jacquin s’agissant du transport maritime. Le transport aérien est une autre question.

On devrait obliger les bateaux qui sont à quai à se fournir en électricité sur le quai. Naturellement, si la France imposait seule cette obligation, les paquebots ne viendraient plus dans nos ports. Loin de moi l’idée de donner une injonction au Gouvernement, mais ne pourrait-on pas instaurer cette obligation à l’échelle européenne ? Cela me paraît élémentaire.

Si les moteurs continuent de tourner, c’est parce que le fioul lourd nécessite d’être réchauffé, avec du fioul lourd qu’on fait brûler, tout simplement ! Il y a là un véritable problème, qu’il faut régler au fond, à l’échelon européen et non pas seulement français.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 161, présenté par MM. M. Bourquin et Courteau, Mmes Préville, Artigalas et Conconne, MM. Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Montaugé, Tissot, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mme Tocqueville, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 33

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La programmation pluriannuelle de l’énergie comprend en annexe une feuille de route de la réduction de la consommation énergétique du transport terrestre routier de marchandises déclinant l’objectif de réduction de la consommation énergétique de ce secteur. »

La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Cet amendement se justifie par son texte même.

Il s’agit d’organiser le basculement de la route vers le fer et de décliner systématiquement l’objectif de réduction des émissions de CO2 et de consommation d’énergie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Je me suis abstenu de prendre la parole après M. Sido, mais je partage totalement son point de vue. Madame la ministre, après le débat que nous venons d’avoir, il est nécessaire de mettre en œuvre de façon urgente une politique européenne concernant les ports. L’enjeu est stratégique. Je ne relance pas le débat.

Sur l’amendement n° 161, je répète ce que j’ai déjà dit : d’une part, il n’est pas souhaitable de multiplier les feuilles de route, d’autre part, les sujets énergétiques liés au transport terrestre pourront être étudiés dans le volet sur la réduction de la consommation énergétique de la PPE.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je suis évidemment très sensible aux enjeux de pollution et à la problématique des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports aérien et maritime.

Dans le secteur maritime, l’enjeu, et il est important, est de réduire la pollution dans les ports. À cet égard, je puis vous assurer que le Gouvernement est pleinement mobilisé. De nouvelles normes prévoyant une baisse de la teneur en soufre entreront en vigueur le 1er janvier 2020. Vous le savez, nous plaidons en faveur d’une zone à plus faible émission, notamment en mer Méditerranée, comme il en existe dans la Manche et en mer du Nord. La réduction de la pollution passe aussi par la mise en œuvre de dispositifs de branchement à quai des navires. Les Français ne comprennent effectivement pas de voir les panaches de fumée des navires en attente dans les ports.

Comme l’a dit M. le rapporteur, une stratégie de développement de la mobilité propre est d’ores et déjà prévue, laquelle traitera notamment du transport routier de marchandises.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 161. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Bourquin, l’amendement n° 161 est-il maintenu ?

M. Martial Bourquin. Non, je le retire, monsieur le président.

J’indique par ailleurs, à l’intention de mes collègues qui réclament une politique européenne, que la Norvège…

M. Bruno Sido. Elle ne fait pas partie de l’Union européenne !

M. Martial Bourquin. … vient d’interdire définitivement la déforestation.

Il ne faut pas toujours attendre l’Europe ! Une politique européenne est effectivement nécessaire, mais nous devons aussi prendre nos responsabilités. Si nous décidions d’interdire aux paquebots de fonctionner au fioul lourd à quai, si des branchements à quai étaient possibles pour éviter toute pollution, nous rendrions nos ports beaucoup plus attractifs d’un point de vue touristique.

M. le président. L’amendement n° 161 est retiré.

L’amendement n° 81, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Une feuille de route de la contribution des installations de cogénération bois à haut-rendement à la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 est publiée en annexe à chaque programmation pluriannuelle de l’énergie.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Cet amendement paraîtra peut-être anodin, mais il ne l’est pas. Il vise lui aussi la publication d’une feuille de route en annexe de la PPE, mais tel n’est pas son véritable objet.

Il s’agit, pour le Sénat et le Gouvernement, de réaffirmer l’intérêt de la cogénération bois à haut rendement. Cette solution est l’une des plus efficaces pour maîtriser les problématiques environnementales.

Dans mon département, une entreprise spécialisée, qui a mené des recherches avec l’université de technologie, a mis au point des techniques exemplaires et va demain se développer sur un autre site, à Lacanau. D’autres entreprises sont susceptibles à l’avenir de valoriser les massifs forestiers grâce à la cogénération bois à haut rendement. Il faut donc réaffirmer, madame la ministre, mes chers collègues, l’intérêt de cette méthode.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Nous avons débattu ce matin en commission du sujet qui vient d’être abordé. Je l’ai dit, mais vous n’avez pas eu l’occasion de m’entendre, madame la ministre, nous regrettons que l’enjeu agricole et forestier pour la France ne soit pas suffisamment pris en compte dans la PPE, compte tenu de l’importance des massifs forestiers pour la captation des gaz à effet de serre.

J’ajoute – et j’associe à mes propos Anne-Catherine Loisier et mes collègues de la commission des affaires économiques – que, compte tenu de l’évolution du climat, nous faisons face à de véritables problèmes dans les massifs forestiers. Nous assistons à des dépérissements forestiers dans toutes les régions françaises. Nous devons travailler sur ces questions.

Cela étant, je tiens à vous rassurer, mes chers collègues, la forêt française continue de croître en surface, mais il ne s’agit pas forcément de forêts très efficaces en termes de captation. Je n’ouvrirai pas le débat sur ce sujet, mais il s’agit là d’un véritable problème.

S’il était adopté, cet amendement, qui tend à la création d’une annexe dédiée à la cogénération bois à haut rendement, complexifierait le contenu de la PPE.

Par ailleurs, il est pour partie satisfait par les dispositions introduites à l’article 1er en commission.

D’une part, la « valorisation de la biomasse à des fins énergétiques » et la « production simultanée de chaleur et d’électricité » ont été inscrites parmi les objectifs de la politique énergétique. J’insiste sur le fait que les deux doivent être simultanés. Faire de la biomasse sans valoriser la chaleur n’a pas de sens. De très bons rendements sont nécessaires. Nous le savons, nous en sommes capables aujourd’hui.

D’autre part, les gisements d’énergies renouvelables valorisables devront faire l’objet d’une quantification, par filière et par zone géographique, dans le cadre du volet de la PPE portant sur l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération. Le développement de la cogénération bois pourra tout à fait s’inscrire dans ce nouveau cadre.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui est en grande partie satisfait par les amendements que nous avons adoptés hier soir. À défaut, elle émettra un avis défavorable.