Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Monsieur le ministre, vous nous avez récemment encouragés à penser le professeur du XXIe siècle. L’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », consacrés à 92 % aux dépenses de personnel, dont l’effectif est de près de 1 million, m’offre l’occasion d’aborder concrètement ce sujet.

Penser le professeur du XXIe siècle, c’est d’abord dessiner les contours d’un métier qui, demain, serait redevenu attractif parce que mieux payé, parce que bénéficiant d’une gestion des ressources humaines de proximité, promouvant l’individu, en lieu et place d’une gestion de masse, enfin parce qu’appuyé sur un système de formation rénové.

Monsieur le ministre, vous le savez, l’attractivité passe par la revalorisation des traitements. Évidemment, le salaire ne fut jamais le seul critère de choix de ce métier, mais, comme l’a dit notre excellent rapporteur Jacques Grosperrin, on ne saurait sous-estimer le sentiment de déclassement social des professeurs de France. Ainsi, est-il acceptable que leur salaire net moyen soit inférieur de 1 000 euros au traitement moyen d’un fonctionnaire de catégorie A ne travaillant pas pour le ministère de l’éducation nationale ?

Certes, on constate, ces dernières années, une réelle volonté de revalorisation. Je pense au protocole PPCR, pour lequel près de 400 millions d’euros sont inscrits au projet de budget pour 2020. Je pense également à la proportion plus grande de promotions à la hors classe, à la création d’une classe exceptionnelle ou encore aux heures supplémentaires défiscalisées. Je ne sous-estime donc pas l’effort qui a été consenti. Je connais aussi les effets de masse sur le budget de l’État d’une revalorisation des salaires pour les cohortes les plus nombreuses de la fonction publique. Il n’en demeure pas moins qu’il n’y aura pas d’attractivité nouvelle s’il n’y a pas de revalorisation.

Au-delà, il faut réfléchir à l’individualisation des parcours.

Dans notre rapport, Françoise Laborde et moi-même avons proposé de recourir aux contrats de mission. Le système éducatif y gagnerait des professeurs expérimentés et des équipes stables là où les besoins se font sentir, les professeurs des parcours où l’ancienneté ne serait pas le seul critère majeur de la mobilité et de la promotion, comme M. le rapporteur spécial l’a fort bien dit. Cependant, il faut, pour cela, rompre davantage avec l’indifférenciation des postes à pourvoir et des profils. C’est ainsi que le métier s’inscrira dans la logique des jeunes générations, qui n’entrent plus dans la carrière pour la vie, mais cherchent à exercer un métier dont elles tirent une expérience qu’elles pourront valoriser ailleurs.

Penser le professeur du XXIe siècle, c’est également souhaiter un professeur mieux formé. C’est une priorité pour nous comme pour vous.

Avec la loi pour une école de la confiance, vous voulez mieux assurer la formation des professeurs, centrée sur les apprentissages fondamentaux. Vous avez raison. Vous réfléchissez à mieux articuler formation initiale et prérecrutement – nous vous accompagnons dans cette voie –, formation initiale et formation continue – c’est la clé –, formation continue et rendez-vous de carrière. Vous souhaitez d’ailleurs relancer cette formation continue au travers d’un nouveau schéma directeur.

Reste que, « en même temps », vous laissez stagner les crédits dans le second degré. Vous les faites même baisser de 3,45 % dans le premier degré !

Enfin, penser le professeur du XXIe siècle, c’est aussi penser une profession débarrassée de toute différenciation de salaire entre les femmes et les hommes. La différence s’élève encore à 13 %, en faveur des hommes. Que la proportion de femmes soit plus importante dans le premier degré n’explique pas tout, puisque, parmi les professeurs des écoles, le salaire net des hommes demeure supérieur de 11 % à celui des femmes. Or la mission éducative est, par essence, une affaire de femmes et d’hommes, soutenus par la société, confortés par leur ministre et respectés par les élèves et les parents.

L’actualité tragique de ces derniers mois montre que ce n’est, hélas ! pas encore le cas. Le recul des inscriptions aux concours cette année souligne, au contraire, le chemin qui reste à parcourir.

Pourtant, mieux formés, mieux payés, davantage écoutés quant à leurs aspirations individuelles au service de leurs missions, les professeurs du XXIe siècle seront mieux à même de relever les défis de notre école, qui, comme vous le savez, monsieur le ministre, sont, pour une large part, les défis de notre société.

Il me semble que nous partageons cette ambition, et vous ne ménagez pas votre peine. Cependant, si les membres de mon groupe voteront les crédits de la mission, dans le prolongement des propos de Gérard Longuet, je regrette que ce budget ne soit pas encore celui qui permettra l’émergence progressive d’un cadre rénové pour renouer avec l’attractivité du métier de professeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2020, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’élèvent à plus de 74 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

On constate que les dépenses en faveur de cette mission, qui constitue le premier poste de dépense de l’État, progressent, cette année encore, de près de 2 % par rapport à la loi de finances précédente, soit une hausse de 1,37 milliard d’euros.

Cette dynamique budgétaire demeure principalement soutenue par l’évolution des rémunérations de personnel. Soulignons que près de 1 million de personnes sont concernées, leurs rémunérations représentant 92 % de la somme dont nous débattons aujourd’hui.

Deux raisons principales expliquent cette hausse : la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », pour plus de 304 millions d’euros, et la revalorisation de l’indemnité de sujétions des agents en REP+. Après une première revalorisation lors de l’année scolaire 2018-2019, une nouvelle revalorisation a été annoncée pour l’année 2019-2020. D’un montant de près de 1 000 euros, elle est budgétée à hauteur de 58,6 millions d’euros. Enfin, je veux souligner la création de 440 postes supplémentaires, en dépit du contexte de baisse démographique. Elle profitera en particulier à l’école rurale.

En outre, les priorités politiques sont pertinentes et s’inscrivent dans une certaine continuité, qu’il faut saluer et soutenir.

Bien évidemment, je pense surtout au soutien apporté au premier degré, mais aussi à une série d’initiatives « à vocation sociale », qui permettent de mieux accompagner l’ensemble des élèves vers la réussite qu’ils méritent.

Ainsi, les crédits du programme 140, relatif à l’enseignement public primaire, connaissent, une nouvelle fois, une augmentation. Celle-ci s’explique par la poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les établissements classés en REP et en REP+ et par l’obligation de l’instruction dès 3 ans, que le Sénat a votée au premier semestre et dont l’impact budgétaire est estimé à 117 millions d’euros. Ces deux mesures visent en particulier à aider les enfants issus des milieux les plus fragiles.

Le programme 141, consacré à l’enseignement public secondaire, concentre quant à lui 33 % de l’augmentation des crédits. Les montants de dépenses de personnel sont en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.

L’augmentation de plus de 290 millions d’euros des crédits du programme 230 pour la vie de l’élève traduit principalement la priorité donnée par le Gouvernement à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Depuis la rentrée 2012-2013, les mesures d’accompagnement connaissent une hausse de près de 50 %, avec 3 milliards d’euros qui leur sont consacrés.

Certes, il reste du chemin à parcourir. Je pense en particulier à l’attention que nous devons porter au recrutement et à la formation des AESH, dont le nombre s’accroîtra de 4 000 à la rentrée 2020. Espérons que cela répondra à la grande attente des parents et de leurs enfants. Il me semble que nous soutenons tous, ici, cette priorité.

En conclusion, je souhaite rappeler que l’augmentation en valeur des crédits de paiement de la mission par rapport à 2019 constitue la troisième plus importante du budget général, derrière les hausses dont bénéficient les missions « Défense » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Par ailleurs, je partage entièrement les propos tenus par mon collègue Antoine Karam sur le programme relatif à l’enseignement agricole. Nous soutenons la hausse du budget dédié, la volonté d’accompagner l’effort de communication et de valorisation de ces établissements d’excellence au niveau local, de même que nous nous félicitons du rapprochement opéré entre le ministère de l’éducation nationale et celui de l’agriculture et de l’alimentation.

Pour les années futures, le Président de la République a annoncé, à l’issue du grand débat national, deux importantes mesures : la limitation du nombre d’élèves par classe à vingt-quatre en grande section, CP et CE1 sur l’ensemble du territoire d’ici à la rentrée de 2022 et le dédoublement des classes de grande section de maternelle en REP et en REP+.

Au-delà de ces deux annonces fortes, il conviendra d’ouvrir d’autres chantiers : le statut, le rôle et la mission du directeur d’école ; la redéfinition et l’évolution du métier d’enseignant, avec, bien évidemment, à la clé, sa revalorisation ; l’orientation, qui ne doit pas s’assimiler à une assignation des élèves à des formations qu’ils n’ont pas véritablement choisies.

Maintenir la priorité à l’école primaire et aux élèves les plus en difficulté est essentiel si nous voulons construire cette école de la réussite pour toutes et tous.

Dans cette perspective, afin de soutenir votre volonté, affichée très fortement, de promouvoir une école de la réussite accessible à tous, les membres de mon groupe voteront bien évidemment en faveur de l’adoption des crédits de la mission.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment d’examiner le plus gros poste du budget, doté de quelque 74 milliards d’euros, soit une légère hausse de 1,8 %, je mesure avec vous l’engagement de l’État à former les nouvelles générations, à investir pour proposer un enseignement de qualité qui corresponde aux attentes de nos concitoyens et, in fine, à dessiner l’avenir de notre pays.

Monsieur le ministre, je considère très sincèrement que certaines de vos orientations vont indéniablement dans le bon sens. Comme plusieurs des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, je tiens à les saluer.

Dès votre arrivée au ministère de l’éducation nationale, vous avez annoncé votre choix de donner la priorité au premier degré. J’approuve le cap que vous fixez sur ce point, avec une attention particulière portée à l’acquisition des savoirs et savoir-être fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui.

On est souvent tenté de fixer à l’école une foule de nouvelles missions, forcément toutes plus vertueuses les unes que les autres. Pour ma part, compte tenu du temps non extensible dont disposent à la fois nos enseignants et leurs élèves, je suis convaincu qu’il faut se concentrer sur l’acquisition par l’enfant d’un socle de connaissances indispensables à sa construction et, plus tard, à sa vie d’adulte.

La poursuite du dédoublement des classes de CP et de CE1 en zones prioritaires REP et REP+ est une bonne chose, tant le dispositif fait ses preuves actuellement. Cela représente évidemment un effort financier important, mais les dividendes en seront précieux dans quelques années.

Le plafonnement à vingt-quatre élèves de l’effectif des classes de grande section, de CP et de CE1 à l’horizon 2022 est aussi une bonne mesure, qui favorise un enseignement plus personnalisé, donc plus efficace pour les élèves.

Cependant, sur ces deux points, nous serons particulièrement vigilants sur les moyens, tant humains que matériels, qui seront mis en place pour mener cette réforme. Le dédoublement des classes, combiné au plafonnement de l’effectif, pose la question du bâti scolaire et des investissements que vont devoir réaliser bon nombre de communes pour accompagner ces décisions gouvernementales.

Vous avez indiqué en commission, monsieur le ministre, que le processus pourrait connaître des ajustements au fur et à mesure de son déploiement. Dans la logique selon laquelle qui commande paie, l’État doit aller beaucoup plus loin, en garantissant aux communes qu’il ne s’agit pas d’une charge nouvelle non compensée, comme nous avons pu en connaître par le passé, alors que serait maintenu l’étau de la « règle de Cahors ». Soyez assuré que les membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication suivront ce dossier avec la plus grande attention.

La question des compensations financières se pose aussi en ce qui concerne l’obligation d’instruction dès l’âge de 3 ans prévue par la loi pour une école de la confiance. Comme vous avez pu l’entendre régulièrement, ce sujet inquiète particulièrement mes collègues, de tous les bords. Lors de votre audition en commission, vous avez évoqué, en réponse à nos questions, l’évolution démographique pour atténuer le surcoût que représente l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire. Permettez-moi de vous dire que cela ne nous a pas vraiment rassurés. Nous attendons encore des réponses précises et chiffrées sur la compensation aux collectivités.

Le Sénat relaie l’inquiétude des maires et des autres élus locaux. Vous êtes, en quelque sorte, le dernier relayeur, monsieur le ministre. C’est dire à quel point l’issue de cette course aux compensations financières dépend de votre capacité à tenir le bâton jusqu’au bout, en résistant aux concurrents et néanmoins amis qui courent dans les autres couloirs de la piste tortueuse que constitue l’examen du projet de loi de finances pour 2020 ! (Sourires.) Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

Je voudrais, pour terminer, aborder un autre sujet qui relève de votre ministère.

Lors de son audition en commission cette semaine, votre collègue Mme la ministre des sports a suggéré la conduite d’un travail collaboratif pour faire en sorte que le sport ait toute sa place au sein de notre système éducatif. Gage d’équilibre physique et psychologique, porteuse de valeurs indémodables, la pratique d’une activité sportive fait partie, à mon sens, de ces fondamentaux qu’il faut inculquer à tous les enfants. Mme Maracineanu a évoqué l’émergence, dans un monde, certes, quelque peu idéal, de solides partenariats entre les associations sportives locales et l’éducation nationale pour affermir l’éducation physique et sportive dans le premier degré. Cela pourrait prendre, par exemple, la forme de semaines thématiques, dans des classes dédoublées prises en charge en partie par ces associations. Sincèrement, je souscris pleinement et avec enthousiasme à cette démarche, mais j’attire tout de même votre attention sur un point : les bénévoles des associations sportives locales, lesquelles ont par ailleurs souvent bien du mal à se financer, ne doivent pas être mobilisés pour pallier les manques de l’éducation nationale. J’aimerais savoir quelle est votre ambition en la matière, ambition qui devra évidemment, vous l’aurez compris, être accompagnée d’un dispositif budgétaire à la hauteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget, écrivait Gaston Jèze en 1922, « est essentiellement un acte politique ». Alors, que nous révèlent les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sur le projet de société du Gouvernement pour notre jeunesse ?

Vous nous soumettez, monsieur le ministre, un projet de budget en augmentation d’un milliard d’euros et avez déclaré qu’« un pays qui a confiance en son avenir investit massivement dans son école ». Si nous ne pouvons que saluer cette augmentation et l’ambition qui la sous-tend, permettez-moi de modérer votre enthousiasme.

Depuis plusieurs mois, les personnels enseignants ont attiré votre attention sur la dégradation de leurs conditions de travail, leur désarroi face aux souffrances de certains collègues et élèves, ainsi que sur leurs difficultés avec la hiérarchie.

Vous vous félicitez d’une sanctuarisation du nombre de postes : vous prélevez 440 postes sur le second degré – qui a subi, je le rappelle, la suppression de près de 6 000 postes depuis 2018, alors qu’il doit faire face à une réforme d’ampleur du lycée et que les effectifs d’élèves sont en augmentation – et vous les réattribuez au premier degré, mais l’extension des dédoublements nécessitera de plus amples effectifs et le vivier de remplacement est déjà épuisé.

Vous soulignez que 80 % de la hausse budgétaire pour 2020 sera dédiée à la masse salariale et que le ministère consacre ainsi un effort sans précédent à ses personnels. Qu’en est-il réellement ?

Environ 500 millions d’euros sont destinés à financer le glissement vieillesse-technicité (GVT), ainsi que l’application du protocole PPCR, que vous aviez précédemment repoussée d’un an. Le doublement des primes en REP+ ne concerne qu’une partie des enseignants, alors même que d’autres exercent dans des territoires aux caractéristiques similaires. Les heures supplémentaires sont régulièrement présentées comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat. Travailler plus pour gagner plus : est-ce là la conception ministérielle de la revalorisation des carrières ?

Dans le contexte actuel, nous sommes loin de l’école bienveillante. On compte un poste de médecin de prévention pour 16 000 enseignants. Lors du CHSCT extraordinaire du 6 novembre dernier, le ministère a dévoilé, pour la première fois, le nombre d’enseignants ayant mis fin à leurs jours : cinquante-huit en 2018-2019, et déjà onze depuis la rentrée. Pourtant, aucun poste supplémentaire de médecin n’est budgété pour 2020 ! Vous nous répondrez que cet état de fait procède des difficultés de recrutement – réelles – auxquelles vous êtes confronté. Certes, monsieur le ministre, vous ne pourrez restaurer l’attractivité de la médecine de prévention comme de la médecine scolaire qu’en garantissant à ces personnels aux missions cruciales la considération qu’ils méritent.

Le programme « Vie de l’élève », dont les crédits sont en hausse de 29 millions d’euros, recouvre de multiples actions. Là encore, aucun poste de médecin scolaire, de conseiller principal d’éducation (CPE), d’assistant social ou de psychologue supplémentaire n’est budgété, et les conventions peinent à se mettre en place.

À l’heure où les inégalités se creusent, l’éducation nationale est un acteur incontournable d’une prévention durable. Nous nous devons d’enrayer les déterminismes sociaux, ne serait-ce qu’en matière de santé, dès l’école. De plus, nous ne pouvons que déplorer la baisse drastique des fonds sociaux, divisés par deux. Vous évoquez une mesure de sincérité financière plutôt que de lutter contre le non-recours à ces aides financières, alors même que vous plaidez pour davantage de justice sociale.

Enfin, plus de 330 000 élèves en situation de handicap –chiffre en hausse – étaient scolarisés dans l’école dite « ordinaire » en 2018-2019. Si l’on peut se féliciter de cette politique en faveur d’une école toujours plus inclusive et si 4 000 AESH supplémentaires ont été recrutés à la rentrée, de nombreuses familles restent encore sans solution d’accompagnement. La généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) sur le territoire national sans réelle évaluation préalable est difficile à mettre en œuvre. Un simple vocable communicationnel ne suffit pas à réaliser l’inclusion. Cela nécessite un investissement important en matière de formation et de rémunération.

Monsieur le ministre, votre projet de budget est habilement présenté, mais le défi à relever est colossal. C’est pourquoi le groupe socialiste et républicain ne le votera pas. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette journée de mobilisation du monde agricole, je souhaite renouveler mon soutien à tous les agriculteurs et toutes les agricultrices.

Traiter de l’enseignement agricole, c’est avant tout s’enquérir de l’agriculture de demain. C’est pourquoi nous ne pouvons que nous féliciter de la volonté du Gouvernement d’augmenter les crédits du programme « Enseignement technique agricole ».

Cette filière d’excellence est garante d’une culture et d’un élevage respectueux de la nature et des attentes des consommateurs. Pour autant, elle peine à attirer de nouveaux élèves. Cette voie d’orientation est souvent peu connue et mal considérée : pour les établissements publics agricoles, le nombre d’élèves et d’étudiants en 2017 a atteint son plus bas niveau depuis 1996, avec moins de 100 000 inscrits. La rentrée de 2019 est heureusement marquée par une hausse de 750 élèves par rapport à 2018. Cet infléchissement doit être soutenu par des formations intégrant la révolution technologique du monde agricole.

Il est donc indispensable de donner la possibilité aux étudiants issus des filières agricoles de choisir parmi un panel plus large de disciplines en proposant par exemple des enseignements de sciences économiques et sociales, de sciences informatiques ou d’agroécologie.

Par ailleurs, la suppression des aides fléchées vers les diplômes post-baccalauréat est une mesure inquiétante pour les TPE quand on sait qu’aujourd’hui le diplôme de la filière agricole le plus recherché est le BTS « Analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole », qui permet l’embauche de salariés hautement qualifiés. Cette suppression risque de pénaliser une profession qui cherche pourtant à monter en compétences.

Enfin, je souhaiterais évoquer la situation préoccupante des AESH dans l’enseignement agricole. Il faut saluer le fait que celui-ci est particulièrement inclusif. Cependant, sur le terrain, des retards perdurent dans l’affectation aux jeunes d’un accompagnant. Les salaires peu élevés, le statut précaire, l’absence de formations et les déplacements répétés conduisent en effet à des difficultés de pérennisation du personnel. À titre d’illustration, monsieur le ministre, sachez que nous comptons déjà quarante-huit démissions en Vendée depuis la rentrée.

Je profite de cette occasion pour évoquer la question des sommes attribuées aux assistants d’éducation, dont le rôle d’encadrement durant les temps périscolaires est essentiel. Alors que la rémunération de ces assistants a été revalorisée dans l’enseignement scolaire pour 2020, tel n’est pas le cas dans l’enseignement agricole. Le différentiel s’élève aujourd’hui à 1 411 euros. Il est essentiel, monsieur le ministre, de gommer cette disparité.

Pour autant, le projet de budget consacré à l’enseignement agricole, en hausse de 0,5 %, est encourageant. C’est la raison pour laquelle le groupe Union Centriste votera en faveur de l’adoption des crédits du programme « Enseignement technique agricole ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, permettez-moi de citer Jules Ferry, qui haranguait ainsi les directeurs d’école en juin 1889 : « Messieurs, ce que nous vous demandons à tous, c’est de nous faire des hommes avant de nous faire des grammairiens ! »

La mission « Enseignement scolaire », qui représente 22 % du budget général, est une mission cruciale, puisqu’il s’agit de l’éducation de nos enfants. Il faut vraiment la prendre au sens premier du mot « mission », car de son succès dépendent celui de beaucoup d’autres et l’avenir de la France.

En effet, si la compréhension des valeurs républicaines se développe tout au long de la vie, c’est bien à l’école que se forment des qualités essentielles à l’intégration de ces valeurs. Ces qualités sont la rigueur morale, le respect d’autrui et de la loi, l’amour du savoir, l’esprit critique, la curiosité intellectuelle.

Je constate que les dépenses en faveur de cette mission progressent de 2 % par rapport à la loi de finances initiale de 2019, avec 74,1 milliards d’euros de crédits demandés pour 2020.

En outre, lorsque l’on se penche sur cette hausse, on s’aperçoit qu’elle n’abonde pas que des projets d’avenir nécessaires à la modernisation de l’acte d’enseigner et de l’acte d’apprendre. En réalité, 92 % de la hausse des crédits de la mission tient à celle des dépenses de personnel, de 68,7 milliards d’euros, avec l’injection de 304 millions d’euros dans la reprise du protocole PPCR et la revalorisation de l’indemnité de sujétions des agents en REP+.

Toutefois, il faut noter que les plafonds d’emplois prévus évoluent négativement, ce qui est bon signe du point de vue de la gestion du déficit. Encore faut-il répartir ces emplois équitablement et efficacement et améliorer les conditions d’exercice des professionnels consolidant l’action de l’enseignant. Je pense notamment aux AESH, fonction créée en 2005 à la suite de la réforme « handicap et inclusion scolaire ». Si l’ouverture de la fonction aux volontaires du service civique, en 2018, est louable, il faut noter la précarité de certains contrats, six ans en CDD étant requis pour obtenir un CDI. Par ailleurs, aujourd’hui, le ministère verse des primes REP et REP+ aux enseignants, mais les AESH, pourtant essentiels au fonctionnement scolaire et confrontés aux mêmes situations difficiles, ne sont pas concernés. Leur en ouvrir le bénéfice et étendre leur champ d’intervention à l’accompagnement périscolaire, ce qui est actuellement possible uniquement sur dérogation municipale, mérite réflexion. Cela représenterait forcément un coût pour l’État.

Le rapport pour avis n° 145, fait au nom de la commission de la culture, traite de deux problématiques d’actualité. Je salue le travail effectué par mon collègue Jacques Grosperrin, qui s’est intéressé à la rémunération des enseignants, et par mon collègue Antoine Karam, qui a étudié l’inclusion des élèves handicapés au sein de l’enseignement agricole. Ils ont évalué la cohérence entre les objectifs fixés par le Gouvernement et les moyens mis en œuvre pour les réaliser.

Le dédoublement des classes en primaire et en grande section de maternelle va dans le bon sens. Le projet de budget soutient le premier degré, dont les crédits connaissent une progression de 2,34 % par rapport à 2019, la réforme du second degré, dont les crédits augmentent de 1,35 %, et met l’accent sur le programme 230 « Vie de l’élève », qui progresse de 5,11 %. Dans ce programme, 220 millions d’euros sur 290 millions sont alloués à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap. Tous ces éléments relèvent d’une équation sensible, caractérisée par un double dénominateur commun : l’inclusion de tous les élèves et l’attractivité des métiers éducatifs.

Il faudra demeurer vigilant, lors de la mise en œuvre de ce budget, et surtout poursuivre les efforts pour améliorer l’attractivité de la profession et redonner l’envie à nos jeunes d’enseigner, ce qui ne passe pas seulement par des mesures financières. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Antoine Karam, rapporteur pour avis, applaudit également.)