M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Ce débat sur le droit d’asile passionne les uns les autres sur ces travées.

S’agissant de la question posée au travers de cet amendement, je rappelle que le principe de l’allocation pour demandeur d’asile relève de la protection internationale et que, depuis qu’une directive, bien ancienne – elle datait de 2003 –, a été remplacée par une autre de 2013, le principe de l’ADA s’applique à tous les pays de l’Union européenne.

Pour ce qui concerne son montant, qui est évoqué par l’amendement, il s’agit d’une disposition purement réglementaire. Au risque d’insister un peu, je ne suis pas sûr que cela relève d’un quelconque amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur les faits, parce que, parfois, certaines analyses sont fondées sur des a priori. Or il s’agit d’un sujet important et délicat, qui mérite d’être analysé avec rigueur.

Permettez-moi de citer quelques chiffres, repris de François Héran, démographe qui vient d’intégrer le Collège de France, où il est titulaire de la chaire Migrations et sociétés. Au cours des dernières années, la demande d’asile a augmenté. Entre juin 2018 et juin 2019, 115 000 demandes d’asile ont été déposées. Toutefois, en comparaison, l’Allemagne en a reçu 152 000, la Grèce 66 000 et l’Espagne 83 000.

Gardons-nous de raisonner à partir des données brutes. À titre d’exemple, que dirait-on de ceux qui, se bornant aux données brutes, compareraient le produit intérieur brut de la France à celui de la Suisse et en concluraient que les Français sont plus riches que les Suisses ! L’analyse doit être relativisée au regard du poids démographique de chacun des pays. C’est un élément qui me paraît important.

Le sujet est complexe, important et sensible. Il est donc nécessaire de raisonner avec rigueur.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je trouve étonnant les chiffres qui viennent d’être donnés par notre collègue. À supposer qu’ils soient exacts – je n’ai pas besoin du Collège de France pour les connaître –, et que le nombre de demandeurs soit plus élevé en Allemagne et, proportionnellement, en Grèce, là n’est pas la question.

La question déterminante est celle du nombre de reconduites lorsque le droit d’asile est dévoyé, comme il l’est. C’est à cette aune que l’on peut mesurer, dans un continuum, que la demande d’asile est dénaturée et n’est plus un moyen de produire de l’immigration régulière, pour peu que l’on s’accorde sur le fait que la France, ou toute autre nation, a le droit de maîtriser sa politique d’immigration.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. En une fraction de seconde, monsieur le ministre, je voulais conforter ce que vient de dire Roger Karoutchi, parce qu’il n’y a absolument aucun lien entre vos services, ceux qui s’occupent des étrangers en France, et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).

Ainsi, la carte Vitale, accordée aux étrangers qui sont venus travailler tout à fait légitimement en France, continue de fonctionner, même lorsque son titulaire n’a plus le droit de rester sur le territoire. Ce genre de procédures, non coordonnées entre elles, entretient les personnes résidant de façon irrégulière et leur donne des moyens complémentaires.

Dès lors qu’un étranger n’a plus le droit de rester sur le territoire, il ne devrait plus jouir de certains droits, qui doivent être accordés uniquement aux personnes en situation régulière ; je ne parle pas de l’aide médicale d’État (AME). Dans le cadre de la mission parlementaire sur la fraude sociale qui nous a été confiée par le Gouvernement, Carole Grandjean et moi-même avons formulé des propositions pour que les droits des porteurs soient liés à la validité de la carte Vitale, qui est aujourd’hui accordée à vie.

C’est cela qui fait que les gens en situation irrégulière peuvent rester sur le territoire, au détriment de ceux qui se trouvent en situation régulière ou qui mériteraient l’accueil de la France.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre. Nous nous éloignons un peu du cadre budgétaire,…

M. le président. Beaucoup… (Sourires.)

M. Christophe Castaner, ministre. … mais il est important de prendre le temps de la réflexion, dans la mesure où le cadre budgétaire n’est, au fond, que la traduction de toutes les problématiques qui viennent d’être soulevées.

Je rejoins Roger Karoutchi sur le fait que des gens, en particulier des passeurs, étudient les systèmes et, lorsqu’ils remarquent que le système d’un pays est défaillant, ciblent ce dernier plutôt qu’un autre.

J’ai été maire d’une petite commune rurale, où se trouve un centre d’accueil de jeunes en situation difficile. J’y ai vu arriver des mineurs non accompagnés, qui avaient pris le train et le bus, puis qui avaient marché 6 kilomètres avec un petit plan et le numéro de la personne à appeler.

C’est très clairement le fait de filières et, certains d’entre vous l’ont souligné, il faut les combattre. Ce combat, je tiens à le dire, nous le menons de façon permanente et nous ne cessons de démanteler des filières. Nous en démantelons un nombre de plus en plus important chaque année depuis que nous sommes aux responsabilités ou, pour être tout à fait honnête, depuis 2012. On est ainsi passé de 178 filières démantelées cette année-là à 321 en 2018, et il y en aura au moins autant, si ce n’est plus, en 2019.

Ensuite, un ensemble de dispositifs peuvent être détournés, ce qui, au-delà des incidences financières, peut aboutir au dévoiement du système. Oui, il faut oser regarder ce problème en face ; parmi les vingt mesures que le Premier ministre a présentées, certaines répondent à cette volonté.

Je corrige toutefois un détail, madame la sénatrice : la CNAM a accès à l’Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) et elle peut parfaitement faire le lien avec la situation de l’intéressé. Du reste, on a amélioré ce système récemment : on informe dorénavant la CNAM des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et de leur mise en œuvre. Cet élément récent correspond à une stratégie complète permettant à tous les opérateurs d’y voir clair.

M. François Bonhomme. Je ne suis pas sûr que ce soit suivi d’effets.

M. Christophe Castaner, ministre. Vous connaissez le débat. Quand on demande à ceux qui administrent les lieux d’hébergement financés par l’État de nous indiquer les personnes accueillies – Julien Denormandie et moi-même avons signé une circulaire en ce sens –, ce n’est pas pour procéder à des interpellations, c’est simplement pour savoir quelles personnes sont déjà hébergées, c’est-à-dire prises en charge par l’État et non par des associations gestionnaires. En effet, pour ces personnes, le versement d’un pécule supplémentaire d’aide au logement n’est pas justifié – ce serait un détournement. Eh bien, quand nous mettons cela en place, certains poussent des cris d’orfraie et nous traitent, notamment le ministre de l’intérieur, de tous les noms.

M. Christophe Castaner, ministre. Pourtant, cette circulaire, prévue par la loi, doit être appliquée, parce que cela relève de la responsabilité de chacun. Cela ne met pas en cause l’universalité de l’accueil ; quelqu’un qui est hébergé ne doit pas bénéficier d’une aide financière complémentaire d’hébergement, sans quoi, je le répète, c’est un détournement.

M. François Bonhomme. En plus, c’est financé sur des fonds publics.

M. Christophe Castaner, ministre. C’est ce qui nous a amenés à proposer, comme dans d’autres pays, une carte de paiement à la place de la carte de retrait. Nous avions en effet constaté que des personnes retiraient la totalité des fonds et les envoyaient à leurs passeurs, en paiement de leur dette. On peut acheter, je le rappelle, son pain dans une boulangerie, avec une carte de paiement, car le terminal de paiement électronique (TPE) vaut 20 euros.

M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas vrai, pas dans toutes les boulangeries.

M. Christophe Castaner, ministre. Même la boulangerie du village en est équipée – c’est par exemple le cas de la commune Forcalquier.

M. Pierre-Yves Collombat. Vous parlez des métropoles ! (Sourires.)

M. Christophe Castaner, ministre. Même dans le Var, monsieur le sénateur, je suis sûr que l’on n’a pas de difficultés… (Nouveaux sourires.)

Je terminerai en évoquant l’article de François Héran. Pour moi, ce n’est pas le nombre qui pose problème, même si, pour ce qui concerne ces sujets, j’avoue préférer être ministre de l’intérieur en France qu’en Grèce.

M. Christophe Castaner, ministre. C’est sans doute beaucoup plus difficile pour ce pays.

Selon moi, ce sont les tendances qui doivent nous intéresser et que l’on doit regarder en face. Il n’est pas normal que le nombre de demandeurs du statut de réfugié baisse significativement en Europe, y compris en Allemagne, mais augmente en France. Rien ne justifie que, depuis le 20 octobre dernier, la France soit devenue, devant l’Allemagne, le pays recevant le plus grand nombre de demandes d’asile en Europe, rien ! Nous devons donc analyser cette tendance, pour en rechercher les causes.

Parmi les vingt mesures proposées par le Premier ministre, certaines permettent de croiser les fichiers. Ainsi, un bénéficiaire de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) à qui l’on accorde le statut de réfugié ne doit pas pouvoir bénéficier rétroactivement, depuis son arrivée sur le sol national, du RSA, cumulé avec l’ADA. Cela fait partie des anomalies administratives que nous devons corriger pour une raison simple : il s’agit d’argent public, sur l’usage duquel nous devons rendre des comptes.

MM. Roger Karoutchi et François Bonhomme. Eh oui !

M. le président. M. le ministre a parfaitement raison, nous nous sommes un peu éloignés du débat budgétaire. J’espère donc que, sur les amendements à venir, chacun aura à cœur de se concentrer sur l’objet de la mesure proposée.

Je mets aux voix l’amendement n° II-310 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-316, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

5 000 000

 

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Fonds de soutien à la garantie de l’exercice du droit d’asile

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Nous nous réjouissons de constater que le budget de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) augmentera de près de 20 millions d’euros en 2020. Il s’agit là d’une demande que le groupe CRCE avait formulée l’an passé.

Cela étant, ce qui était valable hier n’est plus suffisant aujourd’hui. Dans un contexte marqué par une demande d’asile soutenue et par une immigration en progression, les moyens budgétaires prévus par l’exécutif pour 2020 sont tout simplement insuffisants.

Partant de prévisions erronées concernant le nombre de demandes d’asile que devra traiter l’Ofpra, l’exécutif a déterminé le montant des crédits en retenant l’hypothèse d’une stabilisation de la demande d’asile en 2020. Ce calcul inexact entraîne un risque de sous-budgétisation de la mission et, oserais-je dire, une insincérité budgétaire. Cette hypothèse est jugée irréaliste par l’ensemble des associations et organismes compétents, estimant que l’Ofpra risque l’engorgement, du fait d’un nombre croissant de requérants dans les années à venir.

Ainsi, nous jugeons nécessaire d’accroître encore davantage le budget de cet Office, à hauteur de 5 millions d’euros. Cette augmentation a pour objectif d’assurer la formation et le recrutement de plus de personnel qualifié et de revaloriser l’allocation pour demandeur d’asile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Vous avez raison, madame Benbassa : ce ne sera pas assez, mais une augmentation de 5 millions d’euros ne suffira pas davantage.

C’est pourquoi, pour rester en cohérence avec ce que j’ai précédemment indiqué, je suis au regret de vous indiquer que la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-316.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-319 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Apourceau-Poly et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Sauvetage des naufragés

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

5 000 000

 

5 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Sauvetage des naufragés (ligne nouvelle)

5 000 000

 

5 000 000

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Un chiffre : 2 260. C’est, selon l’ONU, le nombre de personnes migrantes qui se sont noyées en mer en 2018. Ainsi, année après année, la Méditerranée se transforme en cimetière. Les exilés sont arrachés à leur terre natale par les affres de la vie, par les guerres ou par les instabilités politiques et ils n’aspirent qu’à une chose : trouver la paix en Europe, en attendant de pouvoir retrouver leur pays d’origine, une fois que l’Afrique et le Moyen-Orient auront été pacifiés.

Du fait de notre inaction coupable, nombre d’entre eux n’atteignent jamais les côtes européennes. Il est temps que cela cesse, que nous portions assistance à ces femmes et à ces enfants naufragés, dont le salut ne tient pour l’heure qu’à l’étanchéité d’une embarcation de fortune.

La France doit pouvoir affréter un bateau, sur le modèle du navire Ocean Viking de l’ONG SOS Méditerranée, venu remplacer l’Aquarius, pour venir en aide aux exilés se trouvant en détresse en Méditerranée.

Tel est l’objet du présent amendement : demander l’octroi de 5 millions d’euros à cet effet. Les mécanismes européens d’aide aux naufragés ne sont pas suffisamment effectifs et la France se doit d’être à la pointe de la solidarité à l’endroit des migrants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. La tragédie que vous soulignez montre qu’il faut absolument décourager les traversées de la Méditerranée, qui se terminent parfois par des morts. Néanmoins, ce n’est pas avec votre mesure que l’on y parviendra.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. Madame la sénatrice, la France est au rendez-vous de la solidarité. Depuis que je suis aux responsabilités au ministère de l’intérieur, notre pays est le premier pays européen en capacité et en offre d’accueil de personnes réfugiées, qui arrivent en Italie ou à Malte.

Par ailleurs, j’ai moi-même négocié à Malte un accord avec ce pays et avec l’Italie pour instaurer des accords de débarquement.

Enfin, contrairement à vous, je ne pense pas que ce soit à la France d’affréter un bateau pour intervenir en mer ;…

M. Christophe Castaner, ministre. … c’est la responsabilité de l’Europe comme celle des garde-côtes libyens, qui sont équipés pour cela. Je vous soumets la problématique globale : on dénombre actuellement 660 000 réfugiés ou demandeurs du statut de réfugié en Libye, on pourrait donc considérer qu’il serait logique d’accueillir ces 660 000 personnes en France. Ce n’est pas la position de la France.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mme Benbassa soulève un problème crucial, dramatique.

Personne ici ne peut être insensible au fait que la mer Méditerranée devient un cimetière à ciel ouvert et que des milliers de personnes y perdent la vie.

Bien sûr, il y a ce trafic, tout à fait odieux. Les passeurs, notamment en Libye, où ils bénéficient de complicités, sont des individus sans aucun scrupule : ils conduisent, avec le plus grand cynisme, des personnes qui sont dans le malheur et qui, parfois, ont rassemblé toutes les économies du village pour payer le prix permettant de tenter d’arriver en Europe. C’est un drame.

Vous avez raison, monsieur le ministre, de rappeler l’action de la France et de préciser que la question est européenne. Frontex existe, et il faut mettre en œuvre les moyens de surveiller les côtes et les frontières, en lien, bien sûr, avec les pays concernés, quand c’est possible. Nous devons faire en sorte que ces trafics cessent et que les trafiquants soient sanctionnés comme ils le méritent ; ce sont des gens qui, de manière cynique, je le répète, jouent avec la vie des êtres humains.

Pour autant, monsieur le ministre – je pense que vous serez sensible à mon propos –, il est aussi très important que la France pèse de tout son poids pour que l’Europe se dote de moyens efficaces permettant de mettre fin à ces trafics et construise les solutions qui s’imposent. Dire que cela relève de l’Europe n’est pas suffisant.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Nous sommes en train d’examiner un texte à caractère financier. Bien sûr, le volet humain est fondamental ; malheureusement, ce n’est pas au cours de notre séance d’aujourd’hui que l’on réglera tous ces problèmes, qui sont anciens.

La France en a pris conscience, comme d’autres États : il faudra, à un moment donné, trouver des solutions pour ces centaines de victimes innocentes. Nous y sommes tous favorables, mais cela dépasse le cadre de ce débat. Cette problématique a une autre dimension, une dimension humaine, et il faut, c’est vrai, trouver des solutions, mais pas aujourd’hui, malheureusement.

Je suivrai donc l’avis du rapporteur spécial.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-319 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-317, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asile

 

1 000 000

 

1 000 000

Intégration et accès à la nationalité française

 

 

 

 

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

1 000 000

 

1 000 000

 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Plusieurs associations et plusieurs praticiens du droit des migrants que nous avons entendus ont porté à notre attention de nombreux cas de migrants atteints de troubles psychotraumatiques.

L’indifférence du Gouvernement sur ce grave enjeu de santé publique nous déconcerte. La souffrance psychique des migrants est directement provoquée par les violences que subissent ces personnes, tant dans leurs pays d’origine que lors de leur traversée vers l’Europe.

Ces multiples troubles, parmi lesquels figure le syndrome de stress post-traumatique, compliquent également le travail des agents de l’Ofpra, censés examiner la véracité des récits et témoignages. Les demandeurs d’asile qui en sont atteints souffrent d’amnésie traumatique et ne peuvent relater aisément et avec précision les persécutions subies.

Ces pathologies mentales peuvent être plus graves encore. Sans suivi médical, les individus peuvent pâtir à long terme de maladies psychiatriques de plus grande ampleur, comme la schizophrénie.

Parce que le suivi psychotraumatique est inexistant et occulté par les politiques publiques, nous proposons la création d’un fonds doté de 1 million d’euros, destiné à la prise en charge des pathologies dont souffrent ces personnes brisées par l’exil.

Mes chers collègues, il est de notre devoir de mettre en place, au sein de notre politique d’accueil et d’intégration, une offre plus ample de soins en santé mentale, afin de redonner confiance et dignité à ceux qui sont atteints de syndromes psychotraumatiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Vous avez raison, ma chère collègue, les besoins sont infinis !

Pourtant, la France consacre déjà beaucoup d’argent à cette mission, qui enregistre le plus important dépassement par rapport à la loi de programmation des finances publiques, avec un surcoût de 26 %. C’est le plus gros dépassement, je le répète, de toutes les missions de l’État. La sincérité de ce budget est donc douteuse…

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christophe Castaner, ministre. Je savais, madame la sénatrice, que vous apporteriez tout votre soutien au plan d’action gouvernemental présenté, voilà quelques semaines, par le Premier ministre.

En effet, parmi ces mesures figure justement la prise en compte, au travers du développement de plateformes d’accès aux soins, du risque psychotraumatique. La ministre des solidarités et de la santé s’est engagée à mettre en place un rendez-vous médical systématique pour ceux qui sont pris en charge et à mener un travail médical spécifique permettant d’identifier ces troubles psychotraumatiques et de les accompagner.

Cet engagement a donc déjà été pris par le Gouvernement ; nous le mettons en œuvre en créant des places d’hébergement spécialisées pour les femmes victimes de violences et de la traite des êtres humains. Il s’agissait d’un engagement pris au travers du budget de 2019 et nous le poursuivons avec la création de 300 places prenant en compte cette dimension.

Bref, le risque que vous évoquez est réel, nous devons le prendre en compte de façon spécifique, mais un engagement du Gouvernement existe déjà à ce sujet, cela n’exige pas un abondement budgétaire sous la forme que vous proposez. En outre, l’accompagnement et le financement des plateformes d’accès aux soins de santé relèvent du budget du ministère des solidarités et de la santé.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-317.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 76 nonies et 76 decies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article 76 decies (nouveau)

Article 76 nonies (nouveau)

Le titre III du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Cet article supprime l’aide au retour volontaire d’étrangers en situation régulière. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la raison de cette suppression ? Ce dispositif n’est-il plus du tout utilisé ? Pourquoi considère-t-on que cette disposition ne sert plus à rien ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Castaner, ministre. Pour tout vous dire, monsieur le sénateur, en la matière, nous avons suivi la recommandation de certains parlementaires de la majorité à l’Assemblée nationale. On a en effet changé nos priorités dans les procédures d’éloignement et dans les aides à l’éloignement, car on s’est aperçu que ce système provoquait des dérives du système, reposant sur des effets d’opportunité et des effets de bord.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité mobiliser les crédits disponibles uniquement quand leur utilisation était vraiment efficace et permettait d’éviter des allers-retours des personnes recourant au dispositif.

Nous avons donc suivi les recommandations du rapport parlementaire sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne suis pas sûr de voter pour cet article.

Je ne prétends pas que l’aide au retour volontaire présente des résultats magnifiques, mais j’ai des souvenirs de nombreuses réunions du conseil d’administration de l’OFII où l’on expliquait à qui voulait l’entendre que, au moins pour les pays d’Europe de l’Est, on obtenait des résultats et que des contrôles avaient lieu pour que les gens ne reviennent pas et ne jouent pas au yo-yo avec cette aide.

Le retour volontaire a tout de même un avantage : il est, par définition, moins stressant que le retour forcé. Ainsi, même s’il n’y en a pas énormément, si l’on n’en dénombre que quelques milliers chaque année, je ne vois pas pourquoi on s’en priverait.

Je ne voterai donc pas cette disposition supprimant l’aide au retour volontaire.

M. le président. Je mets aux voix l’article 76 nonies.

(Larticle 76 nonies nest pas adopté.)

Article 76 nonies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Administration générale et territoriale de l'État

Article 76 decies (nouveau)

I. – Le 15° de l’article L. 832-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« 15° Le contenu des formations et actions d’accompagnement mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 311-9 et le niveau relatif à la connaissance de la langue française mentionné à l’article L. 314-2 peuvent faire l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d’adaptations au regard de la situation particulière du département de Mayotte ; ».

II. – À la fin du second alinéa du IV de l’article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2022 ».