M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. C’est sûr ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il y a quelques jours, le Premier ministre a rappelé cet engagement lors de son déplacement à Dakar, où vous vous trouviez également présent, monsieur le président Cambon. Cet engagement sera tenu.

C’est d’autant plus important que nous avions atteint il y a quelques années le plus bas niveau d’aide publique au développement que nous ayons connu – 8 milliards d’euros ; nous avons entamé, si j’ose dire, une remontada, puisque chaque année nous progressons.

Et nous progressons en fonction des normes fixées et validées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), lesquelles nous permettent d’évaluer notre aide au développement par rapport au RNB.

Comme l’ont dit beaucoup d’orateurs, avec une hausse de 119 millions d’euros pour 2020, soit de près de 7 %, nous poursuivons notre trajectoire ascendante, ce qui devrait nous permettre d’atteindre 0,46 % du RNB en 2020. Les engagements sont donc tenus, monsieur Mouiller, et nous allons poursuivre dans cette direction.

Permettez-moi de faire deux observations à ce sujet.

Nous n’avons pas abandonné l’objectif de 0,7 %, monsieur Lagourgue : il nous faudra progresser au-delà des 0,55 % préconisés par le Président de la République.

Par ailleurs, pour lever toute ambiguïté, l’apurement des dettes à la manière française signifie leur transformation en dons. Dès lors qu’une dette est remboursée, le montant est réinvesti par la France. Je tenais à le préciser, parce que depuis plusieurs années, une partie de l’aide publique au développement s’établit ainsi.

Notre deuxième priorité est de mettre en œuvre les orientations définies par le Cicid le 8 février dernier : il s’agit de concentrer nos efforts sur des problématiques majeures, claires et respectées – le climat, la santé, l’éducation, le traitement des fragilités, la prévention des crises et l’égalité entre les femmes et les hommes – et sur des priorités géographiques. Le Cicid a ainsi établi une liste de dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit en Afrique, le dernier étant Haïti. Je tiens à indiquer devant le Sénat que ces priorités sont bien tenues.

Ainsi en 2018, les premiers bénéficiaires des subventions octroyées par l’AFD étaient le Niger, Haïti, le Burkina Faso et le Sénégal. S’agissant de 2019, tout n’est pas encore pleinement engagé, mais, selon les estimations dont je dispose, madame Prunaud, près de 70 % de l’AFD portée par le programme 209 bénéficieront à ces pays prioritaires.

Telle est la réalité : nous avons apporté les inflexions nécessaires dans la répartition des aides, afin d’inverser la situation.

Notre troisième priorité est le rééquilibrage des acteurs, des bénéficiaires et des instruments de notre APD.

Nous allons renforcer les moyens consacrés aux projets engagés directement par les ambassades dans le cadre des fonds de solidarité pour les projets innovants, autrement dit les FSPI, à hauteur de 60 millions d’euros. Je précise, madame Perol-Dumont, qu’une partie de ces FSPI permet de financer des acteurs qui mobiliseront les financements ainsi déconcentrés.

Toujours dans le cadre de notre aide bilatérale, l’aide humanitaire bénéficiera de 100 millions d’euros supplémentaires. C’est la première fois que nous allons consacrer un tel montant aux moyens de gestion et de sortie de crise – il faut dire que la situation le nécessite.

Quant aux moyens de l’AFD, ils vont de nouveau augmenter au titre de l’aide-projet avec 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement et une augmentation de 148 millions d’euros en crédits de paiement. Je rappelle que les normes de calcul de l’aide publique au développement se font en fonction des crédits de paiement, et non pas des autorisations d’engagement – c’est une précision tout à fait essentielle dans l’appréciation du projet budgétaire que je vous présente aujourd’hui.

Je souhaite également souligner que nous allons augmenter les fonds soutenant la société civile, avec un dépassement du seuil de 100 millions d’euros pour la subvention relative aux dons aux ONG mise en œuvre par l’AFD, et que nous allons renforcer les crédits pour la coopération décentralisée, l’objectif étant leur doublement.

Je précise à cet égard, monsieur Vial, que la contrainte du 1,2 % relative aux financements décentralisés de l’aide publique au développement, qu’ils proviennent de l’État ou de l’Union européenne, sera prochainement levée pour les collectivités. La forte offensive qui avait été menée par la commission des affaires étrangères du Sénat et par les représentants des collectivités locales va donc aboutir.

Je formulerai maintenant un certain nombre d’observations concernant les trois points soulevés par le président Cambon : le pilotage politique, la lisibilité et l’évaluation.

La rénovation de notre politique d’aide publique au développement passera obligatoirement par un pilotage politique renforcé, notamment de l’État sur ses opérateurs. Cette exigence va de pair avec l’augmentation des moyens et des subventions, dont les sommes sont devenues considérables. Le Sénat exprime régulièrement cette préoccupation légitime. C’est pourquoi j’ai pris une série de mesures que j’estime indispensables.

Ces mesures concernent l’AFD au premier chef, car il s’agit de l’un des principaux opérateurs de notre politique de développement.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En amont, c’est-à-dire en année n-1, mes services réalisent à ma demande un cadrage des secteurs prioritaires d’emploi du don-projet de l’AFD en pleine cohérence avec le Cicid. Par ailleurs, une programmation géographique est effectuée en associant les postes pour les secteurs prioritaires d’emploi du don-projet et pour les prêts.

En d’autres termes, nous ne signons pas un chèque en blanc en début d’année à l’AFD. C’est l’État qui fixera, sous mon autorité, les objectifs et les critères d’emploi des subventions et les orientations des prêts en pleine cohérence avec notre politique extérieure.

En cours d’année, je tiendrai un conseil d’orientation stratégique de l’AFD avec l’ensemble des ministères concernés. Cette enceinte était en sommeil depuis 2011. Le prochain conseil se réunira dès le début de l’année prochaine.

J’ai par ailleurs souhaité que se tienne désormais un comité de pilotage plus restreint à mon niveau, avec le directeur général de l’AFD et l’un de mes collaborateurs tous les deux mois. L’objectif est simple : réaliser des points d’étape réguliers sur l’activité de l’AFD et s’assurer que les résultats attendus sur le terrain sont au rendez-vous. Ce nouveau cycle a été inauguré il y a quelques jours.

Ce pilotage politique de l’AFD ne doit pas seulement se faire à Paris. Il doit aussi se faire sur le terrain. C’est pourquoi j’ai décidé de renforcer considérablement le rôle de l’ambassadeur, qui doit être le pilote unique de l’équipe France, rassemblant l’ensemble des acteurs qui travaillent au sein de l’ambassade ou auprès des opérateurs.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Concrètement, l’ambassadeur doit être en position d’assurer la pleine cohérence entre tous les instruments de notre politique, qu’ils soient à la main du poste ou d’opérateurs comme l’AFD. Nous allons mettre en place à cette fin un conseil local du développement présidé par l’ambassadeur qui lui permettra d’orienter tous les efforts – de l’État, de l’AFD et des ONG françaises – sur un même territoire.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Les objectifs globaux seront précisés dans le projet de loi de programmation, et les initiatives que je prends seront aussi inscrites dans ce texte.

Vous le voyez, ma détermination pour piloter cette politique est totale.

La commission des affaires étrangères s’est interrogée sur les questions de la transparence et de la redevabilité : nous devons accorder plus de moyens à cette politique et renforcer l’évaluation de notre aide. C’est pourquoi la création d’une commission d’évaluation indépendante sera prévue dans le projet de loi, madame Perol-Dumont, monsieur Collin, sur le modèle de ce qui existe déjà chez certains de nos partenaires européens.

Je souhaite que cette commission d’évaluation soit indépendante et qu’elle ne soit pas une filiale de la Cour des comptes. Cette dernière pourra toutefois éventuellement en assurer le secrétariat.

Monsieur le président Cambon – mes propos s’adressent en priorité à vous, car vous avez formulé beaucoup d’observations au nom de la commission des affaires étrangères à ce sujet –, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devions être présents à ce rendez-vous. Vous avez poussé en ce sens, et c’est pourquoi je voulais vous donner ces informations en avant-première.

Je partage vos préoccupations, et j’espère que toutes ces dispositions permettront à notre politique d’être beaucoup plus claire et cohérente. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées des groupes SOCR et RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

aide publique au développement

Aide publique au développement - Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article 73 D (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

7 299 207 550

3 268 358 324

Aide économique et financière au développement

4 464 336 042

1 136 844 974

Solidarité à l’égard des pays en développement

2 834 871 508

2 131 513 350

Dont titre 2

161 448 923

161 448 923

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-376, présenté par Mme Prunaud et M. P. Laurent, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

 

150 000 000

 

150 000 000

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

150 000 000

 

150 000 000

 

TOTAL

150 000 000

150 000 000

150 000 000

150 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Comme je l’ai dit lors de mon intervention précédente, mon groupe est très critique quant à la pratique visant à faire des prêts le levier principal de l’aide publique au développement : elle éloigne de la réelle APD les pays qui en ont le plus besoin.

Les principaux bénéficiaires sont la Colombie, le Maroc, l’Indonésie, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. Ces pays ont certes besoin d’être accompagnés dans leur développement, mais ils ont comme point commun une économie suffisamment développée pour leur permettre d’être solvables. Leur endettement augmente, ce qui grève leur capacité d’investissement infrastructurelle.

Dans le même temps, dans les 76 pays les plus pauvres du globe, la dette a doublé en dix ans. Dans certains cas extrêmes, mes chers collègues, comme l’Éthiopie ou la Zambie, l’endettement a respectivement augmenté de 885 % et de 521 %. C’est incroyable !

Cette situation renforce la dépendance de ces États vis-à-vis de leurs créanciers, mais aussi de grands groupes industriels – ce dernier point est très important. Globalement, la part de la dette détenue par des groupes privés est passée de 17 % en 2008 à 41 % aujourd’hui.

Pour ces raisons, nous proposons le présent amendement.

M. le président. L’amendement n° II-445, présenté par Mme Lepage, M. Leconte, Mme Conway-Mouret, MM. Todeschini, Kanner, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Aide économique et financière au développement

100 000 000

100 000 000

Solidarité à l’égard des pays en développement

dont titre 2

 100 000 000

100 000 000

 

TOTAL

100 000 000

100 000 000

100 000 000

100 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Le budget consacré à l’aide publique au développement a augmenté de plus de 3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2019 ; on ne peut que s’en réjouir.

Pour autant, il privilégie l’aide économique et financière – donc une logique de prêts et non de dons –, et les aides multilatérales, ainsi que les grands bailleurs internationaux au détriment d’une aide bilatérale classique fondée sur la solidarité et l’aide-projet.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit d’ailleurs une baisse de 520 millions d’euros des autorisations d’engagement du don-projet par rapport à 2019.

Le présent amendement vise à flécher 100 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires vers l’action n° 02, Coopération bilatérale, au sein du programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », et à réduire de 100 millions d’euros les crédits de paiement de l’action n° 01, Aide économique et financière multilatérale, au sein du même programme.

Il a donc pour objet d’augmenter les crédits de l’action Coopération bilatérale de 100 millions d’euros destinés à alimenter une aide publique au développement fondée sur la solidarité, et non sur la rentabilité des investissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Nous avons bien compris que l’amendement n° II-376 a pour objet de rééquilibrer l’aide publique au développement vers les pays les moins favorisés. Votre intention est tout à fait louable, madame Prunaud, mais la commission des finances vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle y sera défavorable. Nous restons ainsi cohérents avec notre décision de rejeter les crédits de la mission.

De la même manière, la commission demande le retrait de l’amendement n° II-445, qui vise à affecter 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement aux aides-projets mises en œuvre par l’AFD. À défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ferai remarquer aux auteurs de ces deux amendements que le Gouvernement inverse totalement sa politique en faveur du développement en privilégiant les dons par rapport aux prêts. Il me semblait avoir été suffisamment clair. J’ajoute que les chiffres en attestent.

Cette orientation est d’ailleurs tout à fait logique : nous voulons rendre nos actions plus cohérentes avec les priorités fixées par le Cicid, notamment en direction des dix-neuf pays que celui-ci a définis comme prioritaires. En outre, nous voulons développer l’aide bilatérale.

Cela étant, il ne faut pas non plus tout mettre sur le dos de notre tendance à recourir aux prêts. Certains de ces prêts servent en effet à financer des projets d’infrastructures importants, qui ne pourraient pas être réalisés grâce aux seuls dons. Un certain nombre de prêts sont également accordés dans le cadre de financements multilatéraux dans lesquels nous sommes impliqués.

Il faut faire preuve d’une certaine pondération, même si la volonté que nous affichons et traduisons concrètement dans ce projet de loi de finances, comme vous pouvez le constater, est de renforcer l’aide bilatérale et les dons.

Le Gouvernement est donc défavorable aux deux amendements.

Je profite de l’occasion pour préciser quelques points en réponse à M. Mouiller. En effet, je veux lever toute ambiguïté entre nous et m’assurer que l’on parle de la même chose.

Certains prêts dépendent du programme 110 : il s’agit de prêts concessionnels qui dépendent d’une contribution budgétaire de l’État, du contribuable donc, puisque le taux d’intérêt est accordé à des conditions préférentielles.

Dans votre intervention, monsieur le sénateur, vous avez parlé de prêts consentis par l’AFD à la Chine et à la Turquie. Or ces prêts ne coûtent rien au contribuable français. C’est parce que l’AFD est notée AAA au niveau international qu’elle est en mesure d’octroyer des prêts à un certain nombre de pays : ces opérations n’entrent ni dans la comptabilité du programme 110 ni dans celle du programme 209. Ce n’est donc pas la même chose.

Pour autant, cet aspect de l’action de l’AFD, qui est un peu extérieure à notre discussion budgétaire, implique une grande vigilance : il faut que ses prêts ciblent uniquement des projets contribuant réellement à la lutte contre le réchauffement climatique, à la lutte contre les inégalités et au développement. Voilà quel doit être le critère d’évaluation. Mais, je le redis, ces aides sont consenties indépendamment de toute participation du contribuable français et sont extérieures au programme 110.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je profite du débat sur ces deux amendements, que je ne voterai pas, pour parler de l’AFD.

Monsieur le ministre, le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne suis pas admiratif de la politique menée par l’Agence. Et quand je dis que je ne suis pas admiratif, je veux dire que nous sommes extraordinairement critiques : l’AFD dérape, l’AFD dérive ! On constate une absence totale de pilotage politique. Vous nous annoncez que vous allez bientôt y remédier : tant mieux, mais attendons déjà de voir comment ce pilotage renforcé se concrétisera. Jusqu’ici, l’AFD se prend pour un État dans l’État : elle décide seule de ce qu’elle fait.

Pardonnez-moi de vous le dire, vous avez certes raison de préciser que les prêts accordés à la Chine ne le sont pas sur le budget de l’État, mais l’aide au développement dont parlait M. Jeansannetas, quand il a rappelé les propos de François Mitterrand, correspond à cette époque mythique où l’on allait aider les pays africains, pour l’essentiel, à se développer.

Aujourd’hui, l’aide au développement englobe l’octroi de prêts à la Chine : même si ce n’est pas l’argent des contribuables, est-ce vraiment à notre pays de prêter de l’argent à la Chine pour l’aider à résoudre ses problèmes climatiques ? Aidons-nous déjà nous-mêmes dans ce domaine !

Est-ce que le fait de prêter plusieurs milliards d’euros à Erdogan pour que la Turquie garde les migrants sur son territoire constitue encore de l’aide au développement ? N’est-ce pas plutôt un enjeu de sécurité et de défense, un enjeu de politique internationale ? Surtout que, à y réfléchir, M. Erdogan nous fait maintenant subir un chantage en nous menaçant de nous les renvoyer, en plus de nous renvoyer les djihadistes.

Tout cela est insensé ! Ce système a explosé et dérivé. Si vous ne reprenez pas la main politiquement, monsieur le ministre, afin que les choix du Gouvernement, et non ceux de l’AFD, soient bien les choix faits par l’AFD, nous n’en sortirons pas ! Aujourd’hui, cela pose de vrais problèmes. Pardonnez-moi, mais l’aide au développement ne doit pas servir à cela. Nous attendons plutôt un meilleur soutien de la France à l’Afrique et à la francophonie.

Monsieur le ministre, il se trouve que je m’intéresse à l’audiovisuel public extérieur en tant que rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Or je vous ai entendu dire ce matin que l’AFD refusait de financer France Médias Monde. Comment se fait-il que certaines chaînes de France Médias Monde, dans l’ensemble de l’Afrique, ne soient plus en mesure d’émettre faute de crédits et que l’AFD refuse de bouger ? Cette situation est absurde !

Comme je suis de ceux – malheureusement ou heureusement – qui ont contribué à inverser la position de la commission des finances pour qu’elle émette un avis défavorable sur les crédits de la mission, je solliciterai une suspension de séance de deux minutes, monsieur le président, pour consulter l’ensemble des élus de mon groupe à la fin de la discussion sur les amendements. Cela nous permettra de déterminer s’il nous faut modifier notre vote. Selon que nous estimerons ou non que votre engagement à mettre en œuvre un pilotage politique est crédible, monsieur le ministre, nous pourrions nous abstenir. (M. Christian Cambon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour explication de vote.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. L’intervention de Roger Karoutchi semble attester que nous allons au-delà de simples explications de vote sur les amendements.

Pour mon groupe, l’AFD est un formidable outil : cette banque fait son travail, mais ne peut remplacer la ligne politique qui doit être mise en œuvre par le Gouvernement. C’est la raison pour laquelle, tout en saluant le travail de l’AFD, je vous répète que nous attendons avec beaucoup d’impatience le projet de loi d’orientation et de programmation dans lequel, nous le savons, monsieur le ministre, car nous vous connaissons, vous reprendrez la main. Il y a urgence ! Ce texte doit être adopté avant la fin de la mandature. Il a été annoncé, et cela fait plus d’un an qu’on l’attend.

J’en reviens aux deux amendements.

Ils vont dans le même sens puisque, sans entrer dans le détail, ils visent à affirmer une certaine conception de l’aide publique au développement, en rééquilibrant l’affectation des crédits entre les programmes 110 et 209.

La différence porte simplement sur le montant des transferts. L’amendement de Mme Prunaud a pour objet de redéployer 150 millions d’euros, contre 100 millions d’euros dans l’amendement de mon groupe. En tout état de cause, je souscris à la logique qui les sous-tend.

Nous aurions pu voter l’amendement de nos collègues communistes, mais il nous semble que le nôtre est plus approprié. C’est la raison pour laquelle nous voterons sans états d’âme l’amendement n° II-445, tout en remerciant le groupe communiste d’avoir déposé un amendement qui nous conforte dans notre position.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Mon intervention s’inscrit dans la suite des propos de Roger Karoutchi.

J’ai été extrêmement dur en commission des finances au sujet des dysfonctionnements constatés dans la gouvernance de l’AFD. Nous sommes tous d’accord pour dire – c’est le sens de ces amendements – que l’AFD doit mener davantage de projets. Il s’agit d’un formidable outil de financement et de soutien aux projets un peu partout dans le monde, pour les pays vraiment en développement.

Cependant, monsieur le ministre, vous êtes le membre du Gouvernement qui vient défendre les crédits de l’aide au développement devant le Parlement. Vous ne pouvez pas avoir une espèce de sous-ministre, qui n’est pas même nommé membre du Gouvernement par le Président de la République, qui dise partout que c’est lui qui distribue l’argent !

Tous les parlementaires qui se déplacent à l’étranger dressent le même bilan : ce n’est plus acceptable ! J’ai le plus grand respect pour les hauts fonctionnaires – je suis mal placé pour dire le contraire –, mais, pour moi, la République a un sens. Nous vous demandons d’agir pour pouvoir vous redonner notre confiance, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.

M. Alain Joyandet. Je voudrais apporter un rapide témoignage sur les relations problématiques entre l’AFD et le Gouvernement, qui semblent être au cœur de nos discussions actuelles, et qui risquent d’orienter le vote de la commission des finances.

En réalité, ces rapports ont toujours été compliqués. L’AFD a toujours voulu voler de ses propres ailes, mais à chaque fois que le Gouvernement a été en mesure de faire respecter ses orientations politiques, cela n’a posé aucun problème. Je me souviens d’une période où l’AFD déployait très peu de crédits et attendait le feu vert du Gouvernement pour agir. Lorsque le Gouvernement lui a dit de le faire, l’AFD a considérablement augmenté le volume de ses prêts.

S’il y avait une vraie volonté politique de la part de ce gouvernement de reprendre en main les grandes décisions qui doivent être appliquées par l’AFD, il me semble que les choses devraient fonctionner. Organiquement, cela ne devrait poser aucun problème.

Il y a peut-être aussi un manque de disponibilité du Gouvernement : on ne peut pas reprocher à l’AFD d’agir toute seule si elle ne reçoit pas d’instructions régulières et a le sentiment qu’il n’y a aucun ministre pour s’occuper de ces questions. Dans ce cas, l’AFD fait de son mieux.

Les responsabilités sont partagées : il y a une question de volonté politique et une question de disponibilité, car, monsieur le ministre, vous avez énormément de choses à faire de par le monde.

Dans toutes les instances françaises ou internationales, à chaque fois que le politique démissionne, l’administration a besoin de très peu de temps pour reprendre le pouvoir en main. C’est donc bien une question de volonté politique, et je suis persuadé que l’AFD n’attend qu’une chose, à savoir un vrai partenariat avec le Gouvernement et une grande disponibilité du ministre pour travailler d’un commun accord.

Je dirai un dernier mot à propos de la question des subventions et des prêts. À titre personnel, je pense que le prêt est un levier de développement souvent beaucoup plus efficace que la subvention, parce qu’il permet d’engager beaucoup plus de projets et d’obtenir un meilleur retour sur investissement. Il faut donc à la fois des dons – il en faut toujours un peu évidemment – et des prêts, souverains ou pas, parce qu’ils sont très intéressants.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Je me réjouis que l’une des propositions que notre ancien collègue Henri de Raincourt et moi-même avions faites il y a trois ou quatre ans dans un rapport soit entendue. En effet, nous demandions qu’un ministre à part entière soit chargé du développement. J’ai l’impression, monsieur le ministre, que vous allez agir dans ce sens. C’est aussi le rôle du Sénat de faire des propositions, même si la mise en œuvre de celles-ci prend parfois du temps.

Je veux également revenir sur la proposition d’un pilotage local sous la responsabilité des ambassadeurs. Il s’agit d’une excellente initiative, parce que l’ambassadeur est aujourd’hui chargé de l’équipe France, et que l’aide publique au développement doit figurer en bonne place dans cette équipe.

Enfin, au-delà des grands projets d’infrastructures qui peuvent être mis en œuvre, bon nombre de petits projets, absolument nécessaires dans certains pays, permettraient de rendre l’engagement de la France plus visible et de le faire apprécier tel qu’il le mérite.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voudrais faire entendre un autre son de cloche. Quand je me rends à l’étranger, en particulier en Afrique, je visite toujours le bureau de l’AFD. Dans les quarante ou cinquante pays où je suis allé, j’ai toujours eu des remontées positives sur l’action de l’AFD de la part des autorités du pays et des entrepreneurs.

L’AFD fait bien sûr l’objet d’un certain nombre de critiques, en particulier le fait que les projets sont trop lents à aboutir, qu’elle s’occupe davantage des grandes entreprises que des petites, etc. Ces critiques que j’entends régulièrement diffèrent de celles que vous formulez cet après-midi.

Si je comprends bien, mes chers collègues, vous évoquez le problème de la double tutelle : celle du ministère des finances et celle du ministère des affaires étrangères. On connaît bien ce problème, puisqu’on a le même pour l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, par exemple. Et ce n’est pas maintenant et ici que l’on va le résoudre !