M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les entreprises n’ont plus peur d’embaucher et elles créent de l’emploi. Les ordonnances Travail leur ont donné un cadre clair, qui permet cette émancipation. Résultat : le taux de chômage est passé de 9,6 % à 8,5 %.

Si la réduction du nombre de chômeurs reste la priorité, cette mission s’inscrit dans un projet plus large. Elle instaure une nouvelle politique d’emploi fondée sur les compétences, la liberté donnée aux acteurs et les leviers permettant à chacun d’aller vers l’emploi. Pour ce faire, la mission répond à un double objectif : lutter contre un chômage spécifique – celui qui est vécu par 2 millions de personnes, pour moitié des personnes non ou peu qualifiées et pour moitié des jeunes éloignés de l’emploi – et l’édification d’une société de compétences, qui passe, en amont, par l’anticipation des mutations économiques et, en aval, par la volonté de donner à chacun la possibilité de choisir son avenir professionnel.

Tout cela, c’est l’ADN de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le PLF pour 2020 poursuit les efforts engagés et son architecture financière le démontre bien. Ainsi, le budget pour la mission s’élève, à périmètre constant, à 13,52 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 12,78 milliards d’euros en crédit de paiement.

Cette mission se subdivise en quatre programmes.

Favoriser l’accès ou le retour à l’emploi des chômeurs de longue durée, des jeunes sans qualification et des travailleurs handicapés, tel est l’objectif du programme 102, qui obtient les moyens de ses ambitions avec 6,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement.

Ce programme est construit autour de trois actions, toutes consacrées à la personne en difficulté et aux outils lui permettant de retrouver un emploi.

La première, dotée d’un crédit de 3,5 milliards d’euros, est centrée sur l’amélioration et l’efficacité du service public. Elle permet l’octroi des moyens nécessaires pour une réponse adaptée aux besoins du demandeur d’emploi, à l’instar d’un soutien dans la recherche d’un emploi, de la personnalisation d’un projet professionnel ou encore de l’accès à de nouvelles compétences.

La seconde action, dotée de 2,187 milliards d’euros de crédits, est dévolue à l’amélioration des dispositifs en faveur des personnes les plus éloignées du marché. Des outils puissants seront mis en œuvre dans le cadre du fonds d’inclusion dans l’emploi, comme l’insertion par les contrats aidés ou par l’accélération de l’accompagnement des publics les plus en difficulté. Pour ce faire, l’augmentation des effectifs de Pôle emploi se traduit par une hausse, en 2020, du plafond d’emplois de 950 équivalents temps plein travaillé (ETPT). À cette évolution est assortie une réorientation de l’offre d’accompagnement, en phase avec la situation actuelle du marché du travail et de l’emploi.

Enfin, avec un crédit de 589 millions d’euros, la troisième action a pour ambition, au travers du plan d’investissement dans les compétences (PIC), d’accompagner en formation, d’ici à 2022, environ 1 million de jeunes et 1 million de personnes éloignées de l’emploi.

Accompagner les mutations économiques et le développement de l’emploi, tel est l’objectif du programme 103. Celui-ci, doté de 6,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement, enregistre une hausse de 8 % par rapport à 2019. Il est prioritairement fléché vers un soutien des actifs et des entreprises dans leurs éventuelles phases de transition ou leur montée en compétence. Il accompagne les restructurations sur les territoires, stimule l’emploi et la compétitivité et finance les opérateurs nationaux de la formation professionnelle.

Rappelons-le, voilà quinze jours, un outil révolutionnaire a été lancé, l’application mobile « Mon compte formation », l’un des moteurs de ce programme. Ce logiciel permet à chaque actif de sécuriser son parcours professionnel, de se préparer à une transition, voire de changer d’orientation. Accessible à tous, soit à plus de 25 millions d’actifs, elle permet de connaître son budget personnel de formation en temps réel, de comparer plus d’une dizaine de milliers de formations, avant de choisir celle qui correspond le mieux à ses attentes. Quelque 25 milliards d’euros de formation ont été mis à la disposition des Français via cette application. C’est une clé pour réparer l’ascenseur social.

Au-delà de cet outil, deux actions essentielles composent le programme 103.

La première, dont le bras armé est le soutien aux contrats d’apprentissage ou de professionnalisation, permet l’insertion dans l’emploi et la reconnaissance des compétences. Cet axe est primordial ; les moyens financiers sont donc en hausse de 36 % par rapport à 2019.

La seconde est la montée en puissance du plan d’investissement dans les compétences ; la formation est en effet la pierre angulaire de l’émancipation. Nous devons donner aux jeunes éloignés du marché du travail et aux demandeurs d’emploi peu qualifiés les outils et les moyens de se former, en particulier dans les nouveaux métiers liés à l’écologie ou au numérique. Environ 14 milliards d’euros de crédits y seront consacrés sur le quinquennat.

Améliorer la qualité de l’emploi et les relations de travail, tel est l’objectif du programme 111. Les crédits de celui-ci enregistreront l’année prochaine une hausse de 13 % par rapport à cette année. Ce programme vise à améliorer les conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel, au moyen de plusieurs leviers : la qualité du droit et sa diffusion, le contrôle de sa mise en œuvre, le conseil et l’appui au dialogue social.

Deux principales actions composent ce programme.

La première concerne la santé et la sécurité au travail. La prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail sont des facteurs de compétitivité des entreprises. Cela passe par l’information et la sensibilisation de l’ensemble des acteurs. Les crédits dédiés à cette action connaissent une hausse de 13 % par rapport à l’année en cours.

La deuxième action concerne le dialogue et la démocratie sociale. Ces deux éléments contribuent à l’amélioration des conditions de travail et à la compétitivité des entreprises. Or la France n’est pas un exemple en matière de dialogue social. (Mme Laurence Cohen ironise.) Pour accélérer la mise en œuvre des mesures contenues dans les ordonnances Travail, les crédits sont en augmentation de 36 % en 2020. Ils serviront notamment à financer les projets liés à la mesure de la représentativité patronale et syndicale.

Concevoir, gérer et évaluer les politiques de l’emploi et du travail, tels sont les objectifs du programme 155. Celui-ci est doté d’un budget de 668 millions d’euros en autorisations d’engagement, et son action est également orientée vers la gestion du personnel mettant en œuvre ces politiques de santé et de sécurité au travail, d’amélioration de la qualité et de l’effectivité du droit, de développement du dialogue et de la démocratie sociale.

Mes chers collègues, réparer l’ascenseur social, renouer le dialogue, améliorer les conditions de travail, former et anticiper les transitions sont autant de vecteurs qui permettent le retour à l’emploi et l’augmentation de la compétitivité. Comme vous pouvez le constater, le PLF pour 2020 poursuit les efforts engagés depuis 2017.

Pour ces différentes raisons, en l’état, le groupe La République En Marche votera pour les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » est marquée, cette année encore, par des moyens insuffisants ; en effet, la très légère hausse de ses crédits ne suffit pas à compenser les baisses drastiques des dernières années, des baisses de dépenses qui s’inscrivent dans l’objectif de réduction générale des dépenses publiques.

Cela dit, les conséquences de cette politique sont lourdes, affectant directement la vie de femmes et d’hommes qui travaillent ou qui recherchent péniblement du travail. Ces personnes demandent simplement à vivre dignement du fruit de leur travail et à bénéficier d’une protection sociale de qualité. Or comment répondre à cette légitime aspiration quand c’est sur elles que pèsent vos réformes, dont l’objectif affiché serait de leur faire gagner du pouvoir d’achat ou de simplifier leurs démarches ?

La réalité est tout autre. Votre réforme de l’assurance chômage est, sur ce point, emblématique. La régression des droits des demandeuses et demandeurs d’emploi vous permettra de dégager 4,5 milliards d’euros d’économies, mais à quel prix ? Plus de 1 million de personnes sont frappées de plein fouet par votre réforme ; 850 000 chômeurs verront leurs indemnités baisser de 20 % et 200 000 autres seront privés de toute indemnité.

De son côté, Pôle emploi subit depuis deux ans des baisses sévères de budget – 50 millions d’euros d’économies en 2018 et 85 millions en 2019 –, et vous maintenez ce cap, avec 137 millions d’euros de subventions en moins pour 2020, dans le cadre du programme 102. Vous soulignez crânement une augmentation des effectifs de Pôle emploi de l’ordre de 1 000 emplois, mais c’est compter sans la suppression de 800 emplois au cours des deux dernières années. Nous ne sommes pas non plus dupes en ce qui concerne votre tour de passe-passe consistant à faire financer une partie de cette augmentation d’effectifs par l’Unédic, dont la contribution pour Pôle emploi augmente. En somme, ce sont les chômeuses et chômeurs qui financent eux-mêmes cette mesure…

De même, votre argument consistant à dire que la très légère baisse du chômage justifierait la baisse des subventions pour Pôle emploi est tout bonnement fallacieux. D’abord, la baisse du chômage dont vous vous targuez n’efface pas le taux encore trop important de chômage – le nombre d’inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues, dépasse 6 millions. Ensuite, le nombre de chômeurs de longue durée, quant à lui, continue de progresser. Si l’on veut un meilleur accompagnement des demandeuses et demandeurs d’emploi, il faut nécessairement augmenter les moyens du service public de l’emploi, non les réduire.

Du côté de l’inspection du travail, c’est encore une véritable hécatombe ! Cette inspection traverse une lourde crise depuis maintenant de nombreuses années. Vous faites le choix non pas de soulager les inspectrices et inspecteurs du travail, mais de réduire toujours plus leurs effectifs et, plus globalement, les moyens de fonctionnement de l’administration du travail. Le programme 155 voit ainsi ses crédits baisser, en 2020, de 20 millions d’euros, soit de 2,96 %.

Vous avez annoncé cette année encore un objectif de diminution de 2,5 % par an des effectifs, d’ici à 2022, sachant que 2 000 départs à la retraite sont prévus pour la même période contre seulement 1 000 recrutements. Ainsi, 15 % des sections seront supprimées. À côté de cela, vous demandez aux inspectrices et inspecteurs du travail de multiplier les contrôles en matière de détachement des travailleurs étrangers, en fixant des objectifs chiffrés. La pression est telle sur les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) que certaines directrices et certains directeurs de région vont jusqu’à demander aux agents de suspendre le reste de leur activité tant que les chiffres ne sont pas atteints.

En ce qui concerne votre politique d’accompagnement vers et dans l’emploi, on observe, comme le souligne le rapporteur spécial, une baisse de 200 millions d’euros pour les parcours emploi compétences, qui relèvent du programme 102, avec des difficultés persistantes pour le secteur associatif, ainsi qu’une diminution de la moitié des contrats aidés depuis le début de ce quinquennat.

Et je ne parle pas des effets néfastes de votre réforme de la formation professionnelle dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « Pacte », que le groupe CRCE a combattue. En remplaçant le congé individuel de formation (CIF) par un compte monétarisé, vous avez dégradé le droit des salariés à la formation tout au long de leur vie professionnelle.

Nous regrettons également le désengagement progressif de l’État dans les maisons de l’emploi. À cet égard, l’amendement des rapporteurs tendant à augmenter ces crédits de 5 millions d’euros supplémentaires ne saurait nous satisfaire, puisque cette somme viendrait en déduction des crédits du programme 103.

En cette période de vœux, mon groupe aurait souhaité pouvoir enfin trouver, madame la ministre, un souffle de justice et d’égalité dans cette mission, dont les crédits pourraient enfin satisfaire les exigences d’un service public de l’emploi et d’une politique de formation professionnelle de qualité. Il n’en est rien ; au contraire, ces crédits dégraderont encore les conditions de travail et de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Les solutions sont pourtant simples ; mais elles sont contraires, madame la ministre à votre logique politique, celle qui consiste à toujours favoriser les détenteurs du capital au travers d’exonérations de cotisations sociales, qui dépassent 66 milliards d’euros. Si vous cherchez des moyens, allez les prendre là où ils sont ; c’est le coût du capital qui mine notre économie et qui déséquilibre les comptes sociaux, non le pseudo-coût du travail, car le travail est une richesse.

Le groupe CRCE votera contre les crédits de la mission « Travail et emploi », s’inscrivant en contradiction avec la précédente intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et Emploi » pour l’année 2020. Ces crédits s’inscrivent dans le double contexte de l’amélioration de la situation sur le marché du travail et de la réduction des dépenses publiques.

Pour ce qui concerne l’amélioration de la situation du marché du travail, elle se caractérise par le reflux du chômage, ce mal dont, voilà encore quelques années, notre pays ne semblait plus capable de guérir, après des décennies d’enlisement. Le taux de chômage poursuit donc sa baisse entamée en 2017, pour s’établir autour de 8,5 % de la population active. Il demeure toutefois notablement plus élevé dans les outre-mer. Ainsi, à La Réunion, c’est près d’un actif sur quatre qui est concerné, madame la ministre.

Pour ce qui concerne la réduction des dépenses publiques, les crédits de paiement devront atteindre près de 13 milliards d’euros l’année prochaine. Si ce montant paraît en légère augmentation par rapport à 2019, c’est surtout parce que les baisses réalisées précédemment étaient importantes.

Je crois qu’il faut donner un satisfecit au travail réalisé par le ministère, qui, d’une part, a strictement respecté la programmation triennale 2018-2020 et qui, d’autre part, a contribué de façon significative à l’effort de réduction de la dépense publique. Cette contribution démontre, si besoin en était, qu’on ne redynamise pas le marché du travail en dépensant sans compter. Bien sûr, le fait que le chômage reflue parallèlement à la diminution des dépenses ne prouve pas que la baisse du premier entraîne mécaniquement la baisse des secondes, mais cela démontre à tout le moins que l’un n’empêche pas l’autre. Pour vaincre le mal français, on peut donc aussi se passer de politiques dispendieuses…

Je salue ici le choix qui a été fait de focaliser les politiques sur les publics les plus éloignés de l’emploi. Il s’agit donc non pas de supprimer purement et simplement les moyens soutenant les politiques de cette mission, mais bien d’opter pour une allocation optimisée des ressources ; en la matière, l’efficience est souvent gage d’efficacité.

C’est notamment le cas des crédits portant sur l’insertion par l’activité économique. Cela a déjà été rappelé, les montants qui y seront consacrés l’année prochaine devraient dépasser 1 milliard d’euros. Il s’agit de dispositifs éprouvés par le terrain et par les retours d’expérience, sur lesquels nous avons raison de capitaliser. Idem pour le plan d’investissement dans les compétences ; les moyens qui y sont alloués constituent un élément clé pour dépasser le paradoxe, malheureusement très français, de chômeurs qui peinent à retrouver un emploi et d’entrepreneurs qui peinent à recruter des employés. La montée en compétences doit permettre d’ajuster le marché du travail afin que la demande s’adapte mieux à l’offre.

Le marché de l’emploi ne saurait pourtant se réduire à un schéma simpliste, avec, d’une part, les employeurs et, d’autre part, les employés. Le fait de sortir du salariat, par l’initiative individuelle, la création d’entreprise, s’avère parfois plus efficace pour lutter contre le chômage.

C’est pourquoi le dispositif de l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise a connu un si grand succès en France, notamment auprès des publics éloignés de l’emploi, qui rencontrent le plus de difficultés à s’insérer durablement sur le marché du travail. Le Gouvernement a fait le choix de l’étendre à tous les publics à compter de 2019. Je comprends et partage cette ambition, mais force est de reconnaître que des effets indésirables se sont déjà fait sentir ; c’est pourquoi je pense qu’une application plus rigoureuse est indispensable à la pérennité du dispositif.

Néanmoins, cette restriction du dispositif ne doit pas remettre en cause les équilibres financiers des entrepreneurs qui se sont lancés dans l’aventure, dans des conditions qu’il s’agirait maintenant de changer, alors qu’ils ont déjà pris un risque. C’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement déposé au nom de la commission des finances par notre excellent rapporteur spécial Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. Très bien ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Lagourgue. Un encadrement plus strict, mais surtout plus juste, du dispositif est nécessaire.

De même, l’amendement qui vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués aux maisons de l’emploi me semble pertinent. Il s’agit de renforcer ainsi le réseau d’accompagnement à destination des demandeurs d’emploi, afin de faciliter leur insertion durable dans le marché du travail. C’est une mesure vitale pour le dynamisme économique de nos territoires et pour la cohésion sociale de notre pays.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission ainsi amendés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes LaREM, RDSE et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Permettez-moi de commencer cette intervention avec une pensée pour toutes les personnes qui travaillent et qui, au quotidien, contribuent aux recettes de notre pays, ainsi que pour les chefs d’entreprise, qui font la richesse humaine et financière de la France et pour qui, finalement, nous débattons aujourd’hui. Le contexte – un climat anxiogène – doit nous conduire à rappeler le sens de nos débats et de nos décisions.

Depuis 1946, la France s’est bâtie, rappelons-le, sur un système de gestion paritaire, qui renvoie à une pratique de régulation sociale ; il s’agit, sans doute faut-il le rappeler, d’un point d’équilibre de notre société, dont nous savons combien elle est fragile.

Mon intervention portera principalement sur le sujet de l’assurance chômage ainsi que sur le bonus-malus.

Tout d’abord, je regrette d’être obligée d’aborder les enjeux de l’assurance chômage par petites touches, tant tout est fait, finalement, pour que ce secteur de plus de 42 milliards d’euros dilués dans plusieurs missions échappe aux parlementaires. Ce grief ne s’adresse toutefois pas à vous, madame la ministre, car ce n’est pas une nouveauté.

Il nous a donc fallu aborder, par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les enjeux du bonus-malus, par le PLF, le financement de Pôle emploi et des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU), et ce, rappelons-le, alors que le Parlement n’a nullement pu être associé à la dernière réforme de l’assurance chômage. Nous vous l’avons dit, madame la ministre, même si nous validons certaines des mesures proposées, il nous semble que le passage en force se paie toujours et que notre pays reste socialement fragile.

Ce passage en force se matérialise également dans le financement de Pôle emploi et dans ses effectifs supplémentaires. En effet, si le nombre d’emplois progresse de 1 000 unités sur trois ans, conformément aux annonces de l’été, nous ne pouvons que regretter un paradoxe apparent : l’augmentation affichée des emplois s’accompagne d’une baisse du financement de l’État, la subvention pour charges de service public passant de 1,3 milliard d’euros en 2019 à 1,2 milliard d’euros en 2020, soit une baisse de 10 %.

Lors de votre audition, madame la ministre, vous nous avez indiqué que ce montant tenait compte de la poursuite des efforts engagés par l’opérateur, mais, in fine, il faut bien considérer que, conformément à ce qu’ont dit mes collègues, ce sont les demandeurs d’emploi indemnisés qui vont compenser cette baisse. En effet, en parallèle, la contribution de l’Unédic au financement de Pôle emploi augmentera de 10 % à 11 %, ce qui réduit d’autant les sommes disponibles pour l’indemnisation.

Nous ne pouvons que regretter la forme de ces décisions, qui, par un tour de passe-passe du Gouvernement, ont imposé aux employeurs de financer davantage Pôle emploi, tout en baissant ses propres financements.

Un mot sur le bonus-malus. Son objectif consiste à réguler le recours aux contrats courts, ce à quoi nous aspirons tous. Quant à la méthode, elle suscite forcément le débat. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi avait déjà prévu un système de modulation des contributions d’assurance chômage, permettant la mise en place de majorations applicables pour les CDDU et les CDD de moins de trois mois, mais la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 avait mis fin à cette modulation, car la surtaxation des contrats courts n’avait pas eu d’impact mesurable sur le recours à ces contrats.

Votre loi du 5 septembre 2018 précitée a réintroduit, madame la ministre, un système de bonus-malus. Nous nous sommes opposés à cette mesure, car nous considérions que les expériences de modulation n’avaient pas fonctionné. Nous jugions notamment trop flou le critère, prévu par cette loi, du nombre de fins de contrats et, de surcroît, une modulation sectorielle n’est jamais comprise, surtout quand le secteur public – hôpitaux, Ehpad – fait le choix de s’exempter de la mesure.

Je me félicite donc du vote de la commission des affaires sociales, qui a supprimé les dispositions de l’article 8 du PLFSS, relatif à ces enjeux de bonus-malus, même si je crains que mon bonheur ne soit que de courte durée…

Par conséquent, nous suivrons l’avis favorable des rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur la mission « Travail et emploi », sous réserve, bien entendu, de l’adoption des amendements que tous ont évoqués.

Cela étant, nous veillerons à l’impact du bonus-malus, de sorte que celui-ci ne soit pas, in fine, un impôt complexe à mettre en œuvre de plus. Quant à Pôle emploi, nous continuons à considérer qu’il est risqué de le rendre encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage ; dans ce pays, le paritarisme ne peut pas se contenter d’incantations ni de rencontres a posteriori ; il lui faut bien plutôt des actions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et emploi » du PLF pour 2020.

Je ne peux entamer mon intervention sans évoquer la mobilisation massive d’hier, partout en France, la grève interprofessionnelle contre la réforme des retraites du Gouvernement, et, plus globalement, destinée à dire « non » aux inégalités qui déchirent le pacte social, à dire « non » – je l’ai entendu – à la dégradation des services publics, à cette déshumanisation, à la dévitalisation de nos territoires. Plus de 1 million de Français ont manifesté pour exprimer leur désaccord et leur mécontentement ; entendez-les, madame la ministre !

De même, je ne peux aborder la discussion sur cette mission sans parler de l’assurance chômage. Alors que l’enjeu de la sécurisation des parcours professionnels n’a jamais été aussi important, votre réforme, dont la première phase est entrée en vigueur le 1er novembre dernier, prévoit ni plus ni moins qu’une économie de 4,5 milliards d’euros, dans les trois années à venir, sur le dos des chômeurs.

Ainsi, 1,3 million de demandeurs d’emploi seront financièrement touchés ; la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés qui travaillent ne seront plus du tout indemnisés ou le seront moins ; c’est ça la réalité ! Votre parti pris est clair : vous supposez que la baisse des allocations incitera les bénéficiaires à trouver plus rapidement un travail. Un tel raisonnement laisse entendre que les chômeurs seraient responsables de leur situation ; cela n’est pas acceptable.

Madame la ministre, les allocations ne sont pas des libéralités consenties par le prince ; ce sont des cotisations et des droits réels créés par le travail. Les partenaires sociaux, les associations de lutte contre la pauvreté vous l’ont dit : cette réforme est injuste et brutale ; elle abîme notamment ce qui fut un grand progrès social : les droits rechargeables.

Ne l’oublions pas, un chômeur sur deux n’est déjà pas indemnisé, 2,6 millions de chômeurs touchent moins de 860 euros par mois et 60 % des chômeurs ne vont pas au bout de leurs droits. Voilà qui devrait vous inciter à renoncer à cette réforme ou alors à l’assumer pour ce qu’elle est : une réforme financière, dont vous attendez des milliards d’économies, au détriment des plus fragiles de nos concitoyens.

Abordons à présent ce projet de budget.

Je souhaite commencer mon intervention par l’article 79. Après la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), après la décision de ne plus indexer les retraites sur le coût de la vie, le Gouvernement comptait s’attaquer de nouveau, je le souligne, aux personnes âgées, en remettant en cause, cette fois, l’exonération de charges sociales dont bénéficient les plus de 70 ans employant une aide à domicile.

Vous avez finalement renoncé à cette mesure censée pénaliser près de 800 000 bénéficiaires, et l’article 79 du projet de loi de finances pour 2020 qui la prévoyait a été supprimé. Face à l’émoi suscité par une décision injuste, prise sans concertation, constatant une fois de plus que votre méthode n’était pas la bonne – le Premier ministre l’avait d’ailleurs lui-même reconnu –, vous avez été contrainte de reculer.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit de diminuer de près de 137 millions d’euros la subvention pour charges de service public attribuée à Pôle emploi. Cette réduction s’ajoute à deux précédentes baisses – 50 millions d’euros en 2018 et presque 85 millions d’euros en 2019 –, ce qui traduit le désengagement progressif de l’État dans le financement de Pôle emploi. Cet établissement deviendra encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage, et ce contre l’avis des partenaires sociaux, puisque la contribution de l’Unédic, portée à 11 % de ses ressources, augmente de 1 point.

Vous prétendez ainsi renforcer l’accompagnement des chômeurs, dont, je le répète, vous diminuez les allocations, mais force est de constater que ce sont les chômeurs eux-mêmes, au travers d’une nouvelle ponction dans les caisses de l’Unédic, qui paieront leur propre accompagnement ! Il n’appartient pas à l’Unédic, je le rappelle, de financer des politiques distinctes de sa mission première : l’indemnisation des chômeurs.

Vous nous annoncez une augmentation des effectifs de Pôle emploi, mais celle-ci ne sera pas de nature à compenser les baisses, très fortes, enregistrées au cours des dernières années. C’est oublier aussi que cette hausse a surtout vocation à renforcer l’accompagnement des entreprises et non celui des demandeurs d’emploi, notamment des plus éloignés du marché du travail.

J’en viens maintenant au plan d’investissement dans les compétences, lequel traduirait, selon le Gouvernement, « à la fois la volonté de miser sur les qualifications, de démontrer que tout n’est pas joué à la fin de la scolarité, de ne laisser personne au bord de la route et de transformer le système de formation pour soutenir la compétitivité des entreprises ». Dès lors, la diminution de 120 millions d’euros des crédits du PIC constitue un bien mauvais signal. Alors que la formation des chômeurs était affichée comme une priorité, elle se révèle constituer la variable d’ajustement du Gouvernement. C’est difficilement compréhensible.

Après les PIC, parlons des parcours emploi compétences (PEC). Si ce dispositif constitue un outil intéressant pour la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, la stabilisation des crédits qui lui sont alloués en 2020 ne compense évidemment pas la baisse très importante – une division par presque 5 – des moyens consacrés aux contrats aidés sur les dernières années. La réalité est que ces emplois manquent notamment dans les services scolaires et périscolaires, dans l’aide aux personnes dépendantes – les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – ou, tout aussi cruellement, dans le milieu associatif. Les conséquences en sont dramatiques dans nos territoires.

Les résultats, somme toute modestes, des PEC, dont les crédits ont été sous-consommés en 2018, soulignent l’inadaptation de ce dispositif à une large partie des publics précédemment concernés par les contrats aidés, ainsi qu’à de très nombreuses associations employeurs. J’y reviendrai tout à l’heure, en présentant un amendement tendant à la création d’un nouveau dispositif pour des emplois d’utilité citoyenne.

Que dire de la disparition, dans le PLF pour 2020, comme l’an passé, de la contribution de l’État au budget de fonctionnement des maisons de l’emploi et de la formation ? Elle mettra inexorablement ces structures en difficulté. Je crains que seules quelques collectivités territoriales ne soient en mesure de conserver leur maison de l’emploi.