Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je voterai cet amendement. Je me fiche du politiquement correct et je ne supporterai pas les leçons de morale de qui que ce soit.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Les parlementaires font ce qu’ils veulent, décident librement et n’ont de leçon à recevoir de personne.

Mme Laurence Rossignol. Moi non plus !

M. Roger Karoutchi. Madame Rossignol, excusez-moi de vous le dire, mais quand vous étiez ministre vous n’auriez certainement pas accepté qu’un parlementaire vous parle sur le ton que vous avez employé à l’adresse de Mme Vidal ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

Mme Laurence Rossignol. J’en ai entendu bien d’autres !

M. Roger Karoutchi. Vous savez ce qu’est la vie publique… Moi aussi, j’en ai entendu bien d’autres !

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Franchement, j’étais indécis sur cet amendement et sur la position de la commission spéciale. Je n’ai pas voté les amendements précédents sur le délai de sept jours, parce que j’ai entendu les explications de la commission spéciale. C’était mon droit !

En revanche, je voterai celui-là. Après avoir écouté les explications de Mme la ministre, des uns et des autres, je me rends compte qu’en réalité, même s’il existe une clause de conscience générale, il faut dans certains cas préciser les choses. Si vous voulez me qualifier d’obscurantiste, cela me fera un titre de gloire supplémentaire !

J’ai voté en faveur de l’extension de la PMA et pour un certain nombre de mesures ; mais autant je défends l’IVG, autant le fait que certains personnels du corps médical ne souhaitent pas la pratiquer ne me met pas dans un état second. Si, dans ce pays, on est incapable de respecter la liberté de conscience et la liberté de croire de chacun, l’intolérance est au bout du chemin.

C’est extrêmement clair : je voterai cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je suis profondément indignée et émue par la tournure que prennent nos travaux cet après-midi.

Comme de nombreux collègues, j’apprécie beaucoup la tenue de ce débat, qui est compliqué et exigeant. Chacun a fait preuve, je le crois, du plus grand respect pour les opinions développées par les uns et les autres et d’une grande humanité.

Sincèrement, je ne comprends pas que l’un de nos collègues se permette d’arriver en milieu d’après-midi pour enflammer l’hémicycle en donnant des leçons de morale, de raison et d’intelligence.

J’assume, comme chacun de nous, ce que je pense, tout en sachant que je ne détiens pas la vérité – je n’aurai pas cette prétention. Mais je refuse que quelqu’un nous délivre des brevets de moralité, de modernisme ou de progressisme. Comme l’a dit notre collègue Roger Karoutchi, ici nous devons être exemplaires en matière de respect des opinions et de démocratie.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Françoise Gatel. Certains propos qui ont été tenus dans cet hémicycle ne sont pas dignes et ne relèvent pas du tout d’un esprit démocratique et respectueux des opinions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaitais pas particulièrement intervenir, car je ne suis pas un spécialiste, contrairement à certains de nos collègues qui ont exercé des professions de santé. Mais le tour que prennent nos discussions sur ces sujets à forte valeur éthique met en jeu les notions de respect, d’écoute et de dialogue.

Sur ces sujets qui soulèvent des questions de conscience, la majorité d’entre nous dans cet hémicycle en apprend tous les jours et reste modeste. Personne n’est là pour donner des leçons, et le respect doit rester l’une de nos priorités.

Je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par notre collègue Guillaume Chevrollier. J’ai entendu les interventions des uns et des autres, l’avis circonstancié du rapporteur – je salue le travail réalisé par la commission spéciale – et celui de Mme la ministre. J’ai pris connaissance du contenu de cet amendement qui, comme tous les autres, présente un grand intérêt. Je le redis, nous devons faire preuve de respect pour l’ensemble des cosignataires.

En toute conscience, puisque c’est largement de conscience dont il s’agit sur ces sujets particulièrement sensibles en termes d’éthique et de morale, je voterai cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voudrais d’abord évacuer un point. Quand on veut tuer son chien, affirme le dicton, on dit qu’il a la rage. Je souhaiterais simplement que certains ne fassent pas mine de s’enflammer et qu’ils n’expliquent pas leur vote sur cet amendement en tirant prétexte de la qualification politique que nous lui avons donnée.

M. Loïc Hervé. C’est le risque !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je pense, mes chers collègues, que vous avez certainement participé, au cours de votre vie politique, des débats un peu plus difficiles que celui provoqué par les propos qu’a tenus à l’instant ma collègue et que, sur le fond, je partage.

Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas un débat, c’est un jugement !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je mets aussi de côté le fait que, si j’ai bien compris, « le collègue qui vient d’arriver » auquel il a été fait allusion est Mme Rossignol : j’indique qu’elle est là « non-stop » depuis des heures et que nous sommes passés, comme certains d’entre vous, saluer un membre du Sénat qui partait à la retraite. Je ferme la parenthèse. Je ne pense pas, madame Gatel, qu’on puisse suspecter Laurence Rossignol de ne pas savoir de quoi elle parle…

Mme Françoise Gatel. Quel toupet !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je reprends le point qui nous occupe. Moi qui suis non pas une spécialiste, mais une juriste, j’ai relu l’article 21 : cette clause qu’on qualifiera, pour la simplicité du débat, de « clause de conscience » figure dans le texte de la commission spéciale ! Ce qui est demandé avec cet amendement, c’est de « renchérir » sur cette clause.

Le texte de la commission spéciale – je l’indique pour ceux qui, comme moi, ne l’avaient peut-être pas encore lu il y a quelques minutes – dispose : « Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. » C’est l’article 21. Il n’y a donc pas de problème !

Quel est l’objectif de l’amendement ? D’indiquer que les infirmiers, infirmières, auxiliaires médicaux ou sages-femmes peuvent refuser de concourir à une IMG. Il s’agit donc d’un ajout.

Pensez-vous qu’une IMG soit pratiquée par un auxiliaire médical ou une infirmière ? Vous le savez, l’IMG comprend nécessairement une phase médicale : soit on prescrit un médicament qui provoque l’IMG, soit on pratique une intervention chirurgicale.

Prétendre que cet amendement est nécessaire, comme le fait la ministre en avançant des explications, selon moi, peu convaincantes, c’est en réalité justifier que, pour faire plaisir à une partie du Sénat qui s’apprête à voter l’amendement, il soit là encore procédé, de manière affichée et inutile juridiquement – car je ne fais que du droit –, à une restriction de l’accès à l’IMG.

Voilà ce qui me gêne. Vous faites de la politique, nous en faisons tous. Vous n’êtes pas en train de faire du droit, alors ne prétendez pas faire autre chose que de la politique ! (Exclamations sur les travées du groupe UC.) Vous voulez refuser aux femmes une simplification de l’accès à l’IMG, alors même que l’ajout de cet amendement au texte n’est pas nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Je serai très brève puisque tout a été dit précédemment. C’est dans un souci de cohérence que je voterai contre cet amendement. Comme pour les amendements précédents, je vois dans celui-ci un rajout de peine et de difficultés dans un processus déjà très douloureux.

À part si l’on a la volonté, ce qui est peut-être et même sûrement le cas, de pénaliser et déresponsabiliser les femmes, je ne vois pas l’intérêt d’inscrire dans la loi une disposition qui, comme l’a dit Mme de La Gontrie, y figure déjà.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Nous devons conserver cette préoccupation, qui a été la nôtre jusqu’à présent, d’échanger et d’écouter les propos, qui peuvent être totalement divergents, des uns et des autres.

C’est important, parce que, si nous nous laissons emporter par nos sentiments ou l’irritation, nous ne voterons pas sur le fond de ce qui nous est proposé. Ce qui, pour moi, montre le respect que nous avons à l’égard de tous nos collègues du Sénat, c’est justement que, depuis le début de nos travaux, nous sommes restés centrés sur le fond, tout en ayant des divergences et des désaccords.

Je souhaite que l’on en revienne à ce qui a fait le fondement de notre discussion et que nous n’allions pas vers autre chose. Nous devons réfléchir ensemble à l’utilité d’ajouter une clause de conscience supplémentaire, spécifique, dans le code de la santé publique, alors que – cela a été dit – il en existe déjà et que tous les garde-fous sont prévus.

Les échanges que nous venons d’avoir sur l’article précédent nous ont permis de montrer comment l’accompagnement, notamment psychologique, était assuré, s’agissant d’une IMG par toute une équipe de professionnels de manière volontaire. Pourquoi vouloir tout d’un coup, remette cela en cause, en remettant en place un garde-fou, une clause de conscience supplémentaire ? C’est totalement inutile.

Là encore – peut-être cette mesure sert-elle à se rassurer ? Je ne le sais pas et ne veux pas faire d’interprétation –, réfléchissons à ce que cela signifie pour les patients et pour les équipes. Aujourd’hui, aucun médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une IMG n’est obligé de le faire.

Nous devons tous être attentifs au fait qu’une IMG n’est pas une IVG. Nous ne sommes pas dans la même logique : n’essayons pas de les comparer, car elles ne sont pas comparables. Je vous appelle à mener cette réflexion.

Je ne voterai donc pas cet amendement au vu de l’ensemble des propos qui ont été tenus et du texte qui a été élaboré par la commission spéciale, laquelle a, comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, pesé à chaque fois le pour et le contre.

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant les dernières explications de vote, je voudrais vous inciter à l’apaisement. J’ai laissé chacun exprimer son point de vue sans intervenir, mais je souhaiterais maintenant que vous reveniez au sujet qui nous intéresse tous, afin que notre débat puisse se terminer de façon sereine, tel qu’il s’est déroulé depuis le début de nos discussions, et donner une belle image du travail parlementaire.

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Rires.) Mes chers collègues, je n’avais pas pour intention de viser M. Masson !

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, je suis partisan de la liberté d’expression, je me réjouis donc que mes collègues rient de cette situation.

Je voudrais tout d’abord formuler une remarque sur la forme : il est important que tout le monde ici puisse s’exprimer comme il l’entend. Je l’ai toujours dit, et c’est vrai dans un sens comme dans l’autre : il faut aussi laisser Mme Rossignol s’exprimer avec véhémence si elle le veut. Je ne partage pas son point de vue, mais il faut la laisser s’exprimer.

Vous le savez, mes chers collègues, il m’arrive souvent de réclamer dans d’autres circonstances la liberté de dire ce que l’on pense, même quand on est minoritaire, même quand on est seul. C’est la base même du Parlement que chacun de ses membres puisse s’exprimer librement, même si cela ne fait pas plaisir aux autres – j’ai l’habitude de cette situation. (Rires sur les travées du groupe UC.) C’est vrai ! Retenez cette leçon de démocratie la prochaine fois que je parlerai à la tribune.

Vous dites tous que chacun doit pouvoir s’exprimer, mais il arrive que tout le monde se mette à crier quand le propos ne vous fait pas plaisir ! Voilà une bonne occasion de rappeler ce qu’est la liberté parlementaire.

Par ailleurs, sur le fond, puisqu’on parle justement de liberté, il faut respecter celle des médecins, des infirmiers, de tous les personnels hospitaliers. C’est tout de même un point très important.

Peut-être certains parmi vous se sont-ils déjà fait opérer à l’hôpital : si vous avez affaire à un médecin qui ne veut vraiment pas vous opérer, je trouve qu’il n’est pas très pertinent de lui forcer la main et d’insister pour que ce soit lui qui intervienne ! (Sourires.) C’est ce que certains voudraient faire ici : forcer la main de certains personnels. (Non ! sur les travées du groupe SOCR.) Mais ce n’est pas rendre service aux personnes concernées ! Si je vais à l’hôpital et que le médecin ne veut pas m’opérer, je n’insiste pas… J’en cherche un autre ! (Rires.) On est vraiment dans le ridicule le plus total !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.

M. Guillaume Chevrollier. Je veux faire deux remarques.

Premièrement, dans le débat parlementaire, chacun agit en fonction de ses convictions et vote en conscience. Je remercie Mme Rossignol d’avoir salué la constance de mes convictions. Toutes les convictions sont respectables, et je respecte les positions de ceux qui ne partagent pas les miennes. C’est ce qui fait la grandeur du débat parlementaire et qui doit aussi faire celle du débat public dans notre pays.

Deuxièmement, je voulais préciser que cet amendement prévoit une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé. Il ne concerne pas uniquement les médecins. L’idée qui sous-tend cet amendement, et la portée qu’il doit avoir, c’est justement de protéger les auxiliaires de santé qui sont aux côtés des médecins. C’est une protection, une garantie supplémentaire, qui leur est proposée.

Je le redis, cela dépasse le seul cadre des médecins qui, eux, bénéficient d’une clause générale. On pourrait certes prévoir pour ceux-ci une clause spécifique, mais en l’occurrence il s’agit d’étendre cette possibilité aux auxiliaires de santé – c’est un point important.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Quelques mots pour dire que je ne voterai pas cet amendement. Les débats se sont un peu enflammés, mais il faut tout de même constater que les arguments avancés, que je ne reprendrai pas pour éviter d’alourdir la discussion, par les collègues qui siègent du côté gauche de l’hémicycle sont tout à fait étayés.

Je ne voudrais pas que l’emportement auquel nous avons assisté dans l’hémicycle puisse influencer notre vote. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de prévoir une clause de conscience spécifique.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.

M. Bernard Bonne. Je voudrais, pour ma part, évoquer le cas du médecin qui serait d’accord pour pratiquer une IMG, mais dont les infirmiers ou les auxiliaires médicaux pourraient ne pas l’être. C’est là où le problème risque de se poser.

La clause de conscience du médecin est, me semble-t-il, importante, et il faut absolument la respecter dans tous les cas. Mais, à partir du moment où il accepte de faire cet acte d’IMG, il faut absolument qu’il puisse être accompagné et aidé par un infirmier ou des auxiliaires médicaux. Si cela leur posait vraiment une difficulté, ceux-ci doivent pouvoir en parler au médecin. J’insiste, la clause de conscience est importante pour l’acte médical lui-même et pour le médecin qui l’exécute, mais elle ne peut pas s’appliquer à tous ceux qui ont l’obligation de l’accompagner dans la fonction qu’il exerce.

C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas l’amendement et suivrai l’avis de la commission spéciale.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Dans la même logique et pour dépassionner les débats, je précise qu’il n’a jamais été question au sein de notre commission spéciale de revenir sur la clause de conscience.

Simplement, un constat tout simple pouvait être fait : cette clause était déjà contenue dans nos règles de droit. Il n’était donc pas utile d’ajouter une clause de conscience à une clause de conscience.

C’est la raison pour laquelle je suivrai l’avis de la commission spéciale.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. La question que nous pouvons nous poser est la suivante : un médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une telle intervention pourrait-il aujourd’hui être contraint de le faire ? De toute évidence, la réponse est négative.

Mes collègues ont déjà à plusieurs reprises relu l’alinéa 10 de l’article 21, qui prévoit le cas du refus. Il est inutile de reprendre tous les arguments.

Parmi toutes les interventions qui ont précédé, je fais complètement mienne celle de ma collègue du groupe communiste, Laurence Cohen, pour sa précision, sa mesure et sa détermination.

Je ne voterai pas cet amendement, et suis en accord avec la position de la commission spéciale.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je vous prie de m’excuser, mes chers collègues, si vous avez le sentiment que je me répète par moments.

Je voudrais d’abord rappeler qu’un médecin a pour mission de soigner et, si possible, de guérir, qu’il a une obligation de moyen, mais pas de résultat. Le propos de Mme la ministre m’a un peu surpris, parce que je n’avais pas complètement compris – elle vient de me l’expliquer au banc, mais je pense qu’il vaut mieux qu’elle s’adresse à l’ensemble du Sénat – le parallélisme qu’elle a fait entre l’IVG et l’IMG.

L’IVG, c’est une interruption « volontaire » de grossesse. La clause de conscience spécifique pour l’IVG a été mise en place pour les raisons que vous connaissez et sur lesquelles je ne vais pas revenir. L’IMG, c’est une interruption non pas volontaire, mais « médicale », de grossesse.

La distinction est importante puisque, dans le cas d’une IMG, est en jeu la santé de la femme enceinte, ou celle de l’enfant ou peut-être même celle des deux. Il y a donc obligation, pour le corps médical dans son ensemble, de soigner.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai évidemment pas l’amendement. Mais je voudrais ajouter que la clause de conscience générale existe dans le code de déontologie des médecins, ainsi que dans le code de déontologie des autres professionnels de santé qui ont un ordre, en particulier les infirmiers.

Pourquoi ajouter une clause de conscience supplémentaire pour les personnels médicaux alors qu’elle existe déjà dans leurs codes de déontologie respectifs ?

Pour rassurer notre collègue et ami Guillaume Chevrollier, j’ajoute que la commission spéciale a voté l’alinéa 10 de l’article 21 qui, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, prévoit qu’un « médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Non seulement la clause de conscience existe dans les codes de déontologie des différentes professions médicales concernées par le sujet, mais en plus elle figure aussi dans le texte puisque nous l’avons prévue à l’article 21 !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 21 a pour objet de clarifier les conditions de ce qu’on appelle une IMG pour les mineures. Qu’est-ce qu’une IMG ? C’est une interruption volontaire de grossesse pratiquée pour motif médical. Actuellement, ses modalités sont précisées dans le code de la santé publique, qui renvoie aux dispositions relatives à l’interruption avant la fin de la douzième semaine de grossesse, alors que ces deux situations doivent être en fait clairement séparées.

C’est pourquoi, dans le cas de mineures à qui il est proposé une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, afin de ne pas faire simplement un renvoi vers le texte qui prévaut pour les IVG, nous avons souhaité préciser les choses dans cet article 21, pour que les équipes médicales ne se sentent pas en difficulté.

Il nous paraît donc important, par souci de parallélisme, de garder la clause de conscience prévue dans les cas d’IVG à moins de douze semaines, pour les cas d’interruptions volontaires de grossesse pour raisons médicales chez les mineures.

Telle est la position du Gouvernement que je défends. Ce n’est pas celle de certains d’entre vous qui vous êtes exprimés et qui allez néanmoins voter cet amendement, mais c’est peut-être celle d’autres sénateurs. Je tenais à clarifier la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, en vertu du parallélisme des formes, conserver la rédaction de la clause de conscience qui existe pour l’IVG.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Jomier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à Mme la ministre. Il n’y a aucun doute, nous visons le même objectif. La situation actuelle nous conduit à convenir qu’aucun médecin en France n’est contraint de pratiquer une IMG – cela n’existe pas.

Le parallélisme des formes que vous établissez entre l’IVG et l’IMG, je veux bien l’entendre. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, la clause de conscience spécifique sur l’IVG a des racines qui sont historiques. Elle est issue d’un contexte particulier à l’époque : une ministre qui, en difficulté pour faire adopter sa loi, a fait un certain nombre de concessions symboliques – le symbole est important en politique – qui permettaient d’apaiser la situation. Cette ministre a indiqué que personne ne serait contraint de pratiquer une IVG et que s’il fallait une double clause de conscience pour en être convaincu, elle la ferait figurer dans le texte. Que nous a montré la suite de l’histoire ? Qu’effectivement aucun médecin n’a été contraint.

En l’occurrence, la situation est différente. Il n’y a pas le même débat autour de la légitimité de la pratique de l’IMG : je n’ai entendu personne, sur aucune travée, remettre en cause le droit d’une femme à pratiquer une IMG, qui est une procédure particulièrement douloureuse et pénible. Le parallélisme politique des formes ne s’applique donc pas.

Quant au parallélisme juridique, la clause de conscience générale permet d’assurer la protection des médecins et des professionnels de santé, auxquels leurs codes de déontologie respectifs permettent de ne pas pratiquer un acte contraire à leur conscience.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. J’ai essayé d’y voir plus clair et, quand j’ai entendu Mme la ministre tenter une explication, je me suis dit que j’allais comprendre.

Mais, madame la ministre, je n’ai pas du tout compris ce que vous avez essayé d’expliquer. Je vais parler en tant que médecin, car je ne suis pas juriste : nous avons un code de déontologie – le code de la santé publique – que nous appliquons. Nous en sommes même fiers puisque, si je prends l’exemple du secret médical, nous estimons que ce code prévaut : le secret médical protège le patient. Nous ne voulons pas ouvrir de brèche : on ne peut donc pas dire qu’on va se servir de notre code de déontologie à certains moments et pas à d’autres.

Madame la ministre, je n’ai vraiment pas compris ce que vous disiez. Je pense que notre code de déontologie nous permet de ne pas effectuer cet acte si on y est opposé. Je suis vraiment de l’avis de mes confrères et je voterai contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié ter.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 278
Pour l’adoption 87
Contre 191

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 21.

(Larticle 21 est adopté.)

Article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 22

Article 21 bis

I. – Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER BIS

« Enfants présentant une variation du développement génital

« Art. L. 2131-6. – La prise en charge d’un enfant présentant une variation du développement génital est assurée après concertation des équipes pluridisciplinaires spécialisées des centres de référence des maladies rares compétents, dans les conditions prévues à l’article L. 1151-1. Cette concertation établit le diagnostic ainsi que les propositions thérapeutiques possibles, y compris d’abstention thérapeutique, et leurs conséquences prévisibles, en application du principe de proportionnalité mentionné à l’article L. 1110-5. L’équipe du centre de référence chargée de la prise en charge de l’enfant assure une information complète et un accompagnement psycho-social approprié de l’enfant et de sa famille.

« Le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital sont réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre parties prenantes, par la Haute Autorité de santé.

« Lors de l’annonce du diagnostic, le médecin informe les parents de l’enfant de l’existence d’associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes présentant une variation du développement génital.

« Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. »

II. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de l’arrêté pris en application de l’article L. 1151-1 du code de la santé publique, mentionné à l’article L. 2131-6 du même code, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’activité et au fonctionnement des centres de référence des maladies rares compétents concernant la prise en charge des personnes présentant des variations du développement génital en France. Ce rapport s’accompagne d’éléments chiffrés quant au nombre de personnes concernées chaque année.