M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 109.

M. Jean-Yves Leconte. La suppression de toute référence à un récépissé dans la loi pose d’énormes difficultés. Ce document est remis pour la durée de l’instruction d’une demande de titre de séjour. L’impact de la suppression dans la loi de la notion même de « récépissé » échappera ensuite au législateur, alors qu’il s’agit d’une garantie essentielle pour l’exercice des droits du demandeur.

Il n’est pas du tout acceptable d’imaginer que les files d’attente qui existent dans les préfectures n’existeront plus quand on les aura rendues virtuelles. On double encore les refus ; c’est encore une négation des droits des étrangers.

En outre, l’impact de cette mesure est mal évalué aujourd’hui. Comme cela a déjà été dit, la législation actuelle prévoit précisément la remise d’un récépissé à toute personne admise à soumettre une demande de première délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour. Le récépissé est fabriqué par la préfecture et remis en main propre : c’est un document officiel sérieux. Déjà, aujourd’hui, compte tenu des files d’attente et des difficultés, beaucoup de personnes n’en disposent pas et ne sont pas en mesure de faire valoir leurs droits ni de prouver la régularité de leur séjour quand on le leur demande.

La dématérialisation totale envisagée pose de nombreuses difficultés, que ce soit l’accès à internet, ou encore la maîtrise de la langue. De nouveaux dysfonctionnements sont possibles au vu de ceux qu’on observe autour des queues électroniques dans les préfectures. Les droits associés au récépissé vont enfin être encore plus remis en cause, car tout sera renvoyé à des décrets dont nous ne connaissons pas aujourd’hui la teneur. C’est donc à la fois une perte de droits pour les demandeurs et une perte de capacité du Parlement à garantir ces droits.

Enfin, le contenu des futurs textes d’application est très flou. Le récépissé officiel remis en préfecture sera remplacé, d’abord, par une attestation dématérialisée de dépôt, puis par une éventuelle attestation de prolongation d’instruction, avant que soit finalement remise une attestation de décision favorable. Du point de vue de la simplification administrative, on fait mieux ! Si l’on veut des documents sérieux permettant d’éviter les fraudes, on fait également mieux ! Un récépissé permet de donner des garanties au demandeur. Cette mesure va complètement à rebours de la simplification administrative ; il convient donc de supprimer cet article.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Yves Leconte. Nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état, car cela complexifierait l’action publique, précariserait les demandeurs. Mme la rapporteure…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Jean-Yves Leconte. … a effectivement apporté quelques garanties, mais il conviendrait de supprimer cet article pour s’en assurer complètement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. L’article 38 clarifie les modalités de dépôt des demandes de titres de séjour. Il remplace les dispositions législatives prévoyant la délivrance de récépissés par une référence plus générale à des documents provisoires. La commission spéciale ayant approuvé cette clarification, elle est donc en toute logique défavorable à ces amendements de suppression, pour plusieurs raisons.

Premièrement, les auteurs de ces amendements dénoncent d’abord une dépossession du législateur, mais les ajustements proposés au présent article sont de portée très limitée. Il s’agit uniquement d’une clarification entre les dispositions relevant du domaine de la loi et celles qui appartiennent au domaine réglementaire.

Deuxièmement, cet article supprimerait les bases législatives du droit au séjour en matière de récépissé. Je veux rassurer les auteurs de ces amendements : il n’en est absolument rien. Le principe du droit temporaire au séjour pendant l’examen d’une demande reste évidemment affirmé au niveau législatif.

Enfin, les auteurs de ces amendements redoutent les dangers de la dématérialisation envisagée par le Gouvernement. Certes, on peut partager leurs préoccupations, mais ce n’est pas du tout l’objet de l’article que nous examinons, qui ne fait que rappeler la répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire. La mise en place de l’application informatique interviendra dans quelques années, par décret. C’est à cette étape qu’il faudra être attentif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir apporté des clarifications qui me paraissent utiles sur cet article. Il n’est effectivement pas question de modifier les procédures relatives aux titres de séjour, mais simplement de simplifier ces procédures.

En effet, ceux qui en ont l’usage doivent actuellement se rendre une première fois à la préfecture pour déposer leur demande, une nouvelle fois pour l’obtention du récépissé, puis une troisième fois pour la délivrance du titre définitif. Il sera désormais possible d’accomplir ces démarches de manière dématérialisée, mais le demandeur pourra toujours se rendre à la préfecture pour remplir le dossier avec l’aide de ses agents d’accueil. Cela permet de répondre au problème de l’illectronisme : que l’agent entre les informations sur son ordinateur ou que le demandeur le fasse depuis chez lui, le résultat est le même. Il est important de préciser que l’accueil en préfecture sera évidemment maintenu.

Par ailleurs, madame la sénatrice, vous avez évoqué les demandeurs d’asile et la Cimade, mais ce n’est pas du tout ce dont il est question : on parle ici de titres de séjour et non des procédures relatives aux demandeurs d’asile, qui se déroulent devant l’Ofpra.

L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc défavorable, puisque notre objectif est de faire en sorte que ceux qui peuvent se servir des outils numériques soient autorisés à les utiliser pour leur demande de titre de séjour, sans avoir à prendre un congé ou à faire la queue ; quant à ceux qui ont besoin d’être accompagnés, ils pourront comme aujourd’hui venir en préfecture et y recevoir de l’assistance. Le temps dégagé pour l’accueil en préfecture par les agents du service administratif pourra ainsi être consacré à accélérer l’instruction des demandes. Il s’agit donc bien d’une simplification.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la secrétaire d’État, j’entends bien ce que vous nous dites : il ne s’agirait pas de changer le droit des étrangers. Il me faut en revanche vous poser une question simple : avec quels documents sérieux les demandeurs feront-ils valoir leur droit au séjour, dès lors qu’il n’y aura plus de récépissé ?

Vous indiquez que la dématérialisation permet d’éviter les queues, mais beaucoup de dysfonctionnements ont été relevés pour les queues électroniques.

Nous sommes inquiets quant à cet aspect du problème, mais la question fondamentale est bien la capacité de quelqu’un qui bénéficie d’un droit au séjour à faire valoir ce droit par un document sérieux. Nous n’avons pas reçu de réponse à cette question, et nous ne souhaitons pas que le Parlement soit dessaisi de sa capacité à permettre aux demandeurs de faire valoir leurs droits.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je dois dire que cette discussion me laisse assez perplexe. Il est vrai que la Cimade ainsi que d’autres associations ont explicitement fait campagne contre la dématérialisation. J’ai du mal à saisir leurs raisons : la dématérialisation est quand même la voie de l’avenir ! Nous la pratiquons d’ailleurs déjà pour les Français de l’étranger. Nous allons voter de façon électronique. Nous pouvons obtenir des certificats de vie de la sorte.

La dématérialisation se généralise donc. On comprend bien pourquoi. Je suis notamment surpris qu’on accepte les longues files d’attente qui se déroulent devant les préfectures.

M. Jean-Yves Leconte. On les en dissuade, on ne les verra plus !

M. Richard Yung. Vous savez comme moi qu’on doit téléphoner pour prendre un rendez-vous, mais qu’on passe ensuite un certain temps, une partie de la journée, voire la nuit, devant le guichet de la préfecture, sans parler des trafics où les places dans la queue sont revendues. Ce n’est pas à la hauteur de la République !

Je ne peux pas répondre à la question de M. Leconte sur les documents sérieux : je ne connais pas de documents qui ne le soient pas. J’imagine que, quand on aura rempli sa demande, on recevra, comme pour sa déclaration d’impôts, un avis informant que la demande a été déposée à telle date et qu’elle est donc valable. Ce sera un document sérieux ! J’ai donc du mal à suivre les demandes de suppression de l’article 38.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 73 rectifié, 93 rectifié et 109.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mme Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Au dernier alinéa de l’article L. 311-1, après les mots : « peut solliciter », sont insérés les mots : « par voie dématérialisée, dans la mesure du possible, » ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 74 est retiré.

L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Yung, Bargeton et Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

1° Le premier alinéa de l’article L. 311-4 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « d’une attestation de demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour » sont remplacés par les mots : « d’un document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour » ;

… La seconde phrase est ainsi rédigée : « Ces documents autorisent leurs titulaires à exercer une activité professionnelle, à l’exception du document provisoire délivré à l’occasion de la demande d’une carte de séjour prévue à l’article L. 313-6 ou à l’article L. 317-1, ainsi que du document provisoire délivré à l’occasion de la demande de première délivrance de la carte de séjour mentionnée à l’article L. 313-11-1, sauf s’il est délivré en application du II de cet article et que son bénéficiaire séjourne en France depuis au moins un an. » ;

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à garantir aux titulaires des documents provisoires dont on vient de parler le droit à l’exercice d’une activité professionnelle pendant la durée d’instruction de leur demande. C’est une demande qui est faite depuis de nombreuses années par les différentes associations qui suivent les demandeurs de titres de séjour ou d’asile, ainsi que par le Défenseur des droits.

Il s’agit selon moi d’une proposition de bon sens : pouvoir travailler et disposer d’un revenu pendant cette période, qui dure souvent plus de six mois, est une garantie de la préparation à l’intégration de cette personne.

Nous prévoyons que trois catégories ne seraient pas autorisées à travailler : ceux qui ont sollicité les cartes de séjour « visiteur » et « retraité », ainsi que la carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Les droits attachés au document provisoire de séjour délivré dans l’attente de la délivrance d’un titre de séjour ou pendant l’instruction de la demande sont actuellement prévus par l’article R. 311-6 du Ceseda. Ils sont en cohérence avec les droits attachés au titre de séjour, qui, eux, sont prévus par voie législative. La question de l’accès à la capacité d’exercer une profession est d’ores et déjà prise en compte de manière réglementaire et selon des conditions qui ont été établies.

Pour le Gouvernement, il s’agit là d’un équilibre juste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. C’est un amendement de bon sens, dont l’adoption permettrait de rendre un peu plus sérieux le document dont il est question.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur Yung, nous ne sommes absolument pas opposés à la dématérialisation, qui, dans bien des cas, permet des avancées ; ce n’est pas du tout notre propos. Notre préoccupation, c’est de faire valoir les droits. C’est justement l’objet de votre amendement, puisqu’il tend à préciser encore les droits relatifs à l’attestation qui serait remise. Nous y sommes donc favorables.

Pour autant, nous nous interrogeons toujours sur la pertinence qu’il y a à remplacer un récépissé remis en préfecture – même si je comprends que cela suppose de se déplacer – par des documents qui seraient envoyés après une simple connexion sur le site internet de la préfecture. Que se passe-t-il lors d’un contrôle ? Ce n’est tout de même pas tout à fait la même chose, et c’est pour cela que nous y étions opposés.

Je le répète, nous ne sommes pas contre la dématérialisation, bien au contraire. Nous voulons une dématérialisation qui permette aux personnes concernées de continuer à faire valoir leurs droits, comme c’est ce que vous proposez avec cet amendement. Nous le voterons.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Ça n’a rien à voir ! Nous parlons là d’une disposition législative ou réglementaire, pas d’un récépissé ou d’un document.

Cela étant, nous établissons tous notre déclaration fiscale par le biais d’un process numérique sécurisé, tout en ayant la capacité de présenter des documents, le cas échéant. Sécuriser un process numérique, sécuriser l’équivalent d’un récépissé, qui n’est pas papier, mais que vous pouvez montrer à tout instant lors d’un contrôle et qui justifie des mêmes droits, est aujourd’hui techniquement très facile avec les moyens dont nous disposons. D’ailleurs, c’est probablement beaucoup plus sécurisé qu’un papier obtenu à la préfecture.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 134 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans l’attente de la délivrance de la carte de résident, l’étranger a le droit d’exercer la profession de son choix dans les conditions prévues à l’article L. 314-4.

II. – Alinéa 6

Supprimer les mots :

et exerce la profession de son choix

III. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans l’attente de la délivrance de la carte de séjour mentionnée au présent article, l’étranger a le droit d’exercer la profession de son choix dans les conditions prévues à l’article L. 314-4.

IV. – Alinéa 10

1° Supprimer les mots :

et exerce la profession de son choix

2° Après le mot :

délivrance

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

de cette carte de séjour. » ;

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il s’agit de rétablir au niveau législatif la possibilité pour ce public d’exercer une activité professionnelle, dans l’attente de la délivrance du titre, tout en renvoyant au niveau réglementaire le soin de matérialiser ce droit à travers la délivrance d’un document.

Le Gouvernement partage l’intention de la rapporteure d’inscrire au niveau de la loi que les réfugiés et les titulaires de la protection subsidiaire bénéficient du droit d’exercer la profession de leur choix dans l’attente de la délivrance de leur titre de séjour. Toutefois, l’amendement adopté en commission est ambigu. En effet, la rédaction laisse entendre qu’un décret pourrait aménager cette liberté de choix dans un sens restrictif. C’est pourquoi le présent amendement a pour seul objet de clarifier l’intention du législateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. La commission spéciale est favorable à cet amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Nous sommes nous aussi favorables à cet amendement.

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de revenir encore une fois sur vos propos. (Marques dagacement sur diverses travées.) Certes, vous ne représentez pas de la place Beauvau, mais je rappelle que le récépissé est le seul document français permettant d’établir qu’un étranger a déposé une demande de titre de séjour. Il s’agit donc d’un document très important ; ce n’est pas un simple code-barres que l’on peut présenter en cas de contrôle d’identité !

À vous suivre, on pourrait tout aussi bien considérer qu’il n’est pas nécessaire de demander aux Français de se rendre à la préfecture pour y faire des demandes de passeport, dès lors que les empreintes existent ! On pourrait aussi simplifier de cette manière, mais on ne le fait pas, parce que l’on considère que, dans certaines circonstances, il faut des documents sérieux.

Je suis désolé…

M. le président. Vous êtes désolé, mais je le suis encore plus que vous ! Il existe un règlement qui organise nos débats et que chacun est tenu de respecter. Vous ne pouvez pas profiter de l’examen d’un amendement pour vous exprimer sur un sujet qui n’a rien à voir !

M. Jean-Yves Leconte. C’est le même article, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Jean-François Longeot, président de la commission spéciale sur le projet de loi daccélération et de simplification de laction publique. Pour clore ce débat, je prendrai un exemple tout bête. Dans le train, on n’a pas tous le même billet – certains ont des billets électroniques –, et cela fonctionne. Il faut se mettre au goût du jour.

M. Jean-Yves Leconte. C’est pareil avec les passeports !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 134 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 38, modifié.

(Larticle 38 est adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Article additionnel après l'article 38 - Amendement n° 111

Articles additionnels après l’article 38

M. le président. L’amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. Yung, Bargeton, Théophile et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Après l’article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 171-2 est supprimé ;

2° Les articles 171-3 et 171-4 sont abrogés ;

3° Le deuxième alinéa de l’article 171-5 est supprimé ;

4° L’article 171-6 est abrogé ;

5° Les premier et deuxième alinéas de l’article 171-7 sont supprimés.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à simplifier les démarches administratives que doivent accomplir les Français désirant se marier à l’étranger devant l’autorité locale compétente. Je propose, d’une part, de supprimer l’obligation de solliciter la délivrance d’un certificat de capacité à mariage auprès de l’autorité diplomatique ou consulaire compétente et, d’autre part, de supprimer la procédure d’opposition.

Instaurées par la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages, ces formalités ne sont pas nécessaires. En effet, l’obligation d’obtention du certificat de capacité à mariage – expression assez peu heureuse, soit dit en passant – ne s’applique pas aux Français désirant se marier en France ; à la mairie, aucun fonctionnaire ne vous pose des questions indiscrètes. Par ailleurs, le parquet a la possibilité de s’opposer à la transcription d’un acte de mariage étranger sur les registres de l’état civil français ; c’est le tribunal de Nantes qui est spécialisé dans ces procédures. En outre, les Français dont le mariage a été célébré par une autorité étrangère ne sollicitent pas tous la transcription de leur acte de mariage. Enfin, la nullité d’un mariage célébré à l’étranger peut être demandée dans un délai de trente ans à compter de sa célébration.

J’ajoute que l’organisation des entretiens préalables aux mariages représente une charge de travail très importante pour les consulats – tous l’ont évoqué lorsque nous les avons rencontrés. Qui plus est, c’est très intrusif, puisqu’il s’agit d’entretiens séparés sur des questions d’ordre personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Cette volonté de simplification me semble louable. Toutefois, les travaux que j’ai menés dans le cadre de l’examen du projet de loi ne me permettent pas d’avoir la certitude que les modifications proposées n’entraîneraient pas une aggravation du risque de nullité et de fraude. C’est la raison pour laquelle la commission spéciale demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Adopter les dispositions que vous proposez reviendrait à supprimer tout contrôle a priori des mariages que les Français souhaitent contracter à l’étranger devant l’autorité locale compétente, tel que cela est effectué par les officiers d’état civil communaux lorsque le mariage est célébré en France. Or c’est dans l’optique d’apporter une protection identique aux Français souhaitant se marier à l’étranger que la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages a été adoptée.

Il s’agit de s’assurer du consentement non vicié des futurs époux souhaitant contracter mariage, afin que cette institution ne soit pas détournée pour obtenir ou faire obtenir la nationalité française ou un titre de séjour sur le territoire français ou d’autres objets. Ces dispositifs ont un sens et une utilité, puisque le parquet de Nantes a prononcé, en 2018, 365 oppositions à mariage ainsi que 93 oppositions à la transcription d’un mariage célébré à l’étranger.

Ces dispositifs nous paraissent équilibrés : ils s’attachent à concilier les impératifs que constituent – vous avez raison, monsieur le sénateur – la liberté fondamentale du mariage et la lutte contre les mariages frauduleux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. J’aurais pu déposer le même amendement il y a quelques années, et je pense même l’avoir fait. Reste que, dans un certain nombre de cas, le certificat de capacité à mariage peut être utile.

Madame la secrétaire d’État, la simplification pourrait consister à avoir l’assurance absolue que la transcription du mariage demandée au consulat est réalisée immédiatement, une fois le certificat de capacité à mariage délivré, et pas après des mois comme cela arrive parfois. En effet, si les vérifications ont été réalisées préalablement au mariage, une fois que celui-ci a été prononcé par l’autorité locale, la demande de transcription déposée au consulat ne doit pas prendre plus de quelques heures.

Certains consulats font encore la démarche deux fois. Ce n’est pas logique. Ce n’est pas la simplification. Si le contrôle a priori peut avoir un sens – c’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement –, il n’y a pas de raison qu’un nouveau contrôle soit entrepris au moment de la demande de transcription de l’acte de mariage.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Madame la secrétaire d’État, le fait que le tribunal de Nantes, qui est compétent en la matière, ait prononcé 365 annulations de mariages célébrés à l’étranger montre précisément que cette procédure n’est pas efficace, puisque ces mariages n’ont pu être empêchés.

Comme le dit à juste titre M. Leconte, ce certificat de capacité à mariage a pour but une transcription rapide. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 38 - Amendement n° 80 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Article 39

M. le président. L’amendement n° 111, présenté par MM. Leconte et Sueur, Mme Artigalas, MM. Houllegatte et Kerrouche, Mmes Préville et S. Robert, MM. Kanner, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, M. Jacquin, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 38

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 111-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 111-8-… ainsi rédigé :

« Art. L. 111-8-…. – Les démarches entreprises par l’étranger en vertu des dispositions du présent code, ainsi que la communication des informations ou décisions qui en résultent, s’exercent par tout moyen. Toutefois, le moyen numérique ne peut être exclusif des autres moyens de communication. »

II. – Après l’article L. 111-1 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 111-1-…. – Les échanges entre le public et l’administration s’exercent par tout moyen. Toutefois, le moyen numérique ne peut être exclusif des autres moyens de communication. »

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe selon lequel la dématérialisation, contre laquelle nous n’avons rien, ne peut se faire au détriment des autres moyens de communication entre les autorités publiques et les citoyens, français comme étrangers.

Si la dématérialisation peut simplifier et accélérer les démarches administratives, nous ne pouvons pas obliger les personnes à utiliser ces moyens lorsqu’elles ne sont pas en mesure de le faire, soit pour des raisons d’incapacité d’usage d’internet, soit pour des raisons linguistiques.

Il s’agit donc de permettre un droit d’option sur des procédures qui doivent rester des procédures physiques et traditionnelles lorsque les personnes le souhaitent.